Web viewContente-toi que la disposition que tu fis une fois de moi réduisit ma vie à...

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Honor d'Urf, L'Astre - Deuxime partie - Format Microsoft Word.Version moderne base sur l'dition de 1621 (Deux visages de L'Astre, http://astree.tufts.edu).L'original se trouve la Bibliothque municipale de Versailles(Rs. Lebaudy in-12 416).

L'Astre d'Honor d'UrfDeuxime partie

Livre 2

dition de 1610, p.63. dition de Vaganay, p.45.

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Ainsi paracheva Thamire de raconter ce que la Nymphe Lonide avait dsir savoir, et s'tant tu pour quelque temps: -Or, Madame, continua-t-il, nous nous sommes de fortune rencontrs au sortir de la rivire de Lignon avec cette Bergre, et parce que l'Amour continue autant en nous que le ddain en elle, nous venions tous deux lui prouvant par les meilleures raisons que nous pouvons qu'elle en devait aimer l'un ou l'autre. Et quant moi, je disais que c'tait de moi de qui elle devait faire choix, et au contraire Calidon, que j'ai tant oblig par toute sorte de bons offices, soutient opinitrement que c'est de lui. Et quoique je sache bien que votre entendement peut beaucoup mieux comprendre mes raisons que je ne les saurais dduire, si est-ce

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que pour mettre une fin ces longues dissensions (car dsormais nous sommes la fable de notre hameau), plt Dieu, grande Nymphe, que vous voulussiez aussi bien our nos raisons de nos bouches mmes, et ordonner ce qui vous semblerait tre juste, comme librement je me soumettrais votre jugement. Ce serait une uvre digne de vous, et de laquelle les Dieux vous sauraient gr, et nous vous demeurerions infiniment obligs. Lonide alors, l'ayant remerci de la peine qu'il avait prise de leur raconter les causes de leur dbat, l'assura que si lui et ceux qui y avaient intrt la jugeaient capable de ce qu'il lui demandait, elle s'offrait librement d'en dire son avis lorsqu'ils auraient promis de l'observer, car autrement ce ne serait que se travailler en vain. Thamire se jetant genoux: -Je vous remets, grande Nymphe, dit-il, non seulement ma vie et ma mort, mais tout le contentement et le dplaisir que j'aurai jamais, et durant ma vie et aprs ma mort. Que si je contreviens ce que vous ordonnerez, je veux que nos Druides me dclarent indigne d'assister leurs sacrifices, et me soient dfendus nos bocages sacrs et nos chnes clestes. -Et moi, rpondit Calidon, jamais ne me puisse tre salutaire le Gui de l'an neuf, et si je rencontre quelquefois l'uf salutaire souffl des serpents, je prie Tautats qu'il les anime de sorte contre moi qu'ils ne me laissent jamais en repos, et que, m'ayant entortill et les jambes et les bras de cent tours, leur venin ne m'ait perc le cur, si je ne reois votre jugement comme

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venant d'un grand Dieu, et si je ne l'observe tant que je vivrai. Et parce que Clide ne disait mot: -Et vous, belle Bergre, dit Astre, n'avez-vous point de volont de vous dcharger de l'importunit que vous recevez de ces deux Bergers, vous remettant au jugement de cette grande Nymphe? -Je voudrais bien, rpondit la Bergre, en tre dlivre, mais je crains de tomber en un plus grand mal, et ne faut point douter que la haine et l'offense n'aient une si grande force sur moi que je ne remettrais le hasard de ce jugement personne, si les Dieux, cette nuit, ne m'avaient avertie en songe de le faire; car la plus grande partie tait dj coule, lorsqu'il m'a sembl que mon pre, qu'il y a dj longtemps qui est mort, m'ouvrait l'estomac, en sortait le cur, et le jetait comme si c'et t une pierre, avec une fonde, par de Lignon, et puis me disait ces mots: -Va, mon enfant, del la fatale rivire de Lignon, tu trouveras ce cur qui te tourmente si fort au repos o il doit demeurer jusques ce que tu me viennes trouver. Je me suis veille en sursaut, et cela a t cause que je me suis rsolue de passer la rivire, avec esprance de trouver le repos qui m'a t promis. Vous devez donc tre certaine, Madame, dit-elle, s'adressant Lonide, que je n'ai garde de dsobir vos commandements, puisque ce sont les Dieux qui me parleront par votre bouche. -Cela tant, ajouta Lonide, je vous promets tous trois que je donnerai un jugement aussi quitable que je le voudrais recevoir en semblable et plus grande occasion. Et afin que je ne

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sois due en mon opinion, Paris et ces gentilles Bergres, et Silvandre m'en diront leur avis avant que j'en dise quelque chose. Et pource, dit-elle se tournant vers Calidon, dites-nous pour quelles raisons il vous semble que Clide doive tre vtre, non pas Thamire, qui l'a si longuement possde et leve comme sienne. Le Berger alors se relevant, aprs avoir fait une grande rvrence, prit la parole de cette sorte:

HARANGUE.

DU BERGER CALIDON.

