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Premières réflexions et l'Etat des lieux du Crowdfunding.

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  • PREMIRES RFLEXIONS ET TAT DES LIEUX DU CROWD-FUNDING

    Vous avez dit crowdfunding ? Rflexions prospectives et repres pratiques

  • INTRODUCTION

    Entraide financire : un phnomne ancienLa solidarit financire ne date pas de notre poque contem-poraine. Fonde sur des rseaux sociaux et une logique de communaut, elle se retrouve dans les socits archaques et prmodernes sous diffrentes formes. Tel est le cas du potlatch, qui repose sur le principe du don au sein dune communaut, ou de la tontine qui repose sur le principe dune caisse commune laquelle abondent plusieurs personnes parts gales, et qui reviendra au dernier survivant du groupe. Il sagit donc dune logique sociale base sur la solidarit entre les membres du groupe, la confiance et les liens qui les unissent. On entend de ce fait les rseaux sociaux comme tant ceux consti-tus par les familles, les proches, ou les mmes membres dune tribu. Ils sont donc structurs et agissent de ce fait comme un moteur de la dynamique de financement.

    Cest donc un phnomne ancien et qui perdure aujourdhui, sous diffrentes formes dans le cas de la tontine1. Si cette solidarit de proximit existe toujours, quelle est lorigine de lmergence du crowdfunding au XXIe sicle ? Elle trouve ses racines dans les nou-veaux outils qui se dveloppent, ainsi que le besoin de retrouver

    1 On distingue trois sortes de tontines : les tontines immobilires ; les tontines financires ; les associations tontinires qui sont des sortes de socits mutuelles ayant majoritairement cours en Afrique.

    du lien entre le financement et le porteur de projet. Cela rpond galement des besoins de financement qui ne sont pas pourvus par les dispositifs traditionnels. Tel est le cas de lequity gap.

    Equity gapLequity gap est traduit par trou de financement ou valle de la mort . Il se dfinit comme un dficit de capital social ( equity ) diffrents stades de la chane de financement. Cette chane suppose une continuit entre les diffrents acteurs qui se succdent au cours du dveloppement de lentreprise.

    En France, cette chane sinterrompt, le plus souvent, aprs linter-vention des Business Angels (BA) et avant celle du capital-risque qualifi galement de Venture Capital (VC). Selon lInstitut de Recherche pour la Dmographie des Entreprises, ce manque de financement est estim 4 milliards et concerne essentiellement la tranche entre 500 K et 2 millions 2.

    Prcisons quil existe aussi un besoin de financement sur une tranche partir de 100 K , une fois la Love Money apporte par le porteur du projet, ses amis et sa famille. En effet, les montants investis par les BA sont en baisse. En France, selon lassociation France Angels, 41 millions ont t investis par les BA en 2013 contre 44 millions en 2011. Notons toutefois que les sommes investies par les BA sont de nouveau la hausse en 2014.

    Le crowdfunding est alors une rponse aux besoins en capital social des start-up, des PME et des ETI (Entreprises de Taille Intermdiaire).

    2 www.irdeme.org

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  • 7Nouvelles opportunits pour de nouveaux acteursLavnement de lre du numrique et du Web va permettre une nouvelle approche de lentraide financire. Le Web offre de nouvelles opportunits pour un large panel dacteurs. Grce aux cots rduits de fonc-tionnement, ainsi quau pouvoir de diffu-sion dinternet, le crowdfunding permet dapporter de nouveaux types de finance-ment pour un large public. Il est galement possible denvisager de nouveaux modes de collaboration, au-del des systmes traditionnels qui oprent dans le domaine financier. En loccurrence, le porteur de projet peut prsenter ses besoins directe-ment auprs de contributeurs financiers. La structuration des changes et liens qui stablissent entre le porteur de projet et sa communaut est rgie en fonction de process tablis entre les parties. Ainsi, de nouvelles pratiques apparaissent grce aux technologies qui deviennent une sorte de catalyseur dans les dynamiques communautaires. Les relations de la soli-darit financire ne reposent plus unique-ment sur les liens de proximit gogra-phique, mais peuvent dsormais prendre ancrage dans dautres typologies commu-nautaires : groupes professionnels, com-munauts dintrts, communauts de pra-tiques. Il est possible dtendre son rseau au-del du cercle des amis et des proches. Ces nouvelles pratiques se fondent sur le principe de rseaux concentriques.

    Ainsi, le financement participatif permet de dmultiplier les forces investies dans un projet, en conservant un principe fonda-mental reposant sur lhumain et la com-munaut ; au-del de laspect financier, il gnre du lien social, car il permet de crer un cosystme autour du projet et de son porteur. La mobilisation de la foule par les outils numriques et les rseaux sociaux est une opportunit sup-plmentaire pour les porteurs de projet de tous horizons de voir se concrtiser leurs objectifs. De ce fait, cette dmarche sins-crit dans une forme de dmocratisation de lconomie, et de rappropriation de la finance par lintelligence collective.

    Typologie du crowdfundingLe financement participatif, traduction franaise du crowdfunding, na pas encore de dfinition juridique. Cest un mca-nisme qui permet de rcolter des fonds auprs dun large public, en vue de finan-cer un projet cratif (musique, dition, film, etc.), associatif ou entrepreneurial. Selon lAutorit des Marchs Financiers (AMF), il permet de collecter des fonds auprs des internautes afin de financer un projet spcifique. Ces fonds sont gnra-lement levs auprs dun grand nombre dinternautes sous la forme de contribu-tions relativement faibles. Il fonctionne donc via Internet, grce des plateformes. Les oprations de crowdfunding peuvent tre des soutiens dinitiative de proximit ou des projets dfendant certaines valeurs. Elles diffrent des mthodes de finance-ment traditionnelles et intgrent souvent une forte dimension affective.

    On distingue plusieurs types de finance-ment participatif : - Le don philanthropique qui se rapproche

    du mcnat, - Le don avec contreparties symboliques, - La prvente qui permet au porteur de

    projet de collecter des fonds pour la production dun bien qui sera envoy aux contributeurs,

    - Le prt avec ou sans intrt, - La souscription de titres (actions ou obli-

    gations) qui majoritairement se traduit par lentre au capital de la structure.

    Spcificits du financement participatifPlusieurs caractristiques peuvent tre releves concernant le financement parti-cipatif :

    En premier lieu le libre choix du projet pour le contributeur : la plateforme de crowdfunding slectionne des projets selon des critres qui lui sont propres, et qui sont proposs la foule. Ce premier filtrage permet doffrir aux contributeurs financiers une slection de projets parmi lesquels il reste libre de son choix. Chaque projet est prsent de faon individuelle.

    En deuxime lieu, le contributeur peut donc choisir directement le projet quil souhaite financer, en fonction de ses convictions personnelles. Un lien sta-blit sans intermdiaire autre que loutil numrique entre le porteur de projet et son contributeur financier.

    Enfin, il existe une certaine transpa-rence dans la relation qui se cre entre le porteur de projet et son contributeur, puisque celui-ci dispose de la traabilit de laffectation des fonds tout au long du projet, des oprations qui seront effec-tues sur la plateforme, ainsi que des modes de rmunration de celle-ci.

    Les atouts de ce mode de financement alternatif au systme bancaire tradition-nel rsident dans la quasi-inexistence dintermdiation entre le porteur de projet et son contributeur. Il repose ainsi sur le libre choix par le contributeur du projet dans lequel il souhaite investir, le lien direct entre les deux protagonistes, et la transparence dans leur relation. Au-del de lapport financier quil gnre, cest une communaut quil runit autour dun projet. Mme si la plateforme peut tre considre comme un intermdiaire entre le porteur et ses contributeurs, ce jour, elle se distingue de lintermdiaire classique au sens bancaire du terme.

