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Yves de Lassus TRÈS SAINT-PÈRE, CONSACREZ LA RUSSIE AU CŒUR IMMACULÉ DE MARIE Cap Fatima

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Yves de Lassus

TRÈS SAINT-PÈRE,

CONSACREZ LA RUSSIE

AU CŒUR IMMACULÉ DE MARIE

Cap Fatima

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Suivi des corrections

N° Date Corrections apportées Pages

1 3 mai 2020 Fautes d’orthographe Diverses

Cap Fatima

1518 avenue du Commandant Houot

83130 La Garde (France)

www.fatima100.fr – [email protected]

Reproduction autorisée

sous réserve de reproduire le document intégralement

et de prévenir Cap Fatima.

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AVANT-PROPOS

Le 25 mars dernier, à l’initiative du Portugal, 24 pays1 se sont solennellement consacrés au Sacré Cœur de Jésus et au Cœur

Immaculé de Marie. D’autres l’ont fait depuis, dont l’Angleterre. L’Italie doit le faire dans les prochains jours.

Certes il est fort heureux que des pays se consacrent au Cœur Immaculé de Marie : l’histoire du Portugal montre l’efficacité

d’une telle consécration.2 Mais, malgré ces heureux événements dont les retombées sur les pays en question seront sûrement

réelles, il ne faut pas oublier que la demande exprimée par la Sainte Vierge à Fatima a été la consécration de la Russie.

C’est un sujet douloureux, car il divise les catholiques. Certains affirment qu’elle a été faite ; d’autres affirment que non.

Le débat reste toujours vif. Nous avons l’exemple d’une communauté religieuse qui a cessé toute participation avec un orga-

nisme catholique, simplement parce que ce dernier avait émis un doute sur la validité de la consécration faite par Jean-Paul II

le 25 mars 1984.

Qu’en est-il ? Que sait-on sur les consécrations faites ? Remplissent-elles bien les conditions demandées par Notre-Dame ?

L’objectif de ce petit opuscule est de tenter de répondre à ces questions.

1 Le Portugal, l’Espagne, l’Albanie, la Bolivie, la Colombie, le Costa Rica, Cuba, la Slovaquie, le Guatemala, la Hongrie, l’Inde, le Mexique, la Moldavie,

le Nicaragua, Panama, le Paraguay, le Pérou, la Pologne, la République dominicaine, la Tanzanie, le Kenya, le Zimbabwe, le Timor oriental et la Rou-

manie. 2 Voir annexe 1.

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NOTE PRÉLIMINAIRE SUR LES RÉFÉRENCES

Dans les notes de bas de page, les références suivantes, très fréquemment utilisées, seront mentionnées par un groupe de

lettre constitué de quelques lettres de leur titre. Ce groupe de lettres figure en gras juste avant les références listées ci-après.

MCIL : Memórias e cartas da Irmã Lúcia, du père Antonio Maria Martins, s. j., Composição et impressão de Simão Gui-

marães, Porto, 1973.

Ce livre étant devenu introuvable, pour chaque citation, nous mettrons également entre parenthèses la référence d’un des

livres suivants.

Ouvrages de la Contre-Réforme Catholique, 10 260 Saint-Parres-lès-Vaudes :

- par le frère Michel de la Sainte Trinité :

TVF2 : Toute la vérité sur Fatima, tome II : Le secret et l’Église (1917-1942) Édition : 1984.

TVF3 : Toute la vérité sur Fatima, tome III : Le troisième secret. Édition : 1985.

- par le frère François de Marie des Anges :

TVF4 : Toute la vérité sur Fatima, tome IV : Jean-Paul 1er, le pape du secret. Édition : 2003.

FJIEM : Fatima, joie intime, événement mondial. Abrégé de Toute la vérité sur Fatima. Édition : 1994.

FSM : Fatima, salut du monde. Édition : 2008.

Les autres références sont détaillées dans les notes de bas de page.

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INTRODUCTION

Le 25 octobre 2011, au cours d’un entretien privé, don Gabriel Amorth confiait à un journaliste espagnol, José Maria Za-

vala : « Cette consécration [de la Russie] n’a pas eu lieu. J’ai été témoin de l’acte. J’étais sur la place Saint Pierre ce dimanche-

là dans l’après-midi, très près du Pape, si près que je pouvais presque le toucher. (…) Jean Paul II voulait mentionner expres-

sément la Russie, mais finalement il ne l’a pas fait. (…) J’insiste pour vous dire que cette consécration s’en est trouvée inva-

lide. »3

Quatre ans plus tard, en décembre 2015, don Amorth confiait à Life Site (site : lifesitenews.com) :

La consécration n’a pas encore été faite. J’étais là le 25 mars 1984, sur la place Saint-Pierre, au premier rang ; je pouvais

pratiquement toucher le Saint-Père. Jean-Paul II voulait consacrer la Russie, mais son entourage ne le voulait pas, craignant de

contrarier les orthodoxes. (…) Lorsque Sa Sainteté, à genoux, a consacré le monde, il a ajouté une phrase qui ne figurait pas dans

la version distribuée, disant consacrer « spécialement les nations dont vous avez vous-même demandé la consécration ».

Par conséquent, cela comprenait indirectement la Russie. Cependant, la consécration spécifique n’a pas encore été faite. On

peut toujours la faire. Je dirais même : elle sera certainement faite.4

Trois ans et demi plus tard, le 13 mai 2019, le cardinal Paul Cordes, ancien président du Conseil pontifical Cor unum, au

cours du sermon de la messe qui clôtura le congrès marial du Kazakhstan, fit la déclaration suivante :

Il [le pape Jean-Paul II] s’était intéressé depuis longtemps à la mission significative donnée par la Sainte Mère de Dieu aux

enfants voyants : consacrer le monde au Cœur Immaculé de Marie. Il a lui-même fait cette consécration le 25 mars 1984, lors de la

venue de la statue de Notre-Dame de Fatima à Rome. Cependant, il s’est abstenu de mentionner explicitement la Russie, parce

que les diplomates du Vatican lui avaient demandé avec insistance de ne pas mentionner ce pays, car cela risquerait de

provoquer des conflits diplomatiques. Peu après, il m’avait invité à déjeuner. Il a évoqué dans notre petit cercle la pulsion qu’il a

ressentie en lui-même de mentionner également la Russie lors de cette consécration, avant de céder à ses conseillers.5

Quelques jours, au cours du Forum pour la Vie qui se tint à Rome le 19 mai 2019, le cardinal Raymond Burke demanda

aux catholiques de « travailler à la consécration de la Russie au Cœur Immaculé de Marie » dans la fidélité à la demande

faite par Notre-Dame à Fatima, ajoutant :

La consécration demandée est à la fois une reconnaissance de l’importance que la Russie continue d’avoir dans le plan de Dieu

pour la paix et un signe d’amour profond pour nos frères et sœurs en Russie.

Certes, le pape saint Jean-Paul II a consacré le monde, y compris la Russie, au Cœur Immaculé de Marie le 25 mars 1984. Mais

aujourd’hui, une fois de plus, nous entendons l’appel de Notre-Dame de Fatima pour consacrer la Russie à son Cœur Immaculé,

conformément à ses instructions explicites.6

Voulant probablement contrer les objections de ceux qui pensent que cette consécration a déjà été faite, le cardinal rappela

également cette phrase de Jean-Paul II : « L’appel de Marie n’est pas pour une seule fois. Son appel doit être pris en compte

génération après génération, conformément aux nouveaux signes des temps. Il faut qu’il soit sans cesse repris. Il doit toujours

reprendre. »

Juste après l’appel du cardinal Burke, Monseigneur Athanasius Schneider, qui participait aussi au forum, déclara qu’il

considérait « très importante » l’initiative du cardinal Burke de demander au Saint-Père de consacrer « explicitement » la Rus-

sie au Cœur Immaculé de Marie, car cette consécration « remplira plus complètement et plus parfaitement la demande de

Notre-Dame », ajoutant qu’elle « procurera de nombreuses grâces à l’Église » ainsi que « à la Russie et à l’Église de Russie »,

car, expliqua-t-il, il fallait que la Russie parvienne « à une conversion complète, c’est-à-dire être catholique en pleine commu-

nion avec le Saint-Siège ». Puis il signa une pétition lancée par Life Site pour demander au Saint-Père de consacrer la Russie.7

Ces différentes interventions confirment ce que beaucoup d’experts de Fatima ont affirmé, à savoir qu’aucun des différents

actes accomplis jusqu’à présent par les papes n’a respecté toutes les conditions précisées par Notre-Dame pour la consécration

de la Russie à son Cœur Immaculé de Marie.

Pourtant, depuis 1989, le Vatican affirme avec constance que la consécration a été faite. Qu’en penser ?

L’objet de la présente étude est d’essayer d’apporter une réponse claire à cette question. Elle abordera successivement les

points suivants :

- les demandes précises de Notre-Dame,

- les actes posés par les papes depuis les apparitions de Fatima,

- la position officielle du Vatican,

- des réponses aux principales objections.

3 Une partie de cet entretien a été publiée le 18 mars 2017 par le quotidien espagnol La razon. Un extrait plus important de l’entretien se trouve chapitre 3,

page 8. 4 https://www.lifesitenews.com/news/exclusive-interview-with-rome-chief-exorcist-fr.-gabriele-amorth 5 https://onepeterfive.com/cardinal-cordes-pope-john-paul-ii-consecration-russia/ 6 https://www.lifesitenews.com/news/breaking-cardinal-burke-calls-for-consecration-of-russia-to-immaculate-hear 7 https://www.youtube.com/watch?v=T5B9XsnjQ7Q

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CHAPITRE 1

LES DEMANDES DE NOTRE-DAME

Les demandes de Notre-Dame concernant la consécration de la Russie à son Cœur Immaculé ont été faites au cours de

plusieurs apparitions ou révélations qu’eut sœur Lucie tout au long de sa vie. Mais auparavant le Ciel avait déjà montré son

souhait de voir naître la dévotion au Cœur Immaculé de Marie.

AVANT LES APPARITIONS DE FATIMA

La dévotion au Cœur de Marie est très ancienne. Au XIIIe siècle, sainte Mechtilde et sainte Gertrude commencèrent à

l’exprimer de façon explicite. Au XVIIe siècle, deux saints la développèrent, saint Jean Eudes et saint Louis-Marie Grignion

de Montfort, suivis trois siècles plus tard par saint Maximilien Kolbe. Saint Jean Eudes la propagea en l’unissant à celle du

Sacré-Cœur de Jésus. Saint Louis-Marie Grignion de Montfort fit de même.

Les papes Pie VII et Pie IX accordèrent à plusieurs églises particulières une fête du "Cœur très pur de Marie", fixée au

dimanche après l’Assomption, puis au samedi qui suit la fête du Sacré-Cœur.

Le 27 novembre 1830, la Sainte Vierge apparut rue du Bac à sainte Catherine Labouré et lui demanda de faire frapper une

médaille avec les deux cœurs de Jésus et Marie.

En 1836, fut une année particulièrement riche pour le développement de la dévotion au Cœur Immaculé de Marie :

˗ le père Coudrin (1768-1837), fondateur de la congrégation des Sacrés Cœurs de Jésus et Marie, rue de Picpus à Paris,

établissait la dévotion au Cœur Immaculé de Marie ;

˗ le 1er avril, le curé d’Ars consacrait sa paroisse à Marie conçue sans péché ;

˗ le 11 décembre, l’abbé Desgenettes, curé de Notre-Dame des Victoires, consacrait sa paroisse au Cœur Immaculé de

Marie.

Ainsi, au cours de l’année 1836, deux prêtres, le curé d’Ars et l’abbé Desgenettes, consacrèrent leur paroisse au Cœur

Immaculé de Marie et à Marie conçue sans péché, et à chaque fois, en quelques mois, leur paroisse devint une des plus ferventes

de la région.

Enfin, en 1854, Pie IX établit le dogme de l’Immaculée Conception, d’où il découle nécessairement que son Cœur a tou-

jours été immaculé.

Concernant la consécration de la paroisse de Notre-Dame des Victoires, c’est, à notre connaissance, la première fois qu’une

communauté humaine se consacrait au Cœur Immaculé de Marie. Voici brièvement l’histoire de cette paroisse.

Le 30 août 1832, l’abbé Desgenettes fut nommé curé de Notre-Dame des Victoires, une paroisse de 40 000 âmes, située en

plein cœur de Paris et ravagée par la Révolution : 40 personnes seulement allaient à la messe le dimanche.

Le 3 décembre 1836, un premier samedi du mois, en disant sa messe, alors qu’il était désespéré de l’inutilité de ses efforts

pour redresser sa paroisse, l’abbé Desgenettes entendit plusieurs fois une voix intérieure lui dire : « Consacre ta paroisse au

Cœur Immaculé de Marie ». D’abord surpris et ne voulant pas croire à la réalité de la chose, après réflexion il décida de passer

à l’acte, se disant que si en définitive cela ne faisait pas de bien, de toutes les façons cela ne pouvait faire aucun mal. De retour

chez lui, il composa les statuts d’une association du Saint et Immaculé Cœur de Marie pour la conversion des pécheurs. Les

membres de cette association s’engageaient à assister à la messe chaque 1er samedi du mois et ce jour-là à prier plus particuliè-

rement pour la conversion de pécheurs.

Craignant cependant d’avoir été victime d’une illusion, il demanda à la Sainte Vierge de bien vouloir lui donner un signe

qu’elle était bien à l’origine de cette inspiration et acceptait cette association. Le samedi suivant l’évêque de Paris, Monseigneur

de Quelen, approuva les statuts de la nouvelle association et donna son accord pour commencer dès le lendemain les exercices

de piété proposés. Ce jour-là (3e dimanche de l’Avent), l’abbé Desgenettes annonça en chaire aux dix fidèles qui assistaient à

la grand-messe que le soir il célèbrerait un office de dévotion au Cœur Immaculé de Marie. Dès cet instant, une pluie de grâces

commença à inonder la paroisse.

À la fin de la messe, deux pères de famille demandèrent à se confesser. Le soir, il y eut entre 400 et 500 personnes dans

l’église, dont un nombre considérable d’hommes. Jamais auparavant, l’abbé n’avait vu une telle affluence dans son église, et

cela uniquement après avoir annoncé le matin en chaire au dix personnes présentes qu’il célèbrerait le soir même un premier

office en l’honneur du Cœur Immaculé de Marie.

Ce premier événement fut suivi par une série presque ininterrompue de signes. Le lendemain, l’abbé Desgenettes rendit

visite à M. de Joly, dernier garde des Sceaux de Louis XVI, qui était à l’article de la mort et refusait catégoriquement le secours

des sacrements. Ce jour-là, il accepta de recevoir son curé. Et après quelques instants de conversation, il demanda à se confesser

et mourut saintement quatre mois plus tard.

Le 12 janvier 1837, l’abbé Desgenettes procéda à l’ouverture des registres de l’association. Dix jours plus tard, il y avait

214 inscrits !

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L’année suivante, en avril 1838, l’association du Saint et Immaculé Cœur de Marie fut érigée par Grégoire XVI en archi-

confrérie universelle. En avril 1842, cinq ans après sa création, l’association comptait deux millions de membres et mille neuf

cent paroisses affiliées. En 1848, Notre-Dame des Victoires était l’église la plus fréquentée de Paris.

Le 9 juillet 1853, en action de grâce pour la délivrance de Rome par les soldats français, Pie IX couronna la vierge de Notre-

Dame des Victoires. Il confia à Monseigneur Monnet, évêque de Pella : « L’archiconfrérie du Saint Cœur de Marie est l’œuvre

de Dieu ; c’est une pensée du Ciel qui l’a produite sur la terre. Elle sera, dans ses mauvais jours, la ressource de l’Église ».8

Dès lors, on ne compte plus les personnes ayant obtenues des grâces à Notre-Dame des Victoires : Alphonse de Ratisbonne,

le père Libermann qui y découvrit sa vocation et y dit sa première messe, Don Bosco, sainte Thérèse de Lisieux, ...

Cet exemple permet de mesurer la très grande efficacité d’une consécration au Cœur Immaculé de Marie et de voir que la

dévotion au Cœur Immaculé de Marie existait déjà avant les apparitions de Fatima. Mais celles-ci vont être une véritable

confirmation par le Ciel de son importance.

FATIMA, 13 JUILLET 1917

Au cours de ces apparitions, Notre-Dame exprima plusieurs demandes. En particulier, le 13 juillet 1917, lors de la troisième

apparition, elle demandera la consécration de la Russie à son Cœur Immaculé. Cette demande se trouve dans le secret confié à

Lucie qui en révéla les deux premiers points dans ses troisième et quatrième mémoires datés respectivement d’août et décembre

1941. Voici le dialogue entre Lucie et Notre-Dame tel qu’il est rapporté dans ces deux mémoires9. Après avoir montré l’enfer

aux petits voyants, la Sainte Vierge leur dit :

Vous avez vu l’enfer où vont les âmes des pauvres pécheurs. Pour les sauver, Dieu veut établir dans le monde la dévotion à

mon Cœur Immaculé. Si l’on fait ce que je vais vous dire, beaucoup d’âmes se sauveront et l’on aura la paix. La guerre va finir.

Mais si l’on ne cesse d’offenser Dieu, sous le règne de Pie XI en commencera une autre pire. Quand vous verrez une nuit éclairée

par une lumière inconnue, sachez que c’est le grand signe que Dieu vous donne, qu’il va punir le monde de ses crimes par le moyen

de la guerre, de la famine et des persécutions contre l’Église et le Saint-Père.

Pour l’empêcher, je viendrai demander la consécration de la Russie à mon Cœur Immaculé et la communion réparatrice des

premiers samedis du mois. Si l’on écoute mes demandes, la Russie se convertira et l’on aura la paix. Sinon elle répandra ses erreurs

à travers le monde, provoquant des guerres et des persécutions contre l’Église. Les bons seront martyrisés, le Saint-Père aura beau-

coup à souffrir, plusieurs nations seront anéanties ["aniquiladas" en portugais]. À la fin, mon Cœur Immaculé triomphera. Le Saint-

Père me consacrera la Russie qui se convertira, et il sera accordé au monde un certain temps de paix. Au Portugal se conservera

toujours le dogme de la foi, etc.10 Ceci, ne le dites à personne. À François oui, vous pouvez le dire.

TUY, 13 JUIN 1929

Le 13 juillet 1917, la Sainte Vierge avait exprimé sa demande au futur : « Pour l’empêcher, je viendrai demander la con-

sécration de la Russie à mon Cœur Immaculé et la communion réparatrice des premiers samedis du mois. » Effectivement,

elle revint une première fois à Pontevedra en décembre 1925 pour demander la communion réparatrice des premiers samedis

du mois. Puis elle vint quatre ans plus tard à Tuy pour demander la consécration de la Russie.

Le 13 juin 1929, Notre-Dame apparut à Lucie dans la chapelle du couvent des sœurs de sainte Dorothée à Tuy où elle faisait

son noviciat, et lui dit :

Russie (1929) – Notre-Dame demande la consécration.

Le Révérend Père Gonçalvès est venu plusieurs fois confesser dans notre chapelle. Je me suis confessée à lui et, comme je

m’entendais bien avec lui, j’ai continué à le faire durant les trois ans pendant lesquels il est resté ici comme supérieur.

C’est à cette époque que Notre-Seigneur m’a avertie que le moment était venu où il voulait que je fasse connaître à la Sainte

Église son désir de la consécration de la Russie et sa promesse de la convertir... La communication s’est produite ainsi : …

Suit la description d’une vision de la Sainte Trinité. Puis l’apparition se poursuit ainsi :

Ensuite, Notre-Dame me dit : « Le moment est venu où Dieu demande au Saint-Père de faire, en union avec tous les évêques

du monde, la consécration de la Russie à mon Cœur Immaculé. Il promet de la sauver par ce moyen. Elles sont tellement nom-

breuses les âmes que la justice de Dieu condamne pour des péchés commis contre moi, que je viens demander réparation. Sacrifie-

toi à cette intention et prie ».

Je rendis compte de ceci à mon confesseur, qui me demanda d’écrire ce que Notre-Seigneur voulait que l’on fasse.

Plus tard,11 par le moyen d’une communication intime, Notre-Dame me dit, en se plaignant : « Ils n’ont pas voulu écouter ma

demande... ! Comme le Roi de France, ils s’en repentiront et ils le feront, mais ce sera tard. La Russie aura déjà répandu ses

erreurs dans le monde, provoquant des guerres et des persécutions contre l’Église. Le Saint-Père aura beaucoup à souffrir ».12

Après avoir tout confié à son confesseur, sœur Lucie fit tout ce qu’elle put auprès des autorités religieuses pour que ces

8 Le Cœur de Marie, bulletin de l’archiconfrérie de Notre-Dame des Victoires (6 rue Notre-Dame des Victoires, 75002 Paris), n° 16 d’octobre 2008. 9 Les formulations du 3e et du 4e mémoire sont identiques à deux ou trois mots près. 10 Ici se trouve le troisième point du secret que sœur Lucie ne mit par écrit qu’en 1944. Pour plus d’informations sur cette question, voir le livre de Joseph

de Belfont : Mystères et vérités cachées du troisième secret de Fatima, Nouvelles Éditions Latines, 2016. 11 Ce sera deux ans plus tard, en août 1931, à Rianjo. Voir chapitre suivant, p. 21. 12 MCIL, p. 463-465. (TVF2, p. 292-294 & 345)

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demandes parvissent au Saint-Père. En particulier, elle en parla elle-même au nonce apostolique, Monseigneur Giovanni Beda

Cardinale venu lui rendre visite à Tuy quelques jours après l’apparition. Elle en reparla à Monseigneur da Silva à la fin de

l’année, mais sans succès. Dans une lettre datée du 15 décembre de cette même année, elle confia au père Aparicio que ce fut

pour elle « un coup bien pénible ».13

TUY, MAI 1930

Peu après, en mai 1930, Notre-Seigneur fit savoir à sœur Lucie que les deux demandes concernant la dévotion au Cœur

Immaculé de Marie et la consécration de la Russie devaient être adressées au Saint-Père lui-même. Elle mit immédiatement au

courant le père Gonçalvès, par une lettre datée du 29 mai 1930 :

Ce qui me paraît s’être passé entre Dieu et mon âme au sujet de la dévotion réparatrice au Cœur Immaculé de Marie et de la

persécution en Russie.

Il me semble que le bon Dieu, au fond de mon cœur, insiste auprès de moi pour que je demande au Saint-Père l’approbation de

la dévotion réparatrice, que Dieu lui-même et la Très Sainte Vierge ont daigné demander en 1925, pour, au moyen de cette petite

dévotion, donner la grâce du pardon aux âmes qui ont eu le malheur d’offenser le Cœur Immaculé de Marie, la Très Sainte Vierge

promettant aux âmes qui chercheront à lui faire réparation de cette manière, de les assister à l’heure de la mort, avec toutes les

grâces nécessaires pour qu’elles se sauvent.

La dévotion consiste, durant cinq mois consécutifs, le premier samedi, à recevoir la sainte communion, à dire un chapelet et à

tenir compagnie à Notre-Dame durant quinze minutes, en méditant les mystères du Rosaire, et à se confesser, avec la même inten-

tion. Cette confession peut être faite un autre jour. Si je ne me trompe,14 le bon Dieu promet de mettre fin à la persécution en

Russie, si le Saint-Père daigne faire, et ordonne aux évêques du monde catholique de faire également, un acte solennel et

public de réparation et de consécration de la Russie aux très Saints Cœurs de Jésus et de Marie, Sa Sainteté promettant,

moyennant la fin de cette persécution, d’approuver et de recommander la pratique de la dévotion réparatrice, indiquée ci-

dessus.15

Cette lettre précise clairement les conditions dans lesquelles la consécration de la Russie doit être faite. Elles sont au nombre

de six. Le jour choisi, le pape doit : 1) en union avec tous les évêques du monde entier, 2) consacrer, 3) la Russie, 4) au Cœur

Immaculé de Marie, 5) avec un acte public et solennel de réparation, et 6) promettre d’approuver et de recommander la com-

munion réparatrice des premiers samedis du mois.

Le dernier point marque qu’il existe un véritable lien entre les deux demandes de la Sainte Vierge et signifie que la com-

munion réparatrice des premiers samedis du mois ne doit pas rester une dévotion privée, donc susceptible de disparaître : le

Ciel demande qu’elle devienne une pratique stable, approuvée, répandue et encouragée par la hiérarchie de l’Église.

En recevant cette lettre, le père Gonçalvès fit immédiatement remettre à sœur Lucie une note lui demandant de répondre

par écrit à six questions :

Veuillez répondre, comme vous pourrez, sur une feuille de papier à lettres, aux questions suivantes :

1. Quand, comment et où, c’est-à-dire, la date (si vous la savez), l’occasion et la manière selon laquelle vous avez éprouvé la

manifestation de la dévotion des samedis ?

2. Les conditions requises, c’est-à-dire, ce qui est demandé pour l’accomplissement de cette dévotion ?

3. Les avantages : quelles grâces sont promises à ceux qui la pratiqueront au moins une fois ?

4. Pourquoi cinq samedis, et non neuf, ou sept, en l’honneur des Douleurs de Notre-Dame ?

5. Si l’on ne peut accomplir toutes les conditions le samedi, ne peut-on y satisfaire le dimanche ? Les gens de la campagne, par

exemple, ne le pourront pas, bien souvent, parce qu’ils habitent loin...

6. En relation au salut de la pauvre Russie, que désirez-vous ou que voulez-vous ? 15

Le soir même, au cours de l’heure sainte que sœur Lucie faisait chaque jeudi de onze heures à minuit, suivant en cela la

demande du Sacré-Cœur à Paray-le-Monial, Notre-Seigneur lui fit connaître les réponses. Quelques jours après, le 12 juin

1930, sœur Lucie remit au père Gonçalvès la réponse suivante :

Après avoir imploré l’assistance des Très Saints Cœurs de Jésus et de Marie, je vais, autant que possible, répondre aux questions

de votre Révérence.

Pour ce qui touche à la dévotion des cinq samedis :

1. Quand ? Le 10 décembre 1925.

Comment ? Par une apparition de Notre-Seigneur et de la Très Sainte Vierge qui me montra son Cœur Immaculé entouré

d’épines et demandant réparation.

Où ? À Pontevedra (Passage Isabelle II). La première apparition (eut lieu) dans ma chambre, la seconde près du portail du jardin

où je travaillais.

2. Les conditions requises ?

13 FSM, p. 231. 14 Ce serait une erreur de croire que l’expression « si je ne me trompe » que l’on trouve également dans d’autres lettres, est une expression restrictive

manifestant un doute ou une incertitude : sous la plume de sœur Lucie, cette expression est une formule d’humilité et d’obéissance indiquant par là qu’elle

s’en remet entièrement au jugement de son directeur de conscience. On trouve des expressions semblables dans les écrits de sainte Marguerite-Marie. 15 MCIL, p. 405. (TVF2, p. 170, 294 & 331-332)

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Durant cinq mois, le premier samedi, recevoir la Sainte Communion, dire le chapelet, tenir compagnie quinze minutes à Notre-

Dame en méditant les mystères du Rosaire, et se confesser avec la même intention. La confession peut se faire un autre jour, pourvu

qu’on soit en état de grâce en recevant la Sainte Communion.

3. Avantages ou promesses.

« Aux âmes qui chercheront à me faire réparation de cette manière (dit Notre-Dame), je promets de les assister à l’heure de la

mort avec toutes les grâces nécessaires au salut ».

4. Pourquoi cinq samedis et non neuf, ou sept en l’honneur des douleurs de Notre-Dame ?

Me trouvant dans la chapelle avec Notre-Seigneur une partie de la nuit du 29 au 30 de ce mois de mai 1930, et parlant à Notre-

Seigneur des questions quatre et cinq, je me sentis soudain possédée plus intimement par la divine présence et, si je ne me trompe,

voici ce qui m’a été révélé :

« Ma fille, le motif en est simple. Il y a cinq espèces d’offenses et de blasphèmes proférés contre le Cœur Immaculé de Marie :

1) les blasphèmes contre l’Immaculée Conception,

2) les blasphèmes contre sa virginité,

3) les blasphèmes contre sa maternité divine, en refusant en même temps de la reconnaître comme Mère des hommes,

4) les blasphèmes de ceux qui cherchent publiquement à mettre dans le cœur des enfants l’indifférence ou le mépris, ou même

la haine à l’égard de cette Mère Immaculée,

5) les offenses de ceux qui l’outragent directement dans ses saintes images.

Voilà, ma fille, le motif pour lequel le Cœur Immaculé de Marie m’a inspiré de demander cette petite réparation, et, en consi-

dération de celle-ci, d’émouvoir ma miséricorde pour pardonner aux âmes qui ont eu le malheur de l’offenser. Quant à toi, cherche

sans cesse, par tes prières et tes sacrifices, à émouvoir ma miséricorde à l’égard de ces pauvres âmes ».

5. Ceux qui ne pourront accomplir les conditions le samedi, ne peuvent-ils y satisfaire le dimanche ?

« La pratique de cette dévotion sera également acceptée le dimanche qui suit le premier samedi, quand mes prêtres, pour de

justes motifs, le permettront aux âmes ».

6. En relation avec la Russie, si je ne me trompe, le bon Dieu promet de mettre fin à la persécution en Russie, si le Saint-Père

daigne faire, et ordonne aux Évêques du monde catholique de faire également, un acte solennel et public de réparation et

de consécration de la Russie aux Saints Cœurs de Jésus et de Marie, et si sa Sainteté promet, moyennant la fin de cette

persécution, d’approuver et de recommander la pratique de la dévotion réparatrice indiquée ci-dessus.16

Au point 6, pour la consécration de la Russie, on retrouve exactement les mêmes conditions que celles énoncées dans la

lettre du 29 mai précédent. Le père Gonçalvès transmit la lettre à Monseigneur da Silva. Ce dernier ne réagissant pas, le père

prit alors l’initiative d’informer lui-même Pie XI.

Ainsi, en 1930, les conditions demandées par Notre-Dame, aussi bien pour la communion réparatrice des premiers samedis

du mois que pour la consécration de la Russie, sont parfaitement connues et sœur Lucie les a inlassablement répétées sans

aucune modification.

La date choisie par le Ciel pour demander la consécration de la Russie était particulièrement bien choisie. D’une part, la

commission d’enquête pour la reconnaissance des apparitions avait été créée par Mgr da Silva le 3 mai 1922 et Lucie avait été

interrogée le 8 juillet 1924. En juin 1929, la commission d’enquête qui allait rendre son rapport l’année suivante, était donc

parfaitement au courant des apparitions de Fatima et à même de comprendre l’importance des révélations de Tuy. D’autre part,

c’était l’époque où le terrible Joseph Staline prit définitivement le pouvoir en URSS. En particulier, il allait lancer la collecti-

visation des terres : en janvier 1930, il décréta la liquidation des Koulaks (paysans propriétaires de leurs terres) qui allait en-

traîner une déstructuration complète de l’économie rurale, entraînant une terrible famine en 1932-1933 qui fit des millions de

victimes. Il était donc urgent de consacrer la Russie pour éviter cette catastrophe.

