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Voyage en Afrique du Sud, la Nation Arc-en-ciel Partie 3 Par Marie-Claude Schmitz Le lendemain, nous dirigeant toujours plus au sud à travers le Petit Karoo, plus pluvieux et fertile que le Grand Karoo, nous empruntons la célèbre Garden Route panoramique où collines verdoyantes, côtes déchiquetées, plages immaculées alternent avec lacs, lagons, falaises et forêts centenaires: un régal pour les yeux. La création de nombreuses réserves naturelles a permis de sauvegarder le caractère sauvage du littoral. Arrêt déjeuner à Port Élisabeth (Cap-Oriental), 3 è port d’Afrique du Sud, où sont établies diverses usines mécaniques. Son histoire débute par l’arrivée massive de colons anglais en 1820. Perchés sur les collines, de riches bâtiments historiques datant du 19 è s; plus loin, un ancien phare de la même époque. Comme beaucoup de grandes villes, elle est entourée de vastes townships. Nous distinguons le stade Nelson Mandela utilisé lors de la coupe du monde de football en 2010. Notre route s’enfonce à présent dans la réserve du Tsitsikamma (son de l’eau en Khoisan) - de nombreux noms de lieux, localités, rivières… en afrikaans et anglais ont été remplacés par des noms anciens, antérieurs à ceux donnés par les Blancs - National Park, une réserve naturelle entrecoupée de torrents et rivières, de montagnes, qui s’étend sur une longue bande littorale. Une occasion rêvée pour aller se dégourdir les jambes et admirer dans la forêt indigène un Yellowood, un arbre géant, vieux de plusieurs centaines d’années ! Arrêt (imposé aux voyagistes paraît-t-il) au pont en arc de Bloukrans (dessiné par le même ingénieur Morandi que l’ex-viaduc de Gênes, selon Cassi !...), un des plus hauts (216 m) au monde, offrant une vue vertigineuse sur la vallée. Sous nos yeux ébahis, quelques «fous» se jettent dans le vide, une corde élastique accrochée aux chevilles ! Une façon originale d’admirer l’abîme la tête en bas que nous n’avons pas tentée, même si l’un d’entre nous a essayé de nous faire croire qu’il l’aurait faits’il avait été plus jeune (mais des stoeffers, il y en avait déjà avant la guerre… des Boers…). Nous passons la nuit à Knysna (Cap- Occidental) dans un superbe hôtel, récemment reconstruit suite à un incendie qui a ravagé la région, avec ses bungalows modernes et un très beau jardin. Knysna est une station balnéaire, connue aussi pour ses huîtres, que nous n’avons pas goûtées. Le lendemain, nous longeons le Knysna Lagoon, ancien grand centre d’ostréiculture, en déclin suite à l’ensablement et la pollution, et poursuivons le long de l’Océan Indien. Nous voyons l’embouchure de la Kaaiman River (mal nommée car il n’y a pas de crocodiles), la ville de George et une manifestation (calme) pour la liberté.

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Voyage en Afrique du Sud, la Nation Arc-en-ciel

Partie 3 Par Marie-Claude Schmitz

Le lendemain, nous dirigeant toujours plus au sud à travers le Petit Karoo, plus pluvieux et

fertile que le Grand Karoo, nous empruntons la célèbre Garden Route panoramique où

collines verdoyantes, côtes déchiquetées, plages immaculées alternent avec lacs, lagons,

falaises et forêts centenaires: un régal pour les yeux. La création de nombreuses réserves

naturelles a permis de sauvegarder le caractère sauvage du littoral.

Arrêt déjeuner à Port Élisabeth (Cap-Oriental), 3è port d’Afrique du Sud, où sont établies

diverses usines mécaniques. Son histoire débute par l’arrivée massive de colons anglais en

1820. Perchés sur les collines, de riches bâtiments historiques datant du 19ès; plus loin, un

ancien phare de la même époque. Comme beaucoup de grandes villes, elle est entourée de

vastes townships. Nous distinguons le stade Nelson Mandela utilisé lors de la coupe du

monde de football en 2010.

