Le déplacement du t r a v a i l
MÉMOIRE de RECHERCHE
par Dorothée de Suremain
dirigé par Olivier Blondeau
Master 2 Management Multimédia
2012 - 2013
CNA CEFAG80 Rue Jules Ferry 93170 Bagnolet
2
REMERCIEMENTS
Je remercie Olivier Blondeau d’avoir accepté d’encadrer ma recherche et de m’avoir guidée
dans la conduite de ce travail. Je remercie aussi Nathalie Schipounoff, relectrice de ce
mémoire.
Je tiens à remercier aussi toute l'équipe pédagogique pour leurs ressources et leur aide
précieuse.
Je remercie toutes les personnes interviewées qui ont accepté de participer à cette
recherche pour leur disponibilité, leurs remarques, leurs questions, leur curiosité, leur intérêt
et leur soutien.
Merci à toutes les personnes qui ont accepté de m’aider dans la relecture et la correction de
ce mémoire.
3
RÉSUMÉ
FR
Une partie de ce qui construit et structure le monde du travail est amené à se
modifier et/ou à se déplacer de manière significative : le lieu, le rythme, le
management, le besoin. Les nouvelles pratiques des travailleurs connectés
mettent en évidence ce séisme dans le monde du travail.
En observant et en analysant leurs pratiques, il s'agit de mettre en avant ce
qui s'est déplacé et ce qui est en train d'être déplacé dans le monde du travail
à l'ère du numérique.
Mon hypothèse est que le travailleur doit se réapproprier la gestion de son
travail afin de pouvoir contrôler au mieux son déplacement qui n'est pas
éphémère mais peut intervenir à tout moment et par différentes portes.
UK
Part of what building and structuring the world of work is going to move and
shift significantly : place, time, management, need. New practices of workers
connected highlight this earthquake in the world of work. By observing and
analyzing their practices, it is to highlight what moved and what is about to be
moved into the world of work in the digital age.
My hypothesis is that the worker must reclaim the management of its work in
order to maximize control of its movement is not ephemeral but can occur at
any time and by different opens.
4
SOMMAIRE
REMERCIEMENTS.......................................................................... 3
RÉSUMÉ........................................................................................ 4
TECTONIQUE DU TRAVAIL ............................................................7
I/ Le monde du travail et ses bouleversements “annoncés”...............9
A/ La place fondamentale du travail..........................................101/ Du travail vers l'emploi ....................................................112/ La question du contrat .....................................................123/ Privé et espace public ......................................................13
La perruque.................................................................. 13
B/ Ouvrier et productivité .........................................................151/Nouvelles méthodes d’organisation....................................162/ Condition des travailleurs .................................................17
C/ Economie numérique ...........................................................191/ Technologie en mouvement............................................... 192/ Nouvelle organisation managériale...................................21
Le knowledge management : .........................................21
II/ Les pratiques des travailleurs connectés.....................................23
A/ Le travail s'autonomise.........................................................241/ Une génération d'indépendants ?......................................242/ Le salariat de confiance devient flexible............................26
B/ Le travail change de lieu......................................................281/ La mobilité des travailleurs et tiers-lieux.............................28
a/Travail mobile...........................................................28Cas d'observation......................................................... 29b/Tiers-lieux..................................................................29
2/ Télétravail et entreprises .................................................. 31Cas d'observation......................................................... 32
C/ Introduction et consultation du “numérique personnel” au travail............................................................................................... 35
1/ BYOD : outils personnels à des fins professionnelles ..........36Cas d'observation......................................................... 36
2/Consultation et utilisation d'Internet sur le temps de travail...37Cas d’observation......................................................... 40
5
Réponse des entreprises : filtrage d'Internet....................41
III/ Entre interruptions et éclatement, une nouvelle organisation.....42
A/ Distractions vs perturbations.................................................431/ Oisif et productif ............................................................. 43
Cas d'observation......................................................... 432/ Surcharge informationnelle et multitâche ..........................45
Cas d'observation......................................................... 463/ “Injonctions de connexion”...............................................46
Cas d'observation......................................................... 46
B/ Éclatement des sphères privée et professionnelle....................481/ Le travail dans le privée ..................................................48
Cas d'observation......................................................... 492/ Une vie sociale en continue..............................................50
Cas d'observation.........................................................51
C/ Travail modulé : s'organiser pour travailler............................521/ Organisation de l’espace numérique de travail..................52
a/ Espace et outils numériques ......................................52b/ Espace numérique de travail....................................53Cas d'observation......................................................... 53
2/ Gestion du temps ............................................................ 55
L'APPROPRIATION DU TRAVAIL ? ................................................57
BIBLIOGRAPHIE........................................................................... 60
ANNEXES....................................................................................63
Annexe n°1............................................................................. 64
Annexe n°2............................................................................. 67
Annexe n°3............................................................................. 71
Annexe n°4............................................................................. 74
6
TECTONIQUE DU TRAVAIL
Le monde du travail se déplace de différentes manières dans notre société actuelle.
Le déplacement de l'emploi. La délocalisation des entreprises illustre le déplacement de la
main d'oeuvre pour bénéficier d'une main d'oeuvre moins chère.
Le déplacement de la valeur ajoutée du travail. Les bénéfices de l'entreprise Goodyear ont
augmenté de 12% en 2012 et pourtant elle ferme ses usines à Amiens. Ses bénéfices ne
sont plus injectés dans la manufacture mais dans le profit.
Le déplacement du temps de travail. Les travailleurs travaillent beaucoup moins qu'avant
depuis la réforme des 35h.
Le déplacement du lieu de travail. Dans une société de services, le télétravail amène le
travailleur à travailler de chez lui.
Le déplacement de la hiérarchie. La relation de l'employé et de son supérieur n'est plus
aussi claire. Elle vient s’aplanir dans une société de collaboration.
Le déplacement du contrat de travail. Le contrat de travail, structuré par la signification du
lieu, du temps et du lien de subordination du travail, devient une nébuleuse presque
indomptable.
Ce sont les pratiques des travailleurs à l'ère du numérique qui illustrent ces différents
déplacements à plus petite échelle et qui permettent de les mettre en évidence.
Le travailleur connecté se déplace tout le temps. Son lieu de travail n'est plus unique mais
diverses. Grâce à son utilisation des outils numériques il est amené à travailler en tout lieu,
de chez lui ou dans les transports.
Il déplace ses communications en passant de son téléphone portable, vers son compte
Facebook ou sa boite mail.
Il déplace ses tâches de travail en passant de l'écriture d'un mail à la rédaction d'un cours
qu'il donnera.
Il déplace ses horaires de travail en communiquant avec sa famille durant sa journée.
L’ordre du monde du travail structuré par le contrat de travail, le lieu de travail, le temps de
travail, la frontière vie privée/vie professionnelle, ces plaques viennent complètement
7
s'effriter et se mélanger les unes aux autres. Il s'agit d'une vraie tectonique des plaques qui
créé un séisme pour le monde du travail et pour sa structuration.
Quelles sont les nouvelles pratiques des travailleurs qui illustrent le déplacement du travail ?
Quelle est l'origine des ces déplacements du travail à l'ère du numérique ? Comment ces
changements peuvent-ils être gérés ? Vers qui ou vers quoi tend la gestion du travail ? Le
travailleur connecté et mobile est-il amené à devoir manager lui-même les modulations de
son travail ? Je veux montrer qu’à l’ère du numérique se pose véritablement la question de la
gestion des déplacements du temps et du rythme de travail pour un travailleur connecté et
mobile.
Dans un premier temps, reprendre les fondamentaux du monde du travail, le passage du
travail vers l'emploi et ses évolutions au fil des révolutions industrielles et technologiques
permettront de mettre en avant les méthodes de management afin d'expliquer la construction
contemporaine du travail. Et la vision du monde du travail qu'a le travailleur.
Dans un second temps, j'étudierai les pratiques des travailleurs à l'ère du numérique pour
mettre en évidence des tendances et des besoins des travailleurs. Cela permettra de faire
émerger des conséquences en terme de conditions de travail.
Au final, expliquer les mouvements du travail et les éléments par lesquelles son déplacement
se fait, donne un réponse sur ce qui permettrait de gérer ce déplacement.
8
I/ Le monde du travail et ses bouleversements “annoncés”
Le monde du travail dans sa signification sociologique est ce qui construit notre société
moderne. Il permet de réguler l’économie, la politique et le monde. Se poser la question du
travail à l'heure du numérique relève la question de la différenciation entre le travail et
l'emploi. Les deux se distinguent par le contrat de travail et le lien de subordination qui en
découle. L'emploi permet de structurer le travail et de le réguler avec un contrat. Le contrat
de travail est un accord entre personnes morale (employé/employeur) liés entre eux afin de
conditionner l'exécution du travail. Par rapport à cela l'employé doit remplir certaines
conditions pour effectuer son travail : arriver à une certaine heure, faire tel nombre d'heures,
se rendre sur son lieu de travail, effectuer les tâches qui lui sont attribuées.
L'emploi a un poids important dans notre société car il est aussi un moyen pour l'individu de
gagner sa vie. La rémunération par l'argent est une autre forme de reconnaissance sociale
du travail.
Au delà de la rémunération du travail, qui est pour certains une finalité, il y a la
reconnaissance dans le travail. Le travail permet à l'individu d'être reconnu et de se faire une
place dans la société du à la place importante du monde du travail dans notre société.
Cependant sa glorification telle que nous la connaissons n’a pas toujours été présente. Le
monde du travail et ses évolutions ont dû faire face à des changements fondamentaux et des
bouleversements qui l’ont traversés : l’essor de l’automatisation, les flux migratoires des
travailleurs, la diminution de l’emploi. Les méthodes d'organisation et le management qui
sont nés de la régulation du travail sont venus redéfinir le monde du travail dans une société
numérisée.
Il est intéressant de voir comment la place du travail a évolué au cours du temps pour
devenir aujourd’hui un des piliers de notre société, mais aussi de comprendre comment le
schéma de l’employabilité et son avenir sont remis en question suite aux différentes
révolutions qui l’ont traversé et notamment celle de la révolution technologique.
9
A/ La place fondamentale du travail
Dans sa définitions pure, le travail représente « une activité de l'homme appliquée à la
production, à la création, à l'entretien de quelque chose »1. Le travail naît de l'homme, il naît
de sa volonté d’exécuter. La notion du travail représente l'exercice de soi.
L'origine étymologique du mot « travail » est « tripalium » qui signifie « torture »2. Durant
l’Antiquité, le travail représentait les tâches qui étaient dépendantes de la condition et de la
vie humaine, telles que le sont les tâches ménagères. Le travail était vu comme un
asservissement à la vie. Celui qui était obligé de travailler était un esclave de sa propre vie3.
Ainsi on cantonnait le travail dans le privé, dans l’intime, sans qu’il n’en sorte. Le travail se
situait dans la sphère privée uniquement. L’espace publique, lui, était défini par l’expression
orale de la connaissance et de la réflexion. Aucune dignité de l'homme ne pouvait ressortir
du travail à l'époque.
L'exemple du travail à la maison pour l'homme ou la femme au foyer effectuant différentes
tâches permet de définir les principales caractéristiques du travail :
la reconnaissance du travail accompli pour l'individu : faire les courses pour préparer
à manger.
la visibilité sur l'activité ou sur le produit fini : une vaisselle lavée par rapport à une
vaisselle qui ne l'était pas avant.
L'homme au foyer qui exerce son travail a les capacités de préparer son pain chez lui. Tandis
que le boulanger va exercer son travail de boulanger et préparer son pain lui aussi,
cependant il va avoir une reconnaissance publique de son travail par rapport à l'homme au
foyer. D'une part il prépare du pain, non pas pour sa famille seule, mais pour toute la
population, donc en grande quantité, il produit en masse. D'autre part il va être payé pour ce
travail. La reconnaissance du travail par la rémunération du travail vient le placer dans
l'espace publique et lui donne une force dans la société.
La notion de rémunération dans l'accomplissement de son travail n'était pas du tout prise en
compte à une certaine époque. Le travail vient alors se déplacer de l'espace privé vers
l'espace publique en devenant non plus un asservissement mais une reconnaissance
monnayée. Le boulanger n'est pourtant pas un employé, il n'a pas de lien de subordination.
C'est une des caractéristiques de l'emploi, en plus de la rémunération qui vient réguler et
structurer le travail.
1 LE PETIT LAROUSSE ILLUSTRÉ (1994), 1 vol., Lech Walesa, (p. 593) Paris : Larousse2 LE PETIT LAROUSSE ILLUSTRÉ (1994), 1 vol., Lech Walesa, (p. 593) Paris : Larousse3 Arendt, H. (1958). Condition de l’homme moderne. Paris : POCKET.
10
1/ Du travail vers l'emploi
« Le travail (comme mode de production) est historiquement très ancien, alors que l’emploi
est une manière de réguler au niveau sociétal le travail. »4
Le travail est un mode de production. L'individu va pouvoir produire en exerçant une activité.
Avec l'avénement d'une société capitaliste, un moyen d'utiliser et de rentabiliser l'exécution
de son activité est trouvée. L'emploi permet de bénéficier de l'activité d'un employé pour une
entreprise ou une organisation. Par exemple, la main d'oeuvre permet de produire un produit
pour une entreprise. Elle est la part de l'activité humaine sur la production d'un bien.
L'emploi est une manière de réguler le travail au niveau de la société. Il permet de faire
rentrer la production dans une système économique. Mais il contraint aussi l'individu,
l'employé, à travailler. Il cantonne l'individu à accomplir sa tâche.
La rémunération est aussi instaurée par l'emploi. Elle est une reconnaissance pour l'employé
de l'accomplissement de son travail. Par l'emploi, l'employé est dés lors rattaché par un lien
de subordination avec son entreprise.
Afin de faire rentrer le travail dans un système économique, l'énergie du travail à accomplir
pour fournir un produit ou un service a été calculée et mesurée. En ce sens Karl Marx5 parle
de la force de travail.
Durant la première moitié du 19ème siècle, le travail est lié à la notion de “productivité” avec
l’avènement des doctrines de Karl Marx. La productivité représente la quantité de biens ou
de services produits par une quantité d'activité et d'énergie (main d'oeuvres, ressources)
toujours plus faible6.
La productivité de la force de travail, et non pas du travail en lui-même, est la base de la
théorie de Marx. Elle permet de générer un surplus, plus qu’il ne faut pour sa reproduction :
« on peut la canaliser de telle sorte que le travail de quelques-uns suffisent à la vie de
tous »7 . Le travail devient productif dans le sens où il déploie une véritable énergie humaine
qui vient faire vivre la production.
4 Poglia, F. (2006) Sociologie générale 2. Partie II : le travail5 Karl Marx un historien, journaliste, philosophe, économiste, sociologue, essayiste et théoricien
révolutionnaire socialiste et communiste allemand.Il est connu pour sa conception matérialiste de l'histoire, sa description des rouages du capitalisme, et pour son activité révolutionnaire au sein des organisations ouvrières en Europe.
6 Chambre de commerce et d'industrie de Paris, Direction des relations internationales de l'enseignement. (2011) Ressources pour les enseignants et les formateurs en français des affaires, notion : la productivité http://www.francais.cci-paris-idf.fr/wp-content/uploads/downloads/2011/10/productivite.pdf.
7 Arendt, H. (1958). Condition de l’homme moderne. Paris : POCKET. Hannah Arendt est une philosophe d’origine allemande effectuant ses travaux sur l’activité politique, le totalitarisme et la modernité
11
Karl Marx souhaitait éliminer le travail du besoin ; pour lui le travail créé l’homme : « la
création de l’homme par le travail humain »8 . C’est durant cette période que la glorification
du travail a émergé. Le travail a été mis sur un piédestal afin de construire l'homme et notre
société.
2/ La question du contrat
Le contrat permet d'organiser les droits des travailleurs et d'avoir un « accord » en bonne et
due forme avec ses supérieurs. Le contrat permet aussi de séparer les forces de droit et de
devoir entre l'employé et l'employeur.
Aujourd'hui le contrat structure le nombre d'heures, la rémunération du travail ainsi que la
bonne exécution du travail.
Dans notre société contemporaines, à l'heure du monde du travail, les 3 éléments
indispensables à l'existence d'un contrat de travail sont :
une prestation (un travail) ;
une rémunération (en général un salaire) ;
un lien de subordination juridique qui s'entend comme la faculté pour l'employeur
d'exercer sur le salarié une autorité, de lui donner des ordres et des directives, d'en
contrôler l'exécution et de prendre, le cas échéant, des sanctions à son encontre 9.
Le lieu et le nombre d'heures de travail sont eux aussi généralement indiqués. Le contrat est
une garantie pour l'employeur de l'exécution du travail. L'employé est contraint juridiquement
à fournir un travail et ce sous la direction de l'employeur.
Plus que de garantir la bonne exécution du travail, le contrat permet aussi de séparer
l'espace professionnel (l'emploi) de l'espace privé (vie privée) en définissant un lieu et un
temps de travail. Le contrat permet de contrôler la tâche de travail. Les heures de travail
doivent être consommées pour le travail et pour le travail uniquement.