Amour, grand Dieu qui par ta puissance m'as ravi toute celle que la raison soulait avoir sur ma volont, coute la supplication d'une des plus fidles mes qui ait jamais ressenti la puissance que la beaut a par ton moyen sur le cur des hommes, et m'inspire de sorte les paroles et les raisons que tu m'as si souvent reprsentes, lorsque, lass du mpris de Clide, je me suis voulu retirer de son service! Que cette grande Nymphe, mue de leur force, ordonne avec toi que celle qui tu m'as donn et qui m'a t donne par celui qui y avait l'un des plus grands intrts, me soit conserve et maintenue, et contre le mpris de cette belle, et contre l'autorit et la violence de celui qui me la veut ravir! J'entends, grande Nymphe, cette divinit que j'ai rclame, qui me promet

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son assistance, non seulement en guidant ma langue, mais en gravant mes paroles en vos curs avec la pointe de ses meilleurs traits. Aussi, Madame, si ce n'tait cette assurance qu'il me donne, comment oserais-je ouvrir la bouche pour parler contre la personne du monde qui j'ai le plus d'obligation? Car j'avoue que Thamire, pour son bon naturel, m'a plus oblig que le pre qui m'a donn naissance, puisque sans avoir eu le contentement du mariage, il a support tous les ennuis et toutes les sollicitudes que la nourriture des enfants peut donner, et ensemble celles que la conduite des troupeaux et des pturages d'un orphelin dans le berceau (car ce fut en cet ge que je lui fus remis) peut rapporter qui en reoit la charge. Il n'a pargn ni peine ni dpense pour m'lever, ni soin ni prudence pour me faire instruire; de sorte qu'avec beaucoup de raison je le puis appeler mon pre, et il me peut nommer son enfant, puisque j'ai reu de lui tous les offices que ces noms requirent. Et, avouant que je lui ai ces obligations, comment oserais-je ouvrir la bouche contre lui sans encourir le nom d'ingrat, si cette dispute dpendait maintenant de moi? J'aimerais mieux tre dans le tombeau de mes pres, et que mon berceau m'et servi de cercueil, que si cette action dpendait de ma volont, on me vt opposer celle de Thamire, Thamire qui m'a fait tel que je suis, Thamire qui je dois tout ce que je vaux, bref ce Thamire au service duquel, quand j'aurais dpendu tous les jours de ma vie, encore ne saurais-je

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avoir satisfait la moindre partie de ce que je lui dois. Mais, hlas! je m'en remets lui-mme, cet Amour qui me commande lui commande aussi, il vous dira s'il est possible que le cur qu'il a vivement touch lui puisse dsobir en quelque chose. S'il prouve que cela n'est point, je le conjure par cet Amour mme qui a tant de puissance sur son me de me pardonner la faute que je commets par force, et qu'il me permette de dire que toute sorte de raison ordonne que Clide me doit aimer, et qu'il n'y a personne que moi qui puisse justement la prtendre sienne.Car pour le premier point, que rpondra Clide, si je l'appelle devant le trne d'Amour, et si, en prsence de cette quitable compagnie, je me plains lui de cette sorte? Cette belle, grand Dieu, qui se prsente devant toi, c'est celle-l mme que tu m'as command d'aimer et de servir, sous les esprances que tu as accoutum de donner ceux qui te suivent. Si, ds le commencement, j'ai contrari ta volont, si depuis je n'ai point continu, et si je ne me rsous pas de parachever ma vie en ton obissance, Amour, qui lis dans mon cur, voire qui de ta main mme y cris tous mes desseins, chtie-moi comme parjure, et, empruntant contre moi la foudre du grand Taramis, crase ma tte, comme celle d'un perfide. Mais si la vrit rpond mes paroles, et si jamais personne n'aima tant que moi, comment souffres-tu qu'elle trompe mes esprances, qu'elle ddaigne tes promesses, et qu'elle se moque du mal que tu me fais endurer pour elle? Aussitt

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que je la vis, je l'aimai, et je ne l'aimai point plutt que me donnant entirement elle, je ne retins de moi que la volont seule de l'adorer. Mais peut-tre cette affection lui a t inconnue, j'ai racont mon mal aux bois reculs, aux antres sauvages, ou bien aux rochers? Nullement, Amour, elle a ou mes plaintes, elle a vu mes pleurs, elle a su mon affection, un peu par ma bouche, davantage par celle de Thamire, de Clontine et de mes amis, mais beaucoup plus par l'effet de ma passion. Ne m'a-t-elle point vu dans le lit de la mort pour avoir trop d'affection pour elle? Ne m'a-t-elle point tendu la main comme me retirant du tombeau, voire du nombre des morts, en me disant: -Vis, Calidon, tes prtentions ne sont pas toutes dsespres. Et pourquoi, ayant dj souffert les plus pres douleurs qui devancent la mort, m'a-elle rappel du repos que le cercueil me promettait, si c'tait son dessein de me laisser remourir sans piti? Comment sa cruaut n'tait-elle point saoule d'une mort, et fallait-il que pour t'avoir obi et l'avoir adore, je fusse par elle condamn un second trpas? Elle dira peut-tre qu'il faut que je la mesure mon aune, et que je considre que, comme je n'aurais pas la puissance de quitter l'affection que je lui porte pour la mettre en une autre, que de mme tant engage ailleurs elle ne s'en peut distraire pour m'aimer. Amour! Ce ne sont que paroles, ce ne sont qu'excuses, qu'elle montre le contrat de cette Amour! Et si tu ne le juges