ANALYSE DES DEMANDES DE NOTRE-DAME

Les demandes de Notre-Dame

Dans le secret confié le 13 juillet 1917, Notre-Dame exprime plusieurs demandes. Parlant de la guerre, elle commence par

dire : « Si l’on ne cesse d’offenser Dieu, sous le règne de Pie XI en commencera une autre pire », ce qui signifie implicitement

que la première chose à faire est de ne plus offenser Dieu.

Ensuite la Sainte Vierge dit : « Je viendrai demander la consécration de la Russie à mon Cœur Immaculé ET la communion

réparatrice des premiers samedis du mois. Si l’on écoute MES demandes, la Russie se convertira ». La Sainte Vierge ne dit

pas : « Si l’on écoute MA demande, … », mais bien : « Si l’on écoute MES demandes, … ». Il y a donc plusieurs demandes à

satisfaire.

Il est important de noter l’ordre des demandes. Dans le secret du 13 juillet 1917, la consécration de la Russie est nommée

avant la communion réparatrice des premiers samedis. Mais, c’est la communion réparatrice qui sera demandée en premier, au

cours de trois apparitions postérieures : à Pontevedra, les 10 décembre 1925 et 15 février 1926, puis à Tuy le 17 décembre

1927. Ce n’est que dans une quatrième apparition, à Tuy le 13 juin 1929 qu’elle demandera la consécration de la Russie.

Ce dernier ordre n’est nullement en contradiction avec celui du secret. Car après la vision de l’enfer, la Sainte Vierge

16 MCIL, p. 409 & 411. (TVF2, p. 166 à 169 & 333 à 335)

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commence par dire que Dieu veut établir la dévotion à son Cœur Immaculé, laquelle inclut la communion réparatrice : celle-

ci arrive donc bien en premier dans l’ordre des demandes, y compris dans le secret.

De plus, la demande de consécration de la Russie ne vient qu’après une circonstance conditionnelle : « Si l’on ne cesse

d’offenser Notre-Seigneur », ce qui sous-entend que si les hommes avaient cessé d’offenser Dieu, la deuxième guerre n’aurait

pas eu lieu et il n’aurait pas été nécessaire de consacrer la Russie pour l’empêcher, alors que la demande divine pour l’établis-

sement de la dévotion au Cœur Immaculé de Marie n’est assortie d’aucune condition.

Il y a donc un ordre : le Ciel demande en premier la dévotion au Cœur Immaculé de Marie, donc la communion réparatrice

des premiers samedis du mois, puis de ne plus offenser Notre-Seigneur, enfin la consécration de la Russie si on persiste à

offenser Notre-Seigneur. La consécration vient en quelque sorte en complément des demandes précédentes pour réparer un

supplément de faute due à la persistance dans les offenses à Notre-Seigneur.

Au passage, remarquons qu’aucun pape n’ayant ni approuvé, ni recommandé la communion réparatrice des premiers sa-

medis du mois, à lui seul, les consécrations faites jusqu’à présent ne répondent pas (ou tout au moins pas complètement) aux

demandes de Notre-Dame.

Pourquoi la Russie

Dans le secret du 13 juillet 1917, Notre-Dame a dit : « Si l’on écoute mes demandes, la Russie se convertira et l’on aura la

paix. Sinon elle répandra ses erreurs à travers le monde, provoquant des guerres et des persécutions contre l’Église. (…) À la

fin, mon Cœur Immaculé triomphera. Le Saint-Père me consacrera la Russie qui se convertira, et il sera accordé au monde

un certain temps de paix. » Il y a donc un lien entre la conversion de la Russie, la sauvegarde de la Chrétienté et le triomphe

du Cœur Immaculé de Marie, ce qui fait que la Russie a une place très particulière dans le plan divin.

Ce point avait déjà été observé avant les apparitions de Fatima. Par exemple, en 1867, Pie IX canonisa Josaphat Kountse-

vitch (1584-1623), archevêque de Polotsk (ou Polatsk) en Biélorussie, assassiné le 12 novembre 1623 pour avoir défendu toute

sa vie le rattachement des Orientaux à l’Église romaine. Saint Josaphat fût le premier saint de l’Église d’Ukraine. À cette

occasion, Dom Guéranger (1805 – 1875) rédigea une notice pour son Année liturgique17. Voici un extrait de cette notice écrite

une cinquantaine d’années avant les apparitions de Fatima :

La Russie catholique, c’est la fin de l’Islam et le triomphe définitif de la Croix sur le Bosphore, sans péril aucun pour l’Europe ;

c’est l’empire chrétien d’Orient relevé avec un éclat et une puissance qu’il n’eut jamais ; c’est l’Asie évangélisée, non plus seule-

ment par quelques prêtres pauvres et isolés, mais avec le concours d’une autorité plus forte que Charlemagne. C’est enfin la grande

famille slave réconciliée dans l’unité de foi et d’aspirations pour sa propre grandeur. Cette transformation sera le plus grand événe-

ment du siècle qui la verra s’accomplir, et changera la face du monde.

Voilà donc une raison pour laquelle Notre-Dame demanda la consécration de la Russie. Et Notre-Seigneur Lui-même con-

firma ce choix, suite à une demande de sœur Lucie. Le 18 mai 1936, elle écrivit au père Gonçalvès, son confesseur :

D’une manière intime, j’ai parlé à Notre-Seigneur de ce sujet, et, il y a peu de temps, je lui demandais pourquoi il ne convertissait

pas la Russie sans que sa Sainteté fasse cette consécration :

— Parce que je veux que toute mon Église reconnaisse cette consécration comme un triomphe du Cœur Immaculé de Marie,

pour ensuite étendre son culte et placer, à côté de la dévotion à mon Divin Cœur, la dévotion à ce Cœur Immaculé.

— Mais, mon Dieu, le Saint-Père ne me croira pas, si vous ne le mouvez vous-même par une inspiration spéciale.

— Le Saint-Père ! Priez beaucoup pour le Saint-Père. Il la fera, mais ce sera tard ! Cependant le Cœur Immaculé de Marie

sauvera la Russie, elle lui est confiée.18

Ainsi, d’après Notre-Seigneur Lui-même, la Russie est confiée au Cœur Immaculé de Marie.

Et toute sa vie, sœur Lucie rappela que Notre-Dame avait demandé la consécration de la Russie et uniquement de la Russie,

sans aucune adjonction.

En février 1946, au père Jongen, qui lui demandait : « Qu’a demandé Notre-Dame ? », elle répondit : « La consécration de

la Russie par le pape en union avec tous les évêques du monde entier. »

À cette époque, elle eut également un entretien avec un dominicain américain, le père McGlynn, au cours duquel il lui lut

un texte qui contenait la phrase : « Je demande la consécration du monde… ». Sœur Lucie l’arrêta en disant : « Non ! Pas le

monde ! La Russie ! La Russie ! Notre-Dame a demandé que le Saint-Père consacre la Russie à son Cœur Immaculé et qu’il

commande aux évêques, à tous les évêques, de le faire aussi en union avec lui au même moment. »

Enfin, le 14 mai 1982, au cours d’une conversation avec Mgr Hnilica, elle précisa que Dieu voulait « la consécration de la

Russie et uniquement de la Russie, sans aucune adjonction », car « la Russie est un immense territoire bien circonscrit, et sa

conversion se remarquera, apportant ainsi la preuve de ce qu’on peut obtenir par la consécration au Cœur Immaculé de

Marie ».19

La Russie a donc une place à part dans le plan du salut. C’est une volonté divine qu’il convient de respecter.

17 Elle se trouve à la date du 14 novembre, jour de la fête de saint Josaphat. 18 MCIL, p. 409 & 411. (TVF2, p. 166 à 169 & 333 à 335) 19 FSM, p. 345.

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Pourquoi le Cœur Immaculé de Marie

Dans la lettre au père Gonçalvès de 1936 que nous venons de citer, sœur Lucie révèle que Notre-Seigneur Lui-même

confirme que la consécration doit être faite au Cœur Immaculé de Marie.

Il est parfaitement légitime de parler de "consécration à la Sainte Vierge" et de nombreux saints et papes l’ont fait. Toutefois

le terme "consécration" ou "se consacrer" n’a pas exactement le même sens pour Dieu ou pour un saint : il est analogue. Seul

Dieu peut posséder totalement notre personne. On se donne à Marie pour qu’elle nous donne à Dieu. Ce point a été remarqua-

blement développé par saint Louis-Marie Grignion de Montfort dans son Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge.20 Par

exemple, au n° 115, il recommande de « commencer, continuer et finir toutes ses actions par elle, en elle, avec elle et pour elle

afin de les faire par Jésus-Christ, en Jésus-Christ, avec Jésus-Christ et pour Jésus-Christ notre dernière fin ». Et un peu plus

loin, au n° 120, il précise :

Marie étant la plus conforme à Jésus-Christ de toutes les créatures, il s’ensuit que, de toutes les dévotions, celle qui consacre et

conforme le plus une âme à Notre-Seigneur est la dévotion à la très Sainte Vierge, sa Sainte Mère, et que plus une âme sera

consacrée à Marie, plus elle le sera à Jésus-Christ. C’est pourquoi la parfaite consécration à Jésus-Christ n’est autre chose

qu’une parfaite et entière consécration de soi-même à la très Sainte Vierge, qui est la dévotion que j’enseigne.

Le but final de la consécration à Notre-Dame est donc d’aller à son Fils. C’est d’ailleurs exactement le sens de l’enseigne-

ment de Notre-Dame à Fatima lorsque, le 13 juin 1917, elle dit à la petite Lucie : « Mon Cœur Immaculé sera ton refuge et le

chemin qui te conduira jusqu’à Dieu. » Le Cœur Immaculé n’est pas le but : c’est le chemin qui mène à Dieu.

20 Voir aussi en annexe 2, la remarquable explication qu’en donne Mgr Claude Barthe.

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CHAPITRE 2

LES CONSÉCRATIONS FAITES PAR LES PAPES

Neuf actes ont été posés par les papes pour répondre à la demande de consécration de la Russie : trois par Pie XII, un par

Paul VI, quatre par Jean-Paul II et un par François. Les quatre autres papes n’en ont pas fait pour diverses raisons.

BENOÎT XV

Benoît XV (pape de 1914 à 1921) ne put pas faire grand-chose pour Fatima, car il mourut un peu plus de quatre ans après

les apparitions et n’eut donc pas connaissance de la demande de Notre-Dame. Il fit toutefois une chose importante : en 1918,

il rétablit l’évêché de Leiria qui avait été supprimé en 1881 par Léon XIII, et deux ans et demi plus tard il nomma à sa tête Mgr

da Silva.

Même s’il ne put rien faire, son pontificat est très lié à l’histoire de Fatima, car c’est sous celui-ci que commença à se vérifier

la stupéfiante prophétie sur la Russie : si on n’écoute pas les demandes de la Sainte Vierge, la Russie « répandra ses erreurs à

travers le monde, provoquant des guerres et des persécutions contre l’Église ».

En effet, dès la fin de 1917, Lénine appliqua à la lettre le programme du Manifeste du Parti Communiste et commença les

persécutions. Le 20 janvier 1918, il proclama la séparation de l’Église et de l’État. En juillet, il fit assassiner la famille impériale.

À partir de 1920, il dépénalisa l’avortement, l’homosexualité, facilita le divorce. Il établit un régime de terreur et de délation.

Il déclencha une famine terrible, car, suite aux incessantes réquisitions sur les récoltes, les agriculteurs furent découragés de

semer et moissonner. Ainsi, en 1922, le nombre de victimes s’élevait déjà à plus d’un million de personnes.

Malheureusement, au lieu de condamner le régime, le Vatican négocia pour apporter des vivres, ce qui constitua une re-

connaissance implicite du régime et contribua à son affermissement à une époque où le pouvoir de Lénine était encore loin

d’être solidement établi.

PIE XI

Pie XI (pape de 1921 à 1939) fut mis très tôt au courant des apparitions de Fatima et y fut très favorable. En effet, le 3 mai

1922, Monseigneur da Silva avait ouvert le procès canonique pour la reconnaissance officielle des apparitions. Et à l’issue

d’une enquête de huit ans, le 13 octobre 1930, il proclama l’authenticité des apparitions. Et Mgr da Silva confia au chanoine

Barthas qu’avant cette proclamation il avait « envoyé à SS Pie XI tout un dossier sur les événements de la Cova da Iria et

qu’après en avoir pris entièrement connaissance, le Saint-Père l’avait encouragé à publier son approbation ».21 Avant de

donner cette approbation, le souverain pontife avait tenu à lire tous les actes du procès canonique pour se rendre compte par

lui-même d’un événement si merveilleux.22

Fait étonnant : alors que la demande de consécration de la Russie n’était encore connue que de sœur Lucie et de son con-

fesseur, le 2 février 1930, Pie XI écrivit une lettre exprimant sa réprobation sur ce qui se passait en Russie et dans laquelle il

prévoyait de faire le 19 mars suivant, jour de la fête de saint Joseph, « un acte de réparation pour tous ces attentats sacrilèges

et inviter aussi à la réparation les fidèles de l’univers entier » commis en Russie et de célébrer « une messe d’expiation, de

propitiation et de réparation pour tant et de si criminelles offenses au divin Cœur de Jésus ».23 Et il invitait « tous ses frères de

l’épiscopat catholique » à s’unir à cette cérémonie. De plus, le 30 juin suivant, il décida que les prières après la messe prescrites

par Léon XIII seraient désormais dites pour la conversion de la Russie.24

En mai de la même année, Notre-Seigneur demanda à sœur Lucie de transmettre au pape la demande d’approbation de la

dévotion réparatrice. Elle en informa le père Gonçalvès.25 Celui-ci écrivit à Mgr da Silva qui lui répondit laconiquement « qu’il

connaissait déjà cette affaire et qu’il allait y penser ». Devant cette réponse décevante, le père Gonçalvès utilisa divers moyens

pour faire parvenir la demande directement au pape. Dans une lettre qu’elle écrira plus tard au pape Pie XII, sœur Lucie men-

tionnera cette intervention : « Quelques temps après [le 13 juin 1929], j’ai rendu compte de cela à mon confesseur qui a em-

ployé certains moyens de le faire parvenir à la connaissance de S. S. Pie XI ».26

Malheureusement, le pape ne fit rien. Alors que sa lettre du 2 février 1930 montre qu’il était parfaitement au courant de la

situation en Russie, Pie XI poursuivit la désastreuse politique de son prédécesseur. Il proposa même de reconnaître le régime

si la liberté religieuse était reconnue par le gouvernement (conférence de Gênes), ce qui scandalisa profondément les émigrés.

Et non seulement il ne fit rien, mais à compter de cette date il se montra très réservé à l’égard des apparitions et du message

de Fatima. Un document retrouvé à Rome et daté de 1931 indique : « On ne fera pas la consécration de la Russie parce qu’elle

21 Lettre du chanoine Barthas au père Alonso du 1er juin 1967. TVF2, p. 243. 22 Le prodige inouï de Fatima, par le père Castelbranco. Éditions Téqui, 1972, p. 130. 23 TVF2, p. 339 & 340. 24 Fatima, Merveille du XXe siècle, par le chanoine Barthas. Fatima-Éditions, 3 rue Constantine, Toulouse. 1957, p. 231-232. 25 Voir chapitre 1, p. 11 et suivantes. 26 TVF2, p. 335.

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déplaît à d’Herbigny et au gouvernement italien : il ne faut pas isoler la Russie dans le concert des nations ».27

En août 1931, s’étant trouvée fatiguée, sœur Lucie fut envoyée à Rianjo, pour se reposer. Notre-Seigneur lui apparut et lui

fit connaître son mécontentement de ce que la consécration de la Russie n’avait toujours pas été exécutée. Tout de suite, elle

en fit part à son confesseur qui lui demanda d’écrire à Monseigneur da Silva, ce qu’elle fit le 29 août :

Mon confesseur m’ordonne de faire part à votre Excellence de ce qui s’est passé, il y a peu de temps entre notre bon Dieu et

moi. Comme je demandais à Dieu la conversion de la Russie, de l’Espagne et du Portugal, il me sembla que sa divine majesté me

dit :

« Tu me consoles beaucoup en me demandant la conversion de ces pauvres nations. Demande-la aussi à ma Mère, en lui disant

souvent : Doux Cœur de Marie, soyez le salut de la Russie, de l’Espagne et du Portugal, de l’Europe et du monde entier. Et d’autres

fois : Par votre pure et Immaculée Conception, ô Marie, obtenez-moi la conversion de la Russie, de l’Espagne, du Portugal, de

l’Europe et du monde entier.

Fais savoir à mes ministres, étant donné qu’ils suivent l’exemple du Roi de France en retardant l’exécution de ma demande,

qu’ils le suivront dans le malheur. Jamais il ne sera trop tard pour recourir à Jésus et à Marie ».

L’année suivante, rédigeant à la demande de son confesseur un récit détaillé de l’apparition de Tuy du 13 juin 1929, elle

rappela ce que lui avait dit Notre-Seigneur en 1931 :

Plus tard, par le moyen d’une communication intime, Notre-Seigneur me dit en se plaignant : « Ils n’ont pas voulu écouter ma

demande... ! Comme le Roi de France, ils s’en repentiront et ils le feront, mais ce sera tard. La Russie aura déjà répandu ses

erreurs dans le monde, provoquant des guerres et des persécutions contre l’Église. Le Saint-Père aura beaucoup à souffrir. »28

Terrible révélation ! Les ministres de Dieu, pour ne pas avoir voulu obéir, suivront le roi de France dans son malheur ! Ainsi

pour la troisième fois en deux ans (juin 1929, mai 1930, août 1931), le Ciel demandait avec insistance la consécration de la

Russie. À partir de ce moment, sœur Lucie ne cessera de répéter que le Ciel voulait cette consécration et quelles étaient les

conditions pour la faire.

À compter du refus de Pie XI de consacrer la Russie, il y eut une série de faits qui auraient dû ouvrir les yeux du pape. En

plusieurs endroits de l’Europe, de graves troubles se déclenchèrent.

En Espagne, la victoire des républicains aux élections municipales le 12 avril 1931 entraîna l’abdication d’Alphonse XIII

et la proclamation de la république. Très rapidement, il y eut des troubles dans tout le pays. En février 1936, ce fut la victoire

du Frente Popular financé par la Russie, puis la guerre civile, laquelle entraîna une féroce persécution contre l’Église.

En Allemagne, la situation devenait préoccupante. En effet, Hitler qui réorganisait le parti nazi depuis deux ans, obtint 107

députés au Reichstag aux élections de 1930, et fut nommé chancelier le 30 janvier 1933. Deux ans plus tard, il rompit le traité

de Versailles et commença à réarmer l’Allemagne. La marche vers la seconde guerre mondiale, annoncée par la Sainte Vierge,

devenait de plus en plus inéluctable.

Parallèlement, Staline, au pouvoir depuis 1929, formula définitivement la doctrine du marxisme-léninisme et la mit en

pratique. Ainsi, il entreprit une extermination systématique de la paysannerie : des millions de paysans furent assassinés entre

1931 et 1933. Ce fut une des persécutions les plus importantes de l’histoire. Malgré cela, il n’y eut aucune condamnation du

régime de la part du Vatican qui continua à négocier et envoyer des vivres !

De l’autre côté de l’Atlantique, le Mexique tombait aux mains des communistes. Mais, au lieu de soutenir les Cristeros, le

Vatican les abandonna.

Pendant ce temps, sœur Lucie insista auprès de ses supérieurs pour que le pape fît cette consécration. Plusieurs fois, elle

rappela les paroles terribles de Notre-Seigneur à Rianjo. Dans une lettre du 21 janvier 1935, elle informa le père Gonçalvès

que le Ciel demandait à nouveau la consécration de la Russie

Quant à la Russie, il me semble que vous plairez beaucoup à Notre-Seigneur en travaillant pour que le Saint-Père réalise ses

desseins. Il y a environ trois ans29, Notre-Seigneur était assez mécontent parce que sa demande ne se réalisait pas. Dans une lettre,

je l’ai fait savoir à Monseigneur l’évêque. Jusqu’à présent, Notre-Seigneur ne m’a rien demandé de plus, sinon des prières et des

sacrifices.

Parlant avec Lui, il me semble qu’il est disposé à user de miséricorde envers la pauvre Russie, comme il l’a promis il y a cinq

ans, et qu’il désire beaucoup la sauver. (…)

Maintenant je réponds aux questions de votre Révérence.

Premièrement, si je trouve bon que vous insistiez auprès de Monseigneur l’évêque ? Oui, je le trouve bon, et il me semble que

cela sera très agréable à Notre-Seigneur.

Deuxièmement, s’il faut modifier quelque chose ? Je pense que tout doit se faire exactement comme Notre-Seigneur l’a de-

mandé.30

27 FSM, p. 234. Au début de son pontificat, Pie XI avait nommé le père d’Herbigny president de l’Institut pontifical oriental, en remplacement de dom

Schuster, jugé trop anticommuniste. 28 TVF2, p. 344-345. Déjà cité page 11 29 Donc vers 1931, c’est-à-dire l’année de l’apparition de Rianjo. 30 MCIL, p. 413. (TVF2, p. 344 & 394)

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La demande de consécration du monde de Notre-Seigneur

Peu après, le 30 juillet 1935, la consécration n’étant toujours pas faite, à Balazar, petite ville située à une quarantaine de

kilomètres au nord de Porto, Notre-Seigneur apparut à Alexandrina da Costa, une mystique portugaise,31 et promit d’abréger

les tribulations si le pape consacrait le monde (et non plus la Russie) au Cœur Immaculé de Marie : « Comme j’ai demandé à

Marguerite-Marie la dévotion à mon divin Cœur, de même je te demande à toi que le monde soit consacré au Cœur de ma

Très Sainte Mère avec une fête solennelle en son honneur. »

Il faut bien comprendre qu’il y a deux demandes distinctes formulées par le Ciel : une première en 1929 et 1930 par Notre-

Dame ; puis, le pape n’ayant pas réagi, une deuxième par Notre-Seigneur. Les conditions associées à ces deux consécrations

sont différentes : à Alexandrina, Notre-Seigneur demanda une consécration du monde par le pape ; à Lucie, Notre-Dame de-

manda une consécration de la Russie par le pape uni à tous les évêques. Voici les caractéristiques comparées de ces deux

consécrations :

Demande

faite par Notre-Dame Notre-Seigneur

Date Le 13 juillet 1917, puis le 13 juin

1929 et en mai 1930 Le 30 juillet 1935

À qui À Lucie dos Santos À Alexandrina da Costa

Où À Fatima (Portugal),

puis à Tuy (Espagne) À Balazar (Portugal)

Conditions

Consécration par le pape Consécration par le pape

En union avec les évêques du

monde entier /

De la Russie Du monde

Au Cœur Immaculé de Marie Au Cœur Immaculé de Marie

Avec une journée de réparation /

Et la reconnaissance de la dévotion

des premiers samedis du mois /

Promesses La paix dans le monde et

la fin des erreurs de la Russie L’écourtement de la guerre

Ce n’est donc qu’après avoir insisté plusieurs fois pour avoir la consécration de la Russie et en voyant que rien n’était fait

et s’en étant amèrement plaint, notamment en août 1931, que Notre-Seigneur a alors proposé une consécration plus facile à

réaliser, mais qui n’aura pour fruit que l’arrêt de la guerre et non plus la conversion de la Russie.

Le 11 septembre 1936, le directeur spirituel d’Alexandrina, le père Pinho s. j., écrivit à Pie XI en passant par son secrétaire

d’État, qui était à l’époque le cardinal Pacelli, futur pape Pie XII, pour l’informer de la demande de Notre-Seigneur. L’année

suivante, la Secrétairerie d’État demanda un complément d’information. Le père Pinho remit alors une note à l’archevêque de

Braga qui commandita une enquête dont le résultat fut positif.

En mars de l’année suivante, Mgr da Silva se décida enfin à écrire au Pape :

Cette religieuse me prie de communiquer à votre Sainteté, que, selon une révélation céleste, le bon Dieu promet de mettre fin à

la persécution en Russie, si votre Sainteté daigne faire et ordonner à tous les évêques du monde catholique de faire également,

un acte public et solennel de réparation et de consécration de la Russie aux Très Saints Cœurs de Jésus et de Marie, et s’il

daigne aussi approuver et recommander la pratique de la dévotion réparatrice.

Cette lettre expose très exactement la demande de Notre-Dame. Le Vatican en accusa réception en avril. Le moment ne

pouvait être mieux choisi, car le pape venait de publier l’encyclique Divini redemptoris (19 mars 1937) dans laquelle il con-

damnait enfin le communisme comme « une idée messianique fausse » et un « mysticisme trompeur », allant jusqu’à dire :

« Le communisme est intrinsèquement pervers et il ne faut collaborer en rien avec lui quand on veut sauver de la destruction

la civilisation chrétienne et l’ordre social ». Il montra qu’il connaissait très bien les horreurs perpétrées par les communistes,

n’hésitant pas à parler « du triangle rouge de la terreur et du sang » pour désigner la Russie, le Mexique et l’Espagne. Mal-

heureusement, bien que parfaitement au courant de la situation en Russie et de la demande de Notre-Dame par les démarches

du père Gonçalvès et de Mgr da Silva, Pie XI ne réagit pas et ne porta aucune condamnation ni contre la Russie, ni contre le

communisme.

Dans la nuit du 25 au 26 janvier 1938 eut lieu le signe dans le Ciel annonçant la seconde guerre mondiale. Malheureusement,

le secret n’ayant pas encore été diffusé, Pie XI ne put pas faire le lien avec la demande de consécration.

Peu après, les évêques portugais suivirent une retraite prêchée par le père Pinho qui leur suggéra d’adresser une lettre au

Saint-Père pour demander la consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie, ce qu’ils firent. Malheureusement, Pie XI

ne fit rien, bien que les événements très concrets qui se déroulaient parallèlement témoignaient de la véracité des demandes

31 Un procès pour sa béatification fut ouvert à Braga le 14 janvier 1967 et rendit le 14 avril 1973 une conclusion positive.

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transmises. Ce pape, qui fit de si belles encycliques sur le règne social du Christ-Roi, contre le communisme et le nazisme,

démontrant par là qu’il avait une parfaite connaissance de la partie qui se jouait entre les forces du bien et du mal, ne consacra

pas la Russie et n’approuva pas la dévotion réparatrice des premiers samedis du mois. En conséquence, la deuxième guerre

mondiale éclata et le communisme continua à se répandre dans le monde.

PIE XII

Pie XII fut tout d’abord très favorable à Fatima. Par exemple, en 1950, il confia au père général des dominicains : « Dites

à vos religieux que la pensée du pape est contenue dans le message de Fatima ».

Juste après son élection, en mars 1939, Notre-Seigneur demanda à sœur Lucie d’intervenir auprès du pape. Trois mois plus

tard, le 20 juin 1939, elle écrivit au père Aparicio :

Notre-Dame a promis de remettre à plus tard le fléau de la guerre si cette dévotion était propagée et pratiquée. Nous la voyons

repousser ce châtiment dans la mesure où l’on fait des efforts pour la propager. Mais je crains que nous ne puissions faire davantage

que ce que nous faisons, et que Dieu, mécontent, lève le bras de sa miséricorde et laisse le monde être ravagé par ce châtiment qui

sera comme il n’y en a jamais eu, horrible, horrible.32

Dans une lettre datée du 19 mars 1940, elle confia au père Gonçalvès :

Dans une autre communication vers mars 1939, Notre-Seigneur m’a dit : « Demande, insiste de nouveau pour qu’on divulgue

la communion réparatrice des premiers samedis en l’honneur du Cœur Immaculé de Marie. Le moment approche où les rigueurs

de ma justice vont punir les crimes de plusieurs nations. Quelques-unes seront anéanties. À la fin, les rigueurs de ma justice tom-

beront plus sévèrement sur ceux qui veulent détruire mon règne dans les âmes. »

Dans ces deux lettres, il n’est pas question de la consécration de la Russie. Toutefois la reconnaissance de la communion

réparatrice est une condition de cette consécration. Dans une lettre au père Aparicio datée du 19 mars 1939, sœur Lucie avait

marqué l’association existant entre la consécration de la Russie et la dévotion au Cœur Immaculé de Marie, car lui disait-elle :

« De la pratique de cette dévotion, unie à la consécration de la Russie au Cœur Immaculé de Marie, dépendent pour le

monde la paix ou la guerre. »

Malheureusement, rien ne fut fait. Le 1er septembre, Hitler envahissait la Pologne, ce qui entraîna des persécutions inouïes

au cours desquelles 2 900 prêtres périrent, soit un tiers du clergé. Deux jours plus tard, l’Angleterre et la France déclaraient la

guerre à l’Allemagne. Monseigneur da Silva se décida alors à intervenir. Dès qu’elle l’apprit, sœur Lucie lui écrivit (lettre du

8 septembre 1939) :

Je me réjouis que Votre Excellence me promette de parler maintenant de la communion réparatrice des premiers samedis. C’est

par ce moyen que le Cœur Immaculé de Marie nous délivrera de certains maux qui nous attendent. J’ai tant de peine que le Saint-

Père n’ait pas fait la consécration de la Russie ! Patience maintenant. Ô mon Dieu ! Patience ! 33

Le 13 septembre 1939, à Fatima, au cours de son homélie, l’évêque de Leiria rendit publiques les demandes de la Sainte

Vierge sur la dévotion des premiers samedis du mois. Malheureusement, elles n’étaient pas exposées avec exactitude et la

forme employée par Monseigneur da Silva était plus une incitation qu’une approbation épiscopale officielle.34

De son côté, Lucie continua à transmettre les demandes du Ciel et décida le père Gonçalvès à écrire au pape pour demander

la consécration de la Russie, ce qu’il fit en avril de l’année suivante, espérant que le pape ferait la consécration en mai. Pie XII

fut ainsi informé une première fois des demandes de Notre-Dame.

Le 15 juillet 1940, sœur Lucie exprima sa reconnaissance à son confesseur :

Quant à la consécration de la Russie, elle ne s’est pas faite au mois de mai comme votre Révérence l’espérait. Elle doit se faire,

mais pas tout de suite. Dieu l’a ainsi permis maintenant afin de punir le monde de ses crimes. Nous l’avons bien mérité. Ensuite, Il

écoutera nos pauvres prières.

Cependant, j’ai une peine immense de ce que cela ne soit pas fait. Pendant ce temps, tant d’âmes vont se perdre ! C’est Dieu,

pourtant, qui permet tout cela. Mais, en même temps, Il montre une si grande peine de ne pas être écouté.

Si je ne me trompe, Il a toujours la même disposition d’accorder la grâce promise. Ah, si l’on pouvait satisfaire ses désirs ! Je

ne cesse de prier et de me sacrifier à cette intention, et je vous remercie infiniment de vos prières et de vos sacrifices dans ce même

but. Vous donnerez ainsi satisfaction au Cœur de notre si chère Mère du Ciel, qui ne manquera pas de vous en récompenser.35

En juin, l’évêque de Macau fit aussi une démarche dans ce sens, puis peu après, ce fut au tour du père da Fonseca d’inter-

venir.36

32 Cartas da Irmã Lúcia, par le père Antonio Maria Martins, s. j., Livraria da apostolado da imprensa, Porto, 1979, p. 88. (TVF2, p. 435) Sœur Lucie a elle-

même souligné les deux derniers mots. 33 FSM, p. 245. 34 La consécration de la Russie aux Très Saints Cœurs de Jésus et de Marie, par l’abbé Caillon. Éditions Téqui, 1983, p.11 & 12. 35 MCIL, p. 423 & 425. (TVF2, p. 460) 36 Lettre de sœur Lucie du 24 octobre 1940, citée juste après.