8 Arendt, H. (1958). Condition de l’homme moderne. Paris : POCKET. Hannah Arendt est une philosophe d’origine allemande effectuant ses travaux sur l’activité politique, le totalitarisme et la modernité
9 Colin,P. (27 novembre 2012) Différents contrats de travail : ce qu'il faut savoir. Pratique.fr consulté le 27 janvier 2013 sur http://www.pratique.fr/contrat-travail-savoir-differents-contrats.html
12
3/ Espace privé et espace public
La naissance de l'emploi, le contrat de travail et la notion de productivité font évolué notre
vision du travail comme un espace complètement indépendant de notre vie privée. Le
développement d'un système capitaliste et l'avènement de l'industrialisation ont ancré dans
notre esprit qu’il fallait séparer l’individu de sa sphère privée afin de préserver sa productivité
et son efficacité. Le travail devient en un siècle un espace qui est séparé de l'espace de vie
privée. Durant la période industrielle, le travail et l'emploi sont complètement séparés de la
vie privée. Le lieu de travail est uniquement destiné à l'exécution du travail.
Pourtant la sphère du travail n'est pas aussi démarquée de la sphère privée et ce même
depuis la période industrielle.
La perruque
Le travail en perruque est le détournement des outils professionnels à des fins personnelles
sur le temps de travail. Depuis deux siècles, des ouvriers dans les industries détournent des
machines pour fabriquer des objets en dehors de la production normale de l'entreprise. Cette
pratique se banalise sous les yeux des dirigeants d'entreprise.
Ce phénomène [la perruque] se généralise partout, même si les cadres le pénalisent ou
“ferment les yeux” pour n’en rien savoir. Accusé de voler, de récupérer du matériel à son
profit et d’utiliser les machines pour son propre compte, le travailleur qui “fait la
perruque” soustrait à l’usine du temps (plutôt que des biens, car il n’utilise que des
restes), en vue d’un travail libre, créatif et précisément sans profit.10
Pourtant connue du monde du travail, cette pratique soulève la question de l'utilisation du
lieu de travail et de ses ressources hors de l'objectif de produire pour l'entreprise et donc
hors du contrat de travail. Le travail ne peut pas tout le temps et en tout lieu se réguler.
Le développement de notre société moderne a permis d’accepter et de reconnaître l’espace
privé. Notre intimité est mise sur la place publique. Hannah Arendt11 indique même que c’est
la place dominante du travail dans notre société qui amène le domaine privé à se faire une
place dans le domaine public:
« Ce qui indique le plus clairement que la société constitue l’organisation publique du
processus vital, c’est peut-être qu’en un temps relativement court la domination sociale a
transformé toutes les collectivités modernes en société de travailleurs et d’employés »12.
10 p.45, De Certeau, M. (1990) L'invention du quotidien, tome 1 : Arts de faire. Paris : Gallimard.11 Hannah Arendt est une philosophe d’origine allemande effectuant ses travaux sur l’activité politique, le
totalitarisme et la modernité.12 Arendt, H. (1958). Condition de l’homme moderne. Paris : POCKET.
13
Le travail fait partie de notre processus vital et permet au travailleur de s'élever dans sa
condition.
14
B/ Ouvrier et productivité
Au début du 20ème siècle la révolution industrielle a modifié complètement les modes de
production. L’essor de l’automatisation et la révolution industrielle ont été déstabilisantes
pour les entrepreneurs. Une réorganisation massive du travail a du être mis en place, afin
d’apprivoiser cette révolution et d’en faire ressortir des bénéfices majeurs pour la
productivité. Le monde du travail est passé à cette époque d’une production complètement
humaine à une production automatisée et industrialisée. Elle a touchée tous les secteurs
d’activités.
L’automatisation a permis à de nombreuses entreprises de faire des bénéfices sur la main
d’oeuvre. Ce passage du travail servile à une production automatique et industrielle a été un
virage majeure pour l’organisation du travail mais inévitable à l’époque.
Jérémy Rifkin13 dans son livre “La fin du travail” anticipe le fait que le nombre d’emplois pour
les classes moyennes est amené à être réduits suite à la révolution industrielle et au début
de l’automatisation. En effet l’automatisation des machines a mis fin à de nombreux emplois.
Les machines sont venues remplacés les travailleurs des champs. Jérémy Rifkin donne
l’exemple des travailleurs noirs qui récoltaient le cotons. Cette population se retrouvant sans
emploi a du migrer de façon massive vers les villes qui commençaient à s’industrialiser.
Certains ont pu retrouver un emploi mais d’autres non. Une partie de la population se
retrouvent à la rue.14
13 Jérémy Rifkin est un économiste américain.14 Rifkin, J. (1997) La fin du travail. Paris : La Découverte.
15
1/Nouvelles méthodes d’organisation
Ce virage du travail “humain” au travail des “machines” a modifié les modes d’organisation
des entreprises et a permis de faire apparaître des nouvelles méthodes de production et
d'organisation. C'est le début des pratiques du management dans le but de développer la
productivité des industries.
Frédérick Taylor15 propose un parcellement des tâches en suivant une hiérarchie en
pyramide très organisée. Chaque salariés ont des tâches bien précises à effectuer afin de
maintenir cette structure et de favoriser le gain de temps. Les équipes constitutives de
l’entreprise étaient complètement séparées. On crée un pyramide qui va permettre de
structurer la prise de décision.
Hiérarchisation dans l'entreprise16
En haut de la pyramide se trouve les décisionnaires, qui dirigent l’entreprise. Puis vient le
personnel de production et de terrain qui transmettent les informations provenant des
dirigeants vers les ouvriers. Les ouvriers qui se trouvent en bas de la pyramide effectuent la
fabrication des produits. Leurs tâches sont répétitives. La productivité de chaque employé
permet un rendement maximum de la production. La hiérarchie des individus et des tâches
est le point central du taylorisme qui a dominé les économies européennes et américaines
durant une partie du 20ème siècle et encore aujourd'hui17.
15 Frédéric Taylor est un ingénieur américain, il mit au point un système de chronométrage du travail, dont il fit un instrument éducatif pour l'exécutant.
16 Source : http://feneuille-ses-taylorisme.blogspot.fr/2009/12/hierarchisation-dans-lentreprise.html17 p.136. Rifkin, J. (1997) La fin du travail. Paris : La Découverte. Jérémy Rifkin est un économiste américain.
16
Le fordisme, initié part Henry Ford18, est dans la continuité du taylorisme mais vient en plus
programmer les chaînes des production. Il initie la production en série et standardisé qui est
possible grâce aux machines. Ce mode de production permet de faire des bénéfices
importants en terme de coût car en produisant des automobiles à l’identique le prix de la
production est revu à la baisse. La productivité de l’employé est un enjeu majeur dans ce
mode managériale. Elle était en l'occurrence le moyen d'évaluer la rémunération des
ouvriers. Plus ils étaient productif (rendement) plus ils gagnaient d'argent.
2/ Condition des travailleurs
Ces modèles de production en série à l’époque se basaient sur une organisation très
structurée, hiérarchisée et très peu flexible. Les employés rentraient dans un des maillons de
la hiérarchie et il ne pouvaient pas en sortir et faire preuve d’initiative en participant aux
autres étapes de production. Chaque employé était cantonné à sa tâche et devait s’assurer
de sa bonne exécution afin de maintenir la structure de production intacte.
Ces méthodes de management imposaient une rigueur d’exécution pour les employés situés
en bas de l'échelle hiérarchique : la classe ouvrière. De 1934 à 1935 , Simone Weil19,
philosophe, a voulu se confronter à la réalité et a travaillé dans les usines et les chaînes de
montage de l'époque. Le livre né de cette expérience, La condition ouvrière (1951)20
démontre la violence du travail à la chaîne et la souffrance que subissaient les ouvriers. Les
travailleurs étaient complètement affamés et épuisés par le travail. Ils ne pouvaient même
plus penser, submergés par le sentiment de vouloir bien faire toujours plus vite afin de
pouvoir gagner un salaire de misère.
Maintenir une cadence de travail quelques soient les conditions était l'unique objectif. Un tel
environnement fondé sur la compétition et sur la désolidarisation des travailleurs envenime
les conditions des travail. La rigidité et la trop grande rigueur de ces modes d'exploitation à la
chaîne créent une pression qui poussent à bout travailleurs comme supérieurs. La pression
hiérarchique augmente de manière démesurée. Le travail devient une vraie aliénation pour
les ouvriers21.
Avec les méthodes de management émergeant dans l'objectif de toujours produire plus, le
travail n'est plus un moyen d'élévation et de réalisation personnelle mais au contraire il fait
18 Henry Ford est un industriel et le fondateur du constructeur automobile Ford. Il développe sa méthode le fordisme basé sur un mode de production en série fondé sur le principe de ligne d’assemblage et un modèle économique ayant recours à des salaires élevés
19 Simone Weil est une philosophe française. Elle s'intéresse plus particulièrement dans ses travaux aux questions du travail.
20 Weil, S. (1951) La condition ouvrière. Paris: Éditions Gallimard21 Lacaze, P. (2010) La condition ouvrière Fiche de lecture. Observatoire du management alternatif. HEC
Paris
17
naitre un sentiment de soumission et devient une contrainte. L’intérêt de l'ouvrier pour son
activité de travail est complètement omis. Ces conditions de travail ne lui permettent pas de
s'approprier son activité au contraire il n'est plus qu'un simple employé.
Dans les années 60 et pour concurrencer ces premières méthodes de management en
entreprise, l'entreprise Toyota propose une gestion des équipes plus collaborative et
collective. Afin de mettre en place une nouvelle méthode de production dite “à flux tendu”,
allégé, plus flexible et qui comprend moins de ressources matérielles mais des ressources
humaines plus qualifiés. Il s’affranchie de la hiérarchie pyramidale traditionnelle et fait en
sorte que les équipes de conception et de production se rapprochent. Les compétences et
expériences de chacune des équipes intellectuelles et manuelles sont rassemblées afin
d’aboutir à un processus de fabrication plus rationnelle22. Cette gestion des équipes de
production est une nouvelle méthode de management, appelé toyotisme.
Ces nouvelles méthodes de management apparu lors de la révolution industrielle ont
construit et structuré le monde du travail pendant une partie importante du 20ème siècle et
sont toujours d’actualité pour certaines entreprises. Elle montrent comment le méthodes de
management influent sur les conditions de travailleurs et viennent définir leur champ
d'activité et leur travail. A l'époque le champ du travail des ouvriers étaient complètement
fermé à leur vie privée et les aliénaient à des tâches répétitives.
Le monde du travail, le management et les individus évolue en fonction des révolutions et
viennent s’adapter à une autre révolution qui amène plus de flexibilité dans ces modes de
production, celle de l’informatique.
22 Rifkin, J. (1997) La fin du travail. Paris : La Découverte. Jérémy Rifkin est un économiste américain.
18
C/ Economie numérique
1/ Technologie en mouvement
Le passage de l’automatisation des machines dans les industries a laissé des traces sur le
monde du travail. Il a généré des transformations profondes des modes de production. Il a
du se réadapter, modifier l’organisation de nombreuses sociétés, engendré des migrations
importantes de travailleurs. L’essor de l’informatique dans les entreprises a fait connaître un
changement aussi important que celui qui a été vécu lors de la révolution industrielle.
Dès la fin des années 90, l’informatique commence à s’implanter dans notre société. Mais
c’est dès le début des années 80 que les chefs d’entreprises, de l’industrie et du tertiaire,
investissent énormément dans l’informatique afin de réduire leurs dépenses. Les gains en
productivité se font ressentir après quelques années. Le taux de retour sur investissements
atteint près de 68 % tous secteurs confondus23.
« Les ordinateurs non seulement augmentaient énormément la productivité, mais en outre
contribuent considérablement au licenciements massifs et à la diminution de la dimension
des entreprises »24.
Les professionnels se rendent compte de l’impact de l’intégration de l’informatique et des
nouvelles technologies sur le monde du travail :
« D’autres comme John Sculley, ancien de chez Apple, estiment que la réorganisation du
travail pourrait être aussi massive et déstabilisante que l’avènement de la révolution
industrielle. “C’est peut-être le principal problème social des vingt années à venir” ajoute-t-
il »25. Les entreprises doivent faire face à une véritable révolution technologique.
En effet dès l’intégration de l’informatique, les sociétés ont transformés leur modèle
d’organisation hiérarchiques pour l’aplanir complètement afin de répondre au rythme de
communication rapide et immédiat qu’impose les nouvelles technologies. Des emplois peu
ou pas qualifiés faisant partie de la structure hiérarchique doivent disparaître car remplacés
par la communication plus rapide des technologies.
« Les usines se vident. Ce sont des hangars à robots, enfermés chacun dans une cage de
verre pour protéger les passants. Les seuls humains présents dans l'usine sont un
superviseur derrière un ordinateur et l'équipe de maintenance. ».26
23 p.134, Rifkin, J. (1997) La fin du travail. Paris : La Découverte24 p.134, Rifkin, J. (1997) La fin du travail. Paris : La Découverte25 p.26-27, Rifkin, J. (1997) La fin du travail. Paris : La Découverte26 Lacroix, D. (3 janvier 2013) Économie numérique : Robots, le retour. Les blogs le Monde consulté le 10
janvier 2013 sur http://reseaux.blog.lemonde.fr/2013/01/03/economie-numerique-robots-retour/
19
Et pourtant Michelle Volle27 pense qu’il y a encore de nombreux changements à opérer dans
les entreprises pour passer à une informatisation complète des modes de production. Car
elle possède de nombreux avantages sur la production « Une informatique modernisée rend
l'entreprise plus fluide, permet d'améliorer la relation client, de mieux la documenter »28.
Pour Marazzi29 dans “la place de la chaussette”, notre société vit avec l’informatique une
véritable modification des postes de travail. Comme nous l’avons vu dans la partie
précédente, le fordisme impose des modes de production automatisés et programmés. Le
post-fordisme et la révolution informatique par la suite viennent inclure la communication et
les flux d’informations dans les modes de production. C’est une “production flexible” qui est
mise en place pour palier notamment aux crises économiques qui sont venus frappés notre
société dans les années 80. Sa flexibilité réside dans la communication d’informations qui
font parties intégrantes des modes de production grâce aux technologies. L’auteur nous
donne un bon exemple afin d’illustrer cela : le fait de scanner le code barre des produits à
l’aide dans les caisses des supermarchés. L’information et sa communication viennent
s’implanter dans notre processus économique30.
Allier la communication et les flux d’informations dans nos modes de production permettent
de suivre le marché économique et d’anticiper plus facilement les problèmes. De plus ils
permettent de réduire les coûts en sous-traitant une partie de la production.
Le numérique donne cette visibilité aux différents modes de production. Il permet de tracer
toutes les communications au sein des entreprises et les communications diverses entre les
individus.
27 Michelle Volle est historien de l'économie, statisticien et spécialiste des systèmes d'information d'entreprise.
28 Lacroix, D. (3 janvier 2013) Économie numérique : Robots, le retour. Les blogs le Monde consulté le 10 janvier 2013 sur http://reseaux.blog.lemonde.fr/2013/01/03/economie-numerique-robots-retour/
29 Christiano Marazzi est un économiste et philosophe suisse. 30 Marazzi, C. (2001) La place de la chaussette. Editions de l'éclat.
20
2/ Nouvelle organisation managériale
C’est dans une société totalement informatisée que les sociologues et philosophes se
penchent pour étudier son impact sur les modes de travail. Bruno Marzloff31 nous indique
que notre société vit en effet une réduction de l’industrie manufacturières au bénéfice des
activités servicielles qui représentent aujourd'hui 80% des emplois32.
Nous nous tournons vers de plus en plus vers des entreprises organisées en mode
horizontale. C’est à dire que la hiérarchie pyramidale instaurée dans les industries
permettant de répartir les tâches selon les niveaux d’expertises est entrain de disparaître.
Les métiers peut pas ou pas qualifiés sont remplacés par les nouvelles technologies.
Bernard Stiegler33 parle de la nouvelle économie du travail comme une économie de
contribution : « La technologie numérique permet ainsi l’émergence d’un économie où
consommateurs et producteurs peuvent être remplacés par des contributeurs”. “Nous
sortons du consumérisme »34.
Pour lui c’est l’open source et l’ouverture des données qui nous donnent cette vision du
monde du travail. Elle permet d’ouvrir notre vision sur le monde du travail en devenant un
réelle champ de motivation et de dépassement de ses compétences. « L’open source, ça
veut dire que tout le monde peut les utiliser, venir les récupérer, les améliorer. C’est un
dynamisme inouï. » 35. Chaque individu et chaque travailleurs à l'heure du numérique est
amené à participer et à développer ses compétences et ses connaissances.
Des méthodes de management basées sur cette collaboration au sein du monde du travail
émergent.
Le knowledge management :
Le knowledge management a pour objectif de diffuser le savoir par les outils technologiques
et de le partager au sein des entreprises. Il permet de développer la gestion du contenu par
la collaboration. Pour cela le développement des réseaux sociaux ou des blogs d'entreprises
31 Bruno Marzloff est un sociologue français spécialisé sur les questions de mobilité. Il est le fondateur du groupe Chronos, un cabinet d’études sur la mobilité, le numérique, la ville et le quotidien.
