Texte | 0Le Père Noël m’a écrit – Carl Norac & Kitty Crowther

Dans ce cas précis, on peut parler de catastrophe: après un énorme coup de grand vent, toutes les lettres adressées au Père-Noël se sont envolées. Toutes sauf celle d'Else. Dans ce grand malheur, Else a bien de la chance puisque le Père Noël va lui offrir tous ses secrets de Père Noël. N'est-ce pas le plus beau des cadeaux?

Chère Else,

Hier soir, il y a eu un grand coup de vent. Les nuages ont perdu beaucoup de leur mousse. Et moi, le Père Noël, j’étais vraiment embêté. En effet, toutes les lettres que les enfants m’ont envoyées se sont envolées dans la tempête. Je n’ai pas pu les rattraper. Elles ont dû tomber loin là-bas, dans la mer. Toutes sont perdues à jamais, noyées, effacées, sauf une : la tienne. Tu as beaucoup de chance car ton enveloppe, en volant, s’est accrochée aux bois d’un de mes rennes.

Je l’ai récupérée et je l’ai lue, avec grand plaisir. Dans cette lettre, tu me dis que le plus beau cadeau que je pourrais t’offrir, ce serait de raconter mes aventures, de te confier mes secrets. D’habitude, on me demande plutôt des jouets. Mes secrets, je les garde pour moi, mais, puisque tu es la seule à qui je peux écrire, j’accepte de t’en dire deux ou trois, rien que pour toi.

La plupart des gens croient que je travaille beaucoup avant la Noël et que, le reste du temps, je ne fais rien. Ils ne connaissent pas mes problèmes. Mes rennes, par exemple, il faut que je les nourrisse pour qu’ils grandissent et soient assez forts pour voler. Ce n’est pas évident, pour un renne, de voler.

Texte | 1Le Père Noël m’a écrit – Carl Norac & Kitty Crowther

L’an dernier, je m’étais endormi un après-midi en oubliant de les surveiller. Ils en ont profité pour s’en aller. Je leur avais trop parlé des étoiles et ils étaient partis, sans aucun doute, pour les visiter. En attendant, j’étais bien embarrassé de me retrouver seul. Comment me rendre sur la terre pour distribuer les cadeaux avec un chariot sans rennes ? Je n’avais qu’une solution : descendre d’abord sans les colis, en parachute, jusqu’à la planète et demander de l’aide.

J’ai attendu que la terre tourne et que je sois au-dessus du pays des rennes. Alors, je me suis lancé. Mais le parachute descendait lentement parce qu’il était vieux et fatigué. J’avais l’impression d’être cloué dans le ciel et j’ai mis plusieurs heures à sortir des nuages.

Le temps que j’arrive en bas, je n’étais plus en Finlande, mais au milieu du pôle Nord. Malgré mon manteau de fourrure, j’ai senti tout de suite qu’il faisait très froid. A peine débarqué sur la banquise, j’ai vu un ours blanc venir vers moi. « Embrassons-nous comme des frères », lui ai-je dit. Dans toutes les histoires, le Père Noël et l’ours polaire sont des amis très chers. Mais l’animal n’a pas eu l’air de me comprendre. Il a montré les dents, s’est approché et j’ai détalé.

Ce n’était pas facile de courir avec mon long manteau mais, derrière moi, j’entendais grogner l’ours qui voulait me manger.

Texte | 2Le Père Noël m’a écrit – Carl Norac & Kitty Crowther

Je pense bien qu’il l’aurait fait, si deux Inuits n’étaient pas arrivés. Ils ont menacé la bête avec leur harpon et le gourmand s’est éloigné. Ensuite, les deux hommes du pays des glaces m’ont observé. Ils ont beaucoup ri. C’est mon costume qui les amusait. Là-bas, ils ne savent pas qui est le Père Noël. Ils ont dû croire que je m’étais déguisé. Je leur ai dessiné des rennes sur la glace pour leur signifier que j’en cherchais. Ils m’ont fait comprendre qu’eux aussi voulaient en trouver, depuis des semaines et des mois, mais sans succès.

Ils m’ont emmené chez eux et, rien qu’avec des gestes, j’ai réussi à tout leur raconter. Ils se sont regardés en silence. Longtemps. Puis ils ont proposé de me prêter certains de leurs chiens et un très grand traîneau en peau de phoque. Je les ai remerciés et je suis parti aussitôt. Les chiens couraient si vite qu’à un moment, ils se sont envolés.

Ainsi, j’ai pu apporter des cadeaux partout, juste à temps, la veille de Noël. Il y avait seulement un petit problème : chaque fois que j’entrais dans une cheminée et que j’en ressortais, un peu noirci, parfois couvert de suie, les chiens aboyaient en rigolant. Ils aboyaient tant, que des enfants se sont réveillés. Certains m’ont peut-être vu passer. Je n’aime pas ça du tout.

