Zadig ou la Destinée - BIBLIO - HACHETTE · Par quels procédés les différents auteurs du corpus...

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Zadig ou la Destinée Voltaire Livret pédagogique correspondant au livre élève n°25 établi par Isabelle de Lisle, agrégée de Lettres modernes, docteur ès lettres, professeur en lycée

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Zadig ou la Destinée

Voltaire

L i v r e t p é d a g o g i q u ecorrespondant au livre élève n°25

établi par Isabelle de Lisle,agrégée de Lettres modernes,

docteur ès lettres,professeur en lycée

Sommaire – 2

S O M M A I R E

A V A N T - P R O P O S . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

T A B L E D E S C O R P U S . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

RÉ P O N S E S A U X Q U E S T I O N S . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6

Bilan de première lecture (p.�162) ...................................................................................................................................................................6

Chapitre second (pp.�16-18).............................................................................................................................................................................6!�Lecture analytique du chapitre (pp.�19-20)................................................................................................................................6!�Lectures croisées et travaux d’écriture (pp.�21-26)....................................................................................................................9

Chapitre troisième (pp.�27-31) ......................................................................................................................................................................12!�Lecture analytique du chapitre (pp.�32-33)..............................................................................................................................12!�Lectures croisées et travaux d’écriture (pp.�34-42)..................................................................................................................16

Chapitre huitième (pp.�59-64) .......................................................................................................................................................................19!�Lecture analytique du chapitre (pp.�65-67)..............................................................................................................................19!�Lectures croisées et travaux d’écriture (pp.�68-76)..................................................................................................................21

Chapitre seizième (pp.�104-111) ...................................................................................................................................................................25!�Lecture analytique de l’extrait (pp.�112-113)...........................................................................................................................25!�Lectures croisées et travaux d’écriture (pp.�114-124)..............................................................................................................27

Chapitre dix-neuvième (pp.�139-142) ...........................................................................................................................................................31!�Lecture analytique du chapitre (pp.�143-144)..........................................................................................................................31!�Lectures croisées et travaux d’écriture (pp.�145-153)..............................................................................................................34

C O M P L É M E N T S A U X L E C T U R E S D ’ I M A G E S . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39

B I B L I O G R A P H I E C O M P L É M E N T A I R E . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43

Tous droits de traduction, de représentation et d’adaptation réservés pour tous pays.© Hachette Livre, 2004.43, quai de Grenelle, 75905 Paris Cedex 15.www.hachette-education.com

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A V A N T - P R O P O S

Les programmes de français au lycée sont ambitieux. Pour les mettre en œuvre, il est demandé à lafois de conduire des lectures qui éclairent les différents objets d’étude au programme et, par ceslectures, de préparer les élèves aux techniques de l’épreuve écrite (lecture efficace d’un corpus detextes�; analyse d’une ou deux questions préliminaires�; techniques du commentaire, de la dissertation,de l’argumentation contextualisée, de l’imitation…).Ainsi, l’étude d’une même œuvre peut répondre à plusieurs objectifs. Zadig ou la Destinée, enl’occurrence, permet d’étudier le genre de l’apologue, de réfléchir aux procédés de l’argumentation,de s’initier à la philosophie des Lumières, tout en s’exerçant à divers travaux d’écriture…Dans ce contexte, il nous a semblé opportun de concevoir une nouvelle collection d’œuvresclassiques, Bibliolycée, qui puisse à la fois�:–�motiver les élèves en leur offrant une nouvelle présentation du texte, moderne et aérée, qui facilitela lecture de l’œuvre grâce à des notes claires et quelques repères fondamentaux�;–�vous aider à mettre en œuvre les programmes et à préparer les élèves aux travaux d’écriture.Cette double perspective a présidé aux choix suivants�:•�Le texte de l’œuvre est annoté très précisément, en bas de page, afin d’en favoriser la pleinecompréhension.•�Il est accompagné de documents iconographiques visant à rendre la lecture attrayante etenrichissante, la plupart des reproductions pouvant donner lieu à une exploitation en classe,notamment au travers des lectures d’images proposées dans les questionnaires des corpus.•�En fin d’ouvrage, le «�Dossier Bibliolycée�» propose des études synthétiques et des tableaux quidonnent à l’élève les repères indispensables�: biographie de l’auteur, contexte historique, liens del’œuvre avec son époque, genres et registres du texte…•�Enfin, chaque Bibliolycée offre un appareil pédagogique destiné à faciliter l’analyse de l’œuvreintégrale en classe. Présenté sur des pages de couleur bleue afin de ne pas nuire à la cohérence dutexte (sur fond blanc), il comprend�:–�Un bilan de première lecture qui peut être proposé à la classe après un parcours cursif de l’œuvre. Ilse compose de questions courtes qui permettent de s’assurer que les élèves ont bien saisi le sensgénéral de l’œuvre.–�Des questionnaires raisonnés en accompagnement des extraits les plus représentatifs de l’œuvre�:l’élève est invité à observer et à analyser le passage. On pourra procéder en classe à une correction duquestionnaire, ou interroger les élèves pour construire avec eux l’analyse du texte.–�Des corpus de textes (accompagnés le plus souvent d’un document iconographique) pour éclairerchacun des extraits ayant fait l’objet d’un questionnaire�; ces corpus sont suivis d’un questionnaired’analyse des textes (et éventuellement de lecture d’image) et de travaux d’écriture pouvant constituerun entraînement à l’épreuve écrite du bac. Ils peuvent aussi figurer, pour la classe de Première, sur le«�descriptif des lectures et activités�» à titre de groupements de textes en rapport avec un objet d’étudeou de documents complémentaires.Nous espérons ainsi que la collection Bibliolycée sera, pour vous et vos élèves, un outil de travailefficace, favorisant le plaisir de la lecture et la réflexion.

Table des corpus – 4

T A B L E D E S C O R P U S

Corpus Composition du corpus Objet(s) d’étudeet niveau

Compléments auxtravaux d’écriture destinésaux séries technologiques

Images critiquesde la femme(p. 21)

Texte A�: Chapitre second de Zadig de Voltaire(pp.�16-18).Texte B�: «�La Jeune Veuve�» de Jean de LaFontaine (pp.�22-23).Texte C�: Extrait de la scène 3 de L’Île desesclaves de Marivaux (pp.�23-25).Texte D�: «�Le Galant Tireur�» de CharlesBaudelaire (p.�25).

L’éloge et le blâme(Seconde)

Question préliminairePar quels procédés les différents auteursdu corpus expriment-ils leur critique dela femme�?

CommentaireAprès avoir examiné le rôle de Trivelin,vous montrerez que la libérationd’Euphrosine exprime une critiquesociale sévère.

Du policieren littérature(p. 34)

Texte A�: Chapitre troisième de Zadig deVoltaire (pp.�27-31).Texte B�: Extrait du Chien des Baskervilled’Arthur Conan Doyle (pp.�35-37).Texte C�: Extrait de La Bête humaine d’ÉmileZola (p.�38).Texte D�: Extrait de la scène 8 de l’acte�IId’Électre de Jean Giraudoux (pp.�38-39).Document�: Affiche du film Fenêtre sur courd’Alfred Hitchcock (p.�40).

Le roman(Seconde)

Question préliminaireDe quelle manière les différentsdocuments parviennent-ils à susciter lacuriosité du lecteur�?

CommentaireL’étude des tensions et de la violence quicaractérisent cette scène vous amènera àvous demander à quel genre et à quelregistre appartient ce texte.

Les écrivainset le pouvoir(p. 68)

Texte A�: Chapitre huitième de Zadig deVoltaire (pp.�59-64).Texte B�: «�Les Obsèques de la Lionne�»,Fables, de Jean de La Fontaine (pp.�69-70).Texte C�: Extrait des Lettres persanes,lettre�XXXVII, de Montesquieu (pp.�70-71).Texte D�: Extrait de l’Encyclopédie, article«�Autorité politique�», de Denis Diderot (pp.�72-73).Texte�E�: Extrait de Situations�II de Jean-PaulSartre (pp.�73-74).Document�: Caricature de Napoléon III parDaumier (p.�74).

Convaincre, persuader,délibérer(Première)

Question préliminaireQuelle image du pouvoir les différentsdocuments donnent-ils�?

CommentaireVous montrerez comment cette fabledynamique véhicule une argumentation.

Formes et significationsde l’exotisme(p. 114)

Texte A�: Extrait du chapitre seizième de Zadigde Voltaire (p.�104, l.�1, à p.�106, l.�61).Texte B�: Extrait de la scène 5 de l’acte IV duBourgeois gentilhomme de Molière (pp.�115-117).Texte C�: Extrait des Mille et Une Nuits,traduction d’Antoine Galland (pp.�117-119).Texte D�: Extrait des Lettres persanes,lettre�CLXI, de Montesquieu (pp.�119-120).Texte E�: «�L’Invitation au voyage�», Les Fleursdu mal, de Charles Baudelaire (pp.�120-121).Texte F�: Extrait des Oiseaux de Saint-JohnPerse (pp.�121-122).

Étude des genres(Seconde)

Question préliminaireDégagez le genre et le registre de chacundes textes en justifiant votre réponse.

CommentaireVous étudierez le poème en montrantcomment l’«�invitation au voyage�» estaussi une invitation à l’amour etl’expression d’un idéal.

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Corpus Composition du corpus Objet(s) d’étudeet niveau

Compléments auxtravaux d’écriture destinésaux séries technologiques

Les formes del’apologue(p. 145)

Texte A�: Chapitre dix-neuvième de Zadig deVoltaire (pp.�139-142).Texte B�: Extrait du Roman de Renart de Pierrede Saint-Cloud (pp.�145-146).Texte C�: «�Les Fées�», Contes de ma mère l’Oye,de Charles Perrault (pp.�146-149).Texte D�: «�Le Fou et la Vénus�», Le Spleen deParis, de Charles Baudelaire (p.�149).Texte E�: «�Le Chêne et le Roseau�» d’Ésope(p.�150).Texte F�:�«�Le Peuplier et le Roseau�» deRaymond Queneau (pp.�150-151).Document�: L’Air et l’Eau I de M. C. Escher(p.�151).

Convaincre, persuader,délibérerLes formes de l’apologue,du dialogue et de l’essai(Première)

Question préliminaireOpérez un classement des différentstextes selon leur genre et justifiez votreréponse par un relevé des marquessignificatives.

CommentaireAprès avoir étudié le dynamisme de cecourt récit, vous en étudierez la portée.

Réponses aux questions – 6

R É P O N S E S A U X Q U E S T I O N S

B i l a n d e p r e m i è r e l e c t u r e ( p . � 1 6 2 )

! Le borgne désigné par le titre du chapitre�1 est Zadig." Zadig réside à Babylone.# Moabdar est le roi de Babylone.$ Azora est la femme de Zadig dans le chapitre�2.% L’ami et conseiller de Zadig se nomme Cador.& Zadig occupe, avant sa fuite, le poste de Premier ministre.' Zadig fuit en Égypte.( Le marchand se nomme Sétoc.) La fortune d’Arbogad provient des vols qu’il a commis.*+ Le remède préconisé est un basilic cuit dans de l’eau de rose.*, Zadig soigne le seigneur Ogul en le mettant au régime et en lui faisant faire du sport.*- L’occupation d’Astarté est de tracer le nom de Zadig sur le sable.*. Astarté s’est cachée dans la statue d’un temple.*/ La nouvelle épouse de Moabdar se nomme Missouf.*0 L’armure offerte par Astarté à Zadig est blanche.*1 Itobad vole l’armure de Zadig.*2 L’ermite met le feu à sa maison.*3 L’ermite est l’ange Jesrad.*4 Les réponses aux deux premières énigmes posées sont «�le temps�» et «�la vie�».5+ Zadig, à la fin du conte, est roi de Babylone.

C h a p i t r e s e c o n d ( p p . � 1 6 - 1 8 )

!�Lecture analytique du chapitre (pp.�19-20)! On peut relever différentes marques du récit dans ce chapitre�:–�les indices temporels, qui jalonnent la progression du texte. Le récit s’ouvre sur «�Un jour�» et cecomplément circonstanciel de temps montre que Voltaire va se focaliser sur un épisode particulier. Lachronologie romanesque alterne les ellipses et les événements déterminants. Par la suite, on peutrelever d’autres indicateurs de temps�: «�deux jours�» (l.�21), «�le troisième jour�» (l.�22), «�la nuit même�»(l.�23), «�Le soir�» (l.�26), «�Le lendemain�» (l.�28), «�Au milieu du souper�» (l.�35)�;–�à l’intérieur de ce récit, l’histoire de la veuve Cosrou qui s’organise également autour d’indicestemporels�: «�deux jours�» (l.�6), «�tant que l’eau de ce ruisseau coulerait auprès�» (l.�9)�;–�le jeu des temps verbaux caractéristique du texte narratif. Le temps principal est le passé simple�;exprimant une action limitée dans le temps, il rend parfaitement compte de la chaîne narrative�: «�Ladame pleura, se fâcha, s’adoucit�» (l.�31). L’imparfait, plus rare dans le chapitre, vient, en complément,exprimer une valeur durative�: «�Il avait un ami […] qu’aux autres�» (l.�17), «�il avait des défauts dontCador était exempt�» (l.�34)." Dans le premier paragraphe, le récit du comportement de la veuve Cosrou joue le rôle del’élément déclencheur. La situation initiale est stable�: «�il l’épousa et vécut un mois avec elle dans lesdouceurs de l’union la plus tendre�» (fin du chapitre�1). Certes, ce «�un mois�» a une valeur restrictive quiannonce la rupture et les dernières lignes du chapitre introduisent des réserves («�un peu de légèreté�»)�;mais c’est le «�Un jour�» liminaire, avec les «�grandes exclamations�» d’Azora, qui vient perturber (pour

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reprendre le vocabulaire du schéma narratif) la situation initiale et déclencher les péripéties duchapitre.Le récit concernant la veuve Cosrou semble même une image concentrée de l’épisode tout entier.Une «�jeune veuve�», «�un tombeau�», une grande «�douleur�», une promesse et finalement une solutionpour contourner le serment de fidélité�: tous ces éléments se retrouvent dans l’histoire du nez. Azoraapprend la «�funeste nouvelle�» (l.�24)�: Zadig est enseveli «�dans le tombeau de ses pères�». La voilàdevenue «�jeune veuve�» (l.�6). Comme la veuve Cosrou, elle se lamente, et le champ lexical de lasouffrance est développé. Dans le premier paragraphe, on relevait le mot «�douleur�»�; pour Azora, lerécit est plus précis�: «�Elle pleura, s’arracha les cheveux�», «�ils pleurèrent tous deux�». De même, ledéroulement de l’histoire est plus développé dans la seconde partie�: «�Le soir�», «�Le lendemain�», «�Aumilieu du souper�». Pourtant, l’impression de rapidité est la même et le revirement d’Azora vaut celuide la veuve Cosrou. Dans les deux histoires, les jeunes femmes semblent rester fidèles à leur maridéfunt. La veuve Cosrou fait détourner le ruisseau pour ne pas manquer à son serment et Azora setrouve de bonnes raisons�: «�quand mon mari passera du monde d’hier dans le monde du lendemain […] lapremière�?�» (l.�49). Bien entendu, ce qui n’était que sous-entendu, c’est-à-dire en germe, dans lepremier épisode prend toute son ampleur avec la femme de Zadig. Jouant peut-être sur le fait quePétrone et La Fontaine ont déjà raconté cette fable à leur manière, Voltaire va, à son tour, broderquelques variations sur ce thème.# Le récit forme une boucle car la dernière ligne du chapitre reprend clairement la fin du premierparagraphe. L’épisode s’ouvre sur l’histoire de la veuve Cosrou qui détourne le ruisseau et s’achèvesur une allusion à la jeune veuve�: «�le projet de me couper le nez vaut bien celui de détourner un ruisseau�».L’indignation finale de Zadig est un écho de celle d’Azora découvrant, au début du chapitre, le peude constance de la veuve Cosrou.$ Que la construction du chapitre soit circulaire et que le récit se referme sur lui-même ne signifiepas pour autant que l’on se retrouve au point de départ. Au contraire, la boucle souligne laprogression de l’intrigue�; la répétition fait ressortir les variations. Au départ, c’est Azora qui se montrescandalisée par l’inconstance de la veuve Cosrou�; à l’arrivée, c’est elle-même qui est infidèle, etZadig, en écartant le rasoir, annonce qu’il va la répudier (chapitre�3). Azora affiche sa loyauté audébut du chapitre�; elle est démasquée à la fin. Dans le premier paragraphe, Zadig admire non pasl’indignation d’Azora, mais la promesse de fidélité faite par la veuve Cosrou à son mari défunt (l.�10�:«�voilà une femme estimable, qui aimait véritablement son mari�!�»). Déjà, à la fin du chapitre�1, il reprochaità sa femme sa «�légèreté�». Dans «�Le nez�», les «�grandes exclamations�» (l.�2) d’Azora l’inquiètent�: «�cefaste de vertu ne plut pas à Zadig�» (l.�15). Très vite, Zadig comprend qu’il se trompe quant à la fidélitéde la veuve Cosrou et la suite de l’histoire lui permet de confirmer ses doutes concernant la loyautéde sa propre femme. Si les deux histoires se répètent et si le récit donne l’impression d’un retour aupoint de départ, c’est pour mieux souligner l’inconstance féminine et annoncer la répudiationd’Azora.% Le cadre du texte est narratif mais la place accordée au dialogue est très importante. Voltaire utilisedifférents modes d’insertion du discours rapporté.On peut relever une forme narrativisée dans le deuxième paragraphe�: «�il le mit dans sa confidence�»(l.�19). Ce procédé évite de rappeler les doutes de Zadig quant à la fidélité de sa femme et de dévoilerle plan qui va être mis en œuvre.Le discours indirect est employé pour évoquer la nouvelle de la mort de Zadig. Les subordonnéess’enchaînent et la «�funeste nouvelle�» perd ainsi toute sa charge pathétique. Le discours indirect negarde pas l’intonation et la succession des trois subordonnées complétives (l.�23�: «�que son mari étaitmort subitement la nuit même, qu’on n’avait pas osé lui porter cette funeste nouvelle, et qu’on venait d’ensevelirZadig�») a un effet mécanique.Azora est au centre du récit�; son indignation et son revirement rapide sont les éléments essentiels duchapitre. Voltaire a recours au discours direct. On en relève les marques attendues�: verbes de parole,guillemets et tirets.& La surprise est un principe moteur du chapitre. On le voit dès le premier paragraphe, lors del’histoire de la veuve Cosrou. La dernière explication d’Azora («�Elle faisait détourner le ruisseau�»)provoque un effet de chute d’autant plus fort que la proposition est brève. Cette sorte de «�pointe�»invite le lecteur à lire d’une autre manière le début du paragraphe�; en effet, le «�spectacle�» dont Azora