32 SFR. (15 janvier 2013) Le manager du futur. (p.21) Conférence SFRPLAYER 33 Bernard Stiegler est un philosophe français qui axe sa réflexion sur les enjeux des mutations actuelles —
sociales, politiques, économiques, psychologiques — portées par le développement technologique et notamment les technologies numériques.
34 SFR. (15 janvier 2013) Le manager du futur.(p.35) Conférence SFRPLAYER 35 Fayner, E. (25 mai 2011) Le “free seating” ou la liberté de ne plus avoir de siège au boulot. Rue89.
Consulté le 3 janvier 2013 sur http://www.rue89.com/2011/05/25/le-free-seating-ou-la-liberte-de-ne-plus-avoir-de-siege-au-boulot-204972.
21
et des intranets permettent de communiquer sur l'échange des connaissances, de le
capitaliser et de l'actualiser au bénéfice de l'entreprise.
Laurence Prusak36, spécialiste du knowledge management, anticipe aussi ce changement du
monde du travail :
Les sociétés de demain seront plus horizontales, plus axées sur l’élaboration intensive de
savoir . [Elles] seront organisées autour de savoirs et de savoir-faire, bien plus qu’autour
de produits ou de zones géographiques. Le rôle du chef sera de moins en moins celui
d’un gestionnaire/comptable/auditeur et de plus en plus celui d’un leader intellectuel
comme dans les domaines universitaire ou créatifs et artistiques. Il faut donc apprendre
aux gens à développer leurs capacités relationnelles, à avoir confiance et à inspirer
confiance.37 .
Le monde du travail a connu de nombreux bouleversements et périodes de transition qui
sont venus modifiés ces modes de production dans les entreprises, et qui sont venus
transformer l’économie en économie numérique et même en économie de la contribution. Il
est important de noter que les avancées technologiques ont influencé les évolutions du
travail. Les révolutions ont permis de proposer des nouvelles méthodes d'organisation du
travail et des nouvelle méthodes de management qui influent fortement sur les conditions
des travailleurs.
La collaboration devient le point central au sein des entreprises entre les collaborateurs entre
eux mais aussi entre les consommateurs et les producteurs. L'économie numérique et les
méthodes de management au sein des entreprises viennent aplanir les relations entre les
travailleurs.
Au-delà de l’informatisation des lieux de travail et son impact sur l'emploi dans notre société,
à plus petite échelle c’est la diffusion des outils technologiques connectés tel que le sont les
smartphones, les ordinateurs portables et l’utilisation qu’en font les travailleurs au quotidien
qui vont créer de nouvelles pratiques aujourd’hui chez les travailleurs et peuvent remettre en
question le schéma du travail.
36 Laurence Prusak est un chercheur et consultant américain. Il est le fondateur et le directeur de l'IKM (Institute for Knowledge Management)
37 Advance. (2012) Demain, tous nomades !. (p.18) Jones Lang LaSalle.
22
II/ Les pratiques des travailleurs connectés
L’histoire des techniques n’a cessé d’influencer les pratiques du travail. Aujourd’hui nous
nous trouvons dans une société de services et c'est dans ce cadre que l'utilisation du
numérique utilisé au travail tous les jours fait naitre de nouvelles pratiques des travailleurs
connectés qui impactent l’espace temps du monde du travail et son organisation au sein
même des entreprises.
Les travailleurs connectés sont ces cadres, profession intermédiaires ou même travailleurs
indépendants, grands adeptes et utilisateurs des nouvelles technologies et du numérique.
Leur connexion permanente avec leur travail leur permettent de se déplacer plus facilement.
Ils sont de manière générale mobile et flexible car ils peuvent avoir différents lieux de travail.
Les travailleurs indépendants ou freelances sont aussi des travailleurs connectés. Leur
utilisation des nouvelles technologies leur permettent de communiquer avec leurs différents
collaborateurs de façon asynchrone et d’effectuer leur travail en totale autonomie.
En plus de leur mobilité et de leur flexibilité, les travailleurs connectés deviennent aussi plus
autonome et viennent se séparer du schéma traditionnel du “travail sur le lieu de travail”.
Leur communication et connexion avec l’extérieur est permanente. Ils ont la possibilité de
communiquer en tout lieu et en tout temps avec leur travail mais aussi avec leur famille ou
amis. Ils peuvent apporter leur smartphone sur leur lieu de travail et communiquer par mails,
chats, Facebook ou Twitter avec leur réseau personnel.
Il est intéressant de comprendre les pratiques de ces travailleurs connectés fortement lié à
l’usage du numérique car ils sont le reflet d’une mouvance d’une société de travailleurs
connectés et en mouvement.
Les nouvelles pratiques de ces travailleurs, le développement de la mobilité, le déplacement
de la relation entre l’employé et l'entreprise, l’utilisation des outils numériques personnels au
travail et le développement des travailleurs indépendants, nous montrent que le monde du
travail doit faire face à de nombreux changements et évolutions du à l’intégration du
numérique.
23
A/ Le travail s'autonomise
L’horizontalité des rapports entres les travailleurs s’est clairement instaurée dans les
entreprises et d’une manière générale entres les travailleurs connectés. La diffusion massive
des outils technologiques a permis à n’importe qui d’entre nous d’avoir la même information
et connaissance que son voisin, peu importe son niveau hiérarchique. On se sent au même
niveau. Au niveau des employés, une horizontalité des rapports s'est mise en place entre les
employés et les dirigeants. Plus qu’une horizontalité des rapports entre les travailleurs c’est
aussi plus de collaboration qui est instauré au sein même du travail, symptomatique d’une
génération de travailleurs arrivant sur le marché.
1/ Une génération d'indépendants ?
Rifkin dans son livre “La fin du travail” annonçait le remplacement du travail des champs par
des machines lors de la révolution industrielle et l’automatisation. Puis avec l’avènement de
l’informatique qui, comme il l’anticipe à la fin des années 90, fera chuter le nombre d'emplois
de manière significative. Pour lui les évolutions technologiques viennent remplacer l’humain
et son travail 38. Au final, ce n’est pas l’emploi en tant que tel qui vient à disparaître mais sa
stabilité et sa construction.
Les travailleurs qui arrivent aujourd'hui sur le marché du travail ou qui y sont déjà depuis
quelques années font partie de la génération Y. Cette génération de 18-30 ans née avec les
ordinateurs et qui a été éduquée avec Internet, a fini d’étudier et est aujourd’hui amenée à
travailler. Elle amène avec elle sur le marché du travail tout ce qui la caractérise : c’est à dire
plus de collaboration et plus de flexibilité.
Au delà des problèmes économiques de notre société qui amènent à faire tendre le marché
du travail vers un “tout chômage” qui poussent forcément cette génération à de voir rebondir
et à trouver de nouvelles solutions de travail, les travailleurs de la génération Y ne cherche
plus un emploi stable mais un emploi flexible. « Pour la première fois, moins de 60% des
actifs employés le sont via un CDI à temps plein. »39. Ils veulent pouvoir allier leur travail et
leur centres d'intérêts. Pour cela ils veulent avoir la maîtrise de leur rythme de travail ainsi ils
se séparent de plus en plus du schéma hiérarchique de l’entreprise. Ils misent sur moins de
sécurité que peu procurer le CDI, mais plus de liberté dans leur choix de travail.
Comme l'indique Monique Dagnaud40 qui s'intéresse de près à la génération Y et à ses
caractéristiques : « Ces jeunes constituent une génération véritablement pluridisciplinaire,
38 Rifkin, J. (1997) La fin du travail. Paris : La Découverte.39 FING. (2012) CDI, c'est fini !. Cahier d'enjeux : questions numériques 2012/2013 40 Monique Dagnaud est une sociologie française.
24
souple, flexible, ouverte sur le monde, qui interagit très vite et rebondit facilement d'une idée
à une autre. »41
C’est pourquoi le statut de travailleur indépendant est de plus en plus important dans notre
société. En 2011, une création d’entreprises sur deux est en statut d’auto-entrepreneur42. Le
statut de travailleur indépendant s’est démocratisé grâce au nouvelles technologies. Il
permet au travailleur de décider de son lieu de travail, de pouvoir gérer son rythme de travail
comme il le souhaite, d’être réellement autonome dans ses prises de décisions.
C’est aussi un génération de la collaboration et de la contribution. L’utilisation professionnelle
qui est faite des réseaux sociaux montre cette volonté d’amener plus de contribution et
d’entraide dans le monde du travail. « Chaque individu devient responsable de développer et
de valoriser son “employabilité” sur les réseaux sociaux »43.
Pour être ensemble à tout moment il faut pouvoir être libre tout le temps. C’est pourquoi
cette génération qui sont les travailleurs connectés d’aujourd’hui sont si autonomes dans leur
travail. Leur activité de travail doit leur servir à créer des projets différents avec différents
réseaux de personnes.
Les travailleurs arrivant sur le marché cumulent différents types de contrat et différentes
expériences. Ce qui amène même les entreprises à chercher des profils variés, en
privilégiant différentes expériences qui permettra au travailleur de se différencier par rapport
à d’autres profils : « Aujourd’hui, l’entreprise valorise avant tout une carrière construite autour
d’une accumulation d’emplois différents, même si cela implique d’avoir eu recours à
différents statuts d’emplois : CDD, CDI, intérim… »44. Les entreprises privilégient une
adaptation de l’employé plus qu’une loyauté à toute épreuve.
Ce qu’amène cette génération sur le marché du travail vient se généraliser. Le travailleur
connecté sort de plus en plus du schéma et du contrat imposé par l’entreprise. Il devient
indépendant et autonome.
41 Université de technologie de Compiègne. Génération Y. Interactions E-magazine de la recherche et de l'innovation consulté le 23 janvier 2013 http://interactions.utc.fr/La-generation-y-vue-par-monique-dagnaud
42 FING. (2012) CDI, c'est fini !. Cahier d'enjeux : questions numériques 2012/2013 43 FING. (2012) CDI, c'est fini !. Cahier d'enjeux : questions numériques 2012/2013 44 Castets, C. (2012) Génération free-lance. Le Nouvel économiste. consulté le 23 octobre sur 2012
http://www.lenouveleconomiste.fr/generation-free-lance-14025/,
25
2/ Le salariat de confiance devient flexible
Les cadres45 en entreprise sont considérés comme un salariat de confiance : ce sont des
personnes qui ont un statut hiérarchique supérieur et sont des managers. Cette catégorie
sociale est nettement séparé du personnel d’exécution au sein des entreprises.
« La confiance serait la caractéristique propre de la relation des cadres à leur activité et à
leur entreprise (Goldthorpe, 1983) »46.
Cette catégorie a une certaine relation de confiance avec leur supérieurs, celle ci peut être
informelle mais aussi peut prendre une forme contractuelle sans être écrite noir sur blanc47.
La flexibilité de leur lieu de travail est très présente chez eux et cela même avant la diffusion
des outils technologiques. Les dirigeants d’entreprises estiment faire confiances aux cadres
ils sont là pour effectuer leur travail quoi qu’il en coûte. Ils travaillent par objectif. Et c'est
pourquoi peu importe l'heure ou le moment le salariat de confiance est connu pour ramener
du travail chez lui. Les cadres ont toujours
Cette relation préétablie, il est naturellement plus facile d’avoir une liberté face à ses horaires
et ces lieux de travail diversifiés, pour autant que le projet soit fini. Et pour les dirigeants
cette “autogestion” des cadres est comprise et admise. Mais ce qui est important de noter,
c’est que ce sont aussi les salariés les plus équipés en TIC, notamment mobiles48. C’est
pourquoi se sont eux qui sont le plus touchés par l’impact du numérique sur leur conditions
de travail. Ils sont par nature très flexible et travail de manière générale hors de leur temps et
de leur lieu de travail. En effet 73% des cadres français travaillent en dehors de leur
bureau49. Ce comportement est amplifié avec l’usage de technologies connectées. Ils leur
permettent une connexion permanente avec leur travail tout en étant à distance. Leur
utilisation du numérique au travail leur permettent d’être beaucoup plus autonome. Ils ont
tendance à ramener plus de travail chez eux. La plupart de leur communication synchrone,
tel que peut l’être le téléphone, de chez eux en dehors de leur temps de travail.
45 Un cadre est une personne appartenant à la catégorie supérieure des salariés. C'est également un membre de l'encadrement ou du management d'une entreprise ou d'une administration
46 Ségal, E. (n.c) « Enquête de confiance » L’élargissement du salariat de confiance : la gestion par les compétences. Département d’Études Institutionnelles (DESIN). Université d ́Evry
47 Ségal, E. (n.c) « Enquête de confiance » L’élargissement du salariat de confiance : la gestion par les compétences. Département d’Études Institutionnelles (DESIN). Université d ́Evry
48 FELIO, C. (2011) “Risques psychosociaux et TIC : discours de cadres”. VIIème colloque international EUTIC. Bruxelles.
49 Advance. (2012) Demain, tous nomades !. Jones Lang LaSalle.
26
Le rapport TIC et conditions de travail montre que l’utilisation des technologies connectés ont
un impact important sur le sentiment de confiance et de bien-être :
Les technologies connectées, utilisées par un salariat de confiance, souvent cadre ou
profession intermédiaire dans de grandes entreprises, sont associées à un vécu marqué
par l’intensité du travail et le débordement dans la sphère privée mais aussi par de
l’autonomie et un certain bonheur professionnel, c’est-à-dire un bien-être lié au sentiment
que le travail est reconnu à sa juste valeur50.
La liberté qui est donné à ces employés connectés par les entreprises leur permettent de
gérer eux-mêmes leur façon de travailler et en totale autonomie.
Les cadres sont les plus grands utilisateurs des technologies connectés, mais les autres
catégories de salariés (le personnel d’exécution) dû à la démocratisation des nouvelles
technologies peuvent être touchés par les impacts des TIC dans l’articulation entre travail et
hors travail. La relation hiérarchique est complètement déplacée suite au besoin des
travailleurs (cadres employés) de pouvoir travailler avec une certaine autonomie par rapport
à leur entreprise.
Cette articulation entre travail et hors travail est possible car le numérique permet au
travailleur une connexion permanente avec son travail sans forcément être allié à un lieu en
particulier. La possibilité d’être flexible et autonome par rapport à son travail ou son emploi
est possible car le lieu de travail devient lui aussi très flexible.
50 Greenan, N. Hamon-Cholet, S. Moatty, F. et Rosanvallon J. (2012) TIC et conditions de travail. Les enseignements de l’enquête COI. Centre d’Etudes de l’Emploi.
27
B/ Le travail change de lieu
1/ La mobilité des travailleurs et tiers-lieux
a/Travail mobile
Un travailleur connecté est un aussi un travailleur mobile. C’est à dire qu’il a la possibilité
grâce à ses outils numériques à portée (ordinateurs portables, tablettes, smartphones) de
pouvoir effectuer son travail dans d’autres lieux que son lieu de travail initial. Mais comme le
souligne Bruno Marzloff51, sociologue : « Le travail est l’un des principaux moteurs de la
mobilité, en moyenne, cela représente 25% des motifs de déplacements, 45% des
kilomètres parcourus, et la cause essentielle des congestions »52 .
La mobilité est déjà une caractéristique même du travail. Les cadres commerciaux ont
toujours été très mobiles, se déplaçant de leur lieu de travail chez plusieurs clients dans la
journée.
Le numérique est un catalyseur important de ce qui est appelé le travail mobile. Les
travailleurs connectés profitent des outils numériques pour pouvoir effectuer leurs tâches
dans d’autres types de lieux que sur leur lieu initial de travail. Le travail mobile est déjà
fortement dans notre société :
Une enquête en ligne menée par Chronos auprès de 533 volontaires révèle ainsi que
37% du temps de travail n’est déjà plus localisé au siège. Les répondants sont 36% à
travailler à leur domicile, au moins une fois par semaine. Certains en font de même dans
les transports (17%), quand d'autres travaillent parfois de chez eux en soirée, voire
même certains week-ends et jours fériés53.
Ce comportement de travailler en tout lieu et à tout moment a été catalysée par le
numérique. Le travail mobile se fait pour le moment de façon assez clandestine. Car il faut
distinguer le télétravail du travail mobile.
En effet le télétravail dans un premier temps est le fait d’accomplir son travail dans d’autre
types de lieux, souvent chez soi. Ce type de travail se fait en accord avec l’entreprise et par
contrat qui stipule que certaines journées pourront être travaillées en télétravail. Dans un
second temps, on parle de "travail mobile” comme la forme sauvage du télétravail. Le
51 Bruno Marzloff est un sociologue français spécialisé sur les questions de mobilité. Il est le fondateur du groupe Chronos, un cabinet d’études sur la mobilité, le numérique, la ville et le quotidien.
