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PRESENTATION

Le présent rapport rend compted’une recherche commandée par laDATAR

au Laboratoire Techniques, Territoires etSociétés,agissant en coopération

avec leCEREM-FORUM de l’Université deNanterre.

Le thème central de cette recherchee s t : la globalisation et la

territorialisation desgroupes.

Le coeur dutravail aconsistédans lamise enplaced’un dispositif original

de séminairespermettant à des acteurs publics (de laDATAR en particulier)

et à des chercheurs de rencontrer desresponsables dehaut niveau de

grandes entreprises (industrielles maisaussi tertiaires), ces dernières

présentant les stratégies et leslogiques de territorialisation deleurs firmes, et

ayantaccepté derépondre aux questions de l’auditoire.Chaque séminaire

s’est déroulépendant unedemi-journée,entre mai et novembre1996,et a

fourni un riche matériau de premièremain.

Ont ainsi été auditionnés des dirigeants de :

- Rhône Poulenc Rorer

- Rhône Poulenc Chimie

- Bouygues

- Bos tonConsultingGroup

- C a n o nFrance

- N o v a t r a n s

Le rapport s’appuie également sur d’autresauditions, interviews et

présentations des responsables desentreprises suivantes :

- Lafarge

- Usinor-Saci lor

- Thomson-CSF

- C A P Gemini

La documentation Française : "Globalisation et territorialisation des groupes industriels : rapport de synthèse / Association amicale des ingénieurs des Ponts et Chaussées

et des anciens élèves de l’Ecole nationale des Ponts et Chaussées de France ; Pierre Veltz ; Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale."

- D a n o n e

- 3 M

- Péchiney

- France-Télécom

Un mémoire de DEA del’Université deParis XII a également étéréalisé su r

la question deséchellesgéographiquesdans lesorganigrammes(F. Wiscart,

juillet 1997), enrelation directe avec la recherche.

Le rapports’appuie enfin sur laconnaissanceaccumulée ausein desdeux

laboratoires, les recherches-actions menéesdepuis delonguesannéespar le

LATTS avec demultiples grandes entreprises et lestravaux statistiques ou

d’enquêtes menées par leCEREM-FORUM.

L’objectif de la présentenote de synthèse est defournir au lecteur les

résultatsprincipaux de cesinvestigations,sous une formeaccessible etutile,

donc relativementbrève. Il faut insister ici sur le fait que lessujetsévoqués

- la "globalisation" des grandes firmes, les transformations

organisationnelles quecette globalisation entraîne, lesimplications

territoriales de cestransformations - font l’objet d’une littérature générale

abondante,notammentsous laforme de livres demanagement quivantent

les dernières recettes-miracle,mais qu’il existe étonnamment peud’études

monographiquesprécisespermettant de dresser untableau objectif d ’un

univers organisationnel enpleine mutation.

La commande passée par la DATAR comportait principalement la

réalisation du séminaire.Les comptesrendus de ce dernier ont fait l’objet de

deux rapports d’avancement remis à laDATAR. Nos interlocuteurs o n t

demandé expressément que ces comptesrendus, qui contiennent des

éléments confidentiels, ne soient pasrendus publics au-dela desmembres

du groupe detravail.

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et des anciens élèves de l’Ecole nationale des Ponts et Chaussées de France ; Pierre Veltz ; Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale."

SOMMAIRE

1. Introduction 4

- L e contexte: passaged’oligopoles nationaux à des oligopolesmondialisés- Un enjeu-clé pour lesterritoires- Portée et limites d’une analysecentrée sur les grandesfirmes

2. Stratégies etorganisations : les grandes tendances 13

3. Echelles géographiques et niveauxd’organisation 23

- L a dialectique entre marchés-produits et marchésgéographiques

4. Echelles géographiques etstructures fonctionnelles 31

5. Pour conclure : les groupes enFrance ; la place del’Europe : les groupes et le local 37

Références 43

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et des anciens élèves de l’Ecole nationale des Ponts et Chaussées de France ; Pierre Veltz ; Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale."

1. Introduction

Le contexte : passaged’oligopoles nationaux à des oligopolesmondialisés

Des premières décennies dusièclejusque dans lesannées 70, lesmodalités

d’organisation de laplupart des branches ont étédominées par laformation

d’oligopoles nationaux, marquant un repli par rapport à lasituation

économiquenettement plusinternationalisée (en termesrelatifs) qui avait

prévalu jusqu’à laveille de lapremière guerre mondiale(Hirst, Thompson,

1996). L’espace de production, l’espace deconsommation etl’espace de

financement étaient en étroite correspondance au sein desstructures

nationales, cesdernières tendant à repousser ausecond rang (voire à

éliminer pratiquement, comme enFrance) lessous-espaces régionaux

comme espacesrelativement autonomes. Cesoligopolesnationaux avaient

comme caractéristiques d’être bâtisd’abord sur l’exploitation defortes

économies d’échelles et des stratégiesd’intégration verticale.Bien entendu,

certaines firmes,notamment américaines, ont implanté des unités de

production àl’étranger, etnotamment enEurope,pour bénéficier destaux

de croissance locauxélevés etpour conquérir desparts demarché ausein de

structuresencore faiblementconcentrées.Mais ces firmesmultinationales et

les firmesdomestiquesétaient soumises auxmêmes contraintesd’activité :

celle de l’environnement national.

La grande rupture quiintervient, d’abord timidement àpartir du milieu des

années70 et plus vigoureusement à partir du milieu desannées90, est celle

du passage à une situationd’oligopoles mondialisés.Ce passagerésulte d’un

double mouvement d’internationalisation des marchés et

d’internationalisation des entreprises et de laproduction, dynamiques qui se

confortentmutuellement. Pourétendrerapidementleur part demarché (la

vitessejoue un rôleessentiel), les firmessont amenées deplus en plus à

s’implanterproductivement dans leszones deconsommation, souvent par

croissance externe.Même le Japon, et plus récemment l’Allemagne,

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structurés comme des machines à exporter àpartir du territoire national, ont

connu cette évolution. Levolume et la structure desflux d’investissements

directs àl’étranger témoignent de cettemutation. Cesflux passentd’environ

50 milliards de dollarsannuels(avant 1985)à 211 milliards en1990et à 360

milliards en 1995. Si l’on ajoute àcela desréinvestissements locaux des

bénéfices et l’appel au créditnational despaysd’implantation, cechiffre doit

être multiplié par 3 ou 4,pour mesurer correctement lesinvestissements

extérieurs des firmes.Quant à la géographie des flux,elle devient

multipolaire, les USA passantd’une position de paysémetteur largement

dominant à une situation derécepteur trèsimportant. L’Europe en général,

la Grande-Bretagne et la France en particulier,sont à la fois parmi les

premiersémetteurs etparmi lespremiers récepteurs.Soulignonsaussi, a u

passage, quecontrairement auxidées reçues sur les"délocalisations

massives" vers les pays àfaibles salaires, ces flux serecentrent très

majoritairement sur le pays de laTriade, et surquelques paysd’Asie ou

d’Amérique Latinedits "émergents".

Les grandesfirmes s’engagent ainsiprogressivement dans demultiples

marchés nationaux ou"régionaux", nonseulement par lecommercemais

par laproduction, voire par larecherche.Elles retrouvent tout ou partie de

leurs concurrents sur ces multiplesthéâtres concurrentiels, qui restent

relativement spécifiques, malgré l’abaissement généralisé desbarrières

tarifaires et non-tarifaires, nefût-ce qu’en raison desspécificités de la

consommation, desmodes de vie et desappareils de distribution.

La mondialisation des oligopoles setraduit par trois phénomènesmajeurs :

- La logique de stabilité desparts desmarchés et de rigidité desprix qui

prévalait àl’abri des frontières nationales estrompue. Lesgrandesfirmes

sont amenées,souvent àleur corps défendant, àentrer dans unevéritable

concurrence par les prix, quidégénèreparfois en guerre desprix. Mais,

simultanément, l’avantage concurrentielobtenu par lescoûts et les prix se

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révèle totalementinsuffisant. Lesatouts de"différenciation", par la qualité,

les services associés auxproduits, la variété, la réactivité, la capacité

d’anticipation et l’innovation deviennent descritères de performance

obligatoires, non-électifs, enparticulier sur lesmarchés lesplus développés

et pour lesfirmes dont lesbasesnationales de productionsont caractérisées

par un coûtélevé dutravail.

- Ce t t esuperposition-imbrication de multiplesformes decompétitivité, a

priori peu compatiblesentreelles, et quicorrespondaient traditionnellement

à des segmentsséparés des marchésnationaux, impose deschangements

organisationnels profonds, les organisations"tayloriennes" traditionnelles

se révélant contre-productives.