Réponses aux questions – 8

a été le témoin n’est pas celui de la douleur de la veuve mais plutôt celui de son inconstance. Demême, l’indignation d’Azora au début du chapitre («�de grandes exclamations�», «�des invectives silongues�», des «�reproches si violents�») contraste fortement avec son attitude à la fin (elle «�s’approcha pourcouper le nez à Zadig�»).Ces revirements sont mis en valeur par leur rapidité�; on relève «�deux jours�» pour la veuve Cosrou etune durée guère plus longue pour Azora, puisque la scène du rasoir se déroule le «�lendemain�» de la«�funeste nouvelle�».Le double retournement qui structure le récit lui confère par là même sa force comique. La rupturequ’est la surprise fait d’autant plus rire que, double, elle paraît le résultat d’un mécanisme.' On peut relever d’autres ressorts du comique�:–�la répétition donne à l’histoire un côté artificiel et la prive de toute sensibilité humaine. C’est unprocédé que l’on rencontre fréquemment dans le théâtre comique, qu’il s’agisse de la reprise d’uneexpression («�Mais que diable allait-il faire dans cette galère�») ou d’une situation (le double schéma despersonnages dans Les Fourberies de Scapin ou dans Le Jeu de l’amour et du hasard)�;–�les hyperboles ont également une fonction comique. La réaction d’Azora dans le premierparagraphe est fortement soulignée et la rapidité du revirement est accentuée�;–�la fin du chapitre relève du comique de situation�; on trouve face à face un mort en réalité vivant etune femme tenant un rasoir�;–�enfin, la situation est traitée avec légèreté. Les éléments sont pourtant dramatiques�: une veuve, unefemme qui veut couper le nez de son mari, un mari qui découvre que sa femme ne l’aime pas. Maisrien n’émeut le lecteur. Dans ce registre humoristique, on ne voit que le côté saugrenu de l’histoire�:le remède qui est censé guérir Cador, l’idée de couper son nez à un mort et peut-être aussi lasymbolique phallique du nez. On aurait envie de dire que le thème de la femme castratrice est icitraité de manière amusante�: le nez d’un mort qui s’avère être vivant.( La leçon du chapitre n’est pas explicite�; la construction circulaire invite pourtant le lecteur à tirerune morale de l’histoire. L’épisode fonctionne comme une petite fable autonome et les répétitionsrenforcent la cohérence de l’ensemble. À la fin, fermant la boucle, Zadig rapprochant l’attituded’Azora de celle de la jeune veuve Cosrou invite à la généralisation. Le lecteur comprend queVoltaire critique l’inconstance féminine et les prétextes invoqués. Le chapitre peut être lu comme unapologue indépendant.De plus, les divers procédés comiques créent une distance qui incite le lecteur à poser sur la situationprésentée un regard critique. Zadig lui-même ne se place pas du côté des sentiments mais de la raison.Il n’est pas question de déception, de jalousie, de tristesse. Zadig analyse et raisonne. Il émet deshypothèses (l.�15�: «�ce faste de vertu ne plut pas à Zadig�») et les vérifie en opérant des rapprochements(l.�57�: «�le projet de me couper le nez vaut bien celui de détourner un ruisseau�»).Dans ce chapitre, il s’agit pour Zadig de donner une leçon à sa jeune épouse. Il ne se lamente pas surl’infidélité d’Azora mais cherche à montrer à sa femme qu’elle ne vaut pas mieux que la veuve Cosrouet que ses «�invectives�» et «�ses reproches�» à l’encontre de la jeune femme étaient malvenus. La fonctionde l’expérience mise en place par Zadig est moralisatrice. Le lecteur comprend par là que le chapitre aune portée didactique.) Zadig évolue dans la mesure où il passe de l’hypothèse à la certitude. À la fin du chapitre�1, iltrouve Azora un peu légère�: «�un peu de légèreté et beaucoup de penchant à trouver que les jeunes gens lesmieux faits étaient ceux qui avaient le plus d’esprit et de vertu�». Déjà, dans cette phrase, on voit qu’Azoratrouve des justifications morales à ses penchants. Le chapitre�2 est une vérification par l’expérience etle chapitre�3 tire la conclusion de ces événements�: «�Il fut quelque temps après obligé de répudier Azora.�»Au début du chapitre�2, bien qu’ayant des doutes quant à la constance de son épouse, Zadig croitencore à l’amour des femmes�; aussi s’exclame-t-il�: «�voilà une femme […] qui aimait véritablement sonmari�!�» (l.�10). Les explications d’Azora concernant la jeune veuve, ainsi que l’expérience du nezl’amènent à renoncer à l’amour et à choisir de se retirer dans une maison de campagne (début duchapitre�3).*+ Le chapitre, au travers de deux histoires, dénonce l’inconstance des femmes. Elles apparaissentcomme infidèles�: si la veuve détourne le ruisseau, c’est pour s’autoriser à oublier son mari défunt�;quant à Azora, elle se montre prête à couper le nez de Zadig pour soulager les souffrances de Cador.On ne peut se fier à l’amour des femmes et le pire est que, même lorsqu’il est sincère et profond, il ne

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dure pas. En effet, Azora, comme la veuve Cosrou en son temps, est bouleversée par l’annonce de lamort de Zadig�; les signes de leur douleur sont abondants. Pourtant, deux jours ne se sont pas écoulésqu’elles se trouvent consolées.Voltaire critique également l’écart qui sépare la manifestation de sentiments profonds des sentimentsréellement éprouvés. Les larmes féminines sont trompeuses�; on le voit lors du souper pris encompagnie de Cador (l.�31: «�La dame pleura, se fâcha, s’adoucit�») et lors de la scène finale (l.�53�: «�ellealla au tombeau de son époux, l’arrosa de larmes, et s’approcha pour couper le nez à Zadig�»)�; la conjonctionde coordination «�et�» met en relief le peu de sens des larmes féminines.La critique va plus loin encore. Non seulement l’amour des femmes est peu fiable, non seulementelles montrent des sentiments qu’elles n’éprouvent pas nécessairement, mais elles vont jusqu’à trouverdes solutions pour se ranger, en dépit de leur inconstance et de leur hypocrisie, derrière des principesmoraux. En détournant le ruisseau, la veuve Cosrou fait en sorte de ne pas manquer à sa promesse.Peu importe l’esprit�; seule la lettre compte pour être en accord avec la morale. De même, lorsqueAzora s’apprête à couper le nez de Zadig pour guérir Cador, elle en appelle au peu de conséquencede son acte en se référant à l’ange Asraël.Ajoutons à ces griefs le goût d’Azora pour l’argent. En effet, lorsque Cador laisse entendre «�que sonami lui avait laissé la plus grande partie de son bien�» (l.�29), la «�dame [...] s’adoucit�» et se met à luiadresser des compliments�: «�elle avoua qu’il avait des défauts dont Cador était exempt�» (l.�33).*, Les femmes sont sévèrement critiquées dans ce chapitre, d’autant plus qu’Azora était présentée dansle premier épisode comme «�la plus sage et la mieux née de la ville�». Mais cette critique est une sorte delieu commun littéraire et mondain. Chez Voltaire, la critique devient misanthropie. En effet, l’amitiéest en cause également, au travers du personnage de Cador. L’argent semble une valeur dominantesusceptible de venir à bout de l’amour des femmes mais aussi capable de vous assurer la fidélité d’unami. Lorsque Zadig s’adressa à son ami Cador, «�il le mit dans sa confidence et s’assura, autant qu’il lepouvait, de sa fidélité par un présent considérable�»�: l’adjectif «�considérable�» et la restriction «�autant qu’il lepouvait�» soulignent la fragilité des sentiments face au pouvoir de l’argent.Dans cette société sans morale, l’homme est seul. Dans le chapitre suivant, Zadig s’écarte des amis etdes femmes�; pour vivre en philosophe, il se retire du monde et se plonge dans l’étude.

!�Lectures croisées et travaux d’écriture (pp.�21-26)

Examen des textes! Comme une comédie, la fable «�La Jeune Veuve�» se découpe en scènes successives�: le mari et saveuve, le père et la jeune femme, puis un «�mois de la sorte se passe�» et l’on retrouve les deuxpersonnages de la scène précédente. La Fontaine joue sur les contrastes�: la dernière scène s’opposeaux deux premières�; la réplique qui achève la scène�2 contraste, par sa brièveté comme par soncontenu, avec la tirade du père qui la précède.Les personnages sont stylisés selon le principe adopté au théâtre. La veuve est «�une jeune beauté�» et lepère un «�homme prudent et sage�».Le discours direct occupe une place importante dans cette fable. On peut en relever les différentesmarques�: guillemets et tirets, propositions introductrices et incises, indices de l’oralité tels quel’apostrophe ou l’interjection…" Bien que promue au rang de maîtresse d’Euphrosine par le représentant de l’île (Trivelin),Cléanthis conserve, dans sa manière de parler, les marques de sa condition sociale première. Onpourra notamment relever�:–�sa façon de désigner Euphrosine�: «�ma chère maîtresse�», le terme «�Madame�» répété�;–�son manque de confiance en elle et le besoin d’être aidée par Trivelin�: «�je vous ai dit dem’interroger�»�;–�les adresses à Trivelin, elle-même n’osant pas régler directement ses comptes avec Euphrosine�;–�son langage oral et spontané�: les phrases exclamatives et les interjections occupent une placeimportante, les phrases sont courtes�;–�son absence d’analyse�: elle rapporte les scènes auxquelles elle a assisté en imitant les paroles desdifférents personnages, sans les insérer dans un discours explicatif.

Réponses aux questions – 10

# Les phrases déclaratives sont peu nombreuses dans les quelques répliques de Trivelin et il s’agit àchaque fois d’un constat concernant l’attitude d’Euphrosine.La modalité interrogative est importante, puisqu’elle lance le passage du portrait�: «�Cela la regarde-t-il�?�»On remarquera la place essentielle accordée à la modalité injonctive. Trivelin se pose comme lemaître du jeu et il donne des ordres à Cléanthis («�détaillons un peu cela�») et à Euphrosine(«�Attendez�», «�profitez�»).$ Le poème adopte une forme narrative que l’on peut étudier au travers des temps verbaux et del’insertion des paroles rapportées. Ce traitement chronologique du temps, ainsi que l’existence d’uncadre spatial et de deux personnages dessinent une histoire particulière. Cependant, tout invite à lagénéralisation. À commencer par l’emploi du pronom personnel «�il�» dès la première phrase. Dans unpoème en prose (le lecteur connaît la règle du jeu), il ne saurait être question d’illusion réaliste. Onn’imagine pas un instant que l’histoire ait pu commencer avant le lever de rideau. Le «�il�» répété,comme les désignations «�femme�» et «�époux�» sont un moyen de gommer toute individualité. Lesvisages n’ont pas de traits et le décor se réduit à une esquisse�: «�la voiture�», «�le bois�», «�le voisinaged’un tir�». La «�créature charmante�» n’a pas plus de vie que la poupée «�qui porte le nez en l’air et qui a lamine si hautaine�». La trame narrative se réduit à des coups de crayon dont la simplicité même soulignela complexité des sentiments en présence.% Autour de la femme, deux champs lexicaux se croisent et les oppositions sont d’autant plus fortesque la conjonction de coordination «�et�» vient lier les termes antithétiques�: «�délicieuse et exécrable�»,«�inévitable et impitoyable�». La juxtaposition souligne le parallélisme, renforçant la contradiction�: «�tantde plaisirs, tant de douleurs�».La fin du poème achève de nous dérouter, puisque le paradoxe y atteint son degré le plus haut. Ladernière réplique exprime tout ce que l’homme doit à sa femme mais la note finale («�adresse�») estune reprise lexicale de «�[la] poupée [qui] fut nettement décapitée�». La femme est contradictoire�; lessentiments de l’époux également. Et il ne saurait être question de choisir. C’est la contradiction mêmequi définit la nature des relations entre les deux personnages et qui donne toute sa force au poème.

Travaux d’écriture

Question préliminaireLa femme est au cœur des différents textes du corpus et l’on est frappé par la complexité de l’imageque les différents auteurs nous en donnent. Au travers de ces textes, la dominante est négative.Voltaire insiste sur l’inconstance d’Azora et, dans le chapitre, tout concourt à préparer la fin et à soulignercette légèreté de l’épouse. Azora s’indigne de l’attitude de la veuve et elle fera pire à la fin de l’épisode. Letemps s’accélère et Voltaire insiste sur la rapidité du revirement de la jeune femme en mettant en relief lesindicateurs de temps�: «�la nuit même�», «�Le soir�», «�Le lendemain�», «�Au milieu du souper�».L’inconstance féminine est également au centre de la fable de La Fontaine et sans doute Voltaire a-t-ilpensé à cette «�jeune veuve�» en imaginant le chapitre�2 de Zadig.Dans le portrait que Cléanthis dresse de sa maîtresse Euphrosine, on retrouve cette versatilité fémininepuisque le passage est principalement organisé autour de l’opposition de deux portraits de la jeunefemme. Si Madame a «�bien dormi�», «�elle ira aux spectacles, aux promenades, aux assemblées�»�; «�aucontraire�», si elle a «�mal reposé�», elle «�ne verra personne aujourd’hui�». Un événement sans grandeconséquence (elle a «�mal reposé�») et Euphrosine n’est littéralement plus elle-même�: «�figurez-vous quece n’est point moi�».Chez Baudelaire, la contradiction ne s’inscrit pas dans le temps. Dans ce récit resserré et simplifié àl’extrême, les antithèses ressortent (voir question�4), soulignant le paradoxe qui sous-tend le sentimentamoureux. La contradiction est d’autant plus grande que les termes mélioratifs sont intenses et que lesentiment négatif, à l’opposé, s’exprime par la violence de la mort.Ces quatre textes donnent une image négative de la femme, en insistant notamment sur lescontradictions qui la caractérisent.Dans les textes de Marivaux et de Baudelaire, l’image est complexe et le portrait négatif est nuancépar des traits positifs. Si Euphrosine apparaît, au travers de la peinture de Cléanthis, comme une jeunefemme «�vaine, minaudière et coquette�», elle est, sur scène, un personnage sensible et bouleversé.

Zadig ou la Destinée – 11

Trivelin le souligne à plusieurs reprises�: «�vous sentez, c’est bon signe�», «�Courage, Madame�». Dans lepoème de Baudelaire, un équilibre semble s’instaurer entre le vocabulaire péjoratif et le vocabulairemélioratif. On peut même voir que la reconnaissance du poète l’emporte, dans l’expression quiachève le premier paragraphe. Les groupes nominaux «�tant de plaisirs�» et «�tant de douleurs�» sontjuxtaposés et soulignent la contradiction�; le complément qui suit («�et peut-être aussi une grande partie deson génie�») fait pencher la balance du côté positif.

CommentaireOn pourra proposer le plan suivant�:

1. Une scène orchestrée par TrivelinA. Trivelin mène la scène•�Il fait parler Cléanthis.•�Il décide de la progression du dialogue et domine sa finalité.•�Il ne parle pas pour lui-même et se montre chargé de faire fonctionner une règle.B. La démarche adoptée•�La connaissance et la vérité sont au cœur de la démarche.•�La connaissance doit permettre une guérison d’Euphrosine.

2. Une scène de libérationA. Le discours d’une servante•�Cléanthis ne s’adresse pas à Euphrosine et manque de confiance en elle.•�Elle emploie un langage spontané et familier.B. Cléanthis se libère•�Longueur des répliques.•�Multiplicité des paroles rapportées et dynamisme des tirades.•�Formes de l’accumulation�: énumération, juxtaposition, répétition…Tout cela concourt à donner une impression de précipitation et de désorganisation.

3. La critique sociale au travers du portrait d’EuphrosineA. La présence d’Euphrosine sur scène•�Euphrosine au travers des répliques de Trivelin�: le malaise.•�Les répliques d’Euphrosine�: la négation exprime le désarroi.B. Le portrait dressé par Cléanthis•�Importance accordée à l’apparence physique�: présentation de deux situations contradictoires de partet d’autre de «�au contraire�» (vocabulaire mélioratif�/�vocabulaire péjoratif). L’apparence finit pardéfinir l’identité («�Ce n’est point moi�»).•�La critique sociale�: la mise en scène des rencontres et l’artifice des relations mondaines�; la cruautédes relations et l’absence de véritable amitié�; le mensonge du paraître.

DissertationOn pourra adopter le plan suivant�:

1. Les femmes occupent une place importante dans la littératureA. Dans les différents genresExemples de romans, de pièces de théâtre…B. Dans les différents registres•�Sur le mode comique…•�Sur le mode tragique…

2. Ce n’est pas la femme mais le sentiment amoureux qui est un élément moteurdans les œuvres littérairesA. L’amour comme mobile de la quête•�L’œuvre littéraire s’inscrit dans le temps et suppose une transformation des personnages�; à ce titre, laquête amoureuse est un moteur fréquent de la dynamique narrative.

Réponses aux questions – 12

•�Les romans de chevalerie.•�Les romans d’amour dans toute leur diversité�: La Nouvelle Héloïse, Le Lys dans la vallée, MadameBovary (la quête impossible).B. L’amour comme phénomène social•�Le mariage détermine la structure sociale, sa stabilité (divorces impensables) et sa pérennité (l’enfantné dans les liens du mariage a un statut social)�: les tensions autour de la question du mariage sontsources d’inspiration.•�La comédie et l’intrigue du mariage.•�La tragédie et le déchirement.C. L’amour comme prétexte à l’expression de soi•�En parlant de la femme aimée ou de son amour, le poète parle de lui-même.•�Le sentiment amoureux alimente la poésie lyrique.

3. La complexité des images féminines dans la littératureA. La femme et l’idéal•�Depuis l’amour courtois, en passant par le romantisme et jusqu’au surréalisme…•�La femme et la Muse�: Baudelaire.B. La femme critiquée•�L’image de la femme comme incarnation d’un idéal est critiquée�: Madame Bovary, Bel-Ami…•�L’attachement de la femme à la beauté devient une coquetterie critiquée.•�L’image de la femme comme objet de quête est critiquée�: La Duchesse de Langeais et la tyrannie desfemmes.C. La femme par elle-même•�La littérature féminine renvoie une image complexe de la femme�: le sentiment amoureux (GeorgeSand), la place dans la société (Simone de Beauvoir)…•�Entre analyse et revendications.

Écriture d’inventionOn attend un récit cohérent qui forme un tout narratif complet. La progression devra être claire etefficace, sans passage inutile. Les élèves devront avoir perçu, dans le chapitre de Voltaire, que tout estécrit en vue de la fin. De même, la composition de leur récit devra préparer la mise en relief dudénouement. On valorisera les copies qui auront réussi à créer un véritable effet de surprise et quiauront su reprendre la gradation qui caractérise la progression du chapitre à partir de la disparition deZadig.

C h a p i t r e t r o i s i è m e ( p p . � 2 7 - 3 1 )

!�Lecture analytique du chapitre (pp.�32-33)! L’intrigue s’inscrit dans un cadre qui affiche clairement, dès la première page, sa tonalité exotique.Les lieux mentionnés sont l’Euphrate (l.�12) et Babylone (l.�36). Les personnages secondairesappartiennent à la société perse�: un «�eunuque de la reine�» (l.�22), le «�grand desterham�» (l.�49,déformation de delterdar, le trésorier de l’État). On relève également des allusions à la richesseorientale, telle qu’elle apparaît dans les contes�: «�Quant à son mors, il doit être d’or à vingt-trois carats�»(l.�88), «�il était ferré d’argent à onze deniers de fin�» (l.�92).Quelques références à la religion perse émaillent le texte�: «�comme il est écrit dans le livre du Zend�»(l.�1), «�je vous jure par Orosmade�» (l.�61). Les apostrophes hyperboliques (l.�58) qui ouvrent le discoursde Zadig s’inspirent également du style oriental.Cependant, l’hyperbole nous met sur la voie de la parodie et l’allusion à l’or (l.�60�: «�beaucoupd’affinité avec l’or�») permet la critique de la justice. Au début du chapitre, l’allusion au livre du Zend aégalement un effet comique car il n’est pas question de religion mais de «�lune de miel�». Voltaires’amuse à placer une expression du langage courant (la lune de miel) dans un contexte oriental (lecalendrier perse). La mesure du temps et la philosophie de Zarathoustra se trouvent détournées pourexprimer les désillusions du mariage (du miel à l’absinthe).

