T LGLOR2390

ypologie et permanence des imaginaires mythiquesMyriam Watthee-Delmotte (watthee@gmail.com)

Les sciences des mythes1. Définition du mythe2. Les mythographies3. Les discours critiques sur les mythes

Mythe et littérature1. Approche théorique

1) Théories du mythe en littérature2) Traitement du mythe en littérature

2. Le mythe d’Ulysse 1) Ulysse, mythe de héros ou de situation?2) L’Odyssée, « cible favorite de l’écriture hypertextuelle »

Les retours d’Ulysse dans la littérature française contemporaine 1. Une fortune littéraire contradictoire2. Une œuvre phare : Ulysses de James Joyce (1922)3. Une diffraction du mythe4. Deux cas emblématiques en littérature française

1) Prologue de l’Iliade et de l’Odyssée : Jean Giono, Naissance de l’Odyssée (1935)2) Écho de l’Odyssée : Milan Kundera, L’ignorance (2000)

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2. Les retours d’Ulysse dans la littérature contemporaine

1. La fortune contradictoire d’Ulysse« le plus "jugé″, contradictoirement, des héros mythiques grecs » (Denis Kohler)

* Le monde antique est partagé entre la vertu stoïque et l’odieuse manipulation :

Tradition homérique positive versus « Odium », malédiction du personnagePlaton Hippias mineur ou Sur le mensongeEuripide Hécube, Le cyclope

Ajax Sophocle Philoctète, Palamède, NaupliosPindare 5e et 7e Néméenne

Lettres à Lucifius Sénèque TroyennesTusculanes Cicéron

Virgile L’Enéide Les métamorphoses Ovide

* Le moyen âge hérite de cette double tendance :Benoît de Sainte Maure Le Roman de Troie

(allégorie du Christ à la barre de l’Église)Pères de l’ÉgliseDivine comédie (Enfers,XXVI) Dante

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* Les Temps Modernes restent divisés : « Heureux qui comme Ulysse Du Bellay a fait un beau voyage [et est] Ronsard «meschant fuitif […]plein d’usage et de raison » qui n’a ni honneur ni honte »

Robert Garnier La TroadeTroïlus and Cressida ShakespeareLes compagnons d’Ulysse La Fontaine

Racine Iphigénie en AulideLes aventures de Télémaque Fénelon

* Période de latence : GoetheStendhal

* Les contemporains (XXe s.) s’intéressent précisément à l’ambivalence :Giraudoux Elpénor (1908-1912)

La guerre de Troie n’aura pas lieu (1935)Giono La naissance de l’Odyssée (1930)Audisio Ulysse ou l’intelligence (1945)

Joyce : Ulysses (1922)

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32. Une œuvre phare :Ulysses de James Joyce (1922, trad. fr. 1929)

Sujet : une journée de Leopold Bloom à Dublin, le 16 juin 1904.

Style : monologue intérieurpatchwork de citations, de styles, d’énumérations

« It can be all books to all men. » (Clive Hart, dans Mon Nys, « James Joyce and Ulysses », A Knowledged Legislators,De Graef O. (dir.), Kapellen, Pelckmans, 1994.)

« Cas-limite de réécriture » (Gérard Genette, Palimpsestes. La littérature au second degré, Paris, Le Seuil, 1982)

Homologie structurelle avec l ’Odyssée : parodie ou hommage ?

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3 c

3. La dispersion du mythe

1. Garder le récit,

non le genre

(transposition)

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2. Garder le genre, non le récit (pastiche)

Raymond Queneau, Exercices de style (1947, 1963)

3. N’exploiter qu’un fragment

1. Guillaume Apollinaire« Les sirènes », Alcools, 1913(illustrations de Raoul Dufy)

« La mémoire culturelle inférant le non-dit, la présence du mythe peut se signaler dans un texte récepteur moyennant une économie maximale de syntagmes. »

(Jacqueline Thibaut-Schaefer, « Récit mythique et transtextualité », dans Cazier P. (dir), Mythe et création,

P. U. Lille, 1994.)

Hypertextualité :

Émergence, pouvoir d’irradiation du mythe

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Autres exemples :

Le chien d’Ulysse de Salim Bachi Paris, Gallimard, 2001.(Prix Goncourt 2001)Mise en abyme et contretype

Elpénor de Giraudoux (1908-1912)Les Aventures de Télémaque d’Aragon (1932)

J.-J. Wunenburger, Art, mythe et création,Dijon, P.U. de Dijon, 1998.

