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Conférence-débat Les stages précaires 24 novembre 2014 Modératrice : Johanna Mulumba Intervenants Michel Duponcelle (MD), directeur d'Infor Jeunes Schaerbeek Arnaud Pinxteren (AP), député Ecolo Hajar Metni (HM), responsable cellules jeunes CGSLB Pierre Ledecq (PL), Secrétaire Générale Jeunes CSC Quelless sont vos positions respectives par rapport aux stages précaires ? Pierre Ledecq : Il faut distinguer plusieurs choses, le stage d’insertion professionnelle et les autres types de stages. Le stage d’insertion professionnel est un droit issu de la sécurité sociale et qu’on appelait avant « stage d’attente ». Si après 9 mois la personne n’avait pas trouvé de boulot, elle avait droit à des allocations d’attente, qui permettaient de ne pas dépendre totalement de leurs parents. Le délai est passé de 9 mois à 12 mois et dans l’intervalle, le contrôle des jeunes a été renforcé. Il faut, à présent, 2 évaluations positives à valider le 7 e mois après l’inscription et le 11 e mois du stage. Le jeune doit refaire une demande si les évaluations sont négatives et doit repasser par la case ONEM. Cela sous-entend que le jeune doit refaire des démarches régulières pour prouver sa disponibilité sur le marché du travail donc, envoyer 6 demandes par mois et répondre à toutes les sollicitations d’Actiris ou du Forem. Nous avons déjà un pré-bilan, à ce stade, des annulations négatives : nous sommes plus ou moins à 30% d’évaluations négatives en moyenne à la première évaluation et 35% à la deuxième évaluation. Cela veut dire que déjà, plusieurs jeunes ne vont pas bénéficier d’allocations d’insertions. Le CSC considère que cette procédure n’est pas efficace parce qu’elle ne prend pas en considération le projet professionnel du jeune et qu'elle est assez arbitraire. La mesure est censée traquer les fraudeurs sociaux mais elle stigmatise surtout les jeunes et chômeurs en les pointant du

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Conférence-débatLes stages précaires24 novembre 2014

Modératrice : Johanna Mulumba

IntervenantsMichel Duponcelle (MD), directeur d'Infor Jeunes SchaerbeekArnaud Pinxteren (AP), député EcoloHajar Metni (HM), responsable cellules jeunes CGSLBPierre Ledecq (PL), Secrétaire Générale Jeunes CSC

Quelless sont vos positions respectives par rapport aux stages précaires ? Pierre Ledecq : Il faut distinguer plusieurs choses, le stage d’insertion professionnelle et les autres types de stages. Le stage d’insertion professionnel est un droit issu de la sécurité sociale et qu’on appelait avant « stage d’attente ». Si après 9 mois la personne n’avait pas trouvé de boulot, elle avait droit à des allocations d’attente, qui permettaient de ne pas dépendre totalement de leurs parents. Le délai est passé de 9 mois à 12 mois et dans l’intervalle, le contrôle des jeunes a été renforcé. Il faut, à présent, 2 évaluations positives à valider le 7e mois après l’inscription et le 11e mois du stage. Le jeune doit refaire une demande si les évaluations sont négatives et doit repasser par la case ONEM. Cela sous-entend que le jeune doit refaire des démarches régulières pour prouver sa disponibilité sur le marché du travail donc, envoyer 6 demandes par mois et répondre à toutes les sollicitations d’Actiris ou du Forem. Nous avons déjà un pré-bilan, à ce stade, des annulations négatives : nous sommes plus ou moins à 30% d’évaluations négatives en moyenne à la première évaluation et 35% à la deuxième évaluation. Cela veut dire que déjà, plusieurs jeunes ne vont pas bénéficier d’allocations d’insertions. Le CSC considère que cette procédure n’est pas efficace parce qu’elle ne prend pas en considération le projet professionnel du jeune et qu'elle est assez arbitraire. La mesure est censée traquer les fraudeurs sociaux mais elle stigmatise surtout les jeunes et chômeurs en les pointant du doigt comme des fainéants qui profitent des allocations d’insertions de 350€/mois. Le CSC trouve qu’on loupe tous les objectifs, on ne prend pas en compte la situation familiale, leurs trajectoires, leurs envies, leurs projet, etc. Il faut revenir sur ces procédures d’accompagnement, mais elles devraient être davantage en rapport avec ce que le jeune attend d’un service public. A partir du 1er janvier 2015, les jeunes de moins de 25 ans n’ont plus le droit de solliciter des allocations d’insertion. Donc tout jeune qui a raté une année scolaire ou qui a plus de 25 ans plus 1 jour à la fin de ses études, n’aura plus droit à ces allocations. Avant, il fallait être inscrit en 3e professionnelle ou 6e générale et attendre 18 ans pour solliciter des allocations d’insertion. Ce droit passe à 21 ans et il faut avoir réussi sa dernière année.