52 Pouilly, T. (22 octobre 2012) Tiers-lieux, télécentres, «coworking spaces»... quels lieux pour le travail du future ?. REGARDS SUR LE NUMERIQUE. consulté le 4 novembre 2012 sur http://www.rslnmag.fr/post/2012/10/22/Tiers-lieux-telecentres-coworking-spaces-quels-lieux-pour-le-travail-du-futur.aspx
53 Pouilly, T. (22 octobre 2012) Travail mobile : où en est-on ?. REGARDS SUR LE NUMERIQUE. consulté le 4 novembre 2012 sur http://www.rslnmag.fr/post/2012/10/22/Travail-mobile-ou-en-est-on.aspx,
28
travailleur travaille sans vraiment le devoir et en dehors de l’espace temps du travail.
Pourtant elle est la forme la plus pratiqué par les travailleurs54 .
Cas d'observation
Par exemple, Julien55, cadre illustre cette forme de travail mobile : « En déplacement pour
aller chez un client par exemple, j'avais fait du Redmine (gestionnaire de tâches) sur mon
smartphone dans les transports en commun ». Les travailleurs connectés sont amenés à
travailler peu importe l’endroit ou le moment car ils ont en la possibilité avec leurs outils
numériques.
b/Tiers-lieux
Ainsi face à ce travail “clandestin” largement pratiqué par les travailleurs outillés et
connectés, des infrastructures adaptées numériquement commencent à émerger. Des tiers-
lieux sont proposés aux travailleurs mobiles. Ils sont une alternative au travail chez soi
uniquement, ce sont des espaces de coworking, appelés aussi espaces collaboratifs ou des
télécentres. Dans ces tiers-lieux sont compris aussi les lieux publics tel que les gares ou les
bibliothèques.
Le développement des lieux numériques liés à la ville est important. Les gares en France
commencent à mettre en place des espace Wi-Fi par exemple et s’équipent numériquement.
La gare SNCF de Belfort a installé une longue table équipés de prises électriques, de sièges
et connectés au Wi-Fi afin d'accueillir les travailleurs de passage56.
Les espaces de coworking ou dit espaces collaboratifs ont été créés pour que les travailleurs
connectés puissent travailler dans un lieu favorable à la rencontre et puissent collaborer
ensemble. Ils se développent de plus en plus en France. Aujourd’hui on en compte plus de
1800 espaces de coworking dans le monde et à peu près 60 en France. C’est le pays
européen qui connaît la plus grande augmentation d’espace de coworking57.
Des sites comme Neo-nomade (http://www.neo-nomade.com/) ou Zevillage
(http://www.zevillage.net/) permet de retrouver et de réserver partout en France ces
différents espaces.
54 Advance.(2012) Demain, tous nomades !. Jones Lang LaSalle.55 Julien est cadre travaillant dans une agence web. Voir annexe n°3 (p.71)56 SFR, (2012) Travail connecté mutation en cours ! SFRPLAYER n°9.57 Cagnol, R. (17 janvier 2013) Quand la sphère publique soutient le coworking: l’exemple de la France.
Deskmag. Consulté le 25 janvier 2013 sur http ://www.deskmag.com/fr/quand-la-sph-re-publique-soutient- le-coworking-l-exemple-de-la-france/2
29
Espace de coworking ,la Mutinerie (Paris)58
Ces espaces se veulent ouverts et collaboratifs. Les travailleurs peuvent venir quand ils le
souhaitent avec des collègues ou non pour organiser des réunions de travail ou même des
réunions clients. Mais c’est aussi un lieu pour différents travailleurs indépendants de pouvoir
se regrouper et de travailler sur des projets ensemble.
L’apparition des ces espaces est aussi symptomatique du travailleur connecté qui veut
s’épanouir à son travail on y incluant plus de collaboration et plus de coopération. Plutôt que
de se retrouver seul chez soi, il veut pouvoir collaborer et produire un échange de
compétences avec d’autres professionnels. Un des espaces de coworking présent à Paris,
La Mutinerie rend visible ce changement notoire : « Aujourd’hui, le travail se fait en réseau
par une agrégation ponctuelle de compétences »59.
Accéder à ces espaces permet aussi de pouvoir assister à des conférences et de
événements, ce qui permet au travailleur de rester informé et en alerte.
Le travailleur connecté devient de plus en plus mobile car il veut pouvoir travailler de
manière différente. Les outils numériques lui donnent la possibilité d'accéder à son travail et
à ses tâches sans limite et hors du temps ou du lieu de travail.
58 Source : http://www.mutinerie.org/wp-content/uploads/2013/02/verriere-4-900.jpeg, Crédits : la Mutinerie59 Mutinerie, s.d. s.n.
30
Tout comme le travail à distance de l'entreprise est un moyen pour les employés de
différencier leurs modes de travail et de pouvoir travailler selon leurs besoins. Il devient
aujourd’hui une réalité pour les entreprises qui doivent s’adapter à ce changement.
2/ Télétravail et entreprises
Pour les entreprises faire face à cette mobilité des employés est un véritable enjeu. Le
télétravail est une aujourd’hui une réalité qui allie les bénéfices du travail mobile et une
nouvelle organisation pour les entreprises. Il commence à être de plus en plus pratiqué et
mis en place par les entreprises: « Aujourd’hui 12,4% de la population active télétravaille »60.
Mais il est vrai qu’il tarde à s’instaurer de manière systématique et surtout en France. Les
travailleurs y pensent, l’imaginent mais au final ne le pratiquent peu par rapport à d’autres
pays en Europe : Population salariée pratiquant le télétravail plus de 8 heures par mois sur la
période 2000-2010 : La France se situe à 8,9% par rapport à la Finlande (32,9%) ou la
Belgique (30,6%)61.
Pourtant il est montré que le télétravail a tendance à plus responsabiliser l’employé et ainsi il
est devient beaucoup plus productif :
88% des employés déclarent le télétravail comme un élément positif qui a accru leur
productivité62. En effet selon l’enquête “Le télétravail dans les grandes entreprises
françaises, Comment la distance transforme nos modes de travail ?” remise au MINISTRE
CHARGE DE L’INDUSTRIE, DE L’ENERGIE ET DE L’ECONOMIE NUMERIQUE, le
télétravail est un véritable gain de productivité +22% en moyenne et donc un véritable gain
de temps pour le travailleur63.
Travailler de chez soi permet à un employé de pouvoir mieux se concentrer que lorsqu’il se
trouve au milieu d’un open-space, face à des distractions humaines, tel que la pause café ou
les discussions entre les personnes. Mais aussi il se sent moins stressé par le retard qu’il
peut avoir lorsqu’il doit prendre les transports pour se rendre sur son lieu de travail. Le
télétravail représente pour l’employé un gain de temps et moins de stress.
60 SFR, (2012) Travail connecté mutation en cours ! SFRPLAYER n°9.61 Advance.(2012) Demain, tous nomades !. Jones Lang LaSalle.62 Chronos. (7 février 2012) Demain le travail mobile. Compte rendu de la conférence. Le Monde. 63 Greenworking (2012) Le télétravail dans les grandes entreprises françaises :Comment la distance
transforme nos modes de travail. MINISTRE CHARGE DE L’INDUSTRIE, DE L’ENERGIE ET DE L’ECONOMIE NUMERIQUE
31
Certains dirigeants ou managers intermédiaires peuvent être encore réticents à développer
le télétravail de manière plus systématique. Ce qui peut effrayer ces entreprises est cette
distance humaine entre collègues qui est considéré comme un frein au développement de la
société. La “culture” d’entreprise informelle pourrait être amenée à disparaître si chacun des
employés d’une entreprise sont amenés à travailler à distance les uns des autres. C’est
aussi plus de distance avec l’employé donc plus de distance avec le travail même. Les
dirigeants ont peur de perdre en visibilité sur le travail effectué.
C'est en ce sens que récemment, Marissa Mayer, dirigeante de Yahoo, a décidé de limiter le
télétravail au sein de son entreprise. Ses arguments quant à cette décision sont que le travail
sur le lieu de travail permet notamment de faire bénéficier l'employé de cette “énergie
d'entreprise” qu'il ne ressent pas en travaillant à distances de ses équipes et de ses
collaborateurs.
Certaines entreprises ont bien compris les bénéfices notables qu’ils pouvaient y avoir à
développer le télétravail en matière d'attractivité, de productivité et d'éco-responsabilité :
Alcaltel Lucent est passé de 0 à 30% de télétravailleurs en 5 ans et veulent instaurer le
télétravail pas seulement pour certaines catégories de métiers tel que les cadres64.
Plus que de simplement instauré du télétravail les entreprises font évolués leurs espaces
pour correspondre aux besoins des travailleurs. En Angleterre dans le groupe Unilever UK,
les open spaces sont en free seating c’est à dire sans bureau attitrée. Les employés peuvent
venir s’installer à l’endroit où il le souhaite et travailler puis repartir quand il le souhaite.
Cas d'observation
Anne-céline65, une cadre junior interviewée travaillant au service marketing du groupe
Unilever Uk nous indique qu’elle est plus libre de pouvoir travailler de chez quand le
souhaite : « Entre 15% à 25% de mon temps de travail se fait a la maison : soit sur 45
heures de travail a peu près 9 heures à la maison ». C’est pour elle un véritable gain de
temps et un moyen d’être plus productive au bon moment : « Je suis satisfaite de mon
rythme de travail parce qu'il est flexible : je dois juste m'assurer que mon travail est rendu à
temps mais je peux organiser mon temps comme je l'entends donc je peux partir tôt certains
soirs pour faire des choses personnelles. »
Elle a une liberté par rapport à son employeur. Si elle a un planning chargé, des rendez-vous
tôt, des conf-call avec l’étranger, elle doit avoir la liberté de pouvoir manager son temps
64 Chronos. (7 février 2012) Demain le travail mobile. Compte rendu de la conférence. Le Monde. 65 Anne-Céline est cadre et travaille au service marketing du groupe Unilever à Londres. Voir annexe n°1
(p.64)
32
comme elle le souhaite. Ce qui l’amène parfois à travailler le week-end, plutôt que de finir
tard le soir pour terminer son travail, mais c'est elle qui décide de son organisation de travail.
L’entreprise dans laquelle elle travaille bien qu’étant un grand groupe, lui fait confiance et la
responsabilise de manière à ce qu’elle puisse gérer son temps et son lieu de travail comme
elle le souhaite pour être la plus efficace possible pour effectuer son travail. C’est par
objectifs et non en horaires que le travail de l’employé est ici évalué.
Cette évolution des espaces au sein des entreprises a été reprise en France. Le groupe
Accenture a créé des “Places de village” qui sont de la même manière que chez Unilever
des open spaces en libre accès pour tous les employés. Pour Microsoft aussi il devenait
indispensable d’instaurer plus de flexibilité pour les travailleurs. Xavier Perrin, directeur
immobilier de Microsoft pour l’Europe de l’Ouest : « C’est d’autant plus facile qu’il (l’employé)
est autonome maintenant : il n’a besoin que de son ordinateur, qui fait également téléphone
et qui lui évite documents imprimés et rangements. »66
Mais pour toujours plus correspondre aux besoins des travailleurs des salles spécifiques ont
été créées chez Microsoft : « Quand le collaborateur a besoin de téléphoner, il rejoint la
“phone booth”, quand il veut parler à un collègue il le fait dans la “focus room”, sans
contaminer tout l’open space »67. Proposer des lieux de travail annexes en entreprise
permettent un rythme de travail plus durable. D’une manière générale ils permettraient au
travailleur d’être beaucoup plus productif. Il lui permette d’élargir son temps de travail, de le
moduler comme il le souhaite.
C’est un nouveau type de contrat qui est instauré avec les employés mobiles dans les
entreprises « Chacun gère son temps comme il l’entend. Nous demandons simplement que
la flexibilité s’exerce de façon responsable. Chaque collaborateur doit veiller à ne pas
pénaliser la disponibilité-clients, le fonctionnement collectif ni le rythme du business. » nous
indique Xavier Perrin68. En effet comme le montre un rapport réalisé par le CEE “TIC et
conditions de travail, les enseignements de l’enquête COI de juin 2012 : « L’organisation
spatio-temporelle traditionnelle structurant encore les contrats de travail autour d’une unité
de lieu et de temps serait susceptible d’éclater avec le développement du télétravail ou du
travail nomade »69.
66 Fayner, E. (25 mai 2011) Le “free seating” ou la liberté de ne plus avoir de siège au boulot. Rue89. Consulté le 3 janvier 2013 sur http://www.rue89.com/2011/05/25/le-free-seating-ou-la-liberte-de-ne-plus-avoir-de-siege-au-boulot-204972.
67 Fayner, E. (25 mai 2011) Le “free seating” ou la liberté de ne plus avoir de siège au boulot. Rue89. Consulté le 3 janvier 2013 sur http://www.rue89.com/2011/05/25/le-free-seating-ou-la-liberte-de-ne-plus-avoir-de-siege-au-boulot-204972.
68 Fayner, E. (25 mai 2011) Le “free seating” ou la liberté de ne plus avoir de siège au boulot. Rue89. Consulté le 3 janvier 2013 sur http://www.rue89.com/2011/05/25/le-free-seating-ou-la-liberte-de-ne-plus-avoir-de-siege-au-boulot-204972.
69 Greenan, N. Hamon-Cholet, S. Moatty, F. et Rosanvallon J. (2012) TIC et conditions de travail. Les enseignements de l’enquête COI. Centre d’Etudes de l’Emploi.
33
Décider de son lieu de travail pour un travailleur est un moyen pour lui de gagner du temps
en déplacement. Si un espace de coworking est plus près de chez lui que son lieu de travail,
il va le privilégier. Pour l’entreprise, le télétravail doit être instaurer un climat de confiance
avec l’employé. Il responsabilise plus l’employé car il lui permet d'adapter ses conditions de
travail en fonction de son besoin. Il lui permet de prendre de la distance avec son entreprise.
Plus qu'un nouveau type de contrat c'est aussi une organisation par objectifs qui est établi
avec l’employé, afin que le travail soit tout de même effectué en temps et en heure. Le travail
à distance permet au travailleur connecté de pouvoir gérer son travail comme il le souhaite.
Même si pour le moment le télétravail est instauré que pour une certaine catégorie
d'employés, il est clair que le télétravail est un enjeu important pour les entreprises, tant au
niveau compétitif que pour améliorer les qualité de vie des employés. La forme du travail se
transforme avec la mobilité : le travail n’est plus quelque chose où l’on va mais quelque
chose que l’on fait. Ce travail que l’on fait, avec les outils numérique qui sont à la disposition
des travailleurs connectés, de quelle manière est-il effectué ?
34
C/ Introduction et consultation du “numérique personnel” au travail
Les travailleurs connectés amènent et consultent leurs outils numériques personnels sur leur
lieu de travail pour des usages professionnels. On appelle cette tendance le BYOD (Bring
Your Own Device). Le BYOD est un comportement qui a commencé lors de la diffusion
massive des outils technologiques. Les individus se sont complètement appropriés leurs
outils numériques : leurs smartphones, leurs tablettes, leurs ordinateurs portables. Ainsi sans
véritablement en avoir conscience, les employés les amènent sur leur lieu de travail. « En
2014, ce phénomène pourrait se développer – de façon systématique ou ponctuelle – auprès
de 50% des travailleurs »70.
Mais au delà du BYOD, c’est aussi la consultation des informations dites privées avec le
outils numériques professionnels sur le lieu de travail qui tend à se banaliser. Les employés
en entreprise ont tendance, avec l’usage d’Internet, de consulter tout types de contenus et
tout types d’informations. Ainsi ils consultent librement leurs mails personnels, regardent des
vidéos, commandent leurs billets d’avions pour leur prochaine vacances. La vie privée vient
s’introduire de manière significative sur les lieux de travail et par différentes manières.
70 Advance.(2012) Demain, tous nomades !. Jones Lang LaSalle.
35
1/ BYOD : outils personnels à des fins professionnelles
BYOD est un diminutif de « Bring Your Own Device » ou «Apporte ton propre appareil».
Cette appellation est le reflet d'un comportement quasi fréquent chez les employés d'amener
leurs propres outils technologiques (smartphone, tablettes, ...) sur leur lieu de travail.
Plusieurs raisons à cela : d'une part les smartphones fourni par l'entreprises ne sont parfois
pas adaptés au besoin ou ne sont pas assez poussés technologiquement ainsi les employés
préfèrent utilisés leur propre outil qui vont correspondre à leur besoin. D'autre part les
employés utilisent leur outils numériques pour achever à bien leur travail de chez eux en les
connectant au système informatique de l'entreprise.
Cette pratique pose différents problèmes. L'un se trouve au niveau du partage des données.
En effet certaines entreprises importantes sont encore réticentes à ouvrir leur système
informatique très contrôlés afin que n'importe quel employé puisse s'y connecter avec leur
propres outils qui ne sont parfois pas bien protégés. De plus ouvrir ses données
personnelles à des usages professionnels donnerait la possibilité aux entreprises de pouvoir
contrôler et surveiller les employés.
Cas d'observation
Julien, cadre, est amène et consulte régulièrement son smartphone sur son lieu de travail et
pour son travail. Ses outils lui permettent de tester les sites Internet que l'agence à créés. De
plus il peut amener son ordinateur personnel sur son lieu de travail, il utilise ainsi le réseau
de l'agence.