    Il existe galement des points de vigilance issus du fait que linvestissement et le prt dans le crowdfunding sont des place-ments risque, qui ncessitent de la part de linvestisseur de contrler la crdibilit et le srieux de la plateforme sur laquelle il sengage auprs du porteur de projet. Il relve donc de sa responsabilit de vri-fier la vracit des informations portes sa connaissance. Afin de scuriser les pratiques du crowdfunding, le lgislateur franais est intervenu pour tablir un pre-mier cadre juridique spcifique au finance-ment participatif.

    Au demeurant, le crowdfunding connat un essor sans prcdent ces deux dernires annes qui tend confirmer limportance dun suivi et dune scurisation des pra-tiques en la matire.

  • TAT DES LIEUX DU CROWDFUNDINGForce est de constater que sur ces trois dernires annes, le crowdfunding connat un essor fulgurant tant lchelon europen que mondial, mme si les sommes collectes restent mineures au regard des masses globales des financements. La France a su galement saisir cette opportunit quoffre le financement participatif en dveloppant un cadre juridique adapt. Cette volution, voire cette rvolution, a trouv son origine dans lavnement de lre digitale, qui fait partie des gnes mmes des plateformes de crowdfunding. Nanmoins, ce virage digital touche tous les acteurs de la finance, y compris les entreprises qui se retrouvent au cur de lcosystme, tout comme le secteur bancaire. Si des formes de financement solidaire existent dj, comme en tmoignent les acteurs du mcnat, le crowdfunding y contribue galement comme dun outil complmentaire.

    Le crowdfunding en France, en Europe et dans le monde

    En France

    Le baromtre de Financement Participatif France permet davoir une bonne vision de ltat du crowdfunding en France3. Il regroupe les chiffres des 46 plateformes les plus emblmatiques et est donc trs reprsentatif.

    3 http://financeparticipative.org/barometres/annee-2014/

    Le montant des collectes sest lev 152 millions deuros en 2014, soit un doublement par rapport 2013 (78,3 millions ).

    Le prt arrive en tte avec 88,4 millions reprsentant 58 % des fonds collects, suivi du don (38,2 millions , soit 25 % des fonds collects, tant prcis que le don avec contrepartie4 reprsente la majorit des montants souscrits : 33,5 mil-lions sur 38,2 millions ), et enfin la souscription au capital avec 25,4 mil-lions (soit 17 % des fonds collects). Ces chiffres sont peu prs stables par rapport 2013, si ce nest une lgre progression de linvestissement en capital au dtriment du prt (47,9 millions pour le prt, soit 62 % des fonds collects, 19,3 millions pour le don, soit 25 % des fonds collects, et 10,3 millions pour lequity, soit 13 %).

    Le montant collect par projet en 2014 slve 376 733 pour la souscription en capital (ce qui est logique tant donn quune souscription en capital ncessite une structuration plus complique et, par-tant, un montant significatif pour absorber les cots de structure), 65 448 pour le prt rmunr, 1 326 pour le prt non rmunr (qui se rapproche dune logique philanthrope), 3 477 pour le don avec rcompense et 2 858 pour le don sans rcompense.

    La contribution moyenne par contributeur est de 4 470 pour lequity (ce montant est logique tant donn la structuration plus complexe des projets, les plateformes demandant souvent un montant minimum de souscription aux alentours de 1 000 5), 561 pour le prt rmunr, 87 pour le prt non rmunr (on retrouve le ct philanthrope de ce type de prt, qui se

    4 Laspect don du crowdfunding sera tudi dans le chapitre consacr au mcnat.

    5 Par exemple pour le projet En direct des leveurs, MyNewStar tUp propose jusqu 2 500 dabonder sous forme de dons avec contrepartie et de souscrire en capital partir de 2 500 (ce montant sexplique aussi par le fait que les investissements pour le projet En direct des leveurs se font directement dans la structure et non pas dans une holding ; il sagissait donc de limiter le nombre dactionnaires qui sont autant dinterlocuteurs pour le dirigeant) https://www.mynewstartup.com/en-direct-des-eleveurs. linverse la plateforme WiSEED souhaite uvrer pour la dmocratie entrepreneuriale des Franais et a fix le seuil minimum de souscription seulement 100 https://www.wiseed.com/fr.

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  • 9rapproche aussi du prt dhonneur), 62 pour le don sans contre-partie et 58 pour le don avec contrepartie.

    Le taux de succs des projets stablit 99 % pour le prt et seu-lement 54 % pour le capital ce qui tmoigne de la plus grande difficult pour boucler ces leves de fonds et qui montre aussi une rticence des investisseurs pour des projets plus risqus dans le temps (la dure des prts est souvent courte de 2 5 ans) et surtout moins liquides quun prt car, en matire dequity, il y a non seulement le risque inhrent au projet mais galement le risque dilliquidit concernant la revente des actions. Le don sans rcompense est russi hauteur de 99 % alors que le don avec contrepartie nest russi qu hauteur de 57 % ce qui montre que la philanthropie fonctionne bien alors que des projets plus hydrides (campagne de prvente ou amorage dune start-up) pourront avoir du mal trouver un financement.

    En Europe

    Une tude a t rcemment publie par lUniversit de Cambridge et EY6. Il en rsulte quentre 2013 et 2014, le crowdfunding a aug-ment de 144 % pour atteindre presque 3 milliards et pourrait dpasser 7 milliards en 2015. Le premier pays europen est de loin le Royaume-Uni (1,78 milliard en 2014) suivi par la France (154 millions ), lAllemagne (140 millions ), la Sude (107 mil-lions ), les Pays-Bas (78 millions ) et lEspagne (62 millions ). Comme le fait remarquer MyNewStartUp dans son commentaire de cette tude, avec 2,40 dpenss en moyenne par habitant pour le crowdfunding, la moyenne franaise est encore une fois loin des Britanniques (36 en moyenne) 7.

    Si lon exclut le Royaume-Uni, le montant du financement parti-cipatif slve 640 millions en 2014 dont 368 millions pour le prt (275 millions pour le prt de particulier particulier et 93 millions pour le prt de particulier entreprise) qui repr-sente le segment de march le plus important (comme en France) suivi par le don avec contrepartie hauteur de 120 millions et le financement en capital hauteur de 83 millions . En 2014, 201 millions de financements damorage, de croissance et de fonds de roulement ont t fournis aux PME et aux start-up euro-pennes par le biais de plateformes de financement participatif.

    lchelle mondiale

    Ltude rcente de Massolution8 indique que le crowdfunding a augment de 167 % (de 6,1 milliards$ en 2013 16,2 milliards$ en 2014). Pour 2015, le financement participatif lchelle mon-diale pourrait atteindre 34,4 milliards$.

    Cette croissance est essentiellement porte par lAsie qui a pro-

    6 The European Alternative Finance Benchmarking Report www.jbs.cam.ac.uk/ccaf/movingmainstream

    7 Tour dhorizon des tendances du crowdfunding en Europe https://www.mynewstartup.com/page/tendances-crowdfunding-financement-participatif-europe-2014

    8 ht tp: //snip.ly/ IuG6#ht tp: //www.crowdsourcing.org/editor ial /global-crowdfunding-market-to-reach-344b-in-2015-predicts-massolutions-2015cf-industry-report/45376

    gress de 320 % entre 2013 et 2014 et qui reprsente en 2014 des montants levs de 3,4 milliards$, dpassant ainsi lgrement le montant collect en Europe qui reprsente 3,26 milliards$. Le march mondial reste domin par lAmrique du Nord avec 9,46 milliards$ en augmentation de 145 % entre 2013 et 2014.

