Web view135. — LETTRES À CONDORCET. [Henry, 128 et s.] XXI. (Détails divers.)...

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135. LETTRES CONDORCET.

[Henry, 128 et s.]

XXI. (Dtails divers.)

Paris, lundi 19 avril.

Puisque vous ne partez que jeudi, M., j'espre que vous recevrez encore cette lettre, la vtre du vendredi m'tant arrive hier. Le pis aller c'est qu'elle soit perdue.

Le sieur Fondemant[footnoteRef:1] a crit l'Ingnieur qu'il demandait cent cus d'avance pour acheter un cheval et une petite voiture. Cela est exorbitant pour un homme dont la conduite n'est pas, d'ailleurs, infiniment propre donner de la confiance. C'est dj mauvaise marque qu'il ne vous ait pas t trouver, car je lui avais dclar que je m'en rapporterais entirement vous. Si ma lettre arrive temps, je vous serai trs oblig de l'envoyer chercher et de tout rgler avec lui, et de laisser quelqu'un en partant la commission de lui donner, lorsqu'il en sera temps, l'argent dont vous serez convenu. Ce Monsieur demande encore qu'on lui paye son apprentissage pour apprendre faire des vans. En effet, c'est une chose ncessaire et je n'imaginais pas qu'il l'ignort. Naturellement, je ne devrais entrer sur cela dans aucune dpense. Cependant, je m'en rapporte encore ce que vous rglerez sur cela. [1: Le vannier que Condorcet avait envoy Turgot.]

Je vois que votre jugement sur l'ouvrage de Deluc[footnoteRef:2] se rapporte assez au mien, mais ce qui me confond, c'est la liaison qu'il tablit entre plusieurs points de sa mauvaise physique et ses corrections du baromtre ; mais il est assez inutile de causer physique dans cette lettre, puisqu'il est incertain qu'elle vous parvienne. Je n'ai point vu Mlle de Lespinasse depuis jeudi. [2: Deluc (1727-1817) physicien, auteur d'une Thorie des baromtres.]

XXII. (La procdure criminelle. Dtails divers.)

Paris, 8 juin.

J'ai t dans votre pays, M., pendant que vous tiez Paris, et en arrivant Paris, je vous ai trouv parti pour votre pays. C'est ressembler Castor et Pollux qui s'aimaient beaucoup et ne se voyaient gure. J'espre que vous ne serez pas longtemps sans revenir voir vos amis, et je me console de votre absence en pensant que vous aurez un peu repos votre sant qui en avait besoin, si tant est que ce soit vous reposer que de ne faire que de la gomtrie au lieu de partager votre temps entre la gomtrie et la botanique. Vous y gagnerez toujours le temps du voyage de chez vous au Jardin du Roi, et j'imagine que vous serez assez raisonnable pour l'employer dormir.

M. Du Pont veut faire usage de ce que je vous avais envoy il y a deux ans sur la procdure criminelle. J'ai la seconde lettre, qui est la principale ; mais je vous en avais envoy une premire, que je serais bien aise de ravoir, et que je vous prie de me rapporter ou de chercher dans vos papiers Paris.

Adieu, M., vous connaissez l'amiti que je vous ai voue. Mme d'Enville me charge de bien des choses pour vous. Revenez vite si vous voulez la trouver encore Paris. La sant de Mlle de Lespinasse me parat passable.

XXIII. (Dtails divers. Observations astronomiques de Montagne.)

Limoges, 23 octobre.

Mlle de Lespinasse ne vous appelle plus, M., que le ci-devant bon Condorcet. Je ne sais si c'est parce que vous n'crivez plus vos amis. Je dois tre par intrt trs tolrant pour toute espce de paresse et j'ai rarement droit de me plaindre; cependant, je trouve votre silence bien long. Je suis arriv ici en bonne sant et j'en repars demain pour mes courses, pendant lesquelles je serai dispens d'crire, faute de poste, du moins dici la Toussaint. J'ai heureusement un trs beau temps, car je serai une grande partie du temps cheval. J'esprais recevoir ici de vos nouvelles, mais je sais que vous ne perdez pas votre temps et je fais le sacrifice de mon plaisir.

L'vque de Rodez[footnoteRef:3] m'a dit qu'un M. de Montbaron, astronome d'Auxerre, avait des instruments que l'Acadmie lui aurait prts. J'ignorais qu'elle et des fonds pour cet emploi. Mais rien ne peut tre plus avantageux que les progrs de l'astronomie qui souffrent de ce que presque tous les observateurs sont concentrs dans les brouillards de Paris et autres grandes villes. S'ils taient disperss, il chapperait beaucoup moins de phnomnes. [3: Champion de Cic (Jrme-Marie).]

M. Montagne a beaucoup de zle, d'assiduit, d'intelligence, et tout cela est perdu faute d'instruments. Je lui ai fourni un trs bon quart de cercle, une lunette achromatique, mais d'une force mdiocre, une pendule secondes. Il lui faudrait encore une bonne lunette garnie d'un micromtre. Faute de ce dernier instrument, il est rduit comparer les comtes des toiles souvent mal dtermines et ne juger leur situation que par leur configuration avec ces toiles. Un micromtre le mettrait porte de donner des observations prcises et de profiter de la beaut du ciel de ce pays-ci. Informez-vous, je vous prie, s'il serait possible de lui en faire procurer un par le mme moyen que M. de Montbaron a eu ses instruments. Si la chose n'est pas possible, je voudrais savoir du moins ce qu'il en coterait. Il aurait aussi besoin du catalogue de Flamstead, ou de ce qu'il y a de mieux en ce genre depuis Flamstead. Je serais bien aise de savoir ce qu'il en coterait pour cela, ou si l'on pourrait en avoir gratuitement. Je crois qu'il y a un catalogue d'toiles zodiacales que le Roi a fait graver. Je vous serai oblig de vous occuper de ces objets quand vous serez revenu Paris et de me mander le rsultat de vos recherches.