Zadig ou la Destinée – 13

La parodie du conte oriental se trouve soulignée par le flou géographique qui entoure les références.L’intrigue se déroule à Babylone mais les pratiques de la justice appartiennent à la tradition russe (leknout, la Sibérie�: l.�50)." Le premier paragraphe du chapitre noue solidement les liens avec l’épisode qui précède. Il y estquestion d’Azora et de l’échec de son mariage avec Zadig�: «�la lune de l’absinthe�» (l.�3), «�répudierAzora�» (l.�4). La fin du paragraphe rappelle la mésaventure du nez.La conclusion du chapitre débouche sur une généralisation («�qu’il est difficile d’être heureux dans cettevie�!�») qui englobe les expériences malheureuses des chapitres�1 à 3. Le chapitre�4 renforce latransition en employant dans la première phrase le verbe «�se consoler�» et le substantif pluriel «�desmaux�» qui constituent une allusion aux divers malheurs de Zadig.Ainsi, le chapitre�3 affiche ses liens avec les épisodes voisins et s’inscrit dans la continuité de la«�Destinée�» de Zadig.# Les épisodes de ce chapitre s’enchaînent, montrant ainsi que les aléas d’une vie ne sont en réalitéque les étapes obligées d’un parcours. Les liens de causalité ou de concomitance sont fortementmarqués�: «�Plein de ces idées, il se retira�» (l.�11), «�se promenant auprès d’un petit bois, il vit accourir à lui uneunuque�» (l.�21), «�Précisément dans le même temps, par une bizarrerie ordinaire de la fortune�» (l.�34), «�et sepromit bien, à la première occasion, de ne point dire ce qu’il avait vu. Cette occasion se trouva bientôt�» (l.�105).Par ailleurs, l’épisode du chien et du cheval, comme celui du prisonnier d’État (l.�107) participent àl’éducation de Zadig qui tire leçon de ses expériences�: il «�se promit bien�» (105), «�dit-il en lui-même�»(l.�112). Déjà, la retraite du personnage au début du chapitre était une conclusion tirée de l’aventuredu nez. La dynamique du conte repose donc sur un va-et-vient entre expérience et réflexion quialimente la quête du bonheur. Car il s’agit toujours de trouver un moyen d’être heureux. «�Zadig […]crut qu’il pouvait être heureux�»�: ce désir, exprimé dans le chapitre�1, oriente la vie du personnage dansle chapitre�3. En effet, la réflexion sur le bonheur ouvre et ferme l’épisode�: «�Rien n’est plus heureux[…]�» (l.�5), «�qu’il est difficile d’être heureux dans cette vie�».$ L’épisode fonctionne comme un récit indépendant possédant son propre schéma narratif�:–�Situation initiale�: Zadig a trouvé la quiétude dans l’isolement (l.�11�: «�se retira�») et le contactavec la nature (l.�17�: «�il étudia surtout les propriétés des animaux et des plantes�»�; l.�21�: «�se promenantauprès d’un petit bois�»).–�Élément perturbateur�: le bonheur paisible de Zadig est troublé par l’irruption d’un personnagepolitique, l’«�eunuque de la reine�» accompagné de «�plusieurs officiers�». Tout insiste sur le désordre et ledéséquilibre introduits par ces personnages�: «�la plus grande inquiétude�», «�couraient çà et là�», «�égarés�»,«�cherchent�», «�tout essoufflé�». L’élément perturbateur est en réalité redoublé puisque, «�dans le mêmetemps�» (l.�34), le «�grand veneur et tous les autres officiers couraient�» après le cheval du roi avec «�autantd’inquiétude�». Cette double arrivée fracassante des personnages de la Cour dans le «�petit bois�»tranquille de Zadig ne déclenche en réalité les péripéties qui vont suivre que parce que Zadig semontre inadapté. Comme il le comprend à la fin du chapitre, il aurait dû «�ne point dire ce qu’il avaitvu�» (l.�105). Mais ses qualités intellectuelles (étude approfondie des animaux, l.�18) et morales (l.�27�:«�modestement�») le poussent naïvement à répondre précisément à la question de l’eunuque. Sa réponseest marquée par l’insistance, comme en témoignent l’emploi du verbe de parole ajouter et la répétitionde «�jamais�». Et cette insistance, qui relève de la rigueur intellectuelle et d’un souci de vérité, n’aurapour effet que de le rendre suspect auprès des représentants du pouvoir.–�Les péripéties�: Zadig doit se justifier devant «�l’assemblée du grand desterham�» qui le condamne auknout et à l’exil. Les deux animaux ayant été retrouvés, Zadig peut à nouveau plaider sa cause devantl’assemblée. Le roi ordonne de rendre l’amende à Zadig. Une première conclusion suit cet épisode�: il«�se promit bien, à la première occasion, de ne point dire ce qu’il avait vu�» (l.�105). L’épisode du prisonnierd’État échappé constitue une dernière péripétie qui débouche sur la conclusion définitive.–�La situation finale�: Zadig, condamné à une amende, dresse un bilan négatif de ses aventures eten déduit «�qu’il est difficile d’être heureux dans cette vie�».% Le chapitre est construit sur plusieurs parallélismes qui rappellent des situations de comédie (LesFourberies de Scapin de Molière, par exemple)�:1.�Le titre n’annonce pas en réalité la rencontre entre deux animaux, mais lance les deux enquêtesparallèles�: le chien et le cheval, la reine et le roi, l’eunuque et le grand veneur, «�plusieurs officiers�» et

Réponses aux questions – 14

«�tous les autres officiers�», les réponses de Zadig («�je ne l’ai jamais vu�», «�je ne l’ai point vu�»), les discoursexplicatifs successifs.2.�L’épisode du prisonnier d’État échappé vient compliquer le jeu des parallélismes en introduisantune situation contraire. Zadig n’avait rien vu et parlait comme s’il avait vu�; cette fois-ci, Zadig a vuet dit qu’il n’a rien vu. Le résultat est toujours le même�: une amende.3.�La somme des onces d’or rythme également le récit�: «�ils condamnèrent Zadig à payer quatre centsonces d’or�» (l.�53), «�le roi ordonna qu’on lui rendît l’amende des quatre cents onces d’or�» (l.�112), «�ils enretinrent seulement trois cent quatre-vingt-dix-huit pour les frais de justice�» (l.�98), «�Il fut condamné pour cecrime à cinq cents onces d’or�» (l.�110).& Le dernier discours intérieur de Zadig conclut le passage.Les marques lexicales�: les termes «�bois�», «�chienne de la reine�», «�cheval du roi�» rappellent ledouble épisode annoncé par le titre, tandis que «�la fenêtre�» fait allusion au prisonnier d’État échappé.À la fin du chapitre, les termes sont plus larges�: «�dangereux�», repris par «�difficile�» et «�cette vie�».Les marques grammaticales�: le discours de Zadig est au présent gnomique et son expériencepersonnelle se trouve généralisée par l’emploi de l’indéfini «�on�». Le texte s’achève sur une doubletournure impersonnelle�: «�il est dangereux�», «�il est difficile�».' Zadig est à la fois le suspect, le témoin et le détective. Le roi et la reine, parce qu’ils ontrespectivement perdu une chienne et un cheval, sont à l’origine de la quête-enquête. Les juges sontici des personnages secondaires qui peuvent également appartenir à l’univers du roman policier.( Comme dans un récit policier, l’aventure commence par un mystère, un manque à combler�; ils’agit de la double disparition de la chienne et du cheval. Le point de départ est donc une question.Une réponse possible à la question posée est le crime. C’est ce qui se passe ici�; si les deux animauxroyaux ont disparu, c’est que Zadig les a volés. Le suspect est arrêté et condamné. Il doit s’innocenter.Alors le suspect s’avère être aussi un détective. Et le discours qu’il tient aux juges s’apparente au bilanexplicatif dressé par Sherlock Holmes ou Hercule Poirot à la fin de leurs enquêtes.) Un relevé des verbes se rapportant à Zadig montre clairement la progression du raisonnementdéductif. Les verbes d’observation sont suivis de verbes de jugement. Dans la première partie, on note«�J’ai vu�» et «�j’ai jugé�», puis «�j’ai remarqué�» et «�j’ai compris�». Dans la seconde partie, l’évolution estla même�: «�J’ai vu�» et «�j’ai connu que�»�; «�j’ai reconnue�», «�j’ai fait l’essai�» et «�J’ai jugé�».Les procédés grammaticaux qui assurent le passage de l’observation à la conclusion sont variés. Lesconjonctions de coordination «�et�» (l.�66) et «�car�» (l.�89) sont des connecteurs logiques qui jouent cerôle dans les deux parties du discours. Zadig emploie aussi des compléments circonstanciels�: unesubordonnée circonstancielle de cause (l.�73�: «�comme j’ai remarqué […] les trois autres�»), uncomplément circonstanciel de moyen (l.�91�: «�par les marques�»). Les subordonnées complétivesintroduites par «�m’ont fait connaître que�» (l.�68) et «�m’ont appris que�» (l.�72) ont la même fonction.*+ L’introduction du discours, après les apostrophes respectueuses, pose la ressemblance entrel’intrigue de la chienne et celle du cheval grâce à la négation double «�jamais […] ni�» et les groupesnominaux parallèles�: «�la chienne respectable de la reine�», «�le cheval sacré du roi des rois�» (l.�62). L’objetde la démonstration est donné d’emblée�; Zadig reprend la proposition qui venait en conclusion deces deux réponses aux questions respectives de l’eunuque et du grand veneur�: «�je n’ai jamais vu�».Étant donné la précision remarquable des informations données aux représentants du roi et de lareine, il doit montrer comment, par ses qualités d’observation et de réflexion, il est parvenu à cesrésultats exacts sans avoir vu aucun des deux animaux.Les deux histoires sont nettement dissociées et font chacune l’objet d’un paragraphe spécifique.L’expression liminaire de la seconde partie («�À l’égard du cheval du roi des rois�») souligne fortement ladistinction opérée.Cependant, la progression de la démonstration est la même dans les deux cas. Zadig commence parposer le cadre de l’observation�; on peut relever «�Je me promenais vers le petit bois�» dans la premièrepartie et «�me promenant dans les routes de ce bois�» dans la seconde. Vient immédiatement ensuite lapremière observation�: «�J’ai vu sur le sable les traces d’un animal�» (l.�65) et «�j’ai aperçu les marques des fersd’un cheval�» (l.�78). Ces observations vont progressivement se préciser et déboucher sur desconclusions. Dans les deux parties du discours, on remarque ainsi un vocabulaire extrêmement précis(«�petites éminences de sable�», «�en un sens différent�», «�à trois pieds et demi du milieu de la route�», «�unberceau de cinq pieds de haut�»...) et un va-et-vient entre observation et conclusion.

Zadig ou la Destinée – 15

*, Zadig est une sorte de modèle du philosophe des Lumières. Le terme «�philosophe�» est d’ailleursemployé dans le premier paragraphe.Au début du chapitre, il décide de consacrer son existence à l’étude de la nature. Il tire sesconnaissances de ses propres observations�; dans la tradition de Descartes, il apprend par lui-même etne se fie qu’à sa propre expérience et à son propre jugement. Ses conclusions sont le résultatd’éléments précis et vérifiés (l.�90�: «�j’ai fait l’essai�») et non d’un système établi a priori. L’expérienceest à la base de la connaissance mais la connaissance ne se limite pas à l’expérience. Zadig raisonne,déduit. Ce qu’il éprouve est toujours le ressort d’une réflexion, qu’il s’agisse de l’étude des animauxou de ce qui lui arrive. L’épisode du chien et du cheval s’achève par une résolution pratique «�de nepoint dire ce qu’il avait vu�» (l.�105) et l’histoire du prisonnier échappé débouche sur une leçon plusphilosophique�: «�qu’il est difficile d’être heureux dans cette vie�!�».Zadig a choisi de se retirer «�dans une maison de campagne�» et de se distinguer des autres hommes�: «�ilacquit bientôt une sagacité qui lui découvrait mille différences où les autres hommes ne voient rien que d’uniforme�»(l.�18). Cependant, le philosophe reste un homme social. On le voit lorsqu’il répond avec force détailsaux questions de l’eunuque et du grand veneur. On le constate également lorsqu’il accumule lesapostrophes laudatives au début du discours qu’il prononce devant l’assemblée des juges.*- Les événements vécus dans ce chapitre poussent d’abord Zadig à sortir de sa retraite. Après avoirrépondu aux questions de l’eunuque et du grand veneur, il se trouve entraîné dans des péripéties quil’obligent à tenir un long discours devant une assemblée. On est loin des résolutions prises de nefréquenter que la nature, «�ce grand livre que Dieu a mis sous nos yeux�».Zadig est amené à revoir la position formulée au début du chapitre. Le philosophe «�vit tranquille�; ilne craint rien des hommes�», affirme-t-il dans le premier paragraphe. Les événements qui suiventconstituent un parfait démenti à cette théorie. Zadig qui cherchait «�son bonheur dans l’étude de lanature�» (l.�5) en vient à remettre en cause la possibilité même du bonheur (l.�115). La phrasedéclarative du début devient une interrogative qui lance la dynamique de la quête et du conte.*. On a pu voir tout d’abord la parodie du conte oriental�: les références à la Perse se mêlent, dansune confusion géographique amusante, à des allusions aux pratiques russes, et les apostropheshyperboliques de Zadig participent de cette parodie.Mais il faut aller plus loin�: l’exotisme amuse et déguise une critique de la société française. Lesapostrophes laudatives critiquent les abus de pouvoir de la justice (il faut flatter pour espérer êtreécouté) mais surtout la vénalité des officiers de justice. En effet, la liste des métaux s’achève sur l’or etla dernière apostrophe (l.�60�: «�beaucoup d’affinité avec l’or�») est une critique implicite. La complexitédu système est également mise en avant, ainsi que l’importance des frais de justice (l.�100-103). Toutdonne l’impression d’une justice absurde�: Zadig est innocenté, admiré�; l’amende est supprimée etpourtant il doit verser «�trois cent quatre-vingt-dix-huit�» onces d’or «�pour les frais de justice�», sanscompter les valets qui «�demandèrent des honoraires�» (l.�103). Voltaire critique également une justice quicondamne sans avoir écouté (l.�55�: «�Il fallut d’abord payer cette amende�; après quoi il fut permis à Zadigde plaider sa cause au conseil du grand desterham�») et qui ne connaît pas la séparation des pouvoirs (l.�98�:«�le roi ordonna qu’on lui rendît l’amende�»).Sans doute lit-on également une critique des hommes qui, «�égarés�» (l.�24) ou pleins d’«�inquiétude�»(l.�38), ne comprennent pas les explications raisonnables «�modestement�» prononcées par Zadig.Emportés par leurs passions (ici l’angoisse), ils se montrent incapables de faire preuve de discernement.Ce qui est vrai dans le domaine des sciences semble également valable ici�: «�les autres hommes ne voientrien que d’uniforme�» (l.�19)*/ Plusieurs procédés mettent le lecteur sur la voie d’un double sens�:1.�Zadig est, dès le début, présenté comme un philosophe à la recherche du bonheur, et cettequestion du bonheur conclut le texte.2.�Les apostrophes hyperboliques qui ouvrent le discours de Zadig sont une invite à une doublelecture�: la tonalité orientale cache la parodie, le discours laudatif dissimule (et révèle) une critique dela vénalité de la justice. Si ce passage est à double sens, le reste du chapitre doit également se lire àdeux niveaux.3.�Le registre ironique domine. Zadig est trop parfait et trop naïf pour qu’on puisse s’identifier à lui.Voltaire crée sans cesse une distance qui nous invite à la vigilance. Si le lecteur, par exemple,souhaitait se prendre au jeu du style oriental, le «�knout�» et la «�Sibérie�» (l.�50) lui rappellentrapidement qu’il fait fausse route.

Réponses aux questions – 16

!�Lectures croisées et travaux d’écriture (pp.�34-42)

Examen des textes et de l’image! Le dynamisme du passage repose principalement sur l’insertion du dialogue dans le récit. La placeaccordée aux paroles rapportées est dominante�; mais la présence de passages narratifs assure unealternance qui évite la monotonie. On pourra relever les marques de l’insertion du discours�: laponctuation spécifique, les propositions incises ou introductrices.On remarquera que l’insertion est réduite à son minimum –�ce qui donne plus de force et de vie audialogue. Les marques d’oralité sont nombreuses�: phrases interrogatives (jeu de question-réponse),phrases exclamatives, apostrophe («�mon cher Watson�»), répétition («�non, non�»).La première réplique du détective s’oppose fortement à celle de Watson qui précède et cettecontradiction amusante est un facteur dynamisant�: «�quelque chose qui m’ait échappé�»�/«�j’ai peur que laplupart de vos conclusions ne soient erronées�». On voit ici l’assurance légendaire que manifeste SherlockHolmes�; elle est récurrente dans le passage et contribue à amuser le lecteur�: «�la conclusion évidente�»,«�manifestement�»…La fin du passage joue également sur la surprise. Alors que l’on commence à trouver que lesdéductions du détective sont tirées par les cheveux, on comprend que Sherlock Holmes se moque delui-même (et Conan Doyle de son détective et peut-être du lecteur) en présentant l’«�épagneul au poilfrisé�» comme une conclusion logique de ses analyses." On peut relever�: «�conclusions�», «�vérité�», «�hypothèse�», «�travaillerons�», «�base nouvelle�»,«�déductions�», «�méthodes�», «�conclusion évidente�», «�conjecture�», «�fait d’expérience�».Ce champ lexical abondant constitue une marque du genre naissant�: il s’agit d’analyser, de raisonner.Les aventures du roman de cape et d’épée, faites d’imprévus, font place ici à la certitude. Tout estprévisible et l’arrivée du Dr Mortimer accompagné de son chien est une vérification plus qu’unévénement.# La description de la scène est faite en focalisation interne. Le meurtre est évoqué au travers duregard de Jacques. Le nom du personnage figure en tête du paragraphe et on peut noter d’autresindices de ce point de vue�: «�Jacques vit�», «�Jacques […] aperçut�». L’emploi répété de l’adverbemodalisateur «�peut-être�» donne l’impression que cette scène fugitive n’est pas une certitude. Elle n’estperçue que par Jacques, et tout dépend de la fiabilité de son regard.La focalisation interne, dans ce texte, est un facteur important de suspense. Le personnage acquiert ici,dans le cadre du roman policier, un statut de témoin. Mais son témoignage est fragile et apportera parla suite plus de tensions que de vérités.$ Le champ lexical de la violence est fortement présent dans l’extrait, qu’il soit rapporté au train ou àla scène du meurtre.Train�: «�gueule�», «�s’embrase�», «�fracas�», «�jaillit�», «�éblouissement�», «�incendie�», «�troua�», «�flamme�»,«�coup de foudre�», «�violemment�», «�vertige de vitesse�», «�flambantes�», «�fuyait�», «�se perdait�».Meurtre�: «�renversé�», «�plantait un couteau�», «�écroulement�», «�pesait�», «�convulsives�», «�assassiné�».Ainsi, dans le même passage, se rejoignent la violence du crime et celle du train. Tout est de l’ordrede la rapidité, du vertige et de la puissance. Cette forte présence du champ lexical de la violenceaccroît l’intensité dramatique du passage et noue solidement (dans le texte comme dans l’ensemble duroman) deux trames narratives�: celle du train et celle du meurtre.% Dans cet échange rapide de répliques entre Électre et sa mère Clytemnestre, c’est le personnageéponyme qui mène le dialogue. Les questions sont nombreuses dans les répliques d’Électre et ellessont autant de demandes de vérité�: «�Vous l’avez assassiné, n’est-ce pas�?�», «�Tu étais dans la piscine,mère�?�», «�Avec Égisthe, sans doute�?�», «�Tu l’avais fait tuer, n’est-ce pas�?�». Les «�n’est-ce pas�?�» et le«�sans doute�» montrent que les questions constituent déjà une réponse et que Clytemnestre est commeprisonnière de l’interrogatoire de sa fille. Électre assure ses positions par des expressions fortes�:«�jamais�», «�sans glisser�» (répété)�; au contraire, Clytemnestre se cache derrière les autres�: «�tout lemonde sait que ton père a glissé�». Voulant se défendre, elle ne fait que resserrer l’étreinte des questionsde sa fille�: «�J’ai manqué de glisser moi aussi.�/Ah�! Tu étais dans la piscine, mère�?�» Égisthe, présent danscette scène, se tait.

Zadig ou la Destinée – 17

& Sans évoquer ce que suggèrent au spectateur le nom et la silhouette d’Alfred Hitchcock en haut del’affiche, on peut relever différents éléments qui annoncent le genre policier�:–�Si la fenêtre du haut présente une scène ordinaire de la vie privée d’un immeuble (l’histoire d’uncouple), la fenêtre centrale montre un homme seul tenant un couteau.–�James Stewart est présenté avec ses jumelles et l’expression de son visage exprime une tensioninquiète.La brièveté du titre et son aspect énigmatique relèvent également du genre policier.

Travaux d’écriture

Question préliminaireSeul le texte de Conan Doyle appartient à la littérature policière�; les trois autres textes annoncent oucroisent le genre policier en présentant certaines de ses caractéristiques.Ainsi, on retrouve dans les différents extraits les personnages types du genre. L’intrigue se tisse autourd’un enquêteur. Sherlock Holmes est, bien entendu, l’exemple le plus parfait. Il conduit le dialogue etdécouvre peu à peu une vérité que la venue du visiteur inconnu va confirmer. Mais Zadig, bien qu’ils’agisse d’un conte philosophique, n’est pas bien différent. Électre conduit également le dialogue, et lavérité qu’elle soupçonne se trouve accréditée par le trouble et les faux pas de Clytemnestre, ainsi que parle silence d’Égisthe. On ne rencontre pas de détective dans le texte de Zola�; Jacques, tout comme lepersonnage joué par James Stewart dans le film d’Hitchcock, est une autre figure du roman policier�: letémoin. Les deux silhouettes entrevues dans le wagon lancé à pleine vitesse sont le meurtrier et savictime. Ce couple existe également dans Électre. Agamemnon et Léon sont les victimes�; Clytemnestreet Égisthe les assassins. Parfois les rôles ne sont pas nettement définis�; c’est le cas du film d’Hitchcockdans lequel le personnage principal est un témoin qui s’ignore et un enquêteur.Les documents du corpus suscitent l’intérêt du lecteur grâce à une énigme�: «�Qui est le visiteurinconnu de Sherlock Holmes�? Où sont passés la chienne de la reine et le cheval du roi�? Qui sont lesdeux personnages du wagon�? Quelles sont les circonstances de la mort d’Agamemnon�? Qu’a vuJames Stewart�?�» Pour résoudre ces énigmes, il faut mener une enquête, chercher des indices. On levoit bien dans les textes de Voltaire et de Conan Doyle. C’est aussi le cas dans la scène de Giraudoux�:«�depuis huit ans j’interroge les écuyers�», «�j’ai questionné ses compagnons de guerre�». Seul le texte de Zolan’envisage pas d’éléments de réponse à la question posée. Dans les trois extraits concernés, c’est leraisonnement et notamment la déduction qui permettent au détective de résoudre l’énigme.Le texte de Zola présente un autre aspect du roman policier�: la tension dramatique. Le champ lexicalde la violence doublement décliné (cf. question�4) donne tout son relief à la scène. La scène dumeurtre est en général une étape intense du roman policier. Le moment de la révélation aussi�;Giraudoux nous le montre dans Électre. La pression exercée par le personnage éponyme, le désarroi deClytemnestre sentant le piège se refermer sur elle et le silence d’Égisthe contribuent à créer un climattendu dans ce passage où la vérité se dessine.