Pourtant des entreprises entrevoient dans ce comportement un moyen de correspondre au
besoins des employés sans qu'il n'y perdent.
Le directeur des systèmes informatique de Devoteam indique « "Nous sommes dans un
monde de plus en plus collaboratif, c'est à nous, la DSI, de prendre en compte cette
composante pour qu'elle s'intègre bien dans l'environnement informatique de l'entreprise »71
L'apparition du BYOD montre que l'employé a la possibilité d'utiliser sur son lieu de travail
ses propres outils numériques pour l'entreprise. L'employeur utilise les outils personnels de
l'employé pour ses propres bénéfices. Il est significatif aussi d'un réel échange et d'une
collaboration entre l'employé et l'entreprise car l'employé devient prescripteur72
L'entreprise ouvre son réseau et ses systèmes informatiques.
71 http://www.latribune.fr/technos-medias/informatique/20130312trib000753577/mon-smartphone-perso-au-bureau-le-dilemme-du-byod-pour-les-entreprises.html
72 Lévy-Abégnoli, T. (15 juin 2011) Six questions sur le phénomène "Bring your own device". Indexel.net . Consulté le 16 février 2013 sur http://www.indexel.net/article/six-questions-sur-le-phenomene-bring-your-own-device-3381.html
36
2/Consultation et utilisation d'Internet sur le temps de travail
La réalité de l’utilisation d’Internet sur le lieu de travail n’est pas si évidente. Internet est
aujourd’hui utilisé massivement sur les lieux de travail. Son taux de pénétration est supérieur
à 95 % dans les grandes entreprises et à 85 % en PME73.
Sur 12 millions d’actifs utilisant un ordinateur au travail, 96% d’entre eux utilisent Internet au
travail et à la maison74. Ainsi des habitudes et des usages faits dans le privée se retrouvent
facilement au travail et faire la distinction entre l’usage privée d’Internet et son usage
professionnel n’est pas si évident. Sans que l’on s’en rende compte véritablement l'utilisation
d’Internet sur le temps de travail à des fins personnels s’est largement banalisé.
En effet selon une étude Tissot Opinion Way, 78% des cadres utiliseraient Internet à titre
personnel sur leur temps de travail75.
En 2011 le temps moyen de l’utilisation d’Internet au bureau par un employé est de 89
minutes par jour selon l’étude Olfeo76 sur la réalité de l’utilisation d’Internet au bureau. Il
devient alors intéressant de connaître sur ce temps moyen le temps passé sur Internet à des
fins personnelles.
Le graphique ci-dessous distingue le temps moyen passé sur Internet par types de surf
(professionnel et non professionnel).
Etude Olfeo 2012
73 Olfeo. (2012) Etude Olfeo 2012 : Réalité de l’utilisation d’Internet au bureau .: Etude sur la réalité de l’utilisation d’Internet au bureau. Cette étude réalisée en 2011 porte sur une cinquantaine d’entreprises de taille variable représentant plusieurs milliers de collaborateurs.
74 Added value, Ifop, Bearing Point et Eranos. (2009) Références des usages des technologies de l’information au travail en France. Microsoft.
75 Opinion Way. (2010) La frontière entre vie professionnelle et vie privée. Editions Tissot.76 Olfeo. (2012) Etude Olfeo 2012 : Réalité de l’utilisation d’Internet au bureau .: Etude sur la réalité de
l’utilisation d’Internet au bureau. Cette étude réalisée en 2011 porte sur une cinquantaine d’entreprises de taille variable représentant plusieurs milliers de collaborateurs.
37
Ainsi 58% du temps de l’utilisation d’Internet faite au bureau sur une journée est à titre non-
professionnel. Ce qui représente plus de la moitié. Notons aussi sur ce graphique, qu’il a
diminué depuis 1 an. Le temps de l’utilisation d’Internet à titre non-professionnel représentait
63% en 2010.
Ce surf non-professionnel n’est pas reparti sur une journée de manière équitable. Alors à
quel moment de la journée l’employé va-t-il être amené à consulter ses mails professionnels
ou à aller regarder une vidéo su Youtube et pourquoi ?
Le graphique suivant nous donne une idée de la répartition moyenne de la consultation
d’Internet professionnel et non-professionnel sur une journée de travail :
Etude Olfeo 2012
Ainsi sur une journée de travail :
− de 8H00 A 10H00 la moyenne du surf personnel est de 58% pour ensuite laisser
place à un surf plus professionnel de 10h00 à 12h00.
− de 12H00 A 15H00 ET A 17H00 se sont les plus gros piques de surf non
professionnel, bien au-delà de la moyenne de 58%.
− Enfin, de 15H00 A 16H00 ET après 19H00 les employés font un usage plutôt
professionnel d’Internet au bureau77
77 Olfeo. (2012) Etude Olfeo 2012 : Réalité de l’utilisation d’Internet au bureau .: Etude sur la réalité de l’utilisation d’Internet au bureau. Cette étude réalisée en 2011 porte sur une cinquantaine d’entreprises de taille variable représentant plusieurs milliers de collaborateurs.
38
On remarque que 12H et 17H représentent des pics dans la consultation d’Internet à des fins
non-professionnelles. Il s’agit de la période du déjeuner et de la pause “gôuter” de l’après-
midi. Ce sont des moments dans la journée où les employés vont avoir envie de se
déconnecter du travail et de décrocher. Ils vont surfer pour se vider la tête, en regardant des
vidéos ou en allant sur les réseaux sociaux. Consulter de façon personnelle Internet à ces
horaires leurs permettent de faire une véritable pause et de décrocher de leur travail en
retrouvant un peu de leur vie privée.
L’étude fait ressortir aussi les catégories de sites web visités à des fins personnelles en
fonction des horaires de consultation :
8H00 -10H00 : consultation de sites d’actualités et des réseaux sociaux
12H00 -15H00 : consultation de sites de divertissement et de détente, tels que le visionnage
d’émissions de télé, écoute de la radio, jeux en ligne
17H00-18H00 : consultation de sites de service : météo, trafic, pages jaunes, et de
divertissement78.
Tous le types de contenus que le travailleur peut consulter durant son temps personnel se
retrouvent sur son temps de travail. Il n’y a pas d’usage différent fait d’Internet entre son
usage privée et son usage professionnel. La seule différence est l’alternance de consultation
professionnelle et non professionnelle.
Ce qui est intéressant de noter dans ce graphique c’est qu’il illustre un certaine rythme de
travail. Les pauses, représentées par un usage non professionnel d’Internet, sont
véritablement alternées avec des moments de travail.
Cas d’observation
Ce cas se retrouve non pas seulement pour les employés mais aussi pour les travailleurs
indépendants. En effet Julie79, une freelance créatrice de sites web travaille chez elle. Pour
son travail elle utilise en permanence un ordinateur et est connectée toute la journée sur
Internet. Elle peut avoir du mal à distinguer l’usage professionnel d’Internet et son usage
personnel, de la même manière que les employés. Mais elle aussi à 12H, à l’heure du
déjeuner, elle a besoin de se couper complètement du travail pour pouvoir ensuite mieux
78 Olfeo. (2012) Etude Olfeo 2012 : Réalité de l’utilisation d’Internet au bureau .: Etude sur la réalité de l’utilisation d’Internet au bureau. Cette étude réalisée en 2011 porte sur une cinquantaine d’entreprises de taille variable représentant plusieurs milliers de collaborateurs.
79 Julie est une freelance, créatrice de site web. Voir annexe n°2 (p.67)
39
reprendre. Elle fait ce qu’elle appelle des “pauses-veille” où elle va consulter différents sites
web, réseaux sociaux et blogs qu’elle affectionne pour se vider la tête. Ces pauses qui l’a
déconnecte de son travail sont en même temps un moyen pour elle de trouver de nouvelles
idées et de développer sa créativité pour son travail. Elles ont au final un aspect
professionnel et non-professionnel. Elle aussi veille à ce que son rythme de travail soit
modulé et non pas continu sur une journée de travail, ce qui lui permet d’être plus concentré
sur son travail le moment venu.
C’est la principale raison qui viendrait expliquer l’usage non professionnel fait d'Internet par
les employés sur leur temps de travail. Car certains d’entre eux n’arrivent pas vraiment à
l’expliquer autrement que parce qu’ils en ont la possibilité : un des travailleurs connectés
interviewées, Julien, cadre nous indique ainsi : « Pourquoi je le fais (consulter ses mails
personels, être sur Facebook, chatter...) parce que je peux le faire ». Il montre que de donner
la possibilité aux employés de se connecter à Internet et de l’utiliser comme il le souhaite est
aussi une liberté donné par les entreprises.
--------------------------------------- .....….....….....….....….....--------------------------------------- ….....….....….....….....…....
12h 17h
-------- Travail
…..... Consultation personnel
Schéma de l'alternance de consultation professionnelle et personnelle d'Internet sur une journée de travail
Réponse des entreprises : filtrage d'Internet
Cette pratique de consultation non-professionnelle des travailleurs connectés devient
courant au sein des entreprises. Certaines entreprises n’admettent et ne comprennent pas
cette navigation qu’ils considèrent comme improductive et qui vient se chevaucher sur le
temps de travail. Ainsi leur réponse a été de prendre des mesures drastiques et de
déconnecter définitivement les employés d’Internet en créant des filtres (qui ? Quoi ?). Ces
structures souhaitent imposer une réglementation stricte afin que les employés ne fassent
que travailler durant le temps de travail. Cette méthode si elle est trop stricte et trop
encadrée a des impacts négatifs. En effet un cadre de travail rigide et réticent aux pratiques
des nouvelles technologies créent indubitablement un sentiment de cloisonnement et a un
impact négatif sur la motivation de l’employé.
L’utilisation non-professionnelle d’Internet sur le temps de travail montre que le privée vient
s’introduire de manière significative dans les modes de travail. Ceci passe aussi par les
autres types d’outils numériques que sont les smartphones, ordinateurs portables personnels
etc... Ces outils permettent aussi de développer la collaborer entre professionnels au sein
40
même de l'entreprise. Le nombre de types d’outils numériques devient important et sont des
portes ouvertes à la distraction durant le temps de travail. La connexion permanente avec
Internet sur le temps de travail permet aussi une certaine liberté pour les travailleurs
connectés. Ils ont la possibilité de consulter leurs informations personnelles durant la
journée. Ce qui leur permet d’effectuer des “pauses surf” et d'alterner leur rythme de travail
afin de reprendre leur travail en étant plus concentré. Mais aussi c’est un moyen pour eux de
continuer leur vie sociale durant leur journée de travail. Ils se sentent ainsi plus serein avec
leur environnement de travail. C’est une des conséquences positives des nouvelles
pratiques des ces travailleurs mais d’une manière générale ils doivent faire face à d’autres
répercussions sur leur mode de travail.
41
III/ Entre interruptions et éclatement, une nouvelle organisation
Les lieux de travail sont diverses. Les espaces des entreprises se recréent en fonction des
besoins des salariés, en créant des lieux de travail où ils peuvent aller et venir. Le travail
mobile amène aussi le travailleur à devoir gérer des tâches n’importe quand dans sa journée
et à n’importe quel moment, dans les transports sur leur smartphone par exemple.
L'ouverture sur le numérique par les entreprises peuvent les amener à plus contrôler le
travail des employés, avec le BYOD par exemple. Le lieu de travail, quel qu’il soit, est un
lieu ouvert et non plus une espace fermé où les employés n’ont l'obligation de ne faire que
travailler durant toute la journée. La vie sociale peut continuer pendant la journée de travail.
On observe clairement par la consultation faite d'Internet à des fins personnelles, qu'il y a
une alternance entre la vie sociale et la vie professionnelle sur une même journée.
Les heures de travail inscrites dans le contrat de travail ne sont plus des heures QUE de
travail uniquement. Une modulation du rythme de travail apparaît.
Face à ces nouvelles pratiques quelles sont les conséquences majeures qui pourraient venir
remettre en question le management et les conditions de travail ? De plus on se pose la
question de l'organisation à mettre en place pour que le travail soit tout de même effectué?
Qui doit manager ? Comment ?
42
A/ Distractions vs perturbations
1/ Oisif et productif
Travailler de façon connectée numériquement veut aussi dire avoir la possibilité de consulter
tout ce qui est présent sur le web. Nous avons vu que l’utilisation non-professionnelle
d’Internet sur le temps de travail est importante et que son usage professionnel et privé ne
sont pas distingués par l'employé. Le penchant « oisif » du surf sur Internet peut venir
contredire avec le productif qui doit ressortir d'une journée de travail.
En effet les notifications Facebook, Twitter, les mails personnels sont des petites
interruptions qui peuvent vite embouteiller un journée de travail et l’accomplissement de ce
qui doit être fait. Les distractions numériques peuvent être dérangeantes pour un travailleur.
Cas d'observation
Julien, cadre admet le fait que de “vagabonder” sur Internet et de passer d’un site à un autre
durant son temps de travail permet une certaine sérendipité qui peut être bénéfique pour
tomber sur l’information qu'il n’attendait pas. Mais selon lui si il se coupait des technologies
connectés au travail, sans avoir aucun accès à Facebook ou à ses mails personnels, il
admet qu’il manquerait beaucoup moins de temps et serait plus productif : « Par rapport au
temps passé à faire autre chose pour le boulot, le gain du temps (en naviguant sur Internet)
pour le travail n’est pas assez rentable ».
Cependant il indique que cela dépend du type de travail. Lui en temps que chef de projet,
cette navigation sans objectif peut s'apparenter à de la perturbation. Pourtant pour les profils
plus créatifs, il s’agit de distraction avec objectif. Il s'agit d'une utilisation du numérique sans
objectif précis mais qui permet de donner un bénéfice au travail. Julie, freelance et créatrice
de site web, en ayant un profil plus créatif va trouver des ressources sur Internet comme des
images, ou des sites Internet qui vont lui servir pour ses différents projets. Dans ce contexte
la consultation numérique oisive devient productive.
Ainsi un nouveau rythme de travail modulé apparaît afin d’alterner travail et distractions
numérique (avec ou sans objectif). Elle peut s’étendre sur une courte durée. Par exemple
Julie dans son travail met en place ce qu’elle appelle des « pauses-veille », qui consiste à
naviguer sur ses sites préférés. Sur une journée de travail, elle va alterner des tâches
concrètes (rédaction de mails ou de cahier des charges) avec des pauses recherche et veille
sur Internet. Elle tombe sur un site web, puis arrive sur un blog, elle tweete l’information
qu’elle veut partager. Parfois la navigation peut continuer ainsi jusqu’à ce qu’elle retourne à
une tâche de travail. Dans cet exemple d’observation, Julie va d’elle même se remettre à
43
une tâche de travail. Elle se force à se déconnecter de manière à retrouver son attention sur
une tâche de travail avec un objectif précis et non plus sur de la navigation sans objectif.
Le lieu de travail peut aussi être plus ou moins favorable à la distraction. Julie avant d’être
freelance a travaillé en open space et selon elle c'est le pire lieu pour travailler. Car en plus
des sollicitations numériques, il y a les sollicitations humaines. Selon elle l'open space est
mauvais pour la productivité. Les cubes séparés des autres travailleurs, est beaucoup plus
adapté à la productivité selon elle. Le travail chez elle lui permet aussi de devoir organiser le
bureau de son ordinateur pour pouvoir être dans une ambiance de travail et de
concentration. « On devient désorganiser suite aux sollicitations numériques ».
S'organiser un temps pour chaque chose et mettre en place une segmentation des espaces
lui permet de ne pas perdre de temps et d’augmenter sa productivité afin que son temps de
travail ne s’étire pas sur son temps personnel.
En effet comme nous le montre Jason Fried, rédacteur du livre Rework, nous explique ce
phénomène lors de son intervention TED “ Why work doesn’t happen at work” : « On a plus
de jour de travail mais une série de moments de travail. J’ai juste fait des tâches toute la
journée »80. Il nous explique qu’aujourd’hui on est distrait et interrompu de tout côté au
travail. L’employé n’arrive pas à avoir ne serait-ce que 2 heures à rester concentré au
bureau. C’est pour cela que les travailleurs travaillent de chez eux car ils ont besoin de
temps pour réfléchir sans personne, sans distractions, être dans une environnement où ils se
sentent bien, qu’ils connaissent, où ils seront sûrs qu’il ne seront pas dérangés. Pour lui le
travail fonctionne comme le sommeil, par étapes. Un véritable rythme alterné et modulé
entre travail et distraction numérique vient se mettre en place dans le but de pouvoir gérer la
multiplicité des tâches qui attendent le travailleur.
80 Fried, J. (2012) Why work doesn’t happen at work, [Vidéo]. Conférence TED.
44
2/ Surcharge informationnelle et multitâche
Une des tendances de l’utilisation du numérique au travail est aussi de changer la forme
même du travail. Ceci s’illustre avec l’utilisation du mail. L’utilisation des e-mails a été un des
premiers outils technologiques utilisé au travail. Il est utilisé par 96% des travailleurs81.