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Lettre au pape Pie XII

Quelques mois plus tard, en octobre 1940, voyant que rien n’avait été fait et que la menace allemande se faisant de plus en

plus précise, le père Gonçalvès et Monseigneur Manuel Ferreira da Silva, l’évêque de Gurza, qui connaissait personnellement

Pie XII, incitèrent sœur Lucie à faire elle-même une démarche auprès du pape. Ils lui demandaient notamment de révéler le

secret ainsi que les apparitions de Tuy et Pontevedra. Et ils proposaient de demander au pape de faire une consécration du

monde avec mention spéciale de la Russie. Cette demande mit sœur Lucie dans l’embarras, comme elle l’expliqua au père

Gonçalvès :

J’ai reçu votre lettre à laquelle était jointe celle de Monseigneur de Gurza. Son ordre m’a un peu effrayée. Qui suis-je, me suis-

je demandée, pour écrire au Saint-Père ? Mais j’ai laissé toutes les raisons à notre bon Dieu qui me l’ordonnait par l’intermédiaire

de ses ministres. Connaissant ma véritable incapacité, j’ai essayé d’obéir dans les termes et dans la forme qui m’étaient indiqués,

sans préoccupation.37

Le 22 octobre, sœur Lucie eut une communication du Ciel dont elle nota les éléments suivants que le père Gonçalvès

recopia un peu plus tard :

22. X. 1940. J’ai reçu une lettre du R. P. José Bernardo Gonçalvès et de l’évêque de Gurza m’ordonnant d’écrire à sa Sainteté...

Dans ce but, j’ai passé deux heures devant Notre-Seigneur exposé : « Prie pour le Saint-Père, sacrifie-toi pour que son cœur ne

succombe pas sous l’amertume qui l’oppresse. La tribulation continuera et augmentera. Je punirai les nations de leurs crimes par

la guerre, par la famine et par la persécution contre mon Église qui pèsera spécialement sur mon Vicaire sur la terre. Sa Sainteté

obtiendra que ces jours de tribulation soient abrégés s’il obéit à mes désirs en faisant l’acte de consécration au Cœur Immaculé

de Marie du monde entier avec une mention spéciale de la Russie. »37

Ainsi Notre-Seigneur fit à sœur Lucie exactement la même demande que celle qu’Il avait présenté à Alexandrina cinq ans

auparavant : devant les hésitations de la hiérarchie pour exécuter les demandes de Notre-Dame, Notre-Seigneur dans sa bonté

acceptait un acte plus facile : une consécration du monde avec mention spéciale de la Russie. Mais cet acte limité ne pouvait

avoir qu’un effet limité : Notre-Seigneur promettait non plus la conversion de la Russie mais simplement l’abrègement de la

guerre.

Le 24 octobre 1940, deux jours après cette communication, sœur Lucie rédigea une lettre pour le pape Pie XII, dans laquelle

elle révèle les demandes de Notre-Dame sur la consécration de la Russie et la communion réparatrice au cours des apparitions

du 13 juillet 1917 à Fatima, de Tuy en 1925 et de Pontevedra en 1929.

Voici la version originale de cette lettre qu’il est important de lire en entier afin de bien voir de quelle façon sœur Lucie

souhaitait présenter les choses au pape.

Très Saint-Père,

Je n’ai jamais pensé écrire à votre Sainteté, connaissant mon incapacité et mon insuffisance. Mais, puisque maintenant les

personnes qui me parlent au nom de notre bon Dieu, parmi lesquelles se trouve son Excellence Révérendissime Monseigneur

l’évêque de Gurza que votre Sainteté connaît personnellement, me disent que c’est la volonté divine... Dans un acte d’humble

soumission, et sous la forme qui m’est indiquée, j’écris donc avec confiance et simplicité comme si je parlais à mon bon Père, ou

mieux encore, à notre bon Dieu. Et comme votre Sainteté le représente si directement, j’espère que vous daignerez excuser les

fautes dues à mon incapacité.

Très Saint-Père, je viens renouveler une demande qui a déjà été plusieurs fois présentée à votre Sainteté, et, auparavant à Sa

Sainteté Pie XI et accueillie avec bienveillance. La demande, Très Saint-Père, ne vient pas de moi. Elle vient de notre bonne Mère

du Ciel et de Notre-Seigneur.

En 1917, à Fatima, dans la partie des manifestations que nous avons appelé le secret, la Très Sainte Vierge a daigné révéler la

fin de la guerre qui affligeait alors l’Europe, et annoncer une autre future qui commencerait sous le règne de Pie XI. Pour l’empê-

cher, elle a dit : « Je viendrai demander la consécration de la Russie à mon Cœur Immaculé et la communion réparatrice des

premiers samedis. Si l’on écoute mes demandes, la Russie se convertira et l’on aura la paix. Sinon, elle répandra ses erreurs dans

le monde, provoquant des guerres et des persécutions contre l’Église. Les bons seront martyrisés. Le Saint-Père aura beaucoup à

souffrir. Plusieurs nations seront anéanties. À la fin, mon Cœur Immaculé triomphera. Le Saint-Père me consacrera la Russie, qui

se convertira et il sera donné au monde un certain temps de paix ».

Très Saint-Père, jusqu’en 1926, tout cela demeura dans le secret, selon la volonté expresse de notre bonne Mère du Ciel. Alors,

au cours d’une révélation, Elle a demandé que l’on propage dans le monde la communion réparatrice des premiers samedis, cinq

mois de suite, en faisant, dans le même but, une confession, un quart d’heure de méditation sur les mystères du Rosaire et en récitant

un chapelet, dans le but de réparer les outrages, sacrilèges et indifférences commis contre son Cœur Immaculé. Aux personnes qui

pratiqueront cette dévotion, notre bonne Mère du Ciel promet de les assister à l’heure de la mort avec toutes les grâces nécessaires

pour se sauver.

J’ai rendu compte de cela à mon confesseur, qui a fait quelques efforts pour que se réalisent les désirs du Cœur Immaculé de

Marie. Mais ce fut seulement le 13 septembre 1939 que son Excellence Révérendissime Monseigneur l’Évêque de Leiria a daigné,

à Fatima, rendre publique cette demande de Notre-Dame.

Je profite de cette occasion, Très Saint-Père, pour demander à votre Sainteté de daigner rendre publique et bénir cette dévotion

pour le monde entier.

37 MCIL, p. 429. (TVF2, p. 464)

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En 1929, Notre-Dame, par le moyen d’une autre apparition, m’a dit : « Le moment est venu où Dieu demande au Saint-Père de

faire, en union avec tous les évêques du monde, la consécration de la Russie à mon Cœur Immaculé, et il promet de la sauver par

ce moyen ».

Quelque temps après, j’ai rendu compte de cela à mon confesseur, qui a pris les moyens de le faire parvenir à la connaissance

de Sa Sainteté Pie XI, et, dernièrement, à la connaissance de votre Sainteté, par le moyen de son Excellence Monseigneur l’Évêque

de Macau, en juin de cette année 1940. Et, peu après, je crois que le R. P. Gonzaga da Fonseca a bien voulu renouveler cette

demande auprès de votre Sainteté, qui a daigné accueillir cette demande avec toute sa bienveillance.

Très Saint-Père, notre bon Dieu, au cours de plusieurs communications intimes, n’a cessé d’insister sur cette demande, et il a

promis dernièrement que si votre Sainteté daignait consacrer le monde au Cœur Immaculé de Marie, avec une mention

spéciale de la Russie, il abrégerait les jours de tribulation par lesquels il a décidé de punir le monde de ses crimes, au moyen de la

guerre, de la famine et de la persécution contre l’Église et contre votre Sainteté.

Notre bon Dieu semble se montrer quelquefois si affligé de la perte d’un si grand nombre d’âmes, des persécutions dont votre

Sainteté est l’objet, que, ressentant en partie l’amertume de son divin Cœur, je n’ai pu m’empêcher de le faire connaître dans

plusieurs lettres particulières à Son Excellence Révérendissime, Monseigneur l’Évêque de Leiria.

Très Saint-Père, si dans l’union de mon âme avec Dieu je ne suis pas trompée par quelque illusion, Notre-Seigneur, eu égard à

la consécration que les Excellentissimes prélats ont faite au Cœur Immaculé de Marie, promet une protection spéciale à notre petite

nation et que cette protection sera la preuve des grâces qu’Il accorderait à d’autres nations si, comme elle, elles Lui étaient consa-

crées.

Il me semble, Très Saint-Père, que je ne me trompe pas, car Dieu se fait sentir si réellement dans mon âme, qu’il m’est impos-

sible de douter.

Je pense, Très Saint-Père, avoir dit tout ce qui est nécessaire pour que votre Sainteté connaisse les désirs de notre bon Dieu et

du Cœur Immaculé de Marie.

Maintenant, Très Saint-Père, permettez-moi de faire encore une demande. C’est là seulement un désir ardent de mon pauvre

cœur : que la fête en l’honneur du Cœur Immaculé de Marie soit étendue au monde entier comme l’une des principales fêtes de la

Sainte Église.

Ces demandes, Très Saint-Père, ne valent rien, comme venant de moi, mais comme expression de la divine Volonté, j’espère

qu’elles trouveront de la part de votre Sainteté un favorable et prompt accueil.

Dans mes pauvres oraisons, je ne manque jamais de prier pour votre Sainteté. Humblement prosternée aux pieds de votre

Sainteté, j’implore la bénédiction apostolique. Avec le plus grand respect je baise, avec humilité et révérence, les pieds de Votre

Sainteté.

La dernière fille de la sainte Église,

Maria Lucia de Jésus, religieuse de Sainte Dorothée

Tuy, Espagne, 24 octobre 1940.38

Ainsi, pour la première fois, sœur Lucie cite littéralement une phrase du secret du 13 juillet 1917.39 Cette lettre est remar-

quable à plusieurs points de vue :

˗ elle résume très bien les différentes interventions faites jusque-là auprès des papes Pie XI et Pie XII ;

˗ elle donne très fidèlement tous les détails de la dévotion des cinq premiers samedis du mois, tels qu’ils ont été donnés

par Notre-Dame à Pontevedra le 10 décembre 1925 ;

˗ elle cite les paroles de la Sainte Vierge du 13 juillet 1917 à Fatima et du 16 juin 1929 à Tuy au sujet de la consécration

de la Russie et qui concernent directement le pape ;

˗ enfin, elle donne une preuve actuelle de l’efficacité apportée par la consécration au Cœur Immaculé de Marie : la pro-

tection dont jouissait alors le Portugal et qui se poursuivra durant toute la guerre.

De plus, dans cette lettre, sœur Lucie propose deux choses différentes.

˗ En premier, elle expose la demande de la Sainte Vierge : la consécration de la Russie pour obtenir sa conversion et

mettre fin à la divulgation des erreurs.

˗ Puis elle ajoute que "dernièrement" Notre-Seigneur a demandé une chose plus facile : la consécration du monde au

Cœur Immaculé de Marie avec mention spéciale de la Russie, mais qui n’aura pour fruit que l’arrêt de la guerre et non

plus la conversion de la Russie.

Il ne faut donc pas confondre les deux demandes de consécration. Elles sont bien évidemment liées, mais la deuxième

n’annule en aucune façon la première. Pour le père Alonso en effet, la révélation que sœur Lucie reçut de Notre-Seigneur le 22

octobre 1940 : « n’a pas de rapport direct avec le message de Fatima. (…) C’est le Seigneur qui parle et non pas la Vierge. Il

exprime un désir et non pas une exigence. (…) L’objet de la promesse est, non la conversion de la Russie, mais l’écourtement

de la guerre ».40

Le père Joseph de Sainte-Marie est exactement du même avis et affirme « qu’il s’agit en fait de deux demandes nettement

distinctes, et que celle qui est propre à la mission de sœur Lucie est la demande de la consécration de la Russie ». Et il précise :

« Dans la communication d’octobre 1942, c’était le Christ qui avait parlé, non la Vierge. En outre, Il avait manifesté un

"désir", non une volonté. (…) Si une convergence réelle entre les deux messages avait eu lieu en 1940-1942, ceux-ci n’en

38 MCIL, 431 & 433. (TVF2, p. 468 à 472) 39 Ce n’est qu’en décembre 1941 qu’elle écrira le troisième mémoire dans lequel se trouve l’intégralité des deux premiers points du secret. 40 FJIEM, p. 234 note 4.

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restaient pas moins substantiellement différents ».41

Les demandes de consécration ont donc été faites de la façon suivante. En premier lieu, Notre-Dame demande à sœur Lucie

en 1929, 1930 et 1931 la consécration de la Russie. La demande parviendra au pape Pie XI par l’intermédiaire du père Gon-

çalvès, puis de Monseigneur da Silva, mais rien ne sera fait. Notre-Seigneur demande alors à Alexandrina en 1935 une consé-

cration plus simple : la consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie. La demande parviendra également au pape par

l’intermédiaire des évêques portugais ; mais Pie XI ne fera toujours rien. À partir de ce moment, deux promesses ayant été

faites par le Ciel, l’une par Notre-Dame, l’autre par Notre-Seigneur, il était parfaitement logique que le Ciel rappelle ces deux

demandes au pape Pie XII par l’intermédiaire de sœur Lucie.

Sœur Lucie envoya la lettre à sa supérieure provinciale pour qu’elle la remette à Monseigneur da Silva afin que lui-même

la remette à Monseigneur Ferreira. Sœur Lucie regrettait le délai occasionné par cette procédure, mais, dira-t-elle à son confes-

seur : « Notre-Seigneur préfèrera que cet acte soit approuvé par mes supérieurs immédiats ».42

Hélas ! L’évêque de Leiria demanda à sœur Lucie d’apporter à sa lettre plusieurs corrections, toutes malheureuses. En

particulier, il fit supprimer les parties où sœur Lucie parlait de la consécration de la Russie telle que demandée par la Sainte

Vierge, ainsi que la mention concernant l’union des évêques du monde entier. Peut-être l’évêque de Leiria ne fit-il pas la

différence à l’époque entre la demande de Notre-Dame et celle de Notre-Seigneur, ou voulut-il simplifier la demande adressée

au Saint-Père en pensant que la consécration du monde englobait nécessairement la consécration de la Russie.

Mais surtout, l’évêque de Leiria fit également supprimer les deux passages citant les paroles exactes de la Sainte Vierge,

les transformant en périphrases et donnant ainsi l’impression de phrases écrites par sœur Lucie, ce qui amoindrissait considé-

rablement leur portée.43

Ainsi, Pie XII ne reçut qu’une lettre corrigée, datée du 2 décembre 1940, dans laquelle seule restait mentionnée la con-

sécration du monde avec mention spéciale de la Russie, demande identique à celle dont il avait eu connaissance trois ans

plus tôt, alors qu’il n’était encore que secrétaire d’État, par la lettre collective que les évêques portugais lui avaient envoyée sur

le conseil du père Pinho.

La consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie

Au cours de l’été 1941, Mgr da Silva demanda à sœur Lucie de noter ce dont elle se souvenait sur Jacinthe et qu’elle n’aurait

pas encore révélé. Le 26 juillet 1941, lorsqu’elle reçut la lettre de Monseigneur da Silva, elle reçut du Ciel l’inspiration de

révéler une partie du secret. Le 31 août 1941, sœur Lucie envoya un mémoire (le troisième) à Mgr da Silva, dans lequel elle

révèle les deux premiers points du secret, ne gardant caché que le troisième.

Dans le paragraphe introductif, il est intéressant de noter qu’elle dit que la lettre envoyée à Pie XII l’année d’avant a été

abrégée et qu’elle attend une occasion favorable pour lui confier ce qu’elle n’a pu lui dire. Par délicatesse, elle ne dit pas que

c’est à la demande de Mgr da Silva que la lettre a été abrégée.

Qu’est-ce que le secret ?

Il me semble que je peux maintenant le révéler, car j’en ai déjà reçu la permission du Ciel. Les représentants de Dieu sur la terre

m’en ont déjà donné plusieurs fois l’autorisation, dans plusieurs lettres. Je crois que Votre Sainteté a conservé l’une d’elles, celle

du Père José Bernardo Gonçalvès, où il me dit d’écrire au Saint-Père. Un des points qu’il indique est la révélation du secret. J’en ai

dit quelque chose dans la lettre adressée au Saint-Père. Mais pour ne pas allonger cette lettre, qui devait être brève, je me suis

limitée à l’indispensable, en laissant à Dieu de me fournir l’occasion d’un moment plus favorable pour dire le reste.

Après avoir pris connaissance du mémoire de sœur Lucie et mesurant l’importance de ces révélations, Mgr da Silva lui

demanda une relation complète des apparitions. En décembre 1941, sœur Lucie lui envoya donc un quatrième mémoire, dans

lequel le secret est à nouveau révélé, exactement comme dans le troisième mémoire à deux ou trois mots près.

Ainsi, entre octobre 1940 et décembre 1941, par trois fois, Monseigneur da Silva reçut le texte exact des deux demandes

de la Sainte Vierge concernant la consécration de la Russie et la communion réparatrice. Mais ni lui, ni le Vatican ne bougèrent.

La guerre sévissait depuis deux ans lorsque, en mars 1942, sœur Lucie eut l’inspiration de faire une nouvelle tentative

auprès du Saint-Père. Elle demanda conseil à Monseigneur Ferreira qui, malheureusement, le lui déconseilla.

Durant cette nuit du 5 mars 1942, Notre-Seigneur a semblé me faire sentir plus vivement qu’Il refusait d’accorder la paix, à

cause des crimes qui continuent à provoquer sa justice, et aussi parce qu’Il n’est pas obéi dans ses demandes, spécialement pour la

consécration au Cœur Immaculé de Marie, bien qu’il ait mû le cœur de Sa Sainteté à l’accomplir.

De là m’est venue la pensée de renouveler ma demande. Mais, selon l’avis de votre Excellence révérendissime, je trouve bon

de me taire.44

Pourtant, en cette année jubilaire des apparitions de 1917, le peuple portugais espérait beaucoup que le Saint-Père ferait

41 Réflexions sur un acte de consécration du père Joseph de Sainte-Marie, ocd, Marianum XLIV, 1982, p. 115. Texte consultable sur le site Fatima.org, à

l’adresse : www.worldenslavementorpeace.com/french/f15cp1.asp. 42 FJIEM, p. 234. 43 Dans TVF2, p. 469 à 472, le frère Michel compare les deux lettres et montre combien la lettre envoyée à Pie XII a été considérablement amputée par

rapport à la lettre initiale. 44 FSM, p. 251 citant le père Martins, Fatima e o Coraçao de Maria

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quelque chose. Les évêques portugais tentèrent une nouvelle supplique que sœur Lucie mentionne dans une lettre au père

Gonçalvès datée du 6 septembre 1942.

En ce qui concerne la consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie, Monseigneur l’évêque de Gurza m’a écrit plusieurs

fois. Son Excellence a de grands désirs et de grandes espérances. Au cours de leur dernière retraite, Nos Seigneurs les évêques

convinrent d’envoyer à Rome une nouvelle supplique, et de faire en sorte que cette supplique soit faite aussi par les évêques d’autres

nations. [En attendant], le temps passe et le pauvre monde est en train de payer à la justice divine le tribut de ses crimes.45

À cette époque parut la troisième édition du livre A Jacinta du chanoine Galamba, laquelle contenait d’importants extraits

des troisième et quatrième mémoires de sœur Lucie, et notamment le texte exact du secret. La publication de ce livre aurait dû

permettre à Pie XII de connaître la teneur précise des demandes de Notre-Dame. Jusque-là, il avait uniquement eu connaissance

de la demande d’une consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie par trois canaux différents :

˗ la lettre du 11 septembre 1936 du père Pinho, le directeur spirituel d’Alexandrina da Costa,

˗ la lettre collective des évêques portugais de 1938,

˗ la lettre de sœur Lucie de 1940 modifiée par Monseigneur da Silva et qui ne mentionnait que la consécration du monde.

Sans la connaissance des révélations qu’avait eues sœur Lucie à Tuy et de sa lettre originale du 24 octobre 1940, il était

pratiquement impossible au Saint-Père de savoir qu’il y avait deux demandes et que celle de Notre-Dame nécessitait l’union

des évêques du monde entier. Malheureusement, à cette époque également, plusieurs ouvrages parurent avec une version

inexacte du secret, en particulier les ouvrages des pères da Fonseca et Moresco qui confondaient, de façon probablement sin-

cère, la demande de consécration de la Russie avec la demande de consécration du monde. Pie XII fut donc porté à faire de

même. Aussi est-il difficile de lui reprocher de n’avoir fait à l’époque qu’une consécration du monde.

Toutes ces demandes finirent toutefois par convaincre le pape de consacrer le monde au Cœur Immaculé de Marie. Il

commença par demander au cardinal Schuster, archevêque de Milan, de publier les révélations de Notre-Dame, ce que celui-

ci fit dans une lettre pastorale en date du 18 avril 1942. Car le Saint-Père voulait que ces révélations soient connues avant de

prononcer la consécration qu’il envisageait.46

Parallèlement, il consulta le Saint-Office sur l’opportunité d’une telle consécration, lequel répondit « qu’il n’existait aucune

objection théologique à ce sujet, mais que cette consécration ne semblait pas opportune ».47 Fort heureusement, Pie XII décida

de passer outre le conseil du Saint-Office, et le 31 octobre 1942, dans une allocution radiodiffusée, seul, il consacra « l’Église

et le monde au Cœur Immaculé de Marie », mentionnant la Russie par une allusion :

Aux peuples séparés par l’erreur et par la discorde, et spécialement à ceux qui professent pour vous une singulière dévotion et

chez lesquels il n’y avait pas de maison qui n’honorât votre vénérable icône, aujourd’hui peut-être cachée et réservée pour des jours

meilleurs, donnez la paix, et reconduisez-les à l’unique bercail du Christ, sous l’unique et véritable Pasteur !48

Il renouvela la consécration de façon solennelle, mais toujours seul, le 8 décembre suivant.

Les résultats de cette consécration ne se firent pas attendre. À Alexandrina da Costa le 30 juillet 1935, puis à sœur Lucie le

22 octobre 1940, Notre-Seigneur avait promis, moyennant cette consécration, « d’abréger les jours de tribulation par lesquels

il avait décidé de punir le monde de ses crimes ». Or quelques jours après la consécration, les armées allemandes subirent leurs

premières défaites déterminantes.

Le 3 novembre, à El-Alamein, après dix jours de combats terribles, le maréchal Rommel dut se replier. Le 8, les troupes

anglo-américaines débarquaient en Afrique du Nord.

Après avoir occupé la plus grande partie de Stalingrad, le 19 novembre, une offensive russe se termina par l’encerclement

de la VIe armée du général von Paulus et malgré une contre-attaque vers la mi-décembre, les allemands durent capituler en

février 1943.

Ce fut également en novembre 1942 que la bataille de l’Atlantique tourna au profit des alliés. Le mois de novembre fut le

meilleur mois de la guerre pour les U-boote avec 800 000 tonnes coulées. Mais à partir de janvier 1943, les pertes alliées

diminuèrent et les U-boote subirent de tels revers qu’au mois de mai suivant, l’amiral Dönitz, chef de la Kriegsmarine, décida

de retirer tous les sous-marins de l’Atlantique nord.

Ainsi, juste après la consécration du 31 octobre, sur les trois principaux fronts, ceux de l’Afrique du Nord, de la Russie et

de l’Atlantique, les Allemands essuyaient leurs premiers revers sérieux. Et les trois mois qui suivirent marquèrent le véritable

tournant de la guerre.

Très vite, sœur Lucie fit savoir que ces victoires étaient bien le fruit de l’acte du Saint-Père. Le 28 février 1943, elle écrivit

à l’évêque de Gurza : « Le Bon Dieu m’a déjà montré son contentement de l’acte bien qu’incomplet selon son désir, réalisé

par le Saint-Père et par plusieurs évêques. Il promet, en retour, de mettre fin bientôt à la guerre. La conversion de la Russie

n’est pas pour maintenant ».49 De même, le 4 mai 1943, elle écrivit au père Gonçalvès : « Il [Notre-Seigneur] promet la fin de

45 TVF2, p. 503 citant le père Martins, O padre Aparicio. 46 Barthas, op. cit., p. 83. 47 FSM, p. 252 citant un article du n° 841 de Voz de Fatima du 13 octobre 1992. 48 Texte complet de la consécration dans TVF2, p. 508 à 514 ou dans les missels, en particulier ceux de Dom Lefebvre. 49 TVF3, p. 19.

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la guerre pour bientôt, eu égard à l’acte qu’a daigné faire Sa Sainteté. Mais comme il fut incomplet, la conversion de la Russie

sera pour plus tard ».50 Enfin, le 2 mars 1945, elle confia au père Aparicio : « La consécration de ce pays [la Russie] n’a pas

été faite dans les termes demandés par Notre Dame ».51

Ces remarques de sœur Lucie confirment le sens de sa lettre du 24 octobre 1940 : cette consécration du monde, même avec

la mention spéciale de la Russie, n’est pas ce que veut le Ciel. Ce n’est qu’une demande faite ultérieurement par Notre-Seigneur

devant le refus des autorités de l’Église d’exécuter la demande de Notre-Dame. Cette consécration incomplète n’a pour fruit

que la fin de la guerre. La conversion de la Russie demande la consécration de la seule Russie par le pape en union avec tous

les évêques du monde entier.

Le 4 mai 1944, devant les résultats stupéfiants obtenus par la consécration du monde, Pie XII décréta que chaque année le

22 août, jour octave de l’Assomption, l’Église entière célèbrerait une fête en l’honneur du Cœur Immaculé de Marie, afin,

précisa-t-il, de conserver le souvenir de la consécration du 8 décembre 1942. Et il lui assigna pour but d’obtenir, par l’interces-

sion de la très Sainte Vierge, « la paix des nations, la liberté de l’Église, la conversion des pécheurs, l’amour de la pureté et la

pratique des vertus ».52 Dès lors, la dévotion au Cœur Immaculé de Marie se développa avec la bénédiction du Saint-Père.

Pie XII a donc répondu à la demande dont il avait eu connaissance dès 1936, comme secrétaire d’État de Pie XI, et qui

demandait la consécration du monde ; il avait ainsi obtenu la fin de la guerre. Il lui restait à répondre à la demande de Notre-

Dame, dont il ne prit connaissance que progressivement. Malheureusement, lorsqu’il connut la demande de Notre-Dame, il

hésita à condamner la Russie, puis finalement se tut sur la pression des Américains qui souhaitaient que le Vatican continue la

politique de négociation menée jusque-là.

L’insistance de sœur Lucie

Après la guerre, sœur Lucie répéta imperturbablement que Notre-Dame avait demandé la consécration de la Russie et

uniquement de la Russie. Elle espérait pouvoir en parler elle-même au Saint-Père. Lorsque l’évêque de Gurza envisagea un

voyage à Rome, elle lui confia :

Si le Saint-Père vous interroge sur moi et sur ce que je voudrais lui dire, vous pouvez lui répondre qu’il me plairait de parler à

Sa Sainteté à propos de la consécration de la Russie et au sujet des évêques d’Espagne.53

Dans un entretien qu’elle eut avec le père Jongen les 3 et 4 février 1946, voici ce qu’elle répondit aux questions du père

concernant la consécration de la Russie :

— Selon le texte du secret, Notre-Dame a dit : « Je viendrai demander la consécration de la Russie à mon Cœur Immaculé et

la communion réparatrice des premiers samedis ». A-t-elle vraiment demandé la consécration ?

— Oui.

— Dans son apparition de 1925, Notre-Dame a-t-elle parlé de la consécration de la Russie à son Cœur Immaculé ?

— Non.

— Alors, quand l’apparition a-t-elle eu lieu ?

— En 1929.

— Où a-t-elle eu lieu ?

— À Tuy, quand j’étais à la chapelle.

— Qu’a demandé Notre-Dame ?

— La consécration de la Russie par le pape en union avec tous les évêques du monde entier.

— A-t-elle demandé la consécration du monde ?

— Non.

— Avez-vous informé l’évêque de Leiria de la demande de la Sainte Vierge ?

— Oui. (…)

En 1929, j’ai transmis la demande de Notre-Dame à mes confesseurs, le révérend père Joseph Gonçalvès et le révérend père

François Rodrigues. Le père Rodrigues m’a demandé de l’écrire, a rendu compte de cela à l’évêque de Leiria, et a attiré l’attention

du Saint-Père, Pie XI.

Dans la lettre que j’ai écrite au Saint-Père en 1940 sur ordre de mes directeurs spirituels, j’ai exposé la demande exacte de

Notre-Dame. J’ai aussi demandé la consécration du monde avec une mention spéciale de la Russie. La demande exacte de

Notre-Dame était que le Saint-Père consacre la Russie à son Cœur Immaculé, ordonnant qu’elle soit faite en même temps et en

union avec lui par tous les évêques du monde catholique.

Une fois de plus, sœur Lucie dit très clairement qu’il y a deux demandes distinctes dont l’une exige l’union de tous les

évêques.

Le 15 juillet 1946, en prévision d’un livre sur Fatima, l’historien William Thomas Walsh put rencontrer sœur Lucie. Voici

50 MCIL, p. 447. (TVF3, p. 21) 51 Cartas da Irmã Lúcia, par le père Antonio Maria Martins, s. j., Livraria da apostolado da imprensa, Porto, 1979, p. 94. 52 Missel de Dom Lefevbre, à la fête du 22 août. 53 TVF3, p. 123.

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ce qu’il rapporta dans l’épilogue de son livre Notre-Dame de Fatima où il relate l’entretien qu’il eut ce jour-là.54

Nous abordâmes, enfin, le sujet si important du second secret de l’apparition de juillet, dont on a publié des versions différentes

et contradictoires. Sœur Marie das Dores m’expliqua clairement que Notre-Dame n’a pas demandé la consécration du monde à son

Cœur Immaculé. C’est la consécration de la Russie qu’elle a demandée expressément. Elle me répéta plusieurs fois et avec une

solennité voulue :

— Ce que veut Notre-Dame, c’est que le Saint-Père et tous les évêques consacrent la Russie à son Cœur Immaculé, par une

cérémonie spéciale. Si cette consécration se fait, la Sainte Vierge convertira la Russie, et la paix règnera sur le monde. Sinon, les

erreurs de la Russie se propageront partout.

— À votre avis, cela signifie-t-il que tous les pays, sans exception, seront conquis par le communisme ?

— Oui.