Quel est le rapport entre ONEM Actiris ou Forem? PL : Jusqu’ici, c’est l’ONEM qui contrôle et sanctionne, Actiris et Forem donnent des outils pour définir un projet professionnel et aider à trouver de l’emploi. Avec le transfert des compétences, le côté « sanctionnateur » de l’ONEM va être transféré au Forem et à Actiris.

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Durant ce stage d’insertion, que sont censés faire les conseillers Forem et Actiris ? PL : Les moyens n’augmentent pas dans les services publics, on remplace de moins en moins de personnes. Les employés du Forem ont environ 225 dossiers à traiter par an et chez Actiris 300. Cela veut dire qu’ils ne peuvent accorder que 20 minutes tous les X mois pour chaque personne. Dans cette configuration là, c’est impossible de proposer un accompagnement de qualité. Le rôle de ces conseillés est très dur, ils sont également frustrés de ne pas pouvoir faire le boulot pour lequel ils ont été engagés.

Dans le cadre de la Garantie Jeunesse, on parle beaucoup de CPP (Contrat Projet Professionnelle) …Arnaud Pinxteren : Ils ont été suspendus jusqu’en 2016. Mais tous ces dispositifs mettent une pression sur le jeune, et globalement sur le marché du travail. On contraint les jeunes à travailler au rabais, ce qui réjouit les employeurs et ce qui va impacter sur les conditions de travail. On jette les jeunes dans la précarité. On rejette la faute sur le jeune qui n’a pas assez étudié, ne s’est pas assez formé, mais on n’aborde pas les vraies questions. On contraint les jeunes à accepter des emplois au rabais, précaires, moins biens payés. Il y a clairement des effets d’aubaine avec ces dispositifs, qui bénéficient aux employeurs. Fin 2015, 20000 jeunes seront exclus des allocations. Ces jeunes vont se retrouver au CPAS en partie, ce qui aura pour conséquence un investissement financier plus important des communes. Il y aura aussi une concurrence entre les demandeurs d’emplois, notamment entre personnes âgées et jeunes. Les employeurs, eux, reçoivent des aides à l’emploi pour embaucher des jeunes, mais celles-ci ne sont pas conditionnées à une embauche à long terme. Souvent l’employeur dit au jeune qu’il n’a pas assez d’expérience sans leur laisser en acquérir. Les employeurs ont une responsabilité d’intérêt général à former les jeunes puisqu’on acquiert des compétences au travers de son expérience. Il y a une contractualisation à prévoir et à organiser avec les employeurs sans mettre une responsabilité sur les demandeurs d’emplois. Chez ECOLO, nous avons une série de propositions, comme le plan tandem qui permet à un travailleur plus âgé de réduire son temps de travail et de coacher un jeune. C’est une logique de solidarité parce que le travail est un moyen pour vivre, pas une finalité. Une autre idée qui est le contrat jeune, consiste à offrir une première expérience professionnelle aux jeunes dans associations et les services publics. A côté de cela, il faut avoir toute une réflexion sur la création d’emplois.

On dit qu’à Bruxelles, il y a 750 000 emplois disponibles pour une population de 500 000 personnes. Quel est le problème alors ? Est-ce que les emplois disponibles à Bruxelles ne correspondent pas à la réalité des jeunes bruxellois vu que lorsqu’on recherche un emploi on retrouve souvent des métiers très techniques ? Michel Duponcelle : Une série de ces emploi sont interdits aux Bruxellois car Bruxelles, par nature, génère des emplois qui sont destinés aux non-bruxellois. Sinon, cela voudrait dire que tous les fonctionnaires généraux sont bruxellois. AP : Les chiffres balancés comme ça sont trompeurs. Cela accentue la stigmatisation des chômeurs.

Selon le reportage de « Question à la Une », il y aussi des filières qui ne mènent à rien, …MD : Aucun savoir n’est inutile. Certes, certains diplômes sont moins exploitables, mais les savoirs acquis avec plaisir, vont te permettre de les exploiter. On ne peut pas toujours prévoir les débouchés, ni les changements dans le marché du travail. AP : Personne n’est formé à un métier spécifique et de toute manière, l’école n’a pas vocation à préparer des gens à l’emploi. Il faut qu’il y ait un lien entre les deux mais d’autres choses

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sont à mettre en œuvre  pour rapprocher les formations professionnelles du marché de l’emploi. PL : Les stages sont à la mode parce qu’on ne fait pas confiance aux jeunes en début de carrière. Les entreprises doivent consacrer 1,9% de leur chiffre d’affaire à la formation professionnelle, là elles sont à 1,1%. Elles veulent souvent avoir un travailleur efficace directement. Du coup, elles veulent des sous-statuts, un marché du travail-bis. Par contre, il y a des choses intéressantes dans la formation en alternance mais ce n’est pas la solution à tout le chômage des jeunes. Le problème, c’est que c’est une formule dévalorisée dans les faits, parce que se trouve en bout de cascade dans l’enseignement (général-technique-professionnel-CEFA-spécialisé). Or si c’est bien fait, ça peut mener à des emplois durables. Malheureusement beaucoup de jeunes s’y retrouvent par défaut et pas par choix.