- Les espaces deproduction, deconsommation et definancement sont

progressivementdissociés ; les investissementsextérieurs destinés à la

production et à la R&D nesont pas, engénéral, destinés àservir le seulpays

d’implantation, mais deszones régionales plus vastes, voire lemonde

entier. Quant aufinancement, il s’internationaliserapidement,notamment

avecl’entrée en force desfonds de pension et fondsmutuels anglo-saxons

dans le capital des firmes cotées en bourse. Dans certainspays, la

dissociationentre l’espace desgrandesfirmes et l’espace national devient

spectaculaire. Le payschampion à cetégard estsans doute laGrande-

Bretagne. Les 100 premières entreprises britanniques (en termes de

capitalisation boursière) ont un chiffre d’affaire cumulé quiéquivaut à

85,5% du PIB. Mais elles n’emploient que 17% de la populationactive

britannique !( 1 ) .

Au total, les firmes sont alors de plus en plusnombreuses à s’auto-

proclamer comme "firmes globales", ce terme polysémique de

"globalisation" voulant désigner une série derupture avec les stratégies et

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les organisations del’ère multi-nationale ou multi-domestiqueprécédente.

Selon les cas, letermesignifie ainsi :

- la volonté d’êtreprésent, de manière à peu prèsproportionnelle à lataille

des marchés, sur la totalité du globe.(Dans ce cas, il estplus juste deparler de

"mondialisation") ;

- la volonté deconcevoir et degérer l’ensemble desactivités, quelle que

soit leur localisation, de manièreaussi "synergique" que possible,c’est-à-dire

notamment enmutualisant àl’échelle de groupe tout entier les effets

d’apprentissage résultant des diversessituations locales (technologiques,

commerciales, culturelles). Dans cecas, le terme de "globalisation" peut

s’appliquer également à des sous- ensemblescontinentaux,voire nationaux,

et à des secteurspour lesquelsn’existent que des marchésgéographiquement

segmentés,comme le ciment, par exemple.

Un enjeu-clé pour lesterritoires

Les évolutionsqu’on vient d’esquisser entraînent deschangements radicaux

des politiques industrielles nationales.Celles-ci ne sont plus tournées

prioritairement vers la construction debarrières protégeant lesindustries

nationales, maiss’inscriventdans un jeu deconcurrencemondialisée entre

les Etats eux-mêmes,cherchant àrenforcer la compétitivité deleurs groupes

nationaux et à obtenir le pluspossibled’avantages commerciaux stratégiques

pour ceux-ci. Quant auxpolitiques d’attractivité, elles deviennent plus

"horizontales" que "verticales", en se centrant sur laconstruction

d’avantagestels que la qualité desinfrastructures et des grands services

publics, la compétence de la main-d’oeuvre, ledynamisme de lacréation

technologique.

S’agissant desterritoires relevant del’échelle infra-nationale, unedouble

question sepose :comment attirer desinvestisseursmobiles ?Comment

stabiliser les firmesinstallées etfreiner leurs"nomadisme" ?Denombreux

travaux montrent que,contrairement à une imagesuperficielle, l’ancrage

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territorial reste une ressourcetrès importante pour lesgrandesfirmes, en

particulier parce que lesnouveaux critères concurrentiels reposent sur des

effets relationnels et desexternalités dont lestissus territoriauxn’ont certes

pas le monopole, maisdont ils restent un pourvoyeur privilégié.

Néanmoins, la dialectiqueentre les tendances aunomadisme et les

tendances àl’ancrage estcomplexe et se traduit par des situationssouvent

instables.

Lebut de ce rapport estd’apporter deséléments de réponse à cettequestion

du rapport auterritoire desgrandsgroupes, en partantde leur propre point

de vue.

On procédera en trois étapes :

Une premièrepartieprésentera les principalestendances de fond(observées

dans nosenquêtes, nosentretiens et dans lalittérature engénéral) relatives

aux nouveauxschémasstratégiqueset organisationnels des grandesfirmes.

Dans une deuxièmepartie, on analysera leséchelles géographiques telles

qu’elles apparaissentdans lesorganigrammeset les structures desfirmes.

Dans unetroisièmepartie enfin, onrassemblera quelquesdonnéesrelatives

aux processus de localisation différenciés des grandes fonctions

d’entreprises.

Portée et limites d’une analysecentréesur les grandes firmes

Avant d’aborder cesthèmes, il est nécessairetoutefois de répondre àdeux

objections relatives à la portéed’une analysecentrée sur lesgrandesfirmes.

La première objectionpart d’un point de vued’économieinternationale qui

tend à relativiser fortement l’importance de lamultinationalisation de

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firmes et du commerceinternational engénéral dansla dynamique sociale

et territoriale desnations. Ce point devue, qui a été notammentdéfendu par

D. Cohen enFrance(Cohen,1997),peut s’appuyer sur diversarguments.La

part "internationalisée’ de la production(c’est-à-dire la production des

multinationales hors deleur pays d’origine)n’était que de7 % environ d u

PIB mondial en 1990 (4,5% en 1970, 5,7% en 1982) (Lipsey, Blomström,

Ramstetter,1995). Sur les 100premières multinationales, aucune nepeut

être véritablement qualifiée de "globale" : au moins 20 d’entre elles ne

doivent leur surviequ’à desaides massives desEtats (Ruijgrok, VanTulder,

1995).Le commerce international engénéral ne représentequ’une faiblepart

de l’économie desgrandspays. Des ensembles commel’Union Européenne,

le bloc USA-Canada ou leJapon consomment à90 % leur propreproduction.

A l’intérieur même de cesensembles, lesfrontières nationales restent des

obstacles defait considérables auxéchanges. On aainsi pucalculer qu’entre

les provincescanadiennes et lesEtats des USA, les échangessont, à distance

et poids comparables,20 fois moins élevés qu’au sein du Canada(Mac

Callum,1995).En Europe, leséchangesentre payssont probablement dixfois

moins élevés, làencore àdistance etpoids comparables,qu’au sein des

espacesnationaux.

Ces arguments ont letrès grandmérite deruiner desidéesfausses,comme

celles qui attribuent à laconcurrence des pays émergentsl’origine d u

chômage en France ou en Europe. (Enréalité, les importations debiens

industriels enprovenance de cespays ne représententqu’environ 1% d u

PIB). Ils ont aussi lemérite desouligner que lesprocessus d’intégration

"régionaux" comme celui de l’ensemble européen ontencore un long

chemin à parcouriravant d’arriver au niveau d’intégration des Etats-

nations. Néanmoins, cesobjections etcesdonnéessous-estimentfortement

le poids réel desfirmes multinationales etl’impact de leur "globalisation".

Car il faut bien sur compteraussi dans lepoids des multinationales lapart

de leur production intérieure, qui est enréalité soumise auxnormes

internationales et qui est de plus en plus partieintégrante de réseauxtrans-

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nationaux. Demême, il faut ajouter lesconsidérables effetsinduits sur les

fournisseurs, les sous-traitants, les distributeurs,formant cequ’on appelle

parfois l"’entreprise étendue", dont le degré d’intégration technique et

économique peut croître alors même que les périmètresd’intégration

juridiques seréduisent. Or, même en selimitant au périmètre officiel des

firmes et de leursfiliales de premier rang, onestime que lesmultinationales

représentent un bon tiers desactifs (industriels) mondiaux, et que les

échangesinternes entre leursétablissements (répétons-le :sans compter les

fournisseurs)représentententre lequart et letiers des échangesmondiaux

- c e qui, au passage,conduit évidemment à regarderd’un oeil différent les

chiffres du commerceextérieur des"nations". Enfin, si la responsabilité

mécanique et directe des échangesinternationauxdans lesprocessus socio-

économiquesinternes aux pays estlimitée, comment ne pasvoir que les

activités desfirmes engagéesdans lesmarchés oligopolitiques mondialisés

entraînent par demultiples effets en chaîne de trèsprofonds changements

sur les économiesnat ionales - nefût-ce qu’en imposant progressivement

des normes de production et deconsommation nouvelles ? D. Cohen,ainsi,

a sans doute raison de soulignerl’importance de ce qu’il appelle la

"troisième révolutiontechnique".Mais il a tort de dissocier cettedynamique

technologique de la dynamique d’internationalisation. Car ce que

l’observation concrète desfirmes (grandes ou petites)révèle demanière

éclatante, c’est l’imbrication profonde entre les effets et les formes de

changement techniqued’un côté, les effets et lesformes dela concurrence

mondialisée (à la fois par lesprix et la différenciation), de l’autre.