    Comme en France et en Europe, le prt est le mode de finance-ment le plus rpandu puisquil totalisait 11,08 milliards$ en 2014 (sur 16,2 milliards$).

    Le rgime juridique du crowdfunding en France

    Depuis le 1er octobre 2014 la France dispose dune lgisla-tion souple et attractive en matire de crowdfunding. La rglementation franaise est en pointe en Europe et pour-rait dailleurs faire office de modle pour une lgislation unifie au niveau de lUnion europenne. Daprs le rapport annuel 2014 de lAMF9 (Autorit des Marchs Financiers), la Commission euro-penne a instaur un groupe dexperts appel Forum europen des acteurs du financement participatif pour dterminer les actions mener au niveau europen. Les autorits europennes de supervision (ESMA10 et EBA11) sont charges didentifier et dvaluer les moyens permettant de faire converger les rglemen-tations applicables au financement participatif au sein de lUnion europenne tout en assurant la protection des investisseurs.

    Avant les modifications apportes par lordonnance du 30 mai 2014, le cadre lgislatif et rglementaire ntait pas du tout adapt au crowdfunding. LAMF et lACPR (Autorit de Contrle Prudentiel et de Rsolution) avaient rappel dans un guide lobligation impo-se aux plateformes dtre immatricules comme des prestataires

    9 http://www.amf-france.org/Publications/Rapports-annuels/Rapports-annuels-de-l-AMF/annee_2010-2014.html?docId=workspace%3A%2F%2FSpacesStore%2F972f54a7-bb1a-4af3-9578-75efe663e9f7

    10 European Securities and Markets Authority https://www.esma.europa.eu/

    11 European Banking Authority http://www.eba.europa.eu/

  • de service dinvestissement (PSI)12 ou des tablissements de crdit aux contraintes prudentielles (constitution de fonds propres) et dontologiques trs importantes13.

    Aussi lAMF, lACPR, le Ministre de lcono-mie et des Finances, et le Ministre Dlgu charg des PME, de linnovation et de lconomie numrique ont lanc conjoin-tement une large consultation de place lautomne 2013 qui a rapidement abouti lordonnance n 2014-559 du 30 mai 2014 complte par le dcret n 2014-1053 du 16 septembre 2014.

    Aujourdhui le rgime juridique du crowd-funding en France peut tre rsum de la manire suivante14 :1. En matire de don, la rglementation a

    trs peu volu : les plateformes nont pas lobligation dtre immatricules condition quelles nencaissent pas les sommes pour le compte des associa-tions ou porteurs de projet quelles pro-meuvent. En pratique elles sappuient sur un tablissement de paiement qui effec-tue ce travail de collecte. Il nexiste pas de montant maximum par donateur et par projet. Les plateformes de dons rentrent dans le champ de comptence exclusif de lACPR.

    2. En matire de prt, une exception au monopole bancaire a t institue15 puisque les particuliers peuvent dsor-

    12 Les prestataires de services dinvestissement (PSI) sont des entreprises dinvestissement et des tablissements de crdit ayant reu un agrment pour fournir des services d investissement (rception et transmission dordres pour le compte de tiers, excution dordres pour le compte de tiers, ngociation pour compte propre, gestion de portefeuille pour le compte de tiers, conseil en investissement, prise ferme, placement garanti, placement non garanti, exploitation dun systme multilatral de ngociation). Lexercice de chacun de ces services est soumis au respect de rgles de bonne conduite et dorganisation ; aprs avis de lAMF, lagrment est dlivr par lAutorit de contrle prudentiel et de rsolution (ACPR) qui tient jour la liste des prestataires agrs.

    13 Guide du financement participatif (crowdfunding) destination des plateformes et des porteurs de projet de lAMF et de lACPR du 14 mai 2013 www.amf-france.org et http://acpr.banque-france.fr/lacpr.html

    14 On pourra utilement se rfrer au guide pratique de lAMF et de lACPR dif fus aprs la mise en place du nouveau rgime : Sinformer sur le nouveau cadre applicable au financement participatif (crowdfunding) de lAMF et de lACPR publi le 30 septembre 2014

    15 Article L. 511-6 alina 7 du Code montaire et financier

    mais prter un montant maximum de 1 000 euros par personne et par projet (si le prt est rmunr) et 4 000 euros par personne et par projet (si le prt nest pas rmu-nr). Le montant total du prt ne peut pas excder la somme dun million deuros. Le prt doit tre dune dure maximum de 7 ans et prvoir un taux fixe qui ne peut dpasser celui de lusure. - Les plateformes doivent tre imma-tricules comme Intermdiaire en Financement Participatif (IFP) auprs de lORIAS16 aprs examen de leur dos-sier dadmission par lACPR qui est leur autorit de tutelle. Les rgles de don-tologie, de blanchiment et de fonds propres sont allges par rapport aux tablissements bancaires classiques. - Si le montant autoris par personne et par prt peut tre jug faible, des rflexions sont en cours pour augmenter ce plafond et ouvrir le mcanisme aux entreprises17. La loi pour la croissance et lactivit (dite loi Macron) en cours dexamen a fait une timide avance en la matire car elle autorise les prts entre entreprises dans le strict cadre suivant : - Les entreprises qui peuvent prter des micro-entreprises, PME ou ETI (les grandes socits ne peuvent donc pas solliciter de prts) sont des SA ou SARL dont les comptes sont certifis par des commissaires aux comptes (les SAS qui reprsentent la trs grande majorit des entreprises sont exclues de manire tonnante) qui entretiennent avec le prteur des relations conomiques (sans que ces relations servent contourner les rgles sur les dlais de paiement)

    3. Le prt doit tre attest par le commis-saire aux comptes et suivre la procdure des conventions rglementes. Il sera mentionn dans le rapport de gestion. Le prteur ne pourra pas titriser le prt.18

    - En matire dequity (souscription de capital), le montant maximum est fix un million deuros sur une priode de

    16 Plateformes IFP immatricules au 4 mars 2015 : finsquare.fr, pretpme.fr, prexem.com, credit.fr, hellomerci.com, givemedolz.com, lendopolis.com, pretgo.fr, bluebees.fr, lendix.com, bitbankin.com, lendosphere.com, tributile.fr, bolden.fr, credofunding.fr, lesentrepreteurs.com, apoyogo.fr, crowdeb.strikingly.com, unifund.fr, ornicar-cip.com, ecobole.com, tipeee.com

    17 Proposition remise lors des assises du financement participatif du 11 dcembre 2014

    18 http://www.senat.fr/enseance/2014-2015/371/Amdt_1741.html

    12 mois sans avoir rdiger un prospec-tus soumis au visa de lAMF19 (comme pour le prt, donc) mais il nexiste pas de montant maximum par souscripteur. - Les plateformes doivent tre immatri-cules auprs de lORIAS en tant que Conseiller en Investissement Par-ticipatif (CIP)20 aprs examen de leur dossier dadmission par lAMF21 qui est leur autorit de tutelle mais qui par-tage sa comptence avec lACPR en matire de souscription de titres22. Les CIP doivent adhrer une association professionnelle (aucune na encore t agre par lAMF) et souscrire partir de 2016 une assurance professionnelle. Les CIP peuvent proposer la souscription dactions ordinaires ou dobligations ( taux fixe) mises par des socits ano-nymes (SA) ou des socits par actions simplifies (SAS) qui doivent alors res-pecter certaines rgles spcifiques aux SA concernant les dcisions des asso-cis23. Comme pour les IFP, les rgles de dontologie, de blanchiment et de fonds propres sont allges par rapport aux prestataires de services dinvestissement (PSI). noter quEOS Venture est la pre-mire plateforme de financement parti-cipatif stre immatricule comme PSI24 lui permettant de proposer des titres hydrides (comme des obligations conver-tibles), des souscriptions suprieures 1 million deuros25 et/ou des services au sein de lEspace conomique europen. noter quun PSI proposant des services de financement participatif est rgul conjointement par lAMF et lACPR.