Notre route s’enfonce à présent dans la réserve du Tsitsikamma (son de l’eau en Khoisan)

- de nombreux noms de lieux, localités, rivières… en afrikaans et anglais ont été remplacés

par des noms anciens, antérieurs à ceux donnés par les Blancs - National Park, une réserve

naturelle entrecoupée de torrents et rivières, de montagnes, qui s’étend sur une longue bande

littorale. Une occasion rêvée pour aller se dégourdir les jambes et admirer dans la forêt

indigène un Yellowood, un arbre géant, vieux de plusieurs centaines d’années ! Arrêt

(imposé aux voyagistes paraît-t-il) au pont en arc de Bloukrans (dessiné par le même

ingénieur Morandi que l’ex-viaduc de Gênes, selon Cassi !...), un des plus hauts (216 m) au

monde, offrant une vue vertigineuse sur la vallée. Sous nos yeux ébahis, quelques «fous» se

jettent dans le vide, une corde élastique accrochée aux chevilles ! Une façon originale

d’admirer l’abîme la tête en bas que nous n’avons pas tentée, même si l’un d’entre nous a

essayé de nous faire croire qu’il l’aurait fait… s’il avait été plus jeune (mais des stoeffers, il

y en avait déjà avant la guerre… des Boers…). Nous passons la nuit à Knysna (Cap-

Occidental) dans un superbe hôtel, récemment reconstruit suite à un incendie qui a ravagé

la région, avec ses bungalows modernes et un très beau jardin.

Knysna est une station balnéaire, connue aussi pour ses huîtres, que nous n’avons pas

goûtées. Le lendemain, nous longeons le Knysna Lagoon, ancien grand centre

d’ostréiculture, en déclin suite à l’ensablement et la pollution, et poursuivons le long de

l’Océan Indien. Nous voyons l’embouchure de la Kaaiman River (mal nommée car il n’y a

pas de crocodiles), la ville de George et une manifestation (calme) pour la liberté.

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A proximité d’Oudshoorn, après avoir fraternisé avec les autruches (voir plus haut), par

une belle route sinueuse à travers gorges et cols, nous partons pour une balade

rafraîchissante dans la renommée grotte de Cango Caves : une merveille minérale avec ses

rideaux de stalactites monocristallines, plafonds couverts de disques de calcite, draperies,

cuvettes à cristaux de calcite, colonnes, stalagmites, bref une débauche de formes de

concrétions variées, fascinantes qui habillent galeries et salles. La pièce principale est

impressionnante par sa taille, une véritable cathédrale naturelle où nous admirons des

buffets d’orgue façonnés par les eaux depuis des millions d’années. Le système d’éclairage

renforce la beauté des lieux.

Déception en découvrant à Oudshoorn l’hôtel remplaçant celui prévu au programme, d’une

qualité nettement inférieure aux précédents.

Nous l’oublions vite pour entreprendre une nouvelle longue étape vers Le Cap. A nouveau

des décors très variés aussi bien au niveau de la nature que de l’agriculture et de l’habitat.

La richesse de l’Afrique du Sud en produits agricoles est remarquable. Nous avons traversé

plusieurs zones de production de légumes et de fruits divers (mangues, lychees, bananes,

oranges, citrons, noix, cerises, pommes, …). Trois préoccupations peuvent y être associées:

la disponibilité d’eau pour l’irrigation, la mécanisation qui diminue l’emploi et les

expropriations (nous y revenons).

Lors d’un arrêt, nous pourrons observer des grues de paradis (oiseau emblème national),

l’occasion d’être informé de mesures de sauvegarde des oiseaux migrateurs.

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A Hermanus (Cap-

Occidental) : chasse à la

baleine ! Cet ancien village de

pêcheurs, devenu station de

villégiature pour retraités

fortunés, doit sa renommée aux

baleines franches australes qui

viennent chaque année mettre

bas à l’abri dans la Walker Bay

qu’elles quitteront pour le pôle

Sud en décembre. Sur la

rive, un crieur de baleines est

sensé avertir les touristes

lorsqu’il en aperçoit. Nous

scrutons la mer mais pas de

baleines en vue aujourd’hui, nous devrons nous contenter d’un phoque et de marmottes peu

farouches. Décidément pas de chance !