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3 c4. Inscrire le mythe en immergence

1. Louis-Ferdinand CélineVoyage au bout de la nuit (1932)(réécriture complète)

Ulysse / BardamuCalypso /Molly

Repérage :- nature surhumaine- recueil du naufragé- offre refusée- acceptation du départ

Inversion : force centripète ou centrifuge

3Conditions nécessaires et suffisantes pour parler de « mythe en immergence :

•La présence d’un intertexte mythique dans l’ensemble de l’œuvre et/ou le paratexte

•Un réseau convergent d’éléments (mythèmes)

•Une potentialité interprétative cohérente et compatible avec les analyses traditionnelles du texte

•La cohérence du mythe repéré avec le projet de l’écrivain

2. Henri Barbusse

Le feu (1916)

(réécriture fragmentaire)

- le retour du soldat-l’épouse courtisée- L’Enfer (1908)-Le paratexte : lettres à Hélionne Mendès

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4. Entrer dans la nébuleuse mythique

* La reprise, caractère constitutif du mythe

Levi-Strauss : « Les œuvres littéraires sont des mythes en puissance mais c’est leur adoption sur le mode collectif qui actualise, le cas échéant, leur ‘mythisme’. »

Définition du mythe par le contenu et par l’usage : est mythique ce qui fait l’objet d’une reprise importante, pour intégrer la mémoire culturelle d’une collectivité.

J.-J. Wunenburger, « Mytho-phorie » : formes et transformations du mythe », dans Art, mythe et création, P. U. Dijon, 1998, pp. 109-133 : « Une histoire est mythique, moins d’abord par le contenu sémiotique ou symbolique qui la définit et la singularise, qu’en raison de sa répétition, et donc de sa réception par des agents. Le champ du mythe est donc fondamentalement d’ordre pragmatique et herméneutique, c’est-à-dire constitué par les actes mentaux et sociaux de sa récitation, de son écoute et de son assimilation. »

* Le mythe comme « texte idéal »

« ensemble de thèmes, de motifs, ou encore prise de conscience d’un genre dont relève le texte, les composantes de ces ensembles, ou les représentants du genre ayant chaque fois une structure commune » (Michael Riffaterre : « Sémiotique intertextuelle : l’interprétant », dans Revue d’esthétique 1-2, 1979, p. 134).

L’Odyssée comme parangon + l’idée qu’il y a un mythe derrière et en avant des textes,

à la fois préexistant et englobant.

« Un mythe est la somme de ses variantes. » Levi-Strauss

* Le « tiers absent » et « l’interprétant »

« L’histoire littéraire d’un mythe n’est plus une sorte de monologue où s’exprime progressivement un sens préexistant dans sa pureté et sa plénitude originelle, mais une sorte de dialogue, qui devient une appropriation croissante d’œuvre en œuvre à travers l’histoire d’une réponse à une grande question qui touche tout à la fois l’homme et le monde. »

« Ce que l’on appelle le ‘dialogue des auteurs ’ devient aussi un ‘polylogue’ entre l’auteur ultérieur, son prédécesseur détenteur de la norme et le mythe qui joue le rôle de tiers absent. »

Hans-Robert Jauss, Pour une herméneutique littéraire, Paris, Gallimard, « Bibliothèque des idées », 1988, p. 219.

= « l’interprétant » ou procédé de déchiffrement selon Michael Riffaterre :

« lien entre le déjà dit de l’intertexte et la réécriture qu’est le texte » (op. cit.., p. 146)

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Le mythe comme « tiers absent » > Odyssée du supposé Homère (vers –650)

> J. du Bellay (XVIe s.)> M. Audebert (2004)

LES REGRETS Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyageOu comme celui-là qui conquit la Toison,Et puis est retourné plein d'usage et raison,Vivre entre ses parents le reste de son âge!Quand reverrai-je, hélas, de mon petit villageFumer la cheminée, et en quelle saisonReverrai-je le clos de ma pauvre maison,Qui m'est une province et beaucoup davantage?Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux,Que des palais romains le front audacieux,Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine.Plus mon Loire gaulois que le Tibre latin,Plus mon petit Liré que le mont Palatin,Et plus que l'air marin la douceur angevine.

Joachim du Bellay (1522-1560)

Le mythe comme « tiers absent »> Odyssée du supposé Homère (vers –650)

> 2001, A Space Odyssey, roman d’A. Clarke (1968)

> film de Stanley Kubrick (1970)

> J.-G. Ganascia(1999) et Y. Coppens (2003 etc.)