    19 Article L. 441-2 I bis du Code montaire et financier

    20 Plateformes CIP immatricules au 4 mars 2015 : anaxago.com, lumo-France.com, wiseed.com, sowefund.com, raizers.com, investbook.fr, 1001pact.com, bulbintown.com, feedelios.com

    21 Daprs le rappor t annuel 2014 de l AMF (page 50), au 31 dcembre 2014 les services de lAMF avaient prsent 8 dossiers CIP et 1 dossier PSI au Collge de lAMF. la date de publication de son rapport annuel (mai 2015), les services de lAMF taient en contact avec une quinzaine de futurs acteurs dequity crowdfunding.

    22 Rapport annuel 2014 de lAMF, page 74

    23 Article L. 227-2-1 du Code de commerce

    24 http://www.eosventure.com/article les chos 1er avril 2015

    25 LAMF a rcemment pris position sur le sujet en refusant le visa dun prospectus pour une opration de 25 millions soumis par une plateforme CIP qui navait pas le statut de PSI (article AGEFI du 14 avril 2015)

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    Il convient de souligner que limmatriculation nest pas un label qualit. Dans le cas des IFP, linscription lOrias vise en effet uni-quement assurer des vrifications de forme (casier judiciaire et diplme du fondateur, tablissement en France). Dans le cas des CIP, elle intervient aprs un examen par lAMF de questions rela-tives la comptence des dirigeants, ainsi quau fonctionnement du site Web de ces entreprises.

    La loi de finances rectificative du 29 dcembre 2014 a assoupli le recours aux holdings dinvestissement car, pour bnficier dune rduction dimpt concernant tant limpt sur le revenu (IR) ou limpt de solidarit sur la for-tune (ISF)26, il nest dsormais plus requis que ces holdings accueillent au maximum 50 actionnaires et nemploient pas plus de deux salaris. Le recours des holdings regroupant la foule va donc trs probablement se dvelopper. Ce modle sera tudi dans la partie gouvernance.

    Don

    Pas dobligation dimmatriculation pour les plateformes dedons

    Pas de montant maximum de collecte

    Prt

    Intermdiaire en financement participatif (IFP) agr parlACPR

    Montant par projet d1 M maximum Montant par personne et par projet :

    - 1 000 si prt rmunr - 4 000 si non rmunr

    Capital

    Conseiller en investissement participatif (CIP) agr par lAMF

    Montant par projet d1 M maximum

    26 La rduction dIR est gale 18 % du versement dans la limite annuelle de 100 000 (contribuables maris ou pacss). La rduction dISF est gale 50 % de linvestissement mais plafonne 45 000 , tant prcis que les actions doivent tre conserves pendant une dure de 5 ans. Ces dispositifs ne sont pas cumulables et le contribuable investisseur choisira, en fonction de sa situation personnelle, soit la rduction IR, soit celle au titre de lISF

    La digitalisation

    Par le terme digitalisation , on entend aussi bien les termes de numrique , de big data ; que de pure player ; de cloud ; de rseaux sociaux ; ou encore de smartphone .

    Dans cette partie, nous ne ferons aucune diffrence entre la digitalisation et le numrique. On tentera successivement de rpondre aux questions suivantes : Quest-ce que la transforma-tion digitale ? Quels sont les atouts en France pour russir cette rvolution digitale ? Et enfin, en quoi la transformation digitale a rvolutionn ou fait voluer la finance ?

    La transformation digitale

    Cette transformation est, tout dabord, ne de ce que lon pour-rait appeler une troisime rvolution industrielle portant sur lavnement du Cloud Computing, de lInternet haut dbit, des rseaux sociaux

    En ralit, cette rvolution est issue dune volution rapide des mentalits lies la dmocratisation de la technologie. Les volutions technologiques successives ont permis de proposer la foule des interfaces plus conviviales et intuitives en termes de prise de main et dutilisation.

    Par consquent, aujourdhui, crer son site Web ou son appli pour tlphone mobile devient accessible. De plus, les cots de cration et dachat dune machine commande numrique, dune imprimante ou dun logiciel 3D ont t diviss par dix en cinq ans27. Enfin, notons que lexplosion de laccs internet dans le monde a permis aux internautes de sapproprier ces nouveaux outils pour former des communauts on-line dexpression, de partage et dinfluence.

    Cette rvolution numrique ou digitale est en marche chez les entreprises qui craignent un risque de ubrisation . Ce risque se traduit par larrive dun acteur disruptif28 qui va

    27 Notre fabrique start-up tourne plein rgime , Capital, 2015, n284, p. 69.

    28 Prenons lexemple dUber chez les chauffeurs de Taxi. Uber a t cr en 2009. Cest une entreprise de technologie qui dveloppe et opre des applications mobiles de mise en contact dutilisateurs avec des conducteurs ralisant des services de transports. Depuis, il a lev 4,5 milliards de dollars pour financer sa croissance. En cinq ans, lentreprise a connu une croissance incroyable.

  • capter une partie de la valeur cre par des acteurs traditionnels, voire inventer une nouvelle faon de vendre et de produire brisant ainsi leur chane de cration et de rpartition de la valeur.

    Cependant, selon une tude de lInsee ra-lise en 2014, lutilisation du cloud par les socits franaises reste timide29. Pourtant, la France possde de nombreux atouts pour russir sa transformation digitale.

    Le virage digital en France

    Le premier est celui de lagilit techno-logique issue de la qualit de nos forma-tions scientifiques et conomiques.

    Cette agilit se dveloppe galement grce l open innovation . Cet open innovation consiste ouvrir le processus dinnovation des entreprises vers lext-rieur dans le but de co-dvelopper une nouvelle technologie. Cette dmarche ouverte prsente un double avantage. Pre-mirement, elle permet de minimiser les cots via la mobilisation de lintelligence collective dune communaut voire dun cosystme nouveau. Deuximement, elle offre la possibilit de raccourcir le time to market (i.e. dlai de mise en uvre ncessaire pour le dveloppement et la mise au point dun projet ou dun produit, avant quil puisse tre lanc sur le march).

    Le second atout est que cette conomie davantage collaborative se structure autour dinitiatives telles que les cataly-seurs dinnovations .

    Numa est lun des premiers catalyseurs cr en 2000 sous le nom de Silicon Sentier.

    29 Si 12 % dentre elles ont recours plusieurs services tels que la messagerie ou le stockage de donnes, ce pourcentage (19 %, en moyenne) est plus important chez nos voisines europennes. Cette timidit est lie plusieurs facteurs : des cots encore levs (37 % des entreprises interroges) ; des incertitudes lies la scurit (31 %) ; et la localisation des donnes (31 %). Lindice de Transformation Numrique des entreprises franaises dvoil, en septembre 2014, confirme ses premiers rsultats. Non seulement, lIndice de Transformation Numrique moyen reste faible (33/100), mais des freins persistent encore (i.e. cot ; rsistance au changement ; manque de comptences ; absence de volont managriale). Source : Transformation numrique : pourquoi (et comment) les entreprises doivent acclrer , Lusine Nouvelle, 1er avril 2015.