Sœur Lucie eut également un entretien avec un dominicain américain, le père McGlynn, au cours duquel il lui lut un texte

contenant les deux premières parties du secret. Quand il lut « Je demande la consécration du monde… », sœur Lucie l’arrêta

en disant : « Non ! Pas le monde ! La Russie ! La Russie ! Notre-Dame a demandé que le Saint-Père consacre la Russie à son

Cœur Immaculé et qu’il commande aux évêques, à tous les évêques de le faire aussi en union avec lui au même moment ». Le

père McGlynn demanda alors si Pie XII avait consacré la Russie au Cœur Immaculé de Marie. Sœur Lucie répondit : « Il a

mentionné la Russie dans la consécration. Dans la forme demandée par Notre-Dame ? Je ne le pense pas ». Et le père

McGlynn nota que sœur Lucie dit cela très humblement, comme si elle souhaitait se tromper.55

Ces différents entretiens confirment une fois de plus qu’il y a bien eu, de la part du Ciel, deux demandes parfaitement

distinctes et la consécration faite par Pie XII en 1942, même si elle porta des fruits, ne correspondait pas à celle demandée par

Notre-Dame, mais à celle demandée par Notre-Seigneur.

Sœur Lucie tenta plusieurs fois de faire savoir au Saint-Père que la consécration n’avait toujours pas été faite. En octobre

1951, le recteur du Russicum, le père Wetter, lui rendit visite au carmel de Coïmbra. Devant témoin, elle demanda au père :

« Avez-vous la possibilité de transmettre au Saint-Père que ce qu’a demandé Notre-Dame de Fatima n’a pas encore été fait ? ».

Ayant répondu affirmativement, sœur Lucie lui remit un message que le père Wetter transmit à Pie XII, probablement par

l’intermédiaire de son secrétaire privé le père Leiber.56 Et le 15 décembre, elle confia à une amie : « La demande de Notre-

Dame concernant la Russie n’est pas réalisée ».56

En mai 1952, la Sainte Vierge lui apparut et lui dit : « Fais savoir au Saint-Père que j’attends toujours la consécration de

la Russie à mon Cœur Immaculé. Sans cette consécration, la Russie ne peut pas être convertie, et le monde ne peut avoir la

paix ».57

Parallèlement, les catholiques russes demandèrent au pape de consacrer la Russie. Tous ces évènements décidèrent Pie XII

à agir une nouvelle fois. Le 7 juillet 1952, le pape adressa aux peuples de Russie la lettre apostolique Sacro vergente anno dans

laquelle il consacrait la Russie qui cette fois était clairement désignée :

Pour que nos prières ferventes et les vôtres soient sûrement exaucées et pour donner un témoignage spécial à notre particulière

bienveillance, de même que nous avons consacré, il y a quelques années, le genre humain tout entier au Cœur Immaculé de Marie,

de même aujourd’hui, nous consacrons et nous vouons d’une manière très spéciale, tous les peuples de la Russie à ce Cœur

Immaculé.58

Cette lettre apostolique est une grande avancée dans la réalisation des demandes de Notre-Dame, car pour la première fois,

la Russie est expressément nommée. De plus, le pape confirma la prescription faite par Pie XI, en 1930, de réciter les prières

après la messe pour la conversion de la Russie.

Malheureusement, ce fut une consécration un peu à la sauvette, car le pape ne donna aucune publicité à cet évènement

auquel il n’associa pas les évêques. Et il n’y eut ni acte solennel et public de réparation, ni promesse d’approuver et de recom-

mander la dévotion des premiers samedis du mois.

De plus, il ne mentionna pas que cette consécration répondait à la demande de la Sainte Vierge ; et dans toute la lettre, il

n’est jamais fait mention de Fatima. Le silence de Pie XII sur ce point est malheureusement significatif d’un début d’emprise

des théories du père Dhanis59 dans l’esprit du Saint-Père.

Dans son couvent de Coïmbra, sœur Lucie apprit l’événement quelques jours plus tard et une lettre d’elle de l’été 1952

nous montre ce qu’elle en pensa :

Je vous remercie de la coupure de journal qui rapporte la consécration de la Russie. Je suis peinée qu’elle n’ait pas encore été

54 Notre-Dame de Fatima de William Thomas Walsh, New-York 1947. Traduction de Marie-Berthe Lacombe. Éditions Amiot-Dumont, 1954, p. 234 &

235. 55 Sœur Lucie, apôtre du Cœur Immaculé de Marie, de Mark Fellows, p. 150. 56 TVF3, p. 214. 57 TVF3, p. 217 citant un ouvrage italien et une communication du chanoine Barthas. 58 TVF3, p. 220. 59 Le père Dhanis prétendait que tous les événements postérieurs à 1917 étaient des inventions de sœur Lucie, en particulier ce qu’elle a écrit dans ses

mémoires.

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faite comme Notre-Dame l’avait demandée. Patience ! Espérons que Notre-Dame, comme une bonne mère, daignera l’accepter.60

Changement d’attitude

Deux mois plus tard, le pape envoya le père Schweigl enquêter auprès de sœur Lucie. Après avoir pris connaissance de son

rapport, Pie XII changea d’attitude. À partir de ce moment, il ne parla plus de Fatima. Le 12 octobre 1954, l’Espagne se

consacra officiellement au Cœur Immaculé de Marie. Dans le message qu’il envoya à cette occasion, Pie XII réduisit les de-

mandes de Notre-Dame à la prière et à la pénitence, conformément aux théories du père Dhanis.

Dans le message de Noël 1955, il condamna le communisme : « Nous rejetons le communisme en tant que système social,

en vertu de la doctrine chrétienne », mais sans faire mention du message de Fatima.

Imperturbable, sœur Lucie continua à demander la consécration de la Russie. Le 26 décembre 1957, elle confia au père

Fuentès, à l’époque postulateur de la cause de François et Jacinthe :

La Très Sainte Vierge, plusieurs fois, aussi bien à mes cousins François et Jacinthe qu’à moi-même, nous a dit que beaucoup

de nations disparaîtront de la surface de la terre, que la Russie sera l’instrument du châtiment du Ciel pour le monde entier si nous

n’obtenons pas auparavant la conversion de cette pauvre nation.

JEAN XXIII

Contrairement à ses deux prédécesseurs, Jean XXIII était peu attaché à Fatima. Il avait, nous dit Jean Guitton, peu de

considération pour les voyants qu’il qualifiait de « prophètes de malheur ». Concernant Lucie, il écrivit dans son journal :

« (Nov 59) Nous avons parlé longtemps (avec l’évêque de Leiria) de la voyante de Fatima qui est maintenant une bonne

religieuse à Coïmbra. Le Saint-Office s’occupera de tout et dans le bon sens. »

En septembre 1959, lorsqu’une vierge pèlerine de la route mondiale entra à Rome, il ne se déplaça pas.

Le 19 août, il ouvrit l’enveloppe contenant le troisième point du secret. Il fut ainsi le premier pape à en prendre connaissance

et à avoir une vision complète du message de Notre-Dame. Mais, après en avoir discuté avec certains de ses plus proches

collaborateurs, il décida de ne pas le diffuser, disant simplement : « Ce n’est pas pour les années de mon pontificat ». Et il

confia à son secrétaire : « Je laisse à mes successeurs le soin de commenter ou de décider. ». Peu après, le futur cardinal Oddi

lui demanda pourquoi il ne révélait pas le secret. « Ne me parlez plus de cela » répondit le pape. Monseigneur Oddi insista :

« Si vous voulez, je ne vous en parlerai plus, mais je ne pourrai pas empêcher aux gens d’en parler. J’ai dû moi-même faire

une centaine de prêches pour annoncer sa révélation ». À nouveau, le pape lui répondit : « Je vous ai dit de ne pas m’en

parler. »61

Le pape durcit les conditions de visite de sœur Lucie : à part les membres de sa famille, personne, y compris ses anciens

confesseurs, ne pouvait la voir sans avoir obtenu auparavant une autorisation du Saint-Siège. Jusqu’à sa mort survenue le 13

février 2005, elle n’eut plus le droit de recevoir des visites ni de communiquer sur le secret.

À la suite de quoi, Jean XXIII ne parlera plus jamais du secret.

Pendant ce temps, les persécutions se poursuivaient en URSS, mais aucune condamnation ne vint du Vatican.

Khrouchtchev déclara l’année 1960, l’An I du communisme qui continua son expansion. Divers pays passèrent sous l’emprise

communiste : l’Angola à partir de 1961, Cuba au début des années 1960. Et non seulement aucune condamnation ne vint de

Rome, mais durant l’été 1962, juste avant le concile, fut conclu le scandaleux accord de Metz, par lequel Rome promettait de

ne jamais parler du communisme, condition mise par Moscou pour que des observateurs orthodoxes puissent participer au

concile.

PAUL VI

Paul VI adoptera la même attitude. Il faudra attendre 1967 avec le cinquantième anniversaire des apparitions pour que le

cardinal Ottaviani ose aborder publiquement la question.

L’occasion manquée du concile Vatican II

Le pape était pourtant parfaitement au courant du message de Fatima et connaissait les demandes de Notre-Dame. Il prit

connaissance du troisième point du secret le 27 juin 1967, cinq jours après son élévation au pontificat.

Le concile lui offrait une occasion absolument unique pour réaliser la consécration de la Russie. Voici l’avis du père Anto-

nio Maria Martins, grand spécialiste de Fatima :

La Providence divine offrait au pape une opportunité excellente, avec la réunion du Concile, de faire la consécration demandée

avec tous les évêques réunis à Rome.62

60 Marie sous le symbole du cœur, p. 56. recueil des conférences prononcées par six experts au Congrès Marial International de Zagreb en août 1971, Téqui,

1973. TVF3, p. 223. 61 FSM, p. 288, citant Fatima et ses secrets de Stefano Paci dans Trente jours d’avril 1991, p. 25. 62 TVF4, p. 107 citant le père Martins dans Fatima e o Coraçao de Maria.

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Malheureusement, Paul VI comme Jean XXIII ne saisit l’occasion. Pourtant, un évêque brésilien, Monseigneur de Prœnça

Sigaud recueillit cinq cent dix signatures de pères conciliaires sur une pétition qui demandait au pape de profiter de la présence

à Rome de tous les évêques du monde pour faire enfin la consécration dans les règles. Il l’envoya à Paul VI entre la deuxième

et la troisième session. Au cours de la troisième session, il recueillit encore deux cent cinquante. Ainsi, près du tiers des évêques

demandaient cette consécration. Monseigneur de Prœnça Sigaud fut même reçu par Paul VI auquel il apporta la pétition. Plu-

sieurs évêques intervinrent également dans ce sens au cours de la session.

Paul VI sembla accueillir favorablement la suggestion. Le 21 novembre 1964, le jour de la clôture de la troisième session,

il fit une prière à cette intention, mais il ne fit que « remettre le genre humain » au Cœur Immaculé de Marie alors que Pie XII

l’avait consacré.

Notre regard se tourne vers les horizons infinis du monde entier (…) que notre prédécesseur Pie XII (…) a consacré [dicavit]

solennellement au Cœur Immaculé de Marie. Nous croyons opportun de rappeler [commemorari] aujourd’hui cette consécration.

Ô Vierge Marie, Mère de l’Église, nous te remettons [commendamus] l’Église entière, notre concile œcuménique. (…)

À ton Cœur Immaculé, ô Marie, nous remettons finalement le genre humain tout entier [universum genus humanum com-

mendamus]. Conduis-le à la connaissance de l’unique et véritable Sauveur, Jésus-Christ. Éloigne de lui les fléaux provoqués par le

péché. Donne au monde entier la paix, dans la vérité, dans la justice, dans la liberté et dans l’amour. 63

Bien que l’assemblée se soit levée pour applaudir aux paroles qui venaient d’être prononcées, l’affaire ne fit pas grand bruit

et la traduction française des actes du concile publiée en 1967 n’en fit pas état. La consécration n’est pas sur le site du Vatican.

Aucune histoire du concile ne cite le texte qu’on ne peut trouver aujourd’hui qu’en consultant les archives des actes du Saint-

Siège.

Cet acte n’est pas une véritable consécration puisque le terme employé est "commendamus" : nous remettons. Le terme

"remettre" est plus fort que le terme "confier" ; mais il n’a pas la force du terme "consacrer". De plus, la Russie n’est pas citée

et il n’y eut aucune préparation, ni aucun acte de réparation.

Le 13 mai 1967, pour le cinquantième anniversaire des apparitions, Paul VI se rendit à Fatima, faisant l’aller et retour depuis

Rome dans la journée. Ce fut le premier pape à se rendre en pèlerinage à Fatima.

Le matin, il célébra une messe. Il exigea la présence de sœur Lucie, mais refusa de lui parler, lui demandant de s’adresser

plutôt à son évêque. L’après-midi, il participa à une rencontre interreligieuse, puis reprit l’avion pour Rome.

Quelques jours plus tard, à Jean Guitton qui lui demandait : « Et Lucie, quelle impression vous fait-elle ? », il répondit : « -

Oh, d’une fille très simple ! C’est une paysanne sans complication. Le peuple voulait la voir et je la lui ai montrée. »

Après ce pèlerinage, il ne revint plus jamais sur le sujet de Fatima. Aussi, l’URSS continua-t-elle son expansion dans le

monde, notamment au Chili (heureusement pour 3 ans seulement), au Vietnam, en Corée, au Cambodge, …

JEAN-PAUL 1ER

Jean-Paul 1er n’occupa le siège de Pierre que trente-trois jours : il lui fut donc matériellement difficile de faire quelque chose

pour Fatima. Cependant, après son élection, il confia le fond de sa pensée à don Germano Pattaro, théologien de Venise qu’il

avait appelé à Rome pour être son conseiller. En effet, l’année précédant son élection, il avait fait un pèlerinage à Fatima au

cours duquel il avait pu s’entretenir longuement avec sœur Lucie. Une fois pape, voici ce qu’il confia à don Pattaro :

C’est une chose qui m’a troublé durant toute l’année. J’en ai perdu la paix et la tranquillité spirituelles. Depuis ce pèlerinage, je

n’ai pas oublié Fatima. Ce que sœur Lucie m’a dit m’est devenu un poids sur le cœur. Je cherchais à me convaincre que ce n’était

qu’une illusion. J’ai prié pour l’oublier. J’aurais voulu confier tout cela à une personne chère, à mon frère Edoardo, mais je n’y suis

pas arrivé. Cette pensée était trop importante, trop embarrassante, trop contraire à tout mon être. Ce n’était pas croyable, et pourtant

la prévision de sœur Lucie s’est avérée. Je suis ici. Je suis pape. (…)

Si je vis, je retournerai à Fatima pour consacrer le monde et particulièrement les peuples de la Russie à la Sainte Vierge, selon

les indications que celle-ci a données à sœur Lucie.64

Malheureusement, Jean-Paul 1er mourut quelques jours plus tard.

JEAN-PAUL II

Avant l’attentat du 13 mai 1981

Au début de son pontificat, Jean-Paul II ne s’intéressa guère à Fatima. Vis-à-vis de l’URSS, il poursuivit la politique de ses

prédécesseurs et il soutint l’initiative pour la paix de Brejnev. Aussi n’était-il guère enclin à exaucer les demandes de la Sainte

Vierge. Il le reconnut un jour spontanément en conversant avec le cardinal Wyszinski et Monseigneur Hnilica. C’était au cours

d’un repas, en 1980.

Monseigneur Hnilica lui déclara que « la chose la plus importante qu’il aurait à faire pendant son pontificat, était la consécra-

tion de la Russie au Cœur Immaculé de Marie en union avec tous les évêques ». Le pape répondit qu’« une telle consécration serait

63 FJIEM, p. 313, citant DC, 1964, col. 1546. 64 TVF4, p. 347.

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considérée par les Russes comme une ingérence dans leurs affaires intérieures, que cela aurait des conséquences politiques ». Il

ne pouvait donc effectuer un tel acte. En outre, il objecta que « la juridiction du pape n’englobait que l’Église catholique ; que le

pape n’était pas le pape de tous les hommes ». Le cardinal Wyszinski lui répondit que « le Christ étant le Roi du monde, son vicaire

avait la juridiction sur tous les hommes ». Jean-Paul II répliqua que « ses prédécesseurs n’avaient pas cru bon de faire cette consé-

cration avec tous les évêques du monde ». Et, se tournant vers Monseigneur Hnilica, il lui dit en plaisantant : « Va me conquérir

tous les évêques du monde à l’idée de cette consécration, et je la ferai avec eux. »65

L’acte d’offrande du 7 juin 1981

Son attitude changea après l’attentat du 13 mai 1981 sur la place Saint-Pierre, à Rome. Le pape fit rapidement le parallèle

entre la date de l’attentat et la date de la première apparition de Fatima. Il composa une prière qu’il qualifia d’« acte de consé-

cration ». Ne pouvant sortir de la clinique, il la fit lire dans l’église Sainte-Marie Majeure, le 7 juin 1981. Voici l’extrait con-

cernant la consécration :

Mère des hommes et des peuples, toi qui connais toutes leurs souffrances et leurs espérances, toi qui ressens d’une façon

maternelle toutes les luttes entre le bien et le mal, entre la lumière et les ténèbres qui secouent le monde, accueille l’appel que, dans

l’Esprit Saint, nous adressons directement à ton cœur, et embrasse dans ton amour de mère et de servante du Seigneur, ceux qui ont

le plus besoin de ta tendresse et aussi ceux dont tu attends toi-même d’une façon particulière qu’ils s’en remettent à toi. Prends

sous ta protection maternelle toute la famille humaine que, dans un élan affectueux, nous remettons entre tes mains, ô notre

Mère. Que vienne pour tous le temps de la paix et de la liberté, le temps de la vérité, de la justice et de l’espérance.66

Cet acte n’est pas à proprement parler une consécration au Cœur Immaculé de Marie. Tout d’abord, le terme "immaculé"

n’est pas utilisé : le pape s’adresse simplement à la "Mère des hommes et des peuples". Ensuite, comme Paul VI le 21 novembre

1964, Jean-Paul II n’a fait que remettre la famille humaine entre les mains de la Sainte Vierge, ce qui n’est pas la même chose

que de consacrer le monde au Cœur Immaculé de Marie. Pour le père Joseph de Sainte Marie, cette prière n’est donc qu’« un

acte d’affidamento, non une consécration proprement dite ».67

De plus, il n’est jamais question de la Russie, même de façon voilée. Le Saint-Père emploie l’expression : « ceux qui ont le

plus besoin de ta tendresse et aussi ceux dont tu attends toi-même d’une façon particulière qu’ils s’en remettent à toi », formule

vague dont il sera impossible de constater la réalisation concrète et donc d’en attribuer les mérites à la Sainte Vierge.

Le renouvellement du 8 décembre 1981

Une fois remis sur pied, le 8 décembre suivant, en la fête de l’Immaculée Conception, Jean-Paul II renouvela personnelle-

ment l’acte du 7 juin. Après la cérémonie, Monseigneur Hnilica demanda au pape pourquoi il employa le terme "remettre"

plutôt que "consacrer" : « Pourquoi seulement affidamento et non pas consacrazione ? ». Le pape lui répondit : « Il y a encore

des théologiens qui doutent que l’on puisse faire une consécration à quelqu’un d’autre qu’à Dieu lui-même ».68 Pour Jean-

Paul II, les actes du 7 juin et du 8 décembre 1981 n’étaient donc pas des consécrations puisque, influencé par ces théologiens,

il doutait de la possibilité de se consacrer à la Sainte Vierge.

La consécration du 13 mai 1982

Les arguments de Monseigneur Hnilica alliés aux demandes épiscopales que suscita l’Armée bleue à cette époque, eurent

cependant raison des réticences du pape. Car dix mois après l’attentat, le 7 mars 1982, au moment de l’angélus, il annonça qu’il

se rendrait en pèlerinage à Fatima le 13 mai suivant pour remercier la Sainte Vierge de l’avoir sauvé, et qu’à cette occasion, il

renouvellerait, en union avec tous les évêques du monde entier, les deux actes de consécration faits par Pie XII. Il est significatif

qu’il ne mentionna ni l’acte de Paul VI du 21 novembre 1964, ni son acte du 7 juin 1981 et son renouvellement du 8 décembre,

ce qui montre bien qu’il ne considérait pas ces actes comme des consécrations.

La préparation

Les évêques furent informés par un message de son secrétaire d’État, le cardinal Casaroli :

Par mandat de Sa Sainteté, je dois vous informer que, en se rendant le 13 mai prochain à Fatima, le Saint-Père désire remercier

la Sainte Vierge de lui avoir sauvé la vie lors de l’attentat du 13 mai dernier, et qu’il a également l’intention de renouveler, en union

spirituelle avec tous les évêques du monde, les deux actes accomplis par Pie XII.69

Beaucoup espéraient qu’à cette occasion, le Saint-Père en profiterait pour consacrer également la Russie au Cœur Immaculé

de Marie. Malheureusement, sur ce point, le Vatican restait toujours très réticent.

Peu après, Monseigneur Sante Portalupi reçut l’ordre d’aller à Coïmbra voir sœur Lucie. Il s’y rendit le 21 mars 1982

accompagné de l’évêque de Leiria, Monseigneur do Amaral, et de M. Cardoso de Lacerda, président honoraire de la Ligue

Eucharistique. Il interrogea sœur Lucie qui lui précisa les conditions dans lesquelles devait se faire la consécration :

65 FSM, p. 340 & 341. 66 Extrait figurant dans le dossier Le message de Fatima. 67 Réflexions sur un acte de consécration, par le père Joseph de Sainte Marie, ocd, Marianum XLIV, 1982, p. 115. Consultable à l’adresse : www.worlden-

slavementorpeace.com/french/f15cp1.asp. 68 TVF4, p. 416. Voir la réponse à cet argument dans le chapitre 4, p. 81. 69 La consécration de la Russie aux Très Saints Cœurs de Jésus et de Marie, par l’abbé Caillon. Éditions Téqui, 1983, p. 32.

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Pour que les évêques du monde soient unis à lui lors de la consécration de la Russie au Cœur Immaculé de Marie, le pape

devrait ou bien convoquer tous les évêques à Rome ou en un autre lieu, à Tuy par exemple, ou bien ordonner aux évêques du monde

entier d’organiser, chacun dans sa cathédrale, une cérémonie publique et solennelle de réparation et de consécration de la Russie

aux très Saints Cœurs de Jésus et de Marie.70

Sœur Lucie ne faisait ainsi que répéter les termes de ses deux lettres du 29 mai et du 12 juin 1930 au père Gonçalvès.71 Pour

la deuxième solution qui avait sa préférence, elle ajouta :

Certains évêques feraient la consécration le jour, d’autres la nuit, au cours d’une veillée de prière. (…) Si les gouvernements

communistes empêchaient les évêques catholiques de faire des cérémonies publiques et solennelles, ces prélats pourraient accom-

plir la consécration dans de petites chapelles. Et si l’ordre du pape n’atteignait pas certains évêques à cause du manque de liberté

religieuse, le bon Dieu le comprendrait, car il veut l’unanimité morale des évêques et non pas obligatoirement la totalité arithmé-

tique.70

Sœur Lucie ajouta qu’aucune des consécrations faites jusqu’ici n’avait correspondu aux demandes de la Sainte Vierge.

Malheureusement, aucun ordre ne vint de Rome pour demander formellement aux évêques de s’unir au pape.

L’acte de consécration

Le 13 mai 1982 en début de matinée, Jean-Paul II s’entretint seul à seul avec sœur Lucie pendant vingt-cinq minutes qui

lui parla de la consécration de la Russie. Le pape répondit qu’il en discuterait au prochain synode. La demande de sœur Lucie

confirme que jusqu’à présent, aucune des consécrations faites par Pie XII ou Jean-Paul II ne répondait aux demandes de la

Très Sainte Vierge. Et la réponse du pape indique que celle qu’il avait l’intention de faire quelques instants plus tard n’y

répondrait pas non plus.

Durant tout son séjour à Fatima, Jean-Paul II n’évoqua jamais ni la dévotion au Cœur Immaculé de Marie, ni la consécration

au Cœur Immaculé de Marie, ni même simplement la consécration à la Sainte Vierge : il parla de l’offrande à Dieu par Marie.

Pour l’acte de consécration, le pape précisa qu’il voulait seulement « accomplir une fois encore ce que mes prédécesseurs

ont déjà fait : confier le monde au Cœur de la Mère ». Car pour lui, l’essentiel avait déjà été fait :

L’Église y a répondu [au message] par le serviteur de Dieu Pie XII ; il a voulu, en effet, consacrer au Cœur immaculé de Marie

tout le genre humain et spécialement les populations de la Russie. N’a-t-il pas, par cette consécration, donné satisfaction à la réso-

nance évangélique de l’appel de Fatima ?

Refaire ce qu’avaient fait ses prédécesseurs implique que la nouvelle consécration qu’il allait faire ne pouvait pas répondre

aux demandes de la Sainte Vierge, puisque sœur Lucie avait toujours affirmé jusque-là que ces consécrations n’étaient pas

conformes à ces demandes.

Toutefois, après la messe, le pape prononça bien un acte de consécration. Voici le passage concernant la consécration elle-

même :

Je me trouve aujourd’hui en ce lieu choisi par Vous, et par Vous, o Mère, particulièrement aimé. Je suis ici en union avec tous

les pasteurs de l’Église par ce lien particulier qui fait que nous constituons un corps et un collège de la même manière que, selon la

volonté du Christ, les apôtres étaient unis à Pierre. C’est dans le lien de cette unité que je prononce les paroles du présent acte.

(…)

Il y a quarante ans, puis à nouveau dix ans plus tard, Votre serviteur le Pape Pie XII (…) a confié et consacré à Votre Cœur

Immaculé le monde entier, et spécialement les peuples qui étaient d’une manière spéciale l’objet de Votre amour et de Votre solli-

citude. Ce monde des hommes et des nations, je l’ai moi aussi devant les yeux aujourd’hui, au moment où je désire renouveler

l’acte par lequel mon prédécesseur sur le siège de Pierre Vous l’a confié et consacré. (…)

Ô Mère des hommes et des peuples, toi qui connais toutes leurs souffrances et leurs espérances, toi qui ressens d’une façon

maternelle toutes les luttes entre le bien et le mal, entre la lumière et les ténèbres qui secouent le monde contemporain, reçois l’appel

que, mus par l’Esprit Saint, nous adressons directement à ton Cœur, et avec ton amour de mère et de servante du Seigneur,

embrasse notre monde humain, que nous t’offrons et te consacrons, pleins d’inquiétude pour le sort terrestre et éternel des

hommes et des peuples. Nous t’offrons et te consacrons d’une manière spéciale les hommes et les nations qui ont particuliè-

rement besoin de cette offrande et de cette consécration.

Cet acte de Jean-Paul II a une valeur intrinsèque réelle. Le père Joseph de Sainte Marie en a fait une analyse détaillée72 et en a

tiré plusieurs conclusions importantes, en particulier :

˗ Il s’agit véritablement d’une consécration : car, par trois fois, le pape parle d’offrande et de consécration, et déclare sans

ambiguïté vouloir refaire les consécrations de Pie XII.

˗ En disant : « Je suis ici en union avec tous les pasteurs de l’Église », le pape a vraiment cherché à donner à son acte une

portée collégiale. Et il dit « Nous te consacrons », ce qui, dans son esprit, signifie qu’il associe tous les évêques de

monde entier, car, en temps normal, il utilise toujours la première personne du singulier pour parler.

70 Abbé Caillon, op. cit., p. 30. 71 Voir chap. 2, p. 11. 72 Réflexions sur un acte de consécration, du père Joseph de Sainte-Marie, ocd, Marianum XLIV, 1982, p. 115. Texte consultable sur le site Fatima.org, à

l’adresse : www.worldenslavementorpeace.com/french/f15cp1.asp.

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Les insuffisances de cet acte

Mais, s’il s’agit bien d’une consécration, il ne s’agit malheureusement pas de la consécration demandée par la Sainte Vierge.

En effet, il n’est pas véritablement question d’une consécration au Cœur Immaculé de Marie, même si Jean-Paul II affirme

vouloir renouveler l’acte de Pie XII : le pape consacra le monde et les hommes non pas au Cœur Immaculé de Marie, mais à

la « Mère des hommes et des peuples ».

L’expression "Cœur Immaculé" est bien utilisée, mais jamais pour s’y consacrer : « Devant ton Cœur immaculé, nous vou-

lons (…) nous unir à la consécration que ton Fils a faite » « Ô Cœur immaculé ! Aide-nous à vaincre la menace du mal… »

« Que dans ton Cœur immaculé se manifeste pour tous la lumière de l’espérance ».

Et pourquoi avoir appelé la Sainte Vierge « Mère des hommes et des peuples » alors qu’elle a pris soin de nous donner son

nom : Notre-Dame du Rosaire ? Ou puisque le pape tient à y associer la consécration à son Fils, pourquoi ne pas faire la

consécration au moins à la Mère de Dieu ?

Ensuite, le mot "Russie" n’est jamais employé. Le texte parle de monde, peuples ou nations : « … notre monde humain,

que nous t’offrons et te consacrons, pleins d’inquiétude pour le sort terrestre et éternel des hommes et des peuples », « consé-

cration pour le monde et pour les hommes ». L’expression est répétée plusieurs fois ne laissant aucun doute sur l’objet de la

consécration : ce n’est pas la Russie qui est consacrée mais le monde. Et par monde il faut entendre tous les hommes, peuples

et nations. Le mot "nations" est au pluriel : il ne s’agit donc pas de la Russie, car la Russie n’est pas à elle seule plusieurs

nations.

Il y a bien une mention spéciale pour « les hommes et les nations qui ont particulièrement besoin de cette offrande et de

cette consécration ». Mais cette périphrase peut désigner n’importe quel pays ayant des difficultés.

Enfin, trois conditions demandées par la Sainte Vierge manquent complètement :

˗ Les évêques n’ont pas vraiment été associés à cette consécration. L’aspect collégial est plus un souhait du Saint-Père

qu’une réalité, car aucune consigne ne fut donnée aux évêques.

˗ Il n’y a pas eu de promesse de reconnaître et recommander la communion réparatrice des premiers samedis du mois.

˗ Il n’y eut aucun acte de réparation.

À eux seuls, ces trois derniers points suffisent à invalider la consécration.

L’avis de sœur Lucie

Après la messe, le pape chercha à faire croire qu’il avait explicitement consacré la Russie. En effet, à la sacristie, un évêque

le félicita d’avoir consacré le monde. Le pape lui répondit : « Et aussi la Russie ».73 Pourtant la veille, l’Osservatore Romano

avait publié la déclaration suivante du père Pasquale qui connaissait très bien sœur Lucie depuis 1939 et reçut d’elles plus de

cent cinquante lettres :

J’ai voulu éclaircir la question de la consécration de la Russie, en recourant aux sources. Le 5 août 1978, au carmel de Coïmbra,

j’ai eu une longue entrevue avec la voyante de Fatima. À un certain moment, je lui ai dit :

— Ma Sœur, j’aimerais vous poser une question. Si vous ne pouvez me répondre, soit ! Mais si vous pouvez répondre, je vous

en serais très reconnaissant… Notre-Dame a-t-elle jamais parlé de la consécration du monde à son Cœur Immaculé ?