Notre route se poursuit vers Le Cap. Vers 17h, arrêt apéro (à l’Amarula, liqueur à base de

fruits de l’arbre Marula) en plein air (frais) sur un col offrant un point de vue panoramique

sur l’agglomération du Cap. Le long de l’autoroute, un énorme bidonville s’étale sur des

kilomètres (et sur une largeur de 10 à 15 km). Cassi attire notre attention sur les paraboles

de télévision - payante - sur tous les «logements» et se pose la question du paiement…

Quelques problèmes pour manœuvrer notre grand autocar à proximité de l’hôtel situé sur

une place occupée par un marché ouvert toute la journée : tôt le matin, des marchands y

poussent leurs charrettes pour venir installer leurs étals et marchandises.

Le Cap est une grande ville cosmopolite, avec de beaux bâtiments modernes et historiques,

entourée de montagnes, dont la fameuse Table Mountain. Le trafic y est intense, les

embouteillages considérables aux heures de pointe. L’interruption en pleine ville de la

construction d’une autoroute - suspendue en pleine ville - y contribue !

Goûter à la cuisine typiquement africaine tout en assistant à un spectacle de danses, de

chants et de musique panafricaine, c’est le soir, au Golden Restaurant que cela se passe.

A l’entrée, nous sommes accueillis par une marionnette géante, puis c’est la surprise : un

ancien bâtiment industriel de brique et de métal rénové sur trois niveaux, décoré avec goût :

boiseries sculptées, objets d’art africains, lustres de verroterie, lampes tamisées, … Face à

l’immense salle remplie de touristes, une scène où des groupes de musiciens, chanteurs,

danseurs viendront animer la soirée. De jeunes hôtesses en tenue traditionnelle et le visage

joliment peint s’affairent entre les tables dans un ballet incessant et bien organisé. Une belle

découverte gustative nous attend : des plats d’origines africaines nous sont servis sous forme

de « tapas » dans une jolie vaisselle en terre cuite colorée. D’autres hôtesses passent de table

en table et proposent de peindre les visages, avec des gestes rapides, précis. Une expérience

dépaysante, unique!

De manière générale, au cours de notre voyage, nous avons apprécié la nourriture,

globalement pas très surprenante mais très correcte à (très) bonne, beaucoup de bœuf et

d’excellents légumes de saison (choux, carottes, betteraves,…). Les repas étaient souvent

servis sous forme de buffets.

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La Route du vin ! Nous n’avions évidemment pas attendu pour apprécier les très bons et

très abordables vins sud-africains. Dans les restaurants, nous avions vécu quelques

anecdotes montrant que la connaissance du vin est encore peu répandue. Ainsi, expliquer

qu’un vin est bouchonné n’était pas évident ! Mais sur la route ensoleillée, au milieu des

vignobles, l’arrivée dans la principale zone de production suscite l’enthousiasme.

Notons que, outre les vins (y compris mousseux), nous avons bu - avec modération ! - de

bonnes bières, …et du gin local apprécié et partagé par des amateurs pas égoïstes.

Sur une colline de Paarl, dans un bel endroit avec une superbe

vue, nous visitons l’élégant Monument de la langue afrikaans

dont les composantes (colonnes, obélisques, …) sont autant de

symboles. Pas très loin, une école primaire dénommée

«Courtrai» !