CommentaireOn pourra proposer le plan suivant�:

1. Une scène en reliefA. Le point de vue de Jacques•�La place de Jacques dans le texte.•�Jacques et la progression chronologique�: «�d’abord�», «�et�», «�à ce quart précis de seconde�».•�Jacques est au premier plan�: les verbes au passé simple.•�Jacques est soumis au regard omniscient de l’auteur�: «�l’œil doutait ensuite des images entrevues�».B. Le passage du train•�Passé simple et verbes d’action.•�Progression de l’évocation�: tunnel, machine, wagon, compartiments.C. La scène du meurtre•�Détails fragmentaires�: «�un homme�», «�un autre�», «�banquette�», «�jambes�».•�Identification et interprétation�: un personnage qui subit («�renversé�», «�assassiné�») et un personnagequi agit («�plantait�»).

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2. Une scène violenteA. L’univers du train•�Les formes d’expression�: le bruit («�fracas�») et surtout la lumière.•�L’insistance par l’expression d’une contagion�: «�gros œil rond�» ‡ «�incendie�» ‡ «�double ligne de flammes�».•�Il s’agit d’évoquer la vitesse.B. La scène du meurtre•�Champ lexical de la violence.•�Rapidité et destruction –�ce qui nous rappelle le monde du train («�troua�»/«�plantait�»).

3. Genre fantastique ou policier�?A. Les ingrédients du roman policier•�Le meurtre�: un assassin, une victime, un témoin, un complice éventuel («�peut-être une troisième personne�»).•�Le doute, source de tension dramatique�: la précision («�très distinctement�») s’associe à la remise encause («�doutait ensuite des images entrevues�», «�peut-être�»).B. Le glissement vers le fantastique•�Le doute est un ingrédient du fantastique autant que du policier.•�Le jeu de l’obscurité et de la lumière.•�Le lieu maléfique�: la Croix-de-Maufras.•�La personnification du train (les comparaisons et les métaphores), la vision fragmentaire de la victime(«�gorge�», «�jambes convulsives�») et le fait qu’il est difficile de distinguer l’animé de l’inanimé («�peut-êtreune troisième personne, peut-être un écroulement de bagages�»).

Dissertation

1. La littérature policière présente des caractéristiques propresA. La place de la littérature policière•�Un genre récent�: Edgar Poe, Conan Doyle, et le développement spectaculaire du genre.•�Des collections à part�: Série noire, Le Masque…•�Une place discutée dans la littérature�: idée de sous-littérature, dimension commerciale…B. Les lois du genre•�La série autour d’un détective�: Sherlock Holmes, Hercule Poirot, Maigret…•�L’énigme.• Les personnages�: le détective, le policier, le criminel, le suspect, le témoin…•�Le crime.

2. La littérature policière souligne les caractéristiques de toute œuvre de fictionA. Littérature policière et réalisme•�Analyse psychologique.•�Représentation sociale.B. Littérature policière et situation de crise•�Le récit suppose que quelque chose se passe, se transforme. La littérature s’intéresse aux situationsextrêmes (Crime et Châtiment de Dostoïevski) et le roman policier met en scène des situations decrise�: le crime est le résultat de grandes tensions, lesquelles dynamisent le récit.•�Électre, Œdipe roi, Hamlet, Britannicus…C. Littérature policière et énigme•�L’œuvre littéraire forme un tout indépendant. De même, l’énigme et sa résolution.•�La lecture est décodage, déchiffrage de l’implicite.•�L’auteur invite le lecteur à le suivre et à participer, par sa recherche active, à la création de l’œuvre.

Écriture d’inventionLe travail d’écriture demandé est un exercice d’imitation qui suppose que l’on ait au préalable bienrepéré les différentes caractéristiques du texte de Conan Doyle�: composition du passage, caractère desdeux personnages, place accordée à l’esprit de déduction, surprise finale… On valorisera la cohérencedu passage rédigé, ainsi que le choix pertinent de l’objet oublié par le visiteur.

Zadig ou la Destinée – 19

C h a p i t r e h u i t i è m e ( p p . � 5 9 - 6 4 )

!�Lecture analytique du chapitre (pp.�65-67)! La première phrase du chapitre («�Le malheur de Zadig vint de son bonheur même, et surtout de sonmérite�») joue un double rôle. D’abord, elle assure la cohésion de l’enchaînement narratif des chapitresen rappelant deux éléments présents dans l’épisode précédent, de telle sorte que le lecteur comprenneque la péripétie du chapitre�8 trouve pleinement sa raison d’être en liaison avec ce qui précède. Eneffet, les expressions «�son bonheur même�» et «�son mérite�» sont deux échos du chapitre�7, alors que leterme «�malheur�» a une fonction annonciatrice. Ainsi, et c’est son second rôle, la phrase liminaireprévient le lecteur de l’imminence d’une rupture. L’antithèse qui ouvre le récit («�malheur�»,«�bonheur�») dessine le demi-tour narratif du chapitre�8." Pour montrer que le chapitre�8 constitue un épisode charnière dans la progression narrative duconte, il suffit de comparer les premier et dernier paragraphes du passage.Si l’on excepte les indices annonciateurs du revirement («�malheur�», les hyperboles), la tonalitédominante du premier paragraphe est le bonheur dans la naissance d’un amour réciproque. On peutrelever les marques de l’amour («�envie de plaire�», «�passion�»…) et son développement («�croissait�»,«�enfoncer�»). Le sentiment amoureux se teinte d’innocence et de naïveté�: «�dont elle ne s’aperçut pasd’abord�», «�le trait qu’elle ne sentait plus�», «�plus de galanterie qu’elle ne pensait�», «�elle croyait�».L’harmonie triangulaire (qui ne saurait durer) est la note majeure�: «�Il avait tous les jours des entretiensavec le roi et avec Astarté�», «�elle ne cessait de le vanter au roi�».Dans le dernier paragraphe, les marques de la souffrance et du désespoir se multiplient («�Qu’est-ce doncque la vie humaine�?�», «�malédiction�», «�horrible précipice de l’infortune�», «�réflexions funestes�»…). À lanaissance de l’amour évoquée au début du chapitre s’oppose un champ lexical de la mort�: «�mourir�»,«�funestes�», «�pâleur de la mort�». Alors que tout rapprochait Zadig d’Astarté dans le premierparagraphe, le chapitre s’achève sur un départ�: «�il continuait son voyage vers l’Égypte�».# Dans ce chapitre qui parodie les péripéties des romans sentimentaux, les sentiments jouentnécessairement un rôle moteur dans la progression du récit. On pourra distinguer, d’une part, lapassion amoureuse qui se développe entre Astarté et Zadig et, d’autre part, les réactions négatives etjalouses des autres personnages.La passion amoureuse est présentée comme une force qui s’enracine dans le cœur des héros à leurinsu. C’est ce qu’on a pu relever dans le premier paragraphe à propos d’Astarté (voir question�2) etc’est ce qui se passe également au départ pour Zadig�: «�un feu dont il s’étonna�». Mais, très vite, lesentiment amoureux s’exprime en termes de combat et Voltaire, de manière parodique, renoue iciavec la veine tragique du déchirement�: «�il combattit�», «�il appela à son secours�», «�il combattait�»…Ainsi, qu’il s’agisse de la naïveté confiante d’Astarté ou du combat tragique de Zadig, la passion desdeux personnages est présentée comme innocente bien qu’adultère.Cette passion innocente est contrariée par les sentiments de jalousie qui animent les autrespersonnages. Les courtisans («�Tous les esclaves des rois et des reines�»), représentés par l’Envieux etl’Envieuse, attisent les sentiments du roi. Cador, dans son discours à Zadig, insiste sur la jalousie deMoabdar et Voltaire dépeint en quelques lignes la montée de ce sentiment�: «�le roi fut troublé�», «�ilcrut�», «�soupçons�», «�certitude�», «�manière de se venger�», «�Il résolut une nuit d’empoisonner la reine, et defaire mourir Zadig�».$ Zadig est progressivement envahi par la passion mais sa réaction est différente de celle d’Astarté. Eneffet, la reine fait preuve de naïveté et d’innocence et semble ignorer les sentiments qu’elle éprouve(voir question�2). Zadig, après l’étonnement initial, se montre conscient, et Cador souligne ladifférence d’attitude entre les deux personnages�: «�Vous résistez à votre passion avec plus de force que lareine ne combat la sienne, parce que vous êtes philosophe et parce que vous êtes Zadig.�»Le philosophe Zadig lutte contre sa passion�: d’une part, il cherche à asseoir le triomphe de la raisonet de la maîtrise de soi sur les sentiments qui se développent malgré lui�; d’autre part, il vit cettepassion comme un déchirement tragique entre amour et morale. On retrouve une expression quasicornélienne de cet amour impossible�: «�nous brûlons tous deux d’un feu que nous condamnons�». Malgréle discours pragmatique («�un amour satisfait sait se cacher�») de Cador, Zadig affirme la force de sesprincipes�: «�jamais il ne fut plus fidèle à son prince que quand il fut coupable envers lui d’un crimeinvolontaire�».

Réponses aux questions – 20

% On peut relever différents procédés qui génèrent le suspense et la tension dramatique�:–�L’importance des progressions�: Voltaire insiste sur la montée du sentiment amoureux commesur celle de la jalousie, créant ainsi une tension croissante.–�Les contradictions�: Moabdar et les courtisans s’opposent à la passion innocentée de Zadig etd’Astarté�; Zadig affirme ses principes moraux contre la vision pragmatique de son conseiller Cador.–�Deux héros démunis qui ont besoin d’aide –�ce qui accroît l’inquiétude du lecteur�: Zadigsollicite les conseils de Cador et le salut des deux personnages principaux est dû à l’intervention dunain.–�La place de l’action�: les verbes d’action sont nombreux et le temps dominant est le passé simple.–�Le traitement du temps�: le temps se resserre�; en une nuit les événements se précipitent et lepassage consacré au dessin du nain («�Il passa une partie de la nuit à crayonner ce qu’il voulait faire entendre à lareine�») nous donne l’impression d’une course contre la montre («�Dès qu’il eut fini cet ouvrage, il courut�»).& Des procédés de style viennent accentuer le suspense et souligner l’intensité dramatique�:–�L’insertion du discours direct�: qu’il s’agisse des paroles des personnages ou de la lettre écrite parAstarté, le discours direct vient rompre la monotonie de la narration et rendre plus vivante la scèneracontée. Il contribue également à ralentir l’écoulement du temps.–�Le choix du vocabulaire�: les adjectifs qualificatifs épithètes viennent colorer dramatiquement lessubstantifs (l.�79�: «�terribles indices�»�; l.�90�: «�impitoyable eunuque�»�; l.�98�: «�ordre effroyable�»�; l.�109�:«�horrible exécution�»…).–�Les types de phrases�: les phrases simples et les propositions indépendantes sont nombreuses.' La composition du chapitre en scènes successives contribue à lui donner une dimension théâtrale�:on observe au départ une alternance entre une narration à l’imparfait itératif («�il combattait�», «�Zadigsortait�», «�la reine prononçait si souvent�») et une scène dont l’unicité est affichée grâce au passé simple�:«�il laissa pénétrer son secret à son ami Cador�», «�Cador lui dit�». Dans la seconde partie du chapitre, àpartir de la décision du roi d’exécuter Astarté et Zadig, la narration itérative disparaît et les scènes sesuccèdent comme dans un véritable drame�: le nain surprend l’ordre donné et entreprend de peindrece qu’il a entendu�; Zadig est réveillé par un inconnu (le «�on�» répété) et prend connaissance de lalettre d’Astarté�; Zadig fait venir Cador�; Cador organise le départ de son ami.Les paroles rapportées donnent également une dimension théâtrale au chapitre. On peut relever�:–�le discours direct oral (Cador) ou écrit (la lettre de la reine)�;–�le discours narrativisé, qui permet de resserrer davantage l’action en ne présentant que l’essentiel dudiscours rapporté�: «�il laissa pénétrer son secret à son ami Cador�», «�L’Envieux engagea l’Envieuse à envoyerau roi sa jarretière�».Cette dimension théâtrale du chapitre est un élément de son dynamisme�; c’est aussi une façon dedérouter le lecteur et de l’amener sur le chemin de la parodie.( Le romanesque sentimental à la mode se teinte ici d’exotisme, notamment dans les détails (lesbabouches bleues) et le choix des personnages secondaires. L’adjuvant principal (le nain muet) desdeux personnages centraux vient tout droit des Mille et Une Nuits, ainsi qu’un des opposants,l’«�impitoyable eunuque�» chargé d’exécuter les vengeances du roi. La violence et la précipitation desévénements relèvent sans doute du même exotisme qui vient alimenter la tension dramatique et laportée critique.) Plusieurs facteurs constituent pour le lecteur des indices de parodie�:–�Le mélange des genres�: Voltaire mêle le romanesque sentimental et la fiction orientale, le récitet le théâtre, le déchirement tragique de Zadig et les conseils pragmatiques immoraux de Cador. Lelecteur, qui a du mal à trouver ses repères, comprend que Voltaire a pris ses distances par rapport à cesdifférents genres.–�Les hyperboles�: qu’il s’agisse de l’expression d’une passion que l’on ne saurait maîtriser ou de laprécipitation des événements, Voltaire grossit les marques du roman d’aventures sentimental.–�Des personnages archétypaux�: les deux personnages issus des contes orientaux, que sont le«�petit nain qui était muet�» et l’«�impitoyable eunuque�», ne sont que des silhouettes esquissées�; les autrespersonnages, simplifiés à l’extrême, semblent des caricatures�: la jeune femme innocente et naïve, lejeune homme pur déchiré entre son amour et son devoir (un lointain souvenir de Tristan, deLancelot et du Cid), le mari jaloux, l’ami fidèle qui n’envisage la situation que de manière pratique(les conseils, la fuite).

Zadig ou la Destinée – 21

*+ Dans le dernier paragraphe, les termes exprimant le désespoir et la mort sont très nombreux (voirquestion�2) et l’on est bien loin de la fin heureuse des contes traditionnels. Le lecteur reste sur uneimpression d’injustice. En effet, Zadig a fait preuve, dans ce chapitre, de toutes les qualités moralesimaginables�; il n’est pas à l’origine de cet amour et l’on a vu que Voltaire commençait par évoquer lanaissance de l’amour chez Astarté. Totalement innocent et même héroïque dans son combat contre sapassion et contre les solutions de Cador, Zadig est doublement condamné. Il est d’abord condamné àmort par le roi son ami, puis, finalement, chassé de Babylone par Cador qui organise sa fuite. Il perdson statut social (il était devenu Premier ministre) et la femme qu’il aime.*, La leçon qui se devine en filigrane du dénouement comporte plusieurs facettes�:–�la vie est injuste et les mérites ne sont pas récompensés. La leçon n’est pas nouvelle�; on pouvait lalire déjà à la fin des chapitres précédents�;–�les règles de vie pratiques, telles que les présente Cador («�un amour satisfait sait se cacher�»), s’avèrentplus efficaces que les principes moraux. C’est ainsi que l’on peut comprendre le discours conclusif deZadig�: «�Qu’est-ce donc que la vie humaine�? Ô vertu�! à quoi m’avez-vous servi�?�» Dans l’expression de cedésespoir, on lit l’antinomie de la morale et de la pratique («�vertu�»/«�servi�»).Le cours de l’existence nous échappe. Zadig a beau mener un rude combat (cf.�le champ lexical)contre sa passion, il a beau avoir toutes les qualités et être innocent, sa destinée bascule à la fin duchapitre�8 lorsqu’il se trouve obligé de quitter Astarté et de fuir Babylone. On retrouvera cetteconception pessimiste de la vie dans Candide.*- La leçon pessimiste que Voltaire nous invite à tirer de la lecture du chapitre�8 n’est certes pasdéfinitive, puisque le chapitre, plus qu’un épisode indépendant, est le maillon d’un parcours narratifqui trouve son achèvement au chapitre�29.Plusieurs indices nous invitent à saisir le fil de cette progression d’ensemble sans nous arrêter troplongtemps sur le chapitre�8. D’abord, le lecteur sait que cette séparation des deux héros n’est qu’uneétape et non une fin�; nous ne sommes pas encore à la moitié du conte et, si Voltaire respecte les loisdu conte comme celles du roman d’amour, nous sommes en droit d’espérer des retrouvailles. De plus,la dernière phrase du chapitre, avec les mots «�continuait�», «�voyage�» et «�vers�», engage le lecteur àretrouver le fil de la narration et à saisir le chapitre comme le chaînon d’une «�gourmette�», pourreprendre une expression de Jacques dans la première page de Jacques le Fataliste de Diderot.

!�Lectures croisées et travaux d’écriture (pp.�68-76)

Examen des textes et de l’image! Les fables de La Fontaine, à la différence de celles de Phèdre ou d’Ésope, sont de véritables petitespièces de théâtre au cours desquelles se noue et se dénoue une intrigue. En quelques vers, le fabulistemet en scène des personnages et dynamise le récit grâce à l’insertion du discours. C’est ce qui se passedans «�Les Obsèques de la Lionne�». On peut relever�:–�le discours narrativisé des vers�3-4, ainsi que des vers�6-9�: en résumant les propos du Lion dans unesubordonnée dépendant d’un verbe de parole («�fit avertir�»), il resserre l’introduction de la pièce�;–�le discours indirect�des vers 28-29�;–�le discours direct et ses marques�: ponctuation et verbes introducteurs.Le discours rapporté dynamise le récit et la diversité des formes employées contribue à donner vie etrelief à la fable." Le lecteur s’attend à trouver la morale en fin de fable et c’est ce qui se produit. Les quatre derniersvers se détachent et quittent le monde des animaux. Le terme «�les Rois�», au pluriel, invite à lagénéralisation tout comme le futur du dernier vers. Les impératifs placés en tête de vers introduisent laleçon et signalent la conclusion.Mais on trouve un premier appel au lecteur au cœur de la fable (v.�17-23), lorsque La Fontaine prenddirectement la parole. On quitte le monde des animaux et le retour sera indiqué par un «�Pour revenirà notre affaire�»�: on relève des marques de généralisation, telles que «�la cour�», le «�Prince�», le«�peuple�», «�les gens�».# On peut tout d’abord relever les marques attendues de la lettre�: désignation du locuteur et dudestinataire, du lieu et de la date de l’écriture, à la périphérie du texte. La dimension exotique est

Réponses aux questions – 22

soulignée notamment par la date qui mêle le chiffre du calendrier grégorien à la mention de la lune.Les noms des personnages et la destination de la lettre (Smyrne) soulignent également cette dimensionpersane.Dans le corps de la lettre, les indices de l’énonciation sont peu nombreux. Aucun mot spécifique pourdésigner le destinataire�: on comprend que le contenu de la lettre est entièrement tourné vers lelocuteur. Ou plus exactement vers ce que voit le locuteur car les références à la 1re�personne sont trèsréduites. Les pronoms de 1re�personne sont essentiellement présents en tête de paragraphe (uneexception)�; ils s’effacent par la suite pour laisser place au portrait du roi. Le lecteur est ainsi amené àporter son regard sur la critique du pouvoir�; mais cette critique est explicitement rapportée aulocuteur fictif. Prudence oblige sans doute. Montesquieu rappelle d’ailleurs, au début de la lettre,l’origine étrangère du regard�; dès la première ligne, l’adjectif possessif «�nos�» exprime l’appartenancedu locuteur à la Perse.$ Les premier et dernier paragraphes prennent l’apparence d’un éloge. Le vocabulaire est mélioratif(«�génie�», «�magnifique�»…), mais le registre ironique véhicule une critique implicite du pouvoir. Audébut, il s’agit de dénoncer le vieillissement d’un système politique. «�Le Roi de France est vieux�» selit�: «�Le Roi de France est trop vieux.�» Ou plutôt�: «�La Monarchie française est trop vieille.�» Car, sila lettre supposée écrite en 1713 s’en prend à un Louis�XIV en fin de règne, Montesquieu écrit, lui,en 1721, sous la Régence. Plus que le Roi-Soleil décédé en 1715, c’est le régime politique qui estremis en cause. Dans le dernier paragraphe, toujours en jouant sur l’implicite, Montesquieu critique lamauvaise gestion d’un État réduit à un jardin.La partie centrale du texte évoque également les finances désastreuses de la France. Mais le procédé estdifférent�: la critique est explicite. Le Persan souligne les contradictions du roi et passe ainsi en revuedifférentes sortes de défauts.% Le premier paragraphe pose des principes concernant l’autorité en général, indépendamment dustrict domaine politique.À partir de là, Diderot envisage deux possibilités�: l’anaphore du groupe nominal «�la puissance�»,précisé par une relative déterminative («�qui s’acquiert�», «�qui vient�»), balise la progressionargumentative de l’article. La «�puissance�» présentée dans le deuxième paragraphe est rattachée à l’idéede violence et le champ lexical de la force domine. Celle présentée dans le dernier paragraphes’accompagne d’un vocabulaire mélioratif. Une notion nouvelle intervient alors�: Dieu vient légitimer«�un ordre de subordination�» dans l’intérêt du «�bien commun et de la société�».Le troisième paragraphe assure la transition entre les deux sortes de puissances envisagées�; l’expression«�change de nature�» exprime ce glissement de l’usurpation vers la légitimité.& On peut relever�: le vocabulaire abstrait�; les connecteurs logiques�; le présent de vérité générale�;les articles définis à valeur généralisante�; les phrases complexes�; l’importance de la subordination.' Pour Jean-Paul Sartre, le rôle de l’écrivain se définit en «�situation�» dans son époque. «�Nousvoulons qu’il embrasse étroitement son époque�»�: critiquant l’indifférence de certains auteurs, il affirmefortement la nécessité, pour l’écrivain, de prendre parti car, de toute manière, sa «�passivité même seraitaction�».( D’une part, le prince Louis affiche les attributs de Napoléon�Ier, alors que c’est un homme politiqueet non un militaire. D’autre part, sa petite taille (il faut l’élever, précise la légende) et sa stabilitéprécaire prêtent à sourire. «�Ça n’est pas très solide�!�» Par comparaison avec le premier empereur, leprince Louis semble dépourvu d’envergure.La caricature exprime également une critique du soutien apporté par Victor Hugo et Émile deGirardin. Malgré ces deux noms célèbres qui tentent de l’épauler, le prince Louis reste un personnagepeu sûr.Plus tard, Victor Hugo renouera avec cette veine dans les textes qu’il écrira contre Napoléon�III.