    Cette association a lanc le concept de cantine en 2008 (premier espace de co-working). Elle est devenue la fois un acclrateur de start-up, un accompa-gnateur de grandes entreprises dans leur transformation numrique et un lieu de co-working. Fin avril 2015, elle a annonc changer de statut juridique pour devenir une socit anonyme. Son projet est de btir un vritable cosystme mon-diale de linnovation avec la cration de 15hubs via deux leves de fonds ; une premire via lequity-crowdfunding et une seconde plus classique avec des acteurs institutionnels.

    Dautres catalyseurs sont en cours de cra-tion. Citons le hub start-up de BPI France qui se prsente comme une offre dinter-mdiation pour catalyser les relations entre start-up, ETI (Entreprises de Taille Inter-mdiaire) et grands groupes 30. Enfin, mentionnons lincubateur de 30000 m2 financ par Xavier Niel qui ouvrira ses portes en 2016 dans la halle Freyssinet.

    Vers une finance digitale

    Rappelons que ce co-working et cet open innovation trouvent leur origine dans le crowdsourcing. Selon Lebraty (2007), le crowdsourcing signifie lexternalisation par une organisation, via un site Web, dune activit auprs dun grand nombre din-dividus dont lidentit est la plus souvent inconnue 31. Cette externalisation permet de bnficier de lintelligence collective ou de la sagesse de la foule (crowd intelligence ou crowd wisdow), de sa crativit (crowd creation), de son avis (crowd voting) et de son financement (crowdfunding).

    Les plateformes de crowdfunding ont utilis les leviers de cration de valeur du crowdsourcing en mettant en place une gouvernance digitale. Pour elles, loutil digital est un vecteur de confiance per-mettant de mobiliser les ressources, les comptences et lexpertise dune communaut. Plusieurs tudes empi-riques montrent que cet esprit commu-nautaire est dterminant dans la russite de la leve de fonds dun projet. En effet, dans la phase de pr-investissement, les

    30 http://www.bpifrance-lehubstartup.fr/

    31 Lebraty J-F, 2007, Vers un nouveau mode d e x te r na l i s a t i on : l e c rowdsou rc ing , communication au 12e Congrs de l AIMS, Lausanne.

    membres de la communaut sont les pre-miers mettre leurs avis, expertises et contacts sur le produit/service, en vue de lamliorer.

    Si cette gouvernance digitale est ins-crite dans les gnes des plateformes de crowdfunding, dautres acteurs de lin-dustrie de la Finance ont dbut ce virage numrique. Selon une enqute, 61 % des dirigeants du secteur de lAssurance ont dj pris conscience de la ncessit de dbuter ce virage digital qui va transformer leur activit dans les cinq ans32.

    Une nouvelle re de l InsurTech se dveloppe. Ce concept construit par le ple Finance Innovation a pour fonction de fdrer et mobiliser les parties prenantes de lassurance, assurs compris, autour de linnovation digitale. Cette dmarche part du principe que lensemble des actes qui caractrisent une compagnie dassurances vont ou sont transforms par le digital.

    Autre signe fort, celui de la volont affi-che de faire de la transformation digitale la principale priorit stratgique du groupe BBVA. Depuis 2011, la banque a dpens plus de 3,2 milliards deuros pour dvelop-per les services en ligne et sur mobile, et rpondre la menace existentielle que reprsentent des firmes comme Google, Facebook ou Amazon. Face au dclin des transactions en agence et la croissance exponentielle des transactions digitales, le groupe BBVA propose de nouveaux outils digitaux ses clients-investisseurs. Des documents interactifs tels que les rapports dassembles gnrales et webcasts sont proposs pour rendre linformation plus pdagogique, intuitive et favorisant une consultation nomade.

    Notons galement que des entreprises favorisent une consultation nomade leurs investisseurs via les smartphones et tablettes (e.g. applications Total Inves-tors ou Shareholders chez Saint Gobain).

    En conclusion, cette transformation digi-tale en cours pose de nouvelles questions : - Le crowdfunding reprsente-t-il une

    menace de ubrisation ou une opportunit dans la transformation digi-tale des banques et des assurances ?

    32 La transformation digitale en cours , La tribune de lAssurance, 1er mai 2015.

    12

  • 13

    - Comment les banques et les assurances peroivent-elles les plateformes de crowdfunding ?

    - Vont-elles simmiscer, dans le futur, dans lcosystme mergent du crowd-funding ?

    Enfin, soulignons que lenjeu de gouver-nance demeure central dans la transfor-mation digitale des entreprises, comme le souligne le MIT et Capgemini Consulting33. Ds lors, il est intressant de dterminer le design de gouvernance des plateformes de crowdfunding, pour analyser leur effi-cience et conseiller les entreprises face aux nouveaux enjeux de la transformation digitale.

    Dsinter-mdiation bancaire : risques et perspectivesLe risque peut tre dfini comme lexposi-tion un danger potentiel, inhrent une situation ou une activit. Ce danger claire-ment identifiable rsulte dun ou plusieurs vnements, pouvant tre distinctement recenss, dont la survenance reste possible mais hypothtique.

    Dans le secteur bancaire et financier, ces principaux risques ont t identifis et rpertoris de la faon suivante34 : - Le risque de contrepartie, issu du fait

    que lun des cocontractants ne tienne pas ses engagements

    - Le risque de taux, qualifi galement de risque des prts emprunts, reposant sur une volution dfavorable du taux de crdit, soit la hausse pour lemprun-teur, soit la baisse pour le prteur, lorsque le prt est taux variable.

    - Le risque de change concerne la varia-tion des cours montaires et son impact sur les transactions fondes sur le taux de change.

    - Le risque dilliquidit dfinit comme la difficult acheter ou revendre un

    33 Digital transformation : making it happen , Digital Transformation review, 2012, n3.

    34 Arnaud de Servigny, Ivan Zelenko, Le risque de crdit, face la crise , 4e dition, Gestion Finance, dition Dunod, 2010

    actif, en dautres termes, il peut savrer impossible pour le vendeur de trou-ver un acheteur pour ses titres, ou au contraire, pour un acheteur de ne pas pouvoir en acheter.

    Si les risques encourus dans le cadre de transactions financires intermdies par des acteurs bancaires sont connus et anticips pour certains, tant par le lgisla-teur que par les professionnels du secteur, quen est-il de ceux issus des transactions faites dans le contexte de la dsinterm-diation issue du crowdfunding ? Sont-ils les mmes que ceux identifis pour les actions financires dites classiques au regard de celles appartenant la finance participative ?

    Si lon observe certaines similitudes dans les deux cas de figure, quelques spcifi-cits sont prciser pour les transactions dsintermdies du crowdfunding.

    Linvestissement dans un projet com-porte des risques issus de son non-abou-tissement. Habituellement, ce risque est port par la banque qui ralise le financement intermdi avec le porteur de projet. En revanche, dans le cadre du financement participatif, ce risque est support par linternaute contributeur lui-mme, sans garantie de recouvre-ment, telle quelle peut exister pour un tablissement bancaire.

    Ainsi, les risques diffrent au sens o ils sont lis directement au porteur de projet lgard dun contributeur priv.

