War and Breakfast

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Mark Ravenhill

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Les Troyennes

Traduit par

Mtnc Gotosnnc

II. L'Apocalypse(trad. Gisèle Joly)

12. La Mère(trad. Blandine Pélissier)

13. Le Crépuscule des dieux(trad. Gisèle Joly)

14. Le Paradis perdu*(trad. Sarah Vermande)

15. L'Odyssée*(trad. Sophie Magnaud)

16. Naissance d'une nation(trad. Catherine Hargreaves)

I7. Le Paradis retrouvé (épilogue)*(trad. Séverine Magois)

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Un chæur de Femmes.

- Nous voulons vous poser une question. Je veux

vous poser cette question : pourquoi vous nous

faites sauter ?

- Nous voulons toutes... Chacune d'entre nous :

pourquoi vous nous faites sauter ?

- Oui. Pourquoi... ?

- C'est-à-dire... dites-nous - pourquoi ?

- Vous voyez. Nous sommes des gens bien' Il suffit

de nous regarder. Regardez-nous. Regardez-nous

bien, nous toutes. Rassemblées ici aujourd'hui. Et

vous voyez quoi ? Vous voyez des gens bien.

- Je ne comprends pas. . . Je ne vois pas... pourquoi

vous feriez sauter des gens bien ?

- Je peux parler de moi ? J'ai envie de parler de moi.

Tous les matins je me réveille, je prends un fruit, je

le mets dans le mixer, et je prépare des smoothies

pour ma famille. Ma bonne petite famille. Mon bon

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et... chaque jour pendant les soixante-quatre ans

qu'il a vécu. C'était un homme bien. Il me manque

tellement. Mon compagnon me comprend. Et main-

tenant vous -

- J'æuvre pour le bien de notre société. Tous lesjours je m'occupe des SDF, des drogués, des fous

et des laissés-pour-compte. Ils viennent me voir, etj'essaie de faire ce que je peux pour les aider. J'es-

saie de réparer leurs ailes cassées. J'utilise I'art pour

les guérir. Le théâtre, la danse, ou la peinture. On

va... bon, on va... par exemple on monte un petit

spectacle. Ils vont tous mieux. Et c'est... c'est bien

de faire ça. Je fais le bien alors que vous... Vous

comprenez qui je suis ? Vraiment ? Vous comprenez

à quel point je suis une bonne personne ? Comme

nous toutes. À quel point nous sommes toutes de

bonnes personnes. A quel point la liberté et la

démocratie sont vraiment de bonnes choses. Alors

s'il vous plaît, ne vous en prenez pas à...

- C'est mal. Mal. Pourquoi vous faites ça ?

- Pourquoi ?

- Nous sommes - sans l'ombre d'un doute - des

gens bien.

- Absolument, les gens bien. Les gentils. Lesjustes.

- Vous nous faites exploser comme ce -

- C'est effrayant. Horrifiant. Honible.

ôl

compagnon et mon bon garçon. Pour ThomasZacharie. Et pourtant vous -

- Et moi. Tous les matins je m'assois avec Marion,ma bonne mère, et nous mangeons des æufs aubacon, avec des pancakes. Un bon repas. Et pour-tant vous -

- Moi. Tous les matins je lis le journal. Je lis desnouvelles de. . . I1 y a de la souffrance dans le monde.Il y a de I'injustice. On manque de nourriture. Cematin un soldat s'est fait tuer. La tête emportée parune explosion. Ça me remue. Je me sens concernée.Comme n'importe quelle personne bien. Et pour-tant vous -

- Mon mari aime sortir de bonne heure pour laver le4x4. Tous les matins pour laver Ie... c'est un peu...il lave le 4x4 tous les matins. Peut-être que... Maisbon, c'est une bonne voiture. Nous vivons dansun endroit bien. Une bonne résidence. Tous nosvoisins sont des gens bien. Ici, derrière les grilles,nous sommes des gens bien. Les gens que vous -

- Je ne mange que de bons produits. Des produitséquitables. Parce qu'à mon avis, il faut faire debons choix quand on fait les courses. Tous meschoix sont de bons choix. Vraiment. Alors ne venezpas -

- << Un bon petit-déjeuner pour partir du bon pied >>,répétait mon père. << Prends un bon repas pour biencommencer la journée. >> Alors il prenait du bacon,du boudin noir, des saucisses, parfois un hamburger

et

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- Nous faire exploser. Mon amie, une vieille amiede I'université. elle. oh...

- Allons allons, ça va aller, pas la peine, pas lapeine de -

- C'était une si bonne personne. C'éta;.t vraimentune bonne personne.

- Non non, calme-toi, ne -

- .I'y tiens, d'accord ? Je tiens à le dire, d'accord ?D'accord ? D'accord ? D'accord ?

- D'accord.

- Parce que vous savez très bien que ce sont deshommes bien, des gens bien, des enfants bien. quevous détruisez, notre civilisation, un monde de gensbien.

- Oui.

- Mon amie de I'université était dans le bus ce matin-là. Elle se rendait au département de sciences poli-tiques. Et cette putain de * oh, pardon - les flammeslui ont déchiqueté le corps, elle a été projetée àtravers la vitre, et elle s'est retrouvée à hurler surla chaussée. C'était un ange. Cette femme, un angetoute sa vie, et la voilà sur la chaussée, en train dehurler, de souffrir et d'appeler : .. À L'AIDE OH ÀL'AIDE OH À L'AIDE OH À L'AIDE - )>

- Allons, pas la peine de -

- Je tiens à -

- Ça te fait du mal de -

- Non, il faut qu'ils voient, il faut qu'ils voient lesgens bien, il faut qu'ils. .. C'était un ange. C'étaitun rocher. Elle... elle est morte de ses blessures àI'hôpital une heure plus tard. Et elle avait fait quoi,toute sa vie, sinon le bien ?

- Notre mode de vie est le bon, le juste, c'est la viejuste.

- C'est le seul mode de vie -

- Le seul mode de vie. Liberté, Démocratie, Vérité- alors pourquoi ? S'il vous plaît, pourquoi ?

- Pourquoi vous nous faites sauter ?

- S'il vous plaît, nous voulons comprendre. Vrai-ment. Pourquoi vous faites sauter... ?

- Je me souviens quand j'ai appris, pour les attentats,la vague de destruction, je faisais... je faisais... unjus. Thomas était sous la douche, Zacharie regar-dait un DVD. Et soudain, des flammes engloutis-saient notre monde. Des membres de ma civilisationbrûlaient, hurlaient, et mouraient dans la douleur.Je ressentais ce qu'ils ressentaient.C'était abomi-nable, mais je restais là et je me demandais je medemandais tout simplement je restais là et je medemandais : pourquoi quelqu'un ferait-il ça à desgens bien ?

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- J'emmenais Alex à l'école avec le 4x4. Onpassait les grilles de la résidence avec le 4x4 quandon a entendu la nouvelle des attentats dans l'auto-radio. Ils ont interrompu la rnusique et ils nous ontparlé des bombes qui... partout. Alex s'est mis àpleurer. Je veux dire, qu'est-ce que je pouvaisfaire ? Qu'est-ce que je pouvais faire ? Il avait septans. J'ai éteint la radio mais il s'est mis à hurler :<< Maman, maman, qu'est-ce qui se passe ? Pour-quoi ils font ça ? On n'est pas des gens bien ? >Alors j'ai répondu : << Bien sûr que si mon chéri,bien sûr que si, on est des gens très bien. >

- Bien répondu.

- Bien répondu.

* Bien répondu.

- Nous savons que votre culture est très différente.

- Et c'est bien. Nous l'acceptons.

- Nous tolérons, nous acceptons, nous nous réjouis-sons de -

- Nous nous réjouissons - parfaitement - nous nousrejouissons de la différence.

* C'est ça, c'est tout ça, être un peuple de gensbien.

* C'est ce qui fait de nous ce que nous sommes :des sens bien.

at

- Partout. Des gens bien bien bien bien bien bien

lrien bien bien bien bien bien. Allez, il y a du bien

cn vous. Mais si. Forcément... S'il vous plaît,

rnclntrez-moi un petit quelque chose de bien.

- Je voudrais vous imaginer... Aidez-moi. Aidez-

rnoi à vous imaginer -

- Je voudrais vous imaginer dans une jardinerie' Je

voudrais vous imaginer en train d'emmener votre

l'ils et votre mari en 4x4 pour choisir une - je ne

sais pas, moi - un banc. Un banc pour le jardin. Je

voudrais me le représenter. Simplement pour vous

voir comme quelqu'un de... normal. Mais pour une

raison quelconque...

- Je voudrais vous voir : il fait nuit, il est trois heures

du matin, peut-être que votre amant est malade et-que vous tendez le bras vers lui dans la nuit, vos

doigts frôlent ses doigts, vous le touchez et vous

lui dites < je t'aime >, il répond << je t'aime >> et un

petit frisson d'angoisse vous traverse - est-ce qu'il

est sincère ? -jusqu'à ce qu'il vous prenne dans ses

bras jusqu'au bout de la nuit. Je voudrais vraiment,je voudrais vous voir... c'est ce que nous faisons...

c'est ce que font les gens bien. Mais est-ce que vous

le faites ? Je ne vous vois pas faire ça. Je voudrais

vous voir faire ça. Mais je - oh, je n'arrive pas à

vous voir -

-_ Évidemment que nous avons déjà eu des

ennemis, évidemment que nous avons déjà été en

guerre, et pourtant... pourtant... je voyais bien

nos vieux ennemis boire un café'.. manger leur

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petit-déjeuner... Je pouvais me le représenter...Je pouvais me les représenter... Ils prenaient despetits-déjeuners, ils avaient des enfants, ils faisaientl 'amour. . . mais vous. - -

- Regardez-moi. Regardez-moi. Ne soyez pas siétranges - regardez-moi, c'est tout.

- oh.

- oh.

- Je ne vois rien, quand je vous regarde.

- Je vois... les ténèbres. Je vois *

- Tout ce qui est... vous êtes notre contraire et - ohmerde, c'est difficile...

- Vous êtes tellement différents.

_ATTENTION. UNE VOITURE. UNE VOITUREEST GARÉE DEVANT L'HÔPITAL, RLLE ESTREMPLIE D'EXPLOSIFS ET ELLE S'APPRÊTEÀ pÉNÉrnER DANS L HôprrAL.

- Encore ?

- Ce n'est plus possible.

- Encore et encore et encore et encore et encore.

UN SERVICE HOSPITALIER VIENT DESAUTER. UN HOMME EST ENTRÉ DANS UN

SE,RVICE HOSPITALIERAVEC UN SAC À OOS.II- SEMBLERAIT QUE LE SAC À DOS CONTE-NAIT DES EXPLOSIFS PUISSANTS. SEPTPATIENTS ET MEMBRES DU PERSONNELSONT MORTS SUR LE COUP LORS DE L'EX-PLOSION, UNE VINGTAINE D'AUTRES PER-SONNES SONT GRAVEMENT BRÛLÉES. LESAUTORITÉS ONT ÉTAELT UN CORDON DEsÉcunInÉ SUR TOUT UN SECTEUR DE LAVILLE NOUVELLE.

- Oh mon Dieu.

- Et merde et merde et merde.

- Pourquoi vous nous avezfail sauter ? Bande desalopards.

- Pourquoi vous nous avezfait sauter ?

- Pourquoi vous avez fait sauter tous ces gens bien ?C'est simplement que... Je n'arrive

-Uï pas à...

- Il y avait des gens là-dedans, bande de salopards,des gens qui souffraient de cancers, de conges-tions cérébrales, de crises cardiaques, du sida, dedémence, et vous avez - vous avez fait sauter tousces gens bien -

- Des infirmières. Y a-t-il meilleure personnequ'une infirmière ? Je ne crois pas. Je ne crois...Je crois que les infirmières sont les plus bonnes,les meilleures per-per-per-per, les gens, les infir-mières sont les meilleures, les meilleures des gens

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bien, les gens, les gens, les gens, les gens qui font lemeilleur bien, le, la, le, la, la,la,la totalité... ellesfont plus de bien... elles font le bien... dans tout lemonde entier, et vous les avez explosées, vous lesavez déchiquetées, vous avez consumé leurs corpsdans des flammes. Bande de connards, bande deconnards, bande de connards, espèces de, espècesde - ouais.

- Écoutez,je vais être franche, d'accord ? je vaisêtre tout à fait tout à fait franche. d'accord ?

- Vas-y.

- Oui vas-y vas-y oui vas-y vas-y vas-y.

- Tu n'es pas une personne. Je ne te vois pascomme une personne. Je ne t'ai jamais vu commeune personne. Tu es une bombe. Je te regarde. Et laseule chose que je vois, c'est une bombe. Je te voislà-bas en ce moment, je te vois et je t'entends fairetic-tac, et je ressens de la peur, de la colère, et dudégoût. Voilà ce que je ressens.

- Je voudrais vous pardonner. Est-ce qu'il esttrop tard ? Vous avez fait sauter tous ces... Est-cequ'il est trop tard pour pardonner... Est-ce quevous comprenezT'idée,le mot, je PARDONNE ?Une infirmière en train de brûler. Je le vois dansmes.. .

- Je voudrais - d'accord - je voudrais... On peutfaire du commerce ensemble, d'accord ? Lesressources naturelles par exemple, eh bien prenons

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lcs ressources naturelles par exemple prenons lesrcssources naturelles par exemple prenons oui...qu'est-ce que vous... Une infirmière en train debrûler... qu'est-ce que vous en dites, hein ?

- Regarde-toi. Tic tac tic tac tic tac. C'est tout ceque tu - espèce de monstre - c'est tout ce que tu -

- Et un environnement multimédia, ça te plairait,je parie que oui. Allez, hein ? Un environnementmultimédia ce serait ouh - liberté démocratie démo-cratie liberté des flammes d'infirmière dans unenvironnement multimédia - ça ce serait maffant.

Qu'est-ce t'en dis ?

- Espèce ae nÉuoN DÉMoN DÉMON DÉMoNDÉMON.

./- Et faire du shopping. Je pourrais te donner autantde... je pourrais t'apporter autant de... tu pourrais

vraiment je te promets, tu pourrais avoir autant de- infirmière en flammes - tu pounais avoir desboutiques et moi qui ai parcouru le monde de hauten bas et de bas en haut et dans tous les sens je

n'ai jamais trouvé une femme ou un homtne, unhomme ou une femme qui - infirmière infirmièreinfirmière - qui n'aime pas faire du shopping.

- Démocratie et liberté. Liberté et démocratie. Jete les offre. Je t'en fais cadeau. N'aie pas peur. Net'inquiète pas. Tu as l'impression - infirmière enflammes - que ce sont de grands mots très compli-qués ? Mais c'est faux, c'est faux, ce sont -

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Page 9: War and Breakfast

* Des instincts.

- Exactement, ce sont - bon, ce sont des instinctshurnains et si seulement vous - nous pouvonsvous délivrer et alors vous comprendrez, vousaccueillerez, vous éprouverez, vous goûterez laliberté et la démocratie. Rendez-vous compte quevous aurez la liberté et la démocratie.

* (Brandissant le poing.) Hourra !

- (Brandissctnt le poing.) Hourra !

- (Brandissant Ie poing.) Houna !

- Vous pouvez être des gens bien, de bonnespersonnes, bonnes, vous pouvez, vous -

_ VOTRE ATTENTION S'IL VOUS PLAÎT. VOUSALLEZ MOURIR. NOUS NOUS SOMMESINFILTRÉS DANS CE BÂTIMENT. IL Y A UNKAMIKAZE DANS VOTRE gÂTil\4ENT BTVOUS ALLEZ MOURIR. FIN DU MESSAGE.

- Non ! Non ! Non ! Je suis une bonne personne.

- Moi aussi. Je suis bonne. Je suis bonne. Je suisbonne.

- Que le Seigneur nous protège que le Seigneurnous protège que le Seigneur nous protège.

- Je t'aime Tom. Je t'aime Zacharie.Zac -tespein-tures sur le frigo, j'en suis tellement fière. Je les

lrirne. Thomas - nos soirées vin et poisson avec lescollègues de l'université. De bonnes soirées. Tu es

rur homtne bon. Je t'arme.

M arion , tu es une bonne mère. Nos petits-déjeunerssont tellement importants pour moi. Nos bons petits-

tlé.jeuners où nous parlons de la bonne journée qui

s'annonce. Marion, ma mère, je t'aime.

S'il te plaît. Va au banc du jardin. Va au banc dujtrdin, assieds-toi dessus, et souviens-toi de cettejournée à la jardinerie. Une journée tellementhanale, et pourtant une bonne journée, pas vrai ?

l)zrs vrai '/ Pas vrai que c'était une bonne journée ?

Si. Je t 'a ime.

- S'il te plaît ne bois pas trop de café. S'il te plaît

rre prends pas trop de sucre. S'il te plaît ne - maissi, mais si... Oh tu as toujours été si séduisant. Je

I 'aime.

- Allez,tirez sur la, appuyez sur la gâchette, poussez

le bouton. Nous sommes prêtes.

- Nous sommes prêtes maintenant à partir. Prêtes et- en paix avec nous-mêmes, aimées. Et vous ?

- Prêtes et nous sommes oh tellement sûres telle-rnent sûres tellement sûres - nous sommes les gens

bien les gens bien.

- Les gens bien.

- Les sens bien.

30 3l

Page 10: War and Breakfast

- Et le Seigneur a créé la Terre pour nous, la Terreavec ses ressources et ses... le café, les bombes,les boutiques... c'est pour nous. Pour qu'on s'enserve. nous les gens bien. Et on s'en servira, on s'enservira.

* Nous sommes unies à présent.

- Nous soûlmes unies. nous solnmes fortes.

- Nous sommes prêtes à mourir.

- I-equel d'entre vous est le kamikaze ? Identifiez-vous. Avancez-vous. Avancez-vous.

Un Homme sort de la foule, il porte un sac à dos.

L'Honus. - Je suis le kamikaze.

- Vous pouvez nous tuer, déclencher votre...exploser nos corps, arracher nos têtes de nos...nous consumer dans vos flammes parce que nousmourrons d'une bonne mort.

- Une bonne rnort pour un peuple de gens bien.

- Une bonne mort pour un peuple de gens bien.

- Alléluia !

- Alléluia !

- Alléluia !

Mais s'il y a des gens bien, vous ne voyez donc

pus 'l S'il y a le bien, il doit y avoir, il y a nécessai-

rcment - vous voyez ce queje veux dire ?

Oui.

Des gens mauvais. l,e bien ne vient pas sans le

rnal. Ni le mal sans le bien. Première fois que j'y

l )cnse. Mais maintenant je. . '

- Les flammes qui brûlent tous nos anges.

- Peut-être que vous êtes des gens mauvais, non ?

- Eh bien, peut-être que oui, hein ? Peut-être que

oui ? Peut-être qu'on est les gens bien et que vous

êtes les démons,les méchants, les horribles - peut-

être que vous êtes les mauvais.

- Oui oui oui. Les mauvais. Et peut-être qu'est enfin

venu le temps où il y a le bien d'un côté,le mal de

I'autre, et où le grand combat va commencer.

- Le combat sans fin entre le bien et le mal.

- Alors peut-être qu'on faisait semblant, peut-être

qu'on rêvait, peut-être qu'on s'anesthésiait.

- Peut-être que c'est ça,lavériré sur nous. Et peut-

être que c'est ça, la vérité sur vous. Peut-être que

vous êtes le mal.

- Je suis désolée de dire ça. Nous sommes désolées

de dire ça. Nous vous regardons et nous...

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Page 11: War and Breakfast

* Pour nous c'est la fin, pour nous c'est... Maisc'est seulement le commencement de la guerre.Les gens bien... ils forment une armée qui se lèveaujourd'hui et qui se bat contre vous et cette guerredurera pour toujours.

- Pour toujours.

- Pour le bien. Pour nous c'est la fin, mais pour laguerre c'est seulement le commencement.

* La guerre commence.

- Ic i .

- Maintenant.

* Aujourd'hui.

- Vous déchiquetez nos corps pour que la grandegueffe entre le bien et le mal puisse commencer.

* Le commencement. Amen.

L'Hovurs. - Le Paradis !

Explosion. L'Homme et les Femmes meurent. Unegrande lumière blanche aveugle les spectateurs. Ensort un Soldat, mi-homme, mi-ang,e.

Solnar. - J'ai dormi longtemps. Mais maintenantje me réveille. Pendant des siècles j'ai parcouru laplanète et j'ai créé ce monde. Mais ensuite j'ai vuce que j'avais fait et j 'ai dormi. J'avais fini mon

tlirvail. Mais j'avais tort. Je n'avais pas fini mon

travai l .

f .iberté, démocratie, vétité, lumière - le combat

rr'cn finit jamais. Il y a toujours des ennemis. Nous

ilc:vons nous battfe.

tl buise les lèvres de ckacune des Femmes mortes.

.lc vous promets que le fusil, le tank et ce glaive

l'lamboyant parcourront le globe jusqu'à ce que la

lronté des gens bien se soit répandue partout.

l,e bien sera partout.

lit ensuite, chaque jour, la paix sera la guerre.

l'rotéger la paix par le tusil. Voilà mon destin.

.le lance I'attaque.

.le déclare la guerre.

On commence.

Il, tève haut son glaive et une grande armée envahil

lu scène.

Tuez les poseurs de bombes. Massacrez nos ennernis.

Au nom des gens bien - on commence-

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Page 13: War and Breakfast

I lrre cuisine. Harry et Olivia sont en lrain de dîner'

()rr entend dans le babyphone Ia respiration d'un

lxtbé qui dort.

llnnnv. - Tu te rappelles la nuit où Alex a été

t:onçu ?

( )r.rvtn. - Bien sûr.

I lnnnv. - T'étais calme ? Cette nuitlà.

or.rvm. - Calme ? Pourquoi tu... ?

llnnnv. - Ben... Quelquefois je me demande si

t'étais vraiment... C'est important pour moi que

rnon fils ait été conçu dans une parfaite" '

Or-rvtn. - Eh bien.. .

I lamv. - Comme je I'avais planifié.

or.rvn. - Comme tu I'avais planifié..' Vraiment ?

l)ourquoi c'est toujours - peu importe' Peu importe

Alex a été conçu.

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Page 14: War and Breakfast

Hanny. * Dans le calme. Dis-le. Dans... Dis-moiqu'il a été conçu dans le calme.

Olrvrn. - Écoute.. . peu imp.. . Je t 'a ime.

Hnnpv. - Alors pourquoi tu ne peux pas... ? Tupeux tout me dire. Écoute. Tout. On se dit...

Or-lvm,. - C'est... Ça va.

Hannv. - Vraiment...

Orrvra. - J'ouvre une... (Bouteille de vin.) Tuveux.. . ?

Hanny. - Il fallait que tu sois calme. C'est impor-t4t l t .

Onvrn. - Eh bien.. . eh bien.. . en fai t . . . en fai t . . .non.

Hanny. * Ah.. . ah. Non ?

Olrvra. - Désolée.

H.qrny. * Dis-moi.

Olrvra. * Je ne peux pas.

Henny. - Dis-moi. DIS-MOI. PUTAIN TU VASME - on est un couple ? Dans un couple on se dit *

c 'est la - dis-moi.

Onvre. - Eh bien.. .

( t'.1le sert deux verres. Ils boivent un moment.)(Jrrclquefois je. . . Quelquefois. . . tu es dans moi.()n... fait I 'amour. On fait vraiment... I 'amour.

Muis ça me fait, c'est comme si * c'est comme une

soltc cle... de viol. Désolée. Un viol. Désolée. Viol.

l )ésolée.

I ttngue peuse.

l l nnnv . - T'as déjà été violée ?

( )r . rvre. * Non.

I Lr.nnv" -- T'as déjà eu des phantasmes de viol ?

()r .rvra,. - Non !

llannv. - Alors pourquoi, putain, pourquoi. pour-

tlLroi putain... gâcher le moment où notre enfànt a

cté conçu ? Gâcher 1e... Dans ce monde de peur

pxlurquoi gâcher le seul...

Or.rvn. - Quelquefois tu as les yeux qui - c'est un

instant, c 'est r ien.

l{,cRnv. - Je suis un homme bon. Je suis gentil.

OL.rvra.. - I-Jn instant où on dirait que tu ne veux pas

luire l'amour mais faire - la haine - faire... comme

si tu voulais. . .

llnnnv. - Tu as déià été victime d'abus sexuels ?'lbn père ?

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Page 15: War and Breakfast

Olrvn. - La sécurité. Les serrures supplémentaires'

l-es semrres sécurité-enfant. S'assurer qu'aucune

prise n'est accessible. Tenir les souris à distance' Je

sais Ie travail que tu -

H,q.nnv. - C'est rien.

Oltvu.. -Tu travailles tellement dur pour nous tenir

à I'abri du danger et je t'en remercie'

Hnnnv. - C'est des choses qu'il faut faire.

Olrvn. - Je sais, mais quand même...

Ha.nnv. - Je vais les changer. Pour ne pas prendre

de risques. On va faire l'amour, ce soir ?

Onvte. - Je pense que oui, sans doute. Oui. On fera

I'amour.

H,rnnv. - Tu me feras totalement, intégralement

confiance ? Tu peux me promettre qu'il n'y aura

absolument Pas de Peur ?

Oltvn. - ... Non. Je ne Peux Pas.

Hennv. -Alors peut-être qu'on ne fera pas l'amour'

Olwn. - D'accord.

H.rnnv. - Y en a qui te baiseraient plus fort, te bai-

seraient plus fort, te cogneraient plus fort et alors tu

saurais que c'est un viol, tu le sais ça, non ? Non ?

Tu penses qu'avec moi c'est un viol *

^4.

Olwn. - Il y a des moments dans le passé où j'ai eu

I'impression pendant une fraction de seconde c'est

une fraction de seconde de... viol et après c'est de

nouveau de l'amour.

H.ennv. - Je te fais peur, là ?

Olrvm. - Non.

Hnnnv. - Qu'est-ce que tu ressens, là ?

Orrvm. - Désolée, j'aurais pas dû le dire. Désolée.

Je t'aime - je te respecte - te fais confiance - je

t'aime complètement complètement. Vraiment

vraiment vraiment vraiment.