Aujourd’hui son utilisation s’est tellement démocratisée et a tellement explosé que des
mésusages sont venus s’ancrer.
En effet pour les cadres et les managers l’afflux d’informations par mails les force à devoir
faire de la manutention d’information principalement dans leur journée de travail plus que de
faire du management auprès de leur équipe. Ils passent leur temps à trier leurs mails,
prioriser les demandes urgentes des demandes moins importantes. Leur tâche principale est
de gérer ces informations ce qui vient modifier leur rôle de manager. C’est pourquoi ils
dégagent du temps le soir pour effectuer des tâches plus approfondies, qui demandent de la
concentration, et ceux durant leur temps de vie. Ceci leur permet de pouvoir avancer
sereinement dans leur travail. Cindy Felio, psychologue du travail, nous fait part des discours
des cadres face à cette surcharge informationnelle : « Dominique, cadre dirigeant : “je reçois
tellement d’infos, tellement de tableaux, etc, … qu’à un moment entre guillemets, je
démissionne »82.
D’une manière générale face à cette surcharge informationnelle les cadres sont obligés de
manager eux-mêmes leur rythme de travail et la répartition de leurs tâches. La surcharge
d’informations durant une journée de travail obligent alors certains employés d’étirer leur
temps de travail sur leur temps personnel. En effet les communications asynchrones (mails)
sont effectuées la journée et les communications synchrones (appel téléphoniques) sont plus
souvent effectuées le soir, car ce sont des tâches qui demandent de la concentration et de
l'attention83.
Des employés d’Intel dès 2006 indiquaient que la surabondance de mails et d’informations et
la manutention d’information qu’ils devaient faire en conséquence représentaient un temps
perdu de 8h par semaine, soit une journée de travail84.
81 Added value, Ifop, Bearing Point et Eranos. (2009) Références des usages des technologies de l’information au travail en France. Microsoft.
82 FELIO, C. (2011) “Risques psychosociaux et TIC : discours de cadres”. VIIème colloque international EUTIC. Bruxelles. Cindy Felio effectue sa thèse sur "les nouveaux comportements au travail et les risques psychosociaux liés à l’usage des technologies de l’information et de la communication chez les cadres intermédiaires et supérieurs”
83 De la Porte, X. (22 décembre 2012) Vie professionnelle / vie privée - Place de la toile. [Émission de radio]. France Culture.
84 Fayner, E. (16 aout 2012) Quand les patrons forcent les salariés à déconnecter hors du bureau. Rue89. Consulté le 3 janvier 2013 sur http://www.rue89.com/rue89-eco/2012/08/16/patrons-deconnectez-vos-salaries-au-moins-en-soiree-234580
45
Cas d'observation
Julien, cadre, spécifie qu'il a même besoin de deux écrans différents pour pouvoir gérer ses
différentes tâches en coordination avec ses différentes applications d'ouvertes (messagerie,
word, gestionnaires de bugs…).
Au final le travail se concentre sur de la gestion de tâches réparties sur la journée. Le
travailleur est obligé de travailler en multitâche en cumulant différentes informations durant la
journée. Et cela même jusqu'à devoir étendre son travail sur son temps personnel le soir.
3/ “Injonctions de connexion”85
Se connecter en permanence avec leur travail pour les travailleurs connectés accroît la
demande de travail en temps réel. L’instauration du smartphone professionnel permettant
différent types de connexion : appel, mails, réseaux sociaux, induit une demande de
connexion et de réponse immédiate du travailleur. Certains travailleurs doivent se livrer
“corps et âmes” à leur travail.
Cindy Felio86, psychologue du travail dans l’émission Place de toile exprime tout à fait cette
demande de connexion immédiate qui est demandé aux travailleurs connectés, en la
qualifiant d’“injonction de connexion”87. Les notifications des mails sur les smartphones
demandent une réactivité professionnelle hors du temps de travail. Cette mise à disposition
permanente peut-être perturbantes pour certains employés.
Cas d'observation
Même les travailleurs indépendants, comme l’est Julie, freelance confirme ce sentiment :
« Les clients me demandaient encore plus que lorsque je travaillais en entreprise, de
répondre dans l’immédiat à leurs appels, peu importe le moment, même tard le soir. Selon
eux je devais être plus disponible que les autres parce que je travaillais en free, donc j’avais
le temps ».
85 FELIO, C. (2011) “Risques psychosociaux et TIC : discours de cadres”. VIIème colloque international EUTIC. Bruxelles. Cindy Felio effectue sa thèse sur "les nouveaux comportements au travail et les risques psychosociaux liés à l’usage des technologies de l’information et de la communication chez les cadres intermédiaires et supérieurs”
86 Cindy Felio est psychologue du travail effectuant sa thèse sur "les nouveaux comportements au travail et les risques psychosociaux liés à l’usage des technologies de l’information et de la communication chez les cadres intermédiaires et supérieurs”
87 De la Porte, X. (22 décembre 2012) Vie professionnelle / vie privée - Place de la toile. [Émission de radio]. France Culture.
46
Cette « injonction de connexion » créée des perturbations qui peuvent se produire lorsque la
demande est faite en dehors du temps de travail. Ces perturbations peuvent prendre
différentes formes en amenant le travailleur à répondre à ses e-mails lors de ces soirées, sur
son temps personnel mais ce peut-être aussi dès le matin pour se préparer au travail, se
mettre en condition. Leur rythme de vie peut être pointillé par ces demandes de connexion.
Cependant comme nous le signale Cindy Felio : « le mot perturbation n’est pas employé par
les cadres, pour eux il n’y en a pas, ils doivent faire face seul à ces changements et c’est à
eux d'adapter leur conditions de vie face à ces bouleversements » 88. Ainsi les cadres
embrassent ces changements et ne prennent peu ou pas en compte les impacts négatifs. Ils
négocient leur temps de travail avec leur entourage professionnel et font en sorte de le
maîtriser par eux-mêmes. Cette catégorie d’employés, comme vue dans la Partie II,
travaillent par projet et sont très flexible dans leur méthode de travail. Le manque de rupture
nette avec le travail peut-être dérangeant mais ces conséquences psychosociales ne sont
pas encore prouvées.
Plus que de simples perturbations dans le rythme de vie se sont des événements qui
rappellent qu’aujourd’hui le travail continue là où il ne devrait pas initialement. Il est amené à
se déplacer d’une façon significative dans l’espace privée.
88 FELIO, C. (2011) “Risques psychosociaux et TIC : discours de cadres”. VIIème colloque international EUTIC. Bruxelles. Cindy Felio effectue sa thèse sur "les nouveaux comportements au travail et les risques psychosociaux liés à l’usage des technologies de l’information et de la communication chez les cadres intermédiaires et supérieurs”
47
B/ Éclatement des sphères privée et professionnelle
1/ Le travail dans le privée
Comme nous l’avons vu dans la Partie I, initialement le travail a toujours était lié à une
sphère en particulier. Durant l’antiquité il était lié au domaine purement privée, pour ensuite
avoir une place dominante dans l'espace public. La présence du travail dans la société a
évolué de telle manière à ce qu’il ne soit plus vu comme une tâche servile mais comme un
moyen de s’élever et de s’épanouir en tant qu’individu. La place du travail dans nos vies est
si importante qu’elle vient se déplacer dans notre sphère privée. Ce phénomène est amplifié
par les outils technologiques qui ont une place à part entière et qui sont des portes d’entrée
du travail dans la sphère privée.
Cindy Felio, psychologue du travail, nous indique que les cadres sont extrêmement touchés
par ce sentiment de déplacement du travail : « Ce lien peut être perçu comme une laisse
électronique, illustrant ainsi l'assujettissement du cadre à l’organisation du fait de
l’amenuisement de la maîtrise de son temps de travail. Il fait en conséquence, l’expérience
d’un certain enchevêtrement entre ses différentes sphères de vie. »89.
Certains employés ne s’y retrouvent pas dans cette distinction qui n’est plus claire entre la
vie privée et la vie professionnelle.
Ils peuvent être assujettis par un désir d’ubiquité permanent. Leur volonté de ne rater aucune
informations les poussent à oublier de se déconnecter et ils n’arrivent plus à faire la part des
choses entre vie professionnelle et vie privée.
Conscient du phénomène de porosité des temps sociaux, les sujets témoignent de
l'incommodité de faire face à cette modalité. Aller au restaurant avec des amis, aller au
cinéma, faire du sport sont autant d’activités sociales qui nécessitent une régulation entre
les sphères professionnelle et privée90.
Le travailleur connecté doit avoir la possibilité de pouvoir se déconnecter le soir afin
d’augmenter sa motivation à revenir travailler le lendemain matin91. Si l'employé n’arrive pas
à se déconnecter de lui-même certaines entreprises mettent en place une déconnexion
forcée.
89 FELIO, C. (2011) “Risques psychosociaux et TIC : discours de cadres”. VIIème colloque international EUTIC. Bruxelles. Cindy Felio effectue sa thèse sur "les nouveaux comportements au travail et les risques psychosociaux liés à l’usage des technologies de l’information et de la communication chez les cadres intermédiaires et supérieurs”
90 FELIO, C. (2011) “Risques psychosociaux et TIC : discours de cadres”. VIIème colloque international EUTIC. Bruxelles. Cindy Felio effectue sa thèse sur "les nouveaux comportements au travail et les risques psychosociaux liés à l’usage des technologies de l’information et de la communication chez les cadres intermédiaires et supérieurs”
91 De la Porte, X. (22 décembre 2012) Vie professionnelle / vie privée - Place de la toile. [Émission de radio]. France Culture.
48
« Il y a des alertes qui disent aux salariés de se déconnecter à heure fixe. Certaines
entreprises mettent en place des journées sans mail »92.
Ces techniques sont mises en place dans beaucoup des grands groupes comme chez
Thales ou Atos qui ont instauré presque de manière systématique le télétravail pour ses
employés et qui ont cette connexion permanente avec leur travail de chez eux.
Cas d'observation
Le travailleur connecté peut se rendre compte de lui-même qu’il faut qu’il se déconnecte afin
de prendre du temps pour lui. C’est le cas de Julien, cadre, qui dès qu’il rentre chez lui et si il
n’est pas contraint de le faire par des demandes urgentes, se déconnecte complètement de
son travail et surtout le week-end. Aucun de ses clients n’a son numéro de téléphone
portable afin qu’il ne soit pas interrompu et profite de son temps personnel. Il se rend compte
de lui-même que si il travaille sans coupure il n’aura plus la motivation nécessaire pour
reprendre son travail sur son lieu de travail.
Les travailleurs connectés doivent en permanence négocier leur rythme de travail. Cette
négociation afin de gérer les porosité des temps entre vie privée et vie professionnelle se fait
souvent de façon informelle et en dehors du cadre du contrat qui régit le nombre d'heures.
Cependant d’après Sylvie Hamon-Cholet93 « Notre étude “TIC et conditions de travail, les
enseignements de l’enquête COI” montre que les salariés connectés se sentent plutôt mieux
que d’autres ».
En effet d’après ce rapport, les salariés utilisateurs des technologies connectées ressentent
que leur travail est reconnu à leur juste valeur par leurs supérieurs. Le développement de
leur autonomie vient aussi corroborer ce sentiment. La personne est arrivée faire accepter
son rythme à son entourage professionnel. Il se réapproprie son rythme de travail, c’est ce
qui lui permet d’être épanoui.
Le numérique utilisé dans la cadre du travail a favorisé le fait que l’employé soit en
permanence connecté avec son travail. Pourtant le tableau n’est pas si noir, car il y a une
contre-partie à cela. Stefana Broadbent94, dans l’émission Place de la Toile sur le sujet “Vie
professionnelle/Vie privée” indiquait que la souffrance engendrée par le fait de ramener du
92 De la Porte, X. (22 décembre 2012) Vie professionnelle / vie privée - Place de la toile. [Émission de radio]. France Culture.
93 Sylvie Hamont Cholet est chercheuse au Centre d'études de l' emploi. Elle est notamment co-auteur de l'étude “TIC et conditions de travail, les enseignements de l’enquête COI” par le Centre d'études de l' emploi. Voir annexe n°4 (p.74)
94 Stefana Broadbent est
49
travail à la maison, s’il y a, est compensée par le fait que le privée puisse intervenir dans le
travail95.
2/ Une vie sociale en continue
La connexion permanente via les outils technologiques connectés durant le temps de travail
et sur le lieu de travail est un lien permanent vers la vie sociale des travailleurs connectés.
Comme nous l’indique, Stefana Broadbent pour elle la connexion permanente des employés
avec les outils numériques est un véritable avantage car elle les lie de façon permanente à
leur vie privée. Le travail n’est plus un lieu fermé, cloitré, mais un lieu où la vie de l’employé
en tant qu’être humain peut aussi avoir une place96.
Le fait de pouvoir continuer sa vie sociale est un élément motivant pour les travailleurs. Ils
n’ont plus l’impression d’être couper du monde en allant au travail. Ils peuvent éprouver un
sentiment de liberté.
Dans son livre, l'intimité au travail, qui vient étudier les entrées de la vie privée sur le temps
et le lieu de travail, nous indique :
L’environnement de travail réduit le niveau d’implication des gens. L’automatisation
implique des travaux de plus en plus dénués de sens avec des fonctions limitées. On
demande à bien des employés de concentrer leur attention sur des tâches sans sens et
répétitives et on sait qu’on a du mal à concentrer son attention quand on s’ennuie…
Finalement, le téléphone mobile sert à rester vigilant et en alerte. Comme nos
vérifications d’e-mails correspondent souvent à une chute d’attention dans notre travail et
font partie d’un cycle d’attention qui a pour fonction de la détourner pour nous permettre
de nous reconcentrer.97
C'est le rythme alterné et modulé dans notre travail numérique qu'elle explique ici. La
consultation par les outils technologiques des éléments de sa vie privée permettent une
hausse de concentration dans le travail.
95 De la Porte, X. (22 décembre 2012) Vie professionnelle / vie privée - Place de la toile. [Émission de radio]. France Culture. Étaient invités à l'émission Place de la Toile sur le sujet Vie professionnelle / Vie privée, Stefana Broadbent, sociologue, Cyndi Felio, psychologue du travail et Sylvie Hamont Cholet, chercheuse au Centre d'études de l'emploi
96 De la Porte, X. (22 décembre 2012) Vie professionnelle / vie privée - Place de la toile. [Émission de radio]. France Culture.
97 Broadbent, S. (2011). L’intimité au travail : la vie privée et les communications personnelles dans l’entreprise. FYP EDITIONS.
50
Cas d'observation
Julien, cadre expose ce cycle de perte d'attention. Un navigateur est toujours ouvert et
concerne essentiellement ses informations personnelles (Facebook, mails perso, …). Il va
être amené à les consulter lorsqu'il a une baisse de concentration, ou lorsqu'il a des micros
tâches à effectuer pour faire des micro pauses.
Ce morcellement des espaces privée et professionnel est aussi illustré par l’utilisation des
réseaux sociaux. Les travailleurs connectés consultent de manière indépendante du lieu les
réseaux sociaux professionnels (Linkedin, Viadeo) et les réseaux sociaux personnels
(Facebook). Sachant que Twitter est un réseau social qui ne possède pas clairement cette
distinction entre personnel et privée. Signe que l’individu n’est plus identifié en tant que
travailleur ou en tant que personne mais comme un seul et même personne. Les deux
casquettes du “travailleur” publique et de l’individu personnel ne sont plus clairement
démarqué.
Même si les conséquences psychosociales sur le manque de démarcation nette entre le
privée et le travail ne sont pas clairement établies il est clair qu’un mécontentement et une
sentiment de surmenage peut apparaitre chez certains travailleurs connectés. Ces
conséquences négatives apparaissent spécialement si au final ces travailleurs n’ont aucune
maîtrise sur leur rythme de travail et ne peuvent faire aucun compromis avec leur entourage
professionnel.
Les ouvertures de la vie privée sur le temps de travail permettent à l'employé d'ouvrir son
cadre de travail sur sa propre vie. Ainsi il est amené à s'organiser et à trouver des méthodes
pour que ses conditions de travail s'adaptent à ce déplacement et à ces modulations.
51
C/ Travail modulé : s'organiser pour travailler
Le travail à l'ère du numérique ouvre des possibilités et offre une liberté pour le travailleur,
l'employé ou l'entreprise.
Les conséquences du travail à l'ère du numériques poussent certains travailleurs à trouver
des solutions pour gérer au mieux la bonne exécution de leur travail en terme d'espace, de
rythme de travail et de gestion des tâches. Certaines entreprises elles aussi mettent en place
de nouvelles conditions pour créer le travail.
1/ Organisation de l’espace numérique de travail
a/ Espace et outils numériques
Le lieu de travail quel qu’il soit, doit rester un lieu de travail propice à la concentration afin
que le travailleur aussi connecté qu’il soit, reste productif.
Travailler chez soi pour un cadre ou même travailler chez soi tout le temps pour le cas des
travailleurs indépendants impose aux travailleurs d’organiser leur espace afin qu’il ne soit
pas seulement un espace privée mais devienne un véritable espace de travail.