D. Bass, 1997.

•* Le topos, le lieu commun du discours d’une collectivité

« Le mythe peut connaître « des dérivations par perte pure et simple, par appauvrissement jusqu’à l’allégorie — et lorsqu’il n’y a plus qu’un ou deux mythèmes, il n’y a plus de mythe — , ou alors par anastomose, captage d’autres séries mythiques proches. »

Gilbert Durand, « Pérennité, dérivation et usure du mythe » dans Problèmes du mythe et son interprétation, Paris, Belles lettres, 1978, p. 47.

Jean-Michel Ribes, L’Odyssée pour une tasse de thé, Arles, Actes Sud, « Papiers », 1992.

Homère, L’OdysséeShakespeare, Richard III

Le critère déterminant du « mythisme » est la sortie du champ littéraire :

Ulysse = prototype dont le nom se rattache à un scénario qui permet la schématisation de l’expérience collective concrète.

Entre fiction et Histoire :Paul Robin, Odyssée de notre temps,Paris, L’Harmattan, 1999.

Littérature de jeunesse :Frédéric Lenormand, L’Odyssée d’Apounaparti,Paris, Laffont, 1994.

Entre Histoire et petites histoires, le témoignage :

Jean-Louis-Crémieux-Brilhac, Prisonniers de la liberté. L’Odyssée des 218 évadés par l’U.R.S.S. (1940-1941), Paris, Gallimard, « Témoins », 2003.

Michael Roads, Un retour à l’unité : une odyssée spirituelle, Paris, Altess, « Témoignage », 1999.

Biographie :

François Rastier, Ulysse à Auschwitz. Primo Levi, le survivant, Paris, Cerf, 2005

Monique Tutrin, Benjamin Fondane ou le périple d’Ulysse, Paris, Nizet, 1989.

René-Marill Albérès, L’odyssée d’André Gide. Conquête, embarras et exercice de la liberté,

Paris, Nouvelle édition, 1951.

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Edouard Pfilmin, Gallimard

« Découvertes »

Eric Guichard et Jacques Lajoie P.U. Québec

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3- odyssée : n. f. – 1814 ; emploi fig. du titre du poème d’Homère qui raconte les aventures d’Ulysse, lat. Odyssea, gr. Odusseia. 1. Récit d’un voyage rempli d’aventures. 2. Voyage particulièrement mouvementé ; vie agitée à l’image d’un tel voyage.

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4. Deux cas emblématiques en littérature française

1) Prologue

Jean GionoNaissance de l’Odysséeroman (1925-27/1930)

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• 1. Contexte- Inspiration liée à :

- l’enfance (Jean le Bleu, 1932)- l’adolescence (« J’étais dans L’Iliade rousse »)- le jeune adulte « enfermé entre deux plaques de schiste »- le combattant de la Grande Guerre

- Vocations - littéraire- pacifiste (Contadour):

« Il n’y a pas de gloire à être Français. Il n’y a qu’une seule gloire : c’est d’être vivant »Refus d’obéissance (1937), Les vraies richesses(1936)Pour saluer Melville (1941), Fragments d’un paradis (1944)

àAvant-guerre : romans d’inspiration antique (Pan)àAprès-guerre : chroniques d’inspiration stendhalienne

Ulysse - est évoqué dans : Jean le Bleu (1932), Naissance de l’Odyssée (1930),

Arcadie, Arcadie (1953), préface à L’Iliade en 1949 et 1963- « l’Ulysse de la Naissance de l’Odyssée est déjà un «roi sans divertissement» (Chabot)- permet de mettre en scène les marginaux

de réfléchir sur la fonction de la fiction.

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• 2. RepérageMythe en émergence, mais en décalage

titreépigraphe « La mer, qui sait ainsi que toi piper » (Ronsard)

Hommage impertinent et paradoxal

• 3. Modalités de l’intertextualitéa. RÉCIT

Résumé : Ulysse, coureur de jupons et menteur invétéré, s’est attardé en escales galantes à son retour de Troie. Apprenant que Pénélope lui a été infidèle, il invente l’Odyssée pour justifier sa longue absence. Mais il est rattrapé par ses affabulations qui influencent le cours de sa vie ultérieure, tout en faux-semblant. Son fils Télémaque, qui n’est pas dupe, quitte Ithaque et accomplit un périple qui ressemble étrangement au récit d’Homère mais au retour, il n’arrive pas à le raconter et n’en tire aucune gloire.