Hnnnv. - Écoute - tu es mon refuge.

Ollvn. - Et toi tu es...

Hennv. - Câlin.(Elle s'exécute.)Le monde dehors est tellement. .. je sais pas, je sais

pas comment, pendant que j'avais le dos tourné je

sais pas le monde est devenu tellement mauvais. Et

quand je te retrouve...

Or.wn. - On est à I'abri ici grâce à toi. Je le sais. Et

vraiment je - j 'apprécie - mon amour.. .

Hnnnv. - C'est rien. Il y a combien de temps qu'on

avérlfié les piles du détecteur de fumée,là ?

II grimpe sur une chaise et retire les piles-

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Page 16: War and Breakfast

Olrvra. * Je ne pense pas que -

Hnnnv. - Eh ben tu peux parier la peau de ton culque ça ressemble plus à un viol avec n'importe qui

d'autre. LES AUTRES TE -

Or-rvr,q. - DOUCEMENT. Chut. Chhhh doucement,Alex dort. Alex vient de s'endormir il y a... Dou-cement. J'ai endormi Alex il y a à peine vingt mi-nutes.

Ha.nnv. * Pardon pardon pardon.

Ollvra,. - C'est vraiment irnportant qu'Alex ne -

Hnnnv. - Bien sûr bien sûr bien sûr.Il va bien'/ Ilavait I 'air d'aller ?

Olrvrn. - Je crois que oui .

Hannv. - Pas de rêves ?

Ot-rvr.q. - Pas encore. Il est tôt. Il peut encore...

He,nnv. - Tu ne l'as pas laissé regarder les infos ?L'invasion.

Or-ryra. - Bien sûr que non.

Ha,nnv. - C'est très important qu'il ne - c'estcomme ça qu'il a chopé tout ce - le rêve du soldat,le truc, il a chopé ça aux infos *

( )r.rvrn. * Ecoute comme il respire.

1 B ubyphone. Re sPiration.)Moi. i l m'a l 'a ir d 'al ler bien.

llnnnv. - Oui. Il va bien. Et nous ? On va bien ?

Or.rvr,A, ril. - Si on se bourrait la gueule.

ll,rnnv. - Si on a peur I'un de I'autre. '.

Or-rvrn. - Je n'ai pas... non. Honnêtement. Non.

[{a,nnv. * Qu'est-ce qui te fait Peur ?

Or-rvlq. - Eh bien.. .

l{annv. - Dans les bras.

Il La serre dans ses bras.

Olrvta. - J'étais au supermarché et subitement il y a

une fèmme qui tombe à terre en disant que Dieu I'a

chassée du Paradis et qu'elle s'est cassé une aile'

Elle me crie : << AIDEZ-MOI AIDEZ-MOI AIDEZ-

MOI OU JE ME PENDS A UN ARBRE ! > Com-

rnent ça a pu arriver, ça ? Je me suis f'ait couler

un bain avec des huiles essentielles, j 'ai allumé des

bougies. mais toujours cette femme mc.. '

Hnnnv. - Alex était là * au supermarché. Alex était

tà?

Or.rvr,q. - Alex était avec la nounice.

4544

Page 17: War and Breakfast

Hnnnv. - Que tu ne te laves pas le vagin. Que tu

baises avec un Noir. Que tu te fasses enlever un

sein.

OltvIn. - ... Putain'

H.q.nRv. - Je suis sincère.

OlrvrR. - D'accord.

Hnnnv. - Je ne devrais peut-être pas...

Olwtn. - Jamais je ne -

Hanny. - TU M'AS TRAITÉ DE VIOLEUR,

PUTAIN DE BORDEL DE CHIOTTES ! TU M'AS

DIT QUE MON FILS ÉrRtr NÉ D',UN VIOL'

Ortvtn. - C'EST PAS VRAI. C'EST PAS VRAI'

J'AI JAMAIS DIT ÇA. JAMAIS. TU PEUX PAS

- LAISSER TOMBER. LAISSE TOMBER. LAISSE

TOMBER. OK... Notre fils est né dans l'amour et la

tranquillité et il vivra sa vie, il ne connaîtra jamais,

je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour qu'il ne

connaisse pas la peur et la - que je -

HnnRv. - Que nous -

Or.rvtR. - Que nous, que nous avons connue' Nous

y travaillerons ensemble. Le préserver des drogués'

Des folles . Des poseurs de bombes. Du soldat avec la

tête explosée. Nous les tiendrons à distance - oui ?

Hnnnv. - Oui.

47

Hnnnv. - C'est que.. . c 'est que.. . c 'est que.. . c 'estque... c'est juste que je crois que c'est très impor-

tant qu'on tienne Alex à l'écart de toutes ces chosesatroces, tu comprends ? Je ne supporte pas l'idéequ'Alex soi t exposé à -

Ouvre. - Il n'était pas, il n'était pas, il n'était pas là,

il était... il était en train de jouer pendant que je...

C'était atrocement troublant.

Hannv. - Mais tu t'en es remise ?

Ot-rvre,. - Je suppose. oui.

HeRny. - Si on allait boire notre vin dehors, sur le

banc ?

OrtuR. - Le babyphone ne passe pas sur Ie...

HanRy. - Ah bon alors, bon.

Ouvn. - Je crois qu'il faut vraiment qu'on...

Hnnny. * Bien sûr.

Pause.

Ot-tvtR. - Et moi, je te fais peur, quelquefois ?

HeRny. - Ha ! Tu m'as jamais violé.

Oltvm. - Non, mais... qu'est-ce que tu - qu'est-cequi te fait peur, chez moi ?

46

Page 18: War and Breakfast

Ils se taisent, écoutent.

Olwre. - ... il dort très bien.

Hennv. - Oui.

Ils s'enlacent.

Olwn. - Je veux qu'Alex soit intelligent, mais pas

au point que les autres enfants ne l'aiment pas. Jeveux qu'il tombe amoureux.

Hennv. - D"une f i l le -

Olrvn. - Ou... peu importe. Je veux qu'il soitcomblé. Mais par-dessus tout...

H,qnnv. - Qu'il se sente en sécurité ?

Olrvn. - En sécurité.

Hennv. - Oui. En sécurité.

Olrvr,q. - La sécurité, c'est ce qu'il y a de plus

important dans cette vie.

Hennv. - C'est vrai. Je veux être avec toi pour

toujours.

Olrvrn. - Et moi avec toi .

Hnnny. - Tu le penses vraiment, tu le penses vrai-ment vraiment vraiment ?

48

Or-rvtR. - Idiot. Je me lave le vagin de manière

obsessionnelle. Je n'ai jamais baisé avec un Noir'

Et mes seins restent où ils sont.

Ha.nnv. - Ne me rapetrsse Pas.

Olrv ln. - Oh je t 'en Pr ie.

Hnnnv. - Les gitans vont enfin s'en aller. La police

a fait un truc et ils ont enfin dégagé les gitans.

Oltvta,. - C'est bien, ça.

Hnnnv. - Ça fait toujours une bande de moins pour

déclencher l'alarme de la voiture.

Olwta. - Super super. Je commence à avoir un peu

sommeil. On se lève tôt demain matin.

Hannv. - Je pensais qu'on pourrait faire l'amour

ce soir.

Olrvrn. - On va voir, d'accord ?

Hennv. - D'accord. Si tu n'es pas sûre...

Oltvte,. - Alex a sa leçon de latin préscolaire à sept

heures et demie, alors -

Hannv. - Bien sûr. Écoute, si tu veux aller te

coucher. Je vais juste..' il faut que je termine les

détecteurs de fumée.

Olwta,. - Je vois.

49

Page 19: War and Breakfast

He,nny. - Ça fait déjà trois mois que je... on pour-rait cramer pendant la nuit. C'est une de mes pires- cette vieille peur... qu'on parte en fumée pendantla nuit. Quelquefois ça m'empêche de dormir...

Ollvm.. * Tu ne m'en as jamais parlé.

Hennv. - Ben.. .

Ollvn. * Tu devrais me le dire.

Hennv. - Je te le dis, mais tu dors alors je -

Olrvm. - Quand même. Disle-moi. Je vais merécurer à fond ce soir. Là.

Hennv. - Pardon d'avoir dit ça.

Or-rvu,. - Mon corps est si effrayant que ça ? Tuas peur de ça ? Mon vagin. mes seins, mon - peurpeur peur.

Hannv. - C'est parti. C'est parti. C'est parti.VIOLEUR. VIOLEUR. VIOLEUR.

Ouvn. - TAIS-TOI. TAIS-TOI. TAIS-TOI. TAGUEULE.(Alex murmure dans son sommeil.)Oh mon Dieu, on I 'a-?

Hannv. - Je vais le voir.

Harry sort. Olivia tombe sur des annonces immobi-Iières. Elle Ies Iit. Harry revient.

50

He,nnv. - I l dort .

Olwn. - Bon.. .

Hnnnv. - Tout va bien.

Olrvn. - Bon.. .

He.nnv. * Il y a eu une descente chez les toxicos

hier soir.

Olrvra. - Ah, très bien.

Hennv. - On discutait dans le - en achetant lejournal - la police est entrée en force, a fait sauter

la porte, ils ont raflé tout le monde et maintenant

tous ces salauds attendent de passer en jugement.

Prions pour qu'ils aillent en prison.

Olrvla. - Eh ben c'est une bonne nouvelle.

Hannv. - Oui, hein ? Hein ? Hein ? Je suis désolé

si j 'a i . . .

Or-ryre. - Pas grave.

Hnnnv. - Je t 'a ime, tu sais.

OuvrR. - Je sais.

Hennv. - Je t'aime et je veux que tu m'aimes. On

va se coucher ? C'est bon pour l'immobilier. Les

gitans qui dégagent. Les toxicos qui clégagent. Les

prix vont exploser.

5l

Page 20: War and Breakfast

:.'ri .

Olrvtn. - Tu crois ?

Hannv. - Oh oui, tu vas voir, ils vont carrément

exploser.

Olrvrn. - On est assis sur une fortune ?

Hennv. - Un placement avisé. Mais quand même je

suis pas sûr qu'ici, cet endroit, cette rue, tout ce -

OI-tvtR. - Mais... Charme, histoire, vie de quartier -

He.nnv. - Oui, je sais.

Olrvra. - Charme, histoire, vie de quartier - on a dit,

on était d'accord.

Hennv. - Quand même je ne suis pas sûr. C'était

marrant pour nous. C'était... coloré. Les pauvres,

le côté ethnique, les, les.. .

Olrwa. - Les gitans défoncés au crack'

Hnnnv. - Exactement. Exactement. Exactement'

Exactement. Les gitans défoncés au crack. Je ne

suis pas sûr que tout ça - pour Alex ' pour Alex pour

l'avenir d'Alex, pour la sécurité, pour la sécurité de

I'avenir d'Alex.

Ortvta.. - C'est quoi, ça ? (Annonce immobilière')

C'était sur Ie...

HARRv. - J' ai trouvé ça sur. . . Une nouvelle résidence'

Un quartier sécurisé. Bon secteur pour les écoles'

or-rvtn. - Immeuble neuf ?

l{nnnv. - Je surfais sur Internet. Je trouve qu'on

dcvrait envisager -

Or-rvte. - Je ne veux pas de neuf. Tu sais ce que je

veux, tu sais ce que je veux et tu continues quand

rnême à -

l-[a.nnv. - J'étais juste curieux de cette possibilité.

Olrvtn. - Sans même m'en parler tu te lances dans -

l'{a,nnv. -Je veux je veux putain,putain, mais regarde

autour de toi, regarde, regarde - y a... ils vendent

cle I'héroïne à la gare, ils sont en bandes dans les

bus, ils ont des couteaux, ils se battent dans les rues

ct maintenant et maintenant et maintenant il y a

des bombes. Comment tu peux être - comment tu

peux délibérément... ? C'est effrayant, putain c'est

tellement -

Oltvtn. - Je sais. je sais.

HnnRv. - Et maintenant quand j'explore. quand je

réfléchis à la possibilité de, toi tu -

OuvIn. - Il faut que je dorme.

Ha.nnv. - Tu marches dans la rue et t'as les yeux

qui scrutent, qui scrutent, qui ne croisent jamais

un regard bien sûr parce que ça ce serai t" . . mais

tll scrutes. Tu attends que le coup tombe. Le"'

quelque chose. Coup de pied dans les tripes. Balle

5253

Page 21: War and Breakfast

dans la tête. Mais tu sais que ça va... Tu sais que, tu

sais que c'est... inévitable. Tu sais que < ils >> vont

t'attaquer. Ils te voleront, te brutaliseront, t'humilie-

ront. Ils le feront. Ils le f'eront-(Un Soldat couvert de sang et de boue entre et

observe Harry et Olivia- Ils ne Ie voient pas')

Je veux que nous - toi, moi, Alex -, on bâtisse un

mur contre... Pour une raison ou une autre le monde

là-dehors s'est rempli de.-. Pour une raison ou une

autre il n'y a plus que de la haine là-dehors' Agres-

sivité. Pour une raison ou une autre les rues se sont

remplies <Ie drogués qui ont besoin de voler pour

pouvoir planer tellement haut qu'ils sont capables de

tuer, et qui ensuite redescendent et veulent t'attaquer

et te voler ton... LE MONDE NOUS ATTAQUE,

LA TERREUR NOUS DÉVORE ET TOI' .. NOUS

AVONS BESOIN DE GRILLES. NOUS AVONS

BESOIN DE, DE, D8... REMONTER LE PONT-

I-EVIS ET FERMER LES GRILLES ET DE SÉCU-

RITÉ, SÉCURITÉ, SÉCIJRITÉ, SÉCURITÉ' JE NE

PEUX PAS MENER CETTE GUERRE TOUS LES

JOURS. LA GUERRE CONTRE LA RACAILLE.

LA RACAILLE DÉTRAQUÉE DES PAUVRES

ASSOIFFÉS DE DROGUE ET MENTALEMENT

DÉGLINGUÉS E DOIS AVOIR LA PAIX' JE

SUIS NORMAL. TU ES _ ALEX SERA TRÈS

DOUÉ ET NOUS NE POUVONS "AS

AVOIR

TOUS LES JOURS UN FLINGUE A LA MAIN.

NOUS NE POUVONS PAS. UN ENDROIT OÙ

GRANDIR. NOUS L'AVONS iVTÉNTTÉ. NOUS

TRAVAILLONS.( Le Soldat fait demi-tour et s'en va voir Alex')

NOUS SOMMES PLEINS D'AMOUR - ET C'EST

ÇA QUE JE VEUX. JE VEUX CES GRILLES. JE

VEUX ME SENTIR EN SÉCUNTTÉ DERRIÈRE

CES GRILLES. C'EST LA SEULE FAÇON DONT

JE ME SENTIRAI EN SÉCURITÉ. DERRIÈRE

CES GRILLES. ALORS NE VA PAS _ VIE DE

QUARTIER, C'EST UN MENSONGE. IL N'Y A

PAS DE LIEN SOCIAL, MA VIE N'A AUCUN

LIEN AVEC EUX. JE ME BATTRAI POUR Ç4,JE-

Alex hurle.

Olrvr,q,. - Espèce de - ne va pas - non -Alex - Non,

c'est moi qui y vais. Espèce de - CONNARD.

Elle sort.

Or;w n, oJf . -Voilà mon chéri, voilà, je suis là, maman

est là, ça va aller, maman est là pour te prendre dans

ses bras, oui, c'est ça. Tu as vu le soldat, oui ? Oh

non. Il n'avait de nouveau pas de tête comme...

oui ? Oui, mon chéri, il y a une guerre mais ce n'est

pas notre guerre, nous ne... 11 y a des soldats à nous,

oui, mais nous ne... on ne veut pas qu'il y ait cette

gueffe et c'est très très loin d'ici, cette guerre, elle

cst tellement, tellement loin, loin,loin. D'accord ?

D'accord ? On est... Tu vas bien dormir pour faire

plaisir à maman ? D'accord, tu veux bien ? Gentil

Alex. Bonne nui t . Bonne nui t .

Olivirt revient. S'assoit. []n long temps. Olivia

regarde les papiers de l'agence immobilière.

Olrvte. - Enfin... Peut-être.

5554

Page 22: War and Breakfast

Hannv. - Oui ?

Olrvrq,. - Peut-être.

Hannv. -Écoute. J'ai fait des comptes. Si on fait une

semaine de moins en Dordogne, on pourrait louer

là-bas,les chiffres sont pas vilains -

Or-wm. - Je peux regarder ça au lit ?

Hennv. - Ok.

Or-rvtR. - Je lis tout avant I'extinction des feux' Je

sais. Peut-être que tu as raison, peut-être que pour

Alex - peut-être qu'un environnement plus stable'

Hnnnv. - Tu crois ?

Olwu,. - Forcément, oui - un endroit plus sécurisé

ça pourrait - il pourrait arrêter de faire ces affreux

- le truc sécurisé ça pourrait marcher.

Hnnnv. - Ça pourrait, je crois . Mais si je te viole ' ' '

Olwn. Non. Rien. Quelques fractions de

seconde.

Hannv. - La nuit où Alex - ?

Olwn. - Non. Je suis sûre que non. Alex a été conçu

dans l'amour.

HeBnv. - C'est imPortant.

56

OlrvtR. - On peut aller se coucher ?

H,qnnv. -Allons-Y.

Page 23: War and Breakfast
Page 24: War and Breakfast

Ale"r, Soldat.

AlEx. - Et Alex avait sept ans et Alex a dit ausoldat : Pourquoi tu viens ici ?

SoLo,cr. - Et le soldat n'avait pas de tête.

ALsx. - Pourquoi ?

Srxnxr. - Et le soldat a dit : ... Je suis désolé, petit.

Alex" - Je ne t'aime pas, a dit Alex.

Soloar. - Je sais, a dit le soldat.

Amx. - Donc - arrête de...

Soroar. - Il le faut, le soldat a dit.

Ar.Ex. * Mais Alex a dit : T'es dégoûtant. T'eslrorrible. Regarde-toi. Pouah.

Soln,qr. * Le soldat a dit : Je le sais, petit, tu crois que

ic le sais pas putain ? Je sais putain combien je suishorrible putain, Si je pouvais récupérer ma tête -

6t

Page 25: War and Breakfast

FAlsx. - Laisse-moi tranquille, Alex a dit. Je suisparfait.

Sor-oAr. - Ma gonzesse s'est tirée putain. Mes potes

du régiment se sont barrés, a dit le soldat.

ALex. - Et Alex a dit : Je suis un enfant parfait.

Soloar. - Le soldat : Je... c'est tellement horrible.

J'ai balancé mon pied dans des miroirs, des vitres,tout.

Ar.Bx. - Alex : Regarde-toi - du sang.

Solpar. - C'est du très, très, très vieux sang. Tout

est sec chez moi.

Ar-sx. - Je pensais que tu ne viendrais pas ce soir,a dit Alex.

Sor-lAr. - Pas pu résister, a dit le soldat.

Ar-Bx. - Maman et papa sont en bas, a dit Alex.

Soloar. - Et le soldat a dit : J'ai vraiment envie de

te parler. Besoin de te parler.

Alex. - Je pourrais les appeler, a dit Alex.

Soloer. - Tu pourrais -

Ar-p,x. - Peut-être je le ferai. Peut-être je - << maman,papa.>

Sclr-unr. - Non pas ça pas ça pas ç4. Notre momentir nous, ok ? Notre moment à nous ? Tu m'as dit quelu aimais bien notre moment.

Arp,x. - Des lois.

Solonr. - Et d'autres... ?

Alpx. - J'ai peur des fois, Alex a dit au soldat sanstête. Il a raconté au soldat sans tête : Je fais pipi aulit. La dernière fois. Et d'autres fois.

Solper. - Ça je ne savais pas, a dit le soldat.

Alsx. - Je parle avec un... c'est un psychiatre.

Sor-nAr. - Tu lui racontes quoi ?

ALex. - Pas grand-chose.

Soluar. - Donc c'est notre secret ?

Alex. - Oh oui.

Sor-oAr. - Et ça va le rester, hein ?

Ar-sx. - Et Alex a dit au soldat : Je fais des dessinsde toi. Ils pensent que t'es un rêve. Ils ne saventpas.. .

Solnnr. - On était d'accord que c'était un secret, adit le soldat.

Alnx. - Je sais.

Page 26: War and Breakfast

Sot-oAr. - Je respecte ma part du contrat, tu respectes

tra tienne. Oui ? Oui ?

Arex. - Oui, a dit Alex.

SoI-oAr. - Bon gaïçon, a dit le soldat. Enfin - oh un

bon point pour toi, petit, oui oui oui, bon garçon'

Alsx. - Et Alex a dit : Je suis un bon garçon, tout le

monde le dit. Tu fais quoi ?

Soloar. - Ma gonzesse veut plus de moi' Donc je

dors dans une ruelle, le soldat a dit. J'me branle et

i 'dors.

Alr,x. - Ça a I'air horrible.

SoLoAr. - L armée - ça t'endurcil, a dit le solciat'

J'en ai vu d'autres. Puis le soldat a demandé : Je

peux retoucher ta tête ?

Ar-Bx. - Mais Alex a dit : Tu sens la ruelle'

Sor-oAr. - Mais le soldat a dit : J'ai vraiment envie" '

ce soir... j'ai vraiment envie de toucher ta tête ce

soir, petit.

Amx. - Mais Alex a dit : T'es trop sale.

Soln,qr. - Et le soldat a dit : Tu trouves que j'ai I'air

d'un monstre ?

Au,x.-Oui.adi tAlex.

64

SoLnAr. - Et le soldat a dit : La peur, c'est normal.

C'est une bonne chose, la peur. J'ai eu j'ai eu peur

tant de fois.

Alex. - Ouais ?

Sor-oAr. - Oh ouais. Tant de fois' Ça a fait de moi

un homme. J'ai chié dans mon froc vingt fois par

jour et je continuais à me battre quand même. Et

le soldat a dit : Engage-toi, petit. On n'est pas un

homme tant qu'on s'est pas engagé. Et il a dit : Je

suis - un mec comme un autre, hein ?

Alex. - Mais Alex a dit : T'as pas de tête.

Sor-oAr. - Perdue au combat...

Alp,x. - Quel combat ? Je veux comprendre

combat. C'est qui les ennemis ?

Sor-oAr. - Mais le soldat a dit : S'il te plaît. Laisse-

moi toucher ta tête encore une fois' Une si bonne

tête. T'es un beau Petit gars.

Ar-p,x. - Je suis exceptionnel. Tout le monde le dit.

Sor-oAr. - Je veux bien le croire, et moi je suis une

rnerde. Oh petit,laisse-moi te toucher.

Ar-ex. - Je peux tenir ton pistolet ? a demandé

Alex.

SoLnAr. - Après.

Page 27: War and Breakfast

guerre ? Aucun être humain n'a jamais fait ça. Ne le

fera jamais. C'est ça qui fait qu'on est humains.

Ar-sx. - T'as tué qui ? a demandé Alex.

Sor-o.ry. - Un enturbanné. Qui vient sur moi donc...

Un gosse à peine plus vieux que toi mais il vient

vers moi avec un pistolet donc... pok.

Ar-sx. - C'était bon ?

Sorrer. - C'était pas mal.

Alr,x. - Alex : Donne-moi le pistolet.

Solner. - Le soldat : Faut que je touche ta tête.

Ar-Bx. - Alex : Le pistolet d'abord. Pistolet pistolet

pistolet pistolet pistolet pistolet pistolet pistolet.

Soloer. * Le soldat : T'es dur en affaires, dis ? T'es

un vrai homme d'affaires, petit.

Alex. - Je veux travailler à la City comme ma

maman et mon papa, a dit Alex.

Sor-n.qr. - Vraiment ? Vraiment ? Vraiment ? Je vois

ça, oui.

Alex. - Pistolet.

Sor-oAr. - Tu respectes le deal qu'on. ' ' Tiens.

Il donne le pistolet à Atex.

67

AlBx. - Je veux le faire tout de suite. Je joue avecton pistolet pendant que tu touches ma tête.

Sot,p,qr. - D'habitude c'est pas ce qu'on...

Alex. - Je sais. N'empêche...

Sor-onr. - Et le soldat a dit àAlex : T'aimes le sentirmon pistolet, hein ?

Ar-Bx. - Ouais.

Sor-lAr. -- Tu te sens un homme. un vrai. hein ?

Alex. - Ouais.

Soloer. - On est tous pareils : des hommes, desvrais, avec un pistolet à la main. T'as quel âge ?

Ar-Bx. - Sept ans.

Solo.qr. - Puis le soldat a dit : Trop jeune pour savoir.Mais attends un peu - dans quelques années tu tesentiras vide, vide, tu souffriras toute la journée,

comme si tu t'étais perdu y a longtemps.

Ar-Bx. - Mais Alex a dit : Elle est bien ma vie.

Soln,cr. - Vide, il a dit. Mais tu te sens toujours unhomme complet avec ça (le pistolet) dans ta main.Vivre sans manger, vivre sans argent - tu peux lefaire, c'est dur mais tu le fais. Vivre sans famille,vivre sans amis - ça c'est facile. Mais vivre sans

66

Page 28: War and Breakfast

Soln,qr. - Un jour les gonzesses se battront pour

toi.

Ar-sx. - Sans doute, a dit Alex.

Sor-lAr. - Oh elles le feront, crois-moi petit, elles le

f'eront. Les gonzesses, ça les fait craquer' Tu veux

une gonzesse ?

AlEx. - Plus tard.

Soloer. - C'est ça. T'as bien le temps pour la

chatte, ouais ? T'as bien le temps pour la chatte'

Oh ouais. . .

Ar-Bx. - Tu vas bientôt arrêter de me toucher ? a

demandé Alex.

Soloer. - Hm-hmm'

Alex. - J'aimerais bien, a dit Alex'

Sot-o,qr. - Toi, continue à jouer avec ce pistolet'

Mes doigts sont dégoûtants' c'est ça ?

At-Bx. - Oui.

Soloer. - Mais tu m'aimes bien, hein ? On est amis'

hein ? Tu m'as bien dit qu'on était amis ?

At-sx. - Je ne dgis Pas.

