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Campagnes solidaires I N° 191 Novembre 2004

Dossier

« Nous sommes tous des victimesde la mondialisation, assujettis àl’hégémonie des centrales d’achatqui dictent les prix, la manière deproduire, de conditionner, et decommercialiser nos produits. Nousne connaissons pas les 35 heures. Letravail est dur, ingrat et n’est pasrémunéré à sa juste valeur. » Telleest la litanie du paysancontemporain.La difficulté de survivre et ladisparition des petits paysans nousamènent à pleurer sur leur sort.Mais simultanément, l’acceptationd’un système de dépendance à basede subventions favorisel’industrialisation et laconcentration de l’agroalimentaire.Nous cédions aux chants des sirènesde la machine, de la technicité, dela croissance exponentielle pour nepas être balayés par la compétition.Nous avons rasé les haies, fait levide hygiénique à coup depesticides et nous nous sommesendettés dans la course au derniercri de la tractorisation. Nouspensions contribuer ainsi à lafuture prospérité paysanne.Évidemment, nous étions poussésdans cette fuite en avant par lesgouvernements successifs, le grandsyndicat paysan et les expertsscientifiques qui nous promettaientun âge d’or. Mais il nous a falludéchanter rapidement et changerde direction. La foi inébranlable dans la modernité, dans le progrèsinfaillible, dans l’instrumentalisation de l’univers parl’homme, commence à être ébranlée. L’hommeapprenti sorcier omniscient, capable de manipuler lanature, de créer des substituts génétiques du vivant, devaincre les maladies est un mythe réfuté par lesendémies et les pathologies inhérentes à son mode devie insouciant des dégâts qu’il génère. C’est dans ce contexte de crise que l’on doitcomprendre l’immigration. «Ils voulaient de la maind’œuvre et des hommes sont venus»(1) . Nous avonsdonc invité chez nous ces machines humaines : elles nese syndiquent pas, ne rechignent pas aux heuressupplémentaires, hésitent à déclarer leurs accidents detravail. Il n’est pas nécessaire de les amortir, celles quise détraquent et s’usent sont remplacées sans autreforme de procès. Point n’est besoin de loisirs, de

culture pour ces robots. Leur vie est ailleurs...En France, on a créé les “contrats OMI”, procédureadministrative qui permet de mettre des ouvrierssoumis à disposition des employeurs. Cela fonctionnedans les Bouches-du-Rhône depuis trente ans et cemodèle commence à contaminer d’autresdépartements. On a même vu des producteurs, très souventindustriels, se recommandant de l’agriculturebiologique, oublier, dans leur course au profit, nonseulement le respect de l’environnement mais aussicelui de leur personnel. Si le problème de l’exploitationn’est pas spécifiquement paysan, la justification elle,qui allègue de la fatalité “On ne peut pas faireautrement… !” traverse tous les régimes politiques.

Peter Gerber

(1) Max Frisch, écrivain suisse

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