Stellenbosch (Cap-Occidental), deuxième plus ancienne ville

du pays, centre viticole et universitaire, berceau de la culture

afrikaner, fondée en 1679 par le gouverneur Simon Van der

Stel. Située au fond de la vallée de l’Eerste River, elle est

flanquée de montagnes escarpées. Belle ville à l’aspect

agréable, campagnard : vieux cimetières, rues arborées,

bâtiments aux façades blanches à pignons style Cape Dutch

(style architectural afrikaner traditionnel, mélange de styles

hollandais et français), géorgien, victorien s’alignent le long

des rues. Hélas, pas le temps de s’arrêter, nous avons un

rendez-vous important : une dégustation de vins dans le remarquable domaine viticole de

Boschendal ! Un cadre idyllique nous accueille : parking ombragé par des chênes

majestueux, pelouses soignées bordées de rosiers, manoir authentique de style Cape Dutch

transformé en restaurant très chic dans lequel nous avons pris un repas succulent tant par la

variété que la finesse des mets servis. C’est dans ce bel endroit que nos guides proposent de

faire une photo de groupe.

Nous continuons notre parcours au cœur de cette magnifique région viticole (Winelands)

vers Franschhoek, à quelques dizaines de km de Cape Town : imposants massifs

montagneux, vallées fertiles, vergers féconds et vignobles à perte de vue, ponctués de

domaines construits dans l’élégant style Cape Dutch. Cette vallée fertile habitée autrefois

par les Hottentots attise la convoitise des premiers colons hollandais. Le succès des

premières plantations de vignes vers 1650 (sans doute pour combattre le scorbut qui affectait

les marins) est amplifié grâce au savoir-faire de Huguenots français, exilés après la

révocation de l’édit de Nantes. Les concessions qui leur sont accordées par la Compagnie

des Indes orientales (VOC) deviennent leur terre d’accueil et prennent le nom De Fransche

Hoek (coin des Français). La viticulture représente aujourd’hui 30 % de l’agriculture du

Cap, fait vivre près de 300 000 personnes et vise davantage la qualité.

Petit arrêt au Huguenot Monument, et sa statue de la Liberté de culte symbolisée par une

femme tenant une bible dans la main droite et une chaîne brisée dans la gauche.

Avant-dernier jour : excursion dans la presqu’île du Cap de Bonne Espérance.

Après notre visite aux phoques et otaries de Hout Bay en bateau, nous suivons la côte par

une route escarpée et étroite. Les environs du Cap, singulièrement la péninsule, nous auront

permis à nouveau d’admirer et de photographier de splendides paysages, sublimés par la

présence combinée de la montagne et de la mer.

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Un retard « technique » d’une heure pour entrer dans le Parc du Cap de bonne Espérance...

Le Cape of Good Hope (ainsi baptisé par le roi Jean II du Portugal en signe d’espoir d’une

nouvelle route vers les Indes) n’est pas la pointe extrême sud de l’Afrique ni le point de

démarcation entre les océans Atlantique et Indien, qui se situe 150 km plus à l’Est, au Cap

des Aiguilles. Le Flying Dutchman, un funiculaire, nous emmène au pic rocheux de Cape

Point (à 2 km du Cap de Bonne Espérance). Encore quelques volées d’escalier et nous voilà

au sommet où se trouve l’ancien phare, offrant un spectacle grandiose dont nous ne nous

lassons pas : falaises abruptes, criques sablonneuses où les eaux bleues de l’Atlantique,

poussées par les vents, viennent rouler avec force. Nous imaginons les caravelles du

navigateur portugais Bartholomeu Dias, à la recherche de la route des Indes, affrontant en

1488 les démons de l’Océan et guettant avec angoisse ce qu’il nomme Cap des tempêtes.

Les plus motivés préfèrent descendre à pied pour profiter une dernière fois de ce spectacle

hors du commun. Un babouin s’invite au milieu de la foule à l’affût d’un touriste distrait,

ou trop fatigué pour résister à ses assauts de chapardeur.

Repas à Simon’s Bay avant de

fraterniser avec les manchots

(voir plus haut), puis retour vers

Le Cap agrémenté d’un petit

stop apéro avec vue sur mer.

Dans le Victoria & Alfred

Waterfront, quartier moderne

agréable, réhabilitation du

vieux port de Cape Town,

restaurants, hôtels et centre

commercial aux boutiques de

luxe se côtoient en front de mer.