    Au demeurant, la plateforme de crowd-funding intervient comme mdiatrice, puisquelle permet la mise en relation entre un porteur de projet et une multitude de contributeurs. Si ce jour, elle ne garantit pas les risques lis au projet, elle assure le respect de principes de bonne conduite et de transparence qui apportent une slection des porteurs de projets donc un filtrage. Elle doit notamment, au regard des obligations lgales : senqurir du profil de ses contributeurs,

    leurs attentes et leurs motivations. Permettre laccs des contributeurs aux

    informations dtailles sur le projet et sur les risques inhrents au financement participatif.

    la diffrence des outils financiers ban-caires, le crowdfunding exige donc du

    porteur de projet quil simplique dans une forte communication en direction des contributeurs, la fois pour russir attirer suffisamment dinvestisseurs et pour les clairer sur les risques du projet.

    Au demeurant, comme pour toute tran-saction financire risque, il existe des points de vigilance que les contributeurs doivent avoir lesprit avant de se lancer dans le financement participatif.

    Les risques lis au porteur de projet

    Du non-remboursement du prt (crowdlending)

    Lchec conomique du projet peut rsul-ter de diffrentes causes parmi lesquelles une ide apparemment sduisante qui savre difficilement applicable, un chec technique dans la mise en uvre pra-tique, la commercialisation du produit ou du service, des erreurs de gestion et de management.

    Du problme de lilliquidit

    Sagissant de socits non cotes, il est trs rarement prvu la possibilit de rachat des titres de la foule. Au mieux, il peut tre stipul dans le pacte dactionnaire une clause pour discuter de la liquidit via la cession de la socit ou son introduction en bourse. Puis il peut arriver plus longue chance quun mandat soit confi un intermdiaire financier pour une cession ou une introduction en bourse.

    Mme si lactivit de la socit est bonne, la sortie des apports de capitaux nest pas pour autant systmatiquement possible. Il faut avoir prsent lesprit que le march secondaire est aujourdhui inexistant, et que seule la perspective dun rendement ou dune plus-value potentielle forts condi-tionne les possibilits de sortie de linves-tissement.

    De la perte du capital

    La perte du capital peut avoir pour origine diffrentes raisons parmi lesquelles : - le dcollage du projet requiert des apports

    de capitaux nouveaux supplmentaires pour poursuivre, mais impossibles lever,

    - lactivit nest pas suffisamment rentable pour attirer des capitaux nouveaux,

  • - lchec commercial et/ou financier, les pertes absorbant dfinitivement les apports de fonds.

    Comme pour toute forme de transaction financire, les fraudes peuvent tre multi-ples : le dtournement, lemploi diffrent de celui annonc, une utilisation illicite, les arnaques et les promesses non tenues Le droit commun sapplique alors aussi au crowdfunding et conformment la loi, lar-rt de lactivit pour tre impose en cas de fraude, sans compensation ni dlai.

    La facilit daccs au financement de projets via le crowdfunding requiert une bonne information du contributeur, afin dviter les risques lis la mauvaise appr-hension du projet.

    Les risques dincomprhension par linvestisseur ou le prteur

    La simplicit de la mise en relation por-teur-investisseur, laffinit avec un projet doivent aller de pair avec une bonne com-prhension de la porte de son engage-ment par linvestisseur. Ainsi, lexactitude des informations sur le projet, ses pers-pectives de russite, la clart des enjeux conomiques constituent des points dter-minants pour un engagement clair ; la pertinence des modles business projets est cruciale.

    En effet, le taux de survie des crations dentreprise 5 ans est de 50 %35, ce qui signifie un risque de casse importante intgrer avant de sengager.

    Le risque est considrablement accru en labsence : - dune exprience pralable suffisante et

    prouve des investisseurs en matire de placements risque dfinis comme lab-sence de garantie au dpart du capital prt ou apport,

    - dune optique de long terme avec un horizon dau moins cinq ans, pour donner le temps de rembourser, gn-rer des rsultats positifs suffisants pour assurer la sortie du capital,

    - dun bon professionnalisme de la

    35 (source INSEE) http://insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=3&ref_id=enttc09104

    plateforme, gnrateur de valeur ajou-te pour linvestisseur lacceptation desprojets.

    Le risque nest jamais nul, il peut seulement tre attnu par : - Le professionnalisme de la plateforme,

    notamment:Si elle est parfaitement transparente sur le taux de dfaut des projets quelle accom-pagne, sur le degr de risque li tel ou tel type de projet.Si elle est capable dclairer les investisseurs des risques avant de conclure une opration, de les inciter diversifier leur risque, de rpondre leurs questions et les accom-pagner en cas de dfaut dun bnficiaire afin quils ne soient pas seuls face une entreprise dfaillante. - Lencadrement de loffre et du montant

    souscrits:En tant que prteur, le financement est limit 1 000 par projet si le financement se fait sous la forme dun prt avec intrts et 4 000 par projet pour un prt sans int-rts36. Le montant maximum qui peut tre emprunt par un porteur de projet est fix 1 M par projet. Le cumul des encours de prts souscrits sous forme de financement participatif ne peut excder 1 M pour un mme projet.37

    Dans le cas de souscription de titres finan-ciers et dexemption la publication dun prospectus vis par lAMF, loffre doit tre ralise par lintermdiaire du site internet daccs progressif dun conseiller en investis-sement participatif (CIP) ou dun prestataire de services dinvestissement (PSI) et ne peut excder 1 M38.

    Dans le cas du prt, la fixation du taux dint-rt est libre. Il peut tre sensiblement au-des-sus des niveaux du march du moment, et entraner une prise de risque anormale. En effet, un prteur novice peut tre attir par un rendement allchant, sans mesurer par-faitement le risque associ au projet financ. Toutefois les taux sont fixes et la dure pla-fonne 7 ans.

    La plateforme peut organiser la concur-rence entre les prteurs pour permettre lemprunteur doptimiser le taux de son

    36 Document commun ACPR AMF du 30/09/2014 page 18 point 46

    37 Document commun ACPR AMF du 30/09/2014 page 14 point 33

    38 Document commun ACPR AMF du 30/09/2014 page 16 point 41

    emprunt. Le niveau du taux in fine est alors inversement proportionnel au nombre de prteurs potentiels. Lamplitude de rmun-ration potentielle des prteurs va de 4/5 %, proche du march traditionnel, au double de celui-ci, selon lengouement pour les projets.

    Accompagnement et protection de linvestisseur face certains risques

    Il est noter qu compter du 1er juillet 2016, il sera obligatoire pour les plateformes de souscrire une assurance responsabilit civile professionnelle, dans des conditions prci-ser par dcret.

    Certaines plateformes organisent lassistance au recouvrement, par exemple en proposant les services dun spcialiste du recouvrement.

    BPI France apporte une garantie partielle du capital dans un plan de financement asso-ciant la Banque Publique dInvestissement et la finance participative.

    Les assureurs commencent proposer des garanties aux investisseurs :

    ALLIANZ39 offre une possibilit de rcuprer sa mise en cas de force majeure pendant les 5 premires annes (Invalidit, chmage).

    Gan Assurances40 value les assurances des socits qui souhaitent lever des fonds sur Lendopolis.

    39 Les chos du 17 avril 2015 Allianz France va entrer au capital de jeunes entreprises via la plateforme smart-angels.fr

    40 Option Finance du 13 avril 2015 Crowdfunding l e s p ro f e s s i o nne l s s e r ap p ro c hen t d e s plateformes

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  • 15

    Quelles implications du crowdfunding sur lactivit bancaire ?