Une deuxième objection possible estcelle qui oppose lefaible poids relatif

des grands groupes, en particulier dans lacréation d’emplois, et le

dynamisme desPME. Mais, là encore, il convient de se méfier des

représentationstrop simples etdichotomiques.Bien sûr, il est essentiel de

ne pas oublier que,dans l’emploi local, une proportion très élevéerelève

d’activités proprementlocales, à courtrayon demarché. Parmi lesemplois

correspondants, on trouved’ailleurs aussi bien desemplois publics, des

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emplois relevant de PME plus oumoins artisanaleslocales que desemplois

relevant de grands groupesinternationalisés.D’autre part, s’il est vrai que,

globalement, lapart des PMEdansl’emploi nationals’est fortement accrue à

partir du milieu desannées 80, avec un tassement à partir de1 9 9 0 -

l’emploi dans lesentreprises demoins de 500salariés a crû de 15% entre

1985 et1992alors quel’emploi dans lesentreprises de plus de500 salariés a

décru de 6,6% - l’interprétation de ces chiffresmérite beaucoup de

prudence et nedoit pas conduire trop vite à des conclusionstranchées

commecelle desadeptes de"small is beautiful". Ilfaut en effet tenir compte

du fait que desentreprises engrand nombre passent d’unecatégorie à

l’autre, et le gonflement deseffectifs des PMEobservé dans lesannées 80

tient en largepartie aux entreprises quiétaient au-dessus de la barre des500

salariés et quisont passéesen-dessous decette barre. Deuxièmement, u n e

très grandepartie des PME estcomposée de filiales degroupes, aussibien de

grands groupes que de mini-groupes qui sesont fortement développés

durant ladernière décennie. En1995,plus d’un emploi sur troisdans les

PME dépenddirectementd’un groupe (1). Et les statistiqueslongitudinales

montrent que lesgroupes prennent une partessentielle à la croissance de

l’emploi dans les PME(sur cespoints, voir F. Boccara, 1997 etVergeau,

Chabanas,1997). Il est clair enfin que les grandesdifficultés statistiques

éprouvées pour clarifier ces multiples mouvements traduisent le f lou

croissant qui caractérise les périmètres réels (de contrôleplus que de

propriété) desgrandes firmes, ainsi que l’imbrication croissanted’une

grande partie del’univers des PME et de l’univers desgroupes.Ceci doit être

particulièrement soulignédans le cas de laFrance qui secaractérise par une

relative faiblesse desgrossesPME indépendantes (le fameux"Mittelstand"

allemand), une interdépendanceéconomique très forte entre PME et

groupes,associée à unedistance culturelle et sociale particulièrementgrande

entre les dirigeants desunes et des autres.Pour toutes ces raisons, la

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compréhension des rapports auterritoire des grands groupesreste un

préalable essentiel à unepolitique d’aménagement du territoireréaliste.

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2. Stratégies et organisations: les grandes tendances

Le premier constat qui s’impose au vu de nos enquêtes est ladiversité des

trajectoires stratégiques etorganisationnelles, selon les secteurs,l’histoire

des firmes, les options dumanagement.Ainsi, certaines firmesabordent la

phase de "globalisation" en renforçant lacentralisation, l’homogénéisation

des procédures, desnormestechniques et industrielles (par exemple :Bosch,

Rhône PoulencRorer pour la partie production), alors qued’autresgroupes

jouent la carte de la décentralisationdans le cadre d’un schéma plus

"fédéral".

Bien entendu, lestypes desecteurs et de structures dumarché constituent

des critères dedistinction de premier rang.La stratégie etl’organisation de

Bouygues-Bâtiment, engagé sur un marché quireste principalement

national, peuventdifficilement être comparées à celles de RhônePoulenc

Chimie, qui opère (enpartie) sur desmarchés de commoditésmondialisés.

A type de marché et desecteur donné, on peut toutefois observer des

orientations sensiblement différentes : une certaine autonomie de la

dimensionstratégique parrapport auxdimensions structurelles accompagne

la globalisation. Ceci étant dit, on peut néanmoins repérer degrandes

tendances communes, qui tiennent à la similitudes desproblèmes

rencontrés. Ces problèmesgénériques peuvent se formulerainsi : (a)

commentêtre mondial,bénéficier àplein des avantages de lagrandetaille et

des économiesd’échelle qu’ellepermet, tout en restant proche des clients,

capables de secouler dans lescontraintesspécifiques dezones nationales

données, capable deréagir rapidement aux variationsconjoncturelles et

structurelles desmarchés locaux et,plus généralement, desenvironnements

locaux ? (b) comment préserver, à travers cetéquilibre difficile entre

productivité et réactivité, une véritable capacité d’anticipation et

d’innovation ? Onnotera, au passage, que lepremier problème est e n

général posédirectement et avecforce. Il a souvent tendance àocculter le

second, pourtant nonmoins important.

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Les tentatives de réponse à cesdeuxproblèmes peuvent seregrouper en six

grandesclasses :

1) La recherche decompromis entre leséconomies de dimension et

l’ajustement à des conditionsgéographiques différenciées

Il va de soi qu’uneorganisation monolithique de la production estsouvent

incompatibleavec l’extrême diversité desconditions localesdanslesquelles

les firmes "globalisées" setrouvent engagées. Une telleorganisationpeut

existerdans des cas deproduction relativement simples etdont l’avantage

concurrentiel lui-même repose sur lastandardisation(Mc. Donald’s). De

même, pour les industries deprocesshautementautomatiséeset/ou pour

les industries productrices debiens intermédiaires faisantl’objet d ’un

marché mondial ("commodités"), la globalisationpeut se traduire par la

mise enplace de réseaux d’unités trèshomogènes et normées,constituant

des enclaves dehauteproductivité faiblementreliées àl’environnement des

pays d’accueil (1). Mais, plus on se rapproche dessecteurs deproductions

complexes tournésvers le grandpublic, plus la diversité desconditions

locales (types de marchés du travail,structures de laconsommation,

réglementations nationales, voire infra-nationales, structures de la

distribution) devientprégnante. L’enjeu crucial est alors d’arriver à un

niveau de rationalisationélevé dela production - niveau qui engénéral

n’est pas donné d’emblée, car la globalisation s’engagesouvent par

croissance externe, et setraduit dans unpremier temps par laconstitution

d’ensembles enpatchwork plus ou moinshétéroclites - tout en gardant

suffisamment de souplessepour s’ajuster aumieux aux conditionslocales,

notamment enmatière de main-d’oeuvre, de salaires, et derapports aux

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consommateurs.Ceci pose notamment laquestion de laplace respective

dans les organigrammes desdivisions géographiques et desdivisions

produits, surlaquellenousreviendrons plusloin.

2) La recherche d’un équilibre entre transversalité et modularité des

organisations

Si la globalisation entraîne deseffets directs, comme ceuxqu’on vient

d’évoquer,elle entraîneaussi deseffetsindirectstrès importants, par lebiais

des nouvellesformes concurrentiellesqu’elle impose.Depuis unevingtaine

d’années, une expériencefondamentale, commune àtous lessecteurs, a été

la découverte du faitsuivant : pour atteindre lesobjectifs concurrentiels

exigés par lesmarchés de différenciation (qualité,niveau de service,

réactivité) et les objectifs de réduction des coûtsdans un contexte

notamment capitalistique (automatisation etintégration des processus

techniques), lesgrands cloisonnementsfonctionnels résultant des schémas

d’organisationbâtis aucours du siècle passésont essentiellement contre-

productifs. Les performances dequalité, par exemple,dépendent directement

de la pertinence des coopérations existantentre les fonctionsamont de

conception (produit etprocess), lesfonctions de fabrication, lesretours

d’expérience via lesservices commerciaux,etc.La réactivité dépend de la

coopération ausein deschaînes logistiques. Enconception, laréduction des

délais desprojets appelle denouveaux liens, voire l’intégration totale des

processus de conception des produits et desprocessus de conception des

outils, desméthodes, des process(ingénierie concourante, ou simultanée,

produit/process). Laréduction des coûts elle-mêmedépend aupremier chef

de la fiabilisation-flexibilisation desoutils de production,c’est-à-dire de la

coopération entre les fabrications, lesspécialistes de lamaintenance, les

concepteurs desoutils. Au total, la "productivité des interfaces" ou la

"productivité par la coopération" compte plus que la productivité

traditionnelle des opérations standardisées(Veltz, Zarifian, 1994).

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Mais,bien entendu, lesformes de transversalisation et de décloisonnement

(organisations par processuset/ou parprojet) qui sontmises en oeuvrepour

répondre à ces exigences de coopérationentre services,savoirs et métiers

spécialisés seheurtent à de gravesdifficultés :

(a) comment maintenir lesspécialisations et lesstructures quipermettent

leur reproduction et leuramélioration ?

(b) comment opérer unetransversalisation à grande outrès grandeéchelle,

dés lors que les ensembles productifsmettent en jeu detrès nombreux

salariés et demultiples sites ?