Voler de toit en toit, c’est le premier de mes secrets. Maintenant, je te l’ai confié, à toi, petite Else.

Quand je suis rentré, mes rennes étaient revenus. Mais ils avaient changé… Ils m’ont dit :

Texte | 3Le Père Noël m’a écrit – Carl Norac & Kitty Crowther

« Toi qui descends toujours sur la terre, monte un jour avec nous, vers les étoiles. Ca te fera des vacances. »

Texte | 4Le Père Noël m’a écrit – Carl Norac & Kitty Crowther

Dès que les chiens sont repartis, en jappant joyeusement, mes rennes m’ont ainsi emmené passer le nouvel an sur la lune. Moi qui ai offert tant de livres aux enfants et qui les ai tous lus, je n’avais pas très envie d’aller là-bas. Dans les histoires que racontent ces livres, on dit que sur cet astre-là, on ne trouve rien. Pourtant, les rennes avaient l’air de me réserver une surprise. Et quelle surprise !

Dans le cratère où nous nous sommes posés, il y avait des indiens. Je leur ai demandé ce qu’ils faisaient là.

« Nous sommes la tribu des Vengeurs de Lune », m’a répondu leur chef.

« Et comment avez-vous fait pour monter jusqu’ici ? » ai-je insisté.

« Je sais que vous avez de hauts tipis, mais pas de fusée. Avez-vous appris à voler ? »

« Nous avons construit de très longues échelles. Chacun en a pris une sur le dos, a escaladé celle des autres pour allonger le parcours et, le temps que la lune redevienne un croissant, nous étions arrivés. »

Ces indiens se montraient aimables avec moi, mais ils avaient l’air sérieux, pas du genre à venir ici pour des vacances. Alors pourquoi faire un tel voyage ? L’un d’eux est arrivé devant moi avec un sac et a commencé à le déverser à mes pieds. En sont sortis quelques drapeaux.

« Nous voulons que chacun laisse la lune comme il l’a trouvée. » a-t-il affirmé.

Texte | 5Le Père Noël m’a écrit – Carl Norac & Kitty Crowther

« Elle est belle comme ça. Pas besoin d’en rajouter. Les gens ont déjà sali la terre. C’est assez ! »

J’ai tout compris : s’ils ont construit tant d’échelles et sont montés si haut, c’est pour arracher les drapeaux que les hommes ont plantés dans le sol lunaire. Ils les ont tous trouvés et sont à présent tout à fait contents. La lune est libre, comme avant. Elle n’appartient plus à personne. De joie, les Indiens se sont mis à danser autour d’un cratère en poussant des cris. Pour ne pas les vexer, je les ai accompagnés.

J’ai même chanté un ou deux couplets, debout sur une dune, au bord de la Mer de la Tranquillité. Puis, je suis reparti. J’en avais un peu assez de ne pas vraiment respirer.

Ma rencontre avec les Indiens est le deuxième de mes secrets. Maintenant, tu le connais, petite Else.

Texte | 6Le Père Noël m’a écrit – Carl Norac & Kitty Crowther

J’avais encore un mois avant de me mettre à réunir tous les cadeaux de cette année. Alors, nous n’avons pas fait demi-tour. Les rennes m’ont emmené plus loin dans l’espace. Nous avons vu quelques astres à l’horizon. Une météorite a failli me décoiffer. Mais à part cela, rien ne se passait…

Au moment où j’allais proposer de rentrer dans notre morceau de ciel familier, mes rennes m’ont montré une autre planète, que je ne connaissais pas. Comment s’appelait-elle ? Les hommes donnent un nom à tous les astres, mais dès que l’on s’approche vraiment des étoiles, ces mots-là n’existent plus.

Cette planète n’avait pas l’air très originale. D’une couleur grise, avec du sable partout. Ni maisons, ni cheminées, ni enfants, ni papas, ni mamans. On aurait dit une vieille pomme oubliée, déjà toute ridée. Mes rennes insistaient pourtant pour me la faire visiter. J’ai refusé. J’avais peur de m’ennuyer. Alors, ils ne m’ont plus demandé mon avis. Ils ont volé, galopé très vite jusqu’à la bouche d’un volcan éteint. Et nous y avons plongé…

A l’intérieur, c’était vraiment obscur. Je ne me sentais pas rassuré. Je dois te l’avouer, petite Else : même si je suis un travailleur de la nuit, j’ai parfois un peu peur du noir.

Dans ce chemin vertigineux, aucun renne ne paniquait. Je les ai même entendus siffloter. Soudain, la lumière est revenue et à l’instant, je fus émerveillé. Au cœur du volcan, bien caché, se trouvait un immense jardin.