Beaucoup d’entre nous en ont

profité pour faire quelques

derniers achats. Notre dîner d’adieu à l’Afrique du Sud y aura lieu dans un beau restaurant.

La météo est fortement changeante dans la région du Cap : en quelques minutes, le temps

peut évoluer positivement ou négativement. Nous en serons témoins !

Pour notre dernière journée, nous prenons de la hauteur dans l’espoir d’admirer la presqu’île

de Cape Town, il paraît que le panorama est à couper le souffle ! Sauf qu’un épais brouillard

s’est invité enveloppant le sommet de la Table Mountain. Le téléphérique à cabine rotative,

permettant de bénéficier au maximum de la vue, nous emporte mais très vite, le paysage se

change en nuage épais (appelé parfois la «nappe» de la Table), impossible de voir quoi que

ce soit ! Il fait froid, nous espérons une percée du soleil, en vain. Terriblement déçus, nous

nous résignons à redescendre pour partir à la découverte d’un des plus beaux jardins au

monde : le Kirstenbosch National Botanical Garden. Créé en 1913 sur une propriété

léguée par Cecil John Rhodes, ce serait le premier jardin botanique du monde spécialisé

dans la conservation et la diffusion de milliers d’espèces de plantes indigènes. Il s’étend sur

une superficie de 5,3 km² dont 7 % sont cultivés, 90% couverts de fynbos (buisson fin ou

bush) et de forêts. La pluie s’est invitée : la météo avait donc décidé de ne pas nous faire

regretter notre départ. Peu importe, sous les parapluies, mises au point des objectifs pour

une toute dernière séance photo de l’une des plus belles fleurs, emblème de l’Afrique du

Sud : la protea.

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En chemin vers l’aéroport, les éclaircies se sont manifestées …

Après un vol sans problème Le Cap - Londres de 9700 km, et quelques tours gratuits

autour de Heathrow avant d’atterrir, puis arrivée sans encombre à Bruxelles.

5300 km, c’est pas mal de temps passé assis dans le car à admirer les paysages, bien sûr, et

aussi à être bercé par les longs commentaires de Cassi, tellement longs que les paupières se

font lourdes, très lourdes … comme certaines de ses blagues, quelquefois utiles mais pas

toujours suffisantes pour permettre de résister à une (des) petite(s) sieste(s). Alors qu’il

n’était certes pas encore question du coronavirus, Cassi - probablement actionnaire de

Sunlight ? - a réussi à déclencher un rush sur ces savonnettes, leur attribuant diverses vertus.

Le résultat de ses tentatives de nous initier à la prononciation des langues locales (Swazi,

Hottentot, …), dont les consonnes à « clics », a été assez limité. (A l’écoute de Cassi,

certains Francophones se sont peut-être dit que, au moins lors de leur apprentissage du

néerlandais, ils parlaient afrikaans sans le savoir, leur application de la grammaire, de

l’orthographe, de la conjugaison (des verbes irréguliers) pouvant y ressembler…)

Heureusement, les routes empruntées sont généralement de (très) bonne qualité même si,

dans certaines régions, des casse-vitesse non annoncés et peu visibles ont nécessité un

freinage brutal. Les fréquents contrôles radar (visibles) et la circulation à gauche ne nous

ont pas gênés, vu que nous ne conduisions pas… Nous avons été souvent amusés par des

panneaux utilisés pour faire passer des messages, spécialement de manière graphique et/ou

humoristique.

L’Afrique du Sud offre la plus étonnante des diversités, dans

sa nature, sa population, son habitat, son économie … un

surprenant mélange de modernité, d’histoire, de tradition ; de

richesse et de pauvreté voire de misère ; de populations et de

styles de vie; de localités modernes ou pittoresques,

coloniales, townships, villages de huttes; de ressources

minières, industrielles et agricoles ; de flore et de faune…

Nous avons été impressionnés, enchantés, mais aussi

interpellés par les bidonvilles, la misère apparente, l’insécurité

perceptible, … Evidemment, partout où nous sommes allés,

nous avons été accueillis en hôtes privilégiés, dans des lieux confortables et sécurisés, par

des gens généralement sympathiques. Les endroits moins « agréables » nous ont été

épargnés. A titre anecdotique, un petit incident lors d’un arrêt «café - sanitaire» : du fait de

procédures et d’une répartition des tâches assez compliquées (que nous aurons plusieurs fois

l’occasion d’observer), l’attente à la cafétéria était particulièrement longue; un autochtone

s’est offusqué de devoir, en tant qu’Africain, faire la file derrière des Blancs.