La réponse auxdilemmes ainsi créés setrouve dans une combinaison

(variable) de logiques de transversalisation et de logiques demodularisation,

par la création d’unités multi-métiers de taille limitée,plus ou moins

articulées à desstructures fonctionnelles classiques et maillées par des

structures transversales. Par exemple,Thomson CSF a récemment réparti

ses activités en 120 unités "multi-métiers", auxallures de PME (selon u n e

logique de découpage parmarchés surlaquellenousreviendrons). Maiscette

décomposition est compensée par lacréation d’outils transversaux : en

l’occurrence des réseaux appelésCommonEfficiency Teams, rassemblent des

personnesd’unités opérationnellesdifférentes pour élaborer desméthodes

et capitaliser lesexpériencesdans des domainesdonnés. (16 réseauxtechno-

industriels et26 réseauxachats en1996).

Au niveau d’organisation inférieur, de nombreux sites deproduction se

réorganisent en "unités élémentairessemi-autonomes", desgroupes

transversaux divers assurant lacohérenceentre cesunités pour un certain

nombre de processuscommunscaractériséscomme cruciaux. Eningénierie,

les organisations matricielles croisant les logiques"métiers" et leslogiques

"projets" deviennent larègle, notamment pourl’objectif de réduction des

délais deconception.

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et des anciens élèves de l’Ecole nationale des Ponts et Chaussées de France ; Pierre Veltz ; Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale."

3) La prédominance croissante de lastructuration parl’aval (les marchés, les

applications)

Dans un contextegénéral de passage de marchésd’offreurs à des marchés

d’acheteurs, ladynamique du"client-roi" s’imposeprogressivement, même

à des firmes de secteursamont structurés depuis leursorigines autour de

process technologiques de fabrication de biens ou de services debase.Toutes

les firmesenquêtées,sans exception,font évoluer leurs organisationse n

privilégiant l ’aval - les structures et les segmentation desmarchés - au

détriment del’amont. Bornons-nous à trois exemples :

- France-Télécom, qui aréorganisé complètement sesstructures encréant

des branches"clientèle" différenciéesselon lesmarchés et enrassemblant les

activités techniquesliées àl’infrastructure dans une branche-support ;

- Thomson-CSF, déjà cité, qui adéfini 80 "Stratégic Bussiness Unit",

spécialiséesselon lesmarchés, et40 "Technical BussinessUnit", rassemblant

les fonctions techniquessupport ;

- Rhône Poulenc Chimie, qui estpasséd’une logique industrielled’offre de

grands produitsintermédiaires à une "chimie d’application et deservice",

structurée pargrands domainesd’application, en "entreprises" qui n’ont pas

d’existencejuridique mais qui constituent ledécoupage stratégique de base,

chacune de ces "entreprises"devantbien entendumanier descompétences

techniques souventtrès diversifiées.RPCse rapproche ainsid’une structure

commecelle de 3M quidepuislongtemps estorganiséeautour desdomaines

d’applications, àpartir de quelquestechnologies de base transversales.

4) Lecontrôle de la chaîne devaleur commeobjectif stratégiquecentral

L’image simple mais puissante de la"chaîne de valeur" constitue

aujourd’hui un référentiel commun pour les grandesfirmes. Elle renvoie à

trois idées diversementpondérées :(a) Dans un contexte deconcurrence

complexe par la différenciation, l’essentieln’est pas de réduire

systématiquement lescoûts par des effets deproductivité classique,mais

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d’augmenter la valeur etd’éliminer les activités nonproductrices devaleur.

(Le problème étantqu’on connaît les coûts,mais que la"valeur" doit être

anticipée). (b) Lecadre stratégiquenatureln’est pascelui de l’activité ausens

classique (spécialisationautour d’un métier oud’une technologie),mais la

chaîne d’activités quiconverge vers unevaleur d’usage donnée. (c)

L’important est decontrôler la chaîne devaleur, et non pas de laposséder : il

est souvent plusprofitable de contrôlersansposséder que de contrôler par la

propriété. Cette logique de la"chaîne de valeur" contribue ainsi à

l’externalisation croissante desactivités non stratégiqueset/ou desactivités

"banales" etstandardiséesrelevant d’une concurrencetraditionnelle par les

prix - externalisation qui aaussi letrès grandmérite, auxyeux desgroupes,

de répartir les risques,d’accroître la réactivité et de réduire la complexité de

gestion. Il estsouvent plussimple et moinscoûteux degérer via descontrats

commerciaux de prestations que degérer via des règlesorganisationnelles

internalisées. A lalimite, on aboutit auschéma de la firme creuse("hollow

corporation") detype Nike, qui necontrôle que laconception et lemarketing

du produit.

L’orientation "chaîne de valeur" conduit aussi àdonner uneimportance

cruciale aux processus logistiques et à l’articulationentre production,

marketing et distribution. Une illustrationsaisissante est l’évolution e n

France du secteur textile-habillement, entièrement restructurésous la

domination desdistributeurs, et en particulier desnouveaux distributeurs

spécialisés (detype Kiabi, Camaïeu,Promod, etc.) (Courault, Paret, 1997 ;

Philippe,1997).

5) Un régimed’innovation partenarial

Lesgrandes entreprisesglobaliséesconcentrent des moyens de recherche et

de marketing considérables. Elles sont particulièrement performantes

lorsqu’il s’agit de déployerrapidement des innovationsincrémentales, par

exemplepour leréglage deprocess complexes, en faisant circuler dessavoir-

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faire éprouvés. Ceciconstitue l’un des avantagesstratégiquesd’une firme

comme Lafarge, parexemple, qui peutainsi élever trèsvite la productivité

de cimenteriesacquisesdans denombreux pays.Elles sont également très

orientées vers la diversification-déclinaison de produits existants,

aboutissant à lacréation d’une diversité engrande partieartificielle (mais

néanmoins coûteuse). En revanche, l’innovation ausens plusfort du terme

(création deproduits nouveaux,sansmême parler derupture) pose des

problèmes difficiles,pour diverses raisons :

(a) un produit nouveau nedéstabilise passeulement les concurrents,mais la

firme productrice elle-même ;

(b) l’orientation vers la flexibilité-réactivité à court terme est tellement

dominante qu’elle obère les capacités deflexibilité-innovation par

anticipation ;

(c) dans certainsdomaines, comme la pharmacie, le développement de

nouveaux produits devientextrêmement coûteux, eninvestissement et en

temps ;

(d) les liens deplus en plus étroits entre connaissancesscientifiques

(diversifiées) et l’innovation dans un certainnombre de domaines se

traduisent par un paradoxedifficile à gérer : une innovation fortement

"décontextualisée" dans sonorigine qui doit être "recontextualisée"pour

pénétrer les marchés, etceci selon des trajectoirestrès difficilement

prévisibles.

Ce dernier point estessentiel.La caractéristiquecommune auxtechnologies

modernes lesplus porteuses estd’être liées à desdomaines scientifiques

amont et transversaux, qui déstabilisent les filières technologiques

traditionnelles, par lamultitude et ladiversité sectorielle desapplications

possibles : c’est le caspour lestechniquesd’information, lesmatériaux, les

bio-technologies. Les coûtsélevés et la trèsgrande ouverture despossibles,

confrontés à la spécialisation età la segmentationcroissante des marchés

d’application, engendrent alors desblocagesd’innovation. Lesstratégies

d’offre traditionnelles soumisesà la sélection "darwinienne" ex-post sont

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trop risquées. Seuls descadrescoopératifs communs auxoffreurs et aux

utilisateurs permettent dedébloquer l’innovation, en la testant et e n

mettant enplace desprocessusprogressif de co-développement.Cela vaut

pour les marchés grands publics où de tels tests à grande échelle se

répandent, maisplus encore pour les marchés professionnels. Un bel

exemplerencontré dans nosenquêtes est celui d’Usinor-Sacilor, qui,d’une

part, construit unestratégie de différenciation en nevendant plus un

matériau (l’acier) mais des"solutions-aciers" pour desproblèmes ou des

clients particuliers ; et qui, d’autrepart,teste et élabore cessolutions pas à pas

en relation directe avec les utilisateurs (l’industrie automobile, en

particulier).

De manière générale, cesproblèmes de coût et derisques del’ innovation

expliquent à lafois la concentrationcroissante de certains secteurs(comme

la pharmacie) et ledéveloppement desaccords departenariat et de co-

innovation, qui tissent leur toile à travers les structures concurrentielles

elles-mêmes(CEREM, 1998).