Réaction : Ce chiffre, 1,9%, c’est l’effort global dans le secteur privé qui doit être investi dans les formations. Les secteurs, par commission paritaires, doivent développer des conventions collectives de travail qui augmentent l’effort de formation (investissement plus important en terme financier ou d’accessibilité) pour arriver à ce quota, en sachant que ce dispositif n’est même pas mesurable. Et si ces secteurs ne prennent pas de mesures, ils sont sanctionnés par un prélèvement de l’ONSS supplémentaire qui va financer le congé éducation. PL : Ce que je veux dire, c’est qu’avant, l’entreprise prenait des mesures pour former ses employés à long terme qui leur permettait de monter en grade ou de changer de fonction au sein de l’entreprise.HM : Pour en revenir au chômage des jeunes, on parle souvent d’un taux de chômage élevé, surtout à Bruxelles. Il y a un droit à l’emploi, mais aussi à la qualification et à l’orientation. Là, on peut pointer du doigt l’enseignement en Belgique puisque l’orientation n’est pas efficace. Que fait-on des jeunes peu ou pas qualifiés sur le marché de l’emploi ? D’où la création de tous ces stages, qui font l’objet de beaucoup de critiques pertinentes. Prenons le stage en entreprise, peu rémunéré (200 euros/mois pour un temps plein, plus l’allocation d’insertion payée par l’ONEM – environ 600 euros). Objectif est que le travailleur puisse apprendre et arriver à faire le même travail que le travailleur de référence. Ce qui fait polémique, c’est que la rémunération est inférieure au seuil de pauvreté et n’offre pas de perspective d’engagement au sein de l’entreprise. Nous ne nous ventons pas de ce stage, parce que nous savons que les employeurs usent et abusent de ces plans (toujours trouver des travailleurs moins chers) mais au moins le jeune aura acquis de l’expérience. Le stage ne peut pas remplacer le travail d’un effectif.

Réaction : On a l’impression que ça devient un automatisme : on sort des études, on doit passer par un stage (sans statut, sans charte de qualité), puis on a des difficultés à trouver un vrai boulot après. MD : C’est un leurre, ces stages ne servent pas à grand-chose. Ca participe à une volonté générale de retarder l’acquisition de droits et l’arrivée aux allocations. Comme si on allait leur donner une expérience. Il faut que le jeune puisse se choisir un stage, se forger une expérience. Il n’y a pas de moule uniforme. HM : Tous les stages ne sont pas des leurres. Il faut une charte entre le jeune, l’employeur et l’organisme de formation qui explique que le jeune peut à tout moment quitter le stage et qui lui permette de se forger une expérience et/ou de combler son manque d’expérience. PL : Cela peut être une bonne expérience. Le problème est la création de dispositifs multiples, certains sont des régressions par rapport aux précédents. Le stage de transition aujourd’hui (3 à 6 mois) met en place une concurrence avec d’autres travailleurs. Ces stages sont souvent

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dans la grande distribution et les « vrais » travailleurs se font piquer leur emploi par des étudiants et/ou des jeunes en stage de transition.

Réaction : Ce type de stages peut être déstructurant pour l’emploi existant. D’un autre côté, cela peut aussi être pris en main d’une bonne manière dans d’autres secteurs. Les problèmes sont les incitants financiers et fiscaux  qui amènent des effets d’aubaine pour certains. Les deux vont se côtoyer. Il faudrait donc contrôler les accompagnements. HM : Il faut contrôler les entreprises et l’utilisation des stages.MD : On a déjà fait ça avec les aides à l’embauche, en sachant que des patrons essayent de tirer le maximum.AP : Il faut simplifier les aides et les dispositifs. Une série d’aides sont maintenant du ressort des régions, c’est l’occasion de simplifier. C’est quelque chose qu’il faut mettre à profit. Faire mieux avec moins, en rationnalisant.

Ne faudrait-il pas développer une charte de qualité pour les stages ? AP : C’est une bonne suggestion. De toute manière, cette acquisition d’expérience pourrait être réalisée dans un accompagnement au sein de l’entreprise, dans du tutorat etc. Il faut être créatif par rapport à cela.PL : Chez nous, le stage n’est pas encore obligatoire après les études, contrairement à la France. Il existe une convention d’immersion professionnelle avec le statut de stagiaire. Dans le non-marchand, souvent ce sont des bénévoles ou des volontaires. C’est vrai qu’on risque de mélanger les deux. Le danger ici, c’est de créer une sous-catégorie du marché du travail bis. Chez les jeunes CSC, on se dit que l’engagement volontaire est positif et doit pouvoir être valorisé sur un CV.MD : Mais le problème, c’est de lier les deux. Ca peut être intéressant dans un projet personnel, mais ça ne doit pas devenir une étape obligatoire, dans une visée de contrôle.