Un peu de recul …

Il est impossible pour de simples visiteurs d’émettre un avis pertinent, équilibré sur la

situation actuelle du pays. Nous nous risquons toutefois, avec prudence et sans prétention,

à quelques brèves considérations.

La situation de l’Afrique du Sud est bien entendu déterminée par son histoire. Celle-ci est

tumultueuse, complexe et douloureuse, même si elle est passionnante. Elle est empreinte

des conséquences de nombreuses migrations. Au cours du temps, des peuplades noires ont

repoussé d’autres peuplades noires, les Boers ont chassé des peuplades noires de leurs terres,

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les Anglais ont chassé les Boers du Cap vers l’intérieur du pays ; Boers et Anglais ont

refoulé des peuplades indigènes vers l’Est, …

L’histoire du 20ès est marquée par l’apartheid : impossible de parler de ce pays sans

l’évoquer ! Cette «discrimination, voire exclusion, d’une partie de la population, qui ne

dispose pas des mêmes droits, lieux d’habitation ou emplois que le reste de la collectivité »

(Larousse) est motivée par la peur obsessionnelle d’une minorité blanche d'être engloutie

par la masse des peuples noirs et le souci de préserver le contrôle des Blancs. Promu par le

Parti National, l’apartheid a été instauré à partir de1920 sous diverses formes de ségrégation

raciale, puis renforcé en 1948. Il prendra fin à partir de 1991 puis avec les premières

élections multiraciales et démocratiques et l’élection de Nelson Mandela en avril 1994. Du

moins en théorie.

A partir de 2003, le Black Economic

Empowerment (BEE) est adopté : il

s’agit d’une politique de discrimination

active ou positive visant à réduire les

inégalités à l’encontre des Noirs,

Indiens, Métis, Chinois, issues du

régime d’apartheid. L’objectif est de

« transférer de façon substantielle et

équitable la propriété, la gestion et le

contrôle des ressources financières et

économiques de l'Afrique du Sud à la

majorité de ses citoyens ».

Cela comprend des mesures en matière

de préférences à l’emploi, de développement des compétences, de propriété, de gestion, de

développement socio-économique et d'approvisionnement préférentiel.

Mais les difficultés de cohabitation entre races et entre ethnies persistent. Après des

décennies d’apartheid, la méfiance, mais aussi la rancœur, la rancune restent tenaces. La

disparition de Mandela a certainement contribué à les libérer.

Les frustrations existent de tous côtés. L’application pratique du BEE est fréquemment

perçue par les Blancs comme une vengeance, «l’apartheid à l’envers » ou encore « une

punition éternelle pour l’apartheid » comme dit Cassi.

Nelson Mandela rêvait d’une « nation arc-en-ciel» où les multiples groupes ethniques,

culturels pourraient vivre ensemble … un rêve qui ne s’est pas encore réalisé.

Les tensions politiques et communautaires et les mouvements sociaux ne facilitent pas une

évolution pacifique. L’ANC, parti de N. Mandela, détient encore la majorité absolue mais

est soumis à de fortes pressions, éclaboussé par des scandales et confronté à des

provocations, comme celles de Julius Malema, leader du parti populiste EFF connu pour

ses prises de position anti-Blancs, qui encourage ses «troupes» à s’emparer des terres des

Blancs.

Particulièrement emblématique et sensible, le partage des terres reste très problématique.

Nelson Mandela avait promis que 30 % des terres agricoles seraient redistribuées aux Noirs.