Travaux d’écriture

Question préliminaireDans Situation�II, Jean-Paul Sartre affirme la nécessité pour l’écrivain de s’engager. Pour lui, écrire,c’est, de toute manière, prendre parti, puisque même la passivité est une forme d’action. Avant les

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positions politiques de Victor Hugo contre Napoléon�III, l’engagement de Zola en faveur de Dreyfus,ou des poètes tels que Desnos ou Aragon dans la Résistance, les auteurs des XVIIe et XVIIIe�siècles ducorpus ont choisi de transmettre, malgré la censure, leurs réflexions sur le régime politique en place.Le caricaturiste Daumier prend position contre le prince Louis et critique clairement son peud’envergure malgré le soutien de deux noms prestigieux�: l’écrivain Victor Hugo et le patron de LaPresse Émile de Girardin. Le dessin amuse et permet de faire passer une idée critique.Les textes�A à D du corpus s’en prennent, d’une manière ou d’une autre, à l’autorité politique établieet remettent en cause son absolutisme. On peut tout d’abord opposer la démarche de Diderot quiprésente une réflexion organisée et théorique sur la question de l’autorité et les trois autres auteurs quiont choisi de mettre en situation ce pouvoir abusif afin de mieux le critiquer.Le texte�D est un essai�; on peut le voir à différents indices (cf.�question�6). Les textes�A, B et C sontdes fictions de nature différente. La Fontaine écrit une fable et transpose la question politique dansune société animale gouvernée par le Lion. Voltaire déplace également la question de l’autorité en lasituant dans un palais persan. Montesquieu choisit de rester à Paris mais il utilise un regard étranger,celui d’Usbek, et joue sur les dates. Écrite en 1721, sous la Régence, la lettre fictive est datée de 1713,deux années avant la fin du règne de Louis�XIV. Ainsi, Diderot aborde directement et théoriquementla question de l’autorité, alors que les trois autres auteurs emploient différents procédés detransposition.Dans les différents textes, l’autorité est associée à d’autres notions. Par exemple, la violence apparaîtdans les textes�A, C et D. Montesquieu ne parle pas explicitement de violence mais il s’en prend àl’absolutisme royal dans le premier paragraphe. Dans les quatre textes, il est principalement questiondes abus de l’autorité politique�; seul Diderot, qui procède de manière théorique, introduit unedistinction entre une autorité usurpée et une autorité consentie qui préfigure le contrat social deRousseau. Dans tous les textes, l’autorité est définie et située par rapport à ceux sur lesquels elles’exerce. Mais, dans les textes�A, B et C, un accent est mis sur la Cour et les courtisans. Comme on levoit aussi dans «�Les Animaux malades de la peste�», la Cour est une donnée importante del’absolutisme royal�; l’Envieux de Zadig joue un rôle similaire à celui qui dénonce le Cerf dans «�LesObsèques de la Lionne�».L’essai de Diderot, ainsi que les textes de fiction de ce corpus s’en prennent aux fondements ou auxformes de l’autorité politique. Au XVIIe�siècle, et plus fréquemment encore au XVIIIe�siècle, le lecteurest invité à regarder d’un œil critique le régime politique en place. Les auteurs des textes�A à D sonten «�situation�» dans leur temps et n’hésitent pas à prendre des positions qui feront avancer l’Histoire.

CommentaireOn pourra adopter le plan suivant�:

1. Une fable dynamiqueA. La progression narrative•�L’emploi du passé simple.•�Les indices temporels.•�Un schéma narratif particulier�: le double élément perturbateur (v.�25, 28).•�Un effet de surprise�: le vers 51.B. La dimension théâtrale•�Le discours narrativisé des vers 3-4 et 6-10 (voir question�1).•�Une pièce de théâtre à partir du vers 25.•�Le théâtre dans le théâtre�: le discours de la Lionne.C. La mise en perspective didactique du récit•�La morale finale et ses marques (voir question�2).•�La morale des vers 17-23.

2. La portée argumentative de la fableA. Une critique de la monarchie•�La cruauté (v.�26-27, 30, 36-37).•�La naïveté (v.�51, 55).•�Monarchie de droit divin (v.�47�: mélange de mythologie grecque et de religion catholique).

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B. Une critique de la Cour•�À l’image du roi (v.�15-16, 19-21).•�Les courtisans perdent progressivement de leur individualité et de leur humanité�: les gens (collectifpluriel) ‡ peuple (collectif singulier) ‡ caméléon, singe (animal, vision au singulier) ‡ mille corps(retour à l’individualité, mais sans intelligence propre, puisque réduite à un «�corps�»).•�Attitude individualiste du courtisan�: il agit dans son propre intérêt.•�Flatterie et délation (v.�28).• Mensonge accusateur (v.�29).

DissertationOn pourra adopter le plan suivant�:

1. L’écrivain est un homme impliqué dans son tempsA. Les écrivains s’intéressent à ce qui se passe autour d’eux•�Au XVIIIe�siècle, Voltaire prend parti dans différents procès.•�Victor Hugo est exilé.•�Les poètes s’inscrivent dans la Résistance.•�Sartre affiche ses positions politiques et vient soutenir des manifestations.‡ L’écrivain est un homme public qui a un rôle à jouer.B. Les écrivains mettent leur talent au service de leurs idées•�Le Tartuffe, Dom Juan ou Le Mariage de Figaro sont interdits.•�Voltaire fait passer ses idées par ses contes, alors qu’il considère que seule la tragédie est un genrenoble.•�Victor Hugo critique Napoléon�III dans certains poèmes et défend le peuple dans d’autres œuvres.•�Émile Zola écrit J’accuse.•�Desnos ou Eluard invitent les lecteurs à résister.

2. La littérature n’est pas un moyen mais une finalitéA. L’écrivain s’intéresse à la nature humaine en dehors de tout contexte•�Les écrivains romantiques, qui se sentent mal à l’aise dans leur époque, se tournent vers l’expressiondes sentiments.•�Les poètes affirment leur quête d’une autre réalité�: de Victor Hugo aux surréalistes.B. La littérature nous emmène dans d’autres mondes•�La place de l’imaginaire dans la littérature�: conte, récit fantastique, science-fiction…•�La place du rire�: la comédie, la fable…•�La place de l’émotion�: le pathétique et le tragique (la fonction cathartique de la tragédie selonAristote).C. La littérature a une finalité esthétique•�Une œuvre littéraire est atemporelle�: l’Odyssée, Le Roman de la rose…•�On ne retient des œuvres engagées que ce qui est atemporel�: leur souci de l’homme et leur forme.

3. La littérature est une invitation au lecteur ou au spectateurA. L’écrivain est toujours un témoin de son temps•�Toute écriture se fait dans un certain contexte historique et idéologique.•�Tout écrit est un témoignage�: la tragédie de Racine témoigne de la conception janséniste dumonde.B. C’est lorsqu’elle nous emmène vers d’autres mondes que la littérature exprime le mieux les engagements del’écrivain•�Les fonctions de la comédie chez Molière, Marivaux ou Beaumarchais.•�Le plaisir de la fable.•�Victor Hugo et Les Misérables.C. L’écrivain nous arrache à nos habitudes et nous invite à le suivre, quelle que soit la destination•�Lorsqu’on lit, on entre dans l’œuvre et on se l’approprie.•�La lecture et le théâtre constituent une invitation à regarder, par la suite, notre réalité autrement.

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•�La lecture est toujours un instrument de liberté (la censure des régimes totalitaires) et les écrivains,qu’ils le veuillent ou non, qu’ils en fassent un but ou non, nous aident à mieux comprendre lemonde.

Écriture d’inventionLe sujet suppose une argumentation mise en situation dans une fiction épistolaire. L’évaluationprendra donc en compte ces deux perspectives. On attend, d’une part, des arguments critiques et,d’autre part, les marques de la lettre. Le jeu sur l’explicite et l’implicite pratiqué par Montesquieu,ainsi que le point de vue extérieur, voire étranger, sont des aspects attendus.

C h a p i t r e s e i z i è m e ( p p . � 1 0 4 - 1 1 1 )

!�Lecture analytique de l’extrait (pp.�112-113)! Le temps dominant du passage narratif est le passé simple�: «�il y vit�», «�il prit�», «�répondit laSyrienne�». Le présent de narration vient occasionnellement se substituer au passé simple pour rendrel’action plus proche du lecteur. «�La reine de Babylone le relève, et le fait asseoir auprès d’elle�» (l.�48)�: lesdeux verbes au présent sont rapprochés –�ce qui souligne l’enchaînement rapide des actions etcontribue à dynamiser le récit. L’imparfait est également utilisé pour évoquer des actions non limitéesdans le temps�; c’est le cas des occupations d’Astarté lorsque Zadig s’approche d’elle�; on ne sait pasdepuis combien de temps elle trace le nom de Zadig sur le sable fin, et l’emploi de l’imparfait donneau lecteur l’impression que la reine ne cesse de penser à Zadig. On rencontre également un imparfaitde description�: «�Sa taille paraissait majestueuse, mais son visage était couvert d’un voile.�»Les événements, grâce au passé simple, sont situés les uns par rapport aux autres. Mais on peut releverégalement différentes sortes d’indices temporels qui jalonnent la progression narrative�: le groupeparticipial «�Arrivé dans une belle prairie�» (l.�1), les subordonnées circonstancielles «�Quand il fut au bordd’un petit ruisseau�» (l.�21) et «�quand il vit les deux dernières lettres de son nom�» (l.�30), les groupesnominaux «�quelque temps�» (l.�31), «�À cette voix�» (l.�35), «�un moment�» (l.�41) et «�vingt fois�» (l.�51),les adverbes «�enfin�» (l.�32, 55) et «�soudain�» (l.�52), un participe présent «�rompant le silence d’une voixentrecoupée�» (l.�32), un préfixe itératif (l.�50�: «�recommençaient�», l.�51�: «�reprenaient�»)." La quête du basilic, animal légendaire, est le principal élément merveilleux du passage. On peutégalement considérer les retrouvailles de Zadig et d’Astarté comme relevant du merveilleux.# Le merveilleux est la caractéristique dominante du conte mais d’autres archétypes figurentégalement dans Zadig�:–�les personnages sont ceux des contes. Leur condition sociale est élevée�: le seigneur Ogul et la reinede Babylone�;–�le vocabulaire mélioratif occupe une place importante�: «�belle prairie�» (l.�1), «�petit ruisseau�» (l.�22),«�majestueuse�» (l.�23), «�petite baguette�» (l.�26), «�sable fin�» (l.�27)…–�le passage s’apparente au dénouement heureux d’un conte car les personnages séparés par lespéripéties finissent par se retrouver.$ Les noms des personnages (Ogul, Zadig, Astarté), ainsi que le basilic ont une coloration exotique.Une des femmes est désignée comme «�la Syrienne�».La société représentée appartient au monde oriental, puisque le seigneur Ogul a des esclaves.L’arrière-plan du récit est un harem dans lequel les femmes se montrent soumises et désireuses d’êtrechoisies�: «�Nous sommes ses très humbles esclaves�» (l.�12), «�le seigneur Ogul a promis de choisir pour safemme bien-aimée�» (l.�16).Zadig, lorsqu’il retrouve la reine Astarté, fait appel aux «�puissances immortelles�» qui président «�auxdestins des faibles humains�». Le pluriel sous-entend un polythéisme supposé être une des marques de lareligion des Perses.% Astarté est, dans ce passage, l’héroïne type du roman d’amour. Elle se distingue des autres femmespar son attitude�; en effet, les «�humbles esclaves�» du seigneur Ogul adoptent toutes le mêmecomportement, elles cherchent le basilic prescrit par le médecin dans l’espoir d’être choisies par leurmaître. Ces esclaves ne sont pas individualisées dans le paragraphe qui leur est consacré. Celle quirépond à Zadig n’est désignée que par sa nationalité («�la Syrienne�»). Astarté est désignée par son

Réponses aux questions – 26

nom�; mais elle se distingue surtout par le fait qu’elle se tient à l’écart du groupe (l.�20�: «�cette Syrienneet les autres�»�; l.�22�: «�une autre dame�»). À la différence des autres esclaves, elle n’est pas à la recherchedu basilic (l.�22�: «�et qui ne cherchait rien�»). Les sentiments qu’elle éprouve ne sont pas ceux desfemmes du harem�; ne souhaitant pas être l’élue du seigneur Ogul, elle affiche une attitude empreintede désespoir�: elle apparaît «�couchée�», sans projet («�ne cherchait rien�»), et «�de profonds soupirs sortaient desa bouche�» (l.�25).Son apparence suscite le mystère�: elle attire l’attention par sa beauté (l.�23�: «�Sa taille paraissaitmajestueuse�») et son visage est «�couvert d’un voile�» (l.�24). Très absorbée par sa rêverie, elle nes’aperçoit pas de la présence de Zadig, comme en témoigne le groupe participial «�rompant le silence�»(l.�32).& Dans ce passage romanesque, Zadig est rempli de qualités. Dans le premier paragraphe, il seprésente comme un jeune homme curieux de comprendre ce qui se passe autour de lui. Le conseil«�Gardez-vous-en bien�», qui concerne le regard mortel du serpent fabuleux, suscite les questions deZadig.Le jeune homme correspond bien au héros du roman d’amour car il possède les qualités d’un galanthomme. Il se montre serviable et propose ses services aux femmes qui cherchent le basilic (l.�4). Lediscours indirect «�s’il pouvait avoir l’honneur de les aider dans leurs recherches�» reprend une tournurerespectueuse et suggère le ton déférent de Zadig. L’expression redondante «�oserai-je vous prier dem’apprendre�» exprime également le respect. L’attitude de Zadig est conforme au code mondain de lagalanterie.L’attitude de Zadig envers Astarté manifeste le même respect galant�: il respecte sa rêverie (l.�31�: «�Ildemeura quelque temps immobile�») et prend mille précautions pour l’interrompre (l.�33�: «�pardonnez àun étranger, à un infortuné, d’oser vous demander�»). Lorsqu’il reconnaît la reine de Babylone, les marquesde respect sont plus fortes encore et ne se limitent pas à la parole («�Il se jeta à genoux devant Astarté, etil attacha son front à la poussière de ses pieds�»).' Dans la tradition romanesque du roman sentimental, l’amour s’exprime de manière violente. Latristesse d’Astarté séparée de Zadig fait d’elle une femme voilée qui se tient à l’écart des autres et donttoute la pensée est absorbée par l’être aimé (l.�35�: «�le nom de ZADIG tracé par votre main divine�»). Samélancolie se traduit par son attitude «�couchée�» et par les «�profonds soupirs�» qu’elle ne cesse depousser, comme le suggère l’imparfait itératif «�sortaient�» (l.�25).Les retrouvailles sont également l’occasion de manifestations violentes�: «�elle tomba évanouie entre sesbras�» (l.�39), «�Il fut un moment privé de l’usage de ses sens�» (l.�41), «�Il se jeta à genoux devant Astarté�»(l.�47).Le sentiment amoureux se révèle complexe et désordonné�: «�tous les mouvements divers qui assaillaient àla fois son âme�» (l’adjectif indéfini, le pluriel, l’adjectif qualificatif, le complément circonstanciel detemps�: l.�38), «�un cri d’attendrissement, de surprise et de joie�» (l.�37), «�une langueur mêlée de confusion et detendresse�» (l.�43), «�le tumulte de leurs âmes�» (l.�55).L’amour mis en scène dans ce passage répond aux règles du code galant héritier de l’amour courtoismédiéval. On retrouve même une référence à cette littérature dans l’apostrophe «�généreuse dame�». Lafemme est idéalisée, voire divinisée�; les marques de respect de Zadig sont nombreuses dans les paroles(l.�35�: «�votre main divine�», l.�58�: «�respectable reine�») et dans les actes�: la poussière que touchent lespieds d’Astarté est digne de vénération (l.�47�: «�il attacha son front à la poussière de ses pieds�»).( Les adverbes d’intensité sont nombreux�: «�très humbles esclaves�» (l.�13), «�un animal fort rare�» (l.�15),«�tant pleuré et tant craint�» (l.�41). On trouve également des insistances temporelles («�jamais prendre quepar des femmes�», «�à plusieurs reprises�», «�toujours�», «�vingt fois�») qui donnent plus d’intensité à l’action.Placé en tête de phrase, l’adverbe de temps prend plus de poids encore et souligne ainsi la force del’émotion�: «�Jamais surprise ne fut égale à la sienne�» (l.�30). L’accumulation que l’on observe dansl’expression du sentiment amoureux est un autre aspect de l’hyperbole. Les apostrophes méliorativeslancées par Zadig sont, de même, hyperboliques.L’hyperbole souligne l’intensité dramatique de la scène ainsi que la force de l’amour�; elle est une descaractéristiques de l’écriture romanesque, dès lors qu’il s’agit de faire partager au lecteur l’importanced’une scène de retrouvailles. C’est un archétype du roman sentimental. Ici, les hyperboles sontparticulièrement nombreuses et l’on sent que Voltaire se moque de cette littérature héritée du romancourtois et largement diffusée dans les salons.