Solrer. - Tu me l'as dit, Petit'

ô9

Alr,x. - C'en est un lourd.

Soloar. - Y en a des plus lourds. I1 te plaît ?

Ar-Bx. - Oh ouais.

Sor-oAr. - Tu feras quoi à la CitY ?

Ar-Bx. - Fonds sPéculatifs.

Sot-oAr. - J'y connais pas grand-chose aux -

Ar-sx. - Forte rentabilité.

Solo,qr. - T'es un drôle de Petit mec.

Ar-Bx.-Non,adi tAlex.

Solner. - Faut que je te touche, petit, ok, ok ? Je

t'ai donné mon - ok ?

Ar-Bx. - Ok.

Le Soldat touche la tête d'Alex.

Solnar. - Et le soldat a dit : Beaux cheveux' Belle

peau. Les dents comme... ça putain c'est de la

bonne dent... Tu vas chez le dentiste, nous on n'al-

lait jamais chez le dentiste. Et il a dit : T'as une si

jolie tête. Si belle.

Alnx. - Je sais, a dit Alex.

68

Page 29: War and Breakfast

Alex. - Sans doute.

Sor-rAr. - T'es mon seul ami au monde. J'ai besoinde toi. Ces soirées qu'on a, nos soirées secrètes,c'est tout ce que j'ai.

Alex. - Je sais.

Soloer. -Alors ne va pas - t'as un peu de morve, je

vais t'essuyer.

Amx. - C'est bon. Je ne -

Soroer. - Je vais t'essuyer. (Il I'essuie.) Tu vois,c'est bon ? C'est bon maintenant, non ? C'estparfait maintenant. La tête est carrément parfaitemaintenant. Faut qu'on prenne soin de cette tête,hein ?

Ar-ex. - Ouais. Puis Alex a demandé : Tu la veux ?

Solner. - De quoi ?

Ar-sx. - C'est pour ça que tu viens ici ? a demandéAlex.

Soloar. - De quoi tu parles ?

Ar-Bx. - Tu viens ici, a dit Alex, parce que tu veuxma tête ?

Sor-onr. - Le soldat a dit : T'es complètement tarécomme gosse, non ?

70

Amx. - Alex a dit : Je suis un garçon intelligent.

J'ai tout compris. Soir après soir. Tu entres. Tu

passes à travers mon mur. Soir après soir' Tu veux

ma tête.

Sor-oer. - Non. Tu en as parlé à quelqu'un d'autre ?

Ar-ex. - Tu veux emporter ma tête, oui ? oui ?

oui ?

Soloer. - Oh petit -

Ar-rx. - Tu veux prendre ma tête,la mettre sur toi et

partir, c'est ça que tu veux faire.

Soloar. - Petit, s'il te plaît -

ALex. - Je sais ce que tu - eh bien, non non non non

non.

Sor-oAr. - J'ai besoin d'une tête.

At-Bx. - Pas la mienne.

Sor-oer. - C'est une merveille.

Ar-sx. - Elle est pour moi. Elle est pour ma vie. Ma

vie parfaite. Elle est pas pour toi.

SoLnAr. - Je souffre le martyre, petit, j'ai besoin, il

me faut une... oh s'i\te plaît, Petit -

Arsx. - MAMAN ! MAMAN ! PAPA !

Page 30: War and Breakfast

Soloar. - Un peu, a dit le soldat.

Ar-ex. - Fais voir.

Sor-oer. - Pas de têtepeux pas.. .

peux pas combattre, je

Ar-Bx. - FAIS VOIR.(Le Soldat lève lamain.)

Ça saigne beaucoup. C'est moi qu'ai fait ça.

Soloer. - T'es fier ?

AlBx. - Oh oui. Et Alex a dit : Les gens cotnmetoi, on veut les empêcher d'entrer. Quartier ultra-sécurisé. C'est nous.

Sor-o.qr. - Vous m'empêchez d'entrer ? Ça te plai-

rait ?

Alnx. * Peut-être.

Sor-oAr. - Un soldat dans ta chambre tous les soirs.Et tu voudrais que ça s'arrête ? Tu voudrais ? Tuvoudrais ? Tu voudrais ?

Ale,x. - ... Je ne sais pas.

Soloar. - Tu crois que tout ça c'est à toi, mais tu

sais, tu sais... Tu vois tout ça ? Ç'a pas toujours étédes grilles. Oh non. C'étal't à moi,le soldat a dit.

Ar-Bx. - Ah ouais ? a dit Alex.

-Je

Sornnr. - Oh non, arrête, arrête de - je suis plusgrand que toi, je suis un homme, un vrai, bienentraîné et -

Arex. - PAPA !

Sor-o.qr. - Non, petit, putain arrête de -(Le Soldat couvre la bouche d'Alex.)Écoute petit, ok, écoute, tu écoutes ce que j'ai àdire, ce monde ce pays ce... tout existe grâce à moi,parce que je vais là-bas et je combats les putainsd'enturbannés.

Ar-sx. - Mmmmmm.

Solner. - Et si on peut pas combattre ces putainsd'enturbannés alors tout ça c'est fini, d'accord- ouais ? Ouais ? Cet endroit, le quartier ultra-sécurisé, les fonds spéculatifs, c'est fini, sauf si je

me bats au combat. Tu vois ? Tu vois ? Tu vois ?(Alex mord Ia main du Soldat. Le Soldat se dé-

8a8e.)Sale petit con. M'as mordu putain, sale -

Ar-Bx. - J'aurais pu te tirer dessus, a dit Alex.

Solnar. - Ouais.

Alnx.-Pan !adi tAlex.

Soloer. - Ouais.

Ar-Bx. - Tu saienes ? a dit Alex.

72

Page 31: War and Breakfast

Soloar. - Tout ça c' était - y avait pas de grilles quandj 'étais gosse, quand j 'avais ton âge, y a quinze ans de

ça. C'était un lotissement, a dit le soldat. C'était deslogements sociaux, pafrout, jusqu'à I'horizon, beauc'était, beau. Quelques Pakistanais. Eux, ça allait.Et on jouait dans les rues. Et on jouait à la guerre.

Beau c'était. Tu t'arrêtais quand ta mère criait < àtable ! > puis tu ressortais et tu tuais et tu posais desbombes et semais des mines jusqu'à ce que le soleilse couche et puis tu te mettais au lit et tu dormaiscomme un loir. Mon lotissement, tu vois ? Et main-tenant... Maintenant ? Mon lotissement. Rayé dela carte. La moitié d'entre eux travaillent dans lazone commerciale. La moitié d'entre nous libèrentle monde des enturbannés. Allez. Allez. Allez. Fais-moi plaisir. Donne-moi ta putain de tête. Hein ? S'ilte plaît. Hein ? Qu'est-ce t'en dis ?

Ar-sx. - Je.. . j " . . . j " . . . Et Alex pissa au l i t .

Solper. - T'es pissé dessus ?

Ar-Bx. - Pas autant qu'avant. Et Alex a dit : Va-t'enmaintenant.

Soloar. - J'ai besoin d'un mois, a dit le soldat.Donne-moi ta tête pendant un mois. Un mois deservice. Je hais ce monde. Je tiens plus en place.

Livrer le srand combat.

Amx. -Alex a dit : Non. Va-t'en.

Sor-oAr. - Faut que je combatte. Faut que tu m'aides.Tu le veux ton monde ? Tu la veux cette vie ? Tu

veux que ça continue pour toujours ? Alors donne-moi la tête que je puisse combattre.

Ar-sx. - Je ne veux pas - recule. Non. Non. Non !

Alex s'éloigne.

Sorner. - Et le soldat a crié : Ça fait longtemps queje me bats. Je veux ma récompense. Vous m'avezpris mon lotissement. Je me bats pour votre libertéet la démocratie... Je me bats pour la démocratie,lamoindre des choses ce serait de -

Ar-Bx. * Et Alex étut en colère et il a hurlé : Net'approche pas de moi, branleur. Tu - tu - ici c'estma chambre, c'est ma propriété, celle de ma fa-mille... Je brille à tous les tests d'entrée à la fac...je suis doué... On roule en 4x4... Je suis tellementpuissant et toi t'es, t'es... t 'es une racaille... tu tenourris mal, tu sais à peine compter, lire et écrire,tu n'accéderas jamais à la propriété, tu fumes et tujoues au loto, t'es sale et tu n'as pas ta place dans unquartier ultra-sécurisé. Dehors, sors, va-t'en. Tu esun monstre. Tu ressembles à un. .. tu es un monstredifforme. Monstre monstre monstre monstre monstreMONSTRE MONSTRE.

Solnar. - Ouais, je suis dégoûtant putain, tucomptes y faire quoi putain ? Hmm ? Hmm ?Hmm ? Hmm ?

Ar-Bx. - Tu me donnes enviç de vomir. EtAlex a ditau soldat : Ma pisse refroidit sur le lit maintenant.T'es pas humain. Je suis hurnain. Mais toi t'es pashumain.

7574

Page 32: War and Breakfast

Sor-nAr. - Je sais, a dit le soldat.

Ar-Bx. - Mon monde est à I'abri du danger et je

ne veux pas de toi dedans. Mes besoins affectifs

à moi.

Solner. - Et le soldat a dit : Je t'emmerde' Je suis

ce pays. J'aime ce pays. J'ai un boulot à faire etje le ferai. Et c'est pas un petit morveux avec son

putain de fonds spéculatif qui m'en empêchera, tu

vois, parce que tout ça, c'est que dalle si nous, on

n'est pas là-bas à écraser les enturbannés, alors, tu

vois, tu vois, tu vois ? Et le soldat a dit : DONNE-

MOI LA TÊTE !

Ar-sx. - Dégage. Au secours !

Soloer. - Et le soldat a pris dans ses mains la

tête d'Alex et il a tiré dessus et il a dit : Jamais je

rendrai cette tête, tu vois ? Je vais garder cette tête

pour toujours. Tu sais ce qui foirait avant avec les

gueTres ? Elles avaient une fin. Il y avait la paix.

Mais celle-ci, elle continue encore et encore. C'est

une guerre contre la terreur et elle continue encore

et encore et encore. Y a pas de Dieu, tu vois ? Y a

pas de jour final. Y a rien que cette guerre contre

la terreur encore et encofe et encore et encore et

encore et encore et encore et encore et encore et

encore et encore et encore et encore et encore et

encore et encore et encore et encore et encore et

encore et encore et encore et encore et encore et

encore. C'est quoi ça ? Ha ! Ha ! Oh le bon garçon'

oh le bon petit gars. Ça y est. Tu t'es chié dessus.

De la chiasse partout. Ha ha ha ha ha ha ha.

Ar-nx, - Va te faire foutre. Connard.

II tire un coup de feu, touche le Soldat au bras.

Sourer. - Putain. Agh.

Il tombe. AIex s'agenouille.

Ar-nx. * Y a du sang ? a demandé Alex.

SoI-lAr. - Ça vient.

Alsx. - Pardon, je veux juste un - tu veux unpansement ?

Sor-oAr. - Ça sert à rien putain, petit. C'est aussiutile qu'une chatte au cul d'un chameau. PUTAIN.PUTAIN. CHATTEAU CUL. PUTAIN DOULEURPUTAIN.

ALex, brandissant le pistolet. - Ne jure pas dansma chambre. Mon règlement à moi.

Soln,qr. - Excuse-moi.

Alsx. - Je m'excuse de t'avoir blessé... Tu voiscette maison ? Excellent investissement. T'auraspas le temps de te retourner qu'elle vaudra déjà un

million. Tu devrais y aller. Tu n'as pas ta place dansun quartier ultra-sécurisé - pouah. Tu es... du sangsur ma couette maintenant. \

Soloer. - Et ma cervelle explodée aux quatre coinsdu désert.

76

Page 33: War and Breakfast

Ar-sx. - Si dur de trouver des femmes de ménage.

Le travail, y en a. Mais c'est des feignantes. (Pistolet

pointé .)Ieveux que tu t'en ailles maintenant. Va-t'en.

Tout de suite, ou je te tire une balle dans la poitrine.

Merci d'être passé.

Solonr. - La vie est dure, petit. Mais peut-être que

ça, tu le sauras jamais.

Ar-Bx . - Et Alex a dit au soldat : Je prendrai ma retraite

à cinquante ans.

Solnnr. - T'es un branleur. Je suis un connard.

AlBx. - T'es grossier.

Sor-nAr. - Je suis un homme, a dit le soldat, puis il

a dit : Au revoir.

Ar-ex. - Et le soldat s'en alla mais Alex garda son

pistolet. Et la guerre continua.

Hier un incident s'est produit

Traduit par

C,qr n nnt N n H anc n n,qv B s

Page 34: War and Breakfast

Un groupe de PrésentateurslPrésentatrices.

- Bonjour/Bonsoir.

- Hier une agression a eu lieu ici même. Un incident,de nature violente, s'est produit.

- Si vous avezété témoin de cet incident, nous vousdemandons de vous avancer. de vous avancer et devous faire connaître.

- Vos droits seront respectés en toute circonstance.

- Votre vie privée sera protégée.

- Mais s'il vous plaît manifestez-vous -

_- Oui. Vous avez des droits. Bien sûr que vous avezdes droits. Mais vous avez és.alement des devoirs.

- Ne pas signaler, ne pas se manifester, être témoincl'un crime violent et ne pas se manifester pour lesignaler est en effet une chose que nous prenons trèsau sérieux.

BI

Page 35: War and Breakfast

- Très au sérieux oui.

- Très au sérieux oui.

- Vous êtes un citoyen responsable. Je suis un/e op-timiste. Je suis un/e philanthrope. Je crois que noussommes, pour la plupart, naturellement bons. Pourla plupart, nous faisons ce qu'il faut pour participerau bien-être des autres, et ce d'une façon naturelle-ment bonne.. .

- Mais il y a toujours un æuf pourri.

- Toujours là à puer au fond du panier.

- Je suis quelqu'un d'attentionné. D'extrêmementattentionné.

- Mais nous ne tolérerons aucune agression sur noscomédiens, ni sur notre équipe technique, ni surnotre équipe d'accueil.

- Pourquoi devrions-nous ? Pourquoi devrions-nous ? Pourquoi devrions-nous ? Pourquoi devrions-nous ?

- De telles attaques, agressions, attaques - par lesæufs pourris - sont totalement inacceptables.

- Hier un spectateur s'est avancé, il s'est levé deson - c'était un homme * il s'est avancé et a frappél'un de nos comédiens à la tête. Notre collègue esttombé au sol. Le spectateur l'a roué de coups de pieden proie à, l 'a roué... Ses os ont été brisés, il a eu

de graves hématomes, des hémorragies internes etexternes. Son crâne aétéfracturé.

- J'étais là. Je donnais la réplique - c'était vraimenthonible.

- Nous vivons une époque de terreur, une époqued' attaques aveu gles, violentes, horribles, aveugles,absurdes. C'est la guerre. À l'étranger. Chez nous.Ici même.

- Personne n'est en sécurité.

* J'ai essayé de I'en empêcher. Mais cet homme étaitcoûrme possédé. Il était devenu fou. Il était submergéde colère et il I'a déversée sur le pauvre corps briséde notre très cher collèsue.

- Les forces de I'ordre ont arrêté l'agresseur. Nousvoudrions le tuer. Mais nous avons besoin detémoins.

- Quelqu'un parmi vous devait bien être ici hier.

Quelqu'un parmi vous devait bien être assis là, làpendant que, pendant -

- Pardon d'insister lourdement. Pardon.

- Bien sûr, quatre-vingt-dix-neuf pour cent du tempsla vie est merveilleuse. La vie est géniale. La vie estfantastique. Des enfants viennent au monde. Je suisbien placé/e pour le savoir. J'en ai un.

- Le soleil brille.

B382

Page 36: War and Breakfast

- Le soleil brille puis vous dotmez dans votre lit pen-dant huit heures délicieuses aux côtés de I'hommeou de la femme que vous aimez.

- Ou des deux si vous menez une vie de bohème.

- Ou des deux si vous menez une vie de bohème. Etle matin, il y a I'odeur des croissants quand la bonneles sort du fbur.

* Et les enfants arrivent et sautent sur le lit en criant :<< Maman ! Papa ! >

- Parce que les enfants aiment Ie monde.

* Comme nous tous.

- Comme nous tous. Nous aimons tous le monde.

- Si seulement cette petite portion de la populationacceptait d'util iser le numéro d'urgence pour si-gnaler les incidents et et et -

* Quelqu'un parmi vous a été témoin de I'incidentd'hier.

- Quelqu'un parmi vous a été témoin de I'incidentd'hier et ne se manifèste pas.

* Vous ne vous manifestez pas. Alors vous êtes quoi ?

- Un æuf pourri.

* Vous êtes de sales - merci - pourritures de... Etvous puez, vous plrez, vous puez *

* Vous empestez tout le panier, merde, espèces de,espèces de, espèces de -

- Mais nous allons, il y a quelque chose gue nousallons -

- Il y a quelque chose que nous pouvons faire.

- Nous pouvons, nous prendrons des mesures contrel'æuf pourri qui ne se manifeste pas.

- Nous le pouvons. Nous le ferons. C'est ce quenous". .

- Depuis hier, une commission, un comité, un groupede réflexion étudie ce problème.

- Le problème de l'æuf pourri.LelLaprésident/e dela commission détaille :

- Un dventail de mesures pour punir les ceufs pourris.dans une société humaine et démocratique. Aprèsavoir interrogé des témoins et évalué les investisse-ments et les bénéfices envisagés, nous avons concluque la solution c'est de les marquer.

- La solution c'est de les marquer.

-- La solution c'est de les marquer au fer rouge.

- Donc. ". Nous réclamons le droit de marquer ceuxqui ne signalent pas de tels incidents - avec un f-er.Un projet de loi est en train d'être élaboré, un projetqui sera sclumis à nos représentants -

Page 37: War and Breakfast

tti.l

*,Fi,,r..

- Exactement, merci. Il y aura un marquage au fer.

Quelqu'un parmi vous sera -

- C'est un procédé parfaitement naturel.

- Le fer sera chauffé à deux cent cinquante degrés etvous serez marqué/e.

- Juste ici (au-dessus du coude droit). Une cicatriceviolette, à vie.

- Et pourquoi pas'/ Pourquoi pas ? Pourquoi pas ?Pourquoi vous croyez que vous allez vous en tirercomme ça ? Eh bien non, avec cette méthode, non.

- Avec cette méthode, vous allez à la plage ou à uncocktail ou un - vous êtes assis/e, là-bas, au foyerdu théâtre à boire votre café ou manger un petit painet vous serez immédiatement reconnu/e par noustous.

- < Ah voilà un æuf pourri ! >>

- Voilà un - j'ai envie de vomir -

* Voilà un - je veux le cogner le salaud - euuuh...f f f f . . . peuh.. . ouh.. . err . . . err . . . i i i -

- Il faut faire ce genre de choses si on veut continuerà vivre dans une société civilisée.

- Une société où à chaque droit correspond undevoir.

- Je suis sûr/e que chacun de vous, en tant que ci-toyen honorable, se joindra à nous pour soutenir Iemarquage de ceux qui ne se font pas connaître. Alorsfaites-vous connaître maintenant - sortez de la fouleet faites-vous connaître immédiatement.

Pause.

- Le marquage fera mal. Nous n'allons pas vousracontef...

- Vous serez un paria pour - oooh - des dizainesd'années.

- Mais écoutez,écoutez, il y aura un pardon.

- Quelque part.

- Il y a toujours des personnes gentilles, tolérantes,gentilles, prêtes à pardonner, tolérantes, gentilles quipardonneront.

- Il y a toujours un refuge face à la populace.

- Il y a de la gentillesse dans ce monde. Il y a toujoursdes gens progressistes.

- Même que nous subventionnons les progressistes(rires) dans une certaine mesure.

- D'après le rapport, un tiers du groupe d'étude - etquelle surprise, tout de même - nous a en faitremercié/e/s pour le marquage.

86 87

Page 38: War and Breakfast

- Voici un message de sa femme.écrit par sa femme, à son chevet.

- Vous voulez bien nous le lire ?

- Vous umeriez que je le lise ?

- Je vous en prie.

Voici un message

- A votre guise : << S'il vous plaît, punissez qui-conque a été témoin de la tenible agression dont monmari a été victime et ne I'a pas rapportée. Il est monrocher. Cela fait vingt ans que je suis sa femme etpendant tout ce temps 1laété un rocher. Il n'a jamais

fait que du bien dans ce monde. Il adore la vie et ilchérit sans réserve la liberté et la démocratie dontnous jouissons. Ce matin, je lui ai apporté un caféà son chevet, il a tendu la main et il a prononcé cesmots : "Je t'aime." Voilà mon espoir. Au beau milieude tout ce mal, I'amour subsiste toujours. De fait,j'ai parlé avec notre députée et je lui ai demandé des'assurer que la nouvelle mesure sur le marquagesera adoptée sur-le-champ et j'espère que tous ceuxqui m'écoutent en feront autant. La liberté doittriompher. La démocratie doit triompher. Je veuxque ces æufs pourris soient marqués. C'est ce queje dis sur mon site, j'écris au monde entier sur monblog, et s'il vous plaît lisez mon message au publicde ce matin pendant le petit-déjeuner : marquez-les,marquez-les, marquez-les. >>

- Une voix limpide.

- Une voix admirablement limpide.

89

- Alors, aIlez, venez, triste, solitaire, homme oufemme triste et solitaire,femme ou homme, avancez-vous et rapportez-nous I'incident d'hier.

- Avancez-vou s immédiatement.

Pause.

-Non?

-Non?

- Non.

- Très bien. (Sortant une photo.) Voici un membrede notre équipe qui, suite à I'agression d'hier, est cematin dans un état critique. Une côte a perforé unpoumon.Il a une hémorragie cérébrale.

- C'est un comédien - oui. Mais c'est une personne.Avant tout, c'est une pefsonne.

- Et comme toute personne normale, il a unefamille.

- Vous ne sentez pas quelque chose... ? Un peud'empathie... peut-être ?

- Un gars normal avec un crédit immobilier etune femme. Comme tous les gars nonnaux un peupartout.

- Bien. Bien. Bien. On commence à la sentit, sadouleur.

8B

Page 39: War and Breakfast

- Voire excessifs ?

- Voire excessifs.

- Ou peut-être que les progressistes vont, peut-être qu'ils vont tout ralentir avec leurs << amende-ments >>.

- Et c'est leur droit.

- Et c'est leur droit. Dans une démocratie.

- On attend de voir, d'accord ? Attendons de voir,d'accord ? Mais la démocratie est en route.

- La démocratie et la liberté et l'espoir et la vérité.

- Je peux vous demander de dire une prière avecmoi ? Une prière - même si vous n'êtes pas croyants- je peux vous demander de dire une prière avecmoi ? Une prière pour que la voix du peuple soitentendue dans la Chambre des représentants quenous avons élus.

- Eh bien - pourquoi pas ?

- Pourquoi pas ?

- Pourquoi pas ?

- Pourquoi pas ?

Ilsl Elles s' agenouillent.

91

- Elle est la voix du peuple et elle a tous les droitsde s'élever avec colère.

- (Brandissant le poing.) Hourra

- (Brandissant le poing.) Hourra

- (Brandissant le poing.) Hourra

On apporte une dépêche.

* Écoutez, on me dit que... une dépêche vient d'ar-river... ah. Nos élus se réunissent. Une réunionspéciale a été organisée à la Chambre des représen-tants suite à I'agression d'hier. La réunion vient decommencer... les débats ont commencé. La machinedémocratique s'est mise en route.

- Va-t-on sortir une loi autorisant le marquage ?

- Oh, pour nous, ça ne fait aucun doute. C'est lavolonté du peuple.

- Le marquage se fera en public ?

- Il sera diffusé en prime time ? Il y a des annonceursqui font pression pour -

- Il faudra acheter un billet pour y assister ? Leministre de la Culture dit que -

- Il y aura une surveillance médicale et un contrôlejuridique complets ?

90

Page 40: War and Breakfast

- Accorde à nos représentants la sagesse d'adoptercette loi.

- La loi qui nous autorisera à marquer les æufspourris.

* Les marquer.

- Les marquer à jamais.

- Les marquer à jamais dans les siècles des siècles.

-Amen.

- (Brandissant Ie poing.) Alléluia ! Amen !

- Il viendra, il doit venir, ce jour viendra certaine-ment. Et alors il y aura des feux d'artifice, de lamusique, des bals et du champagne. Et oh, noffemonde sera tellement, tellement heureux.

- Un endroit béni. Un endroit bon. Un endroit calme.Un endroit heureux.

- Ce jour est si proche. Il s'en faut d'un, un, un -

- Un cheveu.

- Oui. Il s'en faut d'un cheveu.

Une nouvelle dépêche arrive.

- Excusez-moi, excusez-moi, excusez est-ce que jepeux.. .

93

- Oh Seigneur, nous Te remercions pour Ton mondenormal. Nous Te remercions pour les hommesnormaux et les femmes normales qui font leur viedans cette ville normale" Nous Te remercions pour lesactivités culturelles normales et les loisirs normauxdont nous profitons en ce jour normal.

- Béni soit le café normal que nous buvons.

- Béni soit le petit pain que nous rompons et dontnous profitons ce matin.

- Et bénis soient Vermeer et Monteverdi, les jon-gleurs et les comédiens, Les Bacchantes d'Euripideet les magnifiques pièces contemporaines qui peu-plent Ton monde.

- Donne-nous aujourd'hui un excellent taux d'in-térêt.

- Bénie soit cette carte de fidélité.

- Dans les centres commerciaux et chez les petitsdétaillants, en ligne et dans les magasins.

- Et maudits soient les æufs pourris, ceux qui sonttémoins d'agressions et qui ne se font pas connaître.

- Maudis-les comme jadis tu as maudit Lucifer etl'armée des anges rebelles lorsque tu les as jetésaux Enfers.

- Oh Seigneur, accorde la sagesse à nos représen-tants.

92

Page 41: War and Breakfast

* Nous espérons que vous avez prévu une journéede détente.

- Je sais que moi oui. J'ai prévu une journée dedélassement incroyable.