    Les partenariats entre banques et acteurs du crowdfunding se multiplient et se diversifient.

    Complmentarit

    Les banques sintressent au crowdlending/crowdequity directe-ment et indirectement pour amorcer de petits projets auxquels elles ne savent pas rpondre de manire approprie avec les techniques habituelles. Une pratique prouve au Royaume Uni pourrait tre reprise en France consistant imposer aux banques lorientation vers une plateforme de crowdfunding en cas de refus de financement dune PME.

    La rglementation impose aux banques un montant de fonds propres proportionnel aux crdits consentis, pondr ou major selon la qualit des emprunteurs, ce sont les normes Ble II. Ces normes sont renforces depuis la crise financire de 2008, par le dispositif Ble III qui exige un ajustement plus strict que par le pass entre la dure des crdits consentis et la dure des dpts reus de la clientle pour les financer.

    La mise en relation directe des dtenteurs de capitaux et des porteurs de projets par une plateforme allge les contraintes bancaires : le financement ralis par le crowdfunding nest pas compt dans les bilans bancaires, en emplois (crdit), en res-sources (dpts), et donc en exigence de fonds propres. Pour autant, lentreprise ainsi finance demeure cliente des banques pour ses services de paiements, dencaissements Cest pour-quoi les banques pourraient trouver un intrt dvelopper des activits de crowdfunding, soit en interne, soit en partenariat avec une plateforme.

    Accrossement de lactivit.

    Le crowdfunding peut permettre aux banques dtre prsentes auprs des projets qui mergeront sans les contraintes rglemen-taires habituelles des prteurs. Les assureurs incits orienter une partie de leurs ressources vers les PME dans le cadre de la rglemen-tation Solvency II, et aux aguets pour optimiser les rendements de leurs actifs vont tre tents dinvestir via les plateformes41, ce qui peut considrablement augmenter les volumes. La finance participative peut apporter ainsi un vivier de nouveaux clients, de dvelopper une relation digitale avec les clients, amliorer limage auprs des clients 2.0, des jeunes, des dtracteurs de la banque en gnral et regagner en notorit. Les clients en ligne sont plus satisfaits de leur tablissement que ceux de la banque traditionnelle42. En France, chaque anne, la frquentation des agences bancaires baisse de 5 %. La rvolution digitale, qui permet aux clients de grer leurs finances depuis leur salon ou leur bureau, conduit les

    41 La presse a largement repris lannonce de dbut 2015 de Groupama qui envisage de prter 100 millions aux PME avec la plateforme Unilend ; ALLIANZ France a annonc dans les chos du 17 avril 2015 investir une premire enveloppe de 5 10 millions en fonds propres sur 5 ans dans au moins une centaine de start-up via un fonds ddi la finance participative

    42 Journal Le Monde du 13/01/2015 Les dernires heures de la banque papa

    grands rseaux sadapter dans les modes daction.

    Dveloppement de lconomie locale :

    Les initiatives locales favorises par le crowdfunding font cho aux valeurs historiques des tablissements mutualistes.

    Diversification de lactivit.

    Les banques peuvent aussi tre tentes de profiter de leur statut de Prestataire de Services dInvestissement (PSI) pour crer une plateforme de crowdfunding, du fait de leur connais-sance des profils des investisseurs (qui sont aussi leurs clients), ou se rapprocher de plateformes sous diverses formes de par-tenariat ou dassociation.

    Autre intrt rciproque : mettre en relation une partie de la clientle fortune avec des sites participatifs pour diversifier les placements de leurs clients par des accords banques-plateformes. Aussi, fournir des prestations de service de paiement ou de ser-vice dinvestissement : les plateformes de financement participatif ne bnficient pas de lagrment en qualit de prestataire de paie-ment ou de services dinvestissement, elles peuvent faire appel aux banques pour ce service.

    Des menaces sur les volumes de dpts et demplois durables des banques.

    Le mtier bancaire dintermdiation est linterposition tradition-nelle entre le dposant et lemprunteur, le dpt du client au passif du bilan de la banque sert financer le crdit log lactif du mme bilan. La banque sintercale entre dposant et emprun-teur. Elle garantit au dposant la restitution de son dpt mme en cas de non-remboursement de la part de lemprunteur. La marge de la banque rmunre ce risque.

    Lactivit bancaire fait lobjet dun monopole en faveur des banques : il sapplique pour toutes les oprations de banque effectues au sens de larticle L311-1 du code montaire et finan-cier. Il sagit de la rception de fonds du public, des oprations de crdit, ainsi que la mise disposition de la clientle ou la gestion des moyens de paiement.

    Une drogation au monopole bancaire est institue en autorisant les prts rmunrs consentis par des particuliers des personnes physiques ou morales : - 1 M par projet - 1 000 par personne si rmunr (4 000 si non rmunr)

    Les fonds dirigs vers linvestissement participatif sortent du pri-mtre dintermdiation des banques, cest un manque gagner au plan des emplois bancaires en placement sur les marchs interbancaires, financiers, ou dans le financement des besoins des agents conomiques. Du fait de lintervention des plateformes de crowdfunding, les banques perdent une partie de la matrise de la collecte et des emplois induits durablement au niveau de leur bilan. Certes, tant tablissement de paiement, elles assurent tou-jours une part du transit des fonds, mais de manire phmre et non plus durable.

  • Crowdfunding et mcnatConcernant le mcnat, qui est un acte gratuit, le crowdfunding prend la forme du don, on parle alors de crowdgiving.

    Contrairement au crowdequity (sous-cription au capital dune socit) ou au crowdlending (prt) dont le cadre juridique a t largement modifi et facilit depuis le 1er octobre 2014, la rglementation du crowdgiving a peu volu. En effet, la collecte du don reste libre et peu rgle-mente, les plateformes de dons nayant pas lobligation de simmatriculer auprs de lAutorit des marchs financiers (AMF) ou de lAutorit de Contrle Prudentiel et de Rsolution (ACPR), condition quelles nencaissent pas pour le compte de tiers les sommes quelles reoivent. En pratique, les plateformes sadossent un tablissement financier qui, lui, est immatricul et joue ce rle dencaissement pour compte de tiers.

    En revanche, le crowdgiving a indniable-ment bnfici de lessor global du crowd-funding. Dailleurs le don reste la seconde forme la plus rpandue de financement participatif (25 % des fonds collects en 2014 comme en 2013), derrire le prt (58 % des fonds collects en 2014 contre 62 % en 2013) mais devant la souscription en capital (17 % des fonds collects en 2014 contre 13 % en 2013)43.

    Par ailleurs quand on sait que les projets les plus populaires en matire de financement participatif relvent du domaine culturel (ainsi sur la plateforme amricaine kickstar-ter44, le projet le plus populaire est Reading Rainbow, un projet de bibliothque inte-ractive pour les enfants45), une rflexion sur crowdfunding et mcnat nous a sembl utile. Lmergence de plateformes de crowdfunding ddies au mcnat en tmoigne (Culture Time46 ou Dartagnans47).

    43 Baromtre 2014 et 2013 du crowdfunding en France de Financement Participatif France http://financeparticipative.org/

    44 www.kickstarter.com

    45 h t t p : / / w w w.g o o dmor n ingc rowd f und ing .com/focus-met tons-f in-une-idee-fausse-sur- le-crowdfunding-1301155/

    46 www.culture-time.com http://www.ouest-france.fr/presquile-de-crozon-mecenat-sur-internet-pour-deux-actions-culturelles-3260055

    47 www.dartagnans.fr

    Nous verrons comment le mcnat a trouv un nouveau relais avec le crowdfunding du fait dun besoin de proximit et de qute de sens des donateurs, de la digitalisation de la socit qui cre une nouvelle gnration de mcnes et du retrait de ltat et des collec-tivits publiques de leur rle historique de premier mcne.