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) L’hyperbole constitue la principale marque de la parodie. Le mélange des genres en est une autre.Dans ce passage se mêlent le conte oriental et le roman sentimental. Zadig s’adresse à la reine deBabylone en employant une apostrophe (l.�33�: «�généreuse dame�») qui rappelle la littératuremédiévale. Ce syncrétisme discrédite le conte comme le romanesque.Le bilan final du passage rassemble les différents éléments racontés et opère des rapprochementsinattendus�: «�d’autres femmes esclaves�», «�un basilic�», «�l’eau de rose�», l’«�ordonnance du médecin�». Cessubstantifs hétéroclites se trouvent réunis et semblent être placés là pour donner sens au passage. Maisleur rencontre est si surprenante que le comique génère l’absurde. C’est un procédé que l’onretrouvera plus tard dans le chapitre�30 de Candide, lorsque Pangloss, voulant donner un sens auxmultiples péripéties des héros, rapproche l’autodafé des «�cédrats confits et des pistaches�».*+ Les marques temporelles nombreuses inscrivent ce passage dans le déroulement chronologique duconte. Les intensifs et les verbes d’action se multiplient pour renforcer la tension dramatique dupassage. Cette page est bien une péripétie et tout concourt à souligner son importance.Mais la fonction narrative du passage est tournée vers le dénouement. Les retrouvailles du héros et dela reine de Babylone viennent achever une quête qui a commencé au chapitre�9. «�C’était Astarté elle-même, c’était la reine de Babylone, c’était elle dont il avait tant pleuré et tant craint la destinée�» (l.�39). Leplus-que-parfait rejette les souffrances de la séparation dans un passé révolu (la valeur aspectuelle del’accompli), tandis que le mot «�destinée�» rappelle le titre et invite le lecteur à retrouver une visionplus globale du conte. La réflexion sur le destin (voir question suivante) joue le même rôle. Autantd’indices de l’approche du dénouement.*, On peut relever le champ lexical du destin�: «�puissances immortelles�» (l.�44), «�destins des faibleshumains�» (l.�45), «�le hasard qui les rassemblait�» (l.�52), «�par quelle aventure�» (l.�56). Le modeinterrogatif est important�: «�me rendez-vous Astarté�?�» (l.�45), «�l’interrogeait sur le hasard�» (l.�52),«�comment vous retrouvé-je�» (l.�58).Ces références ont une valeur conclusive�; elles amorcent une réflexion générale sur la destinée quipourrait être la leçon du conte. Mais la place des interrogations nous montre que la réflexion n’est pasencore achevée�; elle ne le sera que dans le chapitre�18, grâce à l’intervention surnaturelle de Jesrad.*- Les phrases interrogatives qui introduisent dans le texte la notion de destin montrent que Voltairene donne pas de réponse à la question de la destinée et du sens de l’existence à ce stade du conte.Mais on remarque surtout que les retrouvailles des deux héros peuvent être envisagées de deux façons.En un sens, cet événement extraordinaire montre que tout peut s’arranger et que les malheurs vécuspar Zadig et Astarté s’achèvent dans la joie des retrouvailles. «�Ô Puissances immortelles [...] qui présidezaux destins des faibles humains, me rendez-vous Astarté�?�» Cette conception optimiste du destin seradéveloppée dans le chapitre�18. La leçon du chapitre�16 n’est pas si claire. La situation d’esclaved’Astarté ne plaide pas en faveur d’un destin favorable et Zadig se lamente à deux reprises sur le sortde la reine de Babylone�: «�En quel temps, en quels lieux, en quel état la revois-je�!�» (l.�46), «�comment vousretrouvé-je en ce lieu écarté, vêtue en esclave, et accompagnée […] médecin�?�» (l.�58)�; le rapprochementcomique qui clôt le passage donne l’impression que la vie misérable de la reine (esclave) est aussiabsurde. Dans ces conditions, la conception de l’existence n’est pas aussi optimiste que ne le laissentsupposer les retrouvailles miraculeuses des deux héros.

!�Lectures croisées et travaux d’écriture (pp.�114-124)

Examen des textes! Différents procédés sont source de comique dans la scène 5 de l’acte IV�:–�les «�turqueries�» constituent un des éléments du comique, qu’il s’agisse du costume de Covielle oude la prétendue langue turque�;–�le comique de caractère est un ressort non négligeable. Se trouvent réunis dans cette scène un valetet un père dans la pure tradition de la comédie latine. Le valet est débrouillard�; il sait utiliser lelangage, y compris en fabriquant des mots à consonance exotique ou en rapportant les paroles de sonmaître. Ses répliques sont souvent longues –�ce qui témoigne de sa maîtrise de la parole. L’adverbe«�oui�» répété exprime son assurance. Face à Covielle, M. Jourdain affiche sa naïveté par denombreuses interrogations ou exclamations. Son étonnement, compréhensible si l’on pense au

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costume de Covielle, devient comique lorsqu’il se généralise à des faits dont on n’a pas sujet d’êtresurpris�: «�je n’aurais jamais cru que ce Marababa sahem eût voulu dire “Ah�! que je suis amoureuxd’elle�!”�», «�voilà qui est merveilleux�! […] dirait-on jamais cela�? Voilà qui me confond�»�;–�on notera également un comique de répétition�: M. Jourdain reprend régulièrement les propos deCovielle en variant le ton. Le mode informatif devient surprise et interrogation." Le texte C est un conte dans lequel les éléments magiques occupent une place importante. Il s’agittout d’abord de personnages magiques. Le génie est désigné comme un «�monstre�»�: «�un géant d’unehauteur prodigieuse�», «�sa grosse tête�», «�ses pieds qui s’étendaient jusqu’à la mer�», «�il ronfla bientôt demanière qu’il fit retentir le rivage�». Le pouvoir que ce personnage détient semble magique également�: lacaisse qu’il transporte renferme une créature merveilleuse «�d’une taille majestueuse et d’une beautéparfaite�» et cette caisse est tenue «�cachée au fond de la mer�». Le sommeil profond du génie relève aussidu merveilleux, ainsi que l’aspect itératif de la scène exprimé par le nombre des bagues.# Étant donné la description du génie comme un géant «�noir et hideux�», on pourrait penser que c’estlui qui domine la situation. Mais, par un renversement de situation propre aux contes, c’est la créatureenfermée dans la caisse de verre qui détient le véritable pouvoir. Si le génie possède quatre clés quisignent son autorité, la jeune femme possède, elle, cent bagues qui sont autant d’indices de sonpouvoir. Elle tient à sa merci les deux princes qui se trouvent contraints de lui obéir en acceptant sesfaveurs et en donnant leurs bagues, et dispose également du génie comme elle l’entend. En effet, il luiparle avec déférence («�vous voudrez bien�») et se soumet à ses désirs�: «�je vais l’éveiller et je lui demanderaimoi-même votre mort�», «�et l’avoir posée légèrement à terre�», «�souleva la tête du génie, qui ne se réveillapoint�».La conclusion de l’épisode nous invite à généraliser et à considérer que les femmes, malgré lesapparences (le génie qui est un géant), exercent le réel pouvoir�; cette leçon rejoint ce que l’on peutdire de la narratrice Schéhérazade.$ En annonçant dès le début du texte qu’elle s’est empoisonnée, Roxane montre à Usbek que,malgré les contraintes du sérail, elle est libre. Sa vie (et donc sa mort) lui appartient et c’est elle qui enrègle le cours.Elle affirme son pouvoir en montrant qu’elle a déjoué celui d’Usbek et que, malgré les apparences,c’est elle qui décidait de son propre sort et non le tyran, maître du harem�: «�je t’ai trompé�», «�je mesuis joué de ta jalousie�», «�tu me croyais trompée et je te trompais�». Le champ lexical de la liberté estfortement présent�: «�j’ai toujours été libre�», «�indépendance�»…Le jeu des antithèses vient souligner la révélation de la liberté et du pouvoir exercés en cachette�: «�tonaffreux sérail�»�/«�un lieu de délices et de plaisirs�»�; «�servitude�»�/«�libre�»�; «�transports de l’amour�»/«�violence de la haine�».La place de la 1re�personne du singulier et le peu de respect accordé au destinataire sont également dessignes de ce pouvoir. Les interrogations rhétoriques donnent, de plus, l’impression que Roxane utilisele langage comme une arme. Elle exprime toute l’agressivité de sa révolte et la lettre devient unvéritable instrument contre son ancien maître.% Le poème de Baudelaire est composé, à la manière d’une chanson, de l’alternance d’un refrain et detrois couplets. En tête du refrain, l’adverbe «�là�» souligne l’importance des lieux dans l’architecturedu poème. La première strophe évoque un «�là-bas�» vague et lointain et les deux strophes qui suiventposent un décor plus précis�: le cadre exotique d’une chambre «�orientale�» puis un extérieur hollandais(les canaux) baigné par la lumière du couchant. Les substantifs du refrain résonnent comme unleitmotiv que les couplets reprendraient en l’amplifiant.& Dès le début du poème, les apostrophes dessinent un portrait complexe de la femme aimée.L’amour sensuel évoqué par des expressions telles que «�vivre ensemble�», «�aimer et mourir�», «�charmes�»prend une dimension paternelle («�mon enfant�») et sororal (ma sœur�»). La sensualité est une desdonnées du refrain et elle constitue une ligne de force dans la deuxième strophe («�chambre�»,«�mêlant�», miroirs�»). La troisième strophe évoque un désir satisfait («�pour assouvir ton moindre désir�»,«�s’endort�»). Dans la diffusion de la lumière qui clôt le poème, on peut voir l’expression d’uneharmonie, d’un «�ordre�» qui dépasse les contradictions ou les ambiguïtés de l’amour. «�L’Invitation auvoyage�» est une invitation à la transcendance. Avant les surréalistes, Baudelaire confie à la femme cerôle de médiatrice�; l’amour, quelles que soient ses facettes, est un moyen de retrouver la «�doucelangue natale�» de l’âme.

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' Le poème achève un recueil intitulé Oiseaux et commence lui-même par une apostropheexclamative («�Oiseaux�») que l’on peut inscrire dans le champ lexical du voyage car il s’agit biend’oiseaux voyageurs à «�l’aile puissante�» et venant d’«�outre-mer�». L’apposition qui suit exprime ledésir violent («�lances levées�») du dépassement et de l’ailleurs («�toutes frontières de l’homme�»). Ladimension métaphorique et spirituelle du texte s’inscrit dans le rapprochement des deux termes quiouvrent et ferment l’alinéa liminaire.D’autres termes ou expressions peuvent être relevés�: «�pèlerins de longue pérégrination�», «�Croisés�»,«�concert de voiles et d’ailes�», «�toutes choses errantes�», «�sa houle�», «�doublant plus de caps�», «�ils passent�»,«�de haut vol�».Le voyage est aussi un voyage dans le temps�; la dimension historique esquissée dans le deuxièmealinéa («�Comptoirs�», «�pèlerins�», «�Croisés�») s’élargit ensuite à un temps universel�: «�éternel AnMille�», «�choses au fil de l’heure�», «�le cours même du ciel�», «�cette immensité de vivre et de créer�», «�lacréation�». Dans la tradition de Baudelaire, le voyage devient une quête spirituelle et l’oiseau est une«�aile�» qui nous apporte, «�entre bitume et givre�», la promesse d’un «�Éternel Levant�», «�quelque chose dusonge de la création�».Au-delà du temps et dans un espace purifié («�l’œil lavé de sécrétions très pures�», «�un ondoiement trèspur�»), le voyage poétique de l’oiseau se situe aux confins du réel, dans un monde quasi platonicien,puisque toutes les différences viennent se fondre dans l’universalité�: «�Nulle mer […] jamais�», «�touteschoses errantes par le monde�», «�tous les oiseaux du monde�», «�le mouvement même des choses�», «�ils sontl’espace traversé d’une seule pensée�». Ce monde très pur n’est pas le nôtre (après «�L’Albatros�» deBaudelaire) car «�le bitume et le givre […] sont les couleurs mêmes du fond de l’homme�». Mais l’oiseau,comme la poésie qui le porte, vient porter une «�aube de fraîcheur�», «�un ondoiement très pur�» qui nousinvite à aller plus loin que nos rêves, à doubler «�plus de caps que n’en lèvent nos songes�».

Travaux d’écriture

Question préliminaireLes marquesL’exotisme s’exprime au travers des accessoires tels que les costumes de Covielle ou d’Astarté (levoile), les bagues de la femme prisonnière, les miroirs et les parfums de la chambre «�orientale�» dutexte�E ou les «�Comptoirs�» du texte�F. Ces accessoires créent une impression de richesse. Et cetterichesse se décline au pluriel, puisque le seigneur Ogul a plusieurs femmes et que la femme du géniecollectionne cent bagues. Chez Baudelaire et chez Saint-John Perse, on retrouve également ce pluriel.La magie peut aussi se trouver associée à l’Orient�: les femmes de Zadig sont à la recherche du basilic,un animal fabuleux, et le génie des Mille et Une Nuits est un géant aux proportions effrayantes.La violence peut être également une des données de l’exotisme oriental. Bien entendu, l’univers de lacomédie de Molière exclut cette dimension et ce n’est pas le cas non plus chez Saint-John Perse etchez Baudelaire, à moins que l’on n’évoque la force des passions suggérée par l’expression «�pourassouvir ton moindre désir�». Mais Astarté est retenue de force chez le seigneur Ogul, et l’on se souvientde l’«�impitoyable eunuque�» du chapitre�8. Ce sont surtout les textes�C et D qui expriment cetteviolence�: le génie est effrayant et la femme qu’il retient prisonnière l’est davantage encore�; Roxanese donne la mort et sa lettre fonctionne comme une arme.Les fonctionsOn ne pourra pas parler de fonction de l’exotisme à propos de l’extrait des Mille et Une Nuits, maisl’on constate que certaines des caractéristiques de ce texte sont reprises par les auteurs à la recherchede nouvelles sensations.Dans la comédie de Molière, l’exotisme a une fonction séduisante et divertissante�; le costume deCovielle ainsi que les termes prétendument turcs relèvent du spectaculaire et réjouissent le spectateur.L’exotisme permet de traiter de manière originale la scène type de la comédie au cours de laquelle levalet met en pratique un stratagème destiné à tromper son maître.Chez Montesquieu et chez Voltaire, l’exotisme est un moyen d’habiller la critique. Il s’agit de laparodie du romanesque sentimental chez Voltaire mais aussi d’une remise en cause des superstitions autravers du basilic et de ses pouvoirs. Montesquieu, quant à lui, donne au lecteur une nouvelle raisonde rejeter le pouvoir absolu et ses abus.

Réponses aux questions – 30

Dans les poèmes de Baudelaire et de Saint-John Perse, la connotation exotique est associée à l’idée duvoyage�; partir, c’est s’arracher à un quotidien pesant (le spleen, le «�bitume�» et le «�givre�») pourrejoindre un monde harmonieux et total («�le monde s’endort�», «�pareil concert de voiles et d’ailes surl’étendue heureuse�»). Dans ces poèmes, l’ailleurs de l’exotisme n’est pas géographique�; il est un au-delàde «�toutes frontières de l’homme�».

CommentaireOn pourra adopter le plan suivant�:

1. Une invitation au voyageA. Une invitation•�Les marques de l’invitation�: les indices du destinataire.•�L’expression d’un rêve plus que d’une réalité�: l’emploi du conditionnel, une destination imprécise,les indices d’un flou («�brouillés�», «�vagues�»…).B. Un voyage•�La place des indicateurs de lieu�: «�là-bas�», «�au pays�», «�notre chambre�»…• Le refrain pose l’importance du lieu�: «�là�».•�Décors�: intérieur et extérieur.•�L’exotisme et ses marques.

2. Une invitation à l’amourA. L’amour et l’expression du couple•�Les amants sont dissociés (marques du locuteur et du destinataire).•�Les amants sont associés�: «�ensemble�», «�notre chambre�».•�Un poète à l’écoute de la femme aimée�: la dernière strophe et la disparition des marques de la1re�personne.B. Une femme ambiguë•�Les apostrophes du vers 1.•�Les contradictions dans la strophe�1�: «�aimer et mourir�», «�soleils mouillés�», «�charmes�»/«�traîtres�»,«�brillant�»/«�larmes�».

3. Une invitation à rejoindre l’IdéalA. L’expression de l’harmonie•�L’harmonie entre la femme et le paysage (strophe 1).•�L’harmonie dans la chambre (différents sens).•�L’harmonie finale�: la diffusion de la lumière.B. Le sens de cette harmonie•�Disparition des contradictions�: les facettes contradictoires de l’amour coexistent sans tension.•�Réconciliation du corps et de l’esprit�: la sensualité de la chambre permet de retrouver un langagepremier («�langue natale�») qui a une vocation spirituelle («�âme�»).•�Disparition du désir («�assouvir�») et réconciliation des éléments (v.�39-40).C. L’harmonie de la chanson•�L’harmonie sonore du refrain et la musicalité des strophes.•�Les liens entre le refrain et les strophes.

DissertationOn pourra adopter le plan suivant�:

1. La littérature est destinée à nous faire rêverA. Se distraire, c’est se soustraire à la réalité•�L’écrivain est libre d’imaginer ce qu’il veut.•�Le merveilleux occupe une place importante dans la littérature�: les contes, les fables, le genrefantastique…•�Le romanesque reste proche de la réalité mais propose des aventures extraordinaires�: le romanesquesentimental, le roman d’aventures, la science-fiction…

Zadig ou la Destinée – 31

B. La littérature nous fait rire et rêver•�Le monde de la comédie est invraisemblable�: des personnages types et des intrigues qui se répètent.•�Tout y devient possible et les intrigues se terminent bien.C. La littérature nous fait vivre de manière plus intenseL’écrivain nous invite à éprouver, le temps d’une lecture ou d’une représentation, des sentimentsintenses�:–�l’angoisse dans le roman policier�;–�le pathétique de romans tels Les Misérables�;–�la tragédie et sa fonction cathartique�;–�le lyrisme de la poésie.

2. La littérature n’est pas coupée de la réalitéA. Les écrivains veulent nous donner une image fidèle de la réalité•�Les romans réalistes et naturalistes.•�Les œuvres autobiographiques�: le pacte de sincérité garantit la possibilité du projet.B. Les écrivains s’engagent dans leur temps•�De nombreux écrivains ont été également des personnalités engagées�: Voltaire, Montesquieu,Hugo, Sartre…•�Les écrivains emploient leur talent à faire passer leurs idées�: Montesquieu, Voltaire, les poètes de laRésistance…

3. Le rêve et la séduction nous amènent à réfléchirA. La littérature est une entreprise de séduction•�Quels que soient l’œuvre et son registre, il s’agit toujours de séduire un lecteur ou un spectateur�:–�par le rire (la diversité des procédés chez Molière)�;–�par les larmes�;–�par la musique et les images (Verlaine, Apollinaire).•�La dimension esthétique est primordiale�; c’est elle qui nous permet d’adhérer à une œuvre.B. Le rêve et la réflexion ne sont pas contradictoiresDe nombreux auteurs utilisent le rêve et la séduction à des fins argumentatives�: La Fontaine, Molière,Montesquieu, Voltaire…C. Séduits, le lecteur et le spectateur sortent de leurs habitudesQu’elle le fasse rêver ou qu’elle l’invite à réfléchir, l’œuvre littéraire agit sur le lecteur et le tire horsde lui-même�; d’une manière ou d’une autre, elle lui propose de jeter un regard neuf sur la réalité quil’entoure.

Écriture d’invention•�On attend une réflexion organisée, argumentée et illustrée sur la place du rêve de nos jours. Le faitqu’il s’agisse d’un journal destiné à des lycéens n’autorise pas que l’expression «�notre société�» soitréduite à la jeunesse. Le style devra être alerte mais non familier.•�Les pistes suivantes pourront être explorées�:–�la place des mondes virtuels�;–�le rêve comme fuite de la réalité�: les différentes dérives�;–�le rêve réservé à l’enfance et le principe de réalité�;–�le rêve et l’idéal�: la montée des engagements humanitaires afin que les rêves deviennent réalités.