- C'est une ville merveilleuse. Elle est toute vibrantede culture. Il y a des comédies et de I'opéra et desjongleurs et - aaah - des oratorios. Et nous devrions- quel est 1e... ? - nous en délecter ! Nous devrionsnous en délecter.

- Pardon. Pardon. Pardon. De mauvaises mauvaisesmauvaises mauvaises et tragiques mauvaises mau-vaises nouvelles. Nous venons d'apprendre que -j'en suis navréle * le mari de cette femme, notrecollègue le comédien, vient de mourir.

- Vraiment ?

-Vraiment. Ses lésions internes. Des lésions internestrès graves. Des lésions provoquées pendant I'agres-sion qui a eu lieu hier ici même. L'agression pour la-quelle aucun témoin ne s'est encore fait connaître.

- Je suis très profondément attristé/e par la mortinutile d'un de mes semblables.

- Je suis presque inconsolable. Excusez-moi, jene peux pas, un instant... je... ah Seigneur. (San-glots.)

- Qu'y a-t-il ? Allez, allez I

- J'ai passé - un été - je ne l'ai jamais dit à personne,mais un été.. .

-Oui?

* Nous étions ensemble cet étélà. Avant sa femme. ..On a passé l'été sur un bateau qui dérivait sur unlac, à faire I'amour au clair de lune, sous les étoiles.On lisait Shakespeare. Le Conte d'hiver. C'était sibeau. On avait un lien tellement fort. Ah, je souffrevraiment vraiment "vraiment vraiment profondé-ment. Des cachets, une thérapie, qu'est-ce que jedois faire ?

- Une vie perdue.

- Il n'y a pas de mots pour exprimer la peine quechacun de nous ressent à la mort de cet homme.

- Eh bien - moi je ressens de la colère. Je ressensune colère phénoménale.

- Alors videz votre sac.

- Oui. Yidez votre sac. Exprimez-vous, exprimez-vous, exprimez-vous.

- Dans quel monde vivons-nous ? Je le demande !

Quel monde ? Ça fait trop longtemps que nous noustaisons. On est restés tranquilles alors que la société,alors que les. .. alors que certains,la merde, le cancer,la merde malfaisante de rebuts cancéreux ont fait cequ'ils voulaient. Ils nous ont marché dessus.

95

Page 42: War and Breakfast

- Exactement.

- Exactement.

- Eh bien, en ce qui me concerne j'en ai assez. J'enai assez. Je veux de la violence. Je veux des atta_ques. Je veux une main de fer. N'allez pas me direqu'on peut leur offrir une thérapie ou de l,argent- on a essayé ça, moi j'ai essayé. Je croyais vrai_ment... Mon Dieu, dire que je croyais vraiment...Mais maintenant le temps est venu de les frapper,les frapper, les frapper.

- Oui .

- Oui.

- Je ne serai pas inhumain/e. Je ne vais pas les gazeï.Mais je vais les enfermer pour toujours. Dans lesténèbres, vous tous - allez. Allez. Et laissez lesgens normaux poursuivre leur chemin. Désolé/e.Désolé/e.

* S'il vous plaît, ne vous excusez pas. J,aurais puen dire autant.

- Beaucoup d'entre nous auraient pu en direautant.

-Ah oui ?

- Il est bon de se rappeler que les æufs pourris nesont pas si nombreux.

- Mais ils empestent tout le panier.

- S'il vous plaît, nous devons marquer des gens.Nous le devons. Il n'y a pas d'autre choix. Vu lescirconstances, il n'y a pas d'autre choix. eui estvotre député/e ? Qui sont-ils ? Vous allez les appeler,leur envoyer un texto, un mail - aujourd'hui même ?Faites-le aujourd'hui, il le faut, il le faut, il le faut,il le faut, il le faut.

- La démocratie est là pour qu'on s,en serve.

- Servez-vous de la démocratie. Voyons ce que lacolonne vertébrale de cette démocratie a à dire.

- Nous allons peut-être la perdre, nous allons peut_être la perdre. Ne la prenez pas pour acquise. Si vousn'envoyez pas un texto ou un mail maintenant,pourdemander le marquage,la démocratie finira peut-êtrepar s'étioler.

- S'étioler.

- Et mourir. La dpmocratie sera morte.

- Ça dépend de vous. Vous aimez la démocratie ? Ouvous détestez la démocratie ? Vous vous décidez ?Contactez votre député/e maintenant. Envoyez untexto avec < MARQUEZ-LES >>, maintenant.

Une nouvelle dépêche arrive.

- Un instant. le temps que je. . .

9796

Page 43: War and Breakfast

- La ville offre toute une gamme d'infiasmucturesartistiques, commerciales, sportives et de loisirs.

- C'est merveilleux. C'est une gamme dont noussommes très fiers/[ières.

- Et à juste titre.

- Et à juste titre. J'ai l'intention de faire une baladeà vélo, d'acheter une centrifugeuse et d'écouter duMonteverdi. Et vous ?

- Et moi je vais f lâner.

- Vraiment ?

- Oh oui, flâner, avec dans la poche une carte bleuequi me démange et un ventre qui gargouille.

- Ça a I'air sympa.

- Moi, ça m'a l'air génial. Ha ha. Carrémentgénial.

- Un autre message de Marion.

- Marion ?

- Du chevet de son mari - de son désormais défuntmari -, Marion, désormais veuve, nous a envoyé cemessage.

* < Niquez ces enfoirés, putain. Niquez_les. Niquez_les. Regroupez-les. Regroupez-les tous et amenez_les

au château et attachez-les à un bûcher et brûlez-les,brûlez-les, brûlez-les. Futain. >>

'- Je suis avec vous, Marion.

- Je ressens ce que vous ressentez et j'aurais pu endire autant.

- Et Marion ajoute : << S'il vous plaît aidez les pou-voirs publics. Je vous en prie faites pression sur vosdéputés. Que personne ne dorme tant que n'aura pasété défoncée la dernière porte et brûlé le derniercentimètre de chair de cette racaille. >>

- Ah oui.

- Ah oui.

-L'éloquence de I'homme ou de la femme ordinairespoussés à I'action est incroyable.

- Nous sommes tous d'incroyables et merveilleusespersonnes, à part les æufs pourris.

- Et n'oublions pas ça. N'oublions pas de célébrerles personnes ordinaires et merveilleuses.

* La colonne vertébrale. On devrait célébrer la co-lonne vertébrale de cette démocratie.

Moi. je la célèbre.

- Nous la célébrons tous. Nous la célébrons tous.Nous célébrons les hommes et les femmes qui se

999B

Page 44: War and Breakfast

lèvent le matin, qui se lèvent, boivent leur café aupetit-déjeuner, puis contribuent - contribuent à créerde la richesse pour les familles ordinaires qui com-posent cette société. Et ce soir ces familles serontassises à une table et partageront de délicieux repasaprès une journée normale de plus. Je célèbre toutce que fait la colonne vertébrale.

- Donc, je vous le demande. Manifestez-vousmaintenant ou soyez marqués. Tous les témoins -manifestez-vous. Maintenant.

Longue pause.

- Personne ?

- Personne ?

- Personne ?

- Personne. Très bien, très bien, très bien, bien lesrecherches continuent. Merci de votre patience.Mais quelqu'un parmi vous est l'æuf pourri. Etnous te trouverons.

- Nous te trouverons et nous te marquerons sévère-ment.

- Pardon d'insister lourdement. Pardon.

- Bien sûr quatre-vingt-dix-neuf pour cent du tempsla vie est merveilleuse. La vie est géniale. La vie estfabuleuse. Des enfants naissent. Je suis bien placé/epour le savoir. J'en ai un.

100

- Le soleil brille. Par exemple, hier' Hier j'étais

dans une jardinerie. J'ai pris ma voiture et je me

suis rendu/e dans une jardinerie. Etj'ai regardé un

couple - un homme et une femme, la trentaine, et

un petit garçon d'environ sept ans - et ce couple

a choisi un banc pour leur jardin. Rien de spécial.

Un couple ordinaire, un banc ordinaire. Mais j'étais

touchéle.J'étais très touché/e par le,le,le. . . touché/e

par I'ordinaire de tout ça, vous comprenez ? Voilà

les gens dont on ne... on ne lit rien sur eux dans

les journaux. Juste les gens ordinaires..' pas des

voyous, pas des terroristes, pas de la racaille.. ' juste

ordinaires... et on devrait entendre parler d'eux

plus souvent. Parlons-en plus souvent.

- Après tout, la plupart d'entre nous, c'est ce que

nous... Nous sommes pour la plupart complète-

ment normaux.

- Alors hourra.

- Hourra.

- Quelqu'un parmi vous a forcément été témoin de

f incident d'hier. ,-/'

- Il y a forcément un témoin.

- Un homme est mort.

- Nous savons désormais qu'un homme est mort et

qu'une femme ordinaire a perdu son rocher. Qui va

se manifester ?

r0t

Page 45: War and Breakfast

- Qui parmi vous â vu I'agression ?

- Manifestez-vous.

- Manifestez-vous. Maintenant.

- Manifestez-vous.

- Manifestez-vous maintenant. Maintenant. Main-tenant. Maintenant.

Pause.

-Non?Non?

- Non.

Une nouvelle dépêche arrive.

-Attendez, je reçois une...

- Moi aussi... Ah voilà une bonne nouvelle.

- C'est une excellente nouvelle.

* Une recommandation qui nous vient de lacommission. En découvrant les faits, en posant lesquestions qui importent, la commission a décidéque -

- Et je cite : << Il y a un problème fondamental. Votreppblic n'est pas surveillé d'assez près. Laisseriez-vous ces gens marcher dans une rue sans personnepour les surveiller ? Les laisseriez-vous faire leurs

courses sans les faire suivre ou les filmer ? Alors

au nom de la liberté et de la démocratie pourquoi

oh pourquoi sont-ils assis là dans ce théâtre sansvidéosurveillance ? >>

- Donc... nous sommes en train d'installer descaméras. Ici même. Nous sommes en train d'ins-taller des microcaméras ici même.

- En ce moment même des caméras de surveillancevous observent.

- Il n'y pas de... Aucune de ces caméras n'estfactice. Chacune de ces caméras est vraie. Unevraie caméra. Et chacune nous aidera à identifierceux qui ont été témoins de l'agression mais qui ne

se manifestent pas.

* C'était la plus rentable des. ..

- Étant donné les circonstances. Comment ça va

fonctionner ? Comment allez-vous utiliser ces..' ?

Pouvez-vous expliquer les... ?

- Certainement. Oui, certginement. Nous avons

une équipe de psychologfes comportementalistes,c'est-à-dire une équipe spécialisée dans la psycho-

logie du comportement, qui est en ce moment même

derrière ce mur en train de vous analyser et à l'affût

du moindre signe de culpabilité. Toute forme de

culpabilité dans votre comportement sera flagranteet nous en serons avertis. Un dossier sera constituésur chacun d'entre vous ici aujourd'hui même et

dans les douze heures qui viennent, nous ferons

103102

Page 46: War and Breakfast

une analyse analytique approfondie et objective dechacun d'entre vous.

- Nous identifierons les innocents. Nous identifie-rons les coupables. Les bons. Les mauvais.

- La colonne vertébrale. Et l'æuf pourri.

- Est-ce qu'on peut juste dire.. . ? J'aimerais dire, aunom de tous ceux qui... juste dire... pardon pour lesdérangements que cela risque d'occasionner.

- Pardon.

- Mais en fait, quel dérangement est-ce que ça peurbien causer aux innocents ?

- Eh bien, en effet.

- En effet.

- Si j'étais innocent - et je le suis - est-ce que jem'opposerais à un simple contrôle mené par unpsychologue comportementaliste diplômé ? Est-ceque je m'y opposerais ? Je m'y opposerais ? Je posela question.

- Eh bien, il est clair que... non.

- Il est clair que non.

- Je me rendrais dans des jardineries. Je me feraisréveiller par l'odeur du café et des croissants pré-parés par la bonne et je dirais à ma superbe femme :

<< Je pense que nous devrions aller à la jardinerie cematin. >> Est-ce que ça me gênerait qu'une caméram'observe ? Est-ce que je m'opposerais à un contrôleet à une analyse ?

- Il est clair que non.

- Il est clair que non. J'accepterais une caméra dansma voiture, une caméra dans la station-service, unecaméra dans le coin tranquille où j'ai choisi monbanc dejardin. Etje les accepterais bien volontiers,je les. . . je les. . .

- Adopterais - ?

- Les adopterais. Parce qu'au plus profond de moncæur, ici dans mon âme, dans mes tripes, dans matête,je suis propre,je suis propre,je suis pur,je suispur, oh je suis gentil et pur.

- Comme nous tous.

- Comme nous tous à part la racaille.

- La racaille.

- La racaille.

- La racaille.

- Nous regarderons et identifierons et écraseronset nous, oh comme nous, I'heure approche, I'heureapproche maintenant, I'heure où la racaille serarayée de la carte pour ne plus laisser que la colonnevertébrale.

105t04

Page 47: War and Breakfast

- Alléluia !

- Alléluia !

- Alléluia !

- Ô Seigneur ô Seigneur ô mon Dieu mon Père, monDieu Ton monde sera purifié. Il le sera, il le sera, il lesera. De même que Ton Paradis aété débanassé despécheurs, de même que Tu as déchu Lucifer, notreville, notre pays, notre empire sera propre, propre,propfe, propre.

- S'il vous plaît ne vous laissez pas troubler par lescaméras. Faites comme si de rien n'était. Souriez oufioncez les sourcils ou... pleurez. Oui, vous pouvezpleurer si vous en avez envie. Sangloter. Ce qui vousvient. Ne vous laissez en aucun cas troubler par lescaméras.

- Pourquoi seriez-vous troublés ?

- Pourquoi ?

Une nouvelle dépêche arrive.

- Excusez-moi, je reçois une... quelque chose...

- Hier je marchais le long de la rivière. C'était unejournée splendide. Je regardais des avions dans leciel. Certains de nos braves garçons et filles s'en-traînaient et j'ai pensé : c'est parfait, c'est charmant,c'est le jour Ie plus parfait de ma vie. Et le soir venu,j'ai mangé des linguine.

- Oh oui ! Oui ! Oui ! Il est adopté.Il est passé avec

une belle majorité. Le projet de loi est adopté.

-Ah voilà une bonne nouvelle. Ô mon Dieu, ô mon

Dieu, ô mon Dieu.

- C'est merveilleux. C'est - oh oui !

- Putain, c'est formidable. C'est...

* Démocratie et vérité démocratie et vérité démo-

cratie et vérité démocratie et vérité démocratie et

vérité démocratie et vérité démocratie et vétité.

* Feux d'artifice et chamPagne.

- Champagne et feux d'artifice.

- Haendel, parle pour nous. Haendel, donne-nous

ton énergie à nous qui célébrons ce moment histo-

rique.

- Dansons dansons dansons.

On joue du Haendel, ils/elles danfent et brandissent

leurs poings.

- Vive les normaux. les normaux, les normaux.

llslElles arrêtent de danser.

- Nous pouvons maintenant marquer quiconque a été

témoin de l'incident d'hier mais ne se manifeste pas.

Sous surveillance médicale et contrôle juridique, un

t0ô 107

Page 48: War and Breakfast

fer chauffé à deux cent cinquante degrés précisémentsera appliqué sur le bras droit afin d'y laisser unemarque permanente.

Une nouvelle dëpêche arrive.

- Nous recevons une.. -

- J'ai retrouvé la foi... on pense parfois... on penseque... la démocratie est en train d'échouer... onpense - je ne sais pas - que ça ne marche pas...Pourquoi ce vote, pourquoi cocher cette case ? Pour-quoi ? Parfois on ne peut pas... jusqu'à ce qu'ilarrive quelque chose, quelque chose, et I'espoir est,la confiance et I'espoir et - Dieu bénisse la démo-cratie - I'espoir et la confiance renaissent.

- Il y a eu quelques amendements.

- Ah. Les progressistes.

-Ah.

- Après divers amendements la loi a été adoptée envue d'une société plus humaine.

* Ce que nous sommes, sans aucun doute.

- Nous en sommes une, sans aucun doute.

- Le marquage se fera à huis clos. Les équipes detélévision et les gens munis d'un billet n'y aurontpas accès contrairement à ce qui avait été préala-blement suggéré. Et les demandes pour brûler les

coupables sur un bûcher au château ont été,je cite,< reléguées aux oubliettes >) où elles seront étudiéespar une commission.

- Bon, ça reste quand même... une victoire pour ladérnocratie et I'humanité.

- La démocratie et I'humanité.

- La démocratie et l'humanité. Nos valeurs fonda-mentales. Une fois de plus, elles rayonnent danschacune des actions de notre société écIairée.

- Marion, la veuve éplorée, a accueilli favorable-ment les nouvelles mesures tout en se demandant sielles allaient assez loin.

- << Je veux qu'on les brûle sur un bûcher. Vrai-ment, je le veux. Je veux les voir hurler quand lesflammes lécheront leurs corps fétides et je veuxcracher sur leurs cendres quand elles seront disper-sées. Je mènerai une campagne acharnée en faveurdu bûcher. Rejoignez-moi sur mon site et faisons ensorte que les voix d'hommes et de femmes ordinairessoient entendues. >

Une nouvelle dépêche arrive.

- Il est maintenant acquis que les premiers mar-quages ont lieu en ce moment même non loin d'icidans un établissement privé quoique agréé par legouvernement. À huis clos. Sous surveillance mé-dicale et contrôle juridique. Pas un seul billet vendu.Pas une seule équipe de télévision présente.

109t0B

Page 49: War and Breakfast

- Rien à voir avec nos ennemis. Dans les pays de nosennemis, on traîne des gens sur des places publiques,ils se débattent et hurlent et on les marque sans sur_veillance médicale ni contrôle juridique.

- Révoltant.

- J'en ai l'estomac retourné.

* Retourné. Là - au cæur de cet empire du mal _ lesgens sont régulièrement brûlés sur un bûcher.

- Baah.

- Baah.

- Leur seul crime ? Leur seul crime ? euel est leurseul crime ? Leur seul crime -

- C'est de. . .

- Oh oui.

- Leur seul crime c'est de se lever pour dire : << Jesuis une personne. Je suis seule et unique. J,ai mapropre personnalité et mes propres pensées. > Et àcause de ça, ces gens-là, on les brûle.

- Dégueulasse.

- Dégueulasse.

- Dégueulasse.

I t0

- Comme ils aspirent à la liberté et à la lumière etau libre choix, au choix démocratique, aux droits etaux devoirs.

* Comme ils y aspirent, et comme nous, nous lestenons. presque tous, pour acquis.

- C'est votre dernière chance. Marion est en deuil.Son mari est mort. L'incident d'hier était violent.

- Manifestez-vous maintenant sinon vous serez mar-qués. Que tous les témoins se manifestent. Mainte-nant.

Longue pause.

- Personne ?

- Personne ?

- Personne ?

- Personne.

- Je reçois quelque chose. Nous.. .

- Les vidéos des réunions du jour seront analy-sées.

* Nos psychologues comportementalistes identi-fieront les coupables.

- Vous serez marqués avant la tombée de la nuit.

Page 50: War and Breakfast

- Nous sommes rejoints par... AMENEZ-LE !AMENEZ-LE !

Un Homme est traîné par deux Gardesldeuxouvreurs. Il est très faible .

- Un moment historique.

- Nous vivons un moment historique.

- Voici la première personne - je corrige - lepremier æuf pourri qui a été marqué depuis que laIoi est passée. On nous l'a amené directement ducentre de marquage. I1 est venu parce qu'il souhaitevous parler. Il a un discours. Eh bien mon ami,votre moment est venu, votre moment est venu,votre moment est venu alors... parlez.

L'HoMME, faiblement. - Je suis un æuf pourri.Maintenant je le sais. Maintenant je le vois. Lamarque est là sur mon bras visible aux yeux de tous.Comme une aile cassée. S'il vous plaît méprisez-moi, s'il vous plaît détestez-moi. C'est votre droit- et votre devoir. Comme j'aimerais pouvoir menerune vie normale. Faire de l'aquarelle. Aller pêcherà la mouche. Apprendre l'espagnol à ma fille.Parler sur le Net avec mon ami en Australie duSud. Mais ça n'arrivera jamais. Je suis malfaisantet on m'a chassé du Paradis à jamais. Ce n'est quejustice et je m'y conforme volontiers. Je ne me suispas manifesté. J'ai été témoin d'un incident violentdans la Ville Nouvelle et pourtant je ne me suis pasmanifesté. Pourquoi je n'ai pas... ? Pour une seuleet unique raison. Je suis un être mauvais. Ça ne

112

sert à rien de chercher à me comprendre. Ça ne sertà rien de me donner de I'argent. Je suis mauvaismauvais mauvais mauvais mauvais. S'il vous plaît

aidez les pouvoirs publics. S'il vous plaît signalezles incidents violents. S'il vous plaît manifestez-vous. Dieu bénisse ces caméras. Dieu bénisse nosdéputés. La démocratie et la vérité et l'histoire et laliberté et...

Il perd connaissance.

- Cette ville est charmante.

- Je trouve aussi. Je la trouve charmante.

- Je vais peut-être aller voir des Vermeer, on nous

a promis un concert folk dans le parc et j'attends le

Monteverdi avec une folle impatience.

- Vous savez ce que je vais faire ? Ce que je vais

faire là maintenant ? Là maintenant je vais me faire

un bon café.

- Ah oui. Pour la plupart d'enffe qous, ça va êtreune journée fantastique. \

- Quel monde formidable. Bonne journée.

Le s Pré sentateur s I Pré sentatrice s quittent la s alle .

L'Homme reste sans connaissance sur le sol.

Page 51: War and Breakfast

UAmour(mais Ça, ie ne le ferai pas)

Traduit par

Soputt, Mtcy,quo

Page 52: War and Breakfast

Soldat, Marion.

Sot-oAr. - Je crève d'envie de baiser.

Ma.nloN. -Arrête.

Soloar. -Tu ne.. . Les femmes.. .

MantoN. - Je me reprends un café. Tu veux un autrecafé ? Je me disais que peut-être un autre café -

Sor,oer. - Cette nuit, j'ai vraiment cru qu'on allait -

MenroN. - C'est du commerce équitable, c'portant, n'est-ce pas ?

es\im-

Soloar. - Tu sentais mes mains sur toi, pas vrai ?Tu ne dormais pas vraiment ?

MantoN. - Même en buvant une tasse de café. onpeut libérer ou exploiter *

Solner. - Mon doigt, tu ne continuais quand mêmepas à dormir malgré mon doigt ?

117

Page 53: War and Breakfast

Manlox. - Nous devons nous assurer qu'il s'agit deplantations de café où les travailleurs sont traités avecdignité, où le salaire minimum est -

Solnar. - Tu m'as senti, hein ? Allez, tu m'as senti ?Tu vois ce doigt * ces doigts - ces doigts sententencore ton odeur, alors ne me dis pas que ? Ne medis pas, hein ? Hein ?

ManroN. - Je dors comme un loir.

Solnnr. - Ça ne sent pas mauvais.

MenroN. - Je prends de la camomille et j ' ai un oreilleravec des herbes aromatiques. Je tombe comme unemasse.

Sor-oer. - Tu faisais semblant, tu faisais semblant,allez,allez,c'est pas parce que je porte un uniforme,que je porte un flingue, que je suis débile, putain.Ne me prends pas pour un con, ok ? PUTAIN JE NESUIS PAS CON.

ManroN. - J'aimerais bien que tu ne manges pas tropde sucreries. La colère -

Sor-nar. - AAAARRRRGGGGGHHHHHHH !

MRnrou. - Une colèresucreries.

Sor-oer. - La colère,

ça vient de -

pareille, ça vient souvent des

la colère, la colère, la colère

ManroN. - Le taux de sucre dans le sang monteen flèche puis s'effondre ; de vraies montagnesTUSSES.

Sollar. - Ma bite. Mes couilles. Ma queue dresséependant des heures, tu le voyais bien -

MenroN. - Je préparais, je cuisinais, je faisais leslinguine.

Solrar. - Toute la soirée. tu le savais.

Mamor.r. - Quand je fais des pâtes maison, j'oublie

tout. C'est tellement meilleur.

Solper. - Mais quand même tu, et puis tu, tu tufaisais semblant de dormir ? Non ? Non ? Non ?

MenroN. - Ne - j'ai une grosse journée - et toi ?

Soloer. - Tu ne dormais pas.

MenroN. - Les nouveaux de l'équipe du marketi4gviral viennent nous briefer avant que le client arri{e.Apparemment, quatre-vingts pour cent du bud$etiront au viral pour ce projet. Seulement vingt pourcent iront aux plus, aux, auxo aux anciens médiasr.

Solrer. - Quand est-ce que je vais baiser ?

Memox. - Ils me prennent pour un dinosaure, si,si, vraiment. Quand je parle de cibler le budgetsur la télé, ils me rient au îezet ils crient < ptéro-dactyle >>.

i l9118

Page 54: War and Breakfast

Soloer. - Il faut que je baise.

MenroN. - J'ai commencé par entrer dans leur jeu.Par battre des ailes. Croa croa croa. Le ptérodactyle.Croa croa croa.

Sorner. - Nous deux, on est censés être, c'est censéêtre, c'est une... alliance.

MenroN. - Je suis censée être leur chef, mais c'estimportant de montrer qu'on sait rire, non ? Et je saisrire, non ? Non ? Non ? Non ? Non ? (Elle passe durire aux larmes.) Oh je suis désolée, désolée.

Sor-oer. - Hé.

MenroN. - Non, vraiment, je suis vraiment, vrai-ment. .. OIt l, (Elle pleure.) Je suis désolée.

Soroer. - Pas la peine... Faut que ça sorte.

MemoN. - Il a fallu s'adapter à tellement dechoses, tu sais ? Tout a changé... tellement vite. Etje suppose que c'est forcément stressant, n'est-cepas ?

Soroer. - Bien sûr.

MnnroN. - J'ai essayé de prendre du millepertuis etje trouve que, d'une certaine manière, ça me -

Le Soldat embrasse Marion.

Somar. - J'ai bien fait ?

ManroN. * Bien sûr. C'était charmant.

Soloer. - Donc je ne suis pas qu'un animal ?