6) L’émergenced’un modèle cellulaire en réseau

Les diversesévolutions qu’onvient de noter convergent vers une montée

progressive de formes d’organisation enréseau, qui se mêlent auxformes

hiérarchiques traditionnelles (toujoursprésentes,bien entendu, etsouvent

renforcées) en les métissant deformes contractuelles,pseudo-marchandes

ou véritablementmarchandes. Sous desformes extrêmementdiversifiées -

insistons ànouveau surce point - sedessine entendance un"modèle de

cellules enréseau" qui est caractérisé pardeuxaspectsprincipaux :

- l e s unités de basesont desunités multi-fonctionnelles et multi-métiers,

dotées d’une autonomie opérationnelle relative, sur fond de procédures

souvent deplus en plusstandardisées(cesunités existent à desniveaux

d’organisationdivers : centres deprofit, "bussiness unit",sites deproduction

ou d’ingénierie ; cellulesélémentaires de travail ausein dessites et des

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unités) ;

- les modes de coordination et decontrôle par la fixationcontractuelle

d’objectifs et la sanction ex-post desécarts objectifs-résultatsgagnent d u

terrain, audétriment desmodestraditionnelsappuyés sur laprescription ex-

ante des processus et desmoyens ; lesrégulations marchandes oupseudo-

marchandess’infiltrent ainsi deplus en plusdans lesensembles-noyaux des

grandesfirmes et structurent despériphéries plus ou moins étendues et

stables.

La morphologie des ensembles productifs se modifie enconséquence.La

grandefirme proprementdite apparaît deplus en plus comme lenoyau

d’une constellationd’unités périphériques deproduction, de conception, de

commercialisation,liées par descontrats àplus ou moins longterme. Elle

n’est passeulement unélément de la chaîne devaleur constituée parcette

constellation (àgéométrie variable). Elle en est lechef d’orchestre, etelle

fournit au réseau unensemble de services-supports enmatière d’achat, de

méthodes, de logistique,etc. Parexemple,IKEA, qui gère 1 800fournisseurs

dans 50 pays dispose d’unebase de données centralisée quiaide les

fournisseurs à trouver de lamatière première à bonprix et debonne qualité,

à sélectionner despartenairescommerciaux, etc.

Pour diverses raisons convergentesdéjà évoquées - réduction du coût,

flexibilité, simplification de lagest ion - la tendance estaujourd’hui, sauf

rares exceptionsdans dessecteurscomme leluxe qui ont intérêt àcontrôler

directement l’ensemble de lachaîne, à réduire leplus possible la taille d u

noyau au profit de la périphérie, parl’externalisation. "Les paquebots

doivent se transformer en uneflottille de hors-bords".Cetteexpression d u

patron de Siemens(1) exprime lerêve denombreux dirigeants degrandes

entreprises. Laréalité estencore loin de cerêve. Mais l’orientation est

clairementindiquée. Elle pose évidemmentd’importantes questionsquant à

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la viabilité sociale - etmême économique - d’un modèle oùl’entreprise

offre plus d’autonomie mais moins deprotection, cesse d’être une

"institution" pour devenir un assemblage mouvant de relations

contractuellesplus ou moinséphémères, etrenvoie souvent lesrisques sur

les maillons les plusfaibles de la chaîne. Mais ladiscussion de ces pointssort

du cadre de ce rapport.

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3. Echelles géographiques et niveauxd’organisation

Comment lesdiverseséchellesgéographiques - m o n d e , grandes"régions",

nations, régions infra-nationales, niveaux plus fins - s’inscrivent-elles

dans lesniveaux d’organisation des grandes firmes(1) ? On s’intéressera ici

aux organisationsformelles, aux organigrammes,étant entendu que ces

derniers ne sont qu’une desfacettes del’organisation effective desfirmes,

réalité beaucoup pluscomplexe quicomprend non seulement la distribution

officielle des pouvoirs et desresponsabilitésmais toutes sortes derègles,

écrites ou non écrites, régissant lesrelations entre cesstrates, ainsiqu’avec

l’environnement extérieur. (Pour une analysesocio-organisationnelle

mettant en lumière la diversité desmodes de fonctionnement des

entreprises, voirFrancfort, Osty,Sainsaulieu, Uhalde,1995).D’autre part, i l

est biendair que laprésence explicite de tel ou telniveau géographiquedans

un organigramme ne dit rien sur lesrelations concrètes ethautement

diversifiées qui existent entre lesactivités de la firme et lesterritoires

correspondants.Enfin, il faut ajouter que lesdivisions propres à unegrande

firme ne sont qu’un deséléments de la géographie effective de lafirme

élargie ou du "complexe économique" auquel s’intègrent ces firmes

(Ruijgrok, Van Tulder, 1995).

Ces réserves étant posées, il n’enreste pasmoins que lagéographie des

organigrammes fournit desindications intéressantes,notamment à travers

les évolutions enregistréesdepuis quelquesannées. Cette géographie des

organigrammesrésulte d’unecombinatoire àtrois paramètres : lesdivisions

géographiques, les divisions parproduits (définis par l’amont ou parl’aval),

les divisions fonctionnelles et lesmodes de relations spatialisés entre

grandesfonctions (R&D, réalisation, distribution et ventes,marketing).

Examinons d’abord lesdeux premières dimensions, avant de revenir à la

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dimension fonctionnelle.

La dialectique entre marchés-produits et marchésgéographiques

La structure de départ commun aux grandesfirmes est la structure

multidivisionnelle (dite M) inventée parGeneral Motors etDupont de

Nemours dans lesannées 20. Dans cettestructure, les divisionsproduits

gèrent l’essentiel des activitésopérationnelles, tandis que le niveau

"corporate" se réserve la stratégie générale et lacoordination de l’ensemble.

La structure estmatricielle sil’on tient compte desgrandesfonctions venant

se croiser avec les divisions produits. La multinationalisation puis la

globalisation sont venues compliquer fortement ces organigrammes

traditionnels enintroduisant lavariable géographique. Onpeutpartir d ’une

typologiesimple(fig. 1), qui est celle deP. Dicken (Dicken,1992).

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Le schéma (a) est celui defirmes qui débutent leurinternationalisation.La

schéma (b)donne lapriorité à la division par produits,étant entendu que

celle-ci peut correspondresoit à desmétiers techniques(avec unediversité

de marchés),soit à dessegments demarchés. Parfois il y acorrespondance

étroite (par exemple :St GobainVitrage), parfois il y adivergence entre ces

deux types dedivisions produits, la tendanceétant alors très nettement de

privilégier la division selon lesmarchésfinaux (voir plus haut le casRhône

Poulenc Chimie). Le schéma(c) privilégie la division géographique,

l’échelon debaseétant généralement lepays.

A ce stade, deux remarques s’imposent. D’abord, de nombreux

organigrammesréels sont mixtes. Par exemple, legroupe Danoneprésente

une division primaire en branches produits,plus une branche

"international" regroupant lesdéveloppements hors Europe. Ilapparaît

donc comme un mixte de (a) et de(b). Mais la division secondaire, qui est la

division par pays, correspond enfait à la véritablesegmentation desmoyens

opérationnels qui, branche par branche, sontconcentrés dans dessociétés

nationales,le tout présentant unestructure typiquementmulti-domestique,

danslaquelle les branchesproduits nejouent qu’un rôle de coordination

relativementléger. Parexemple, la branche "produitfrais" disposed’un staff

léger àParis, et tous lesmoyensopérationnelssont répartis dans lessociétés

nationales (dites bizarrement "départements" chezDanone) telles que

Danone-France, Danone-Espagne, Danone-Allemagne, etc.

Ensuite, il estdair que ni lasolution(b), ni la solution (c) ne sontoptimales.

La solution (b) conduit à desproblèmes demanque desynergie inter-

produits dans unezone donnée. Inversement la solution(c) réduit les

avantagestirés de laglobalisationpour un produitdonné. C’est pourquoi,

on a vu apparaître unesolution (d), dite "matricielle globale", illustrée

notamment parl’entreprise suisse-suédoiseAsea Brown Boveri, dont

chaque société estsous le doublecommandement de"business areas

managers" et de "countrymanagers".

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Quelssont les principauxrésultats qui émergent de nosobservations ? Ils

sont aunombre decinq :

1)La prédominance croissante dudécoupage parproduits-marchés

Cette prédominance ressort clairement del’enquête deF. Wiscart (fig. 2). Elle

exprime la logique centrale de la globalisation qui est defaire naître des

synergies à deséchellesgéographiques deplus en plusétendues ousein de

pôles deproduits, tout en restantbien sûr proches desmarchésfinaux et de

leurs différenciations. Michelin, par exemple, acréé récemment 9pôles

mondiaux par type deproduits (pneus tourisme,pneusPL, avions, cartes et

guides,...), ce quiconstitue une révolution pour la firme clermontoise-

mondiale. Shell vient de regrouper sesactivités parlignes deproduits a u

niveau continental.Même les firmes les plus directementliées à des

marchés grand publiccréent des "pôles stratégiques" pargrands produits.

Bien entendu, il fautgarder àl’esprit ce qui a été ditplus haut, àsavoir

qu’une coordinationstratégique parproduit mondialisé ou européanisé n e

signifie pas ipso facto le déclin opérationnel dessociétésindustrielles ou

commerciales qui restentsouvent àl’échelle nationale. Ceci, sans même

parler de l’aspect juridique, puisqu’il n’existe aujourd’hui aucun statut

d’entreprise européenne, ni bien sûrmondiale, et que lesseuls cadres

juridiques restentnationaux.