C h a p i t r e d i x - n e u v i è m e ( p p . � 1 3 9 - 1 4 2 )

!�Lecture analytique du chapitre (pp.�143-144)! Les personnages que Zadig a eu l’occasion de rencontrer au cours de son voyage se retrouventrassemblés dans le chapitre final comme à la fin d’une comédie. En effet, après l’affrontement deZadig et d’Itobad, Voltaire fait entrer en scène les autres personnages du conte�: c’est bien ainsi qu’ilfaut comprendre la phrase liminaire du passage conclusif�: «�Sétoc fut appelé du fond de l’Arabie.�»

Réponses aux questions – 32

L’emploi de la juxtaposition dans l’avant-dernier paragraphe et des conjonctions de coordination «�ni[…] ni�» au début du dernier souligne l’énumération de ces entrées en scène. Sur le mode mélioratif,ou péjoratif quand il s’agit de personnages malfaisants («�L’Envieux mourut de rage et de honte�»),Voltaire, à la manière de Charles Perrault, évoque le sort de chacun des protagonistes de l’histoire.En arrière-plan se dessine une foule indifférenciée, désignée par le pronom indéfini «�on�» ou par lesubstantif «�assemblée�». L’emploi de la construction passive «�Il fut reconnu roi d’un consentementunanime�» contribue également à poser en toile de fond des personnages indistincts." On aurait envie de tracer autour de Zadig des cercles concentriques�: tout d’abord son rival Itobad,puis les personnages qui sont évoqués à la fin du chapitre, et enfin le collectif indifférencié quil’accueille et finit par le déclarer roi «�d’un consentement unanime�». Dans ce schéma, Zadig occupe laplace centrale, et, effectivement, tout se définit par rapport à lui. La foule n’apparaît que pouraccueillir ou interroger Zadig («�On demanda ensuite�») et les «�illustres seigneurs�» n’ont d’existence quepar rapport au discours du personnage éponyme. De même, à la fin du conte, c’est Zadig qui présideau ballet des personnages, même si les tournures passives («�fut appelé�», «�fut placé�»…) n’explicitentpas son rôle. Le conte s’achève sur une construction qui, dans la réciprocité qu’elle installe («�Onbénissait Zadig, et Zadig bénissait le Ciel�»), souligne la position de Zadig.# Plusieurs éléments concourent à donner de l’importance au personnage d’Itobad�:–�d’abord, au début du chapitre, Itobad n’est désigné que par l’expression indéfinie «�un autre�»employée à deux reprises. Il est l’usurpateur qui doit être démasqué. Le lecteur connaît, certes,l’identité du personnage mais il est mis en situation d’attente�;–�ensuite, lors de l’épisode des énigmes, Itobad se détache des indéfinis qui désignent l’ensemble descandidats en lice («�les uns�», «�d’autres�», «�chacun�») et il se fait remarquer également par soncomportement négatif. Alors que chaque candidat tente de proposer une réponse aux énigmes, Itobadest le seul à refuser de répondre en alléguant que la force prime sur la raison�: «�il suffisait d’avoir vaincuà grands coups de lance�»�;–�enfin, Itobad, accusé par Zadig, adopte une attitude de confiance inadaptée à la situation. Voltaireaccumule les expressions qui expriment cette certitude du personnage. L’évocation hyperboliqueappartient à la caricature et contraste à la fois avec l’attitude raisonnable de Zadig et avec ledénouement de la scène qui met en échec l’usurpateur.$ Itobad est un personnage comique car Voltaire le peint de façon caricaturale. Il incarne, de manièreschématique, la sottise et ce à tous les stades du récit. En premier lieu, il se montre incapabled’avancer une seule réponse aux énigmes�; ensuite, il est persuadé de sa force alors que son triompheinitial ne tient qu’au vol de l’armure blanche�; enfin, il ne comprend pas ce qui lui arrive lorsqueZadig le désarme «�paisiblement�» et est «�surpris des disgrâces qui arriv[ent] à un homme comme lui�».L’incapacité d’adaptation au réel que manifeste Itobad fait de lui un personnage comique à la manièredes personnages types de la comédie.Voltaire souligne cette inadaptation et cette bêtise en recourant aux procédés de l’hyperbole�: lesintensifs sont nombreux («�n’entendait rien�», «�grands coups de lance�», «�la plus grande confiance�»,«�toujours surpris�», «�magnifique casque�»...).% La résolution du chapitre�19 présente tous les éléments d’un registre dramatique. En effet, l’enjeuest de taille pour Zadig�: c’est sa dernière chance de retrouver Astarté et les circonstances sontparticulièrement douloureuses, étant donné qu’il se retrouve seul et sans arme devant les chevaliers dutournoi. La scène qui met face à face le personnage éponyme privé d’armure et l’usurpateur «�casqué,cuirassé�» et «�brassardé�» pourrait hériter de l’intensité dramatique et pathétique du combat bibliqueopposant David et Goliath. Mais il n’en est rien car le contrepoint comique incarné par Itobaddésamorce toute émotion. Itobad est un personnage de comédie (voir question précédente) et le jeudes contrastes, décliné tout au long du chapitre par Voltaire, contribue à alléger cette scène finale enbrossant une parodie des romans d’aventures. À côté des tentatives de réponses des candidats («�Lesuns dirent que�», «�Chacun dit son mot�»...) et des réponses fines de Zadig («�Zadig devina seul�»), Itobads’efforce de dissimuler son ignorance sous des prétextes variés�: «�il suffisait d’avoir vaincu à grands coupsde lance�», «�s’il avait voulu s’en donner la peine�». De même, au moment du combat, Itobad ne parvientpas à voir en Zadig l’adversaire qui va le désarmer «�paisiblement�»�; il ne voit en lui qu’un «�championen bonnet de nuit et en robe de chambre�» –�ce qui rend son échec d’autant plus comique.

Zadig ou la Destinée – 33

& Le chapitre�19 est bien un chapitre de dénouement en ce qu’il présente à la fois le dénouement dunœud narratif (la résolution) et la situation finale. En effet, les qualités intellectuelles (les énigmes),physiques (le combat contre un chevalier en armure) et morales (son attitude posée dans l’ensembledu chapitre) sont mises en évidence devant l’assemblée des «�illustres seigneurs�». Devant tous (larécurrence de l’indéfini «�on�»), Zadig se révèle être le meilleur des chevaliers. Le chapitre�19, aprèsun parcours semé d’injustices et de malentendus, est un chapitre de reconnaissance�: «�Il fut reconnu roid’un consentement unanime, et surtout de celui d’Astarté.�» Cette reconnaissance vient achever le voyagedu personnage éponyme et, intervenant «�après tant d’adversités�», elle introduit la situation finale.Les dernières lignes du chapitre installent la situation finale�; c’est un nouvel ordre stable qui succèdeau désordre de la quête, et Voltaire évoque successivement le sort des différents personnages duconte�: un sort négatif pour ceux qui, comme Itobad ou l’Envieux, n’ont su montrer aucune qualitéet un sort favorable pour les autres.' Le chapitre�19 conclut un schéma narratif�; mais il s’apparente également au dénouement descomédies. D’abord, tout se termine bien�: les personnages qui ont fait preuve de qualités (mêmeSétoc, le brigand) sont récompensés et ceux qui se sont avérés nuisibles sont punis sans que lechâtiment mette une note tragique dans cette fin heureuse («�Itobad alla se faire appeler monseigneur danssa maison�», «�L’Envieux mourut de rage et de honte�»).Ensuite, comme dans une comédie, la fin du conte rassemble sur la scène tous les protagonistes del’histoire, y compris le «�petit muet�» qui avait dénoncé les projets du roi dans le chapitre�8.Les ressemblances entre Zadig et le théâtre ne se limitent d’ailleurs pas à ce dernier chapitre. La placedu dialogue et le découpage en scènes successives sont des éléments qui rapprochent le conte de lacomédie, et l’on n’oublie pas que Voltaire était aussi un dramaturge.( Le procédé du contrepoint comique (voir plus haut) désamorce toute tonalité dramatique malgré lagravité du contexte et de l’enjeu. De ce fait, le lecteur ne peut se laisser prendre par la tension finaleet, distant, il observe les marques dénoncées du genre parodié. La scène finale du roman d’aventures,celle qui réunit tous les risques (le défi de l’intelligence dans la résolution des énigmes et de la forcedans le combat contre le chevalier armé) et tous les enjeux (Astarté et le royaume de Babylone), setrouve caricaturée.Sans doute la principale marque de la parodie, en dehors des contrastes et du contrepoint comique,est-elle l’usage constant des hyperboles�: «�grands coups de lance�», «�Zadig devina seul�», «�la plus grandeconfiance�»...) Le titre du chapitre («�Les Énigmes�») renvoie à l’élément de résolution de l’intrigue. C’est en effetparce que Zadig se montre seul capable de résoudre les énigmes que le jury commence à regretter sonéchec apparent lors du tournoi («�C’est bien dommage, disait-on, qu’un si bon esprit soit un si mauvaiscavalier�») et le laisse affronter, «�en bonnet de nuit et en robe de chambre�», Itobad, «�casqué, cuirassé,brassardé�».Les énigmes constituent bien une étape déterminante dans le dénouement comme dans de nombreuxrécits. Lorsque la reconnaissance ne se fait pas par un signe (la cicatrice, l’arc et le lit d’Ulysse�; l’épéedu roi Arthur�; la pantoufle de Cendrillon�; la bague de Peau-d’Âne…), elle peut s’obtenir à l’issued’épreuves physiques, comme dans les romans de chevalerie, ou intellectuelles, comme la célèbreénigme du Sphinx. Voltaire reprend le mythe d’Œdipe et se moque de toutes ses versions abâtardiesmises en récit dans les romans d’aventures. L’énigme (au singulier) fait place aux énigmes (au pluriel)et l’édition de 1748 insiste sur cette multiplication parodique («�On demanda ensuite�»). Le titre estdonc un élément de la caricature.Cependant, on peut s’étonner de trouver, en tête d’un chapitre de conclusion, un titre qui introduitde nouvelles questions. Pour Candide, Voltaire optera pour la solution inverse, en donnant auchapitre�30 le titre de «�Conclusion�». Dans la perspective du conte philosophique, on a envie depenser qu’il n’existe pas de réponse définitive et que tout est de l’ordre de l’énigme. Énigme,notamment, la conception du destin�: faut-il se situer du côté de Jesrad et donner un sens à tous lesmalheurs que nous pouvons subir ou faut-il retenir du conte l’impression de grande injustice�?Mais n’oublions pas que les énigmes trouvent, grâce à Zadig, une solution. Le sage, le philosophe, enfaisant preuve de bon sens et de perspicacité, peuvent parvenir à donner un sens à ce qui apparaît, audépart, sans solution. Sans doute est-ce là une autre leçon que Voltaire nous invite à tirer duchapitre�19 et de Zadig.

Réponses aux questions – 34

*+ Voltaire, sans doute en les caricaturant, reprend les archétypes du conte traditionnel. Dans lalogique narrative du conte, les bons sont récompensés et les méchants punis. C’est bien ce qui se passeici. Itobad et l’Envieux sont punis�; les autres personnages, à commencer par Zadig qui épouse Astartéet devient roi, sont récompensés. Tout le monde jusqu’au «�petit muet�» du chapitre�8 est remercié.Ainsi, on retrouve dans Zadig la morale récurrente chez Charles Perrault�: les qualités finissent par êtrereconnues.Mais les véritables leçons du conte philosophique sont ailleurs. Ce chapitre illustre la positionoptimiste et leibnizienne de l’ange Jesrad. En lançant «�du haut des airs�» l’injonction qui clôt lechapitre�18 («�Prends ton chemin vers Babylone�»), Jesrad montre que tout a un sens et que, si Zadig aperdu Astarté et dû subir de nombreuses épreuves, c’est pour atteindre un plus grand bonheur�: ilépouse la reine et devient roi. Contrairement à l’impression qu’on pouvait avoir en suivant Zadigdans ses malheurs, la «�destinée�» a un sens. Dans Candide, l’optimisme (déjà conditionnel dans Zadig)aura disparu�; les malheurs vécus par les personnages n’apporteront, en définitive, que des «�cédratsconfits et des pistaches�».Dans le conte, la dimension philosophique se double d’une réflexion sur les institutions. Lechapitre�19 apporte une conclusion à cette réflexion. Après avoir critiqué les abus du pouvoir autravers du roi Moabdar et de Missouf, Voltaire propose la solution du despote éclairé. Zadig va tenirce rang. Ses nombreuses qualités –�celles dont il fait preuve dans le chapitre�19, mais aussi celles qu’il amanifestées au cours de son voyage�– font de lui un roi idéal. Mais sans doute est-il un roi idéal parceque reconnu de tous («�Il fut reconnu roi d’un consentement unanime�»). Voltaire présente sur le pouvoirune réflexion qui annonce celle de Diderot dans son article «�Autorité politique�» de l’Encyclopédie(voir texte, p.�72).

!�Lectures croisées et travaux d’écriture (pp.�145-153)

Examen des textes et de l’image! Deux temps principaux se complètent dans la partie narrative du texte�B�: l’imparfait et le passésimple. L’épisode s’ouvre sur un imparfait qui pose le cadre spatio-temporel («�à Noël�», «�L’étang�»,«�un trou�»). La valeur durative de ce temps permet d’installer un arrière-plan à l’action principale etl’on note la place occupée dans ce passage liminaire par le verbe être ou la tournure présentative «�iln’y avait que�». Le plus-que-parfait vient, en complément, exprimer des actions antérieures�; l’aspectaccompli de ce temps nous invite à ne regarder dans les actions évoquées que la trace qu’elles ontlaissée�: «�un trou que les paysans avaient fait�», «�ils y avaient laissé un trou�».Les actions de premier plan sont, elles, exprimées au passé simple�: «�Renart courut�», «�Renart se mit àrire�». Dans la partie centrale du récit, le présent de narration vient relayer le passé simple et rendrel’histoire plus vivante." Les nombreux indices personnels, tels que les pronoms de 1re et 2e�personnes, et l’usage del’impératif, l’emploi des apostrophes, les indices spatio-temporels («�ici�», «�maintenant�») permettentd’ancrer le dialogue dans la situation d’énonciation et de donner ainsi plus de vie à l’épisode.# En dehors du fait que le texte�C appartient au recueil des Contes de ma mère l’Oye de CharlesPerrault, plusieurs indices permettent d’inscrire «�Les Fées�» dans le genre du conte�:–�l’expression liminaire «�Il était une fois�» est un indice archétypal du genre. Sans doute cette formule,devenue le sésame de l’univers des contes, allie-t-elle l’atemporalité de l’imparfait à l’anecdotique du«�une fois�». Ainsi se trouvent esquissées, dès l’ouverture, les dimensions narrative («�une fois�»),merveilleuse (un temps lointain) et didactique (la valeur durative de l’imparfait)�;–�on retrouve le schéma narratif traditionnel�;–�on peut également relever des éléments merveilleux�: des personnages merveilleux tels que la féecapable de se transformer et d’accorder des dons, les phénomènes surnaturels qui se produisent suite àces dons�;–�la fin heureuse, notamment le mariage avec le fils du Roi, est un des éléments récurrents dans lescontes�;–�les personnages sont évoqués de manière très schématique et s’opposent nettement�;

Zadig ou la Destinée – 35

–�le conte s’achève par une moralité qui en dégage la leçon. La visée didactique est un des élémentsdes contes. On devinait déjà cette dimension en regardant la manière dont sont désignés lespersonnages. En effet, les deux jeunes filles ne sont que «�la cadette�» et «�l’aînée�», sans être davantageindividualisées.$ On retrouve le schéma narratif traditionnel�:–�Situation initiale�: la veuve et ses deux filles.–�Élément perturbateur�: «�un jour […] il vint à elle une pauvre femme�».–�Péripéties�:1.�le dialogue de la cadette avec la «�pauvre femme�» qui s’avère être une fée�;2.�le retour de la cadette à la maison et la manifestation du don reçu�;3.�l’aînée et la «�Dame magnifiquement vêtue�»�;4.�le retour de l’aînée à la maison et la manifestation du don reçu�;5.�la double colère de la mère.–�Élément de résolution�: l’arrivée du «�fils du Roi�».–�Situation finale�: la cadette épouse le prince et l’aînée meurt «�au coin d’un bois�».Remarque�: Comme pour le conte «�Cendrillon�», qui raconte une histoire similaire, on peut aussiconsidérer que la disparition supposée du Père est l’élément perturbateur qui vient briser une situationinitiale stable car équilibrée. Les mauvais traitements infligés à la cadette dans le premier paragraphedu conte font, dans ce schéma-là, partie des péripéties.% Le poème de Baudelaire est composé de deux mouvements qui s’opposent fortement et s’articulentautour d’une phrase-pivot introduite par «�Cependant�». De part et d’autre de cet alinéa central, lesvisions du monde sont antithétiques. Dans la première partie, on peut relever un vocabulairemélioratif. L’exclamation liminaire donne le ton. La seconde partie présente un vocabulaire péjoratifet se distingue de la première par la présence des deux personnages que sont le narrateur et le fou.La phrase-pivot est, à l’image de l’ensemble du poème, bâtie sur une opposition�: la «�jouissanceuniverselle�» rappelle l’évocation du premier mouvement, tandis que l’arrivée de la 1re�personne(«�j’aperçus�») précède de peu celle de l’«�être affligé�».& On peut relever deux occurrences du pronom de 1re�personne, au début et à la fin du secondmouvement du texte. Le «�j’aperçus�» introduit le personnage du fou annoncé par le titre�; le «�je nesais quoi�» commente l’attitude de la Vénus, l’autre personnage éponyme.L’emploi du verbe apercevoir suppose une focalisation externe, de même que l’occurrence finale quiexprime une incapacité à comprendre le regard de la Vénus.Cependant, on devine une focalisation omnisciente dans l’expression «�bouffons volontaires�», ainsi quedans le passage au discours direct qui rapporte le langage des yeux. Ce glissement laisse deviner uneidentification du poète au fou. Comme le fou, le poète ne parvient pas à comprendre vraiment laVénus et sans doute est-ce ainsi qu’il faut lire le «�je ne sais quoi�» final.' On étudiera, d’une part, les éléments de reprises et, d’autre part, les modifications introduites.Les reprises�: les végétaux (le roseau et un arbre), l’opposition, la patience du roseau, la mort del’arbre, la dimension didactique.Les modifications�: un peuplier (souple comme le roseau�?), la fantaisie («�le peuplier caracole�»), lamorale donnant la faveur à l’arbre et critiquant la patience («�le roseau, lui, attend�», «�immobilisé�») duroseau.Bien entendu, les modifications n’ont de sens que par rapport à l’original (fable d’Ésope mise en scèneensuite par La Fontaine) et le jeu de réécriture instaure une complicité entre l’auteur et le lecteur surla base d’une connaissance commune du texte premier.( et ) Le titre de l’œuvre d’Escher emploie des termes larges accompagnés de déterminants définis àvaleur généralisante. Il s’agit de deux des quatre éléments et l’on y voit une invitation à réfléchir, autravers de l’œuvre, à notre monde et à la perception que nous en avons. Car la référence aux élémentsantiques est bien une allusion à notre perception des choses, à notre volonté d’enfermer le réel dansdes catégories, à notre penchant à tracer des frontières.L’œuvre elle-même se regarde au travers du titre�: les éléments sont représentés au travers desanimaux –�poissons ou oiseaux�– qui les caractérisent de la manière la plus évidente. Cettesimplification des symboles, accompagnée de la simplicité répétitive du dessin, est une invitation à lagénéralisation de la réflexion. Le titre pose deux éléments distincts et l’œuvre nous montre que cette

Réponses aux questions – 36

distinction est impossible. Les éléments sont complémentaires (le blanc et le noir, le vide et le plein).Les animaux avancent dans le même sens et forment –�en banc ou en vol�– un losange qui semble lesrésumer tous. Ainsi, les séparations et les frontières sont relatives (La Relativité est une autre œuvred’Escher bien connue) à notre perception et Escher nous amène à regarder le monde autrement.

Travaux d’écriture

Question préliminaireLes documents du corpus nous invitent à réfléchir. Ils constituent tous, qu’il s’agisse des textes defiction ou de l’œuvre d’Escher, des «�langages sous le langage�» pour reprendre la définition littérale del’apologue. On peut distinguer les documents qui expriment explicitement le sens second et ceux quijouent sur l’implicite.Ésope dissocie nettement la morale du récit et souligne fortement que la première découle du second(«�La fable montre�»).Charles Perrault, dans «�Les Fées�», propose, à la suite du récit, deux moralités qui se détachentnettement elles aussi�: d’abord, elles sont signalées («�moralité�», «�autre moralité�»)�; ensuite, elles sontécrites en italique et en vers�; enfin, on peut y relever toutes les marques de la généralisation (présentde vérité générale, termes larges...).L’extrait du Roman de Renart s’achève également par une morale explicite�: «�On perd tout à vouloir toutgagner.�» Les indices de la généralisation, la brièveté de la formule et les effets de symétrie en font unetournure proverbiale. Cependant, le procédé adopté par Pierre de Saint-Cloud diffère de celui choisipar Charles Perrault. En effet, la morale est, dans le passage du Roman de Renart, insérée dans le récit.C’est Renart qui la formule.Les trois autres apologues jouent sur l’implicite en invitant le lecteur à dégager lui-même la leçon durécit. Dans le dernier chapitre de Zadig, Voltaire souligne, d’une part, les contrastes entre un Itobadridicule et un Zadig parfait et, d’autre part, la fin heureuse. Le rassemblement des personnages à la finet le caractère doublement positif du dénouement (Astarté et la couronne) relèvent de la parodie duconte traditionnel. Ce bonheur hyperbolique s’oppose surtout aux malheurs et aux injustices subis parZadig au long des chapitres précédents. Comme dans les contes traditionnels («�Les Fées�», parexemple), les qualités du héros finissent par être reconnues et récompensées. Mais la leçon de Zadign’est pas là. Voltaire utilise les archétypes du genre pour inviter le lecteur à dégager le sensphilosophique du conte. Le dernier chapitre est l’illustration des propos de l’ange Jesrad et de lathéorie de Leibniz�: «�Il n’y a point de mal dont il ne naisse un bien.�» Cependant la leçon demeureambiguë car la tonalité parodique de la conclusion laisse planer un doute sur l’adhésion totale deVoltaire à la vision leibnizienne.Raymond Queneau, sur un mode léger, reprend la fable bien connue «�Le Chêne et le Roseau�» pourimaginer une autre histoire, plus fantaisiste, qui dénigre la patience sclérosante du roseau. Pour mieuxsouligner cette critique de l’immobilisme, Queneau imagine, à la place du chêne, un arbre fou, lepeuplier qui «�caracole�» et «�fait des bonds de géant�». La morale implicite se lit en filigrane de la dernièrestrophe et le verbe «�retirera�» nous invite à la comprendre.Dans «�Le Fou et la Vénus�», Charles Baudelaire, en proposant un titre binaire à la manière des fablesde La Fontaine et en esquissant des personnages symboliques, met son lecteur sur le chemin de laleçon implicite. Le jeu simple des contrastes et des hyperboles donne également l’impression que lerécit n’est constitué que de quelques lignes fortes destinées à suggérer autre chose. La reprise del’adjectif «�universelle�» va dans ce sens également. Le glissement d’un point de vue externe à un pointde vue omniscient (voir question�6) nous conduit à ne voir dans le poète et dans le fou qu’une seuleet même personne. Ainsi se trouve exprimée la quête douloureuse et vaine de la beauté qui constitueun des axes majeurs de la poésie baudelairienne. Le poème en prose se démarque des autres textes ence que sa portée est plus poétique et esthétique qu’argumentative. Si Baudelaire reprend les archétypesde l’apologue, tels qu’on les rencontre chez La Fontaine, c’est pour mieux s’en démarquer et affirmerla modernité de son écriture. Il s’agit, dans le poème en prose, de faire entendre une seconde voix–�celle du poète�– derrière le phrasé musical du récit. Baudelaire fait de l’apologue traditionnel unemusique plus complexe dont la finalité n’est plus moralisatrice ou philosophique mais simplementpoétique, c’est-à-dire esthétique.