— Non, père Umberto, jamais ! À la Cova da Iria en 1917, Notre-Dame avait promis : « Je reviendrai demander la consécra-

tion de la Russie … » En 1929, à Tuy, comme elle l’avait promis, Notre-Dame est revenue me dire que le moment était venu de

demander au Saint-Père la consécration de ce pays- là (la Russie).74

Or, le père Pasquale avait également été le directeur spirituel d’Alexandrina da Costa. Il avait donc tous les éléments pour

bien faire la distinction entre les deux consécrations demandées par le Ciel. Aussi voulut-il avoir une confirmation écrite de

cette déclaration. À cet effet, il écrivit en lui posant la question : « Notre-Dame vous a-t-elle jamais parlé de la consécration

du monde à son Cœur Immaculé ? » La réponse écrite de sœur Lucie fut :

Révérend père Umberto,

En réponse à votre question, je dirai clairement :

Notre-Dame, dans sa requête, a fait référence seulement à la consécration de la Russie.

Dans la lettre que j’ai écrite au Saint-Père Pie XII, – par indication de mon confesseur – j’ai demandé la consécration du monde

avec mention explicite de la Russie.

Formule de politesse.

Coïmbra 13-IV-1980.

Sœur Lucie.74

Cette réponse de sœur Lucie montre, une fois de plus, qu’il y a bien deux demandes distinctes, celle de Notre-Seigneur et

celle de Notre-Dame.

Un mois plus tard, le 14 mai 1982, Monseigneur Hnilica, accompagné de don Luigi Bianchi, du père Sébastien Labo et du

provincial des Carmes, put rencontrer longuement sœur Lucie dans son carmel à Coïmbra. À un moment de l’entretien, don

73 FSM, p. 344 citant une lettre du 29 juillet 1982 de l’abbé Caillon au frère Michel de la Sainte Trinité et Osservatore Romano, éd. italienne du 8 mai 1991. 74 La bataille finale du démon, par le père Paul Kramer. Édité en 2005 par Association missionnaire, 1107 William street, Buffalo, New-York., p. 86 & 87

citant l’Osservatore Romano du 12 mai 1982. (FJIEM, p. 392 et 393)

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Luigi demanda à sœur Lucie :

Ma sœur, hier dans son acte d’offrande, le pape a-t-il vraiment consacré la Russie au Cœur Immaculé de Marie ?

Lucie fit des gestes de dénégation et répondit :

Non, pour deux raisons. Les évêques du monde entier n’ont pas fait, en même temps que le pape, une consécration publique et

solennelle, chacun dans sa cathédrale. Par ailleurs, la Russie n’apparaissait pas nettement comme étant l’objet de la consécration.75

Elle précisa que Dieu voulait « la consécration de la Russie et uniquement de la Russie, sans aucune adjonction », car « la

Russie est un immense territoire bien circonscrit, et sa conversion se remarquera, apportant ainsi la preuve de ce qu’on peut

obtenir par la consécration au Cœur Immaculé de Marie ».76

Cette remarque de sœur Lucie est très importante. En effet, les fruits d’une consécration du monde seront très difficiles à

apprécier et donc à attribuer au Cœur Immaculé de Marie ; car on voit mal comment il serait possible de dire que le monde

s’est converti. Voilà pourquoi Notre-Dame a demandé la consécration d’un pays bien particulier.

Dans un petit opuscule qu’il écrira l’année suivante, l’abbé Caillon fait cette remarque pertinente :

La consécration de la Russie telle que l’avait demandée Notre-Dame était-elle vraiment accomplie ? Aucun des spécialistes

présents ne se sentait en mesure de donner une réponse compétente. La participation publique et solennelle de l’épiscopat mondial

n’apparaissait pas du tout. Quant à la Russie, on ne voyait pas nettement qu’elle eût été l’objet de la consécration. Certes, dans son

homélie, le Saint-Père avait rappelé que Pie XII a déjà consacré la Russie et, en ce sens, le mot Russie a retenti sur la Cova da Iria,

mais, ni dans la lettre du cardinal Casaroli aux évêques du monde entier, ni dans l’acte d’offrande prononcé par Jean Paul II, le mot

Russie ne vient jamais. Un acte garde-t-il sa valeur quand on s’évertue à en dissimuler la véritable nature ? 77

Déjà, en arrivant à Porto, le 9 mai qui précédait la cérémonie, hébergé par une famille amie de très longue date de sœur

Lucie et qui la voyait plusieurs fois par an, l’abbé Caillon fut étonné d’entendre dire : « N’attendez pas pour cette fois la con-

sécration de la Russie. L’épiscopat mondial n’est pas prêt. »

La veille de la cérémonie, il rencontra à Fatima une nièce de sœur Lucie et fut frappé de l’entendre dire mot pour mot la

même chose.78 Il en conclut que sœur Lucie savait par avance à quoi s’en tenir.

Quelques jours après, dans l’Osservatore Romano du 19 mai 1982, le Saint-Père expliqua pourquoi il n’avait pas spécifi-

quement consacré la Russie : « J’ai cherché à faire tout ce qui pouvait être fait dans les circonstances concrètes pour mettre

en évidence l’unité collégiale de l’évêque de Rome avec tous ses frères dans le ministère et le service épiscopal du monde ».79

« Chercher à faire tout ce qui pouvait être fait » signifie implicitement que (soi-disant) tout ne pouvait pas être fait et que

donc tout n’a pas été fait.

Un peu plus tard, sœur Lucie confirma ce qu’elle avait laissé entendre avant le pèlerinage papal. Le 11 août 1982, elle reçut

une de ses nièces, Maria do Fetal, et lui dit :

Je suis vieille, j’ai soixante-quinze ans, je me prépare à voir Dieu face-à-face. J’ai donné tous mes textes à la sainte Église. Je

mourrai tranquille. Mais si l’on veut mon avis, le voici : la consécration de la Russie, telle que Notre-Dame l’a demandée, n’est pas

faite.80

L’abbé Caillon qui relate l’événement, précise que cette visite dura de 15 h à 19 h, ce qui laissa tout le temps à sœur Lucie

pour bien exprimer sa pensée. Elle ajouta, dit l’abbé Caillon, la terrible parole de Notre-Seigneur à Rianjo : « Ils le feront, mais

ce sera tard ». Sœur Lucie le répéta quatre jours plus tard à son amie Madame Pestana.80

Le 19 mars 1983, à la demande du pape, le nonce apostolique du Portugal, Monseigneur Sante Portalupi, accompagné du

père Messias Cœlho et du docteur Lacerda retourna voir sœur Lucie pour avoir son avis sur la consécration de 1982. Sœur

Lucie fit une déclaration dont elle tint à remettre le texte écrit au nonce :

Dans l’acte d’offrande du 13 mai 1982, la Russie n’apparaît pas clairement comme étant l’objet de la consécration. Et chaque

évêque n’a pas organisé dans son diocèse une cérémonie de réparation publique et solennelle et la consécration de la Russie. Le

pape Jean-Paul II a simplement renouvelé la consécration du monde faite par Pie XII le 31 octobre 1942. De cette consécration du

monde, nous pouvons attendre quelques avantages, mais pas la conversion de la Russie.80

Sœur Lucie reconnaît que, même si la consécration n’est pas spécifiquement au Cœur Immaculé de Marie, la volonté de

Jean-Paul II de refaire ce qu’a fait Pie XII suffisait pour considérer qu’elle pouvait bénéficier des mêmes fruits. Mais après la

consécration de Pie XII, elle a été affirmative. Ici, elle dit simplement : « Il est possible d’attendre quelques avantages. » Il est

vrai qu’il était trop tôt pour pouvoir en constater les fruits.

En conclusion de ce texte, sœur Lucie ajouta :

La consécration de la Russie n’a pas été faite comme Notre-Dame l’a demandé. Je ne pouvais pas le dire parce que je n’avais

75 Abbé Caillon, op. cit., p 44. 76 FSM, p. 345. 77 Abbé Caillon op. cit., p. 38 & 39. 78 Abbé Caillon op. cit., p. 42 & 43. 79 FSM, p. 344 citant DC 1982, p. 615. 80 Abbé Caillon op. cit., p. 45 & 46.

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pas la permission du Saint-Siège.80

À ce stade, il est possible de tirer une conclusion certaine : fin 1982, malgré les différentes consécrations faites jusque-là, la

consécration de la Russie telle que demandée par Notre-Dame n’a toujours pas été faite et sœur Lucie continue à la réclamer

avec insistance.

Le renouvellement du 25 mars 1984

Après la consécration de 1982, des consignes vinrent du Vatican demandant de ne plus importuner le Saint-Père avec la

consécration de la Russie. Mais au synode de 1983, le patriarche de Jérusalem, Monseigneur Beltritti, rappela aux évêques

présents les demandes de la Sainte Vierge. Jean-Paul II décida alors d’écrire à tous les évêques du monde entier.

La préparation

Peu après, l’Osservatore Romano publia une lettre du pape disant que, le 25 mars 1984, il renouvellerait à Rome la consé-

cration de 1982 et il invitait tous les évêques à renouveler cet acte en même temps que lui : « Je vous saurai gré de bien vouloir,

ce jour-là, renouveler cet acte en même temps que moi de la manière que chacun de vous jugera la plus adaptée. »

Malheureusement, aucun acte de réparation ne fut demandé et il n’y eut aucune précision sur la façon de procéder comme

si cet acte des évêques était secondaire. En comparaison, voici comment, le 25 mai 1899, Léon XIII termina la lettre encyclique

Annum Sacrum pour préparer la consécration du genre humain au Sacré-Cœur :

En conséquence, Nous ordonnons que les 9, 10 et 11 du mois de juin prochain, des prières déterminées se disent dans l’église

de chaque localité, dans l’église principale de chaque ville. On ajoutera pendant ces trois jours, aux autres invocations, les litanies

du Sacré-Cœur approuvées par Notre autorité. Le dernier jour, on récitera la formule de consécration que Nous vous envoyons,

vénérables frères, en même temps que ces lettres.

De même, d’autres événements du pontificat de Jean-Paul II eurent une beaucoup plus grande publicité. Par exemple le

passage du deuxième au troisième millénaire, eut droit à une longue lettre apostolique Tertio Millenio Adveniente et trois années

de préparation. Il est louable de remercier Dieu pour les grâces reçues par le passé et demander les grâces nécessaires pour

l’avenir. Mais la sanctification de cette date n’avait fait l’objet d’aucune demande du Ciel. La consécration de la Russie, par

contre, n’eut droit qu’à une simple lettre.

Le pape joignit à l’invitation le texte de la consécration en précisant : « Les paroles du texte que je vous envoie, correspon-

dent, avec de légères modifications, à celles que j’ai prononcées à Fatima le 13 mai 1982 ».81 Le pape n’avait donc pas l’in-

tention de changer l’esprit de la consécration : il ne voulait que « renouveler » l’acte de 1982 et pour cela n’y avait apporté que

de « légères modifications ». Dans ces conditions, l’acte du 25 mars 1984 ne pouvait que recevoir le même jugement de la part

de sœur Lucie. Effectivement, trois jours avant, le 22 mars 1984, jour de son soixante-dix septième anniversaire, la vieille amie

de sœur Lucie, Maria Eugenia Pestana, lui demanda : « Alors, dimanche, c’est la consécration ? » Sœur Lucie lui répondit :

« Cette consécration ne peut avoir un caractère décisif, car la Russie n’y apparaît pas comme le seul objet de la consécra-

tion ».81

Et la veille de la cérémonie, dans Messagem de Fatima, l’abbé Messias Dias Cœlho annonça : « Consécration de la Russie :

ce ne sera pas encore cette fois-ci ».82

L’acte de consécration

Le 25 mars, à Rome devant 250 000 personnes, le pape répéta l’acte de consécration de 1982 et consacra le monde à « la

mère des hommes et des peuples ». Le texte parut dans l’Osservatore Romano du lendemain. La formule reprend en majeure

partie celle utilisée en 1982.83 En particulier, mise à part l’expression « je me trouve aujourd’hui en ce lieu choisi par Vous, et

par Vous, ô Mère, particulièrement aimée » remplacée par « nous nous trouvons aujourd’hui face à toi, Mère, dans l’année

jubilaire de notre Rédemption », tous les extraits de la consécration de 1982 donnés précédemment, se retrouvent mot pour

mot dans celle de 1984. Sur le fond, l’acte est donc identique. Il souffre par conséquent des mêmes insuffisances.

Certes, le pape fit ce qu’il put pour obtenir la participation des évêques. La lettre envoyée par le Vatican leur demandant de

s’associer à lui était plus que la simple information communiquée avant la consécration de 1982. Malgré tout, les évêques

furent simplement "invités" à s’unir au pape, alors que la Sainte Vierge avait demandé qu’il leur soit "ordonné" de faire cette

consécration en même temps que le Saint-Père. Aussi, en général, rien ne fut fait dans les diocèses pour s’associer à la prière

du pape ce jour-là. De plus, aucune cérémonie de réparation ne fut organisée, ni à Rome, ni dans les diocèses. Et le pape ne

promit pas d’approuver et recommander la communion réparatrice des premiers samedis du mois.

Ensuite, la Russie est nommée par la même périphrase : « Nous t’offrons et te consacrons d’une manière spéciale les

hommes et les nations qui ont particulièrement besoin de cette offrande et de cette consécration ».

Mais surtout, par rapport à la formule de 1982, il y a un ajout significatif. Il est demandé à Notre-Dame : « Éclaire

81 FJIEM, p. 361. 82 TVF4, p. 426. 83 Voir dossier Le message de Fatima déjà cité, Présentation de Monseigneur Tarcisio Bertone. Texte intégral dans le livre du cardinal Bertone (voir note

n° 107), p. 169 à 173.

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spécialement les peuples dont tu attends de nous la consécration et l’offrande ». Et le soir, lors de l’adieu à Notre-Dame, le

pape redit avoir voulu consacrer « tous les peuples, particulièrement ceux qui ont tant besoin de cette consécration, ces peuples

pour lesquels Tu attends toi-même notre acte de consécration, l’acte qui Te les confie ».84 Le Saint-Père lui-même admit donc

que la consécration n’avait pas été faite puisque, par deux fois au cours de cette journée, il affirma que la Sainte Vierge l’atten-

dait toujours. Aurait-il prononcé cette phrase s’il avait vraiment considéré son acte comme celui voulu par Notre-Dame ? Ces

deux phrases signifient clairement : cette consécration, la Sainte Vierge l’attend toujours, elle lui est confiée, mais elle n’est

pas faite !

Peu après, Jean-Paul II confia à Monseigneur Paul Joseph Cordes, alors vice-président du Conseil pontifical pour les laïcs,

qu’il n’avait pas nommé expressément la Russie, car il craignait que « ses paroles soient interprétées comme une provocation

par les dirigeants soviétiques ».85 Dans une conversation privée, le 1er août 1984, le pape confia à l’abbé Caillon : « La consé-

cration est faite ». Puis il ajouta cette précision importante : « On ne peut pas consacrer la Russie à part. Nous avons consacré

toutes les nations en ajoutant une précision concernant la nation dont Notre-Dame attend qu’on la lui consacre. » Le pape

reconnaissait donc une nouvelle fois que Notre-Dame avait demandé une chose actuellement impossible !

En relatant l’événement, l’abbé Caillon conclut : « Le pape a fait tout ce qu’il a pu parce qu’il ne pouvait pas faire plus...

Il ne pouvait pas consacrer la Russie à part car il voulait ménager la Russie et les puissances de l’Est, bref toute la gauche

mondiale. C’est ce qu’on appelle en allemand l’Ostpolitik ».86

Peut-être le Saint-Père tenta-t-il de faire tout ce qu’il put pour s’approcher de la demande de Notre-Dame, mais tous ces

éléments montrent que, volontairement ou non, la consécration de la Russie au Cœur Immaculé de Marie n’a pas été faite dans

les formes demandées par Notre Dame. Que le pape ait été le plus loin possible, c’est une autre question. Mais dire qu’on est

allé le plus loin possible ne signifie pas qu’on est arrivé au but !

L’avis de sœur Lucie

L’année suivante au mois de septembre, sœur Lucie confia à la revue Sol de Fatima que la consécration demandée par la

Sainte Vierge n’avait toujours pas été faite, car la Russie n’avait pas été mentionnée et les évêques ne s’y étaient pas vraiment

associés.

Cette année-là, le cardinal Gagnon, dans un entretien avec l’abbé Caillon, reconnut que la consécration de la Russie n’était

toujours pas faite. Trois ans plus tard, en 1988, le cardinal Gagnon apprit que son entretien avec l’abbé Caillon avait été diffusé

par le père Gruner. Furieux, il attaqua le père en disant que l’entretien n’était pas destiné à être publié. Mais il ne nia, ni l’en-

tretien, ni son contenu.

Le 12 septembre 1986, l’abbé Caillon se rendit au Portugal pour un important symposium. Sur le trajet, il rendit visite à

madame Pestana, une grande amie de sœur Lucie qui pouvait aller la voir très régulièrement. Lui ayant posé la question : « La

consécration de la Russie ? », madame Pestana répondit : « Si vous voulez, je puis vous le jurer la main sur l’Évangile : la

consécration de la Russie n’est pas faite.87

Une semaine plus tard, le 18 septembre 1986, l’abbé Laurentin déjeuna avec Maria do Fetal, une nièce de sœur Lucie qui

ne cessa de lui répéter : « La consécration de la Russie au Cœur Immaculé n’a pas été accomplie. Je peux vous l’affirmer

puisque sœur Lucie le dit à tout le monde. » Et elle ajouta :

Pour répondre à la demande de Notre-Dame, il ne faudrait pas camoufler sous un fatras de précautions diplomatiques qu’il

s’agit de la consécration de la Russie et seulement de la Russie… Quand on baptise un enfant, on l’appelle par son nom. Il faudra

qu’un jour la Russie apparaisse nettement comme étant l’unique objet de la consécration.87

Quelques jours après, l’abbé Caillon séjourna à Porto chez un membre de la famille de Lucie, qui lui répéta plusieurs fois :

« La consécration de la Russie n’est pas faite. Cela, je puis le dire puisque Lucie le répète à tout le monde » car « c’est la

consécration de la Russie que Notre-Dame a demandée ».88 Il rapporta ses propos dans un article paru l’année suivante, et il

concluait de la façon suivante :

Après chaque grande tentative de consécration, en 1942, en 1952, en 1964, en 1982, que de gens, parfois très haut placés, ont

cru et dit que la consécration était faite. Mais la petite voix venue du Portugal disait non. De même, après la grande tentative de

1984, que de gens ont cru et proclamé que, cette fois, c’était fait. Mais la même petite voix venue du carmel de Coïmbra dit encore

non. Quand on dit "la consécration", il est bien entendu qu’on parle de la consécration de la Russie.

Que faire maintenant ? Expliquer à tous que, dans cette affaire, il faut supprimer radicalement les mots "monde, genre humain,

humanité, toutes les nations, tous les peuples", et dire uniquement "consécration de la Russie".

Tâchons d’obtenir l’adhésion de tous les évêques à cette consécration de la Russie.89

Le 25 avril suivant, au cours d’une petite fête pour ses quatre-vingts ans, la voyante reçut sa famille. Voici comment l’abbé

Caillon relate l’événement dans un article intitulé La pensée de sœur Lucie sur la consécration de la Russie, paru dans le n° 128

84 FJIEM, p. 363, citant l’Osservatore Romano du 27 mars et du 10 avril 1984. 85 FJIEM, p. 364. Voir l’introduction, p. 4. 86 Le troisième secret de Fatima, par Marc Dem. Éditions du Rocher, 1993, p. 94 & 95. L’auteur ne donne malheureusement pas de référence. 87 TVF4, p. 448. 88 Voir l’article complet du chanoine Caillon en annexe 3. 89 Article paru dans le n° 213 (février 1987) de la revue Stella Maris, (Édition du Parvis, CH-1631-Hauteville, Suisse).

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d’octobre 1987 de L’appel de Notre-Dame :

Parmi les nombreuses personnes qui étaient là, plusieurs posaient des questions, mais sœur Lucie s’étudiait à ne pas répondre.

Vint le tour d’une certaine cousine, qui habite Fatima, mariée, mère de famille et qui, surtout, savait très bien ce qu’il fallait deman-

der et en quels termes il fallait le dire. Cette cousine voulait entendre de la bouche même de sœur Lucie si la consécration de la

Russie au Cœur Immaculé a vraiment été faite, conformément aux prescriptions de Notre-Dame. La réponse arriva nette, comme

un boulet de canon et de manière subite : « Non ! » La cousine ajouta : « Il paraît que le Saint-Père croit qu’elle est faite ? » Alors

là, Lucie ne répond ni oui, ni non. Elle garde le silence par respect pour le Saint-Père.90

Trois mois plus tard, le 20 juillet 1987, sœur Lucie fut contrainte de sortir brièvement de son couvent pour aller voter. Dans

un rapide entretien avec le journaliste Enrico Romero, elle affirma que la consécration de la Russie n’avait pas été faite.

Le 23 octobre de la même année, dans une audience à une douzaine de dirigeants catholiques, le cardinal Mayer reconnut

que la consécration n’avait pas été faite selon la requête de la Sainte Vierge.

Le 26 novembre suivant, le cardinal Stickler confirma que la consécration n’avait pas été faite parce que le pape n’arrivait

pas à avoir le soutien des évêques. Et le cardinal précisa : « Ils [les évêques] ne lui obéissent pas ».91

Cette même année, sœur Lucie écrivit à son cousin que la consécration n’avait pas été faite.

En mai 1989, sœur Lucie reçut la visite de l’archevêque de Boston, le cardinal Law, accompagné du père Philip Bourret, s.

j., qui était au Portugal pour accompagner un pèlerinage. Au cours de cette visite, elle lui dit toujours la même chose :

Le Saint-Père pense que la consécration a été faite, de la meilleure façon possible étant données les circonstances. Faite selon

les strictes conditions de la consécration collégiale que Notre-Dame a demandées ? Non, cela n’a pas encore été fait.92

Une conclusion s’impose : la consécration de 1984 étant quasiment identique à celle de 1982, elle a reçu le même avis de

sœur Lucie.

Toutefois, malgré ses défauts, ce renouvellement conserve une qualité intrinsèque : il marque la volonté du pape de consa-

crer le monde au Cœur Immaculé de Marie et d’essayer d’y associer les évêques. Or, à cette consécration, Notre-Seigneur

accorda des grâces spéciales. Il est donc logique qu’une telle consécration qui avait porté des fruits en 1942, en porte à nouveau

après 1984. Sœur Lucie l’a d’ailleurs elle-même reconnu après la consécration de 1982.93 Aussi n’est-il pas interdit de penser

que la chute du mur de Berlin et l’arrêt des persécutions en Russie sont-ils très probablement une conséquence de cette consé-

cration, comme le tournant de la deuxième guerre mondiale fut la conséquence des consécrations de Pie XII. Pour en être sûr,

il ne manque que la confirmation de sœur Lucie. Malheureusement, la question ne lui fut apparemment jamais posée.94

Mais une chose est sûre : aucune des consécrations faites jusque-là, y compris celle de 1984, ne correspond aux demandes

de Notre-Dame. Aussi la Russie n’est-elle toujours pas convertie et la paix dans le monde que doit nous apporter cette conver-

sion, n’est-elle toujours pas accordée.

En un mot, la consécration de 1984 correspondait-elle à ce qu’a demandé Notre-Seigneur ? : oui probablement ; mais à ce

qu’a demandé Notre-Dame ? : sûrement non.

Les pèlerinages de 1991 et 2000

Après la consécration de 1984, Jean-Paul II revint deux fois à Fatima, d’abord le 13 mai 1991. À cette occasion, sœur Lucie

fit savoir à sa supérieure qu’elle ne souhaitait pas voir le pape. En l’apprenant, Jean-Paul II lui fit ordonner de venir le voir ce

jour-là. Sœur Lucie eut ainsi un entretien seul à seul avec lui qui dura une dizaine de minutes.95 Pendant les deux jours que

dura son séjour à Fatima, le pape ne mentionna jamais cet entretien et par la suite, rien ne transpira, rien ne fut publié, ni par le

pape, ni par sœur Lucie.

Le plus surprenant est qu’il n’y eut aucun communiqué confirmant que la consécration avait bien été faite en 1984. Car si

sœur Lucie l’avait dit, Jean-Paul II n’aurait pas manqué de le faire savoir. L’absence de confirmation après cette rencontre est

lourde de signification : en 1991, sœur Lucie pensait toujours que la consécration n’avait pas été faite comme le voulait Notre-

Dame.96

Jean-Paul II se rendit une troisième fois à Fatima, au cours de l’année 2000. Il ne rencontra pas sœur Lucie pourtant venue

à sa demande à Fatima. N’était-ce pas une occasion pour lui faire confirmer officiellement que la consécration de 1984

90 TVF4, p. 449 & 450. 91 Père Kramer, op. cit., p. 222 & 223. 92 FJIEM, p. 374. 93 Voir plus haut, p. 51. 94 En l’absence d’un avis plus précis de sœur Lucie, on ne peut pas en être absolument certain, car la chute du mur de Berlin peut avoir d’autres causes.

Jean-Paul II l’a lui-même reconnu en deux occasions. Dans son livre Entrez dans l’espérance, il écrit : « Il faut se garder de simplifications excessives.

(…) Le communisme est tombé à la suite de ses propres erreurs et abus. » Et dans son allocution du 24 mars 2004, soit vingt ans presque jour pour jour

après l’acte d’offrande de 1984, il parla en ces termes : « Vingt ans se sont écoulés depuis ce jour où, sur la place Saint-Pierre, en union spirituelle avec

tous les évêques convoqués auparavant, j’ai voulu confier toute l’humanité au Cœur Immaculé de Marie, répondant à ce que Notre-Dame avait demandé

à Fatima. L’humanité vivait alors des moments difficiles, de grande préoccupation et d’incertitude. Vingt ans plus tard, le monde reste encore affreuse-

ment marqué par la haine, la violence, le terrorisme et la guerre. » (FSM, p. 361 citant DC 2004, p. 363.) 95 FJIEM, p. 379 à 383. Le frère François indique 22 minutes dans la légende de la photo placée en face de la page 387, alors qu’il indique 10 minutes à la

page 383. 96 Il y a là une preuve supplémentaire que les lettres attribuées à sœur Lucie affirmant que la consécration était faite, sont bien apocryphes.

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correspondait bien aux demandes de Notre-Dame ?

Enfin, il maintint le silence imposé à sœur Lucie, même après la révélation du secret officiel, le 26 juin 2000, et ceci jusqu’à

sa mort, le 13 février 2005.

Par la suite, Jean-Paul II ne parla plus de Fatima. En particulier, il ne put jamais citer une seule parole ou un seul écrit de

sœur Lucie affirmant que la consécration de 1984 était bien conforme aux volontés de la Sainte Vierge.

BENOÎT XVI

Au cours des huit années de son pontificat, Benoît XVI ne fit aucun acte de consécration. La seule chose qu’il fit, fut de se

rendre en pèlerinage à Fatima le 13 mai 2010. Il ne parla que très peu du message, disant toutefois au cours de son ser-

mon : « Celui qui croit que la mission prophétique de Fatima est achevée se trompe. »

FRANÇOIS

Peu après son élection, pour les journées mariales organisées le 13 octobre 2013 à l’occasion de l’année de la Foi, François

fit venir à Rome la statue de la Capelina ; et, à l’issue de la messe, Mgr Salvatore Fisichella, président du Conseil pontifical

pour la promotion de la nouvelle évangélisation, organisateur de cette journée mariale, après avoir remercié le Saint-Père de sa

présence, lui demanda de confier tous les hommes au Cœur Immaculé de Marie. François se rendit alors auprès de la statue de

Notre-Dame de Fatima et, debout, récita une prière. À l’étonnement général, le mot « monde » et l’expression « Cœur Imma-

culé de Marie » ne figurait nulle part dans le texte de cette prière, pas même dans le titre ; et sur le site du Vatican, elle était

intitulée : Acte de confiance à Marie.97

Dans cette prière, François dit simplement : « Accueille avec ta bienveillance de Mère l’acte de consécration qu’au-

jourd’hui nous faisons avec confiance, devant ta statue qui nous est si chère. » Mais nulle part ailleurs, il n’y a un acte de

consécration. François offre donc un acte dit de consécration qui n’a pas été fait ! De plus, il n’est précisé ni l’objet, ni le

destinataire de cet acte. Présenter un acte n’est pas la même chose que l’acte lui-même.

Pourtant, pendant les deux mois précédents, les médias avaient annoncé que le pape allait consacrer le monde au Cœur

Immaculé de Marie. Dès le 13 août, le sanctuaire de Fatima diffusait l’information qui fut reprise pas plusieurs sites internet.

Dans son bulletin du 16 août, l’agence Zenit annonçait : « Le pape François consacrera le monde au Cœur immaculé de Marie,

à Rome le 13 octobre, aux pieds de la Vierge de Fatima, en l’anniversaire de l’apparition de 1917. » et reproduisait ensuite

les consécrations faites par Pie XII et Jean-Paul II.

Le 8 octobre, Radio Vatican titra : « Le pape François va consacrer le monde au cœur immaculé de Marie » et affirma par

trois fois dans le corps du texte que « le pape François consacrera le monde au cœur immaculé de Marie ». Mais, le 11 octobre,

Radio Vatican dit simplement : « Le pape François prononcera un "acte de confiance" à la vierge » et ajoutait :

Au Vatican, on insiste pour dire que cette démarche du pape n’est pas à proprement parler une "consécration du monde au

cœur immaculé de Marie", comme l’annonce encore aujourd’hui le sanctuaire de Fatima sur son site Internet. Mgr Rino Fisichella

a ainsi expliqué à I.MEDIA qu’il existait un "débat théologique très fort" sur la signification du terme "consécration" et qu’il avait

été abandonné par Jean Paul II après son Encyclique Redemptoris mater de mars 1987.

Malgré cela, le bulletin de Zenit du 13 octobre, contrairement au site du Vatican, maintint que la prière prononcée par le

pape était une Prière de consécration du monde au cœur immaculé de Marie.

François se rendit en pèlerinage à Fatima le 13 mai 2017 pour le centenaire des apparitions mais il n’y eut toujours pas de

consécration de la Russie.

SYNTHÈSE SUR LA POSITION DES PAPES

Depuis la demande de Notre-Dame, neuf actes ont donc été réalisés par les papes : trois par Pie XII, un par Paul VI, quatre

par Jean-Paul II et un par François. Voici un tableau résumant comment chacun de ces actes vérifie les conditions précisées

par Notre-Dame :

97 https://w2.vatican.va/content/francesco/fr/events/event.dir.html/content/vaticanevents/fr/2013/10/13/papa-francesco_preghiere_20131013_affida-

mento-vergine-fatima.html

Par contre, sur la page où figure le sermon, elle est appelée Prière de consécration. Dans les autres langues, le mot employé varie : le mot "confiance"

est utilisé pour l’anglais (entrustment), l’allemand (anvertrauens) et l’italien (affidamento) ; celui de "consécration" est utilisé pour l’espagnol ( consagra-

ción) et le portugais (consagração).