Julien, cadre lorsqu’il est amené à travailler chez lui n’a pas de bureau. Il n'est pas dérangé
de travailler sur son canapé, son ordinateur portable sur ses genoux. Avant il n'avait pas
d'ordinateur portable personnel, donc il utilisait son ordinateur portable professionnel chez
lui. Il stockait des données personnelles sur son ordinateur professionnel sans que cela ne
pose de problème. Maintenant les deux ordinateurs personnel et professionnel restent
chacun dans des lieux séparés. Son téléphone portable est toujours à côté de lui afin qu’il
reste joignable par son travail ou même si il reçoit un appel personnel.
Pour Julie, freelance, son espace de travail est son espace de vie. Pour elle il est très
important de différencier les deux espaces. Ainsi elle a segmenté sa chambre (espace
privée) et de son bureau (espace de travail). Elle tient à ce que les espaces soient bien
segmentés afin de limiter les sollicitations provenant de son espace de vie qui pourrait
l’amener à la déconcentrer de son travail. Elle limite au maximum les sollicitations
numériques ou visuelles (écran de tv allumé ou autres). C’est pourquoi elle a choisi de
n'avoir qu'un seul écran pour être obligée de se concentrer uniquement sur ce qu'elle a en
face d'elle. Son téléphone portable est toujours à côté d’elle lorsqu’elle travaille et elle peut
répondre à tout moment durant sa journée même si il s’agit d’appels personnels.
Julien, lorsqu’il se trouve sur son lieu de travail amène son smartphone uniquement. Il se
trouve toujours sur lui dans n’importe quel lui que ce soit. Contrairement à Julie, il possède
52
deux écrans, car professionnellement c'est indispensable pour lui pour pouvoir travailler en
multitâche. Il a tout son travail d'ouvert sur ces deux écrans. Le fait d'ouvrir différents onglets
en même temps ne le perturbe pas.
Il est important d’agencer son espace de travail. Pour les travailleurs indépendants la
segmentation des espaces permet de limiter les sollicitations et de pouvoir se concentrer sur
son travail. Même si celui-ci est aussi un espace de vie, il est important de noter que les
deux espaces continuent d'être plus ou moins segmentés par les travailleurs eux-mêmes. Ils
décident par eux- mêmes de l'organisation de leur espace en fonction de leurs niveaux de
concentration, afin de plus ou moins limiter les sollicitations et les interruptions numériques.
b/ Espace numérique de travail
L’espace numérique correspond au bureau de l’ordinateur de travail :
Bureau de l'ordinateur ou espace numérique de travail
Cas d'observation
Parmi les interviews, il était intéressant de noter que pour les travailleurs connectés en
permanence à Internet, l’organisation des onglets, des tailles des fenêtres et de
l’agencement de l’espace numérique de travail était primordial afin de travailler avec
concentration.
En effet l’ouverture d’un navigateur Internet enchaîne l’ouverture de plusieurs onglets
différents. On ouvre un site puis on clique sur un autre lien, on arrive sur une page
53
Facebook, on cherche un de ses contacts. Ce phénomène est appelé sérendipité, ou plus
précisément sérendipité numérique.
Julie, freelance : « On devient désorganiser suite aux sollicitations numériques et la
procrastination numérique est dangereuse professionnellement” ». Ce qu’elle appelle
procrastination est en fait le fait de ne pas pouvoir décrocher de la navigation sur Internet.
C'est pourquoi elle tient à organiser son espace numérique et à s’y tenir.
Julie possède une adresse mail personnelle et une adresse mail professionnelle. Sur son
écran ses mails personnelles et professionnelles sont ouvert sur deux fenêtres en colonne.
Même lors de son temps de travail, elle veut toujours avoirs accès à ses mails personnels
même si elle va essayer d’en ouvrir le moins possible durant son travail. Cependant elle met
la taille de fenêtre de ses mails professionnels en plus gros afin de leur donner une plus
grosse importance. Elle fait de même pour toutes ses tâches de travail qui s’ouvre dans des
fenêtres différentes : elle classe l'importance de ses tâches par taille de fenêtre pour avoir
toujours une aperçu de l'importance de son travail. Certaines tâches très importantes vont
être en plein écran et le reste en fond.
Exemple d'organisation des fenêtres sur l'espace numérique de Julie
Julien, cadre peut consulter ses mails personnels sur son ordinateur professionnel. Il indique
qu’il ne reste jamais très longtemps sur des sites personnels mais y va très souvent. Par
exemple il laisse une fenêtre avec Facebook ouverte en fond des ses autres tâches de
54
travail, ou juste ouverte dans un onglet. Même si il effectue des choses personnelles, il
passe assez rapidement à autre chose et priorise toujours ses tâches de travail par rapport à
ses tâches personnelles.
L’organisation des espaces de travail est bien évidemment dépendant d’une personnes à
une autre. Chacun agence son bureau et son espace numérique en fonction de son niveau
de concentration ou au contraire s’impose un rythme et une organisation en fonction de sa
tolérance à la distraction. Ce qui ressort ici est la liberté de pouvoir gérer son espace en
fonction et son organisation en fonction de ses propres besoins.
2/ Gestion du temps
Des entreprises ont compris ce mode de gestion du rythme de temps modulé avec le rythme
de vie de manière générale et vient s'ancré dans le monde du travail à l'ère du
numérique. A plus petite échelle et comme démontré plus haut, il s'agit aussi de moduler
son rythme de travail en fonction des interruptions qui peuvent provenir de sa vie privée
par les outils technologiques mais qui proviennent aussi de l'environnement de travail
lui-même, comme les discussions entre collègues.
Nous avons montré que la collaboration et l’échange est un moyen efficace pour développer
ses projets, mais pour certaines tâches de travail et pour faire face à ses nombreuses
distractions numériques il faut parfois se couper de tout afin de rester concentré.
Comme l'indique Jason Fried98 « Pour cela il faut vaincre la dépendance à la
communication » Rework p.96
Selon lui, le rythme de travail doit se faire par étapes avec les nouvelle technologies et les
nombreuses distractions qui nous entourent. Dans son entreprise 37 signals, qui développe
crée des logiciels, il a instauré des périodes de travail et des longues périodes pour travailler
sur ses propres projets : travailler pendant 6 mois, prendre son vendredi, allouer un mois
pour travailler sur les projets diverses des employés. C'est un moyen pour l'employé de
pouvoir moduler son rythme de travail avec son rythme de vie et ses différents projets.
L'exemple de la perruque99 vient aussi illustrer que depuis des années les organisations ne
voyaient pas que l'environnement de travail pouvait être utilisé à des fins personnelles par
les employés. Les entreprises prennent conscience aujourd'hui au travers du numérique et
des pratique des travailleurs que le temps de travail s'ouvre à la vie personnelles des
travailleurs.
98 Jason Fried est 99 Le travail en perruque est le détournement des outils professionnels à des fins personnelles sur le temps
de travail. Il est pratiqué officieusement depuis des siècles.
55
Cette prise de conscience influe sur la gestion du temps pour les entreprises au vu d'allouer
plus de liberté pour les projets personnels des travailleurs.
Ainsi « c’est le cas chez Google quand l’entreprise décide de rajouter dans le contrat de
travail des ingénieurs le droit de s’investir dans des projets personnels à hauteur de 20% de
son temps de travail (qui ne s’applique qu’aux cadres de l’ingénierie). En agissant de la
sorte, Google officialise et rend légal le travail à la perruque qui n’était jusqu’alors que
pratique officieuse de détournement du temps de travail »100.
Pour certains managers ils s'agirait de perdre au final 20% de productivité de l'employé et
pourtant aujourd'hui le constat est là, les temps de travail n'est plus du temps de travail à
100% pourquoi pas le rendre officiel et modifier les contrats de travail.
Afin d'illustrer cette modulation du temps de travail, nous pouvons reprendre l schéma
développer sur l'alternance de consultation d'Internet à des fins privée et à des fins
personnelles qui vient se décliner sur une plus longue durée et à plus grande échelle :
--------------------------------------- .....….....….....….....….....--------------------------------------- ….....….....….....….....…....
6 mois 6 mois
-------- Travail
…..... Vie privée
Schéma de l'alternance des temps de travail et des temps alloués pour les projets personnels sur
Bien que l'officialité de la modulation du temps de travail n'est pas adapté à plus petite
échelle, sur une journée de travail, c'est en tout cas un constat que le temps du travail est
entrain de se déplacer pour prendre une autre forme modulé avec la vie et les besoins des
travailleurs.
100Fauré, C (14 mars 2011) Le travail en perruque à l’heure du numérique (Blog) Christian Fauré Hypomnemata : supports de mémoire
56
L'APPROPRIATION DU TRAVAIL ?
Le travail numérique n’est plus une tâche minutée et structurée selon une organisation
spécifique, comme il l’est décrit par le taylorisme. Il devient plus fluide et espacée dans le
temps. On peut avoir envie de commencer un travail, puis de travailler sur un autre projet
pendant une période puis de reprendre autre chose, avant de finir le travail initialement
commencé. Le travailleur connecté peut se permettre de diluer son travail dans le temps et
de le gérer comme il le souhaite du moment que le travail soit fini comme il l’était convenu
initialement.
Il lui revient le droit et le devoir de décider quand il doit travailler et quand il peut s’occuper
de sa vie privée. Ainsi c’est à lui de gérer son rythme de travail pour que les deux sphères
qui aujourd’hui se mélangent puissent coexister. Il est notamment envisageable de suivre
une rythme de travail modulé, en alternant des tâches de travail et des tâches de distractions
sur une courte période (une journée) ou sur une plus longue période. Ce rythme se détache
du rythme actuel de travail régit par des horaires fixes : Travail de 9h à 18h et ce 5 jours par
semaine. Ce fonctionnement permet aussi au travailleur de pouvoir jongler avec ses sphères
privée et professionnelle et ses différents lieux de travail. Donner plus de liberté au travailleur
va lui permettre de plus le responsabiliser et non pas le contraire.
Mais pour certains travailleurs et surtout pour certaines entreprises il est difficile d’admettre
ce nouveau fonctionnement. Il est ancré dans notre esprit, et ce depuis l’Antiquité, que le
travail faisant partie de l’espace publique et la vie privée sont deux sphères distinctes et
indépendantes l’une de l’autre. Même notre société et ses structures se sont construites
autour de cette vision.
Le cadre spatio-temporel de l’entreprise éclate, c’est la fin de l’unité de lieu, de l’unité de
temps et de l’unité d’action. Avec l’essor des tablettes, des tiers-lieux de travail et du
télétravail, on devient tous des travailleurs nomades : on travaille n’importe où et
n’importe quand. Notre vie devient alors une mosaïque de temps personnels et de temps
professionnels qui s’imbriquent et se confondent. La proximité dans le travail ne disparaît
pas, elle est simplement recentrée sur sa valeur – l’intelligence collective – et sur sa
raison d’être – le lien social 101
Dorénavant plus qu’une rupture nette est précise entre le temps de travail et le temps privée
c’est une modulation des rythmes de vie (privée et public) qui viennent se créer et que le
travailleur doit pouvoir gérer de différentes manières.
101Greenworking (2012) Le télétravail dans les grandes entreprises françaises :Comment la distance transforme nos modes de travail. MINISTRE CHARGE DE L’INDUSTRIE, DE L’ENERGIE ET DE L’ECONOMIE NUMERIQUE
57
La liberté que possède l'employé, le cadre ou le travailleur indépendant aujourd'hui de
pouvoir continuer sa vie sociale sur son temps de travail au travers de ses outils numériques
montrent clairement que les temps de vie et de travail ont fusionnés. Les nouvelles
technologies font disparaître l'identification au lieu et au temps de travail102
Puisqu’il existe des tiers lieux de travail, il devrait exister des tiers-temps où les individus
pourraient travailler de manière non structuré par l’unité de temps qui régit notre mode de
travail aujourd’hui.
Partout, on constate d’un air surpris que presque tous les phénomènes sociaux peuvent
faire l’objet d’une “reconstruction temporelle”, ce qui signifie qu’ils peuvent être décrits de
manière nouvelle en les considérants sous l’angle du temps - des techniques de
domination aux différences de classes, des problèmes interculturels aux retards de
l’évolution socio-économique, des rapports entre les sexes aux régimes de protection
sociale, jusqu’aux expériences de l’hôpital, de la prison ou de la drogue103.
L'environnement de travail doit tout de même rester un espace propice à la concentration et
il reste toujours cette notion de productivité d'activité. Mais dans une société de l'économie
numérique, ce travail ne s'effectue pas en totale autonomie mais en collaboration avec
différents interlocuteurs.
On se tourne vers une prise de conscience du travailleur connecté. Mais plus qu’une prise
de conscience de ce travailleur c’est aussi une prise de conscience des entreprises et du
monde du travail. Il s’agit de prendre en compte les conséquences des nouvelles
technologies sur notre rythme de travail et sur sa gestion du temps qui vont permettre de
trouver de nouvelles solutions afin d’être en accord avec le profil du monde du travail
d'aujourd'hui.
Le travailleur connecté devient déconnecté de son entreprise. Indépendamment de son type
de contrat, il est autonome, mobile et connecté en permanence à son travail et à sa vie
privée. Il ne fait plus qu’un avec ses deux sphères privée et professionnelle. Le travailleur
connecté (la “personna”) et l’individu déconnecté (le “moi”) n’est plus qu’une seule et même
personne. L’individu enlève petit à petit son masque sociale ou serait-ce son masque sociale
qui vient s’attacher à l’individu ?
102De la Porte, X. (22 décembre 2012) Vie professionnelle / vie privée - Place de la toile. [Émission de radio]. France Culture.
103Hartmut, R. (2010) Accélération : Une critique sociale du temps. Paris : La Découverte.
58
L'organisation de travail ou de l'emploi vient correspondre aux besoins du travailleur : il va
dépendre de chacun ; de ses besoins ; de sa vie ; des ses envies ; de ses déplacements.
Comment le contrat de travail peu-il encore gérer et contrôler tous ses paramètres, ses allers
et venus, au sein du monde du travail s'il n'est pas déplacé ?
59
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62
ANNEXES
ANNEXE n°1 : Interview d'Anne Céline Tissot p.64
ANNEXE n°2 Interview de Julie Lazard p.67
ANNEXE n°3 Interview de Julien Iro p.71
ANNEXE n°4 Interview de Sylvie Hamon Cholet p.74
63
Annexe n°1
Anne-Céline Tissot, Global Assistant Brand Manager, Dove Skin Facial CleansingInterview par mail
le 5 décembre 2012
Bilan des réponses
L’entreprise: Dans son entreprise son bureau n’est même pas personnalisé. Les locaux sont
des énormes open-space avec des bureaux qui sont à la disposition de n’importe quel
employé. Les employés peuvent partir de leur lieu de travail quand bon leur chante, allouer
du temps à leur vie personnelle puis reprendre leur travail de chez eux. Ceci tant que le
travail est effectué en temps et en heure.
Elle ne se fait pas un planning préétabli de sa journée.
Travail à la maison : 15% et 25% de son temps de travail se fait chez elle : Soit sur 45
heures de travail a peu près 9 heures a la maison.
Elle a une liberté par rapport à son employeur, si elle a un planning chargé, des rendez-vous
tôt, des conf call avec l’étranger, elle doit avoir la liberté de pouvoir manager son temps
comme elle le souhaite.
Elle fait partie du salariat de confiance. Son emploi du temps est flexible. Elle doit s’assurer
que son travail est rendu à temps mais elle peut géré son temps comme elle le souhaite pour
pouvoir faire des choses personnelles.
Mais parfois elle est tout de même amené à travailler le week-end. Elle privilégie de travailler
moins tard la journée mais de travailler le week-end.
Les problèmes : La réunionite est un vrai problème. C’est ce qui lui donne l’impression de
perdre son temps parfois de faire des réunions trop longues, avec trop de personnes. Et
c’est ce qu’elle aimerait changer dans son rythme de travail. C’est ce qui l’empêche de
prioriser certaines tâches, surtout le matin.
Les outils numériques :Elle utilise ses outils numériques personnels à son travail.
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Réponses aux questions
Est ce que vous organisez votre journée en différents étapes ?
non
Vous arrive-t-il de travailler hors de votre lieu et de votre temps de travail ?
Oui
Pourquoi êtes-vous amené à travailler chez vous ?
1) car j'ai l’opportunité de choisir d'ou je veux travailler donc si je n'ai pas de réunion et que
je souhaite travailler de chez moi parce que c'est plus agréable.
2) Parce que je travaille avec les USA et le Japon donc il m'arrive d'avoir des call meeting
tôt le matin ou tard le soir, je préfère faire ces calls depuis chez moi.
3) Car il y a des urgences et je dois travailler tard ou le week end pour finir en temps voulus
Sur une semaine combien de temps en moyenne passez-vous à travailler chez vous ?
Ca dépend des semaines mais on peut dire que entre 15% et 25% de mon temps de travaille
se fait a la maison : Soit sur 45 heures de travail a peu près 9 heures a la maison
Êtes-vous satisfait(e) de votre rythme de travail ? Pourquoi ?