MARroN. - Bien sûr que non, non. Tu es une per-

sonne.

Soloer. - De temps en temps, à cause de toi. je me

sens coilrme un animal.

MRmoN. - Ce n'est pas mon intention. Désolée.

Désolée.

Sor-oer. - Je suis juste 1à pour vous défendre. Lesgamins. La maison. C'est pour ça que je suis là.

MRRroN. - Je sais et nous t'en sommes tous très

reconnaissants.

Sorper. - Je suis bien ici. J'étais.. . content quand le

chef de corps m'a choisi cette maison.

MenroN. - C'est une jolie maison. /

Solrar. - Tu es une jolie dame.

MenroN. - Merci.

Sor-nnr. -Et moi,je suis... ? Qu'est-ce que tu penses

de moi ?

MamoN. - Je pense que tu es un beau soldat, grand,

fort et courageux, qui se bat pour la liberté et la

démocratje ; tout ce en quoi nous croyons.

121120

Page 55: War and Breakfast

Somer. - Moi, je compte. Je compte chaque minute

de chaque... Je fais les comptes' De toutes les fois'

Deux fois.

MenIou. -Ah oui ?

SoLnAr. - On a baisé deux fois.

M,q.ntoN. - J'aurais Pensé Plus...

Soloar. - J'compte pas les ratés. Un de nous deux

doit jouir, ok ? Si personne ne jouit alors -

MetuoN. - Est-ce que je peux ranger le pain ou tu

veux encore des tartines ?

Soln.qr. - Deux fois en trois semaines' comment

t'appelles ça ? Comment tu trouves ça ?

ManIoN. - Je vais passer au pain de seigle' Les

ballonnements.

Somer. - Je trouve que c'est merdique que c'est

- c'est - oui, c'est - ok - putain, c'est merdique,

nan ?

Menrow. - Je suis désolée.

Sor-pAr. - Des alliés. Des compagnons de chambrée'

Pourquoi est-ce qu'on fait tout ça si on ne baise

pas ?

MenIoN. - Je ne sais Pas.

123

Soller. -Alors pourquoi... ?

MemoNI. - Et si nous ne t'avions pas, notre mondeaurait cessé d'exister depuis longtemps, dévoré parles agents du mal.

Solner. - Tu fermes la porte de la salle de bain à clé.Pour pisser. Pour chier.

MenroN. - Tu ne veux pas -

Soroer. - Pour te doucher. Tu fermes la porte à clé.Tu m'empêches d'entrer...

MRnroN. - Euh.. .

Solnar. *Tu te changes derrière la porte. Tu enlèvestes vêtements et tu te pointes dans ton super tee-shirt XXL -

Menrox. - C'est confortable.

Solnar. -Tu te remontes la couettejusqu'au menton,tu te cramponnes à ton côté du lit.

MenroN. - Je suis désolée.

Soloer. - Combien ae fois on a fait l'amour ?

MeRroN. - Ça ne fait que trois semaines.

Solnnr. - Combien de fois ?

MentoN. - Je ne... Je ne compte pas.

122

Page 56: War and Breakfast

Solnar. - Il faut que tu - comment je me sens, àcause de toi comment je me sens, tu y as pensé _qu'est-ce que je -

MenroN. - Vraiment, je ne _

Sorner. - Rejeté. Blessé. Dévalorisé. Dédaisné.Humilié. Tu es allongée avec ta couette uu

-"Àn,ton tee-shirt sur le dos et tes _ les jambes serréescomme un étau, voilà ce que tu me fais _

Manroiv. - Ça n'est pas mon intention.

Sor-oAr. - Tu sais parfaitement, parfaitement, parfai-fement, tu sais parfaitement ce que tu fais.

MeRroN. - Ce n'est pas vrai. NON. NON.

Sor-oar.-Si,si, SI,tu me fais dumal_là, àl,intérieur- comme si je n'avais aucun sentiment _ mais j,aides sentiments - j'ai un énorme _ j'ai des sentiments- je - je - je -

MenroN. - Oui, bien sûr. Je suis désolée. J,ai étéégoïste. J'ai mené une vie de privilégiée. Je veux quetu m'apprennes. J'apprends de toi. S'il te plaît.

SoLlAr. - J'ai une copine à la maison.

MeRrow. - Tu n'en as jamais parlé.

Soloar. - Ben, maintenant, on est...

ManroN. - Bien sûr.

Solonr. - Elle m'envoie toujours des textos. J'veuxl'épouser un jour. Mais la guerre est longue.

MnRror.l. - Un jour.

SoLnAr. - Le nial finit toujours par perdre, mais deslbis on ne voi t pas. . .

M,qRroN. - Avec des gars comme toi pour com-battre -

Soloar. - Merci.

Mnnroru. * Je suis avec toi .

SoroRr. - C'est ma copine. (Une photo sur un télé-phone portable.) Son nom, c'est Bethany.

MaRroN. * Elle est très iolie.

Solter. - Je sais qu'elle est grosse. Elle aime tduslos trucs de merde. Lapizza froide au petit-déj'. Ellen'a pas de stepper, comme toi.

MRzuoN. - Tout le monde est différent.

Soloar. - Mais elle aime s'envoyer en l,air. Touteslcs nuits. Deux ou trois fois le dimanche.

ManroN. - Bigre.

Sor-oer. - Imagine - te jeter là-dessus dès que tu enrs cnvie. Te perdre dedans.

124rôÂ

Page 57: War and Breakfast

MenroN. - Il faut que je sorte la voiture du garage.

Solnar. - C'est à ça que je suis habitué, tu vois ?Baise sur baise sur baise.

ManroN. - Nous allons devoir bouger tes affairespour que je puisse sortir la voiture du garage.

Sor-oAr. - Quand tu es habitué à baiser autant _

MenroN. * Je ne veux pas être en retard pour lesgars du viral.

Soll.,u. - Et voilà que tu - c'est physique, émotion_nel, psychologique - ça fait très mal. Tu le sais. ca ?

Menron. - Je comprends.

Sor-lAr. - Alors, tu penses que tu peux... ?

Mamor-r. * Je vais faire de mon mieux.

Soloer. - Ce soir ?

MemoN. - Je vais vraiment essayer.

Sor-lAr. - Je veux une vraie bonne partie. Et je laveux ce soir.

Mnnron. - Bon, je vais voir ce que je peux faire,ok?

Soll,qr. - Non. Tu ne vas pas .< voir ce que tu peuxfaire >. Tu vas promettre.

\26

MenroN. - J'ai besoin de sortir la voiture du garage.

Solonr. - Je veux une promesse. Ici. Maintenant.Je veux que tu promettes d'enlever tes vêtementsdevant moi. Pas de salle de bain, non - je regarderaipendant que tu te mettras complètement, complète-rnent à poil. Tu prendras le temps de jouer avec tesseins, de les prendre dans tes mains, de faire courirtes mains dessus, de te caresser les tétons avant det'offrir à moi -

MenroN. - Ça fait un moment que tu y penses..

SornAr. -Trois semaines. Je te prendrai. Tu ne seraspas passive. Tu ne te feras pas baiser. On baiseraensemble. On baisera ensemble, longtemps.

MenroN. - Je ne suis pas Bethany.

Sor-oAr. - Ça, je sais. Elle est - à la maison. Tu es -

MRnroN. - Je suis plus âgée. Je suis différente. I

Sor-oAr. - Je veux te jouir à la figure ce soir. C'est çaque je veux vraiment. Me retirer, te grimper dessuset-

MenroN. - Non.

Sor-ner. - Pardon ?

ManroN. - Non.

Sor-nar. - Tu ne vas pas... ?

127

Page 58: War and Breakfast

MnnroN. - Je n'aime pas ça. C'est horrible. Unhomme -

Sollar. - Moi -

MemoN. - ... qui éjacule sur ma figure. C'est trop...Je me sens rabaissée. Je ne suis pas une putain. Jeveux rester digne.

Solrnr. - Pourtant, c'est ce que je vais faire.

MenroN. - Permets-moi au moins de rester digne,ok ? Je suis un être humain. J'ai de I'argent. Jepossède une maison. J'ai des enfants et ils vont dansde bonnes écoles. Je possède ma propre entreprise.Oui, nous avons besoin de toi. Oui, c'est la guerre.Oui, tu nous protèges. Oui oui oui, mais bordel demerde, bordel de merde, bordel de merde. .. Laisse-moi un peu de... Du foutre dégoulinant sur ma...non, s'il te plaît.

Sor-oAr. - Si c'est ce que je veux faire.

MRnroi.r. - Ça n'est pas ce que moi je veux faire.

Soro.m. - Eh ben je suis désolé je suis désolé je suisdésolé -

Me.zuoN. - Maintenant, est-ce qu'on peut bouger tesaffaires pour que je puisse sortir ma voiture du -

Sor-oer. - Putain, j'ai été patient sur le sujet, j'aijoué le jeu, tu sais ?

ManroN. - Je ne supporte pas d'être en retard.

Soloer. - Eh ben, arrêtons de faire semblant, hein ?

Putain, on ne fait plus semblant ? Plus semblant.

J'en ai ras le bol de faire semblant.

MentoN. - Je veux vraiment que tu m'aides.

Sor-per. - On change les règles, ok ? Ok ? Si je dis

< à poil >>, tu te fous à poil, et tu poses pas de ques-

tion. Si je dis < écarte les jambes >>, tu écartes les

jambes - pas d'embrouille. Si je dis << prends ton

pied >>, tu prends ton pied. Tu vas jouir et jouir et

jouir et jouir comme tu n'as encore jamais joui.

Me.RloN. - Je ne peux Pas'

Sot-oAr. - Tu peux. Tu vas.

Mnnton. - Non.

Sollar. - Oh que si.

MenroN. - Tu te prends pour qui ? Tu es brutal, tu

es cruel, tu es maladroit, tu entres avec tes bottes

dans la maison, tes mains sont énormes et aussi

rugueuses que du papier de verre, tu sens la ciga-

rette et la bière, tes érections contre mon dos me

rendent malade, l'odeur de ta merde dans la salle

de bain reste pendant des heures -

Sor-nAT. - Tout ça, tout ça, tout ça, tout ça' tout çac'est vrai.

129128

Page 59: War and Breakfast

ManroN. - Déjà que je t'ai à la maison, que je telaisse entrer dans mon lit, maintenant tu _

Soronr. - Je ferai ce que je veux.

MenroN. - Tu ne vas pas me laisser une once dedigniré.

Soloar. * C'est ce que je vais faire, c,est ce que jevais faire et tu m,aimeras pour ça et tu me remer_cieras.

ManroN. - Non, je ne ferai pas ça va te faire foutrenonje ne le ferai pas non va te faire foutre.

Soloar. - Parce que je suis plus grand. Je suis plusfort. J'ai des flingues. J,ai une aimée. Je suis tout.Donc si mon foutre -

MenroN. - S'il te plaît. Je ne veux pas le faire.

Soloer. - ... sur ta figure, ça te met mal à l,aise _

MeRroN. - Je te suis reconnaissante pour tout ceque - je respecte -

SoLlAr. - ... tu t'y feras, ok ? Tu t,y feras.

ManroN. - Je ne peux pas.

SoroAr. - Tu es sûre ?

ManroN. - Je... peut-être que mon éducation... undéfaut... je n'ai jamais fumé avec les autres fllles

t30

après l'extinction des feux, alors peut-être... peut-être que je suis coincée, mais quand même... c'estma faute.. . mais, non.

Sor-oAr. - Alors voilà ce qui va se passer : aujour-d'hui je vais parler à mon chef de corps. Je vais luiexpliquer que je rencontre des difficultés rapport àla coopération. Cette alliée n'en fait qu'à sa tête,putain -

MnnroN. - Tout ce que je -

Sorner. - TA GUEULE FERME TA GUEULEPUTAIN EST-CE QUE JE T'AI DONNÉ LAPERMISSION DE L'OUVRIR ? NON. ALORSFERME - je vais lui expliquer et il va comprendreet nous nous retirerons de cette maison. Je vaisemporter mes armes et mes mines et mes _ et jeserai transféré, dans une maison où on voudra demoi, une maison où -

ManroN. - Je suis désolée.

Solonr. - Une maison où on n'est pas trop coincéepour mouiller.

MenroN. - Non, j'aime ça, c'est simplement que -

Sor-oAr. * Et plus de défense, plus d'armes, plusde soldats, combien de temps tu vas - ? Combiende temps tu vas tenir avant que les rebelles... ?Deux jours, deux semaines si t'as du pot, un mois,ce serait un miracle. Tu ne sais pas te battre - tesgamins ne savent pas se battre, alors...

t3t

Page 60: War and Breakfast

MenroN. * Ne pars pas.

f^"::: - Tour ceque.ru peux espérer, c,esr qu,uneDonne grosse bombe L.

coup, rien de tuop ,rr*rtï::re vous emporte d'un

Manto|. - Reste, reste, reste,reste -

Soloar. _ Excuse_nfais quoi ?

toi mais' tu fais quoi, Ià ? Tu

MaRloN. - Je te supplie de rester.

Solonr. - Répète_moi ça.

MaRrow. * S'il te plaît.

Sor-oar. - Ça, c'est r,:{ ;:: : il,; ;iJ i ;i i,T: : :1 j""i:'*"JJ;

SoLoAr. - Tu comprends le contrat ? Je reste si...

MRnroiv. - Oui. Je comprends.

Soloar. - Et tu acceptes ? Faut qu,on travaillecnsemble, sur ce coup_là.

MRnrou- - Je comprends et j,accepte. Tu es vrai-ment le bienvenu ici. Merci de nous protéger. Mercide me donner ton corps.

Soloer. - Et mon amour. J'ai de I,amour... je saisqu'en trois semaines on ne peut pas... mars avecle temps... Je n,ai vraimeni bien connu Bethanyqu'au bout d,un an.

ManroN. - Tu I'aimes encore ?

Solnnr. - Toujours. Mais je suis ici, maintenant.Est-ce que je suis brutal avec toi ?

MemoN. - parfois tu as I'air... \

Lyloara- Je sais que je suis brutal. Je ne veux pasl'être. Ça doit être la guerre. Les combats. On nes'en rend pas compte. On a peur. Et aloru on s"retrouve à faire des choses cruelles.

M,qnroN. - C'est ton régiment qui a tué mon mari.

SoLtAr. - On n'arrive pas toujours à reconnaître lesleurs des nôtres.

MRnrou. - C'est pour ça que tu as demandé àprotéger ma maison ?

reste. reste. reste,

ManroN. -

Manrow. -

Solnar. - Comment Ifoutre rr.;;;;;u

ru trouVes Bethanv avec mon

Sorlar. - Je la trouve très belle.

Menroiv. - S'il te plaît. Ma réunion. J,ai besoin quetu m'escortes. Ton arme est _

133

Page 61: War and Breakfast

Sornar. _ II est

tï:* r, ";"*,1,:i iill,îil; iHï ïi"o:;I'air surpris, pui, lt est mort _ ;#;; "".

ManroN. _ Sonmorgue.

vlsage était encore surpris à Ia

SoroAr. _ Je me sens coupable.

MaRroN. _ Moi je ne sens rien, pas encore.

SoroAr. _ Mais à l,entraînement on nous apprend _

,Ï'J'J:.:-t' sont des

"""'A;;;;"ï,iiu,,uo,". o"

Mnnroru. -Nous n.dep ui s o-. 1,"u".,"J"ï:#i ",TrH"jH:: :ïï1.SoLnAr. _ Je serai doux avec toi.

Manrou. _ Merci.

SoLoAr. - Mais il fzIes hommes...

lut que je le fasse. C,est ce que

MaRroN. -Bien sûr. Jecomprends. eu.est-ce qu,il ya dans les carrons qui uroqu"n;i;;;;",;

SoroAr. - Des munitions. Six nouvelles caisses, arri_vées hier soir. Tu étuis sous ru àou"ïl]""'.

MeRroN. - Si on borpuisse aller à

-" ru;ii;lt

les caisses pour que je

Soloer. - Ton mari te manque ?

ManroN. - Il a été là chaque minute pendant vingtans. Maintenant, il n,y aplus rien. C,est très étrange.'fout a I'air d'aller de travers.

Solner. - Peut-être que si je t'aimais...

MenroN. * Oui.

Solonr. - Il va falloir qu,on s'habitue l,un à l,autreparce que cette guerre, elle va rJurer. Ça ne fait quecolnmencer.

MenroN. - I l faut vraiment que j .y ai l le.

Soloer. - Je peux faire une photo de toi avec dufoutre sur la figure ce soir ?

Mnnroru. - Je. . .

SoLoAr. - Tu auras I'air tellement belle.

MRnroN. - Je n'aurai pas I'air belle. J,aurai l,airv iei l le et mal à I 'a ise et. . .

Soroar. - Il va falloir que tu apprennes à mefaire confiance. Tu peux faire ça f-Si tu veux êtreprotégée...

Manrox. - Je vais apprendre.

Sor-nar. - C'est bien.

t34

135

Page 62: War and Breakfast

MRzuoN. * Mais ce soir, s,il te plaît, commencedoucement. Tu pourras m,humilier plus tard. Maisce soir - je ne veux pas me sentir comme une putaince soir, d'accord ?

SoLnAT. - D'accord.

M,qnroN. - Oublions le reste du monde et f-aisonsI'amour ce soir -- soldat.

Soller. - Au garde-à-vous, m,dame.

Mazuon rit. * Je vois ça.

Solonr. - Ça va être une belle nuit.

MenroN. - J'en suis certaine.

Soloer. - Et avec le temps... I 'amour _

MRRroN. - On verra. Simplernent si tu _ ouais.

IiApocalypse

Traduit par

GnÈtr Jory

Page 63: War and Breakfast

Emma, Honor.

Elrlr.r. - Et Il me regarde.

HoNon. - Et II me regarde.

Evrrae. - Il me regarde quand je m'assois sur le lit.

Hoxon. - Il regarde quand je lis le numéro desportes.

E,urraa. - Il regarde quand je compte les minutes àla pendule.

HoNon. - Il me regarde quand je passe en revue lesboutons de ma veste.

ljuun. - I1 me regarde quand je tire ma jupeau-dessous du genou.

lloNon. - Il voit la sueur sur ma nuque.

liunrn. - Il voit ma rougeur sous le fond de teint.

lloNon. - Et je cherche au fond de moi : dois-jercpartir ?

139

Page 64: War and Breakfast

Elrnaa. - Au fond de moi je me demande : et si jen'étais pas là, si je courais maintenant jusqu,auparking et rentrais chez moi -

HoNon. - Trouver un endroit au fond de moi où IIne regarde pas.

Euura. - Il n'existe pas d'endroit au fond de soi oùIl ne regarde pas.

HoNon. - Mais il n'existe pas d,endroit au fbnd desoi où Lui ne regarde pas.

Eunra. - Il voit que j,ai peur mais que je ne peuxpas repartir.

HoNon. - Il voit ma peur mais aussi... Il resardequand je tends le bras.

Evun. - Il regarde quand je bois une larme d,alcoolà la mignonnette dans le minibar.

HoNon. - Il regarde quand je toque à la porte"

Enarr,r,q. - Il regarde quand j'entends toquer à la porte.

HoNon. - Il connaît les sentiments que j'éprouvepour la femme derrière la pofie.

Euu,q. - Il sait ce que je ressens pour le garçon dansle couloir.

HoNon. - Et en Son temps Il me fera connaître messentiments.

Evun. - I1 sait mais Il ne me dit pas ce que je

ressens - ça reste pour moi un mystère.

HoNon. - Amour et haine, concupiscence, répul-sion. violence. tendresse.

Evrua. - Et en Son temps Il nous les révélera.

HoNon. - En Son temps je crois qu'Il nous les révé-lera.

Evrua. - I1 faut que j'aille ouvrir.

HoNon. - Pourquoi met-on si longtemps à ouvrir ?

Evnaa,. - Accorde-moi Ta force pour aller ouvrir.

HoNon. - Il m'a peut-être conduit à la mauvaiseporte.

Eunae. - Il voit le tremblement de mes mains quandje tends le bras vers la porte.

HoNon. - Il y a quelqu'un ?

Euun. - Oui oui, je suis là.

HoNon. - Sa voix est tendue.

Err,run. - Il veut m'intimider avec cette voix. Laporte s'ouvre.

HoNon. - Elle est plus vieille que dans mon souvenir.Serait-ce en rapport avec la lumière...

140 t4t

Page 65: War and Breakfast

Euua. - Il a I'air d'un gamin dans la lumière. peut_être que c'est un gamin.

Hoxon. - Et Il sait que je pense à ma mère qui n'aeu d'autre raison de vivre que l,alcool, les ciga_rettes et les hommes qui la battaient.

Eunae. - Et Il sait que je me sens vieille et Il saitque j'ai brusquement honte qu'il puisse y avoirune odeur d'alcool dans mon haleine _ cette minus_cule gorgée à la mignonnette du minibar _ maistout de même... une odeur d,alcool dans monhaleine.

HoNon. - Et ma mère est morte sans avoir étésauvée, et je la regarde et je me demande : est_cequeje peux vous sauver ?

Eruirae. - Et je regarde ce garçon et je me dis : es-tuun des élus ? Nos visages radieux verront_ils lagloire le jour où Sa lumière brillera sur la Terre etoù Il appellera les élus à venir auprès de Lui ?

HoNon. - Et je dis : < Je peux entrer ? >>

Euua. - Et je dis : << Oui, bien sûr. > Et je crois voirune caméra pivoter et te filmer quand tu entresdans la chambre.

HoNon. - Au plafond dans le couloir, la camérapivote et regarde quand j,entre dans la chambre. Ilest dans cette caméra comme Il est en touteschoses.

Euivre. - J'ai envie de t'embrasser. De t'embrasser.De t'embrasser. Il voit cela et Il voit à quel pointj'ai envie de t'embrasser.

HoNon. - Il a vu les rêves que je fais de vous. Devotre corps.

Euue. - Et là Il regarde ma bouche, le rouge àlèvres s'insinuant dans les petites rides autour demes lèvres, le soupçon d'alcool encore sur malangue.

HoNon. - Vous étiez tellement plus jeune dans mesrêves.

Eulaa. - Je suis vieille et ma bouche est ravasée etje dis : << Tu m'excuses. >>

HoNon. - Et je dis : < Bien sûr. >>

Erraue. - Et j'entre dans cette minuscule salle debain et je déchire le cellophane de la minusculebrosse à dents et je presse le minuscule tube dedentifrice.

HoNon. - Et je m'assois sur le lit et je - aah ! - jesuis assis sur la télécommande.

Er,rua. - Je sursaute. Je sursaute au bruit.

HoNon. - Une explosion. Une bombe qui éventre lastructure de ce bâtiment.

Eunan. * Le fracas de la bombe est énorme.

142 143

Page 66: War and Breakfast

HoNon. - Et je crie à travers lade bain : < Désolé désolé. > Je<< Désolé. >

porte de la sallecrie au travers :

lnaua. - Mais je n,entends pas et je crie : < euoi ?Quoi?Quoi?euoi?>>

HoNon. - Et je trouve le volume et je baisse levolume des nouvelles de cette explosion.

!uue. - Mes gencives saignent à cause des poilsde la brosse.

YoNon. - Et je dis : < Il y a eu encore une explosion.A la guerre. La nouvelle arrive à l,instant. Encoreplus de nos gars qui se font tuer. >>

Elrua. - Et Il entend ma peur, comme chaque jourII entend ma peur, ma peur comme ctraque jôur... jeregarde la télé comme chaque jour, encore plus debombes, encore plus de .ro, gui, tués, encore plusde nos gars qui se battent en Son nom.

HoNon. - Et je passe d,une chaîne à l,autre jusqu,àce que je trouve une chorale d,église, en train decélébrer Ta bonté et je m'assois et ;e les regardecélébrer Ta bonté.

Enrue. - Ma bouche n'est que sang, alcool et denti_frice.

HoNoR. - J'ai envie de pleurer et crier et célébrer labeauté de Ta bonté, comme toujours. ô toue sols_Tu, loué sois-Tu, loué sois_Tu.

144

Euna. - Mon gamin est à la guerre.

Honon. - Je vous regarde. Il vous regarde. Nousvous regardons sortir de la salle de bain.

El,rve. - Mon gamin est à la guene.

HoNon. -Ah oui ?

Euua. - << Mon garçon est un combattant de laliberté, de la vérité et de la démocratie. >> C'est Luimaintenant qui parle par ma bouche.

HoNon. - Bien - alléluia.

Euun. -Alléluia.

HoNon. - Il n'y a rien de plus beau que combattrepour la liberté,la vérité et la démocratie.

Ernr,q.. - C'est son combat.

HoNon. - C'est Son combat.

Enama. * Je peux te demander... ? Est-ce que nouspouvons prier ? Est-ce que nous pouvons prier pourque mon gamin soit sain et sauf ? Est-ce que nouspouvons prier pour que mon gamin ait réchappéà cette bombe et qu'il puisse continuer le combatpour la liberté, la vérité et la démocratie ?

FIoNon. - Et je dis : < Avec joie. >>

145

Page 67: War and Breakfast

Euve. - Et je dis : < Merci. C,est ce que je faischaque fois que... >

HoNon. - C'est ce qu'il attendrait de vous.

Euua. - C'est ce qu'Il attendrait.

Holon. - Et je prends la bible sur la tabte à côtédu lit.

Eirave. - Tu es si beau quand tu prends la bible surla table à côté du lir.

HoNon. * Et quand nous nous agenouillons Il nousregarde, et Il nous entend.

Eunaa. - Quand nous prions pour mon gamin Ilnous entend.

HoNroR etEwe. - ô Seigneur, Tu as choisi notreteme pour qu'elle soit la terre de la liberté et de ladémocratie. Et nous T'en remercions. ô Seigneur,Tu as infligé à notre ennemi le fléau de la tyrannieet de la pauvreté et notre ennemi s,est mis à enviernotre bonne fortune bénie. Et notre ennemi a attaquénotre pays béni. Et maintenant nous lui apportonsla liberté et la démocratie, tout comme nou, oppor_tons la liberté et la démocratie au monde entier. Ah,bien lourd est notre fardeau, mais nous le portonsavec fierté. Car telle est Th volonté. Nous sommesle peuple libre. Nous sommes le peuple élu. Noustirons gloire de Ta lumière et n,aspiions qu'à êtreauprès de Toi dans Ton royaume céleste. Àletuiu.Alléluia. Alléluia.