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Oct. 1942 Pie XII Non Oui Non (3) Oui Non Non

Déc. 1942 Pie XII Non Oui Non (3) Oui Non Non

Juillet 1952 Pie XII Non Oui Oui Oui Non Non

Nov. 1964 Paul VI Non (1) Non (2) Non Non Non Non

Jean-Paul 1er / / / / / /

Juin 1981 Jean-Paul II Non Non (2) Non Non Non Non

Déc. 1981 Jean-Paul II Non Non (2) Non Non Non Non

Mai 1982 Jean-Paul II Non (1) Oui Non (3) Probable (4) Non Non

Mars 1984 Jean-Paul II Oui Oui Non (3) Probable (4) Non Non

Benoît XVI / / / / / /

Oct. 2013 François Non Non Non Non Non Non

Nota 1 : Paul VI ne donna aucun ordre aux évêques. Jean-Paul II dit simplement qu’il faisait son acte « en union spirituelle »

avec les évêques.

Nota 2 : Le terme employé lors de ces actes est "remettre" et non pas "consacrer". Doute

Nota 3 : La formule employée par Pie XII est : « spécialement à ceux [les peuples] qui professent pour vous une singulière

dévotion et chez lesquels il n’y avait pas de maison qui n’honorât votre vénérable icône ». Celles employées par Jean-Paul II

sont : « les nations qui ont particulièrement besoin de cette offrande et de cette consécration » et « les peuples dont tu attends

de nous la consécration et l’offrande ».

Nota 4 : Jean-Paul II n’a pas consacré le monde au Cœur Immaculé de Marie mais à la mère des hommes et des peuples.

Toutefois, il mentionna trois fois le Cœur Immaculé de Marie et affirma clairement qu’il voulait refaire l’acte de consécration

de Pie XII, lequel était bien un acte de consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie. Aussi sœur Lucie considéra-t-elle

que « De cette consécration du monde, nous pouvons attendre quelques avantages ».

Deux points sont communs à tous ces actes :

- aucun acte public de réparation ne fut associé,

- aucun pape ne promit d’approuver la communion réparatrice des premiers samedis du mois.

À elles seules, ces deux omissions invalident toutes les consécrations. La deuxième omission est particulièrement étonnante,

car la communion réparatrice est déjà en partie reconnue dans l’Église puisque Léon XIII, saint Pie X et Benoît XV lui ont

attribuée des indulgences. Pourquoi donc les papes se sont-ils toujours refusés à exécuter une demande si facile et si tradition-

nelle ? De nos jours, cette dévotion est très généralement ignorée. Il est donc absolument certain que toutes les demandes de la

Sainte Vierge n’ont pas été satisfaites.

Mais ce ne sont pas les seuls caractères invalidants. Sur les neuf actes, seuls cinq sont de véritables consécrations, car celui

de Paul VI, les deux premiers de Jean-Paul II et celui de François n’étaient pas vraiment des consécrations et, de toutes les

façons, n’étaient pas adressés au Cœur Immaculé de Marie, ni même au Sacré-Cœur de Jésus. Et seul Jean-Paul II a fait son

possible pour associer les évêques.

Enfin, la Russie n’a été nommée qu’une seule fois, par Pie XII en 1952. Dans les huit autres cas, soit elle n’a pas été

nommée, soit elle ne l’a été que de façon très voilée.

On voit donc qu’aucun des neuf actes ne remplit les six conditions demandées par Notre-Dame. Par contre, les deux

consécrations de 1942 remplissent les conditions demandées par Notre-Seigneur ainsi que celles de 1982 et 1984, très proba-

blement. Ces actes, conformes à la demande de Notre-Seigneur, ont porté les fruits promis par Lui, à savoir : la fin de la guerre

dans le cas de Pie XII, la chute du mur de Berlin et la fin des persécutions en Russie dans le cas de Jean-Paul II.

Voici un tableau montrant comment les différents actes ont répondu aux demandes de Notre-Seigneur :

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Nota l : Pie XII a consacré la Russie et non le monde.

Nota 2 : Le Cœur Immaculé de Marie est mentionné, mais la consécration ne lui est pas faite spécifiquement.

En conclusion, même si certaines consécrations du monde ont pu porter des fruits, la consécration de la Russie au Cœur

Immaculé dans les conditions demandées par Notre-Dame n’a pas encore été effectuée, ne serait-ce que par la double absence,

lors de ces consécrations, d’un acte public de réparation et de l’approbation de la communion réparatrice des premiers samedis

du mois.

Pourtant, malgré toutes ces raisons, la position officielle du Vatican est que la consécration a été faite. Comment cela est-

ce possible ? Que faut-il croire ?

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Nov. 1964 Paul VI Non Non Non

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Juin 1981 Jean-Paul II Non Oui Non

Déc. 1981 Jean-Paul II Non Oui Non

Mai 1982 Jean-Paul II Oui Oui Probable (2)

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CHAPITRE 3

LA POSITION OFFICIELLE DU VATICAN

DE 1984 À 1989

Après la consécration du 25 mars 1984, Jean-Paul II affirma que cette dernière répondait à la demande de Notre-Dame.

Quelques prêtres, très au fait du message de Fatima et connaissant bien la pensée de sœur Lucie, insistèrent malgré tout auprès

de lui pour qu’il fasse la consécration telle que l’avait demandée la Sainte Vierge. Jean-Paul II leur répondit avec un certain

agacement : « La consécration est faite. On la recommence tous les matins ».98

De son côté, le cardinal Gagnon voulut se rendre à Coïmbra pour discuter avec la voyante. « Ah, non ! s’exclama le pape.

Ce n’est pas la peine. La consécration, c’est fini ! »

Autant sœur Lucie disait que la consécration n’était pas faite, autant Jean-Paul II affirmait le contraire. L’abbé Laurentin

reconnut que sur ce point, il y avait une certaine tension entre eux99, au point que, durant l’été 1988, une consigne arriva de

Rome pour exiger que sœur Lucie dise désormais que la consécration avait bien été faite. L’ordre lui fût transmis par l’évêque

de Leiria lui-même, Monseigneur do Amaral.

Peu après, le père Messias Dias Cœlho confirma que le Vatican venait de donner l’ordre à sœur Lucie de dire que la con-

sécration de la Russie avait été faite.

Vers la même époque, l’abbé Caillon reçut une injonction similaire de la Secrétairerie d’État par l’intermédiaire de son

évêque, Monseigneur Dubigeon, ce qui le conduisit à écrire dans une lettre circulaire de mars 1990 : « Une consigne arriva de

Rome, obligeant tout un chacun à dire et à penser : “La consécration est faite. Le pape ayant fait tout ce qu’il pouvait, le Ciel

a daigné agréer son geste”. »100

Quelques années plus tard, le frère François de Marie des Anges pu rencontrer deux fois Mgr do Amaral et lui faire confir-

mer les faits :

Lors d’un entretien en tête-à-tête, le 2 mars 1995, je lui ai demandé :

— Avez-vous parlé à sœur Lucie depuis votre parloir avec elle, en présence du nonce, le 21 mars 1982 ?

— Oui. Je l’ai rencontrée une fois, seul à seule, pour lui transmettre un ordre de l’autorité suprême.

— Le pape vous avait-il personnellement écrit pour cela?

— Non, c’est le cardinal secrétaire d’État qui m’a écrit pour que j’accomplisse cette démarche.

Lors d’une autre entrevue, le 20 février 2003, je l’interrogeai sur la consigne qu’il avait communiquée à la voyante :

— Jean-Paul II voulait qu’elle dise : « La consécration est faite ». Est-ce bien cet ordre du pape que vous avez transmis à Lucie ?

— Oui, c’est cela.101

Dès ce moment, par obéissance, sœur Lucie ne dira plus, ni n’écrira plus : « La consécration de la Russie n’a pas été faite. »

Mais, à notre connaissance, il n’existe aucun écrit ou témoignage prouvant que sœur Lucie ait dit : « La consécration telle que

demandée par Notre-Dame a bien été faite. »102 Peut-être a-t-elle pu dire que la consécration de 1984 correspondait à ce

qu’avait demandé Notre-Seigneur en 1935 et 1940. Mais ce n’est pas la même chose que de dire : « La consécration telle que

demandée par Notre-Dame a été faite. »

Cette attitude de sœur Lucie peut surprendre. Pourtant, c’est l’attitude même des saints. Sainte Marguerite-Marie éprouva

la même difficulté à propos de la dévotion au Sacré-Cœur dont ses supérieurs ne voulaient pas qu’elle parle. S’en étant plaint

un jour à Notre-Seigneur, elle reçut de Lui la réponse suivante :

Je suis content que tu préfères la volonté de tes supérieures à la mienne, lorsqu’elles te défendront de faire ce que je t’aurai

ordonné. Laisse-les faire tout ce qu’elles voudront de toi, je saurai bien trouver le moyen de faire réussir mes desseins, même par

des moyens qui y semblent opposés et contraires.103

Car il a une grande différence entre s’abstenir de parler par obéissance et affirmer une chose objectivement fausse. Ne pas

exécuter une demande par obéissance peut rester vertueux ; mais il n’est jamais permis par obéissance de dire le contraire de

la vérité. Se taire est possible ; mentir ne l’est jamais. Sainte Marguerite-Marie et sœur Lucie se sont tues à l’ordre de leurs

supérieurs mais n’ont jamais menti.

98 FSM, p. 348. 99 FSM, p. 357, note 4 qui mentionne Multiplication des apparitions de la Vierge aujourd’hui de l’abbé Laurentin. 100 FSM, p. 348. 101 FSM, p. 452. 102 Dans les éditions officielles des mémoires de sœur Lucie (Mémoires de sœur Lucie, Vice-Postulaçao dos videntes, édition de mai 1980, p. 109.) et ce

jusqu’à l’édition de 1988, la note n° 11 insérée dans le troisième mémoire précisait : « Les conditions pour la consécration de la Russie et par suite pour

sa conversion, ont-elles été accomplies comme l’a demandé la Mère de Dieu ? Lucie manifeste l’opinion contraire. Ainsi, nous continuons à souffrir les

conséquences du communisme athée qui, dans la main de Dieu, est un fléau pour punir le monde de ses péchés. »

À partir de l’édition de 1990, la note n° 11 fut remplacée par la note suivante : « Sœur Lucie affirme que la consécration par Jean-Paul II en union avec

les évêques, le 25 mars 1984, correspondait à la demande de Notre-Dame et a été reçue par le Ciel. (…) » 103 Sainte Marguerite-Marie, Sa vie par elle-même, éd. Saint-Paul 1979, p. 69. (TVF4, p. 492)

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LE CHANGEMENT DE 1989

La chute du mur de Berlin

Après la visite officielle en RFA en mai 1987 de Mikhaïl Gorbatchev, qui menait une politique novatrice marquée par

l’abandon de la doctrine Brejnev, le Vatican affirma plus fermement que la consécration était faite. Et la chute du mur de Berlin

en 1989 va lui donner une nouvelle occasion d’insister sur ce point.

Le 7 octobre 1989, de nombreuses manifestations de protestations contre le régime eurent lieu en Allemagne de l’Est et les

Allemands demandèrent à Gorbatchev de leur venir en aide. Le 18 octobre 1989, Honecker fut limogé et le 9 novembre 1989,

le Conseil des ministres de la RDA décida l’ouverture du mur de Berlin et des frontières.

L’année suivante, le 13 mai 1990, à la Cova da Iria, devant cinq cent mille pèlerins, Monseigneur do Amaral déclara :

Tout nous porte à croire que la consécration sollicitée par Notre-Dame a été faite. N’importunons pas davantage le Saint-Père

qui a accompli tout ce qu’il lui est possible de faire. Et il est permis de penser que tout ce qui, d’une manière si surprenante, est

arrivé à l’Est et au Centre oriental de l’Europe – liberté religieuse reconnue par les gouvernants, institution de la hiérarchie sacrée,

respect des droits fondamentaux de la personne humaine – peut être attribué à l’intervention de Notre-Dame, Mère pleine de solli-

citude pour tous les hommes et tous les peuples.104

Le ton est donné : désormais, la consécration est faite ; la chute du mur de Berlin le prouve !

Lettres de sœur Lucie

Vers la même époque, plusieurs lettres dactylographiées portant la signature de sœur Lucie et affirmant que la consécration

avait été faite, commencèrent à circuler.105 Le frère François de Marie des Anges en a recensé cinq106 :

˗ une à Maria de Belem datée du 29 août 1989,

˗ une à Walter M. Nœlker datée du 8 novembre 1989,

˗ une au père Paul Kramer datée du 21 novembre 1989,

˗ une au père Fox, datée du 3 juillet 1990,

˗ une non datée à la revue 30 Jours.

Ces lettres sont très curieuses. Toutes sont écrites à l’aide d’un ordinateur et ce sont les seules lettres attribuées à sœur Lucie

écrites de cette façon : tous les autres documents que l’on a d’elle sont manuscrits. Jusqu’alors, sœur Lucie n’avait jamais utilisé

ce moyen et elle ne le fera jamais par la suite. Pourquoi à quatre-vingts deux ans se serait-elle subitement mise à utiliser un

ordinateur pour rédiger son courrier ? De plus, dans son livre La dernière voyante de Fatima, le cardinal Bertone affirme que

« Sœur Lucie n’a jamais travaillé avec un ordinateur, ni visité un site Internet ».107

En outre, à l’époque, les ordinateurs personnels étaient encore très peu répandus. Beaucoup de bureaux n’en possédaient

pas et la pénétration dans les familles portugaises était très faible, a fortiori dans les couvents. On voit mal comment, dans ces

conditions, sœur Lucie aurait pu disposer d’un ordinateur.

Elle avait, selon plusieurs auteurs,108 appris à se servir d’une machine à écrire à l’Asilo de Vilar, mais par la suite elle ne se

servit jamais de ce moyen pour rédiger sa correspondance. Le 11 octobre 1990, la propre sœur de sœur Lucie dit à l’abbé

Caillon que sœur Lucie ne savait pas taper à la machine.109 Dans le musée du carmel de Coïmbra,110 il y a bien une photo

montrant sœur Lucie devant une machine à écrire, mais cela ne prouve pas qu’elle l’utilisait pour son courrier.

Quelqu’un aurait pu taper pour elle, mais sa supérieure affirme qu’elle répondait toujours elle-même à son courrier.

Ces lettres posent par ailleurs de nombreuses questions. Pourquoi sœur Lucie a-t-elle attendu cinq ans pour dire que la

consécration avait été faite ? Ne pouvait-elle le dire dès 1984 ? Si c’est parce qu’elle avait changé d’avis entre temps, pour

quelle raison a-t-elle changé d’avis ? Dans quel document l’explique-t-elle ? Car si elle s’était trompée pendant cinq ans, nul

doute qu’elle se serait excusée.

De plus, jusque-là, à chaque fois que sœur Lucie avait eu quelque chose d’important à confier, elle s’était toujours adressée

en premier lieu à ses confesseurs ou à ses supérieures pour leur demander leur avis et n’agir qu’après avoir reçu leurs conseils.

Où sont donc les lettres à son confesseur lui confiant sa joie de voir la demande de la Sainte Vierge enfin satisfaite ? Comment

n’a-t-elle pas informé tout son entourage ? Sœur Lucie ne l’aurait-elle confiée qu’à ces quelques personnes ? Cette attitude

n’est absolument pas dans les façons de faire de sœur Lucie.

104 FJIEM, p. 376. 105 Père Kramer, op. cit., p 224. (TVF4 p. 465 et suivantes) 106 FJIEM p. 377. 107 La dernière voyante de Fatima. Ce que m’a dit sœur Lucie, par le Cardinal Tarcisio Bertone avec Giuseppe De Carli. Traduit de l’italien par Marie-Ange

Maire Vigueur. Éditions Bayard, 2008, p. 104. 108 Walsh, op. cit. p. 209 : « La fillette apprit à coudre, à broder, à écrire à la machine, à faire la cuisine, le ménage, le service de table » ainsi que Fatima,

Merveille du XXe siècle, par le chanoine Barthas, p. 184 : « En plus des matières classiques, elle apprit les travaux pratiques du ménage, la broderie, la

dactylographie… ». 109 Père Kramer, op. cit., p. 225. Elle avait appris à l’Asilo de Vilar, mais n’avait probablement pas persévéré, car tous les écrits que l’on a d’elle jusqu’à

cette date sont manuscrits. 110 Sœur Lucie y vécut de 1948 jusqu’à sa mort, soit près de 57 ans

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Ensuite pourquoi n’a-t-elle jamais remercié le Saint-Père d’avoir accompli cette consécration ? Toute sa vie elle a milité

pour cela. Elle a insisté auprès de cinq papes pendant plus de cinquante ans. Et le jour où elle serait convaincue que la consé-

cration est enfin faite, elle n’aurait aucune réaction, ne ferait aucun remerciement. C’est difficilement croyable.

Mais surtout, l’une de ces lettres, celle adressée le 8 novembre à Walter M. Nœlker, contient des erreurs si graves qu’elle

n’a sûrement pas été écrite par sœur Lucie. Voici cette lettre111 :

J’ai reçu votre lettre et je viens répondre à votre question : « Has the collegial consecration of Russia to the Immaculate Heart

of Mary been maid, according to the Blessed Mother ? » – Traduction – « La consécration collégiale de la Russie au Cœur Imma-

culé de Marie a-t-elle été faite selon les demandes de la Vierge Marie ? »

Oui, elle a été faite, telle que Notre-Dame l’a demandée, le 25 mars 1984.

Cette consécration a été faite par S. S. Pie XII, le 31 octobre 1942, avec une mention voilée de la Russie, mais que Dieu a bien

comprise. L’on me demanda après coup si elle avait été faite comme Notre-Dame l’avait demandé. Je répondis que non, car il lui

manquait l’union de tous les évêques du monde, et comme cette consécration est un appel à l’union de tout le Peuple de Dieu, cette

condition est indispensable.

Le Saint-Père Paul VI l’a faite ensuite à Fatima, le 13 mai 1967. On m’interrogea après coup pour savoir si elle avait été

faite comme Notre-Dame l’avait demandé. J’ai répondu que non : il lui manquait l’union avec tous les évêques du monde.

Le même Souverain Pontife l’a faite lors du Sacré Concile avec la participation de nombreux évêques. L’on m’interrogea

ensuite pour savoir si elle avait été faite comme Notre-Dame l’avait demandé, je répondis que non, car elle ne devait pas être faite

avec tous les évêques réunis dans une salle, mais il fallait que chaque évêque dans son diocèse la fasse avec le peuple de Dieu dont

il est le guide, en union avec le Saint-Père qui est le représentant suprême et universel du Christ sur la terre ; elle est faite au Cœur

Immaculé de Marie, Mère du Christ et de tout le peuple de Dieu sur la terre, le Corps mystique du Christ dont elle est la Mère, le

peuple de Dieu qui lui est consacré pour que, par Elle, avec le Christ, elle soit offerte au Père pour le salut du monde.

Elle fut faite aussi à Fatima par le Saint-Père Jean-Paul II, le 13 mai 1982. Ensuite l’on me demanda si elle avait été faite dans

les conditions demandées par Notre-Dame. J’ai répondu que non. Il manquait comme précédemment, l’union avec tous les évêques

du monde, et comme la consécration était un appel à l’union de tout le peuple de Dieu, cette condition est indispensable.

Finalement, ce même Souverain Pontife Jean-Paul II écrivit à tous les évêques de monde pour leur demander de la faire chacun

dans son propre diocèse avec le Peuple de Dieu confié à sa garde, en union avec Sa Sainteté. Il ordonna que la statue de Notre-

Dame fût apportée à Rome et, devant cette image, en union avec tous les évêques du monde – unis à Sa Sainteté – avec tout le

Peuple de Dieu, il fit cette consécration – à Rome – publiquement devant l’image de Notre-Dame de Fatima, le 25 mars 1984.

Après l’on me demanda si elle avait été faite comme Notre-Dame l’avait demandé. Je répondis que OUI.

Coïmbra, 8-XI-1989

Cette lettre contient plusieurs erreurs très graves :

˗ Elle mentionne une consécration de la Russie par Paul VI lors de son pèlerinage à Fatima le 13 mai 1967 alors que ce

jour-là, le pape ne fit aucune consécration. Cette simple affirmation met déjà un sérieux doute sur l’authenticité de cette

lettre. Sœur Lucie était à Fatima ce jour-là et assista à toute la cérémonie à côté du pape. Il est impossible que sœur

Lucie puisse imaginer une telle consécration une trentaine d’années plus tard. Ce fut un événement marquant pour elle ;

notamment, c’était la première fois qu’elle sortait de son carmel. Elle l’avait fait contrainte et forcée, à la demande du

pape lui-même et, une fois à Fatima, Paul VI avait refusé de lui parler.

˗ Dans toutes les consécrations faites avant 1984, celle de 1964 exceptée, ce qui aurait manqué c’est l’union de tous les

évêques du monde, seule condition impérative. Or, sœur Lucie a toujours dit que ce qui avait également fait défaut,

c’était la mention de la Russie laquelle ne figure pas non plus dans l’acte de 1984.

˗ Quant à celle de 1964 faite lors de la clôture de la troisième session du concile Vatican II, l’auteur de la lettre affirme

qu’elle n’était pas valide car les évêques ne devaient pas être réunis dans un même lieu. Or, sœur Lucie a écrit exacte-

ment le contraire en 1982 : elle laissait le choix au pape de réunir ou non les évêques en même lieu.112

˗ L’expression "Peuple de Dieu" employée sept fois dans la lettre est entièrement nouvelle sous la plume de sœur Lucie.

Aussi, la plupart des experts considèrent toutes ces lettres dactylographiées comme apocryphes, celle à Walter Nœlker

comme les autres.

En résumé :

˗ Après la consécration du 25 mars 1984, jusque vers le milieu de l’année 1989, c’est-à-dire pendant un peu plus de cinq

ans, sœur Lucie affirma catégoriquement que la consécration du 25 mars 1984 ne correspondait pas à ce qu’avait de-

mandé Notre-Dame et en donne les raisons.

˗ Courant 1988, le Vatican donne l’ordre à sœur Lucie de dire désormais que la consécration est faite.

˗ Entre août 1989 et juillet 1990, quelques lettres dactylographiées portant sa signature apparaissent, mais ces lettres con-

tiennent de telles erreurs dont on peut sérieusement douter qu’elles aient été écrites par sœur Lucie.

˗ En 1991, Jean-Paul rencontra sœur Lucie ; mais après cet entretien, il n’y eut aucune confirmation que la consécration

était faite.

˗ Par la suite, jusqu’à la mort de sœur Lucie, soit pendant seize ans, aucune déclaration écrite ou orale de sa part n’a été

produite. En particulier, sœur Lucie n’a jamais dit pourquoi elle aurait changé d’avis en 1989.

111 TVF4, p. 466. 112 Voir chap. 2, p. 45.

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Concernant le dernier point, une telle absence de témoignage pendant si longtemps est étrange. Car, quand bien même sœur

Lucie aurait changé d’avis à partir de 1989, ce silence de seize ans qui suivit, ne signifierait-il pas qu’elle serait revenue à sa

première analyse ?

À PARTIR DE L’AN 2000

En 1999, Jean-Paul II décida que le 13 mai 2000, il béatifierait François et Jacinthe. Le Vatican va saisir l’occasion pour

confirmer par de nouveaux arguments que la consécration a bien été faite. Il y eut au moins quatre interventions :

˗ le 27 avril 2000, un entretien de Mgr Bertone avec sœur Lucie en préparation de la cérémonie de béatification du 13

mai ;

˗ le 26 juin 2000, la diffusion par le Vatican d’un dossier intitulé Le message de Fatima ;

˗ le 17 novembre 2001, un autre entretien de Mgr Bertone avec sœur Lucie ;

˗ le 10 mai 2007, la publication du livre La dernière voyante de Fatima. Ce que m’a dit sœur Lucie.

L’entretien du 27 avril 2000

Monseigneur Bertone se rendit à Coïmbra le 27 avril pour voir sœur Lucie, accompagné par l’évêque de Leiria et Fatima,

Monseigneur Serafim de Sousa Feirrera e Silva. La lecture du compte-rendu de cette entrevue laisse profondément perplexe.113

Tout d’abord, il tient en une quarantaine de lignes pour une entrevue dont la durée n’est pas précisée, mais qui a sûrement duré

plus de quelques minutes étant donné que Monseigneur Bertone a fait spécialement le voyage pour cela. On serait en droit

d’attendre plus de détails d’une telle entrevue. Malheureusement, il semble qu’aucune précaution ne fut prise pour recueillir

précieusement tout ce qu’allait dire sœur Lucie.

Autre curiosité : Monseigneur Serafim qui participa à l’entrevue ne fit jamais le moindre commentaire. Était-il tenu au

secret ?

Quant au compte-rendu, il ne parle ni des premiers samedis du mois, ni de la consécration de la Russie et très peu de la

dévotion au Cœur Immaculé de Marie. C’est donc que ces questions n’ont probablement pas été abordées. C’était pourtant une

excellente occasion de redemander l’avis de sœur Lucie sur tous ces points, en particulier sur la consécration de la Russie ? Et

si ces points ont été abordés, pourquoi ne pas avoir cité ses réponses ?

Certes, l’objet de la rencontre était le troisième point du secret qu’il était prévu de révéler quinze jours plus tard. Mais sœur

Lucie a toujours dit qu’il n’y avait qu’un secret comportant trois choses distinctes et qui, tout en étant distinctes, sont donc

nécessairement liées. Or, cette question du lien entre la vision et les deux premières parties semble ne pas avoir été abordée.

Un tel oubli est véritablement impensable, à moins qu’il n’ait été explicitement voulu dès le départ ou encore que les réponses

de sœur Lucie aient été jugées non satisfaisantes.

Le dossier Le message de Fatima

Six semaines après la cérémonie de béatification de François et Jacinthe, un important dossier intitulé Le message de Fa-

tima,114 fut publié par le Vatican. Il commence par une présentation de Mgr Bertone, dans laquelle après avoir cité intégrale-

ment l’acte de consécration du 25 mars 1984, Mgr Bertone continue :

Sœur Lucie confirma personnellement que cet acte solennel et universel de consécration correspondait à ce que voulait Notre-

Dame (« Sim, està feita, tal como Nossa Senhora a pediu, desde o dia 25 de Março de 1984 »: « Oui, cela a été fait, comme Notre-

Dame l’avait demandé, le 25 mars 1984 » : lettre du 8 novembre 1989). C’est pourquoi toute discussion, toute nouvelle pétition est

sans fondement.

Cette lettre du 8 novembre 1989 est la seule preuve citée par Mgr Bertone. Il ne cite aucun autre document antérieur ou

postérieur. N’y a-t-il donc aucun document avant cette date ? N’y en a-t-il aucun autre depuis ?

Et malgré cette déclaration de Mgr Bertonne, les mêmes questions se posent : pourquoi sœur Lucie a-t-elle attendu tant de

temps pour le dire ? Pourquoi a-t-elle dit exactement le contraire jusqu’au début de 1989 ? Comment justifie-t-elle que le même

acte qui n’était pas conforme aux demandes de Notre-Dame en 1982 le soit devenu en 1984 ? Etc.

Mais surtout, il n’est cité qu’une seule phrase de cette lettre, alors que Monseigneur Bertone, cite longuement les deux

"actes de consécration" de 1981 et 1984, pourtant déjà connus et largement diffusés, et occupent un peu plus d’un tiers de son

texte. N’aurait-il pas été plus utile d’avoir une citation plus complète de la lettre du 8 novembre 1989, et de mentionner son

destinataire ?

De même, après la présentation de Mgr Bertone, figure une lettre de Jean-Paul II à sœur Lucie annonçant la visite de Mgr

Bertone, lettre intégralement reproduite par fac-similé avec à la suite une traduction, le tout occupant presque deux pages du

dossier pour une information somme toute très secondaire. Mais la lettre du 8 novembre 1989, information absolument capitale,

n’a droit qu’à une ligne !

113 Ce compte-rendu figure dans le dossier Le message de Fatima dont il est question au § suivant. 114 Dossier consultable sur le site du Vatican : http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_cfaith_doc_20000626_mes-

sage-fatima_fr.html

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Enfin, c’est la seule référence du dossier à ne pas être reproduite en fac-similé ; tous les autres documents en référence le

sont. Pourquoi cette exception ? Bien que le destinataire de la lettre ne soit pas mentionné, la date indiquée (8 novembre 1989)

la phrase citée permettent de reconnaître qu’il s’agit de la lettre à M. Nœlker étudiée dans un précédent paragraphe. Or cette

lettre contient des affirmations qui prouvent qu’elle n’a pas pu être écrite par sœur Lucie. Voilà très probablement pourquoi

elle n’a pas été reproduite et que seule une phrase en est citée.

Aussi, lorsque Mgr Bertone affirme : « C’est pourquoi toute discussion, toute nouvelle pétition est sans fondement », on est

en droit de penser que c’est un peu court ! Car la seule preuve avancée est une phrase d’une lettre vieille de onze ans et adressée

plus de cinq ans après la consécration à un destinataire non identifié. Auparavant, jamais le Vatican n’en a parlé ; et subitement,

on la présente comme un argument irréfutable !

L’entrevue du 17 novembre 2001

Un an après, suite aux attentats du 11 septembre 2001 à New-York, des bruits infondés coururent sur un début de réalisation

du troisième secret. Afin de couper court à toute polémique, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi organisa une autre

rencontre avec sœur Lucie. Le 17 novembre 2001, Monseigneur Bertone se rendit donc une deuxième fois à Coïmbra et eut

un entretien de deux heures avec elle, en présence de la prieure du carmel et du père Kondor, vice-postulateur de la cause de

François et Jacinthe.

Le communiqué de la curie

Un mois plus tard, le 20 décembre 2001, l’Osservatore Romano fit paraître un communiqué intitulé Rencontre de son

Excellence Monseigneur Bertone avec sœur Marie Lucie de Jésus et du Cœur Immaculé donnant un bref compte-rendu de cet

entretien. Le voici dans son intégralité :

Sœur Lucie : le secret de Fatima ne contient plus de mystère.

Est aujourd’hui rendu public un communiqué sur une rencontre qui eut lieu au couvent de Coïmbra, Portugal, le 17 novembre

2001 entre Monseigneur Tarcisio Bertone, SDB, secrétaire de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et sœur Marie Lucie de

Jésus et du Cœur Immaculé de Marie.

Ces derniers mois, et spécialement après le triste événement de l’attaque terroriste du 11 septembre, des articles ont paru dans

différents journaux à propos d’une supposée nouvelle révélation de sœur Lucie, et l’existence de lettres d’avertissement au Saint-

Père et une interprétation apocalyptique du message de Fatima.

De plus, certains ont laissé supposer que le Saint-Siège n’a pas publié le texte intégral de la troisième partie du "secret", et

certains mouvements fatimistes ont répété l’accusation que le Saint-Père n’a pas consacré la Russie au Cœur Immaculé de Marie.

Pour ces raisons, afin d’obtenir une clarification et une information directement de la part de la voyante survivante, il a été jugé

nécessaire d’organiser une rencontre avec sœur Lucie. Celle-ci eut lieu en présence de la prieure du carmel Sainte Thérèse et du

père Luis Kondor SVD, vice-postulateur des causes des bienheureux François et Jacinthe, et avec la permission du cardinal Rat-

zinger, préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et des évêques de Leiria-Fatima et de Coïmbra.