Adieu, M., conservez-moi votre amiti et comptez sur la mienne comme sur les dmonstrations de la gomtrie.

XXIV. (Dtails divers.)

Limoges, 12 novembre.

Ce n'est pas votre lettre, M., qui s'est perdue par les chemins, c'tait moi qui courais le monde comme la princesse de Babylone, lorsqu'elle est venue Limoges, o je suis prsent sdentaire jusqu'au moment o mes affaires de famille me rappelleront Paris. Il faut que les moutons blent et que les nes braient et ruent ; il n'et tenu qu' moi de braire et l'on m'avait tout aussi bien siffl que les nes de vos cantons ; apparemment que mon gosier s'est trouv moins propre cette musique et je l'ai garde toute note dans mon portefeuille, ainsi que j'ai fait dans mainte occasion toute semblable.

J'imagine comme vous que M. de Rodez[footnoteRef:4] s'est tromp sur les richesses et sur les gnrosits de l'Acadmie, en fait d'instruments, mais c'est une tentative dont le mauvais succs laisse comme on tait. [4: Il avait prtendu trouver des mines d'or et d'argent, notamment dans les Pyrnes.]

Votre vque de Laon[footnoteRef:5] est bien digne de son origine limousine. Il a conserv pieusement l'ignorance des vicomtes de Limoges du Xe sicle. [5: J.-F.-J. de Rochechouart.]

Vous aurez trouv Mlle de Lespinasse dans une bien mauvaise sant ; suivant mes dernires nouvelles elle tait toujours dans la douleur ou dans la langueur. J'espre bien que vous m'instruirez exactement de son tat.

N'est-ce pas demain que vous devez lire l'loge de Fontaine[footnoteRef:6]? Je vous fais d'avance mon compliment sur son succs. [6: Fontaine, gomtre (1705-1771).]

Adieu, M., comptez sur toute mon amiti. Mille choses tous nos amis.

XXV. (Dtails divers.)

Limoges, 23 novembre.

Le temps a tout l'air, M., depuis quelques semaines, de s'arranger pour mettre MM. les astronomes dans l'impossibilit de vider leurs querelles sur l'anneau de Saturne. Nous n'avons pas vu ici une toile qui ait montr le bout de son nez. Ce M. de Lalande[footnoteRef:7] me parat un peu hargneux, car il vient de mettre dans Frron[footnoteRef:8] une lettre qu'il a faite ou fait faire contre Voltaire, dont il a cru que les plaisanteries taient diriges contre lui, auquel je crois que Voltaire n'avait gure pens. Cela n'est ni adroit ni prudent. M. Cassini devrait laisser faire Voltaire, qui le vengera mieux que l'Acadmie. propos dastronome, M. Montagne est Paris. Il doit prier M. Desmarets de vous le prsenter, et je vous prie de le recevoir avec bont. [7: Le Franais de Lalande (1732-1807).] [8: L'Anne littraire, de Frron.]

Je ne dis pas que je vous souhaite beaucoup de plaisir dans le voyage que vous devez faire La Roche[footnoteRef:9] avec M. de Caraccioli ; mais je vous envie le plaisir que vous aurez l'un et l'autre. [9: La Roche-Guyon, chez Mme d'Enville.]

Je ne suis point surpris que l'opra de Marmontel et de Grtry[footnoteRef:10] soit tomb la rptition; c'est peut-tre de peur qu'il ne russit trop la reprsentation. [10: Cphale et Procris.]

Adieu, M., vous savez combien vous devez compter sur mon amiti. Ne m'oubliez pas auprs de Mlle de Lespinasse et de nos autres amis.

Il vient prcisment de s'lever un vent froid qui vient d'claircir l'horizon. Nos astronomes pourront s'amuser cette nuit, et je me hte de me rtracter, parce que j'aime l'exactitude, quoiqu'elle soit le sublime des sots.

XXVI. (De l'Esprit, par Helvtius. J.-J. Rousseau. Necker. Dtails divers.)

Dcembre.

Comme je ne crains pas, M., que vous fassiez jamais un livre de philosophie sans logique, de littrature sans got, et de morale sans honntet, je ne vois pas que la svrit de mon jugement sur le livre De l'Esprit[footnoteRef:11] puisse vous effrayer [11: Dans une lettre non retrouve.]

Il fait consister tout l'art des lgislateurs exalter les passions, prsenter surtout le tableau de la volupt comme le prix de la vertu, des talents et surtout de la bravoure, car on dirait qu'il ne voit de beau que les conqutes.

Je conviens avec vous que ce livre est le portrait de l'auteur. Mais tez ce mrite et celui de quelques morceaux crits avec une sorte d'loquence potique assez brillante, quoique ordinairement mal mene, et le plus souvent gte par quelques traits de mauvais got, j'avoue que je ne lui en vois gure d'autres. Il me parat crit et fait avec la mme incohrence qui tait dans la tte d'Helvtius. Malgr un appareil affe