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a) L’action

Reprises

flexibilité manipulationPassé guerrier (1X)Conquêtes féminines Circé lascive Calypso, une invention d’ArchiasOffense à Poséidon (Polyphème) Offense à Pan (mensonge)Colère de Poséidon Amusement de PanIntercesseurs divins alibis pour Pénélope et Ulysse

dénigrés par TélémaqueArgos vieille pie Margotton… qu’Ulysse étrangle de ses mains !Prétendants Antinoüs seul (éphèbe)Ulysse/Pénélope chacun sait qu’il est dupéVengeance d’Ulysse Antinoüs meurt accidentellement

mystification à mythe

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Brouillages

flexibilité manipulationMélantho Kalidassa… qui se suicideLancer du disque par Ulysse par AntinoüsNausicaa jeunes femmes sur la plage

Mélitte à la lessiveTélémaque hirsute et effrayant

Télémaque quitte Ithaque à l’arrivée d’Ulysseaccomplit les épreuves sans

pouvoir les raconterveut tuer son père (Télégone)

Anachronismes, bizarreriesAntinoüs tremble, « ayant songé subitement aux terribles pugilats d’Ulysse »Maya

Kaléidoscope à vertige

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b) Caractères héroïques

Ulysse : La ruse > le mensongeL’endurance > la peurLe stoïcisme > épicurisme

Pénélope volage, Télémaque ridicule, Circé lubrique…

mort de l’ héroïsmereste : l’art de conter !

b. ÉCRITURE

De l’épique au roman : « une épopée-farce » (Chabot)Écriture éclatée : archaïsmes, monologue intérieur, fragments versifiés, lyrisme, quelques pseudo-citations d’Homère…Patchwork et “au seuil de l’œuvre, une sorte d’art poétique” (Onimus) : réflexion sur

la reprise (texte palimpseste)la fiction (aspect métatextuel)le plaisir du texte

Ulysse, double imaginaire de l’écrivain ?

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Projet esthétique sous-tendu par une axiologie ó court-circuiter l’héroïsation guerrière par :

- l’humour- le changement de ton- un jeu sur le savoir culturel que l’on nie

à Perspective qui va à l’encontre d’Homère du point de vue- de la temporalité- de la perspective

et condensation en une généricité romanesque.

Effet de crise face à l’absurdité dont le premier témoin est… Ulysse, un être intérieurement divisé.

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Quelques sources bibliographiques

Texte de Giono :De Homère à Machiavel, avant-propos de Henri Godard, dans Cahiers Giono n° 4, Paris, Gallimard, 1986.

Études :• Jacques Chabot, La vie rêvée de Jean Giono, Paris, L’Harmattan, 2002.• « Naissance de l’Odyssée, enquête sur une fondation », dans La Revue des Lettres modernes, série

Jean Giono n° 7 (2001), textes réunis par Laurent Fourcaud. Comprend des articles de : Agnès Landes, Jean-Yves Laurichesse, Laurent Fourcaut, Sylvie Vignes et un recensement bibliographique.

• Christian Morzewski, « Fragments d’un paradis de Jean Giono : une navigation initiatique », dans Uranie. Mythes et littératures n° 4 (1994) : « Voyages et voyageurs », pp. 213-237.

• Jean Onimus, « Giono et le mensonge créateur : à propos de Naissance de l’Odyssée », dans La Revue des Lettres modernes, série Jean Giono n° 1 (1974), pp. 23-46.

• Myriam Watthee-Delmotte, « Les modalités de la réécriture mythique contemporaine : les retours d’Ulysse dans la littérature française », dans La Revue générale n° 3, 141e année, mars 2006, pp. 55-65.

• Myriam Watthee-Delmotte, « Sobre un trasfondo de violencia : presencia de Ulises en la literature francesa contempoánea », dans Juan Herrero Cecilia & Montserrat Morales Peco, Reescrituras de los mitos en la literatura, Cuenca, 2008, Ediciones de la Universidad de Castilla-La Mancha, pp. 77-88.

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2) Échos de l’Odyssée

Milan Kundera (né en 1929)

L’ignorance, roman (2000)

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2b• 1. ContexteÉcrivain tchèque, exilé politique établi en France depuis 1975. La chute du communisme à la question de la patrie.

« L’Odyssée aujourd’hui serait-elle concevable ? L’épopée du retour appartient-elle encore à notre époque ? »

• 2. RepérageMythe en émergence, récit cité en contrepoint.

RésuméDeux Tchèques, Irena et Joseph, ont quitté chacun leur pays il y a vingt ans. Irena a fui avec son mari (Martin) et leur fille à Paris ; son époux est mort peu après et elle a dû élever seule ses enfants. Elle s’est rapprochée de Gustav, l’ami suédois de Martin, mais l’amour a déserté cette relation. Quant à Joseph, il s’est installé au Danemark où il s’est marié ; son épouse est décédée depuis peu. Tous deux reviennent à Prague désormais libre, mais ils se retrouvent en décalage avec leur passé, et constatent que leur présent n’intéresse personne. Leur séjour n’est dès lors qu’une suite de malentendus. Ils croient pouvoir, lorsqu’ils se rencontrent, surmonter ensemble cette déception mais leur relation échoue aussi : tous deux rentreront dans leur pays d’adoption. Eux-mêmes esquissent le parallélisme de leur vie avec L’Odyssée, dont un exemplaire se trouve dans leur chambre d’hôtel.