La rencontre, qui a duré deux heures, eut lieu dans l’après-midi du samedi 17 novembre. Sœur Lucie, qui aura quatre-vingts

quinze ans le 22 mars prochain, était en bonne santé, lucide et alerte. Avant tout, elle affirma son amour et sa dévotion pour le Saint-

Père. Elle prie beaucoup pour lui et également pour l’Église.

Quant à la troisième partie du secret de Fatima, elle affirma qu’elle avait lu attentivement et médité sur le livret publié par la

Congrégation pour la Doctrine de la Foi et confirma tout ce qui y était écrit. Quant à ceux qui imaginent qu’une partie du secret

a été caché, elle répliqua : « Tout a été dit ; il n’y a plus de secret à révéler ».

Quant à ceux qui disent ou écrivent sur de nouvelles révélations, elle dit : « Il n’y a rien de vrai dans tout cela. Si j’avais reçu

de nouvelles révélations, je ne l’aurais dit à personne mais je les aurais communiquées directement au Saint-Père ».

On demanda à sœur Lucie : « Que dites-vous à propos des affirmations persistantes du père Gruner qui récoltent des signatures

pour que le pape consacre enfin la Russie au Cœur Immaculé de Marie, laquelle n’a jamais été faite ? », elle répondit : « La

communauté du Carmel a refusé les imprimés pour recueillir les signatures. J’ai déjà dit que la consécration que Notre-Dame

avait demandée, avait été faite en 1984 et avait été acceptée par le Ciel ».

« Est-il vrai que sœur Lucie est très préoccupée par les récents événements et ne dort plus, mais prie nuit et jour ? » Sœur Lucie

répondit : « Ce n’est pas vrai. Comment pourrais-je prier toute la journée si je ne dors pas la nuit ? Que de choses on m’attribue !

Que de choses je suis supposée avoir faites ! Faites-leur lire mon livre ; il contient les conseils et appels qui correspondent aux

désirs de Notre-Dame. Prière et pénitence, accompagnées par une très grande foi en Dieu, sauveront le monde ».

Voilà tout ce qu’il est possible de savoir sur les deux heures d’entretien ! Un résumé aussi bref laisse perplexe : il s’est

forcément dit bien d’autres choses. S’il n’y a plus rien à cacher et que tout a été dit, pourquoi ne pas publier toute l’entretien,

ou au moins les principales questions abordées avec les réponses de sœur Lucie ?

Et comme pour l’entretien du 27 avril 2000, il n’y eut pas d’enregistrement d’un événement aussi important pour l’histoire

de Fatima. Avec la facilité apportée par les moyens modernes, cette absence d’enregistrement ne peut pas être un simple oubli !

On ne sait donc ni les questions posées à sœur Lucie, ni les réponses qu’elle y apporta. Qui plus est, ni le père Kondor, ni la

prieure du carmel qui ont assisté à l’entretien, n’ont confirmé ou infirmé le contenu de cet entretien : il n’y a jamais eu la

moindre déclaration de leur part.

Or, les propos attribués à sœur Lucie sont si incroyables que ce trop court compte-rendu suscite immanquablement de

nombreuses questions.

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La consécration est faite

D’après ce compte-rendu, sœur Lucie aurait déclaré à Mgr Bertone : « J’ai déjà dit que la consécration que Notre-Dame

avait demandée, avait été faite en 1984 et avait été acceptée par le Ciel ».115 Cette attestation est malheureusement invérifiable,

car elle repose sur le seul témoignage de Monseigneur Bertone, la conversation n’ayant pas été enregistrée et les deux témoins

n’ayant fait aucune déclaration sur ce point jusqu’à ce jour.

De plus, comment sœur Lucie peut-elle affirmer « J’ai déjà dit … » ? Le terme "déjà" est en trop. C’est en effet la première

fois dans toute l’histoire de Fatima qu’est rapporté un témoignage oral de sœur Lucie dans ce sens. Au moins jusqu’en 1989,

elle pensait le contraire. Ensuite, il y eut les lettres dactylographiées entre 1989 et 1990 qui pourraient peut-être justifier le

"déjà", encore qu’il aurait été plus exact de dire : « J’ai déjà écrit… ». Mais on n’a aucun témoignage oral.

Ensuite, qu’est-ce qui l’a fait changer d’avis ? Ce ne peut pas être une communication du Ciel puisqu’elle affirme par

ailleurs ne plus en avoir eue. Alors comment sait-elle que la consécration a été acceptée par le Ciel ?

Le livre La dernière voyante de Fatima

La mise au point du 17 novembre 2001 mit provisoirement fin à la polémique : au moins en apparence, la plupart du monde

catholique accepta la version du Vatican, même si quelques auteurs soutenaient une thèse différente.

Le débat fut relancé en 2007 par la parution d’un livre d’Antonio Socci intitulé Le quatrième secret de Fatima qui prétendait

que le secret n’avait pas été complètement révélé en 2000 comme le soutenait le Vatican.

Le 10 mai 2007, trois jours avant le 90e anniversaire de la première apparition, était publié un livre du journaliste Giuseppe

De Carli intitulé La dernière voyante de Fatima. Mes entretiens avec sœur Lucie. Il a la forme d’un dialogue avec le cardinal

Bertone116 et s’ouvre sur une préface de Benoît XVI datée du 22 février 2007.

Le titre est en lui-même étonnant, car il ne reflète pas le contenu de l’ouvrage. En effet, sur les 172 pages que contient la

version française, les conversations du cardinal Bertone avec sœur Lucie n’occupent qu’une soixantaine de pages, au sein

desquelles les propos de Guiseppe De Carli tiennent une place importante.

Une négligence bien affligeante

Dans ce livre, le cardinal Bertone dit qu’il a rencontré officiellement sœur Lucie trois fois : le 27 avril 2000, le 17 novembre

2001 et le 9 novembre 2003, et précise que la durée totale de ces trois entretiens a atteint « au moins dix heures ».117 C’est ainsi

que l’on a appris que Mgr Bertone avait rencontré sœur Lucie une troisième fois, le 9 novembre 2003. De ce dernier entretien,

on ne sait rien, car il n’y eut pas de compte-rendu.

L’un ou l’autre de ces entretiens a-t-il été enregistré ? Non ! Le cardinal n’a pas jugé cela utile : « Je n’ai pas apporté avec

moi de magnétophone durant mes entretiens avec sœur Lucie, mais j’ai pris des notes, j’ai fait des comptes rendus, j’ai rédigé

des procès-verbaux que la religieuse a lus avec une totale conviction ». 118 Cette attitude constitue pour le moins une négligence

grave. La survivante d’une apparition de Notre-Dame reconnue par l’Église et fêtée au calendrier de l’Église universelle (dans

le nouveau calendrier) est interrogée et on ne prend pas la précaution d’enregistrer ses propos alors qu’elle a quatre-vingts treize

ans et n’a donc plus beaucoup de temps à passer sur terre ! Que craignait le cardinal Bertone d’un enregistrement ? Dans un

sujet aussi controversé, n’aurait-il pas été préférable de permettre à tous d’entendre directement ce que sœur Lucie allait dire ?

Et où sont les procès-verbaux lus par sœur Lucie ?

Sur ces dix heures d’entrevue, nous n’avons qu’un compte-rendu de deux pages, un communiqué d’une longueur analogue

et quelques pages d’un livre. Et ce maigre témoignage émane d’un seul et même auteur. Qu’est-ce que cela représente devant

les dizaines d’heures qu’ont passé avec la voyante, le père Alonso, les chanoines Formigâo et Barthas, etc. ?

Que l’on compare avec le compte-rendu que fit le père Jongen des entretiens qu’il eut avec sœur Lucie les 3 et 4 février

1946 : bien que ne disposant d’aucun moyen d’enregistrement, il put écrire trois longs articles dans la revue Médiatrice et

Reine, lesquels constituent encore aujourd’hui une source de renseignements très précieuse.

Le cardinal Bertone aurait voulu filtrer les propos de sœur Lucie qu’il ne s’y serait pas pris autrement.

La consécration et la conversion de la Russie

Comme il fallait s’y attendre, le cardinal Bertone réaffirme que la consécration a été faite, même s’ il reconnaît que : « La

référence à la Russie reste implicite, mais elle est présente ».119

Et une fois de plus, outre le témoignage qu’il a lui-même recueilli le 27 avril 2000, la seule preuve qu’il trouve à produire

est celle déjà donnée dans le dossier Le message de Fatima, à savoir l’unique phrase extraite de la lettre du 8 novembre 1989

dont il ne mentionne toujours pas le destinataire. Malgré les critiques faites entre temps sur cette lettre, le cardinal Bertone n’a

pu trouver aucune autre preuve ! Entre 1989 et 2007, n’y aurait-il aucune lettre de sœur Lucie confirmant le fait à l’un de ses

parents ? C’est franchement difficile à croire.

115 Cardinal Bertone, op. cit., p. 71. 116 Mgr Bertone était fait cardinal par Jean-Paul II le 21 octobre 2003 et nommé secrétaire d’État par Benoît XVI. 117 Cardinal Bertone, op. cit., p. 42. 118 Cardinal Bertone, op. cit., p. 50 et 103. 119 Cardinal Bertone, op. cit., p. 97.

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Ainsi, vingt-cinq ans après la consécration de 1984, le Saint-Siège est toujours dans l’incapacité de présenter d’autres té-

moignages !

LA DÉCLARATION DE DON AMORTH

Une personnalité célèbre a récemment confirmé tout ce qui vient d’être dit. En effet, le 25 octobre 2011, un journaliste

espagnol, José Maria Zavala, eut avec don Gabriel Amorth120 un entretien qu’il rapporta dans un livre intitulé Le secret le

mieux gardé de Fatima et paru au début de l’année 2017.121 Voici une partie du dialogue entre don Amorth (Don A) et José-

Maria Zavala (JM Z) :

JM Z : Croyez-vous que l’Église a rempli les conditions exigées par la Vierge pour que la consécration à son Cœur immaculé

soit valide ?

Don A [agacé] : Consécration ? Quelle consécration...?

JM Z : Celle effectuée par Jean-Paul II, le 25 mars 1984.

Don A : Cette consécration n’a pas eu lieu. J’ai été témoin de l’acte. J’étais sur la place Saint Pierre ce dimanche-là dans l’après-

midi, très près du Pape, si près que je pouvais presque le toucher.

JM Z : Que me dites-vous là ?

Don A : Ce que vous entendez.

JM Z : Et pourquoi affirmez-vous d’une façon aussi tranchée que la consécration n’a pas existé ?

Don A : Très simple : Jean Paul II voulait mentionner expressément la Russie, mais finalement il ne l’a pas fait.

JM Z : Qu’est-ce qui l’en a empêché ?

Don A : Ou plutôt : qui l’en a empêché ? Et je vous réponds : des membres de sa suite.

JM Z : Ne me dites pas que le politiquement correct a eu plus de pouvoir aussi à ce moment-là que la volonté même exprimée

par la Vierge…

Don A [acquiesçant, impuissant, de la tête] : Les représentants de l’église orthodoxe, présents lors de l’acte, ne devaient en

aucune façon entendre la Russie mentionnée expressément ; dans le cas contraire, on craignait une réaction immédiate et aux con-

séquences imprévisibles pour le Vatican du côté des autorités soviétiques.

JM Z : Lâcheté ?

Don A : Pourquoi la déguiser en prudence ?

JM Z : S’il n’a pas prononcé le nom de la Russie, qu’a fait le pape alors ?

Don A : Tourner autour du pot : « Oui, mais non… ». En fait, dans le texte imprimé, la consécration la Russie figurait expres-

sément, mais à la dernière heure les pressions diplomatiques ont produit un effet. Jean-Paul II prétendait dire bien fort ce mot durant

l’acte, mais finalement, comme je vous l’ai dit, ils l’en ont empêché. C’est ainsi qu’il a dû se contenter de dire : « ces nations, en

particulier celles ayant besoin de cette consécration ».

JM Z : Une circonlocution regrettable pour donner à penser que la Russie figurait parmi « ces nations », mais sans la citer,

comme le demandait la Vierge.

Don A : Exact. C’est pour cela même que j’insiste pour vous dire que cette consécration s’en est trouvée invalide.

JM Z : Mais la sœur Lucie elle-même a dit que, bien qu’en excluant la mention de la Russie, le Ciel l’avait acceptée finalement

parce que cela a été fait avec l’assentiment de tous les évêques du monde.

Don A [surpris, les yeux exorbités] : Lucie a dit cela… ?

JM Z : Bon, c’est le cardinal Tarsicio Bertone qui l’a dit en 2000, en s’appuyant sur une lettre de Lucie datée de novembre

1989, dans laquelle elle déclarait que le Ciel avait admis la consécration bien qu’une des conditions les plus importantes ait été

négligée.

Don A [comme s’il était en train de faire un interrogatoire de police à la recherche d’une preuve décisive] : Avez-vous vu cette

lettre ?

JM Z : Jamais, non.

Don A : Et je crois que vous ne la verrez jamais, parce que je suis convaincu que Lucie ne l’a pas écrite.

JM Z : Comment en êtes-vous aussi sûr ?

Don A : Pourquoi Bertone ne l’a-t-il pas montrée quand il devait le faire, en révélant le troisième secret ? Une simple photocopie

du manuscrit, incluse dans le dossier officiel du Vatican, aurait suffi pour dissiper tout doute. Si le Vatican a toujours été scrupuleux

en apportant les preuves documentaires qui authentifiaient les dires de Lucie sur des faits mineurs, pour quelle raison a-t-il alors

lésiné sur l’unique preuve documentaire qui, d’après Bertone, validait un fait d’une telle transcendance comme l’était sans aucun

doute la consécration effectuée par Jean-Paul II ?

JM Z : C’est bizarre, je l’admets.

Don A [La voix de don Amorth a le son des feuilles sèches] : Vraiment, vous croyez que Lucie a attendu cinq ans pour mettre

par écrit que la consécration avait été réellement acceptée ? Et que Bertone a attendu dix-sept ans, pas moins, pour annoncer la

validité de quelque chose d’aussi crucial que la consécration de la Russie au Cœur Immaculé de Marie ?

JM Z : Tout cela est vraiment très étrange.

Don A : En outre, si la consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie effectuée par Pie XII en 1942 n’a été acceptée

qu’en partie - Jésus a dit alors qu’en conséquence la guerre ne serait que raccourcie au lieu de se terminer immédiatement -, pourquoi

cela allait-il changer désormais avec Jean-Paul II si, à cette occasion également, la Russie n’était pas mentionnée ?

JM Z : Ce serait une incongruité, effectivement…

120 Don Amorth, décédé le 16 septembre 2016, a été exorciste du diocèse de Rome de 1986 à 2016. 121 Une partie de cet entretien a été révélée le 18 mars 2017 par le quotidien espagnol La Razon : https://www.larazon.es/cultura/el-secreto-mejor-guardado-

de-fatima-JB14739440/

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Ainsi don Amorth confirme la plupart des points présentés jusqu’à présent.

Ces propos de don Amorth sont graves, car ils mettent en cause des personnes haut placées dans la hiérarchie de l’Église.

Pourtant, étant donné la personnalité de leur auteur, il est difficile de ne pas leur accorder crédit. De plus, don Amorth n’est pas

le seul à penser ainsi : comme nous l’avons vu en introduction, le cardinal Burke, le cardinal Cordes et Mgr Schneider ont tenu

des propos similaires.

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CHAPITRE 4

RÉPONSES À QUELQUES OBJECTIONS

Bien que la position du Vatican soit difficilement justifiable, régulièrement différentes objections sont avancées pour tenter

de justifier la position du Vatican. Essayons de répondre aux principales.

LA CONSÉCRATION N’EST PLUS NÉCESSAIRE

Pour certains, la Sainte Vierge ayant dit : « Pour l’empêcher [la guerre], je viendrai demander la consécration de la Russie

à mon Cœur Immaculé » et la guerre ayant malgré tout eu lieu faute d’avoir fait la consécration en temps voulu, la demande

de Notre-Dame n’a plus lieu d’être.

C’est oublier l’insistance continuelle de sœur Lucie après la deuxième guerre mondiale pour demander cette consécration.

En particulier, le 13 mai 1982, au cours de l’entretien qu’elle eut avec le pape Jean-Paul II, sœur Lucie lui demanda de consacrer

la Russie en respectant les conditions fixées par Notre-Dame. Si cette consécration n’avait plus lieu d’être, pourquoi sœur Lucie

la réclamait-elle encore presque 40 ans après ?

C’est oublier aussi qu’à cette consécration sont attachés non seulement l’évitement de la guerre, mais aussi la conversion

de la Russie et l’arrêt de l’expansion des erreurs de la Russie. Car la Sainte Vierge a dit : « Si l’on écoute mes demandes, la

Russie se convertira et l’on aura la paix. Sinon elle répandra ses erreurs à travers le monde, provoquant des guerres et des

persécutions contre l’Église. Les bons seront martyrisés, le Saint-Père aura beaucoup à souffrir, plusieurs nations seront

anéanties. » Des propos complets de Notre-Dame, il ressort que, si la Russie est consacrée à son Cœur Immaculé, elle promet :

˗ l’évitement de la guerre,

˗ la conversion de la Russie,

˗ l’arrêt de la diffusion des erreurs de la Russie, c’est-à-dire le communisme et toutes les erreurs qui en découlent,

˗ la paix pour le monde et pour l’Église.

La consécration n’ayant pas été faite, la guerre a eu lieu : son évitement ne peut donc plus faire partie des promesses. Mais

il reste les trois autres. Or la Russie n’est toujours pas convertie ; les désordres consécutifs aux erreurs du communisme, du

marxisme et de leurs dérivés : imposition de lois iniques, immoralité galopante, appauvrissement par une fiscalité sans cesse

plus lourde, étatisme suffocant, etc. continuent à se répandre à travers le monde ; et le monde est loin d’être en paix. Enfin

l’Église souffre actuellement une crise affreuse. Voilà pourquoi, après la guerre, sœur Lucie continua à dire, jusqu’à ce que le

Vatican l’en empêche, qu’il fallait que le pape consacre la Russie au Cœur Immaculé de Marie.

LA RUSSIE EST CONVERTIE

Pour d’autres, suite à la consécration de 1984, la Russie s’est effectivement convertie. Il n’est plus nécessaire de refaire une

consécration.

Mais que faut-il entendre par conversion ?

Pour le Vatican, il ne s’agit nullement d’un retour au catholicisme. En effet, dans son livre La dernière voyante de Fatima,

le cardinal Bertone affirme :

La consécration de la Russie ne voulait pas dire pour sœur Lucie capturer la grande Russie chrétienne au profit de la

catholicité. Ce n’était pas son intention. Il s’agissait de consacrer la Russie à la Vierge pour que redevienne chrétienne, pleine de

dévotion à Marie, cette Russie trahie et souillée par la révolution communiste, abattue par le retour de l’athéisme athée. (…)

Une fois le communisme dissous, ressurgit la religiosité du peuple russe, religiosité marquée par la dévotion mariale. Il n’était

pas besoin de la plier à un catholicisme rigoriste. Le pape slave a eu la sagesse de la respecter telle qu’elle était.122

Qu’entend le cardinal Bertone par « redevenir chrétienne », mais pas « au profit de la catholicité » ? Il semble que, pour

lui, la Russie est et doit rester orthodoxe. Il faudrait donc consacrer la Russie pour qu’elle reste schismatique !

Sœur Lucie n’a sûrement jamais eu une telle pensée. Pour elle, le sens de l’expression « la Russie se convertira » a toujours

été à entendre dans son sens le plus fort, à savoir un retour radical et miraculeux à la vraie foi catholique et à l’unité avec Rome,

une conversion miraculeuse qui rejaillira sur la Sainte Vierge marquant son triomphe également promis dans le secret et mon-

trant la puissance de son intercession.

Et c’est ce qu’affirme le père Alonso. Dans un petit opuscule intitulé La vérité sur le secret de Fatima, il écrit :

Lucie a toujours pensé que la conversion de la Russie ne s’entend pas seulement d’un retour des peuples de Russie à la religion

chrétienne orthodoxe, en repoussant l’athéisme marxiste des Soviets, mais qu’elle se réfère simplement et pleinement à sa conver-

sion totale et intégrale par un retour à l’unique et vraie Église catholique, romaine.123

Et le 19 mai 2019, Mgr Schneider fit une remarque analogue en affirmant que le pape doit « consacrer explicitement la

122 Cardinal Bertone, op. cit., p. 96 & 99. 123 La vérité sur le secret de Fatima, par le père Alonso. Édition : Téqui, 1979, p. 69.

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Russie au Cœur Immaculé de Marie », car cette consécration « procurera d’abondantes grâces à nous, à l’Église, ainsi qu’à

la Russie et à l’Église de Russie, afin qu’elle parvienne à une conversion complète, c’est-à-dire être catholique, en pleine

communion avec le Saint-Siège ».124

Il est vrai que depuis la chute du mur de Berlin, la situation s’est considérablement améliorée en Russie ; mais on ne peut

pas encore dire que la Russie s’est convertie, au sens où la majorité de la population a quitté la religion orthodoxe pour em-

brasser la religion catholique.

De plus, l’histoire montre à quel point l’obéissance aux demandes du Ciel procure des fruits immédiats, que ce soit Clovis

à Tolbiac, sainte Jeanne d’Arc obéissant à ses voix, Louis XIII en 1638, l’abbé Desgenettes à Notre-Dame des Victoires ou le

curé d’Ars consacrant sa paroisse à Marie Immaculée. Les protections toutes particulières dont a joui le Portugal après chacune

des consécrations faites entre 1931 et 1975 est une autre preuve éclatante.

Or après 1989, la Russie a commencé par souffrir violemment de la chute de l’URSS. Les Russes se sont tournés en masse

vers l’argent facile : la prostitution, le banditisme, la corruption. Ainsi aux travers communistes (divorce, avortement) se sont

ajoutés les travers capitalistes (vol, escroquerie). Les dix premières années après la chute du mur furent des années terribles qui

valurent à la Russie la réputation d’Europe sauvage.

La situation commença à changer avec l’arrivée de Poutine au pouvoir : la situation matérielle, politique et religieuse s’amé-

liora, mais sans aucune considération morale.

Sur le plan religieux, ce fut la fin des persécutions et le début d’un nouvel essor de l’orthodoxie. Depuis, de nombreuses

églises ont été reconstruites, souvent avec le soutien de l’État. L’assistance aux offices remonte et il y a de plus en plus de

vocations. Mais à côté de cela, il y a très peu de communions, et également très peu de mariages pour éviter les divorces.

Quant au catholicisme, il ne bénéficie pas d’un soutien gouvernemental et peine à se développer. Aujourd’hui, il y a seule-

ment trois paroisses catholiques à Moscou. De plus, l’apostolat catholique est particulièrement mal vu par le patriarcat ortho-

doxe qui cherche à reprendre sa place, et par le Kremlin qui y voit un possible canal d’influence occidentale.

Si le catholicisme stagne en Russie, c’est essentiellement pour trois raisons :

1) Le nationalisme : Les russes ne conçoivent pas la Russie autrement que chrétienne, mais exclusivement orthodoxe, sou-

vent pour des raisons historiques de rivalité politique avec les princes catholiques ou protestants d’Europe de l’Est (Pologne,

Finlande, Roumanie, Suède, Allemagne...).

2) Le dégoût pour le modernisme : L’esprit d’ouverture prôné par le Vatican ces dernières années ne trouve aucun écho

dans les attentes spirituelles russes. Les catholiques sont même souvent assimilés à des protestants depuis Vatican II.

3) L’absence de besoin de se convertir : La similitude des sacrements, ainsi que la similitude du message porté par les deux

Églises, surtout depuis le rapprochement avec l’orthodoxie activement recherché par le Vatican, rend une conversion au catho-

licisme inutile, ou tout moins de peu d’intérêt.

Dans ces conditions, espérer une conversion du peuple est illusoire.

Sur le plan moral, la société russe est dans un état pitoyable. Elle continue à avoir l’un des taux d’avortement les plus élevés

du monde. Même s’il est en régression constante depuis son maximum dans le milieu des années 1960, la Russie perd encore

près d’un million de naissances tous les ans. La GPA y est légale, y compris pour les homosexuels. Le taux de divorce est le

deuxième plus élevé du monde et ne cesse de croître. Et si, malgré tout, le taux de natalité est remonté de 1,12 à 1,87 enfants

par femme, le renouvellement de sa population n’est toujours pas assuré. L’alcoolisme a atteint des proportions endémiques.

Plus de deux millions de personnes sont droguées. Et le nombre de crimes a doublé depuis 1984.

Enfin, elle subit malheureusement l’assaut du libéralisme ambiant. Par exemple, les tenues vestimentaires sont au moins

aussi scandaleuses qu’en Europe, voire pires.

On ne peut pas dire que la Russie s’est convertie. Aussi est-il regrettable de voir depuis quelques années, dans beaucoup de

communautés traditionnelles, l’omission des prières pour la conversion de la Russie après les messes basses.

ON NE PEUT PAS SE CONSACRER À LA SAINTE VIERGE

Pour certains, il n’est possible de se consacrer à la Sainte Vierge : on ne peut se consacrer qu’à Dieu. Par exemple, répondant

à Mgr Hnilica, Jean-Paul II affirma : « Il y a encore des théologiens qui doutent que l’on puisse faire une consécration à

quelqu’un d’autre qu’à Dieu lui-même ».125

Cette affirmation est attristante, car implicitement, elle signifie soit que Notre-Dame s’est trompée en demandant une con-

sécration à son Cœur Immaculé, soit que sœur Lucie a menti ou inventé.

Mais qui sont ces théologiens qui doutent ? N’y a-t-il pas d’autres théologiens qui, eux, ne doutent pas qu’il soit possible

de faire une telle consécration, notamment ceux interrogés par Pie XII en 1942 ? Suffit-il que quelques théologiens ne soient

pas d’accord pour que l’avis de tous les autres théologiens soit compté pour rien ? Tous les grands apôtres de la Sainte Vierge,

saint Louis-Marie Grignion de Montfort, saint Alphonse de Liguori, saint Maximilien Kolbe, … se seraient-ils trompés en

124 Déclarations de Mgr Schneider au Forum sur la vie du 19 mai 2017 : https://www.youtube.com/watch?v=T5B9XsnjQ7Q 125 TVF4, p. 416.

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proposant leur consécration à la Vierge Marie ? Pourquoi préférer quelques théologiens contemporains à des docteurs de

l’Église ?

La vérité est que la consécration à la Très Sainte Vierge est une pratique parfaitement traditionnelle. Saint Jean Eudes, saint

Louis-Marie Grignion de Montfort, saint Maximilien-Marie Kolbe en ont été les grands apôtres.126

Et de tout temps, de telles consécrations ont été faites et ont porté des fruits. On se consacre à la Très Sainte Vierge lors des

baptêmes, des mariages, des confirmations, des communions solennelles.

Quant aux collectivités, une telle consécration peut apporter des bienfaits à l’ensemble de leurs membres, qu’ils soient

croyants ou non. Par exemple, la paroisse de Notre-Dame des Victoires à Paris se convertit complètement suite à la consécra-

tion faite par son curé, l’abbé Desgenettes, le 11 décembre 1836. Il n’y avait que 40 personnes à la messe le dimanche. Quelques

mois après la consécration, c’était la paroisse la plus fréquentée de Paris.127 Si l’abbé Desgenettes s’était trompé en consacrant

sa paroisse au Cœur Immaculé de Marie, comment en expliquer une transformation aussi subite et complète après cette con-

sécration ?

Concernant les communes, voici un exemple.128 En 1944, les villages de Saint Côme de Fresné, Asnelles et Meuvaines,

situés à quelques kilomètres d’Arromanches, un des cinq ports choisis par les alliés pour le débarquement, demandèrent avec

insistance à leur curé de consacrer les trois villages à la Sainte Vierge. Le curé reporta sans cesse. L’avant-veille du débarque-

ment, il finit par accepter de le faire. Les trois villages furent consacrés à la Vierge Marie au cours d’une cérémonie publique

devant la statue du village d’Asnelles. Au matin du débarquement, une brigade anglaise débarqua sur les plages situées juste

en face des villages qui furent libérés à midi. Malgré de rudes combats, aucun villageois ne fut touché. Une seule personne

décéda : elle avait quitté son village une semaine avant la consécration !

Et cette protection peut s’étendre à l’échelle d’un pays tout entier. Bien avant les apparitions de Fatima, des pays comme la

Hongrie et la France se sont consacrés à la Sainte Vierge. À notre connaissance, le premier à l’avoir fait est saint Étienne de

Hongrie qui fut roi de 1000 à 1038.129

Plus près de nous, Louis XI, en avril 1478, par la très officielle "Ordonnance de Hesdin", proclama la Sainte Vierge "Dame

et Comtesse de Boulogne”, Suzeraine des Rois de France. Dès ce moment, tous les rois accédant au trône de France, offrirent

à la "Dame de France" un cœur d’or symbolisant le cœur du roi et de tous ses sujets.

Louis XIII, par l’Ordonnance du 10 février 1638, confirma l’acte solennel de son prédécesseur et consacra très officielle-

ment la France à Notre-Dame. Cet acte, accompli en même temps que le roi par tout le clergé du royaume, est bien un acte de

consécration. En outre, le roi ordonnait à tout son royaume de rappeler cette consécration par une procession à faire chaque

année le jour de l’Assomption dont il faisait notre fête nationale.

L’exemple français fut suivi huit ans plus tard par le Portugal. Menacé par l’Espagne, le 20 octobre 1646, le roi Jean IV

déposa sa couronne aux pieds de Notre-Dame de la Conception, et, par un acte solennel, avec toute la nation réunie en Cortès,

il la proclama patronne du royaume.130

Après les apparitions de Fatima, le Portugal fut consacré une première fois le 13 mai 1931, consécration renouvelée le 13

mai 1938. Suite à ces deux consécrations, sœur Lucie déclara que le Portugal serait épargné par la guerre à cause de la consé-

cration nationale faite par les évêques au Cœur Immaculée de Marie, ce que les faits confirmèrent. Ces propos furent aussi

confirmés quelques années plus tard par le cardinal Cerejeira, patriarche de Lisbonne, puis par le cardinal Ottaviani. Cette

consécration fut encore renouvelée le 8 décembre 1946, pour le tricentenaire de la consécration du Portugal à la Vierge Imma-

culée par le roi Jean IV, puis le 17 mai 1959, lors de l’inauguration d’un monument au Christ-Roi, enfin le 13 mai 1975. Ainsi,

en un demi-siècle, le Portugal fut consacré cinq fois au Cœur Immaculé de Marie.