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figure 2 : Structures de 18firmes mondiales

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2) Le maintien dedivisions géographiques fortesdans lessecteursBPG (1).

notammentagro-alimentaires,évoluent vers la "régionalisation"

Ceci s’expliqueaisément par la structureencore très divisée desmarchés

nationaux, desmodes de consommation et desappareils dedistribution.

Cela s’expliqueégalement par lemode decroissance de ce type de firme, où

la croissanceexterne (rachat de firmes et demarques presquetoujours

nationales à l’origine) joue le premier rôle. Mais on peut remarquer que ces

divisions nationales seréduisent, et que les firmes"multi-domestiques"

traditionnelles de ces secteurs ont tendance àévoluer vers desstructures

plus "régionales" (ausens :supra-national) que nationales, nefût-ce que

pour réduire les coûts destructurecréés par lareproduction dans chaque

pays des fonctions-support (marketing,développement, RH,etc.). La

conjoncture actuelle estmarquée par cettetransition, qui vaprobablement

s’accélérer enEurope dans lesannées quiviennent. Un groupecomme

Danone, par exemple, qui continue dedupliquer ses structuresdans chaque

pays, va certainementêtre amené àregrouper de plus en plus ses fonctions-

support auniveaueuropéen et à rationaliser laproduction en regroupant, là

encore, lesgrandeslignes deproduits autourd’usines européennes.

3)Les véritablesstructuresmatricielles restentrares

La quasi-totalité desgrandesfirmes ont, comme onl’a dit, des structures

composites, mêlant les divisions parproduits ou par zones de manière

différente selon les produits ou lessous-marchés : l’histoirejoue, bien sûr,

un grandrôle. Mais lesstructuresvéritablement matriciellessemblent très

rares. Une firmecomme ABB a adopté unetelle structure parce que ses

marchéssont peuterritorialisés, ausens classique du terme.

Les clientssont degrandes entreprises ou desgouvernements, lastructure

matricielle ayant aussipour objectif d’obtenir desavantages concurrentiels

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par rapport auxfirmes "nationales" auxquelles s’adressentprioritairement

les Etats, sur des marchéscommecelui du matérielferroviaire, parexemple.

D’autres firmes, comme St Gobain,sont prochesd’une structure matricielle

en ce sensqu’elles adaptent leurorganisation géographique aux types de

marchéscorrespondants à leurs produits. StGobain estdivisé en 8branches

produits, chacuned’entre ellesdisposantd’une structuration territoriale

particulière. Ainsi, labranche conditionnement adopte unmaillage fin et

restemulti-domestique, alors que la branche vitrage estmondialisée, la

marqueautomobile Sekurit enparticulier étant présentedanstous lespays.

Globalement, 15 délégations géographiquesviennent croiser ces

organisations produits-marchésdifférenciées. Mais leur rôle reste assez

limité. Ellesassurent la représentation de la compagniedans lespays deleur

ressort,apportent uneassistance juridique,financière,politique aux sociales,

interviennent dans lesnégociationspour la création denouveauxsites ou

les opérations de croissance externe.Mais elles n’ont pas devéritable rôle

stratégique etindustriel.

4) Trois niveaux : lemonde, lebloc régional, lazonenationale

Les structuresformelles se répartissent en troisniveaux. Leniveau mondial

est de plus en plus important. Outre lesfonctions "corporate", de

nombreusesfirmes disposent d’une direction mondiale desopérations

industrielles. Mais cette dernière n’assure engénéral qu’une supervision

des fonctions opérationnellesstructurées à unniveau inférieur. Le second

niveau est le plusintéressant. Sa définition dépend bien entendu de

l’histoire de la firme et de son degréd’internationalisation. Sur les19firmes

étudiées parWiscart, 9 découpent lemonde en 3blocs, 2 en 4 blocs, 4 en 2

blocs. Cedernier cas est notammentcelui de firmes américaines comme

Philip Morris qui divisent lemonde en NorthAmerica et reste dumonde,

cette dernièreentité étant, en l’occurrence, divisée en 5parties. Engénéral,

c’est la division dela Triade qui est primaire.Le quatrième bloc lorsqu’il

existe,regroupe souvent lespaysémergents et lespays en développement.

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L’Amérique Latine constitue rarement un bloc indépendant. Elle est

rattachéesoit à l’ensemble Amériques,soit à l’ensemble"paysémergents".

Le bloc Europe - c’est un point à souligner - coïncide rarement avec les

contours del’Union Européenne.Nombreux sontd’ailleurs les enquêtés qui

répondent que,dans unedivision Europe,l’Union Européenne estsurtout

une entitépertinentepour desjuristes. Ladivision Europe,comme division

stratégique etindustrielle, a en revanche desaires de compétences variées :

tantôt limitées aunoyau del’Europe des cinq ousix, tantôt élargie à l’Est,

voire souvent àl’Afrique. Un exemple : GeneralElectric a uneorganisation

divisionnelle par produits, chacune des branchesoptant pour une

configuration géographique européennespécifique.Transversalement à ces

branches, l’entité GE European Affaires, basée à Bruxelles, est

spécifiquement chargée d’assurerl’interface entre GE et lesinstitutions

européennes. Cesdernières apparaissentsouvent dans lesinterviews

comme la source d’un ensemble de contraintesspécifiques quiv iennent

s’ajouter à celles desEtats-nations, et non pas s’ysubstituer.

Enfin, très peu defirmes optentpour uneéchelleintermédiaire entre lebloc

"régional" et les zones nationales. L’exception est celle desfirmes qui

séparent l’Europe del’Ouest et l’EuropeCentrale et Orientale.

5) L’échelle infra-nationale eststructurée engrandesrégions

A l’échelle infra-nationale on trouve surtout des divisionsrelatives aux

fonctions commerciales.Le point remarquable(Le Pellec, al,1996)est que les

régions pour lesentreprises sont toujours de"grandesrégions" (entre 5 et 9),

qui agglomèrent les22 régionsadministratives enentités plus larges. Sur les

73 entreprisesanalyséespar les étudiants deJ.L. Guigou, 9seulementsont

structurées en10 régions etplus, une seule dispose les12 régions. L’Ile-de-

France, entant quetelle, estsystématiquementprésente, etelle estsouvent

divisée ensous-régions.

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4. Echelles géographiques etstructures fonctionnelles

Il est temps maintenant d’introduire le troisième paramètre de

l’organisation spatiale des grandesfirmes, c’est-à-dire les structures

fonctionnelles, qui ont des rapportsà la géographienettement différenciés

- et peut-être deplus en plus différenciés. Là encore, les données

disponibles sontplus impressionnistes que véritablementsystématiques. On

peutnoter au passagequ’il seraitextrêmement utile de disposer sur cepoint

d’études plus approfondies. Car onpeut penser que lescritères de

localisation et lespolitiques d’attractivité doivent désormais être analysés et

conçus de manière"ciblée" selon les grandesfonctions des firmes, et non

plus demanière indifférenciée ou en privilégiant lecritère sectoriel. Ce

critère sectoriel a,pour desraisons statistiques évidentes, étébeaucoupplus

utilisé dans les analyses de géographie économique que le critère

fonctionnel. Or il n’est pas impossible quece dernier soit, autotal, plus

pertinent lorsqu’il s’agit d’analyser les types delocalisation. Ons’appuiera

ici, commedans ce quiprécède, sur nosobservations,ainsi que surdiverses

étudesrécentes(1).

Cinq grandestendances peuventêtre dégagées :

1) La réduction deseffectifs des siègessociaux et des fonctions corporate

centralisées

Il s’agit là d’une tendance absolumentgénérale. Ona même lesentiment

d’une sorte decompétition entre les groupespour afficher les sièges lesplus

légers possibles.D’autre part, on assiste à unedissociation croissanteentre

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les fonctionsstratégiques et les fonctionsd’administration centralisée, ces

dernières étant à la foisallégées, parl’externalisation, et fréquemment

redéployéesdans dessitesmoinscentraux que ceux dessièges.

2) Regroupements et nouvelleshiérarchisations dans la recherche-

développement et l’ingénierie

La géographie des fonctions de R&D etd’ingénierie est une réalitécomplexe,

en évolution et entensions entre deuxséries d’impératifscontradictoires.

D’un côté : la nécessité dedisposer de masses critiques, lanécessité

d’augmenter lasurface de contactentre l’ingénierie produit et l’ingénierie

process, lanécessité corrélative derester "branchés" sur les pôles de

compétences publics et lesgrands marchés du travail de spécialistes,

d’ingénieurs et dechercheurs. Del’autre côté : la nécessité dedensifier les

relations et lesfeed-backentre les phases d’innovation et deprototypage et

les phasesindustrielles et commerciales,pour éviter que se créent des pôles

de R&D coupés de laréalité de laproduction et de laréalité desmarchés -

risque que connaissent bien lesgrands groupes pourl’avoir souventvécu.