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3. Modalités de l’hypertextualitéRÉCIT

L’actionMise en abyme boiteuse en raison d’un vice de formeUlysse était heureux à Ithaque, tandis que les émigrés ont fui leur patrie.

à nostalgie… de l’exil !(V. Jankelevitch, L’irréversible et la nostalgie, Paris, Flammarion, 1974.)

àFlexibilité et manipulation maximales de chacun des paramètres, présents en inversion.

Attributs héroïques maintenus avec FLEXIBILITÉ- Ruse : J menteur, I sournoise- Vaillance : J & I- Mémoire : lutte pour - l’oubli de la terre natale comme terre d’exil intérieur

- la mémoire de la terre d’accueil comme lieu identitaire-Valeurs domestiques J : la maison (danoise)

I : la langue (française)- Art de conter ? L’Odyssée versus le journal de J

le silence de I

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ÉCRITUREÀ comprendre dans le projet global de l’écrivain :•Le livre du rire et de l’oubli (1979), Paris, Gallimard, 1990.

- La mémoire comme combat politique- L’oubli comme stratagème défensif personnel

à L’obsession de la mémoire (ne pas perdre ce qui fait sens)La facilité de l’oubli (ne garder que ce qui permet de construire)

•Le rideau (2005) :“la bêtise commerciale a remplacé la bêtise idéologique.”

•L’art du roman (1986) : “L’homme se rend subitement compte qu’il ne possède rien et n’est maître ni de la nature (elle se retire, peu à peu, de la planète), ni de l’Histoire (elle lui a échappé), ni de soi-même (il est guidé par les forces irrationnelles de son âme).”

Le roman, “la grande forme de la prose où l’auteur, à travers des égos expérimentaux (personnages), examine jusqu’au bout quelques grands

thèmes de l’existence.”Comment ? Non démontrer, montrer !

•Les testaments trahis (1993) :“Le rôle de chacun consiste à ressusciter certaines formes données , certains schèmes mythiques établis par les aïeux, et à leur permettre de se réincarner.”

à“l’exil métaphysique” est l’énigme même de notre condition moderne..

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Les testaments trahis (1993) :“Le rôle de chacun consiste à ressusciter certaines formes données , certains schèmes mythiques établis par les aïeux, et à leur permettre de se réincarner.”

à“l’exil métaphysique” est l’énigme même de notre condition moderne.

La polyphonie : “le roman, à l’opposé de tous les discours dogmatiques, est un lieu où plusieurs voix conflictuelles peuvent se rassembler.”

à narration polyphonique (fugue)- enchevêtrement de deux récits (deux protagonistes)- retours en arrière, digressions, échos, motifs en ramification…- mythe d’Ulysse “en contrepoint”

= couches sémantiques feuilletées (protagonistes, personnages secondaires, anecdotes signifiantes, mythe)

= variations sur un thème (échos internes de l’œuvre )

Œuvre à la fois éclatée et cohérente sur le thème obsessionnel de l’échec :le mythe n’est opérant que lorsqu’il programme le désastre.

Kundera, “écrivain de l’humour et de la compassion romanesques” (Ricard)“sagesse désenchantée et mélancolie” (Boisen)

Ulysse ? Trop simple, trop beau à références flottantesusage anxiolytique du mythe

Quelques sources bibliographiques

Alain Badia, « L'Ignorance de Kundera ou l'Odyssée chimérique », dans Intertextualités. Quand les textes voyagent, études réunies par Jean-Yves Laurichesse, Perpignan, Presses Universitaires de Perpignan, « Cahiers de l'Université de Perpignan », n° 35, 2007.

Dominique Boutet et Camille Esmein-Sarrazin (dir.), Palimpseste épiques, Récritures et interférences génériques, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2006.

Conclusion

Constantes du corpus étudié

•Un arrière-plan de guerres ou de violences•Une conscience de la non-maîtrise du monde•Une mise à distance des anciens idéaux•Un besoin de mémoire•Un souci d’humanisme

L’Ulysse des contemporains est un homme déstabilisé, conscient de sa précarité.Les écrivains, faisant mémoire de son mythe, rusent avec cette lucidité.