146

HoNon. - Vous avezbu de l'alcool ?

Etuun. - Tu vois la bouteille tout comme Lui a vula bouteille.

HoNon. * C'est votre bouteille ?

Euua. - Je me suis laissé tenter... un minibar.C'était pour m'éprouver. J'ai failli.

HoNon. - Oh, ma sæur.

Euun. * Rien qu'une toute petite goutte. J'ai eupeur. J'ai failli. Tu me pardonnes ?

HoNon. - Ce n'est pas à moi de pardonner.

Etvrlre. - Je vais me rincer la bouche.

Hoxon. - Ma mère a été emportée par la boisson.Elle s'est mise à boire quand la production a ralentià la conserverie. Le temps qu'à l'usine les affairesreprennent, elle s'était trop enfoncée dans I'alcoolpour pouvoir jamais retravailler.

Enarraa. - Je ne veux plus y toucher.

HoNon. - Elle ramenâit des hommes à la maison.Elle avait des rapports sexuels avec eux. Ils prenaientbeaucoup de drogue. J'étais tout gamin. J'avais telle-ment peur. Je vais m'en aller là.

Evua. - Non non. Vois. Et je verse l'alcool dans lelavabo etje crie < arrière arrière arrière >>.

147

Page 68: War and Breakfast

HoNon. - Il a vu ma peur. Et Il m'a appelé. Il m,aparlé comme ma mère ne l,avait jamais fait.

Enal,re. - Moi Il m'a appelée plus tard. Mon corps estsouillé, pour avoir connu beaucoup d,hommes. J,aipassé des années d'une vie remplie d,alcool et dedrogue et de relations vides. Mon garçon est parti.On ne se parle plus depuis trois ans. << Tu n'es plusrien pour moi >>, qu'il m'avait dit. J,étais dans lecaniveau, mais Il a fini par m'appeler.

HoNon. - Veut-Il que nous soyons là ce soir ?

Eulra. - Je ne sais pas. Je le Lui ai demandé tantde fois.

HoNon. - Mais Il ne répond pas.

Elrua. - Il ne répond pas.

HoNon. - Je vous regarde. À votre box. prendre lesappels. Compter les heures toute la journée.

Etrua. - Je t'ai regardé. Je t'ai guigné par_dessusmon box.

HoNon. - Et au culte, je vous vois arriver. Je voisvotre soif de la Parole.

Evlre. - Je te vois. Le service divin. Il y a tellementde familles. Et tu as I'air si seul.

Hoxon. - Merci d'avoir accepté d'être là.

Enrua. - Je ne sais pas si j 'ai bien fait.

HoNon. - Je ne sais pas. Quand personne ne vousguide.

Err,run. - Je suis désolée d'être si vieille.

HoNon. - Vous n'avez pas l'air vieille pour moi.

Ervrna.. - Tu peux être franc.

HoNon. - Vous avez l' air vieille pour moi. . . mais jevous désire toujours.

Envn. - Oh.

HoNon. - Oui, j 'ai un très grand désir de vous.

ENaN,r,c. - J'imagine que ça doit être mal, non ?

HoNon. - Oui, sans doute.

Enu,q.. - C'est mon gamin. Ô Seigneur. Ô S.ign"ut.C'est le visage de mon garçon à la télé. Et je m'age-nouille devant l'écran et je les entends me dire :< Votre fils a été tué. Votre beau p'tit gars, fort etcourageux, qui apportait la liberté et la démocratieà un pays où il n'y avait pas de liberté et pas dedémocratie, a été emporté dans une explosion. Iln'a pas déclaré de proche parent, 'Je me suffisconlme père et mère", disait-il. > Il est mort. Il estmort. Mon gamin est mort.

HoNon. - Je suis profondément navré.

t48 149

Page 69: War and Breakfast

Enalre. - eu,il me faille I,apprendre ainsi dans cetteminuscule chambre de motel avec son énorme télé,et I'alcool et le sang et le dentifrice dans ma bouche,et un garçon devant quij'ai papilloté et ondulé deshanches quand nous travaillons au centre d,appels.Ce garçon que j,ai convenu de retrouver pour f.aireune chose que nous n'osons pas nommer. Ce n,estpas comme ça que je veux que ce soit.

,

HoNon. - Je mourchacun de nous, ;t':lff""ïJffiï:J,î:'î; t"J,imoment.

Etrue. - Il faudrait des larmes là. Fais_moi venirdes larmes.

HoruoR. - Cela me rend encore plus résolu à mevouer à ma cause.

Euua. - J'ai envie d'alcool. J,ai envie de drogue.J'ai envie de plaisir. Si seulement tout fa pouvaitmaintenant me remplir.

HoNon. - Il vous regarde. Il veille sur vous.

Euna. - J'ai été creusée en dedans.

Hoxon. - Il vous interdit l,alcool et la drogue et leplaisir sexuel.

Euua. - MON GAMIN EST MORT !AAARRGH !MON GAMIN EST MORT !

ljoxon. - Notre nation est fière.

liruue. - MON GAMIN I

Hoxon. - Un héros. Il est auprès du Roi.Il est à Sadroi te.

Evne. - J'ÉTAIS SA MÈRE. J'érais son honiblehorrible mère.

l{oNon. - Mais bien plus que cela, il était le hérosde notre nation, le héros de notre président, le hérosde notre Dieu.

Enatre. - Des larmes. Des larmes. Des larmes.

HoNon. - Et maintenant les L*", sonr venuesct elle, cette femme vieillie, elle tombe à terre etpendant des heures elle remplit la chambre de sessanglots et la télé remplit la chambre et nous vendde la bière et des assurances maladie. Et je prie ensi lence.

Silence.

Enatra. - Merci pour tes prières.

FIoxon. - Merci de m,avoir permis d,être là. Il m,aparlé.

l'inlrn. - Ah oui ?

lloNon. - Il m'a dit que j'ai bien fait d'être là.

150151

Page 70: War and Breakfast

Eunra. - Tant mieux.

HoNon. - Ce moment est une terrible épreuve pourVOUS.

Enaua. - Et pour le monde. Le bien contre le mal.

HoNon. - Nous finirons par gagner. Il est avec nous.Bien sûr.

Elrnaa. - Je vais aller me coucher sur le lit. Je suistrès fatiguée. Je vais aller me coucher et...

HoNon. - Vous aimeriez que je vous fasse lalecture ? Je connais un passage que j'aimerais vousfaire partager.

Eutra. - Oui. Non. J'aimerais que tu te couchesprès de moi.

HoNon. - Et je me couche près de vous.

Frraua. - Il voit le garçon se coucher près de lafemme vieillie.

-{o1on. - Il voit le jeune homme se coucher près

de la femme vieillie. Et Il connaît ce qui est dansmon cæur.

lrvrnrn. - Et je suis réconfortée. Et le jeu télévisérlcvient une émission comique et la chambre estlcrnplie de rires.

l{owon. - Nous sommes élus pour ôtre auprès del.ui au Paradis où nous vivrons dans les siècles dess iècles.

livu,q. - Nous sommes élus pour être auprès del.ui au Paradis où nous vivrons dans les siècles dessiècles.

Ilrxon. Pourquoi travaillez-vous au centretl'appels ?

livHan. - Pour l'assurance maladie. J'ai du diabète.llt toi ?

l{oNon. - Aussi pour les soins médicaux. J'ai desrr ntécédents dépressifs.

l in, l i ran. - Oh. j 'en suis désolée

HoNon. - Ainsi, nous sofirmes tous deux des petitslnges aux ailes cassées ?

llnrma. - Comme il ressemble à mon fils !

FIoNon. - Et maintenant je remonte ma main surson corps et je glisse la main dans son corsage et

.jc caresse sa poitrine. Ça vous ennuie que je fasseca1

lluve. - Il voit cette main bouger sur ma poitrine.

Enrvn. - Et le bras du garçon bouge sur la femmevieillie.

HoNon.- Bouge sur la femme vieillie.

152 r53

Page 71: War and Breakfast

HoNoR. _ Ça vous ennuie que je fasse ça ,/

Erraue. _ Je ne r*"r" o"t.ifii"it"

pas que ce soit vraiment la

iilï.; 1""îi::-t"s" ' Et mon esprir esr prcinqui s'ouvre u *,'"o*t

qui se courbe et se iord'

et j 'essaie 6'"n1o11,-"t- m'engloutit' et m'apporte...

au fond, là où II urr ces images bien au fÀnd, tout

Et j'essaie a" urnil lllt nut voir' Mais.Il voit ça.

I : : *' " -";ïilii X'; ;,:{T : i: jî:"*.U t*:toujours son corps réapparaît oanr;;; esprir.

Eunra. _ Ce serait si.facile de me donner à lui main_tenant. Si facile et si mal.

ï:::l - De simplem€nt prendre son corps et temlen et de les pousser l,un contrel,;;;

Etrua. - Nous sommes tous les deux si faibles.

HoNon. * Si j,avais ule bombe maintenant, je nousarracherais I'un à l,aurre ; i;-i;'r# exploserplutôt que de laisser le moindre Orirr. sexueladvenir . C'est ce qu,I l voudra.r . ' - - r 'q,ol

Eunaa. _ Je sens le r

ili,j;" ïJ,ï; l,""ffil.ï,:, ii;,ll*iJii;

,iiiîl;;"tî,îiïsions de rin de soirée. Les imagesu n pré di care,.

", ;;;' :ii:i:.., j;,i::l' par trou ver

Elatra. - Mon estomac s,est vidé. Je frotte mesdents et mes gencives de dentifrice. - -

Horuon. - Vous ne voulez pas regarder ce servicedivin ? Ce type est bon.

Eulaa. - Combien de temps encore ?

Holron. - Hein ?

Enaue. * Combien de temps encore avant lesderniers jours où Il remplira cè monde de lumière etlèra monter les bons au Ciel pou. qu,il, demeurentauprès de Lui ?

HoNon. - De notre vivant.

Etrue. - Tu es jeune. Je suis vieille.

HoNon. - Très bientôt. plus que quelques annéescncore. Vous détestez cetteTerre ?

Enatre. - C'est Sa création. Elle est belle. Maisquand même...

HoNoR. - Ce n'est pas la gloire éclatante.

Iinaua. - Ce n'est pas la gloire éclatante. Regardemon gamin.

HoNoR. - Ma mère n,a pas été sauvée.

El,rnae. - Je suis désolée.

tu

155

Page 72: War and Breakfast

HoNon. - C'était une pécheresse. Si on refuse d'être

sauvé.. .

Euiue. - Tu vas rester ici cette nuit ?

HoNon. - Je ne peux pas. Il y a ftop de tentation

ici.

Eulre. - Je comprends.

Hottot. - Votre corps est plein de. . . J'aimerais qu'il

soit plus couvert.

Err,rue. * J'aimerais que toute chose en ce monde

soit emportée, de sorte qu'il n'y ait plus aucune

tentation.

Houon. - Tant que nous resterons forts.

Err,rve.. - Nous y parviendrons. Je veux tellement

être auprès de Lui.

HoNon. - Moi aussi.

Euua. - Et le garçon s'en va et je caresse ma

poitrine juste une fois avant de me coucher et je

dors la télé allumée si bien qu'un film en fin de

soirée devient mes rêves.

HoNon. - Tu m'as mis à l'épreuve.

Err,rrrln. - Tu m'as mise à l'épreuve.

Hoxon. - Et j'ai repoussé la tentation.

linrrr,ra. - Je ne me suis pas laissé tenter.

IloNon. - Et chaque jour nous apportons la liberté

ct la démocratie en ce monde.

l.lrlur.rn. - Et le Royaume des Cieux est tellement,

tcllement proche.

156

Page 73: War and Breakfast
Page 74: War and Breakfast

I lalelt, Soldat femme, Soldat homme.

llamy. - Vous vous êtes levés tôt. Je me lève pas sitôt d'habitude. C'est très tôt pour moi.

SolnAT FEMME. - Madame Morrison _

I Inley. - C'est vrai * je dois être une grosse pares_scuse. Oui. Une grosse grosse paresseuse. Maisrx)n"

Soloar FEMME. - Madame Morrison _

ll,rr.By. - Ils appellent ça dépression nerveuse. Maisjc sais pas. Dépression nerveuse ? Si ça peut lesIitssurer.

Sor-D.AT HoMME. - Madame Morrison _

ll,rlev. - Grosse flemmardise, voilà comment j,ap-pcllerais ça moi. Grosse flemmardise.

S()t.DAT HoMME. * Madame Morrison _

li,tr.ev. - Voilà ce que je suis. Une grosse grossel lcrmmasse.

t6t

Page 75: War and Breakfast

Soroar HoMME. - Madame Morrison _

Har-sy. - Je suis une putain de grosse flemmasseet y m'faudrait un connard qui me foute des coupsde pied au cul et qui me dise : << Bouge ton cul vachercher du taf parce qu'y en a du tif pour ceuxqui se donnent la peine de chercher. ,, Voilà ce qu,ym'faudrait.

Soloer FEMME. - Madame Morrison _

HeI-ey. - Je suis une grosse conne. y a les vraistravailleurs et y a les grosses connes de flemmasses.Et moi je suis une grosse conne.

Solner FEMME. - Madame Morrison _

Her-ny. - Ça vous dérange les gros mots ? Commevous êtes soldats, je me disais... À l,armée, on dit<< conne > ou << connard >> à tout bout de champ,non ? Quand Darren revenait, il anêtait pas... Çavous dérange ? Connard connard connarci connardconnard connard connard connard connard.

Sor-lAr HoMME. - Madame Morrison _

Herpy. - Une clope ? Allez_y.Je dirai rien.

Sor-pAT HoMME. - J'arrête.

HerBy. - Bon p'tit gars. Votre mère doit être fTèrede vous. Moi aussi.(Elle s'allume une cigarette. En offre une au Soldatfemme.)

162

( )ui ? C'est mieux qu'une mine, ma cocotte.(l,e Soldat femme prend la cigarette. Haley l'al-lume.)Vrilà. Quelques minutes de moins sur cette terre,hein ? C'est pas plus mal.

Soloer HoMME. * Madame Morrison -

Hnr-sy. - Vous allez nous lâcher ? Qu'on profite denotre petit moment de cancer, là.

Sor-oAT HoMME. - Madame Morrison -

Helry. - Je parie que vous avez uneVous avez déjà vu sa bite ? Je pariepetite bite.

Solnnr HoMME. - Madame Morrison -

He,r.sy. - Parie qu'on la sentirait mêmehein ?

Soln,qr HoMME. - Madame Morrison -

[-Inr-By. - Oups, désolée, vous êtes ensemblegenre... ? (Elle mime l'acte sexuel.) Désolée.

Soronr HoMME. - Madame Morrison -

l{nmy. - Vous voulez petit-déjeuner ? J'ai peut-êtredes petits pains. Moi je mange pas beaucoup. Lesrnédocs qu'ils me filent ça me, hein...

SoloAr FEMME. - Madame Morrison -

petite bite.qu'il a une

pas rentrer,

163

Page 76: War and Breakfast

Helny. - Ça te ferait pas de mal de sauter quelquespetits-déj

"

grosse pétasse.

Sor-oAr FEMME. - Madame Morrison -

Hemy. - Vous pouvez me filer des coups de lattesi vous voulez. Insulter l'armée. Ça doit valoir descoups de latte. Allez. Qui commence ? Bon quoi ?C'est lui qui me fout par terre et puis après la vraieraclée c'est vous, hein ? C'est ça ? Bien sûr quec'est ça. Ça peut être que ça. Les mecs donnent descoups plus méchants mais ils ont des lois. Alors queles nanas - pas de lois, hein ? Carrément pas de lois.Ça fait des années que je me suis pas bagarrée maisles nanas c'était toujours les plus salopes. Allez.Vous me foutez par terre à coups de latte et aprèselle peut faire le sale boulot. M'arracher un néné.Allez tous les deux. Je I'ai mérité. C'est ce que jemérite. Allez. Non ? Pauv'mauviette.

Solner FEMME. - Madame Morrison -

Har-ny. - Je vais vous chercher un petit pain.Vous voulez quelque chose dans votre petit pain ?Bacon ? Saucisse ?

Soloer F'EMME. - Madame Morrison -

Helsy. - Saucisse, bacon, omelette ?

Soloer FEMME. - Madame Morrison -

Helsy. - Qu'est-ce que ça sera ? Qu'est-ce quevous voulez dans votre petit pain ?

SoloAr HoMME. - Madame Morrison -

Hnlsv. - Bonje fais un peu de chaque et vous choi-

sirez plus tard. Regardez le programme du matin

pendant que je - là qui c'est qui veut appuyer sur

les boutons ? - cherchez le programme du matin

pendant que je -

SoLnAT HoMME. - Non.

He.lrv. - J'en ai pour une seconde'

Solnnr HoMME. - Non.

HelBv. - C'est pas compliqué. Vraiment. J'ai un

micro-ondes.

SolnAT HoMME. * Non.

Ha.lnv. - Non ? C'est chez moi ici, c'est ma maison,

.j'ai travaillé pendant ffente ans alors allez pas me

clire allez pas me dire. Vous I'occupez pas ma

rnaison, d'accord, alors allez pas me dire -

Soloer FEMME. - Madame Morrison -

I-la,mv. - Là-bas vous pouvez entrer comme vous

voulez dans n'importe quelle maison et torturer à

rnort le connard d'enturbanné qui y vit mais ici'

vous êtes pas là-bas, vous êtes ici et tant que vous

ôtes ici j ' ai des droits et c'est ma maison alors allez

pas me dire.

Soloal FEMME. - Madame Morrison -

1U 165

Page 77: War and Breakfast

Helny. - euel âge vous avez ? euel âge ?

Solner FEMME. - Ça ne... Vingt ans.

Hnley. - Et vous ?

Sornnr HoMME. - Trente.

HALny, se désignanf. _ euarante_trois. C,est vieux.Ils devraient pas vous faire faire ce boulot. Desgamins.

Sor-oer HoMME. - Madame Morrison _

Harey. - Vous êtes pas obligés de... Mission ac_complie. Allez vous payer un café en ville. Vousêtes pas obligés de... On peut faire comme si vousl'aviez fait. Je dirai rien.

Soloar HoMME. - Madame Morrison _

Hemy. - Quoi encore ? Starbucks ? Allez_ ousre.

Solnar FEMME. - Madame Morrison _

Herny. - Vous restez là-bas une demi_heure, vousregardez les gens passer, vous parlez de ce quevous avez vu hier à latélé et vous rcnftezpour dire<< mission accomplie >.

Soronr FEMME. - Madame Morrison _

Hersy. * Mais faites-moi plaisir, hein ? Allez pasdire que je l'ai bien pris. J'ai jamais bien pris les

choses. Dites : elle I'a super mal pris. Non, ditespas ça - dites elle, elle... je sais ! . .. I 'a digéré, diteselle a tout laissé sortir, elle a pleuré et on a parlé detous les moments merveilleux qu'elle a passés avecDarren. Dites : elle a sorti des photos d'école et desphotos de vacances, elle nous a montré sa chambreen haut - elle en prenait bien soin - et oui bien sûril y a eu des larmes, bien sûr, mais quand mêmeelle a écouté et montré qu'elle saisissait. Il n'y apas eu de déni. Ils détestent ça, quand on est dansle déni. Alors - pas de putain de déni. Elle l'a prisni trop bien ni trop mal sinon ils vont augmenter lesmédocs et déjà que ça me rend mongolo, je veuxpas de ça. Dites : elle l'a pris à peu près bien. Vouspouvez faire ça ?

Sor-oer FEMME. - Madame Morrison -

HeLey, au Soldat homme. - Je suis sûre que vouspouvez faire ça.

Sor-oAr FEMME. - Madame Morrison -

HeLrv, au Soldat homme. - Mais elle je suis passi sûre. Elle m'a l'air un peu gourde. J'ai tort ? Unpeu gourde.

SoLoAr HoMME. - Madame Morrison *

HaLny, au Soldat femme. - Comme ça qu'on vousappelle, << gourdasse >> ? M'étonnerait pas. Gour-dasse. Gourdasse. Gourdasse.

Soloer HoMME. - Madame Morrison -

166167

Page 78: War and Breakfast

Haley. - Non, vraiment, merci. Ça va. Vous aveuété... Je vais me faire un petit pain à l,omelette etregarder le programme du matin.

SorlAT HoMME. - Madame Morrison _

T:t - Vous êres pas assis sur le machin de larélé ?

SoLtAr HoMME. _ Madame Morrison _

Hemy. - Lequel <Ie vous deux qu,est assis sur lemachin de la télé ?

Soloer HoMME. _ Madame Morrison _

Hemy. - Me faites pas tourner en bourrique. Venirme. pourrir la journée comrne ça. Je me fais despetits pains devant la télé,up.O,1" .*rr'_,u"t"t.t.un petit truc pour le dîner et *on toto _ super

trfJ-'Ji: ;i iiiiiïï; lltit ; ;tiîïJ:,ïi: i*mes journées alors venez pas venez pas...

Sor-oer FRMME. _ Madame Morrison _

ïir::..- Qui c'esr qu'a ma zapefie? y a un de vousqu'a ma zapette ? Hein ? Hein ? Allez.parce quequand j'aurai trouvé qui c,est, je uai. t.rirentrer lesdents jusqu'au fond à" h gorg". arr.r,'àu"d" O.cons. Allez, bande de cons. Je vous uu.ui. J" uor*aurai_putain. eui c'est qui passe en prenrier ? Outous les deux, hein ? Je vous prends iour^i", o"r*d'un coup ?

',{ rr r)Al FEMME. * Madame Morrison _

ll rrrv. - Tu I'auras voulu salope, je t'aurai pré_\ ( 'n l tL) *

I llt' rrt pour la frapper, mais le Soklat homme la

5( )t r)Nl'HoMME. - Madame Morrison _

l l r r . r ,y. - Tu vas me dire ce que tu penses de ce|() inr, gourdasse.

'ri )t r)Al HoMME. _ Madame Morrison _

| | rr r,v. - Tu te crois balèze mais moi je suis balèzer otilntc * ai'e !1l t' Soldat homme lui a tordu le bras clerrière le' l r t . t . )l ' r r rrrc fâis mal.

5l1 1y41- HoMME. - Je vous retiens.

ll rr r,y. * Ça fait mal, mon chou. Me fais pas mal.Norr. l,e docteur m,a dit : < Allez_y mollo. >> << Allez_r ' rnol lo >>, i l m'a di t , et i l m,a f i lé les médocs.

5ot trAt'FEMME. - Madame MOrriSon _

l l v t,y. - Il est baraqué hein ? J'aime bien lesIrorrrrn<:s baraqués. J,ai toujours eu un faible pourlr'.. lrommes baraqués. Mon mari aussi était ba_r;rt;rrri. Il avait le cæur faible mais il était baraqué.l r r r r rc fâ is mal.

t69

168

Page 79: War and Breakfast

Solo,qr FEMME. - Madame Morrison _

Helny. - Dis-lui d'arrêter de me faire mal. J,ai desdroits.

Sor-pAr FEMME. - Madame Morrison _

Helny. - J'ai des droits. Je sais ce que vous faites.Je sais que vous les trimballez enchaînés et quevous leur chiez dessus. Mais pas ici. Ici ça se faitpas.

Sor-oar FEMME. - Madame Morrison _

Halsy. * Ici on est des êtres humains. Vous êtes desêtres humains ? Eh ben je crois que non. Je croisque vous l 'êtes pas.

Solnar FEMME. - Madame Morrison _

Har.ey. - DES ANIMAUX.(EIle se libère et saute partout enfaisant te singe.)Ou ou ou ou ou ou ou ou ou ou ou ou ou ou.

Soloer HoMME. - Madame Morrison _(Haley se met à quatre pattes. Elle aboie à n,enplus finir.)Madame Morrison -(Haley hurle à la lune.)Madame Morrison -(Itraley retrousse les lèvres et gronde dans sa direc_tion.Le Soldat homme s'accroupit et la regarde droitdans les yeux.)

170

Madame Morrison, il est de mon triste devoir devous informer que votre fils Darren Morrison aété -

Haley. - Non !

Elle lui mord le nez. Il se recule d'un bond.

SoLoAr HoMME. - Oh putain. Oh putain la conne.

Il veut donner un coup de pied à Haley. Le Sotdat.lemme le retient.

Sor-nAr FEMME. - Hé non non NON !

Soltnr HoMME. - Espèce de tarée.(Haley grogne.)Vous êtes complètement tarée.(Haley grogne.)Vous vous êtes regardée ? J'ai jamais vu ça. < C'étaitpour son pays. C'est ce qu'il aurait voulu. J'auraisaimé que sa mamie puisse assister aux obsèques. >>Voilà ce que vous êtes censée... pas... c'est pas desmédocs que je vous donnerais moi. Moi je vouscnverrais direct à I'asile.

Solter FEMME. - C'est bon.

l{aley jappe.

SoLnAr HoMME. - Direct à l'asile et je vous char-cuterais dans le crâne jusqu'à ce que vous vousconduisiez normalement. Faut se conduire norma-lement putain !

171

Page 80: War and Breakfast

Soloer FEMME. - Tu saignes.

Sornar HoMME. - Évidemment que j" _ À Haley.)Si t'es infectée toi je t,aurai.

Solonr FEN4ME. - Tiens.

EIle lui tend un linge pour éponger le sang.

SoLnAr HoMME. - Ooooouh.

Soloar FEMME. - Madame Morrison il est de notretriste devoir de vous informer que votre fils DarrenMorrison -

Sorner FEMME. - C'est une obligation.

Halcy. - Le règlement hein.

Solner HoMME, saignanî roujours.- putain de merde.

Halny. - Désolée, je...

Soloar HoMME. - ...

Her-py. - Non sincèrement, c,est vrai, désolée, pasvotre faute c'est votre boulot. Je sais ça. Moi aussi

Har-sy. - C'est juste les mots, je veuxdisiez les mots.

Soloar FEMME. - Il le faut.

