Voyage à Toulouse

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Extrait du livre Voyage à Toulouse aux Editions Pimientos - février 2010

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Que l’on vienne des Pyrénées après une cure thermale ou une excursionen montagne, que l’on visite l’Aquitaine, que l’on se dirige vers l’Espagne ouque l’on se rende en Provence ou même en Corse, Toulouse nous ouvre sesportes et dévoile devant nos yeux ses maisons de bois et de briques d’unrouge ocre, ses ponts inégaux, sa Garonne, ses rues étroites et sombres, sonarchitecture désordonnée, son histoire, sa beauté et ses contradictions. Levent d’autan accueille le voyageur intrigué par cette ville à nulle autrepareille. En effet, Toulouse n’ennuie pas ses promeneurs : les écrivains duXIXe siècle qui l’on visitée l’ont parfois aimée ou parfois détestée, ont étédéçus ou surpris, l’ont bien souvent comparé à Bordeaux, y ont recherchél’Italie mais aucun n’a jamais conçu d’indifférence à son égard.

Si au XIXe siècle la violette et son parfum participent à la renommée deToulouse, les écrivains-voyageurs sont davantage attirés par l’architecture,les monuments et les œuvres d’art. C’est l’époque de la prise de conscienced’un patrimoine national important à préserver et à restaurer. Des écrivainscomme Chateaubriand puis Nodier ou encore Mérimée et l’architecte Viollet-le-Duc portent cette idée à travers leurs écrits mais aussi à travers leursvoyages dans toute la France pour recenser ces monuments afin de les clas-ser et enfin les restaurer.

À Toulouse, l’église Saint-Sernin retient l’attention de ces hommes delettres qui s’emploient à la décrire sous tous ses angles, même dans ses plusplus infimes détails. Pour tous, même pour Stendhal très critique à l’égard

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des monuments de Toulouse, Saint-Sernin est «magnifique» : «Dès que j’airepris courage, je retourne à Saint-Sernin qui m’a profondément intéressé.C’est le premier édifice roman qui m’ait donné une profonde sensation debeauté.» L’église est pourtant très mal entretenue, quasiment abandonnéeau moment où Stendhal la visite. C’est grâce à Mérimée qu’elle pourra êtrerestaurée par Viollet-le-Duc à partir de 1855.

D’autres édifices toulousains comme le musée et son cloître gothiquefont l’unanimité des visiteurs, ou encore l’hôtel d’Assézat de styleRenaissance. En revanche, nos écrivains restent beaucoup plus partagés surle Capitole qui pourtant est la fierté des Toulousains. Vivement dénigré parStendhal, jugé «banal» par Joanne et Reclus, le Capitole n’est que modéré-ment apprécié par les voyageurs à l’image d’une architecture toulousainetrop discordante. En effet, les rues mal pavées et trop étroites, les maisonsen briques ou en bois, certaines églises aux styles mélangés déplaisentsystématiquement aux différents écrivains qui ne manquent pas de le préci-ser vigoureusement dans leur récit de voyage.

Après l’art et l’architecture, les voyageurs s’intéressent beaucoup à lapopulation toulousaine à travers ses habitudes de vie, ses caractères, sesvêtements et bien entendu son accent si sonore. C’est alors le regard del’intellectuel «parisien» qui se pose sur l’autre et le rencontre. Vivant pourla plupart dans le Nord de la France, nos écrivains s’étonnent, s’agacent par-fois de la trop grande vivacité, de l’enthousiasme méridional que Stendhalou Taine peuvent prendre pour de la grossièreté. Si Henry James reste fas-ciné par la prononciation toulousaine, Taine compare cet accent à un« jappement et comme des rentrées de clarinettes. » La foule, l’agitation, lesvoix trop fortes semblent indisposer certains de nos visiteurs qui leur préfè-rent les figures féminines colorées et virevoltantes. Même si la rencontre nese fait pas toujours dans l’harmonie, les voyageurs font tous l’éloge del’hospitalité toulousaine et de cette générosité du sud.

À travers les multiples visages offerts par la ville rose, les écrivains sonttrès sensibles à la douceur du climat et à la beauté des paysages environ-nants qui annoncent le Midi. Pour Flaubert, Michelet ou James, avecToulouse commence le Midi, sa lumière et ses délices. C’est aussi l’évocationde l’Italie que beaucoup ont visitée et qui demeure la contrée idéale.Chateaubriand, Stendhal, Taine, Michelet et d’autres encore essaient deretrouver des traces d’Italie à Toulouse dans le langage, la luminosité, les

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couleurs ou l’architecture. Même si leur attente est déçue, Toulouse est bienla porte qui ouvre vers le pays rêvé.

En suivant pas à pas le cheminement de nos écrivains-voyageurs, nousnous laissons enivrer, nous lecteurs, par une ville tout en caléïdoscope, spec-tacle étrange sans cesse renouvelé de couleurs, de senteurs, de lumière etd’ombre, de beauté et de laideur, entre les ruelles tortueuses et le clocher deSaint-Sernin se détachant dans l’azur. Après toutes ces images, restent lesentiment d’une mélancolie inexpliquée et la silhouette de Toulouse commel’a décrite Taine à son arrivée : «Toulouse apparaît, toute rouge de briques,dans la poudre rouge du soir. »

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