On constatedonc diverses tendances qui traduisent deséquilibres différents

au sein de ce champ deforces :

- u n e dissociation relativeentre larecherche amont,très liée auxcentres de

compétenceuniversitaires et relativementdécouplée,dans sagéographie,

du systèmeindustriel, et le développement, qui serapproche au contraire de

l’industrie ; c’est le cas, parexemple, de la pharmacie ;

- la multiplication des structuresprojets associantsouvent chercheurs,

ingénieurs etpersonnes du marketing, cesprojets ne donnant pas lieu

nécessairement à unregroupementphysique ;c’est le cas de la sidérurgie et

de bien d’autres secteurs ;

- d a n s lessecteurs nécessitant lamise en place deprojets lourds pour le

développement de produits complexes peu nombreux, comme

l’automobile,création de pôles très concentrés d’ingénierieproduit-process,

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et des anciens élèves de l’Ecole nationale des Ponts et Chaussées de France ; Pierre Veltz ; Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale."

dont l’avantage est depermettre le croisement àgéométrie variable entre

des structuresmétiers et desstructuresprojets ; l’exemple-type est, e n

France, celui duTechnocentre de Renault à Guyancourt, qui estorganisé, y

compris auplan de sonarchitecture,pour faciliter cette réorganisation,dont

l’enjeu estnotamment deréduire fortement lesdélais deconceptiond’un

nouveau modèle ; PSA, qui a décidérécemment defusionner lesforces de

développement de Peugeot et deCitroën, est à cet égardgêné par la

dispersion historique de sesmoyens entrel’Est et la régionparisienne ;

- hiérarchisation dessites industrielsentre sites pilotespour un produit et

un marché, sites oùsont expérimentéesprioritairement les innovations et

qui ont comme vocation departiciperactivement à l’innovation auniveau

branche, et sitesbanalisés ayant comme vocation defabriquer ou de

distribuer enmettant enoeuvre les "best practices" dugroupe(bien entendu,

un même sitepeutêtre pilote pour le produitA et banalisépour lesproduits

B ou C). Cetteorganisation existe, par exemple, depuis longtempschez

Philips.

3)Centralisation des achats

Si l’on passe auplan de la productionproprementdite, le phénomène le

plus notable est lacentralisationcroissante des achats et de lastructuration

du réseau defournisseurs,pour desraisons évidentesd’économie d’échelle.

Les avantagesprocurés par l’achat engrandesquantités et lamise e n

concurrence desfournisseurs à l’échelle mondiale sont souvent les

avantages lesplus tangibles de l’internationalisation, etc’est pourquoi cette

tendance souffre peud’exceptions.Bien entendu,cette tendance s’enveloppe

parfois deprécautions. Ainsi, Nestlé sedéfend devouloir peser sur lecours

mondial ducacao(dont il achète14 % de la productionmondiale) par u n e

politique "décentralisée" laissant à chaquefiliale le soin de choisir son

vendeur. Mais, en fait, les éléments stratégiques(niveaux des prix et

longueur de couverture des approvisionnement) sontdécidésà Vevey. Dans

les secteurs d’assemblagecomme l’automobile ou l’aéronautique, les

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politiques àl’égard desfournisseurs sont aucoeur de la stratégie etleurs

orientations debase dépendent logiquement du niveau corporate. Le

résultat aété, aucours des 15dernières année, une réduction considérable

du nombre defournisseurs, unéclatement de la géographie des flux(malgré

les contraintes detype just-in-time), et unepression accrue sur des

fournisseurseux-mêmestrès fortement internationalisés. Dans lessecteurs

grandspublics dépendant dematières premières agricoles, lacentralisation

croissante des achats est également larègle, et setraduit géographiquement

par une déstructuration dessystèmestraditionnels d’achats fondés sur la

proximité.

4) L’organisation de lafabrication et de la logistiqueremonte vers leniveau

continental, voiremondial

En raison de laviscosité destransports et de sacomplexité technico-

économique, lemanufacturing,c’est-à-dire lafonction de fabrication et ses

prolongements logistiques amont (approvisionnements) etaval

(distribution physique) aété, jusqu’à une date récente, principalement

organisé etgéré à une échelle décentralisée (engénéral : nationale). Il y a

bien sûr des exceptions. Certains secteurs àhaute valeur ajoutée sont

organisés selon une division du travailmondiale, comme lamicro-

électronique, où l’on n’hésite pas, parexemple, à envoyer despuces

d’Europe ou d’Amérique enAsie pour une opération detest. D’autres,

comme l’aéronautique en Europe,pratiquent une divisioninternationale

sous laforme particulière desconsortiums où chaquepays réalise unepartie

du produit final. Mais il est rare que la productionsoit formellement

organisée auniveau mondial. Il y a peu de"directions de laproduction"

apparaissant aux premiers niveaux des organigrammes.Elles apparaissent

en général ausein des divisions produits ou desdirections géographiques.

Au niveau corporate, on trouve desentités définissant lesorientations

stratégiques, lesprincipes communs, des outils de contrôle et de

benchmarking interne deplus en plus centralisés. Mais l’évolution

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constatée est trèsclairement celle d’une remontée de lacoordination

opérationnelle vers des niveaux plusélevés, le niveau du bloc régional

(continental) apparaissant en général comme le plus pertinent. Certaines

firmes enquêtées,comme Rhône Poulenc Rorer, disposent d’unedirection

mondiale desopérations industrielles.Mais le cas leplus courant estcelui

d’une transition entre une organisation nationale et uneorganisation

régionale. C’est le casnotamment pour lesfirmes "multi-domestiques" en

Europe, qui sedotent progressivementd’une structure manufacturière

européenne, ce quiimplique deuxévolutions : unecoordination plusétroite

entre lesunités européennes (usines,centres de stockage et dedistribution) ;

un resserrement sur certainssites (une ou deux usines européennespour

un produit donné, au lieu de cinq ou six ; des centres logistiques demoins

en moins nombreux). Cetteévolution est en cours.Elle met souvent lessites

européens en concurrence les unsavec les autres. Son issue esttrès

importantepour la géographie économique dechaque nation.

5) Lavente organisée à échelle fine et lemarketing commelien entre toutes

les échelles

A la logique deconcentrationcroissante de laproduction et de son pilotage

s’oppose lalogique deproximité du client qui est, plus quejamais, celle des

fonctions commerciales. Ace besoin de proximité, s’ajoutent lepoids des

réglementations nationales et la structureencoresouvent nationale de la

distribution. La vente reste donctrès majoritairement organisée auniveau

national et infra-national. Là encore, toutefois, il fautdistinguer laprésence

physique (agences,représentations commerciales proches desclients) et le

niveau de gestion, qui sembleégalementavoir tendance à remonter vers le

niveau dubloc régional.

Soulignons aupassage que cettedouble évolution de laproduction et d u

commercial n’est pas propre aux industriesmanufacturières. Pour une

entreprise commeFrance-Télécom, parexemple, un clivage apparaîttrès

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nettement entre lalogique géographique des fonctionstechniques(qui sont

susceptiblesd’être très fortement centralisées,grâce auxtélétraitements e n

tous genres, et quin’exigent absolument plus laforte densité detechniciens

répartis sur leterritoire caractéristique del’organisation traditionnelle) et la

logique géographique desactivités commerciales, qui exige une présence très

répartie desagents. Il en va demême pour EDF,ou encorepour les banques

et les assurances. Lemarketing, quant àlui, opèrenécessairement àtous les

niveaux : mondial, continental, national etinfra-national. Il constitue de ce

fait la fonction traitd’union, dont le rôle estd’articuler les diverseséchelles

entre elles. Au niveau central, ontrouve bien sûr lagestion desgrandes

marques, de plus en plusmondialisées, nefût-ce que pour des raisons

d’économies d’échelle en publicité. Ontrouve également descapacités

d’analyses et desbases de données centralisées.Notons que lesnouveaux

outils permettantl’analyse encontinu de laconsommation ont conduit à

un développementtrès important du "géo-marketing" à uneéchelle très

f ine - au point quecelui-ci estdevenu une desprincipales applications des

systèmes d’information géographiques(SIG) informatisés.

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5. Pour conclure : lesgroupes enFrance ; la place de l’Europe : les

groupes et le local

Les indications quiprécèdentmériteraient - répétons-le - d’être précisées

par des enquêtesplus etsystématiques, en particulierpour la localisation

des fonctions. On peut néanmoins, pour finir, rassembler quelques

remarques sur lalogique résultante de ces évolutions, vue ducôté des

territoires et desniveaux territoriaux. Nous grouperons ces remarques en

trois ensembles : lesgroupes enFrance ; lesgroupes et l’Europe ; lesgroupes

et le local.