Hemy. - Pourquoi ?

pas que vous

172

j'avais un boulot. La mise en conserve. C'était mer-rlique mais bon... Ça, on puait toutes le jambon.

Quand on avait envie de baiser, on avait la peaut;ui sentait le jambon et les mecs faisaient : << T'esune pétasse de la conserverie. >> Y en a qui s'en fou-taient. Et y en a qui faisaient la fine bouche. Maison arrivait toujours à s'en ramasser un, quand onlttendait l'heure où ils se faisaient virer des rades.( Au Soldat homme.) Un bisou magique ?

Soloar HoMME. - Dégage.

llnmy. * Allez, je suis une maman, je sais com-Inent -

SoloAr HoMME. - Oh putain.

llnr-By. - Fais-moi voir. Voilà, voilà. Pauvre p'titgars blessé. Qu'est-ce qu'ils t'ont fait, hein ? (Au,\ o ldat femme.) De l' ea:u.

Sor-o,,rr FEMME. - On n'est vraiment pas obligés de -

l{alBy. - Cuvette d'eau, Mercryl, sparadrap. DESUITE.(Le Soldatfemme sort.)Regarde ce qu'ils t'ont fait. Regarde ce qu'ils ontl'uit à mon beau p'tit gars.

Soln,qr HoMME. - Madame Morrison -

I Inley. - Ils t'ont abîmé ta jolie frimousse ?

Srllner HoMME. - Madame Morrison -

173

Page 81: War and Breakfast

Halny. * Chhhhut chhhhut chuuuut chuuuut. llssont jaloux de toi parce que t'es si mignon. C'cstça. Jaloux et ils te détestent. Ils nous détestent,Parce qu'on a la belle vie. Elle est belle la vie qu'orrmène. On a une belle rnaison, hein ? Tu as une be llrchambre. J'ai laissé tes posters aux murs. Ils sup-portent rien de notre façon de vivre, alors ils poscnldes bombes et ils tirent dans le tas et ils -(Le Soldatfemme entre avec un bol d'eau, u,n gilttt,clu Mercryl, du coton, du sparadrap, une serviettc,le tout sur un plateau.)Voilà. On va guérir tout ça. On va bien guérir toutça. D'accord ?(Elle lave sa blessure avec Ie gant qu,elle umouillé.)On nettoie bien. Toutpeu.(Elle met du Mercryl.)Grand garçon.

là. Ça va piquer urr

(Elle met du sparadrap. Le Sotdat.femme sort av(!(le plateau.)Et c'est fini la bagarre hein ? D'accord ? promis 'lTu as fait ta part de boulot et c'était bien mais main_tenant c'est fini la bagarre, hein ? Reste un peu à lamaison. Il y a un nouveau quiz à latélé. Ça va tcplaire. Tu restes à la maison pour regarder ça avccmoi. Ou alors tu vas te murger avec tes copains ctaprès tu nous ramènes un curry, on peut partagcr,d'accorcl ? Et un bon petit-déjeuner pour te remettrcde tout ce que t'as bu. Ça,çava te plaire. Moi ça virme plaire. Bienvenue chez toi.

Le Soldat femme revient.

',i ,r tr'\r rroMME,. - Madame Morrison, il est de monr! r'.t(' (lcvoir de vous informer que votre fils Darren

'r , rt' lué au combat. Darren était un membre aimé, I rfspccté de son régiment et il est mort commerl ,r vi'cu, en combattant vaillamment pour unerrr rlrlr'clluS€. Son commandant vous envoie ses plus

ril{ ('tcs condoléances et compatit à votre chagrin.I , . t'll'ct.s personnels de Darren vous seront expé-rlrr'. sor.rS peu. Son cercueil portera le drapeau dur. r,rnt'nt, si tel est votre souhait. Notre pays, notrer. ur('. la liberté et la démocratie seront toujoursr, , l t 'vrrbles à Darren de son sacr i f ice.

f l r r r r . . . . c 'étai t ça les mots ?

r , ' , r r ) \ l l IOMME. - Oui .

l l i r r r . ' . Pas aussi terr ible que ce que j ' imaginais.

\ , ,r r,, lcs avez bien dits. Non franchement. Franche-rrr, rrt. l iri lnchement. Franchement. Bien dits.

' r " r t r \ t i l ( )MME. - Merci .

l l ir r r . - Bon - vous avez I'entraînement. Vous enl . r r t t " , t 'ombien ?

',,,r r).\t [[]MME. - Il y a une aide psychologique

l r l r \ l l ( ' .

l l r r r r Genre en un jour ? C'est quoi le record ?

' . ' , r r , \ t t , l IMME. - À domici le. Ou dans un centre. Our l r ' . t ' lot lPeS.

175

Page 82: War and Breakfast

Hnmy. - Les groupes, c'est pas mon truc.

Sor-oar FEMME. - Un visiteur à domicile ?

Harey. - J'aime pas avoir des gens à la maison,Ça gâche la journée. Vous vàyez qui d,autreaujourd'hui ? Laisse_le faire le speech ille fait vrai.ment. . . c 'est vrai .

Sor-oer FEMME. - Ça va aller ?

Heley. - Bien sûr que oui. Tu as cles gamins ?

Soloar FEMME. - Non.

Harey. - Bon. Tu as le temps. Tu es jeune.

SoLoAT FEMME. - J'en veux pas.

tel.ev. - Vouloir ? Ça a rien à voir avec la volonté.

Un jour, c'est ton corps qui va réclamer.

Soloer FEN{ME. - Oh non.

SoLoAr HoMME. - Il faut qu'on y aille.

Hersy. - Toutes les femmes sont des mères.

SoroRr FEMME. - Non.

Hnrpy. * Mère. Une bénédiction et une malédic_tion. Une bénédiction et une malédiction. Mais ilf"audra que tu -

176

S( )r .t)AT FEMME. - Non, jamais j'en aurai, j'en aurai1;rnuris. J'en ai trop vu pour - mettre un gamin aurrrorrde dans ce monde, jamais.

Sr r l . t)AT HoMME. - Al lez.

I l , r r r ,v. - Bien sûr que si .

5or .o,AT FEMME. - Non. Le monde se termine avecrrroi. Pas d'enfant. Je brise le cycle. C'est trop.

| | rr ,riy. - Pourquoi tu te bats alors ?

Sor .nAT FEMME. - Je sais pas... rien.

I l,rr ry. - Fais un gamin ma cocotte. Allez. Trouve-lor un homme. Pas besoin qu'il reste longtemps.lirris un gamin. D'abord à l' intérieur de toi. puis qui,,oll : << Maman, maman. >>

Sor,uAT FEMME. - Non.

ll,rnry. - Je m'occuperai de toi. Je le garderai. Jelcliri la nounou. Je t'aiderai, ie -

S,|,u,.\r FEMME. - Non non jamais de la vie dégage,.orcière sorcière -

Sot.uAT HoMME. - Hé hé -

Sor.r>,\r FEMME. - Je suis pas mère. Je serai jamaisnrt'r'c. Veux pas - juste me battre pour mon pays etr ' t 's l -

177

Page 83: War and Breakfast

Hnr-By. - << Maman ! ,,

Solnnr FEMME. - DÉGAGE.

Soloer Hovve. - Hé.

Hercy. - Bon. La zapette. On la pose quelque partet puis... Je passe la moitié de mon temps à cher-cher cette putain de zapette . Je pourrai s aller j usqu' àla télé, mais je bloque dans ma tête, << j,avais lazapette, faut que je trouve la zapette >>, c,est vrai-ment con hein ? Mais ça c'est tout moi hein ? Tropconne. Vous y retournez ?

Solonr FEMME. - Oui.

Her-ey. - Bonne chance. Tu es une chouette nana.T'as quoi ? Un petit ami ? Une petite amie ?

Solner FEMME. - Si on peut faire quelque chose...

Helpy. -Ah I(Elle a retrouvé la télécommande.)Elle est jamais loin. Quelquefois juste sous son nez- faut être patient. Bon - dégagez tous les deux.

Soloer FEMME. - On peut vous préparer le petit-déjeuner.

Hnley. - Oh non. Non merci.

Sor-per FEMME. - Ça nous dérange pas.

178

I l,\r,riy. - Je suis pas du genre petit-déj'. Plutôt m'enprr l lcr une.

5,r .unr FEMME. - Peut-être que manger -

I l,rr.r,v. - Je * ne - veux - pas - man * ger.

\oL| rAT FEMME. - Bon.

l ltrlt '.v ullume la télé sur un programme du marin.

f l,,rrr,v. - Çui-là c'est mon préféré parce qu'il serrrt't toujours minable la veille, et après, quand il

prtrscnte il fait que des bourdes. J'aime bien quandrls nrontrent le bêtisier. C'est le truc que je préfère.t|rr iour, il a fait tellement de bourdes qu'ils ontrrrt'nacé de le virer. C'était dans le journal. Mais ils

',rrvrrient que les gens I'aimaient bien alors ils l 'ont

1t;rnlé. Il est pas mal, hein ? Moi s'il me deman-tl;rit .ie dirais pas non. Alors là non. Mais elle, c'estun(' grognasse. Elle est dans tous les magazines àrlrrc qu'elle aime son mari, mais il paraît qu'elle

;rrli'lc pas de baiser à droite à gauche. Elle aimel,rcrr les bites noires, il paraît. Je vois ce qu'on peut

It'rrr trouver mais quand même. C'est une hypo-, ritc. Quand ils montrent des trucs sur la guerre,

l(' zuppe parce que je veux pas savoir mais c'est

lr;rs s()uvent qu'ils passent la guerre parce que c'estIrrrr.jours un peu pareil hein. Une fois qu'un gamin

ir ('t 'L:vé, qu'est-ce qu'il reste à dire ? C'est sacs àlrrrrcle et compagnie et c'est chiant. Ils donnentrlt's iclées pour refaire sa chambre cette semaine, et

; 'rr i rnc bien le petit pédé qui fait ça. Je me dis que je

r':ris lcfàire ma chambre. Ça fait des années que j'y

\79

Page 84: War and Breakfast

ai rien fait. Mauve c,est joli avec un tapis en faussêfourrure et il y a des miroirs uu". 0", i"rtà, ururu,qui sont sympas. Ah _ il passe à S t +S _ super jel'ai pas loupé. Oh oui j,aime nien le petit pédé. Ime fait rire. Faut bien rire.

Le Soldat homme et le Soldat femme s,en vont,U:?, co.ntinue à regarder la ÉÈ. Eile reste impat.sible un long moment devant la tAU qrui iaîilk sansinterruption, puis l'émotion arrive enfin.Le Crépuscule des dieux

Traduit par

GtsÈm JoLy

Page 85: War and Breakfast

,\ttsan et Jane de part et d'autre d'un bureau. Jane

t^'(c un petit Pain et un caÏé.

Sr rsrrrç. - J'ai droit à un petit-déjeuner ?

l^NE. -Absolument.

Srrs,,rx. - On m'a dit que si je venais ici j 'avais droit

rr rrn petit-déjeuner.

|,rNu. - Oui, Susan, absolument, vous avez droit à

rrn petit-déjeuner.

SrrsrN. - J'ai mon petit-déjeuner maintenant ?

l,rNrr. - Non, Susan, vous avez votre petit-déjeuner

;r la fin. Vous serez sous surveillance médicale pen-

rlrurt que vous prendrez votre petit-déjeuner.

Srsnn. - J'ai très faim.

l , rNr. - D'accord.

SrsnN. - On n'a rien à manger dans notre zone.

I rNr. . - Je vois.

183

Page 86: War and Breakfast

SusaN. - Il n'y a rien... On - on ne reçoit rien àmanger, c'est vraiment -

JeNs. - Je resrette.

SusaN. - Alors je pense que tu dois mettre ça danston rapport.

JaNp. - Si vous voulez.

SuseN. - Oui je veux oui je veux oui _ tu écris ça,tu écris ça et tu le mets dans ton rapport : ma zonon'a rien à manger.

Jervn. - Merci Susan, je vais le faire.

Susew. - Fais-le maintenant.

JaNs. - Pardon ?

SuseN. - Montre-moi que tu le fais maintenant,Écris-le. Il n'y a rien à manger dans ma zone.

JeNn. - D'accord d'accord, si c,est ce que vou!{voulez, je vais. .. (Elle écrit.) Approvisionnementinsatisfaisant en -

SusaN. - Non non non, il y a rien à manger. Il y arien. Il y a famine. Il y a -

JINB. - Susan estime qu'il n,y a rien à manger enZone Huit.

SuseN. - Je le sais. Je n'- ie sais.

184

l , rNl . - C'est mis.

Srs,tN. - Tu dois leur faire savoir ce qui se passer ' l l

l.rrur'. - J'ai noté la situation alimentaire, ok ? La,,rtuation alimentaire a été notée.

SrrsnN. - Malnutrition. Famine. Gastro... On se faittous cmporter là. Mort dans la -

I rr'rr,. - Susan, j 'ai noté, j 'ai noté, j 'ai noté la situa-Irorr alimentaire. On peut passer à autre chose ?

SrrsnN. - Si tu veux.

l,rNri. - Absolument. Comment était le trajet en -

Sr15,111. - Je peux avoir un bout de ton petit pain ?

I rnr ' . - De mon ? Ah -

Sr rsnru. - Excuse-moi - c'est juste que j'ai pas... Çalrr i t r les semaines que.. .

I rrr,. * Bien sûr. Oui. Vous -

SrsnN. - Je ne veux pas mendier. Je ne veux pas êtrerrrrc mendiante comme ça. Avant, j'étais quelqu'unrl'rrnportant. J'enseignais à I'université. J'étaisrrslrcctée par mes étudiants. Je n'étais pas cettel;rrrrcntable - je ne suis pas cette lamentable * maisl ' r r i lc l lement -

r85

Page 87: War and Breakfast

Elle tente d'arracher le petit pain, mais Janel'éloigne hors de sa portée.

JnNs. - Susan - en fait j'aimerais autant pas, j,aime.rais autant que vous laissiez ce petit pain tranquille.Bon, je vous ai fait amener ici parce que j,ai besoinque vous m'aidiez. J'écris un rapport et j,ai besoinde votre aide.

Susau. - Ça me plaît pas d'être maigre. Ça me plaltpas d'avoir ces os qui ressortent là.

JeNn. - Susan.

SuseN. - Mais toi - c'est quoi qu,ils font rentrerdans ton camp ? C'est uniquement des provision$spéciales pour votre camp ? C'est ça ?

JeNB. - Non, c'est juste -

SuseN. - Regarde-toi, tu es grosse, tu es énorme,espèce de gros tas de - et pourtant et pourtant - çaballotte de - et t'es là avec un petit-déjeuner quctu-

JeNe. - On essaie de faire parvenir de la nourrituredans les zones.

Susalr. - Au vainqueur les dépouilles, aux vaincusla putain de putain de malnutrition, oui oui oui ?

JeNs. - Susan, Susan - on veut vous apporter àmanger, il y a à manger, on essaie de vous faireparvenir à manger par - il y a tout un monde dehors

186

tlri s'en préoccupe et qui veut que vous ayez àuriurger - c'est important. Vous croyez vraimentr;rrc Ie monde est si mauvais ?

SrrsnN.-Non.

l,rrru. * Bien, non, le monde est - mais les rebellesrrous empêchent de passer la nourriture, vousvoycz ? Nous on essaie, mais on se fait attaquerr't on * ça ne vient pas de nous. On fait de notrerrricux. Mais quand des forces destructrices existentiilr rnilieu des vôtres, alors -

1,\'rrsun lui arrache le petit pain et mord dedans.)l)onnez-moi ça. Donnez-moi ça. Donnez.

tl,.'lla arrache ce qui reste du petit pain et le reposetttt lc burectu. Susan s'étouffe.)Vtrtrs voyez ? Vous voyez ? Voilà ce qui arrive.Vrilà ce qui arrive. Vous voyez. Si seulement vous,t ( ) l ls *

1,\rr.sun s'étouffi.)I rr. Buvez une gorgée.

1,\rr,run se jette sur le café.)| )orrcement, doucement. Juste une petite gorgée, ou( (' scra pire. C'est ça, Susan. Vous vous en sorteztr r's bien. Vous vous en sortez bien. Je suis vraimentl rc r c de vous . C'est très important que vous - lente-rrrcrrt ok ? Il faut mastiquer très très lentement.

1,\' r t tu n mastique lentement.)( )n u reçu des rapports. Des gens restés trop long-t{'rrl)s sans manger, ils ont tout à coup à manger etr 't'sl la nourriture, la nourriture, la nourriture quiIt's luc, alors si vous pouviez simplement...

Srsnn. - Ok.

t87

Page 88: War and Breakfast

JeNn. - C'est vraiment pas bien gros comme abuËde pouv -

SuseN. - Tu dis : << Amenez-moi la pétasse maignfpour m'aider à écrire le rapport >>, et les soldnttamènent la pétasse maigre.

{eNn. - J'espère qu'ils ont été aimables. Ils ont bionfait comprendre que c,étaitvolontaire ?

fu-saN. - Enfin - je suis là et maintenant ru peuxfaire de moi ce que tu veux parce que le pouvoir ertentièrement de ton côté.

J,qNn. - Je veux vraiment tiavailler avec vous.

SusaN. - Je veux vraiment avoir encore du café.

JaNs. - Je veux simplement faire pour le mieux.

SusaN. - Laisse-moi prendre un peu de café.

JeNn. - C'est pour ça que je suis venue ici _ parceque je veux le meilleur pour votre pays.

Susex. - Je ne boirai pas toute la tasse.

JaNe. * J'ai vu à la télévision comment c,étaitavant : la violation des droits humains, et mai[,tenant la guerre, et je voulais simplement être iclpour faire ce qu'il faut.

SusaN. - Laisse-moi essayer deux petites gorgéo:- voir si ça passe. C'est pas du pain. C'est pas un€pomme.

t90

I rNr, . - Eh bien.. .

\ r r5,15 . - On fera très attention.

l rr.rri. - Eh bien, d'accord.

,\'rr,ttrn prend quelques petites gorgées de café.

Sr szrN. - Très bon. Bon café.

I rNr,. - Je pense que çâ suffit.

\r rsnN. -Très... Ça me rappelle la civilisation, avoirrrrrc civilisation, la vie normale, les jours heureux.

l rNr,. - Sauf que c'était pas vraiment... c'était past;urt une civi l isat ion.. .

SrrsrrN. - Non.

Irnr,. * Il n'y avait pas de démocratie. Pas delrlrt'rté. Pas de droits humains. Il y avait d'énormes;r l l t ' intes à -

5r '5,1p. - Je sais, mais quand même...

lrxr,. - Vous êtes en transition. Susan. vous êtesurrt' société en transition.

lirr5,1p. -Le café me manque.

I rNr'. - Tout va aller tellement mieux maintenant.

TtrsnN. - ' Iu crois ça ?

t9t

Page 89: War and Breakfast

'ir';AN. - Il fallait faire attention à ce qu'on disait,

rruris la noumiture - on pouvait manger jusqu'à en

il \ oir lc ventre gonflé. J'adorais ça.

I rr.rr . - Ça reviendra. Une fois que tout se sera

l r l "s( ' .

' irr,;i\N. - Mais là - une seule bouchée de

rrr ' t ' louffe.

I trr'. - Je sais que je suis privilégiée, Susan, je sais

rprl jc - toute ma vie j'ai eu beaucoup de chance'

' r r , ,AN. - Je ne te juge Pas.

lrr . rr . - D'accord.

rri, ' iAN. - Là tu es très bonne pour moi. J'apprécie'

I r r l r r is du bon boulot .

l r . r r ' . - Merci .

rrrr,,,\N. - Ta maison doit te manquer.

f lrr . Occupons-nous plutôt de ce rapport.

irr,, ;\N. - Chacun aimerait mieux être dans son pays'

1f i ' , v l l l i ?

lrnr.. Plus vite on s'y met, plus vite vous avez

r r 't rt' potit-déjeuner.

rrri,,.,\N. - Qui tu as laissé chez toi ? Mari ? Petit

gir tqr t l t ' l

pain etje

193

JeNe. - Dans vingt ans, vous mènerez le mondËsocial et économique et libre.

SusnN. - Je peux avoir encore du café ?

JeNe. - J'aimerais autant pas.

SuseN. - Je vois.

JaNn. - Juste le temps qu'on soit sûres que la- pas d'effets indésirables ?

SuseN. - Non.

Ja.NB. - Bon, tant mieux. Tant mieux. Bon, sim'aidez à écrire ce rapport, vous pourezensuite un petit-déjeuner surveillé. Une puréelement préparée, à manger sous surveillancecale. Pour qu'on ne risque pas de vous tuer.avons appris. On a fait des progrès. Surréhabituer les gens à la nourriture -

SuseN. - C'est pas moi ça, tu sais - cettedécharnée qui se jette sur la nourriture.

JeNe. - J'en suis sûre.

SuseN. - J'ai toujours été généreuse. J'manser. J'adorais cuisiner. Je cuisinais tout leend et puis j'invitais des amis de I'université etse régalait d'un énorme poisson et de tout un tâttplats, et on parlait -

Jane. - C'était sous l'ancien réeime ?

192

Page 90: War and Breakfast

J,qun. - Revenons plutôt à ce rapport. Commentétait votre trajet en car ?

SusnN. - Tu dois être une très bonne mère.

Jerss. - Susan - il faut qu'on avance sur ce rapportllà.

SuseN. - Si tu veux.

Jaus. - Comment était votre trajet en car ?

SusaN. - Pourquoi on fait ça ?

Jnue. - Susan.

Susaru. - À quoi ça sert ces questions ?

Jnxe.-Àquoiça-àquoi-

SusaN. - Oui, oui.

Ja,Ne. - Susan, je peux encore retarder votre petit.déjeuner si je ne vous trouve pas coopérative.

SuseN. - Excuse-moi, excuse-moi, je ne veux pûiêtre - non * il faut que je mange - mais s'il te plaît,je suis une femme intell - avant j'étais une femnrointelligente. J'ai un esprit qui pose des questionr,Je ne veux pas qu'il fasse ça, parfois je regrette..,J'ai tenu tête à mon père pour aller à l'universit6,Parfois je regrette de pas être plus... malléable,Mais j'ai toujours - pourquoi ? Pourquoi ? Pour.

194

tlrroi ? Tu vois ? Excuse-moi. Mais si je peux juste

('omprendre à quoi ce raPPort. ..

l,rNp.. - D'accord d'accord. C'est parce que"' je

\uppose... Je suppose que c'est parce qu'on est

lltcrvenus, on est intervenus dans, on se sentait

, rbligés d'intervenir dans, à cause des horreurs qui se

lrirssaient dans votre pays - les droits humains' etc'

on se sentait poussés à intervenir et mainte-

rurnt nous - moi - mes collègues et moi - on veut

sirvoir comment vous trouvez qu'on s'en sort, ok ?

l)cpuis que nous sonlmes intervenus, depuis qu'on

rr ronversé la statue du dictateur' vous pensez qve ça\(' passe comment ? On veut écouter' Ecouter et se

lrrire une idée du tableau. D'accord ?

SrrsnN. - T'es une mère, hein ?

l ,rNu. - Je suis. . . enf in. ' . je suis une puissance

t'trangère. Là j'apporte l'ordre. J'apporte la liberté

, ' t la démocrat ie, je. . .

SrrsnN. - Mon petit garçon a sept ans- Il s'appelle

l)rrn. Avant l ' invasion, il jouait dans la rue sur

rrrr vélo à petites roulettes avec ses camarades' Je

vrs avec lui à la cave depuis six mois. Parfois on,-'arnuse bien. J'invente des histoires.Il invente des

lristoires. Le Petit Diable. Ça, c'est un personnage

(lu'on a inventé. Le Fetit Diable qui - son ami à

l ' ; r i lc cassée -

l inr ' . - Comment étai t votre trajet en car aujour-

,l ' lrui ? Des bombes suspectes, des poseurs de

lrorrrbes suspects, d'autres incidents inquiétants ?

195

Page 91: War and Breakfast

SuseN. - Non.

JeNB. - Bien, bien. Et comment étaient les garclelaucheckpoint? - - ,

SuseN. - Comment ça ?

JaNs. - Étaient-ils obligeants slash polis slnrhefficaces ?

SusaN. - L'un d'eux m,a pincéétait...

JeNs. - Je suis désolée. Je le note. Harcèlemantsexuel.

SusaN. - C'êtaitun gamin. Je I'ai engueulé. On s,oËtcompris.

JaNB - C'est important de consigner les cas de hnpcèlement sexuel. Mais à pafiça_

SusnN. - À part ça, ça allait.

JnNB. - Avez-vous trouvé votre trajet en car satig.faisant ?

SusaN. - Oui.

Elle arrache le restant du petit pain et commencêà l'engloutir.

JaNn. - Susan, non Susan non Susan, anêtezça.

les fesses, cc qul

196

' ir1;4ry, labouche pleine.-Lafaim,tu n'as pas idée.| ;r tlévorante, quand tu es si affamée que tu. . .

f rNr,. - Susan, anêtez ça tout de suite. Arrêtez. CetIronrrne. La pomme. Pendu à un arbre. Susan.

'ir sAN, la bouche pleine.-Manger. Manger. Manger.

I rsr,. - Putain de - pas question queje tue quelqu'unl(' lr'ai pâs - vous m' avez arraché ce petit pain - je

'.u rs venue ici * la liberté - le choix - la dérnocratie -l,'r tlloits humains - nos valeurs fondamentales.

f,r \AN, la bouche pleine.-Manger. Manger. Manger.

I rrur,. - C'est pas pour ça que je suis venue ici. Unrrrorr(lc meilleur. Et toi qui m'arraches, qui m'arra-r lrt's - oh Susan, qu'est-ce que tu as fait.1.\' t t,rtt n commence à s' étouffer.)'irrslrrr - je t'avais pourtant bien prévenue. J'ai - j 'air'rrvic de te flanquer mon pied quelque part, tu sais,.,r '/ I)e te flanquer mon pied dans ton stupide - jet':u rrpporté la liberté, pétasse -1'\'tt:rrn, s'étouffant er respirant à grand-peine,\'. ('t'oLtle à terre. Elle continue à suffoquer durant| ( ' t l t t i Suit.)