Les évêques portugais se seraient-ils trompés en consacrant cinq fois le Portugal au Cœur Immaculé de Marie entre 1931

et 1975 ?131

Plusieurs pays suivirent l’exemple du Portugal. Les évêques espagnols consacrèrent l’Espagne le 12 octobre 1954 ; les

évêques italiens réunis à Catane consacrèrent solennellement leur pays le 13 septembre 1959 ; …

Enfin, il y eut la consécration du monde faite par le pape Pie XII le 31 octobre 1942 et renouvelée le 8 décembre suivant,

laquelle eut pour fruit le spectaculaire retournement de la guerre deux mois plus tard. Le pape Pie XII se serait-il lui aussi

trompé en consacrant par deux fois le monde au Cœur Immaculé de Marie ?132

Déjà au siècle précédent, des demandes répétées furent adressées au Saint-Siège pour demander la consécration du monde

au Cœur Immaculé de Marie. Saint Pie X donna son accord de principe :

126 Concernant ce qu’en dit saint Louis-Marie Grignion de Montfort, voir les citations faites chapitre 1, p. 17. Voir aussi la remarquable explication qu’en

donne Mgr Claude Barthe en annexe 2. 127 Voir chapitre 1, p. 8. 128 Nous tenons cette histoire directement d’un descendant d’une famille de ce village. 129 Missel de Dom Lefebvre à la fête de saint Étienne (2 septembre). Site Nominis.cef.fr à la fête de saint Étienne (16 août dans le nouveau calendrier). 130 FSM, p. 17. 131 Pour plus de détails, voir annexe 1. 132 Voir chapitre 2, p. 34.

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Quant au projet de consécration, je n’y vois pas grande difficulté. Naturellement, il faut que de telles choses se fassent d’après

les règles établies, et ce sera l’affaire de la Congrégation des rites ; mais, je le répète, ne n’y vois pas de difficulté… Rien ne m’est

plus agréable qu’une telle supplique.133

Mais cette consécration ne put se faire à cette époque.

Ainsi, familles, paroisses, communes, pays, … simples fidèles ou communautés entières, tous ceux qui, dans le passé, se

sont consacrés à Notre-Dame ou à son Cœur Immaculé ont reçu de grandes grâces. Et jamais le Vatican n’émit la moindre

objection : aucun pape ni aucun théologien ne se sont jamais élevés contre ces pratiques unanimement répandues. Il est totale-

ment impensable que l’Église ait laissé et laisse faire toutes ces consécrations si ce n’était pas possible théologiquement.

Ainsi, la consécration d’une nation à la Sainte Vierge est parfaitement traditionnelle. Les apparitions de Fatima ne sont

venues qu’en confirmer le bien-fondé et en souligner l’importance.

ON NE PEUT PAS CONSACRER UNE NATION ATHÉE

D’autres objectent qu’il n’est pas possible de consacrer la Russie parce que l’URSS a été longtemps officiellement athée,

ce qui n’est pas le cas du Portugal, de l’Espagne ou de l’Italie. Mais l’abbé Desgenettes a consacré sa paroisse à la Sainte

Vierge, alors que la quasi-totalité de ses paroissiens ne pratiquaient plus. La conversion rapide de la paroisse, la progression

fulgurante de l’association du Saint et Immaculé Cœur de Marie pour la conversion des pécheurs et le couronnement par Pie XI,

seize ans plus tard, de la statue de la Vierge de l’église Notre-Dame des Victoires prouvent combien cette consécration a plu

au Ciel.

De même, deux papes ont consacré le monde au Cœur Immaculé de Marie. Or à l’époque le monde était loin d’être catho-

lique ou même simplement chrétien. Monseigneur Bertone lui-même, dans la présentation du dossier du Vatican, parle des

consécrations à la Sainte Vierge faites par Jean-Paul II sans s’en offusquer. Si deux papes ont pu consacrer le monde, on ne

voit pas pourquoi il serait impossible de consacrer une partie du monde, autrement dit un pays, quel qu’il soit.

Avant Fatima, Pie IX, Léon XIII et saint Pie X avaient encouragé la consécration des nations au cœur de Jésus. Dans l’en-

cyclique Annum Sacrum du 25 mai 1899, Léon XIII affirme que le monde entier et toutes les nations, même les hérétiques,

schismatiques ou païennes peuvent être consacrées au Sacré-Cœur de Jésus :

En effet, ce n’est pas seulement sur les nations catholiques que s’étend l’empire de Jésus-Christ. Ce n’est pas seulement non

plus sur les hommes purifiés dans l’eau du baptême, et qui selon le droit appartiennent à l’Église, bien que des opinions erronées

les en séparent ou que le schisme les arrache à sa charité. Mais le pouvoir du Christ atteint aussi tous ceux qui vivent en dehors

de la foi chrétienne ; c’est donc une vérité incontestable que tout le genre humain est sous la puissance de Jésus-Christ.

Et après avoir invité chacun des fidèles à se consacrer au Sacré-Cœur de Jésus, Léon XIII consacrait lui-même tous les

infidèles au Sacré-Cœur :

Mais n’aurons-nous pas une pensée pour ces multitudes innombrables qui n’ont pas encore vu briller la vérité chrétienne ?

Nous tenons la place de Celui qui est venu sauver ce qui était perdu, de Celui qui a offert son sang pour le salut du genre humain.

Aussi, mettons-nous nos soins assidus à attirer par Celui qui est la vie véritable, les malheureux assis à l’ombre de la mort : partout,

nous leur envoyons des messagers du Christ pour les instruire. Et maintenant, plein de compassion pour leur sort, nous les consa-

crons, d’une façon plus spéciale et autant qu’il est en nous, au Sacré-Cœur de Jésus.134

Tous ces exemples montrent qu’il est tout à fait possible de consacrer une nation, fût-elle athée.

133 FJIEM, p. 209, note 3. 134 TVF2, p. 338.

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CONCLUSION

Les faits montrent donc que la consécration de la Russie en respectant exactement les conditions précisées par Notre-Dame,

n’a jamais été faite. Voilà une centaine d’années que l’Église retarde l’exécution des demandes de Notre-Dame.135 Il ne faut

donc pas nous étonner si le monde va de plus en plus mal.

Alors, que faire ?

Tout d’abord nous convaincre que la consécration demandée par Notre-Dame n’a toujours pas été faite et qu’il n’est pas

possible d’ignorer une demande de notre Mère du Ciel, surtout en voyant les fruits qu’elle a promis d’accorder à cette consé-

cration. Il est donc de plus en plus urgent que le pape la fasse.

À vue, humaine, un tel objectif semble actuellement presque impossible à atteindre. Mais ne désespérons pas. Notre-Sei-

gneur a dit à sœur Lucie : « Le Cœur Immaculé de Marie sauvera la Russie, car elle lui est confiée ».136

De plus, Notre-Dame a dit : « À la fin, mon Cœur Immaculé triomphera. Le Saint-Père me consacrera la Russie qui se

convertira, et il sera accordé au monde un certain temps de paix. » Notre-Dame n’a jamais failli à ses promesses. Seulement,

elle n’agira pas sans nous.

Alors que pouvons-nous faire ? Il faut agir sur deux plans. Le père Joseph de Sainte Marie insistait sur l’indispensable unité

des demandes de la Sainte Vierge :

Il est extrêmement important de bien voir que celle-ci [la consécration de la Russie] ne représente qu’un des trois éléments

constitutifs de l’appel de Fatima. Les deux autres (…) sont celui de la conversion, faite de prière et de participation au sacrifice

rédempteur du Christ, et celui de la "dévotion réparatrice" – essentiellement eucharistique et mariale – des cinq premiers samedis

du mois. (…) En observant, d’une part, qu’aucune d’elles ne peut suffire sans les deux autres et, d’autre part, que les unes

s’adressent en propre à la hiérarchie tandis que les autres concernent tous les baptisés sans distinction, on voit dès maintenant

que c’est par un effort de toute l’Église que ce message offre le salut au monde. C’est là un des signes les plus sûrs de son authen-

ticité, mais aussi l’un des critères les plus importants pour l’interpréter correctement. On voit en particulier comment cette considé-

ration ne permet ni de tout attendre de la seule consécration, ce qui serait peut-être la tentation de certains fervents de Fatima, ni

de s’en remettre à la seule prière et pénitence des fidèles, ce qui pourrait être la tentation de la hiérarchie. Il faut et ceci et cela,

le tout passant par le Cœur Immaculé de Marie. (…)

Ni les pasteurs ne peuvent tenir aux fidèles un discours qui revienne à leur dire : « Vos prières et vos sacrifices suffisent », car

ils ne suffiront jamais ; ni les fidèles ne peuvent dire aux pasteurs : « Votre acte de consécration fera tout », car il faut aussi la prière

et le sacrifice de tous pour préparer ce "retour complet" des hommes à Dieu.137

Sœur Lucie disait en substance la même chose au père Aparicio (lettre du 19 mars 1939) : « De la pratique de cette dévotion,

unie à la consécration au Cœur Immaculé de Marie, dépendent pour le monde la paix ou la guerre. »

Il faut donc bien agir sur deux plans. Ou plus exactement, il faut les actions conjuguées de deux groupes de personnes : les

clercs et les fidèles. Les clercs doivent œuvrer pour faire avec le pape la consécration demandée par la Sainte Vierge et les

fidèles doivent pratiquer la dévotion au Cœur Immaculé de Marie, en particulier la communion réparatrice des premiers same-

dis du mois. D’où des actions bien concrètes.

Prier pour le Saint-Père et les évêques

Cette consécration de la Russie ne dépendant que de la volonté du pape et des évêques, il ne nous est pas possible d’agir

directement. Mais nous pouvons tout de même faire deux choses :

˗ continuer à réclamer la consécration de la Russie,

˗ prier pour le pape et les évêques afin que le Saint-Esprit les éclaire et les incitent à consacrer la Russie et que le pape

recommande la communion réparatrice des premiers samedis du mois.

Notre-Seigneur attend que son vicaire embrasse lui-même la dévotion au Cœur Immaculé de Marie. Mais c’est une grâce

qu’il faut demander au Ciel. Si nous ne prions pas nous-mêmes à cette intention, que de grâces nécessaires au Saint-Père ne lui

parviendront peut-être pas ! Nous avons tout autant que le Saint-Père notre responsabilité dans ce domaine. Jacinthe l’avait si

bien compris qu’à la prière enseignée par la Sainte Vierge : « Ô mon Jésus ! C’est par amour pour vous, pour la conversion

des pécheurs et en réparation des outrages commis envers le Cœur Immaculé de Marie », elle demandait d’ajouter : « … et

pour le Saint-Père ».138

Se convertir

Ensuite, il faut à notre niveau répondre aux demandes de Notre-Dame, à commencer par nous convertir.

Lors de l’apparition du 13 octobre, la toute dernière recommandation de Notre-Dame a été : « N’offensez pas davantage

135 La demande formelle n’ayant été émise que le 13 juin 1929, en toute rigueur cela ne fait que 88 ans. Mais la première demande a été faite en 1917 ; seule

sa mise à exécution a été différée. 136 Lettre du 18 mai 1936 au père Gonçalvès. 137 Père Joseph de Sainte Marie, op. cit. 138 1er mémoire de sœur Lucie.

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Dieu, Notre-Seigneur, car Il est déjà trop offensé. » Dernière phrase prononcée par Notre-Dame à Fatima, elle a donc une

importance particulière. Déjà les 13 juillet, elle avait dit : « Si l’on ne cesse d’offenser Dieu, sous le règne de Pie XI en com-

mencera une autre [guerre] pire. » Ne plus offenser Notre-Seigneur, ou réparer les offenses qui lui sont faites, est une des

demandes les plus fréquentes faites au cours des apparitions de Fatima, car elle a été faite six fois : deux fois par de l’Ange et

quatre fois par Notre-Dame.

Pratiquer la dévotion au Cœur Immaculé de Marie

Il faut ensuite pratiquer la dévotion au Cœur Immaculé de Marie.

Pour cela, consacrons nos personnes et faisons consacrer nos paroisses, nos écoles, nos communes, nos diocèses, car,

comme l’a dit le père Alonso : « La consécration de la Russie n’arrivera que comme le fruit de la consécration généralisée

et intense de tous les membres et de toutes les collectivités de l’Église. »

En effet, comment demander à d’autres ce que nous ne sommes pas capables de faire nous-même ? Il n’est pas concevable

d’espérer obtenir un bienfait au plan collectif si on ne fait pas d’abord ce qu’il faut au plan individuel.

Essayons aussi d’obtenir la consécration des nations. Les consécrations faites récemment par certains évêques ou confé-

rences épiscopales sont une excellente chose et montrent que c’est possible.

Ensuite pratiquons la dévotion réparatrice des premiers samedis du mois. Le 13 juillet, la Sainte Vierge a mis deux condi-

tions pour obtenir la conversion de la Russie et la paix dans le monde : la consécration de la Russie et la communion réparatrice

des premiers samedis du mois. Si Notre-Dame a uni ces deux demandes, il y a une raison. Ne séparons pas ce qu’elle a uni et

commençons par réaliser celle qui est à notre portée.

Enfin, récitons notre chapelet tous les jours pour obtenir la paix dans le monde. Car Notre-Dame a confié à Lucie qu’elle

seule pouvait nous obtenir la paix (apparition du 13 juillet) et demandait pour nous l’accorder que nous récitions notre chapelet

tous les jours.

Pour terminer, répandons la dévotion au Cœur Immaculé de Marie. On a peut-être trop insisté sur la consécration de la

Russie en oubliant que Notre-Dame, dès le 13 juin 1917, donc avant de confier le secret aux petits voyants, elle leur avait

révélé : « Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé. » Et ce n’est pas la Sainte Vierge qui le demande,

mais Dieu Lui-même. C’est donc la première des demandes à satisfaire.

Une telle attitude, outre qu’elle nous apportera les grâces de notre propre conversion et de notre salut éternel, car Notre-

Dame a dit à Lucie : « A qui embrassera cette dévotion, je promets le salut », elle apportera la paix dans le monde, car sœur

Lucie a dit au père Aparicio : « De la pratique de cette dévotion, unie à la consécration de la Russie au Cœur Immaculé de

Marie, dépendent pour le monde la paix ou la guerre. »

Achevé de rédiger le 28 avril 2020,

fête de saint Louis-Marie Grignion de Montfort

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ANNEXE 1

LES CONSÉCRATIONS DU PORTUGAL

AU CŒUR IMMACULÉ DE MARIE

Les évêques portugais ont consacré une première fois le 13 mai 1931, juste après la reconnaissance par Mgr da Silva de

l’authenticité des apparitions de Fatima.

Ils ont renouvelé cette consécration le 13 mai 1938. En effet, devant le succès du Frente Popular sorti victorieux des élec-

tions du 16 février 1936 et les menaces de révolution qui pesaient sur leur pays, le 13 mai suivant, ils firent secrètement le vœu

de renouveler la consécration du Portugal au Cœur Immaculé de Marie s’il était épargné. Le danger s’étant écarté, le 13 mai

1938, devant un demi-million de pèlerins, les vingt évêques portugais renouvelaient la consécration du 13 mai 1931, pendant

que dans toutes les églises du pays, des milliers d’autres fidèles s’unissaient aux pèlerins qui remplissaient la Cova da Iria.

Le 8 décembre 1946, pour le troisième centenaire de la consécration du Portugal à la Vierge Immaculée par le roi Jean IV,

à Lisbonne, en présence cette fois du chef de l’État et de tous les membres du gouvernement, eut lieu le renouvellement de la

consécration officielle du pays au Cœur Immaculé de Marie.139

Le 17 mai 1959, lors de l’inauguration d’un monument au Christ-Roi, le patriarche de Lisbonne, le cardinal Cerejeira,

entouré de tous les évêques portugais, des membres du gouvernement et de près d’un million de fidèles, renouvela solennelle-

ment la consécration du Portugal aux Très Saints Cœurs de Jésus et Marie.140

Enfin cette consécration fut renouvelée une nouvelle fois le 13 mai 1975, après la Révolution des œillets (25 avril 1974).

Ainsi, en un demi-siècle, le Portugal fut consacré cinq fois au Cœur Immaculé de Marie, dont une fois en présence de tout le

gouvernement.

Le 6 février 1939, soit sept mois avant la déclaration de guerre officielle, tout en lui annonçant une fois de plus l’imminence

de la guerre, elle lui fit part d’une magnifique promesse qui constitue une véritable prophétie : dans cette guerre horrible, le

Portugal serait épargné à cause de la consécration nationale faite par les évêques au Cœur Immaculée de Marie. 141 Il s’agit de

la consécration faite le 13 mai 1931 et renouvelée en 1938.

Plusieurs années après, le 13 mai 1956, jour du 25e anniversaire de la première consécration du Portugal, le patriarche de

Lisbonne, le cardinal Cerejeira, parla de cette lettre aux 600 000 pèlerins qui se trouvaient à Fatima ce jour-là, dont Monsei-

gneur Roncalli, le futur pape Jean XXIII :

Il est temps de le déclarer publiquement, c’est grâce à cette consécration, sans minimiser les efforts de nos gouvernants qui

furent des instruments de la Providence, que, dans le monde en flammes, le Portugal a pu rester en paix. Six à sept mois avant la

date du 1er septembre 1939, premier jour de la conflagration, l’évêque de Leiria m’envoya une lettre de la voyante, sœur Lucie, où

il était affirmé que la guerre prédite par Notre-Dame était sur le point d’éclater, que Dieu allait laver les nations dans leur propre

sang, et que les peuples qui s’étaient le plus éloignés des préceptes chrétiens endureraient le plus ; que l’Espagne avait déjà eu sa

part de souffrances. Mais que le Portugal serait préservé de cette guerre par la protection de la Sainte Vierge.142

Le 11 février 1967, au cours d’une conférence de presse donnée à l’Académie pontificale mariale de Rome, le cardinal

Ottaviani affirma aussi avoir eu en main la lettre du 6 février 1939 où la voyante disait imminente la guère prédite par Notre-

Dame.

Je puis ajouter que l’imminence de cette guerre avec sa violence et son extension fut communiquée à l’évêque de Leiria sept

mois avant son commencement. En effet, j’ai eu en main la lettre du 6 février 1939 où la voyante disait imminente (elle a écrit

éminente) "la guerre prédite par Notre-Dame", et promettait la protection de Notre-Dame sur le Portugal "grâce à la consécration

à son Cœur Immaculé faite par l’épiscopat portugais".

J’ignore le destin de cette lettre. Mais j’en possède un résumé, écrit de la main de l’évêque de Leiria, daté du 24 octobre suivant,

et qui dit ceci : « Le principal châtiment sera pour les nations qui ont voulu détruire le règne de Dieu dans les âmes. Le Portugal

est lui aussi coupable, et en souffrira quelque chose, mais le Cœur Immaculé de Marie le protégera : le bon Dieu désire que le

Portugal répare et prie pour soi et pour les autres nations. L’Espagne a été la première punie, elle a reçu son châtiment qui n’est

pas encore terminé, et l’heure des autres sonne. Dieu est résolu à purifier dans leur sang toutes les nations qui veulent détruire son

règne dans les âmes ; et pourtant il promet de se laisser apaiser et de pardonner, si l’on prie et fait pénitence ».143

Le fait est donc certain : le 6 février 1939, sœur Lucie prédit que le Portugal serait épargné et que tout le reste de l’Europe

allait être mis à feu et à sang. Certes, le Portugal souffrit des désordres entraînés par la guerre, mais aucun soldat portugais ne

participa aux hostilités et aucune armée étrangère n’occupa même temporairement son sol.

139 Fatima, Merveille du XXe siècle, par le chanoine Barthas. Fatima-Éditions, 3 rue Constantine, Toulouse. 1957, p. 271. 140 FSM, p. 287. 141 TVF2, p. 270 et 434. 142 TVF4, p. 82. 143 TVF2, p. 434, citant DC du 19 mars 1967, col. 552.

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ANNEXE 2

LA CONSÉCRATION

AU CŒUR IMMACULÉ DE MARIE

Extrait du sermon de Monseigneur Claude Barthe, évêque de Fréjus-Toulon, le 22 août 1965, pour la consécration de son

diocèse au Cœur Immaculé de Marie.

L'IMPORTANCE DE NOTRE CONSÉCRATION

Dans le texte de la Messe du Cœur immaculé de Marie que nous célébrons, l'Église nous fait lire le passage de l'Évangile

où Jésus en croix déclare officiellement la Maternité de Notre-Dame sur tous les hommes par l'intermédiaire de l'apôtre saint.

Jean. La liturgie veut ainsi nous rappeler que le Cœur de Marie est essentiellement un cœur maternel.

Cette prérogative explique pourquoi la Vierge elle-même, à Fatima; est venue demander notre consécration à son Cœur

immaculé. Appel dont Pie XII a solennellement reconnu l'authenticité en y répondant lui-même, le premier pour tout l'univers,

en invitant ensuite les évêques et les fidèles du monde entier à le suivre dans cette voie. Pour nous préparer au renouvellement

de la Consécration de notre propre diocèse, je voudrais vous en exposer les raisons.

J'en trouve trois, tirées de la nature même de ce geste de dévotion envers Marie. La consécration, en effet, est un acte par

lequel nous reconnaissons:

1) l'autorité souveraine de notre Mère,

2) la puissance de sa tendresse,

3) la convenance de notre engagement filial à son service.

L'AUTORITÉ SOUVERAINE DE MARIE

Nous ne pouvons nous consacrer qu'à quelqu'un qui a des droits sur nous. « Consacrer » signifie : mettre à part, réserver

pour un certain usage. Or, se reconnaître entièrement dépendant de quelqu'un, se soumettre sans réserve à son autorité, c'est

dire équivalemment que nous ne sommes rien sans lui! En toute rigueur du terme, nous ne pouvons agir ainsi qu'avec Dieu.

Pourquoi donc nous consacrer également à Marie ?

Justement parce qu'elle est notre Mère et qu'à ce titre tout notre être de grâce lui appartient. Dieu a voulu l'insérer entre les

hommes et Lui comme l'indispensable canal où ,passe tout ce qu'Il nous donne et d'abord par où est passée la source de toute

grâce : le Christ, son Fils Incarné en dehors duquel aucun don céleste ne parviendra jamais jusqu'à nous.

Par le rôle qui lui a été providentiellement dévolu, Marie a donc acquis sur nous un pouvoir souverain. Vouloir échapper

à l'amour de son Cœur maternel serait nous vouer, du point de vue surnaturel, au néant.

LA PUISSANCE DE SA TENDRESSE

Mais il ne suffit pas de reconnaître cette autorité.

Quand elle s'adresse à elle, comme lorsqu'elle s'adresse à Dieu, notre consécration ne peut être qu'une prière, une manière

d'avouer notre faiblesse et de nous mettre sous sa protection. Nous savons bien qu'elle n'a pas besoin de nous et que bien

souvent nous avons rendu son Cœur douloureux par nos égarements de toutes sortes. Nous savons aussi que sa miséricorde est

plus grande que notre péché, que son Cœur immaculé, suivant l'expression de saint Jean, parlant de Dieu, « est plus grand que

notre cœur ». (Jean, 3, 20)

Non pas seulement sa miséricorde, mais la puissance de sa tendresse, parce qu'il ne servirait de rien qu'elle nous prenne

en pitié si cette pitié ne devenait pas intercession tellement irrésistible auprès du Seigneur qu'elle finisse par obtenir son pardon

et nous transformer. Nous nous donnons à son Cœur immaculé pour qu'il nous purifie, et nous sauve.

LA CONVENANCE. DE NOTRE ENGAGEMENT À SON SERVICE

Mais Marie respecte notre liberté. Voilà pourquoi la véritable consécration est celle qui comporte un engagement à son

service : la volonté d'imiter ses vertus ou plus simplement d'être fidèle à notre baptême. C'est ici qu'il y a plusieurs manières de

se consacrer, ou plutôt de multiples manières de vivre notre consécration.

Lorsque nous consacrons les autres en vertu de notre autorité de Père ou de Chef, selon la chair, selon la fonction sociale

ou selon l'esprit (une famille, une paroisse, une Cité,-un Diocèse, l'Univers) ou simplement en vertu de notre fraternité en Dieu,

nous pouvons affirmer, au nom de ceux qui ne savent pas ou ne veulent pas, l'autorité souveraine de Marie à laquelle nul

n'échappe, qu'il le veuille ou :non, nous pouvons, implorer pour eux sa puissance maternelle, car elle les -aime- tous comme

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ses enfants ; mais comment décider pour les autres ? Nous ,disons simplement à notre Mère que nous désirons de toute notre

âme qu'il en soit ainsi- et que nous sommes prêts à compléter ce désir par notre action apostolique: Sinon, où serait notre

sincérité ?

S'il s'agit de nous, pour que notre démarche ne soit pas une pure formalité, donner notre cœur sans promettre des efforts de

conversion serait une sorte de mensonge ; promettre en .bonnes paroles et l'oublier aussitôt, une plaisanterie.

POURQUOI RENOUVELER NOTRE CONSÉCRATION

Notre volonté est inconstante. Pour la soutenir, il importe de renouveler le geste d'un jour de ferveur, de répéter les formules

de notre consécration; qu'elle soit personnelle ou collective, d'y faire participer nos communautés humaines: famille, paroisse

ou diocèse, ainsi que nous allons le faire aujourd'hui. Il est excellent encore d'y joindre les humbles moyens que la Vierge elle-

même nous propose, tels que la communion des premiers samedis du mois- ou la récitation quotidienne du chapelet.

Évidemment, ce ne sont là que des moyens. Ils seraient inutiles sans fa participation vivante de notre cœur. Ce sont des

instruments simples et pauvres, à la portée de tous. La Vierge a ses raisons de nous les conseiller. Ils ont l'avantage de nous

demander beaucoup d'humilité et de nous maintenir dans cet esprit d'enfance qui nous est tellement utile pour gagner notre ciel.

Jésus ne nous a-t-il pas prévenu : « Celui qui n'accueille pas le Royaume de Dieu comme un enfant n'y entre pas ». ( Marc,

10-15).

Comme nous voulons y entrer et y conduire les autres avec nous, Cœur Maternel de Marie, gardez-nous un cœur d'enfant !

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ANNEXE 3

ARTICLE DU CHANOINE CAILLON

Article paru dans L’Appel de Notre-Dame n° 127 (3e trimestre 1987)

Depuis le 25 mars 1984, je n’avais jamais pu savoir de façon absolument sûre la pensée de sœur Lucie sur l’acte de consé-

cration accompli ce jour-là par Jean-Paul II et les évêques du monde entier. Or, du 14 au 19 septembre 1986, s’est tenu à Fatima

un important symposium qui se voulait de haut niveau. À cette occasion, je suis allé au Portugal et j’ai reçu de la Divine

Providence deux faveurs dont je dois faire part aux spécialistes que cela intéresse.

1 - J’ai commencé ma visite au Portugal par Porto, où je connais une famille qui payait la pension de Lucie quand elle avait

14 ans, en 1921. Cette famille constitue pour Lucie ce que l’on appelle de vieux amis, lesquels ont droit de visite au carmel de

Coïmbra, très souvent et très régulièrement.

Cette famille, c’est essentiellement une dame, qui a quatre ans de moins que Lucie, c’est-à-dire 76 ans, la grand-mère, qui

fait figure de patriarche et de chef de famille. Quand cette dame va voir Lucie, elle note avec soin, une fois rentrée chez elle,

ce que Lucie a pu dire de plus important. Cela pourra servir pour l’histoire, mais ne sera publié qu’après la mort de Lucie.

Je vois cette dame régulièrement, environ 2 fois par an depuis longtemps, mais j’évite de poser des questions car, souvent,

cette dame murmure : « Cela, je ne puis pas le dire ». Cependant, à mon arrivée au Portugal, le vendredi 12 septembre 1986,

j’ai osé articuler : « La consécration de la Russie... ? »

Alors cette dame, qui a beaucoup de prestance, a pris une cambrure significative. Bien qu’elle fût assise avec moi auprès

d’une grande table, elle s’est dressée, en restant assise, dans toute sa majesté, elle a allongé son avant-bras sur la table et elle a

prononcé solennellement, en martelant ses mots : « Si vous le voulez, je puis vous le jurer, la main sur l’Évangile : la consé-

cration de la Russie n’est pas faite. »

Et comme je lui demandais pourquoi, elle m’a montré une petite brochure, que je possède d’ailleurs depuis longtemps en

de nombreux exemplaires car elle ne coûte pas cher : « A Messageira de Jésus... » par le père Humberto Maria Pasquale.

Edicao do Cavaleiro do Immaculada. Av. Camilo 240, Porto. Portugal.

Cette brochure, dont j’ai bien connu l’auteur que j’allais voir de temps en temps dans la banlieue de Turin et qui est mort

récemment, a pour but de démontrer qu’à Fatima, aux enfants de Fatima, Notre-Dame n’a jamais dit « Consécration du monde

», mais toujours et uniquement « Consécration de la Russie », car elle devra apparaître comme l’unique objet de la consécration.

Il ne faudra donc parler ni du monde, ni de tous les peuples, ni du genre humain, ni de toutes les nations... Il faudra que

l’homme de la rue puisse comprendre immédiatement qu’il s’agit uniquement de la seule Russie.

2 - Après mon passage à Porto, je suis allé à Fatima, où je suis resté, du samedi 13 septembre au vendredi 19 à midi, chez

une autre personne, qui est de la famille de Lucie, qui est intime avec Lucie et qui va la voir très souvent au carmel de Coïmbra.

Je vais chez cette personne depuis des années. Cette fois, pendant 7 jours, à tous les repas, matin, midi et soir, nous n’avons

parlé que d’une seule question : la consécration de la Russie. Et cette personne m’a répété cent fois, sur tous les tons : « La

consécration de la Russie n’est pas faite. Cela, je puis le dire puisque Lucie le répète à tout le monde. » Car « c’est la consé-

cration de la Russie que Notre-Dame a demandée ».

Quand on baptise un enfant, on l’appelle par son nom. Quand on consacrera la Russie, il faudra la nommer de manière que

tout le monde comprenne bien qu’il s’agit d’elle seule et pas d’autre chose.

3 - Maintenant, même si Lucie mourait subitement - rappelons qu’elle a 80 ans -, ses amis, qui connaissent exactement sa

pensée, ne permettront jamais qu’on prétende que la consécration est faite.

On demande parfois : « Qui est juge, le pape ou sœur Lucie ? » Certes, sœur Lucie a toujours été très respectueuse de toutes

les autorités de l’Église. Mais sœur Lucie est évidemment la seule à savoir ce que Notre-Dame lui a dit et la seule à pouvoir

transmettre authentiquement le message à qui de droit. Tout cela me semble d’une profonde limpidité.

Après chaque grande tentative de consécration, en 1942, en 1952, en 1964, en 1982, que de gens, parfois très haut placés,

ont cru et dit que la consécration était faite.

Mais la petite voix venue du Portugal disait non. De même, après la grande tentative de 1984, que de gens ont cru et

proclamé que, cette fois, c’était fait et bien fini. Mais la même petite voix venue du carmel de Coïmbra dit encore non.

Quand on dit « la consécration », il est bien entendu qu’on parle de la consécration de la Russie. Autrement, taisons-nous.

Lucie ne se prétend pas de haut niveau, mais elle sait ce que Notre-Dame lui a dit.

Que faire maintenant ? Tâcher d’obtenir l’adhésion cordiale de tous les évêques à cette consécration de la Russie. Tout de

même, les évêques devraient finir par comprendre.