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Le tableau d’Escher n’est pas à proprement parler un apologue mais il en adopte le fonctionnementdans la mesure où la forme séduisante est une invitation à la lecture d’un sens second. Le titre et lacomposition simple de l’œuvre nous mettent sur la voie de la fonction symbolique du dessin. Lespoissons symbolisent l’eau et les oiseaux l’air. Ce n’est pas tout, bien sûr. Nous sommes le jouet denotre perception, les oiseaux et les poissons ne sont que deux faces d’une même réalité. Le monde quinous entoure est un et le discours que nous tenons sur lui (la théorie des quatre éléments, parexemple) est, de ce fait, un discours relatif à notre vision et à notre logique.

CommentaireOn pourra adopter le plan suivant�:

1. Un récit dynamiqueA. L’intensité•�L’expression de l’énergie�: champ lexical.•�Progression�: «�croissante�», «�de plus en plus�», «�monter�».•�Recours à la comparaison pour exprimer cette intensité.•�Personnage�: rôle des pluriels et accumulation («�cornes�», «�sonnettes�»...).B. Le dynamisme du contraste•�Articulation du texte autour du «�cependant�».•�La phrase d’articulation souligne les contrastes.•�Vocabulaire mélioratif�/�vocabulaire péjoratif.C. L’insertion du discours direct•�Le discours du fou.•�Le poète s’adresse au lecteur.

2. Un apologueA. La généralisation•�Dimension universelle dans la première partie du texte (le mot figure deux fois).•�Portée symbolique�: «�Amour�», «�Vénus�».•�Le fou�: «�un de ces fous�».•�Le titre qui ressemble à celui d’une fable et invite, par tradition, à une généralisation.B. La morale implicite•�Un récit hors du temps�: le mélange de l’antique (Vénus), du médiéval (le fou) et du contemporain(l’intervention de l’auteur).•�Le présent de narration peut-il être compris également comme un présent gnomique�?•�La leçon�: amour impossible, quête impossible de la beauté.C. L’expression d’une souffrance personnelle•�Le «�je�» du fou ne serait-il pas aussi le «�je�» du poète�?•�Évocation d’un poète inadapté (le costume du fou) en quête de l’Idéal.

DissertationOn pourra adopter le plan suivant�:

1. Une littérature didactiqueA. «�Les dangers de la lecture�»•�Le texte de Voltaire («�Les dangers de la lecture�»).•�La censure a occupé une place importante�: la littérature était donc considérée comme dangereuse.Des auteurs sont exilés (Voltaire, Hugo...), des œuvres interdites (Le Tartuffe, Le Mariage de Figaro...).B. Une littérature engagéePour certains auteurs, la littérature est destinée à véhiculer des idées�:–�le Siècle des lumières�;–�le XIXe�siècle et les fresques sociales (réalistes ou naturalistes)�;–�la Résistance�;–�l’existentialisme (Jean-Paul Sartre).

Réponses aux questions – 38

C. Des genres spécifiques•�La comédie qui corrige les mœurs («�castigat ridendo mores�»).•�La tragédie et l’éloge des valeurs dominantes.•�La fable.•�Le conte et le conte philosophique.

2. La littérature n’a d’autre fin qu’elle-mêmeA. La littérature nous invite à quitter notre réalité•�S’évader dans le rêve�: le conte, l’utopie, la science-fiction...•�S’évader dans l’aventure�: le roman d’aventures, le roman policier...•�S’évader dans le rire�: la comédie et ses personnages simplifiés à l’extrême.B. La littérature nous fait plaisir•�Plaisir de s’évader (transition).•�Plaisir d’éprouver des émotions intenses (sentiments, angoisse, «�terreur et pitié�»…).• Plaisir esthétique�: texte beau à regarder (calligramme) et à entendre (poésie et chanson, théâtre etpoésie).

3. La littérature nous invite à ouvrir les yeuxA. Que ce soit sa finalité affichée ou non, l’œuvre littéraire nous livre une certaine vision du monde•�Toute œuvre est inscrite dans une époque�: par exemple, les romans de�Jules Verne.•�L’œuvre littéraire est un témoignage sur les manières de vivre et de penser�: l’Odyssée d’Homère, LesMétamorphoses d’Ovide.• L’œuvre littéraire, indépendamment de tout contexte, traverse les siècles lorsqu’elle transmet unevision toujours vraie de l’homme�: la question de la curiosité dans l’Odyssée.B. Le plaisir éprouvé nous ouvre les yeux•�C’est par la fiction que les messages passent le mieux�: La Fontaine, Voltaire, Le Meilleur des mondes...•�En découvrant un monde imaginaire, le lecteur pose un regard neuf sur le réel.

Écriture d’invention•�Le sujet suppose une analyse des textes�E et F et une bonne compréhension des mécanismes de laréécriture. Les élèves devront avoir nettement choisi le genre du conte ou celui de la fable et l’onattend d’eux qu’ils sachent reprendre les différentes caractéristiques de ces genres sans les confondre.•�On appréciera tout particulièrement l’originalité du traitement de la fable (comme l’y invite laréécriture de Queneau) sans que soient perdues les structures d’origine. C’est le savant équilibre entreressemblance et innovation qui fait la difficulté –�et la richesse�– de cet exercice.

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C O M P L É M E N T SA U X L E C T U R E S D ’ I M A G E S

! L’épisode du «�Basilic�» (p.�5)L’œuvreCette gravure, datée du XVIIIe�siècle, évoque les retrouvailles de Zadig et Astarté dans le chapitre�16 etexprime le romanesque sentimental du chapitre.Les stéréotypes de la gravure reprennent ceux du chapitre�16. Le jeune homme s’efface au secondplan et l’aventure amoureuse, dans la tradition de l’amour courtois, s’écrit autour d’un pôle féminin(Astarté au premier plan et dans la lumière).

Travaux proposésOn pourra examiner dans cette perspective�:–�le cadre bucolique�;–�la position conventionnelle des personnages, notamment l’attitude quasi théâtrale de Zadig�;–�l’équilibre des courbes qui dessinent l’entente harmonieuse des deux personnages�;–�la sensualité d’Astarté qui se dégage des courbes et du vêtu/dévêtu de sa tenue.

! Affiche du film Fenêtre sur cour (p.�40)L’auteurAlfred Hitchcock est né le 13�août 1899, à Londres, d’un père épicier en gros. Sa carrière peut sedécomposer en trois périodes�: la période anglaise (1925-1939), avec la réalisation de son premier filmmuet The Pleasure Garden�; la période américaine (1940-1957), de Rebecca à Faux Coupable�; la dernièrepériode (1958-1976) étant marquée par une succession de chefs-d’œuvre, de Sueurs froides à Complotde famille. Avant de devenir le maître du suspense, Hitchcock a exercé nombre de métiers du cinéma(dessinateur d’intertitres pour les films muets, coscénariste, assistant, producteur, décorateur,monteur). Il est mort le 29�avril 1980, à Los Angeles.

L’œuvreL’affiche du film Fenêtre sur cour (Rear Window) d’Alfred Hitchcock s’inscrit dans un groupement dedocuments consacrés à la littérature policière. Les textes choisis présentent un certain nombre decaractéristiques du roman policier et tendent à ouvrir le genre. Le film, lui, appartient pleinement augenre codifié du film policier et l’affiche en porte les signes.Le scénario est inspiré d’une nouvelle de William Irish. L.�B.�Jefferies (James Stewart), photographequ’un plâtre à la jambe contraint à l’immobilité, tue le temps en observant les appartements donnantsur sa cour. Après plusieurs jours d’observation, il soupçonne un voisin, Lars Thorwald (RaymondBurr), d’avoir tué sa femme. Pour accréditer sa thèse, il envoie Lisa (Grace Kelly), secrètementamoureuse de lui, porter une lettre anonyme au meurtrier supposé.

Travaux proposésOn étudiera les marques du genre présentes sur l’affiche�: personnages, enquête, crime, témoignages.On verra également les indices périphériques du genre�: le visage féminin, en arrière-plan, montreque l’intrigue policière se double d’une histoire d’amour�; l’immeuble indique le cadre urbain del’action.Il est sans doute intéressant d’étudier, dans la composition de l’affiche, la mise en page desinformations�: grandes et petites images, texte et images.On pourra s’intéresser également au jeu des regards�: les personnages-témoins, le regard de GraceKelly tourné vers le spectateur, le regard d’Hitchcock porté sur l’ensemble des personnages.

! Mise en scène de Jean-Louis Barrault (p.�60)Les auteursÉlève de Charles Dullin, Jean-Louis Barrault (1910-1994) a joué dans sa troupe de 1933 à 1935.Pensionnaire de la Comédie-Française de 1940 à 1946, il devient célèbre avec ses mises en scène du

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Soulier de satin et de Phèdre. En 1946, il fonde la compagnie Renaud-Barrault. Directeur du Théâtrede l’Odéon en 1959, il y crée des œuvres contemporaines (Ionesco, Beckett, Genet, Duras), avantd’en être chassé en 1968 (il avait ouvert les portes de son théâtre aux étudiants qui l’occupèrent). En1981, sa compagnie s’installe au théâtre du Rond-Point.Né en 1923, Georges Coulonges est un romancier et un auteur de chansons à succès (pour MarcelAmont, René-Louis Lafforgue, Bourvil, les Frères Jacques, Jean Ferrat, entre autres). Il a aussi écritpour le théâtre et la télévision (Pause-café). Son adaptation du conte de Voltaire a été publiée auCherche-Midi, en 1979. Il est décédé le 12�juin 2003.

L’œuvreCette photographie de mise en scène a été prise au théâtre d’Orsay, théâtre mobile que Jean-LouisBarrault avait installé en 1972, gare d’Orsay.Certes, Zadig est un conte et non une pièce de théâtre. Mais Voltaire ne souhaitait-il pas êtredramaturge avant d’être conteur�?Le document suggère le caractère stéréotypé des personnages de Zadig. En cela, le conte rejoint lethéâtre�:–�le style oriental des costumes�;–�les attributs attendus�: couronne, trônes�;–�les masques (l’hypocrisie de la Cour est représentée par un double visage sur la gauche)�;–�les expressions et attitudes figées�;–�la naïveté d’une reine qui porte de longues nattes comme un enfant.

Travail proposéOn profitera de cette photographie pour étudier la dimension théâtrale de Zadig, dans le découpageen scènes successives comme dans la simplification de l’intrigue et des personnalités.

! Caricature de Napoléon III par Daumier (p.�74)L’auteurHonoré-Victorien Daumier est né à Marseille, en 1808, d’un père vitrier, encadreur de tableaux etpoète. Il s’installe à Paris en 1816. À douze ans, Honoré devient coursier chez un huissier, puiscommis à la librairie Delaunay du Palais-Royal. Inscrit à une académie de dessin, il est remarqué parAlexandre Lenoir, fondateur du musée des Monuments français. Daumier réalise ses premièreslithographies en 1828, pour le journal La Silhouette, puis ses premières caricatures en 1830, pour lejournal La Caricature. En 1835, il entre au journal Le Charivari (ouvertement républicain). Lacaricature que nous publions en est extraite. Du fait de la censure, il passe de la satire politique à lacaricature de mœurs.À partir de 1860, licencié par Le Charivari, Daumier se consacre au dessin, à la peinture et à lasculpture. En 1865, suite à des problèmes financiers, il s’installe à Valmondois, dans une maison prêtéepar le peintre Corot. Il y meurt en 1879 (il sera exhumé en 1880 et transféré au Père-Lachaise),laissant une œuvre de plus de 4�000 dessins…

L’œuvreDatée du 11�décembre 1848, cette caricature fait suite à l’élection, au suffrage universel, de LouisBonaparte (fils de Louis Bonaparte et d’Hortense de Beauharnais) à la présidence de la République(10�décembre). La légende en est�: «�MM.�Victor Hugo et Émile Girardin cherchent à élever le prince Louissur un pavois, ça n’est pas très solide�!�»Victor Hugo, on l’a dit, a changé de position à l’égard de ce prince, suite au coup d’État. Voici, entreautres, les propos qu’il tint à son sujet�: «�Louis Bonaparte est un homme de moyenne taille, froid, pâle, lent,qui a l’air de n’être pas tout à fait réveillé. Il a publié, nous l’avons rappelé déjà, un Traité assez estimé surl’artillerie, et connaît à fond la manœuvre du canon. Il monte bien à cheval. Sa parole traîne avec un léger accentallemand. Ce qu’il y a d’histrion en lui a paru au tournoi d’Eglington. Il a la moustache épaisse et couvrant lesourire comme le duc d’Albe, et l’œil éteint comme Charles�X.Si on le juge en dehors de ce qu’il appelle “ses actes nécessaires” ou “ses grands actes”, c’est un personnagevulgaire, puéril, théâtral et vain. Les personnages invités chez lui, l’été, à Saint-Cloud, reçoivent en même tempsque l’invitation l’ordre d’apporter une toilette du matin et une toilette du soir. Il aime la gloriole, le pompon,

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l’aigrette, la broderie, les paillettes et les passequilles, les grands mots, les grands titres, ce qui sonne, ce qui brille,toutes les verroteries du pouvoir. En sa qualité de parent de la bataille d’Austerlitz, il s’habille en général.Peu lui importe d’être méprisé, il se contente de la figure du respect.Cet homme ternirait le second plan de l’histoire, il souille le premier. L’Europe riait de l’autre continent enregardant Haïti quand elle a vu apparaître ce Soulouque blanc. Il y a maintenant en Europe, au fond de toutes lesintelligences, même à l’étranger, une stupeur profonde, et comme le sentiment d’un affront personnel�; car lecontinent européen, qu’il le veuille ou non, est solidaire de la France, et ce qui abaisse la France humiliel’Europe.�»

Travaux proposésLa caricature, comme la littérature satirique, est un instrument de critique efficace largement utilisé àpartir du XIXe�siècle. L’étude de ce document trouve sa place dans une réflexion sur la critique dupouvoir.On étudiera notamment�:–�les marques de la caricature (le jeu des proportions/disproportions)�;–�l’expression d’un irrespect dans l’image comme dans la légende�;–�la démarche qui consiste à représenter de manière concrète une idée abstraite (la critique du princeLouis et de ceux qui, littéralement, le soutiennent).

! Mise en scène de Jean-Louis Barrault (p.�124)L’œuvreComme dans l’image de la page�60, on relève dans cette image une volonté de souligner lesstéréotypes du conte oriental�:–�les costumes�;–�les musiciens�;–�le harem (attitudes nonchalantes et sensuelles des femmes)�;–�l’expression du plaisir.Les retrouvailles constituent un épisode heureux dans une trajectoire romanesque semée d’embûches.Jean-Louis Barrault détache Zadig et Astarté du groupe des femmes assises pour mieux mettre enrelief la joie (musique, rire) de l’amour réciproque (Zadig et Astarté vont dans la même direction).

Travail proposéOn pourra voir comment la mise en scène de Jean-Louis Barrault telle qu’elle apparaît dans ledocument souligne les stéréotypes que Voltaire critique dans son œuvre.

! L’ange Jesrad et Zadig (p.�137)L’œuvreLa gravure illustre l’épisode qui achève le cheminement de Zadig en compagnie de l’ermite. Le neveude la veuve qui avait accueilli les deux voyageurs est précipité dans la rivière. On apprendra ensuiteque le neveu était destiné à tuer sa tante.La gravure exprime clairement les différentes caractéristiques des personnages en les situant dans uneperspective temporelle (opposition jeunesse/vieillesse)�:–�la jeunesse du neveu�;–�la jeunesse de Zadig�;–�la sagesse de l’ermite�: sa longue barbe et son livre.La violence du geste de l’ermite est au centre de l’image�: la puissance du courant de la rivière et lachute du corps au premier plan. L’expression du visage de Zadig, ainsi que son attitude suppliantesoulignent l’horreur de la scène et contrastent fortement avec l’air tranquille de l’ermite. Dans cesconditions, on a du mal à voir la sagesse de l’ermite. Ce n’est qu’ensuite que l’on saura qu’il s’agit del’ange Jesrad et que ses actions ont un sens. L’auteur de la gravure, comme Voltaire dans le passagecorrespondant, insiste sur l’absurdité et sur la cruauté de l’ermite. Peut-être peut-on voir dans laprésence du livre et dans celle du courant une expression du destin qui est la clé du passage�?

Travail proposéDe quelle manière l’auteur de la gravure et Voltaire mettent-ils en avant la cruauté de l’ermite�?

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! M. C. Escher, L’Air et l’Eau I (p.�151)L’auteurMaurits Cornelius Escher est né le 18 juin 1898, à Leeuwarden, la capitale de la Frise, province dunord des Pays-Bas. Alors que, sur les conseils de son père, il étudie l’architecture à l’Écoled’architecture et des arts décoratifs de Haarlem, il fait la rencontre, décisive pour sa carrière et sonœuvre, de Samuel Jessurun de Mesquita. Ce dernier comprend le talent de Escher pour les artsgraphiques et l’incite à abandonner l’architecture. Escher sera son élève jusqu’en 1922. Il effectueraensuite de nombreux voyages à travers l’Europe, qui marqueront ses premières œuvres. Il décèdera le27�mars 1972.

L’œuvreIl s’agit d’une gravure sur bois sur papier Japon. Ses dimensions sont de 48,9 sur 50 cm.Georges Escher, à propos de cette œuvre, dit�: «�C’était l’une des gravures qui plaisaient le plus à mon pèredu point de vue esthétique�; il en aimait la composition, de même que la simplicité.�»

Travaux proposésLe tableau d’Escher vient éclairer un groupement de textes sur l’apologue, son sens et sonfonctionnement.On étudiera la composition du tableau, le jeu des formes, du plein et du vide. L’étude débouchera surl’importance du point de vue�: l’illusion d’optique nous amène à considérer que notre regard estdifficilement objectif.Comme l’apologue, ce tableau suppose une double lecture�: le jeu formel qui aiguise la curiosité et lasignification de ce jeu. Comme dans les apologues, c’est le degré premier de lecture qui nous amène àla réflexion.

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B I B L I O G R A P H I E C O M P L É M E N T A I R E

–�D. J. Adams, La Femme dans les contes et les romans de Voltaire, Nizet, 1974.–�R. Barthes, «�Le dernier des écrivains heureux�», in Essais critiques, Le Seuil, 1964.–�M. Clément, «�Zadig ou la Destinée�», in Histoire orientale de Voltaire, éd. de La Pensée moderne,1972.–�R. Mauzi, L’Idée du bonheur au XVIIIe siècle, Armand Colin, 1969.–�R. Pomeau, Voltaire en son temps, Oxford, 1985-1994 (5 volumes).–�R. Pomeau, L’Europe des Lumières�: cosmopolitisme et unité européenne au XVIIIe siècle, Hachette, 1995.–�J. Starobinski, Le Remède dans le mal�: critique et légitimation de l’artifice à l’âge des Lumières, Gallimard,1989.–�J. van Den Heuvel, Voltaire, «�Bibliothèque de la Pléiade�», Gallimard, 1983.