1) Les groupes en France

Comme onl’a dit en introduction, on aurait tort,sous prétexte de PME-

isation, de sedésintéresser de l’évolution desgroupes industriels sur le

territoire français. Voici quelques éléments de synthèse (issus

principalement de Hecquet,Lainé, 1997 etRoualdes,1997) :

En 1994, lesgroupes (et leursfiliales directes)employaient 5,9 millions de

salariés,soit 46 % de l’emploi salariémarchand nonagricole. Lesplus grands

de ces groupes(plus de10000 salariés)sontprésents surtout le territoire. Sur

40 groupestertiaires (français),34 ont des établissementsdans aumoins 20

régions (il y a desexceptions, biensûr, comme Euro-Disney, laRATP,

Aéroport de Paris). Sur29 grands groupes industriels, 21 ont plus de 100

établissements, et 4seulementsont présents dans moins de 10 régions :

Dassault, SNECMA, GIAT, Verreries d’Arques. 2 groupes industriels

seulement etleur siège en dehors deParis : Michelin et les Verreries

d’Arques. Dans le tertiaire, lessièges nonparisiens sontceux du Crédit

Lyonnais (symbolique) etceux des groupes de distribution d’origine

régionale. Lesmicro-groupes,dont on adéjà noté le fortdéveloppement, ont

aussi,pour la moitié d’entre eux, desimplantations multirégionales. Les

groupes les plusconcentrés en Ile-de-Francesont ceux desservices aux

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particuliers, assurances,sociétés deproduction audiovisuelle.

La géographie desgroupesreste clairement marquée par unedifférenceentre

Nord et Sud de laFrance. Dans l’industrie, enparticulier,l’emploi contrôlé

par les groupesdépasse64 % dans lesrégions situées aunord de laligne

Genève-Bordeaux,alors qu’il n’est que de 55% environ en PACA et

Languedoc-Roussillon. Lesgroupes industriels sontsurtout présents dans

les régionsanciennementindustrialisées,auxquelles il convientd’ajouter la

Bretagne et les métropoles en développement du sud (àl’exception deNice).

Dans tous lessecteurs, lesgroupesétrangerssuivent cette géographie, e n

accentuant lesécarts,leurs investissementsétant concentrésdans lesrégions

du Nord et del’Est, avec un poidsparticulier en Alsace et en Picardie.

A noter enfin que certains groupes ont uneforte présencedans uneseule

région. C’est le cas,outre l’Ile-de-France, de laBretagne, où les groupes

strictementrégionaux représentent 8% des emplois.

En ce qui concerne, d’autrepart, lestypes d’établissements, le phénomène le

plus frappant estcelui du recul desgrands établissements(plus de 100

salariés)dansl’emploi industriel total. Le poids de cesétablissements est

passé desdeux tiers à la moitié deseffectifs,entre 1974 et1995.Un mil l ion

d’emplois ont étéperdus dans lesétablissements quicomptaient plus de100

salariés en1975 et en1995,alors que les établissements qui ont franchi (en

hausse) la barredes 100 salariésentre 1975 et 1994n’en comptaient, à cette

dernièredate, que 175000. L’Ile-de-France, quiregroupait en1975le tiers des

emplois desgrandsétablissementsdans lesbiens d’équipement, en aperdu

plus de lamoitié. D’autre part, danstous les secteurs, les pertesd’emploi

proviennent des fermetures maisaussi des compressionsd’effectifs dans les

unités. Il estimportant toutefoisd’ajouter quecesréductions d’effectifs, qui

se traduisentglobalement par une chuterapide du nombre moyen de

salariés par établissement,dans tous les secteurs, et par ladisparition

progressive destrèsgrandesconcentrations desalariés, nesignifient pas une

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miniaturisation de laproduction elle-même. Car latendance esttrès

clairement, nous l’avons déjà dit, à la concentration croissante de la

production dans desunités deplus en pluscapitalistiques.Là encore, l’étude

de l’évolution différentielle entre production et emploimériterait une

étude géographiquedétaillée.

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2) La place ambiguë de l’Europe

En ce qui concerne leniveau européen,plusieurs remarques doiventêtre

faites. Tout d’abord,aucunedes entreprises quenous avonsinterrogées n e

s’est définie comme "européenne". Toutes ont affirmé d’emblée u n e

stratégie mondiale. "Nous sommes un groupefrançais à ambit ion

mondiale" : tel a été leleitmotiv des présentations réalisées dans le

séminaire. D’autre part, on l’a déjà noté, l’Europe apparaîtdans les

organigrammes sous des contourstrès différents, etpresquejamais comme

l’Union Européenne. Mais leparadoxe estque,simultanément,cetteEurope

à géométrie variable apparaît de plus en plus comme un échelon

d’organisation fondamental, notamment pour le manufacturing, la

recherche-développement, le marketing.La "globalisation", pour de

nombreux groupes,signifie d’abord la rationalisation àl’échelle européenne

de leur outil industriel et commercial. L’euro, la création d’un statut

d’entreprise européenne,l’affaiblissement de l’attrait asiatiquepour les

investissementsextérieurs vont-ils changer ladonne, etconférer àl’Europe

une véritable dimension stratégique etidentitaire, et non plusseulement

opérationnelle outechnique ?L’avenir proche ledira.

3) L’émergence denouvelles attitudesface aulocal

Deux phénomènes méritentd’être signalés,quant au moded’inscription des

grandesfirmes et deleursétablissementsdans leterritoire "local".

Le premier estl’importanceprise parla notion de "site" dans de nombreuses

multinationales. La mise en concurrence dessites entre eux, utilisée

explicitement comme facteur d’émulation et d’accroissement des

performances par les grands groupes,a comme contrepartieparadoxale que

les sites affirment uneidentité collectiveplus forte,développent desprojets

locaux de progrèsindustriel, voirecommercial, etceci d’autant plusqu’ils se

sentent menacés. D’autrepart, contrairement à cequ’on pourrait croire,

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l’homogénéisation desnormes techniques et desoutils de contrôle de

gestion vasouvent depair, dans lesréseaux desfirmes globalisées, avec la

reconnaissance d’une certaineautonomie dessites et une place ouverte

pour la négociation etl’argumentation, en cas deproblèmes de surcapacité

par exemple.Ainsi, nous avons puobserver des cas où lessites"survivants"

ne sont pasnécessairement ceux qui affichent lesperformances lesplus

élevées à unedatedonnée(notamment les performances ducoût) mais ceux

qui ont su convaincre leurschefs parfois très lointains de l’existence de

potentialités fortes(et/ou derisques graves en cas defermeture). Du même

coup, d’ailleurs, les dirigeants de cessites se situent, objectivement et

subjectivement, au moinsautant du côté dessalariés que ducôté des

dirigeants. Par exemple, 3M Francea bâti, sous l’impulsion de sesdirigeants

(françaispour l’essentiel) unprojet industriel dont l’objectif explicite est de

garantir l’avenir des sitesfrançaisdans leréseaueuropéen, nécessairement

promis à des restructurations.

Un deuxième phénomène intéressant est lechangementd’attitude quel’on

observe progressivementquant aux types de relations entre les

établissements desgrands groupes et leur environnement local

(institutionnel, social, culturel, etc.). Ces établissements, dufait de leur

histoire, et notamment duprocessus de déconcentration industrielle des

trente glorieuses, ontlongtemps été, et demeurent en grandepartie, e n

situation d’extériorité parrapport auxsociétés locales. Cephénomène est

encoreaccentué par larotation rapide descadres,contrastantavec l’ancrage

local très fort des dirigeants dePME. Pour gérer les conséquences des

restructurations, denombreuxgroupesavaient mis enplace desstructures

(dites parfois"DATAR de groupe")destinées à faciliter lesreconversions et à

rendre lesretraits ou les réductionsd’effectifs plus indolores.

Aujourd’hui, face à la montée des exigencespolitiques locales, lesgroupes

industriels cherchent àdéfinir denouveaux rapports auxterritoires locaux,

soulignant leur appartenance, enpartie (etparadoxalement) pourmieux

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anticiper d’éventuelles difficultés. Ce renforcement des liens avec les

territoires - par des voies aumoins autant extra-économiques que

proprement économiques - estaussi unemanière dedonner du contenu à

la thématique vague de l’"entreprisecitoyenne". De fait, les grandes

entreprises, comme lesPME, bénéficient souvent sans le savoir

explicitement, demultiplesexternalités locales, etleur environnementdans

le territoire est un gage réel de compétitivité. Si les nouvel les

problématiques"territoriales" qui secherchentdans les grandesfirmes sont

un moyen de lereconnaître,tous les acteurs serontbénéficiaires. Mais il est

clair aussi que, simultanément et contradictoirement, la recherche de

flexibilité pousse et continuera de pousser lesfirmes àgérer prudemment

leurs engagements locaux.

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