Iil r ':ri apporté ta liberté. On s'estbattus dans le désertlri )u l vous apporter nos valeurs fondamentales, et 1àtr | | )('rr x même pas, tu peux même pas - t'arraches ça| | urrr)re si t'avais jamais vu de - oh putain. À quoir.,r st'r't 'l Merde. Je regarde le monde. Je le regarde.( "('st un endroit tellement horrible. Toute cette op-g,rt'ssion horrible. Des femmes voilées. Des femmes;r rlrri on a coupé le clitoris. Des jeunes hommes à

Page 92: War and Breakfast

les bras croisés pendant que le monde est dans ldténèbres ? Non. Je dois intervenir. Je le dois. Alotl

tout. Moi j'ai tant. J'ai la liberté, j'ai la démclcratJ'ai tant de droits humains. Et je suis censée

pourquoi ça vire à ce bordel ? pourquoi ça virc tour

jours à ce putain de bordel ?(Elle prend une poubelle derrière le bureau.)Susan,là je vais provoquer le vomissement, tu

élections truquées. Je vois tout ça. Et qu'est_ce quësuis censée faire ? Rester les bras croisés ? Mtlij'

prends ? Je vais provoquer le vomissement, mêlllà-dedans, s'il te plaît - ok ? eue tout reste bien E[ordre, d'accord ? D'accord.

qui on a bourré le crâne. Des gens marqués aurouge pour avoir dit la vérité. Jamais d,élections. Dtl

(ElIe enfonce ses doigts dans la gorge de SSusan vomit dans la poubelle.)C'est ça, Susan - vas-y, fais tout remonter, tu ti:sent iras mieux.(Finalement, Susan s'affale en arrière contre Jailjqui s'efforce de luifaire boire du café en la tendiltdans ses bras.)C'est ça, Susan, oui oui. Voilà. Susan _ garde le:yeux ouverts. Garde juste les yeux ouverts _ fixe t0ûregard sur moi, Susan, essaie de fixer ton regarcl lUf,moi. Essaie de me regarder. Essaie de me regûrdËf.:Ouvre les yeux,.Susan" Ouvre les yeux. Susallécoute ma voix. Écoute ma voix. Écoute. Susan,Jtn'ai pas de copain, de mari, je n,ai pas d,enfantlrSusan,j'ai des goûts épouvantables pour ce qui e*des hommes. Susan, je me choisis des hommes qultraînent chez moi quelques mois, je me choisis defhommes minables avec des boulots minables, d!prétendus boulots, des hommes qui se font enrËr

' t98

lr 'nil puis qui s'en vont ailleurs, ils grignotent toute

lir lournée puis ils s'en vont ailleurs. Susan, je songe

rl ;tvoir un enfant, mais ce moment est en train de

p;nscr, Susan, c'est une petite porte qui se ferme -

' ( ( )u(c ma voix, écoute ma voix - alors, maintenant

l;r porte se ferme et je n'aurai sans doute pas d'en-

l.rrls, mais je connais des gens qui ont des enfants

,rL rls. . . Mon appart est tellement charmant, Susan,

1r' srris vraiment en train de faire de mon appart un

,'rrtlnrit très très charmant. J'adore les magazines qui

rrrorrtrcnt tous ces intérieurs tellement charmants et

r csl i'l ça qu'il ressemble, mon appart, à un intérieur

,1,' rnlrgazine. Et un jour, je pense qu'il sera vraiment

,l;rrrs Lrll magazine. Je pense vraiment qu'un jour. Un

lililr' vous aurez une nouvelle université très belle,

lr )ul(' cn chrome et en verre, et des tas d'investisse-

tlt('ltls étrangers, et toi et tes étudiants vous pourrez

lrrrrlt 'r l ibrement comme les étudiants de chez nous.rirrs;rrr,ça va être vraiment fabuleux' Je suis très opti-

rrrr,,tc, Susan,parce que toutest en train de s'arranger

l('s projets sont en place, les infrastructures, les

urvt's(issements,les - la liberté et la démocratie, la

lr l r r ' r t t l ct la démocrat ie.I I t'.s 1,g4a de Susan se ferment .)I l r rvrc les yeux,susan,ouvre les yeux. Susan,Susan

, rrrvrc les yeux.

Page 93: War and Breakfast

Naissance d'une nation

Traduit parC,qrnnnmt Htncnr.qvns

Page 94: War and Breakfast

I I ne équipe d' Artistes-médiateurs.

Votre vi l le est en ruines.

Nous sommes francs en ce qui - nous ne cher-t'hons pas à le dissimuler. Votre ville est...

Une civilisation. Une vieille civilisation estrrnéantie.

Il y en a eu des æufs cassés.

C'est ça. C'est ça. Des æufs cassés. En softantrlc l 'avion, quand j'ai regardé autour de rnoi. je mesrris dit : i l y en a eu des ceufs cassés ici.

On est venu me chercher à I'aéroport. Nouss()rnmes passés devant un amas de décombres. J'aitk:mandé au chauffeur : << Qu'est-ce que c'est que

r-rr '/ > Et il s'est mis à pleurer. Il a pleuré et il a ditt l r rc c 'étai t l 'universi té. < Ça. c 'étai t notre univer-sité. J'ai enseigné dans cette université. Pendant( l('s années - mes étudiants venaient et je les encou-rirgcais à faire de leur mieux. Et maintenant ça n'esttllrc briques, poussière et cratère. >> Cet homme, ce

203

Page 95: War and Breakfast

chauffeur, il était cassé tout comme ce bâtimentétait cassé.

- C'est partout pareil, pareil partout - cratère etpoussière et briques pulvérisées.

* Je n'ai jamais rien vu de tel. On suit à la maison,Je me tiens au courant avec la télé mais quand onle voit *

- Un ravage.

- Une ville anéantie.

* Une ville anéantie et un peuple anéanti.

- Tant de morts. Tant de morts parce que les ravi.taillements ne sont pas arrivés jusqu'à eux. Tanlde morts parce que les ravitaillements sont arrivésjusqu'à eux et qu'ils se sont jetés sur la nourritureet - des mois de famine - leurs estomacs éclatentet ils meurent. Ils meurent et leurs corps jonchentles rues.

- Avez-vous déjà vu une ville où tous les bâtimentssont anéantis, les gens sont anéantis et les mortsjonchent les rues ?

- Moi jamais.

- Moi non plus.

- Moi non plus.

Moi non plus. Et j 'espère, j 'espère, j 'espère, Dieu

I'cspère, que c'est quelque chose que je ne reverraijamais. Je suis dans ma chambre d'hôtel, je regarde

par la fenêtre de ma chambre d'hôtel, je dévisselc bouchon d'une petite mignonnette (pourquoi je

lrois ? pourquoi je... ?) et je demande : merde c'estrrous qui avons fait ça ? nous qui avons provoqué

t()ut ça - nous qui avons déclenché - c'est nous

i l ()us nous nous nous nous - c 'est nous qui avons('ilusé tous ces ravages ?

Et la réponse est... Oui oui oui oui oui' Oui l 'Oc-

cident est venu ici, oui les puissances occidentales,oui l'alliance occidentale est venue ici, et oui nos

llombes. nos obus, nos mines, nos soldats, nos -

oui . Oui . Oui .

Oui et non.

Oui et non ?

Oui et non, parce que vos rebelles, vos luttes entreIlctions, vos ethnies, vos - peut-être que même si

rrous n'avions pas, peut-être que si nous -

("étai t une poudrière ic i .

l.lne poudrière, c'est ça. C'est ça. C'est ça' Tout à

lrrit ça -- une poudrière.

t)ne poudrière que nous - oh, quel bordel. Quellrordel ! Quel putain de bordel monstrueux.

Quel monstrueux bordel de merde putain que ces

tlt'rrrières années.

205204

Page 96: War and Breakfast

- Monstrueux putain.

- Monstrueux putain. J'ai manifesté contre dès le _

- Nous avons tous manifesté contre _

- Nous avons tous - oui - nous avons tous mani-festé contre - dès le début nous avons manifesté,nous avons manifesté contre cette guerre. Nounavons envahi les rues, nous avons exigé qu'on mettefin à cette guerre meurtrière mais malgré tour, nollreprésentants -

- Nos soi-disant représentants soi_disant élus _

- Et malgré tout, nos soi-disant représentants, soi-disant élus soi-disant élus par voie démocratique,ils ont quand même décidé d,y aller et ils se s<lnt ,livrés à leur monstrueuse petite gueme meurtrière,

- Bouchers.

- Bouchers.

- Bouchers.

- Et maintenant regardez ce qu,ils ont fait à votreville, votre magnifique... ce qui était votre masni_fique ville.

- J'ai fait des recherches sur vous, j'ai fait desrecherches sur vous et - wouah ! _ vous aviez unede ces cultures, non mais quelle culture, vous aviezune culture extraordinaire. Avant que nous nou$

206

lyons une culture, avant que nous... quand nousétions assis dans nos cabanes en torchis sous lapluie, vous, vous étiez, vous étiez... vous aviez déjàvos histoires, vos longues épopées, magnifiques etincroyables, votre alphabet, vos sculptures, vostlanses - vous aviez vraiment - il y a des millierscl'années, vous aviez une culture ici.

Il y a des milliers d'années, ici, vous deman-diez : Qu'est-ce que la vie ? Qu'est-ce que c'estct comment une bonne vie devrait-elle être vécue ?

Qu'est-ce qu'une bonne vie ? Pourquoi sur cetteplanète cherchons-nous à tout prix à trouver duscns ? Vous posiez toutes ces merveilleuses ques-tions avec votre alphabet magnifique pendant quet)ous : grogner.

Grogner. Chasser bison.

Chasser. Dépecer bison.

Chasser. Manger bison.

Oui oui oui, vous étiez si si si en avance sur nous,rnais maintenant...

Mais maintenant...

Mais maintenant...

Quelle vision tenible que ce monde déchiqueté,rrrlis malgré tout -

Mais malsré tout -

207

Page 97: War and Breakfast

- Mais malgré tout -

- L'armée est partie maintenant, l,armée se relitE,I'armée est sur le point de... Seules restent let,fbrces pour le maintien de la paix donc... Le calmOrevient.

- Le calme est là.

-Maintenant le calme. Maintenant... un temps poufreconstruire, un temps pour guérir, un temps pour fi6réunir, reconstruire, guérir... aller de I'avànt.

- Un temps pour aller de I'avant.

- Aller de I'avant. Et voilà pourquoi, voilà pour.quoi, voilà pourquoi nous sommes ici. Bonjour.

- Bonjour.

- Bonjour. Salut. Salut. Salut.

- Salut. Nous sommes des artistes. Nous sommeÈun groupe de - voilà ce qu'on fait tous _ on est krundes artistes.

- Je suis peintre. Je peins.

- Je suis écrivainle. J'écris.

- Je suis danseur. Je danse.

-Et moi... moi je fais des installations genre perlirr,mances artistiques, genre un truc un peu barré.

208

Oh oui, oh oui. Et ce que nous faisons c'est, ce querrous faisons, nous venons dans un endroit commeeclui-ci, un endroit comme celui-ci où il y a eu lessouffrances et atrocités les plus terribles et où il y acu... Nous venons dans un endroit où tout le mondeir souffert et nous commençons le processus de gué-r.ison en travaillant par le biais de, en travaillantlrvec l'art.

Nous aimerions travailler avec vous. Travaillerirvec vous. Avec I'art.

Non, écoutez, ok, non écoutez, bon, soyez patientsirvec nous, ok ? Soyez patients avec nous, d'accord ?('a le fait d'accord. Ça le fait. Ça le fait carrément.Nous savons ce que nous faisons.

Nous venons juste de quitter la plus atroce desltuerres civiles, la plus terrible. . . Le pays était coupét'rr deux, le voisin contre le voisin,le frère contre la:j(Dur, un mari qui se retourne contre sa femme et lapoignarde dans la nuit - et nous avons passé des moiscrrtiers là-bas et au bout d'un moment si on... leslgt:ns racontent des histoires, les gens, ils peignent,rls se réunissent... i ls jouent sur scène ensemble...llt au bout d'un moment, si on y travaille vraiment,si les gens écoutent vraiment, si les gens... alors aulrout d'un moment... la paix revient, vraiment. Oui,lrr paix revient. Les gens ne sont pas naturellementtlcs animaux. Les gens ne s'entre-déchirent pasr r lrl urellement comme des animaux. Naturellement.lcs gens s'entendent tant bien que mal entre eux. Si,rr leur en donne la possibilité, ils s'entendent tantlricn que mal. Et c'est ce que nous faisons, par le

209

Page 98: War and Breakfast

biais de l'art, nous leur donnons la possibilité dos'entendre tant bien que mal.

- J'étais mineur. Je suis né mineur. Ça faisait dersiècles qu'il y avait des mines dans ma région,D'aussi loin qu'on s'en souvienne, tous les homme:de ma famille sont descendus à la mine. Tous lermatins, tu te levais à six heures et tu mzrchais avectous les autres hommes et tu arrivais à I'entrée du

.

puits et tu mettais ton casque et tu allais cherchefta pioche et on te descendait dans le puits et seizeheures plus tard tu rentrais chez toi. Et y en avait quiétaient - excusez-moi - des salopards et ils battaientleur femme et se soûlaient et il y en avait d,autreflqui ne buvaient pas et allaient à l,église et jouaientdans I'orchestre ou chantaient dans la chorale ledimanche. Et c'était ça, la vie. Durant des sièclet,c' était ça la vie. Et un jour on a traversé la ville et ona trouvé une pancarte : << puits fermé >. puits fermé,Puits fermé. Tous les puits de notre région avaicntfermé. Tous les puits de, presque tous les emplois dcnotre région, disparus en une nuit. euel choc. T,esjuste... ton monde a disparu. Oui, nous nous sommerlbattus. Bien sûr que nous nous sommes battus. [,0syndicat. Mais... les patrons, le gouvernement, lcrgros bonnets de I'entreprise et du gouvernemenl- bien plus forts que le peuple, bien plus forts quequelques milliers de mineurs. Mais aussi plus lortlparce que je pense - est-ce que je peux être franc,est-ce que je peux être vraiment franc là ,

,

- Je t'en prie.

- Je t'en prie.

2to

.fe t'en prie.

Je pense qu'au fond de nous nous savions - jerr'ai encore jamais dit ça avant - nous savions, oui,nous nous battions pom une communauté, un moderlc vie, la dignité de etc. etc., oui - mais nous nouslxrttions pour le droit à être enfermés dans le noir,t'nfermés dans le puits à s'encrasser les poumonsrlc charbon, et pour le droit à mourir jeunes et çat ' 'étai t . . .

J'ai défilé avec vous à cette époque. Je n'étaisrlrr'un/e étudiant/e, mais on a séché les cours on asiruté dans une voiture et on est venus dans votrerégion et on a manifesté avec vous : << Ne fermezplrs la mine, ne fermez pas la mine. >>

llt je vous en remercie, je suis reconnaissant, maist;rrand même vous... manifester pour * le droit àt trlte affreuse mort qui vous broie c'était... au fondrlc nos tripes, nous le savions... nous savions à quelpoint ce combat n'avait pas de sens, mais quandrrrôme quand le puits a fermé, quand les emploisorrt disparu. Tant de gens...

Suicide ? Héroïne ? Dépression ?

Oui oui oui. Suicide héroïne dépression. Turt'gardes ces endroits, ces endroits où il y a tout,,rrr il y a du boulot et de la vie et de l'argent et tonrrroude à toi est - en un clin d'æil ton monde devient' , rr ie ide héroïne dépression.

Moi, c'étaient les mauvais traitements. Les';r'vices affreux que j'ai dû endurer enfant. Mon

211

Page 99: War and Breakfast

père avait... Je ne voyais aucun moyen d'allcl d€l 'avant mais.. .

-Tout ce que je pouvais espérerc'était qu'on K)uvtEla mine. C'était pas débile ça? Je veux dire, mcrd€,c'était pas débile ça ? Putain, c'étail complètenrentdébile. Non ?

-Non?

- Oh oui. C'était complètement débile, putain. Onn'allait pas rouvrir la mine, mais enfin je devrulnmôme pas vouloir qu'on la rouvre - dans un mondësensé - mais bon, quand on voit pas comment alletde I 'avant. . .

- < Guérir par l 'Art >>. J'ai vu l'affiche à l'hôpitnl,I-e médecin ne m'avait aidéle en rien. Je lui avulnpresque crié à la gueule : << Merde mon père m'lviolé/e espèce de connard, aide-moi aide-moi aidgaide-moi j'ai mâl toute la journée. J'ai mal toutôla journée >>, mais il avait rien fait et puis j'ai vul'affiche : < Guérir par l'Art >>. Et j'ai pensé, pour.quoi pas ? Pourquoi pas ? J'étais au plus bas. Alor;je suis allêleà la réunion et il y avait les tubes decouleurs et il y avait Lynne et Lynne a dit : < Seru.toi des couleurs, sers-toi des couleurs et laisse t<tUtsortir, laisse tout sortir comme tu le sens. >> Et c'entce que j'ai fait. J'ai laissé sortir. J'ai laissé sortir.

- Un atelier de danse. J'étais... j 'étais juste... .ietrouvais que c'était débile. J'étais à la maison,bourré - je faisais que ça à l'époque - me bourrerla gueule à la bière et me branler devant des vidétx

- biture et branlette - quand Hannah est passée et a

tlit : < On fait un atelier de danse. >> Et moi je lui ai

iuste dit un truc comme : << Casse-toi casse-toi. >>

On a trouvé... les Noirs et les Blancs, il y avait

rrne telle méfiance, un tel passif, juste être ensemble

tlans une salle, et quand John m'a demandé de mernettre en binôme avec ce mec et d'écrire une pièce

cnsemble - une pièce courte - moi je me suis dit

Êenre : < Oh putain, j'arrive pas à y croire, on n'apas la même couleur de peau et on est là assis à

écrire cette petite pièce ensemble. >> Je veux dire

-ie serais jamais monté/e dans le même bus que('c mec et nous voilà en train d'écrire une pièce

t,nsemble.

Mon père. Sa figure. Sa bite. Le sang qui s'écou-

llr it de moi . Je I'ai peint et repeint, encore et encore,t't Lynne ne faisait pas de commentaires, Lynne ne

clle était géniale, Lynne était géniale - Lynnerlisait genre : << Continue, t'arrête pas. Fantastique.('ourage. Continue. >>

Mais au bout d'un moment quelque chose... je('rois que c'est peut-être qu'Hannah était allemande('l que dans les vidéos c'étaient les Allemandes qui

ctaient toujours les plus salaces - quelque chose alrrit que je suis allé à l'atelier de danse d'Hannah'l,t putain - voilà qu'il y avait plein de potes de lai l l i l . le.

.f imagine que vous savez... le socialisme c'éTaittt' l loment important pour moi... Le marxismet'rrrit... J'étais marxiste. .. C'était... c'était mon

Page 100: War and Breakfast

repère et puis quand tout ça, quand tout ça a commeimplosé... j'étais comme tout à coup ptàngé/e danule noir... C'était un de ces << père père pourquolm'as-tu abandonné ? >> pour de vrai. Et merde. sansmarxisme ce monde est tout à coup devenu un saleendroit de merde qui ne voulait plus rien dire, tuvois. Alors j'imagine que ce que je cherchais, coque je cherchais c'était une forme pour exprimercette impression de... je sais pas... I 'absencefondamentale de forme, de pesanteur, le manqucvertigineux de gravité dans un état déchu de... Etc'est quand j'ai découvert l,art, tout le bazar d,ins.tallations genre perfbrmances artistiques genre untruc un peu barré, tu vois, et c,est ce qui a vraimentcomme donné, comme, comme donné du sens aumanque de sens -.si ça fait sens.

- Et c'était pas de la danse, comme _ c'était pas dela danse classique, ok ? Et c'étajt pas des tutus ettout le bordel. C'étaitprendre les gestes, les corps,les gestes et les corps d,hommes et de femmesordinaires et créer un tout nouveau langage à partird'eux, un langage de théâtre, que nous... Et main-tenant des gens viennent, ils font des kilomètres envoiture pour venir, ils viennent des villes où il y a ,la finance, l'État et les affaires et ils viennent dànsnotre vieille région minière et ils dorment dans lessplendides hôtels tout neufs et ils mangent dans lessplendides restaurants tout neufs et ils nous regar-dent danser, ils regardent les splendides pièces cledanse-théâtre qu'Hannah a créées. Et maintenantnotre région vit une nouvelle vie. La mine c,étaitpas nous. C'était ce qui nous définissait. Mais enfait c'était notre prison et maintenant...

214

* Je suis pas là pour vendre ce que je fais. Est-ce queje suis un Vermeer ? Est-ce que je suis un Manet ?Est-ce que je suis un Bacon ? Je ne sais pas et çam'est égal. C'est de moi qu'il s'agit. C'est de maguérison qu'il s'agit. Et c'est ce que j'ai fait, j 'aiguéri. J'ai reconnu mon passé. J'ai reconnu ce qui aété fait à ce pauvre petit garçon/cette pauvre petitefille effrayéle - à moi - je l'ai reconnu et mainte-nant je... dès que je me sens au fond du trou - lacouleur sort des tubes et splatch ! C'est le début dela guérison. Et maintenant j'ai commencé à - unjour Lynne a dit : << Je peux pas être là la semaineprochaine, tu veux bien diriger le groupe ? > Etj'étais - aaaaaah ! Mais en fait, vous savez en fait,vous savez en fait, vous savez j'ai adoré et j,adoretoujours. J'adore encore aujourd'hui.

- Ces pièces extraordinaires que j'ai vues s'écrirepartout dans le monde. Je réunis des gens en petitsgroupes - je réunis des ennemis pour qu'ils écriventdes dialogues et on crée- ah c'est fantastique, c'esttântastique, c'est fantastique, j'adore ça, j'adore,j'adore, j 'adore, j 'adore, j 'adore ça.

- Il y a tellement de boulot à faire ici. Il y a tellementde souffrances à guérir. Il y a tellement de flambéesde colère.

- Ça, nous le reconnaissons.

- Ça, nous le voyons. Vraiment.

- Mais il faut vous inscrire pour les ateliers de danseou d'écriture ou de peinture ou d'installations-performances.

215

Page 101: War and Breakfast

- Ce serait pas génial ? Ce serait pas génial ? Ce

serait pas génial si dans quelques années cette

ville était une ville de culture, si cette ville avait

un festival comme... d'autres villes ont des festi-

vals, des villes comme il faut ont leurs festivals, des

villes avec... de I'opéra et de I'arI et du théâtre et

des jongleurs et des sponsors et des buvettes et -

c'est comme une renaissance, ces endroits renais-

sent, avec les arts ces endroits renaissent.

- Comme nous voulons que vous renaissiez'

- Comme nous voulons que vous renaissiez'

-Avec un merveilleux festival de tous les arts, votre

ville renaîtra.

- Votre ville renaîtra.

- Parce que nous voulons - el

ville renaîtra.

vous le voulez - votre

Qui se manifeste ?pour que la guérison

- Qui veut se

Que quelqu'uncommence.

manifester ?se manifeste

- Le pouvoir guérisseur de I'art

On amène une Femme aveugle.

- Notre première artiste.

- Notre première artiste'

peut commencer.

217

- Il faut.

- Il faut.

- Il faut le faire.

- Écoutez,je ne veux pas être lourd/e, mais vousdevez... Vous voulez des investissements étran-gers ? Vous voulez du tourisme ? Vous voulez dela civilisation ? Vous voulez de la liberté et de ladémocratie ? Vous voulez tout - et si cette guerre neconcernait pas - alors elle concernait quoi ? - vousvoulez tout ça alors laissez entrer un peu de culture,engagez-vous pour la culture, accueillez un peu deculture, laissez un peu de culture s'infiltrer dans lesruines de cette ville anéantie - dans vos vies.

_ Écoutez- pourquoi ?

- Pourquoi ne peignez-vous pas ?

- Pourquoi ne dansez-vous pas ?

- N'écr ivez-vous pas.

- Ne faites-vous pas d'installations-performancesartistiques genre un truc un peu barré.

- Allez, espèces de salauds, merde, espèces d'in-grats, espèces de *

- C'est de l'art, espèces de salauds, c'est de l'art,merde c'est de I'ar1, tout le monde aime I'art, tout lernonde veut de l'art, alors merde faites de I'art.

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Page 102: War and Breakfast

- Hourra !

- Hourra !

- Hourra !

- Racontez-nous votre histoire - s'il vous plaît ra-contez-nous votre souffrance et votre lutte et la sué-rison peut commencer.

La Femme aveugle ouvre la bouche. Du sangs'écoule.

- Cette femme n'a pas de langue.

- Cette femme a perdu sa langue et elle a perdu sesyellx.

* Cette guerre a été dure.

- Cette guerre a été cruelle.

- Il y a un terrible prix à payer pour la liberté et ladémocratie.

La Femme aveugle grogne, sort une photo et ges-ticule.

- Cette femme a perdu sa famille. Elle n'a pas defamille. Elle n'a pas d'yeux et pas de langue et pasde famille. On ne peut qu'imaginer la profondeurde votre douleur.

- Mais malgré tout vous pouvez peindre. Tenez. (Luidonne un pinceau.)

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- Mais malgré tout vous pouvez écrire. Tenez. (Lui

donne un stylo.)

- Malgré tout vous pouvez danser les gestes des gens.

(La manipule.)

-Participezà une de mes installations. Venez venez

venez.

- Ça commence. Vous voyez- ça cofirmence. On sort

des ténèbres, on sort des ténèbres et la lumière et la

civilisation et la démocratie et l'art s'avancent - une

fois encore ils s'avancent, une fois encore -

La Femme aveugle crie et jette Ie stylo et le

ceau.

- C'est ça, soyez courageuse . Exprimez-vous . Créez.

Osez.

La Femme aveugle crie.

- Ça vient, ça vient, ça vient.

La Femme aveugle se convulse, son corps est secoué

tle spasmes.

Oh oui danse danse danse.

La Femme aveugle est secouée de spasmes,le Chæur

t t p plaudit, noir pro gre s sif .

prn-