Globalement, la réforme foncière a donné lieu à une redistribution limitée. Des statistiques

indiquent que, en 2017, les Blancs possédaient encore 73 % des terres agricoles contre 85

% à la fin de l’apartheid, mais les agriculteurs noirs en possédaient 74% au KwaZulu-Natal,

52% au Limpopo, les provinces les plus fertiles.

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Des expropriations (indemnisées

ou non) ont eu lieu ou sont

envisagées, notamment au profit

de personnes ou de communautés

noires pouvant « prouver »

l’occupation antérieure des

terrains par leurs ancêtres. Une

grande incertitude persiste en la

matière et suscite l’anxiété des

propriétaires blancs et des

investisseurs. Les grandes fermes

issues de la colonisation ainsi que

les grandes plantations détenues

par d’importantes sociétés forestières ou sucrières représentent un potentiel économique non

négligeable pour l’Afrique du Sud et procéder à une réforme agraire représente un risque

pour l’économie. Ainsi selon Cassi, les nouveaux propriétaires (noirs) sont souvent

incapables d’assurer une gestion adéquate de leur exploitation par manque de formation, de

motivation, de moyens et d’accès aux marchés. L’actuel gouvernement aurait même proposé

à des propriétaires blancs de louer les terres dont ils avaient été expropriés et de les exploiter

à nouveau, ce que la plupart refuseraient de faire. La sécurité juridique de la propriété

semble aussi menacée pour les (petits) propriétaires d’un terrain s’ils ne réagissent pas

immédiatement à une occupation illégale de celui-ci.

Si le Black Economic Empowerment a permis l’émergence d’une classe moyenne noire, les

conditions de vie de la majorité des Sud-Africains ne se sont pas améliorées et le pays

continue à souffrir de graves inégalités économiques et sociales.

La situation économique générale n’est pas brillante et le taux de chômage est très élevé

(autour de 30%, de 6,5 à 10 millions de chômeurs selon des chiffres de mi-2019),

essentiellement dans la population noire, et son augmentation, surtout chez les jeunes,

aggrave la situation sociale du pays. Les townships sont surpeuplés, rongés par la criminalité

en tous genres, la politique de lutte contre l’expansion du VIH est peu efficace.

Une minorité blanche a toujours la mainmise sur une partie très significative des richesses,

mais en un quart de siècle, l’on serait passé d’une exploitation de race à une exploitation de

classe, la classe possédante sud-africaine étant constituée d’une poignée de Blancs et de

Noirs qui contrôle l’économie. De plus en plus de Blancs ont du mal à trouver un travail et

ont basculé dans la pauvreté, les contraignant le cas échéant à vivre dans des townships pour

Blancs.

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Et qu’en est-il du système

éducatif ? Nelson Mandela était

convaincu que l’éducation

contribuerait à reconstruire la

nation sud-africaine et

réconcilier son peuple.

L’éducation est évidemment

primordiale pour faire évoluer

les choses fondamentalement.

La discrimination positive

s’applique en termes de

priorités à l’inscription -

acceptation des étudiants noirs sur base de notes bien moins élevées que les Blancs -, d’accès

aux bourses d’études, et - au moins dans certains types d’études - au seuil de réussite (selon

Cassi, un étudiant noir en médecine peut réussir avec 38%, alors qu’un étudiant blanc devrait

obtenir plus de 70 %).

Mais le système éducatif sud-africain, dès l’école primaire, reste très inégalitaire car aux

inégalités raciales se superposent les inégalités économiques : des familles peuvent envoyer

leurs enfants dans des écoles (éventuellement privées) de meilleure qualité, alors que les

enfants des familles défavorisées vont dans des écoles aux moyens limités. La majorité des

élèves noirs reste confinée dans les écoles de townships où la diversité raciale est inexistante.

Les inégalités budgétaires entre les écoles influent aussi sur le recrutement des professeurs.