Oui, parce qu'il est flexible : Je dois juste m'assurer que mon travail est rendu a temps mais
je peux organiser mon temps comme je l'entends donc je peux partir tôt certains soirs pour
faire des choses personnelles
Avez-vous le sentiment de manquer de temps pour effectuer votre travail ? Si oui,
pourquoi ?
Oui parce que j'ai beaucoup de réunion dans la journée durant lesquelles je ne peux pas
avancer le travail qui est en attente.
Quel type d’outil numérique personnels amenez-vous ou consultez-vous sur votre lieu
de travail ?
smartphone, boite mail perso, réseaux sociaux personnels (Facebook, ...)
Dans quelles types de situations êtes-vous amené à les utiliser durant une journée de
travail ?
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En réunion, en pause
Avez-vous le sentiment de pouvoir gérer vous-même votre rythme de travail (par
rapport à votre employeur) ?
oui
Que souhaiteriez-vous modifier dans votre rythme de travail ? Qu’est ce qui pourrait
l’améliorer ?
Ce qui pourrait m'aider c'est de ne jamais avoir de réunion de 9h a 10h pour pouvoir au
moins lire mes mails et prioriser mes différents projets
Dans quels autres lieux êtes-vous amené à travailler ?
Chez les agences avec lesquelles je travaille, dans des cafés, dans des aéroports ou gare
Vous arrive-t-il de travailler le week-end ? et pourquoi ?
Oui, pour finir le travail a temps
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Annexe n°2
Julie Lazard ,chef de projet web en Freelance
Interview in vivo
le 11 décembre 2012
Bilan des réponses
Avant-propos : Julie est freelance depuis quelques mois. Elle n'a pas choisi d'être free. C'est
par défaut, en attendant de trouver un travail qu'elle met à profit ses compétences en
gestion de projet web, en création graphique et en développement afin de créer de A à Z des
sites web pour ses clients .
Elle privilégie des projets courts et cumule les projets les uns après les autres sans jamais
en chevaucher deux en même temps. Elle a la possibilité de faire cette selection en tant que
free afin d'être complétement dédiée à un projet sur une période.
Organisation d'un projet :
D'une manière générale elle essaie de construire ses projets de la manière suivante :
1/ Communication avec le client sur ce qu'est un cahier des charges et son contenu durant 2
semaines à un mois
2/Retour graphique sur un mois (où elle fait des pauses-veille). Période où elle a besoin de
réflexion et donc de se faire des périodes de recherche.
3/ Développements web durant 3 semaines environ, sans aucune communication avec le
client. Durant cette période elle est en “rush”, et elle bouffe du code,pour être complétement
à fond dans le développement
4 /1 semaine de retours suite à la mise en production
Elle souhaite toujours cadrer au maximum son client afin de privilégier son propre planning
Privilégier un seul projet à la fois lui fait forcément gagner moins d'argent mais en conte-
partie elle a des horaires plus libres.
Une journée de travail :
Le matin elle se prépare et se maquille comme si elle se déplaçait à son travail afin de se
mettre dans les vraies conditions.
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9h30 : Ses tâches sont de la veille, lecture de mail, de la recherche
10h : Elle commence à travailler en allouant son temps à une tâche concrète ou à de la
création pure
11h30 : pause pour décompresser où elle fait des pauses-veille Ces pauses sont très
ryhtmées et cadrées. Elle souhaite effectuer de “vraies” pauses, en les différenciant
sensiblement de son travail (espace et temps). Soit elle lit quelque chose ou elle prend un
café en se déplaçant dans sa cuisine.
12h30 : Pause déjeuner. Elle se déconnecte volontairement de toutes solliciations
numériques afin d'effectuer une vraies pauses déjeuner pour pouvoir mieux rattaquer ensuite
(pas de gmail, pas manger devant son ordi et travailler en même temps)
14H : Elle se remet à travailler en effectuant de la veille/recherche
Et alterne jusu'à 18h environ, les tâches concrètes qui peuvent être de la rédaction par
exemple (environ 2h) et les tâches de recherche/veille.
Outils numériques :
Elle possède un ordinateur avec un seul écran,une tablette graphique et un téléphone
portable qui lui sert aussi pour sa profession.
Elle utilise ses outils numériques personnels pour développer.
S'imposer un rythme :
Elle s'est vite rendu que la procrastination numérique est dangeureuse professionnellement.
C'est pourquoi elle essaie de suivre à la lettre son rythme de travail et de vraiment séparer
ses espaces et son temps de travail.
Elle peut répondre au téléphone même personnel pendant sa journée de travail mais n'ouvre
aucun mails personnels, en tout cas le moins possibles. Car si elle commence à ouvrir un
onglet ou à regarder quelque chose qui l'interpelle elle n'arrivera plus à se reconcentrer sur
son travail.
Elle a une adresse mails pro et perso.
Sur son écran elle ouvre sur deux colonnes ses mails perso et pro, pour toujours être
en alerte quand même sur ses mails persos. Mais met une taille plus grosse de fenêtre
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sur ses mails pros.
Elle classe l'importance de ses tâches par taille de fenêtre pour avoir toujours une
aperçu de l'importance de son travail (Plein écran pour des tâches importantes et le reste
en fond)
Il peut lui arriver des consulter des sites personnels que ce soit pour sa veille ou sa
rercherche et dans ce cas là elle laisse toujours ouvert une fenêtre de son travail ouvert,
pour se rappeler de devoir se reconcentrer sur son travail.
Au téléphone avec un client, elle note toujours sa conversation pour ne pas lâcher pas le fil
de sa pensée.
Elle a choisit de n'avoir qu'un seul écran pour être obligée de se concentrer uniquement que
sur ce qu'elle a en face d'elle.
Elle limite au maximum les sollicitations numérique ou visuels (écran de tv allumé ou autres)
Elle peut enregistre des photos qu'elle trouver sur son ordi pour pas laisser ouvert des
onglets et donc limiter la tentation : Limiter à fond la procrastination au maximum
Elle travaille uniquement chez elle, elle rationalise son temps, pour ne pas perdre de temps
de déplacement. Limite au maximum les déplacements.
Fait le choix financier de pas avoir de téléphone professionnel, mais problématique car le
soir les clients peuvent appeler à tout moment, surtout en période de MEP
Rationnaliser ses déplacements et donc son temps lui permet de dégager plus de temps
personnelle.
Elle n'écoute même pas de musiques car c'est une tentation supplémentaire pour elle.
Séparation des espaces :
Séparation de l’espace chambre et travail pour tout segmenté surtout en freelance !
Elle segmente les espaces pour limiter les sollicitations, une tâche à la fois.
Elle n’emmène pas son téléphone au toilettes.
Elle a travaillé en open space et selon elle c'est le pire lieu pour travailler. Car en plus des
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sollicitations numériques, il y a les sollicitations humaines.
On écoute les conversations des autres donc elle ne parlait pas avec les autres.
Toujours des sollicitations permanentes, l'open space est mauvais pour la productvité. Les
cubes pour la productivité c'est beaucoup mieux.
On devient désorganiser suite aux sollicitations numériques. S'organiser un temps pour
chaque choses et de mettre en pace une segmentation des espaces lui permete de ne pas
perdre en productivité et donc en temps afin, de ne pas devoir grapiller des moments même
en dehors du travail.
Le plaisir de se détendre est 2 fois plus forts si l'on segment bien son temps et ses espaces.
Elle est amenée à dénumérise les adresse urls, à les noter sur du papier pour pouvoir leur
donner une plus grande importance. Au lieu de cumuler les onglets et les marques pages
qu'au final on ne consulte jamais.
Elle connait des personnes qui vont jusu'à se créer une session différente sur leur ordi pour
le travail uniquement. Elle ne le fait pas car ses recherches persos peuvent lui servir pour
son travail et viennent l'alimenter.
Retourner en agence ? Oui, car elle ne veut plus tout faire, demande trop d'énergies. Et c'est
pesant d'être seule, car elle a choisit de se limiter dans ses conversations sur Internet
personnelle justement pour son travail.
Le mode freelance n'est pas un rythme qui lui plait. Elle veut pouvoir sortir pour se rendre à
son travail.
Travail le week-end : dépend de la motivation par rapport au projet, mais peut rusher le week
end en développement mais peut être 2h en grosse période.
Elle a tenté de discuter par chat avec ses clients. Mais elle s'est vite rendu compte que
c'était inadapté car ils demandaient d'elle encore plus d'immédiateté et ce mode de relation
client décridibilise la relation.
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Annexe n°3
Interview Julien Iro, chef de projet Internet et mobile en agence
Interview in vivo
Le 10 janvier 2013
Avant-propos :
Julien est chef de projet web & mobile à l'agence Buzzaka. Il y travaille depuis 1 an et 3
mois, en tant que cadre.
En partant pour son travail, il va consulter ses mails professionnels dans les transports en
commun, si il n'a rien d'autre à faire. Il arrive sur son lieu de travail à 9h30. Si il n'y a
personne il commence tout de suite à bosser, sinon il va discuter avec ses collègues de
choses personnelles, de leur soirée de la veille …
C'est à 10h véritablement qu'il va commencer à se mettre devant son poste et commence à
travailler.
Avant chaque journée il sait ce qu'il a à faire, il se fait un To Do List par priorités. Mais il
anticipe le fait que ça lui prendra toujours plus de temps que prévu « Quand je sais que j'ai
une livraison à faire pour 12h, je sais déjà que je la livrerais uniquement à 15h ». Il
anticipe le retard qu'il aura sur son travail.
Outil numériques personnels au travail :
Il amène sur son lieu de travail son smartphone uniquement. Il n'a pas de tablette. Pour lui
ce serait du luxe.
Avant il n'avait pas d'ordinateur portable personnel, donc il prenait son ordinateur portable
professionnel chez lui. Du coup il laissait des choses personnels sur son ordinateur
professionnel sans que cela ne pose de problème.
Maintenant les deux ordinateurs personnel et pro restent chacun dans des lieux séparés.
Sur l'ordinateur professionnel, il peut consulter ses mails perso, ses réseaux sociaux, des
vidéos, acheté un billet de train.
Il ne reste jamais très longtemps sur des sites perso mais y va très souvent. Une fenêtre
avec Facebook d'ouvert peut rester en fond, ou juste ouvert en onglet.
Même si il effectue des choses personnelles, il passe assez rapidement à autre chose et
n'est pas impacté par le phénomène de sérendipité.
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Il a deux écrans, car professionnellement c'est indispensable pour pouvoir travailler en
multitâche. Il a tout son travail d'ouvert sur ces deux écrans. Le fait d'ouvrir différents onglets
en même temps ne le perturbe pas.
Un navigateur est toujours ouvert et concerne essentiellement les choses personnelles
(Facebook, mails perso, …). Il va être amené à les consulter lorsqu'il a une baisse de
concentration, ou lorsqu'il a des micros tâches à effectuer pour faire des micro pauses.
Quand il rédige quelque chose il doit être concentré et ne se disperse pas.
Il est amené à consulter ses mails et réseaux sociaux personnels en réunion mais rarement
en pause. En pause il préfère les contacts directs . « En 8 sec je regarde si c'est une
urgence »
« En déplacement pour aller chez un client par exemple, j'avais fait du redmine et de la
gestion de tâches dans les transports en commun. »
Ressenti et vécu :
Il a la possibilité de travailler chez lui mais cela reste rare et il essaye de l'éviter au
maximum. Uniquement quand il y a des retards ou dans les grands rushs : peut rester 3
semaines sans rien ramener à la maison, et en période d'appel d'offre, il peut travailler le soir
2 ou 3 fois sur toute la semaine.
« Mes clients n'ont pas mon numéro de portable, et je n'ai pas le leurs. »
Si il doit ramener du travail supplémentaire chez lui, il préfère le faire le week end que le soir
pendant la semaine pour pouvoir vraiment décrocher du travail avant de reprendre le
lendemain.
Quand il est chez des clients il peut parfois rester travailler, pour ne pas perdre du temps
dans les transports.
Avec les notification push, il se sent assailli par des messages diverses personnelles.
Pour lui, si il se coupait des technologies connectés il manquerait beaucoup moins de temps
et serait plus productif.
« Par rapport au temps passé à faire autre chose pour le boulot, le gain du temps pour
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le travail est pas assez remptable. »
Travailler chez lui lui permet de plus se concentrer ne pas être parasiter par d'autres tâches,
mais représente un effort à fournir pour se motiver.
Il peut faire des visioconférence de chez lui avec ses collaborateurs, ou quand il n'a pas pu
se concentrer, sans être distrait, au travail pendant la journée.
"Pourquoi je le (consulter se mails perso, être sur Facebook, ...) fais parce que je peux
le faire".
Organisation de l'espace de travail chez lui :
Il met la télé en fond pour avoir un bruit, mais sans que ça ai besoin de suivi.
Le téléphone est toujours a coté au cas où.
« Pour un chef de projet, quand tu es sous l'eau tu n'as pas le temps de regarder
Facebook ou Twitter. Tu ne peux pas perdre de temps à consulter ça. »
Au final , Julien est un travailleur connecté mais il n'est pas addict des outils technologiques.
Il les utilisent dans son travail et bénéficie ainsi de ses avantages : trouver facilement une
information, communiquer à distance avec ses collègues de travail, possibilité de télétravail.
Mais il sait maitriser sa connexion, il sait quand il peut l'arrêter et ainsi arrêter son travail pour
reprendre sa vie privée. Il a tout à fait conscience que le fait de pouvoir se connecter de
manière permanente à sa vie privée sur son lieu de travail, par le BYOD ou la connexion à
sa boite mail perso ou autre, est un plus. Mais il admet le fait que cette possibilité qu'il prend
lui fait perdre en productivité.
Pour lui son travail se transforme de plus en plus gestion de « microtâches ».
Il arrive à maitriser sa connexion permanente et ainsi son rythme de travail. Il anticipe le
retard qu'il aura sur ses principales tâches et il accepte ce retard.
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Annexe n°4
Sylvie Hamon Cholet, chercheuse au Centre d'études de l' emploi. Elle est notamment
co-auteur de l'étude “TIC et conditions de travail, les enseignements de l’enquête
COI” par le Centre d'études de l' emploi.
Interview par mail
le 17 janvier 2013
Réponses aux questions
Dans mon mémoire, je cible mon étude sur les travailleurs connectés :
- Pensez-vous que la connexion permanente de ces travailleurs les amène à quitter
plus souvent leur lieu de travail ? Et au final, ont-ils plus de liberté par rapport à leur
entreprise de décider de leur lieu de travail ?
Comme nous l’avons écrit dans le 4 pages que je vous ai envoyé, c’est plutôt par rapport à la
tâche. Etre connecté ne signifie pas que l’on puisse vraiment mener sa tâche à bien depuis
l’extérieur.
Il est probable qu’un certain nombre de choses puissent être faites dans un lieu différent que
son lieu de travail, mais je ne suis pas sûre que cela donne plus de liberté.
- Pensez-vous que la diffusion massive des outils technologiques au travail
autonomise de plus en plus le travailleur et peut alors expliquer le nombre croissant
de travailleurs indépendants et de freelances ?
Plusieurs études ont montré que les salariés utilisateurs d’informatique étaient plus
autonomes (voir le rapport joint), cela ne veut pas dire que cela les autonomise quant à leur
relation avec un employeur.
- Les travailleurs connectés se sentent-ils plus productif au travail ou non ?
Je n’ai pas d’élément pour répondre à cette question
- Pensez-vous que les travailleurs connectés soient amenés à devoir gérer eux-mêmes
leur rythme de travail jusqu'à devoir ne plus du tout respecter leur horaires de
travail ?
Le fait d’être connecté jour sur le rythme de travail, pas nécessaire dans le sens d’un
allègement (voir le rapport joint)
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- Est ce que les travailleurs les plus connectés peuvent être en mal-être par rapport à
cette connexion permanente et le débordement du travail sur le privé qui peut en
découler ?
Notre étude montre que les salariés connectés se sentent plutôt mieux que d’autres (voir le
rapport joint)
- Est ce que certains travailleurs connectés sont amenés à se déconnecter
volontairement des TIC ?
- Que pensez-vous de la déconnexion forcée des TIC imposée par certaines
entreprises ?
- Quelles sont selon vous et par rapport à vos observations, les solutions qui seraient
intéressantes de mettre en place pour palier au mal-être des certains travailleurs
connectés ?
- Est ce que ce sont plus aux entreprises de mettre en place des nouvelles méthodes
de management envers leurs employés connectés ?
Pour ces 4 dernières questions, je pense que l’informatique connectée n’est qu’un outil parmi
d’autres de l’organisation du travail et de la notion de travail. Il faut peut être revoir les
dysfonctionnements de nos organisations du travail qui véhiculent des idées sur la valeur
travail et comment cette dernière s’impose à d’autres. Au-delà des problèmes de connexion
H24, on relève aussi des problèmes de présentéisme pervers par exemple.
Pour ces dernières questions, peut être qu’une discussion de vive voix serait plus adaptée
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