Texte | 7Le Père Noël m’a écrit – Carl Norac & Kitty Crowther

Il y avait de très grandes fleurs, de formes étranges. Un gazon qui dansait en poussant ou, timide sous nos pas, disparaissait un moment. Des arbustes qui se prenaient par les branches, tu sais, comme les amoureux, et qui s’embrassaient avec leurs feuilles.

Chaque fois que le volcan semblait respirer, de nouvelles fleurs sortaient de terre, d’autres couleurs apparaissaient. Il y avait aussi des plantes qui piquent, mais, en nous voyant passer, elles reculaient pour ne pas nous blesser avec leurs épines. C’était un jardin magnifique. Comment toutes ces semences étaient-elles arrivées sur cette planète ? Y a-t-il dans l’espace des oiseaux qui les transportent au bout de leurs pattes ? Ou peut-être une comète remplie de graines est-elle venue ici, faire son trou ?

Je m’interrogeais ainsi, en parlant tout haut, lorsque j’ai senti une main me taper sur l’épaule. En me retournant, je me suis trouvé nez à nez avec un très vieux cosmonaute. Il m’a reconnu immédiatement.

« Ah ! Père Noël », s’est-il écrié, « je ne sais pas que vous vous promeniez si loin. Vous devez être surpris de me trouver ici… »

« L’explication est simple : mes parents voulaient que je sois cosmonaute et moi, je rêvais d’être jardinier. J’ai piloté des fusées pour leur faire plaisir mais, un jour, j’ai glissé des graines dans les vingt-huit poches de ma combinaison et je ne suis pas revenu. J’ai trouvé une planète bien humide. Il pleut un peu, juste ce qu’il faut. Et voilà le résultat… »

Texte | 8Le Père Noël m’a écrit – Carl Norac & Kitty Crowther

Le cosmonaute paraissait très content de me rencontrer.

Si bien qu’il ne m’a même pas laissé parler. Il m’a montré un minuscule râteau bleu. Selon lui, c’est moi qui lui avais donné ce cadeau il y a très longtemps et, depuis ce jour-là, il avait découvert, pour la vie, sa vocation de planter des fleurs. Pour me remercier, il m’a offert cinq sachets de petites graines. Sans me donner le temps de dire merci, il m’a expliqué ce que je pouvais en faire.

« Chaque graine du premier sachet », m’a-t-il affirmé, « ne pousse que si on la plante dans les nuages. Elle donne une fleur blanche qui accompagne son nuage partout, fidèlement.

Chaque graine du deuxième sachet se pose sur le bout d’un bois de renne ou de cerf. Dans la semaine, les bois fleurissent superbement et deviennent très odorants.

Chaque graine du troisième sachet, où qu’elle soit plantée, devient une plante qui parle. Si vous vous sentez seul l’hiver et que vous avez envie de paroles qui réchauffent, elle sera toujours là.

Chaque graine du quatrième sachet se transforme en une fleur qui ne parle pas, mais qui écoute. Leurs pétales amusants ressemblent à des oreilles. Ils sont très pratiques. Ils entendent vos confidences mais ne les répètent jamais.

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Texte | 10Le Père Noël m’a écrit – Carl Norac & Kitty Crowther

A cet instant, le cosmonaute a fait mine de s’en aller, me saluant avec son grand casque. Intrigué, je lui ai dit qu’il avait oublié de me parler du cinquième sachet.

« Celui-là… c’est une surprise », m’a-t-il lancé.

« Une blague si vous voulez. Oh, pas bien méchante ! »

Dès que je suis rentré dans mon morceau de ciel, j’ai trouvé un nuage un peu noir, pareil à de la terre. Impatient, j’ai planté une graine du cinquième sachet.

Quel plaisantin, ce cosmonaute !

Une seconde plus tard, une fleur est apparue, avec de larges pétales rouges et, au-dessus, d’autres pétales tout blancs, qui pendaient comme de petites barbes. Il y avait même deux pistils bleus, semblables à mes yeux. C’était mon jumeau, en fleur !

Dans le pli de cette lettre, tu trouveras, chère Else, une graine de ce sachet-là. Attends le printemps pour la planter. Quand tu respireras la fleur, je suis sûr que tu penseras à moi et que tu n’oublieras pas de m’écrire.

Je dois te laisser maintenant… L’oiseau qui s’est posé à côté de moi ouvre le bec pour prendre cette lettre et te l’apporter. Alors, je te dis en mots-nuages :

Bonne fête aussi à tes parents. Embrasse-les de ma part… Mais ne leur dis pas nos secrets ! Ce cadeau-là n’appartient qu’à toi.

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