Un rapport publié par Amnesty International en février 2020 souligne que l’Afrique du Sud

a fait des progrès considérables en vue d’assurer le droit à l’éducation des élèves depuis la

fin de l’apartheid, et que l’accès à l’éducation s’est élargi au point d’atteindre presque une

scolarisation universelle, mais le nombre d’élèves abandonnant l’école avant d’avoir

terminé l’enseignement primaire reste inquiétant. Il indique : « Le système éducatif sud-

africain, caractérisé par ses infrastructures délabrées, ses salles de classe bondées et son taux

de réussite scolaire relativement faible, perpétue les inégalités et, par conséquent, manque à

ses obligations envers de nombreux enfants, ceux des populations pauvres étant les plus

touchés. » L’enseignement supérieur sud-africain (désormais anglophone) s’est développé depuis 1994

et est considéré comme le meilleur du continent africain. On y retrouve toutefois les mêmes

inégalités : l'accès et la réussite y sont fortement influencés par le contexte socio-

économique des étudiants. Il compte (environ) 25 universités publiques et plus d’une

centaine d’établissements privés, de petite taille, de qualité variable.

Et la discrimination positive ne fait pas que des heureux ! Donnant une nouvelle illustration

de l’apartheid à l’envers (et une explication de sa perception globalement négative et de ses

frustrations), Cassi nous explique le cas de sa fille qui souhaitait poursuivre des études de

médecine. Après avoir brillamment réussi l’examen d’entrée, elle est acceptée dans une

université. Au bout de six mois, elle reçoit l’ordre de rentrer chez elle, car elle doit céder sa

place au fils (noir !) d’un homme politique d’un pays voisin. Ecœurée, elle a abandonné son

projet de devenir médecin.

La sécurité est une préoccupation récurrente. Nous avons été frappés, tout au long de notre

voyage, par le grand nombre de systèmes de protection des maisons (enceintes murales,

clôtures, fils barbelés, grilles, caméras de surveillance, …) très visibles dans de nombreux

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endroits, par les appels répétés de nos guides à la prudence, leurs demandes fréquentes de

ne pas quitter l’hôtel ou le restaurant, de ne pas sortir seuls. Dans les quartiers dits

« difficiles », les townships, banlieues pauvres des grandes villes, la sécurité n’est pas

vraiment assurée, voire le crime règne en maître absolu. La pauvreté, la misère apparentes

un peu partout en constituent une explication évidente. Les problèmes liés à la drogue, la

consommation déraisonnable d’alcool et l’usage des armes sont indéniables. Les statistiques

de criminalité confirment que l’Afrique du Sud est un pays peu sécurisant.

Depuis 1994, l’émigration de Blancs, confrontés à une situation de plus en plus difficile tant

d’un point de vue économique que sécuritaire, se poursuit.

La beauté des paysages de l’Afrique du Sud ne peut nous faire oublier les nombreux endroits

enlaidis, salis, pollués par des déchets de plastique et de toutes sortes.

Par ailleurs, à différentes reprises, notre attention a été attirée sur les problèmes

d’approvisionnement en eau, pour la consommation humaine et animale comme pour

l’irrigation des cultures. Nous avons vu plusieurs barrages importants destinés à stocker

l’eau dont le niveau était préoccupant.

En conclusion… Ce périple enrichissant nous a laissés souvent admiratifs, quelquefois

sceptiques, perplexes, voire inquiets. L’expression par Cassi de ses frustrations, son

désabusement nous ont interpellés.

Il est clair que ce grand et beau pays, s’il possède de nombreux atouts, doit aussi faire face

à de sérieux défis.

Mais peut-être que, pour l’Afrique du Sud (comme pour le monde entier !), «The future is

female», comme nous avons pu le lire sur un T-shirt porté sur une (plantureuse) poitrine qui

rendait ces mots très lisibles.

En tout cas, de ce long et magnifique voyage, parfois fatiguant, jamais lassant, chouchoutés

par Linda et Claudette - que nous remercions encore chaleureusement -, informés

et «protégés» par Cassi et Giedo, les mama’s et papa’s (dixit Linda !) garderont un

merveilleux souvenir !

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