    La rorientation du mcnat vers des projets de proximit

    La gnrosit des Franais ntant pas illimite (2,127 milliards deuros en 201248), ces derniers font ncessairement des choix quand ils dcident de donner une cause plutt qu une autre, ou tel organisme plutt qu tel autre.

    Comme le crowdequity et le crowdlending qui permettent aux Franais dorienter leur pargne vers un projet de proximit qui a du sens pour eux, on observe une apptence des donateurs vers des projets de proximit.

    Proximit gographique

    La premire proximit est gographique. De ce point de vue, le premier aspect frap-pant en matire de crowdfunding et de mcnat est celui de la sauvegarde du patrimoine. Dailleurs la culture constitue de loin le principal objet des campagnes de financement participatif. Ainsi selon lObservatoire du don publi par la BPI concernant les projets financs entre le 30 septembre 2013 et le 27 fvrier 201549, la culture a reprsent 70 % des projets (contre 25 % pour des projets sociaux, 4 % pour des projets conomiques et 1 % pour des projets environnementaux).

    Ainsi la Fondation du patrimoine50 a dve-lopp un concept innovant du Don en 1-clic qui allie facilit et proximit. Elle permet de localiser de manire trs prcise les projets de restauration de patrimoine (chteau, glise, moulin, four) ct de son lieu de vie ou de vacances sachant quelle possde un panel trs large de

    48 http://www.recherches-solidarites.org/media/uploads/lagenerositedesfrancais_2013.pdf

    49 http://tousnosprojets.bpifrance.fr/Observatoire/(type)/don

    50 www.fondation-patrimoine.org

    2 200 projets financer51. La Fondation du patrimoine a ainsi ralis une anne 2014 exceptionnelle (972 102 collects en ligne en augmentation de 33 % par rapport 2013) et il est fort parier que 2015 le sera tout autant. De prcdentes initiatives sur le mme modle avaient dj t menes telle que lopration Fous du Patrimoine de la fondation VMF lance pour la seconde fois en 2014 et ayant permis de financer 4 projets52.

    Cet attachement gographique peut sap-puyer sur des mcnes rgionaux linstar de la fondation multi-entreprises Mcne et Loire en Anjou53, Mcnes Catalogne pour les Pyrnes Orientales54, Mcnes Caen Normandie55, ou de plateforme ancre sur un territoire comme Jadop-teunprojet56 trs soutenu par les collec-tivits territoriales du Poitou Charentes (prochainement mari lAquitaine).

    Proximit thmatique

    Les donateurs vont ainsi slectionner des projets qui correspondent leur centre dintrt, comme la musique ou le cinma. La musique a dailleurs constitu le premier vhicule grand public du crowdfunding avec le financement de lalbum de Gr-goire Toi + Moi en 2008 via MyMajor-Company57. Aujourdhui les plateformes (comme Touscoprod58) proposent un suivi rgulier du projet artistique (nou-velles rgulires de lartiste, invitation en avant-premire)59.

    On trouve galement des plateformes ddies dautres centres dintrt comme la recherche scientifique, la sant et ldu-cation (Davincicrowd60). Il existe galement des projets qui allient proximit gogra-

    51 ht tp://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/la-tendance-du-moment-les-nouveaux-enjeux-du-maccacnat-culturel-1612-373230.html

    52 h t tp: / / w w w.vmfpat r imo ine.o rg / fous- de -patrimoine/

    53 www.meceneloire.fr

    54 http://www.mecenes-catalogne.fr/

    55 http://mecenescaennormandie.com/

    56 http://jadopteunprojet.com/

    57 www.mymajorcompany.com

    58 www.touscoprod.com

    59 http://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/la-tendance-du-moment-les-nouveaux-enjeux-du-maccacnat-culturel-1612-373230.html

    60 www.davincicrowd.fr

    16

  • 17

    phique et thmatique comme la mobilisa-tion autour du Festival Interceltique61.

    Qute de sens et de reconnaissance

    Dans tous les cas, les donateurs sont la recherche de sens (via le flchage de leur don vers un projet qui leur tient cur) et de reconnaissance. En effet, il est souvent propos aux donateurs dassocier leur nom un projet (ainsi les personnes qui ont particip la rnovation du Panthon via MyMajorCompany ont vu leur nom et leur photo apposs sur les grilles du Pan-thon)62. Pour promouvoir cet lan ( Tous Mcnes ), Fleur Pellerin, Ministre de la Culture et de la Communication, a dcor 15 serial donateurs le 9 dcembre 201463.

    La relance du mcnat via les nouveaux mcnes entrepreneurs qui sont des digital natives

    Le mcnat bnficie la fois de llan du crowdfunding qui permet dlargir le recrutement des donateurs mais aussi de la comptence de BA. Ainsi ces derniers com-pltent leur apport financier par la mobili-sation dun rseau, mais aussi donnent des conseils aux porteurs de projet dans leur leve de fonds ou aident les associations se structurer (capacity building).64 On voit ainsi merger des phil-entrepreneurs.

    Les nouveaux mcnes abordent le mc-nat en tant quentrepreneurs, cest--dire avec des exigences defficacit et dim-pact65 (cette exigence traverse lensemble de la socit travers lvaluation des poli-tiques publiques ou lexigence dvaluation

    61 Article Le Figaro Petits mcnes, grands dons, 23 dcembre 2014

    62 https://www.mymajorcompany.com/pantheon

    63 Article Le Figaro Petits mcnes, grands dons, 23 dcembre 2014

    64 http://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/la-tendance-du-moment-les-nouveaux-enjeux-du-maccacnat-culturel-1612-373230.html

    65 mobile.lemonde.fr/argent/article/2014/12/10/les-entrepreneurs-mecenes-d-un-nouveau-genre_4537401_1657007.html ht tp://www.admical.org/contenu/admical-devoile-le-premier-barometre-du-mecenat-des-entrepreneurs

    et defficacit impose de plus en plus aux associations comment en tmoignent les Social Impact Bonds66).

    Ainsi la fondation AlphaOmega cre titre personnel par Maurice Tchnio (dirigeant et fondateur dApax, un des pionniers du private equity en France) a dot lApf (association pour favoriser lgalit des chances lcole) hauteur de 100 000 en numraire et pour un montant quivalent en mcnat de com-ptence afin de financer un poste de fundraiser (charg de lever des fonds) et de renforcer la dmarche dvaluation de lassociation. Laction de Maurice Tchnio et de sa fondation AlphaOmega constitue un exemple de venture philanthropy67.

    Le crowdfunding : palliatif ou soutien du rle de ltat ?

    La diminution des subventions publiques mais lattachement de ltat son rle de premier mcne

    Lors des 2es assises de la finance partici-pative qui se sont tenues le 11 dcembre 2014 au Ministre de lconomie, une table-ronde avait pour thme La finance parti-cipative peut-elle se substituer la sphre publique ? 68. Mme si les participants ont rapidement converg vers une rponse ngative, cette interrogation est emblma-tique de la situation prcaire traverse par le monde associatif.

    En effet les subventions publiques diminuent depuis de nombreuses annes et la tendance ne fait malheureusement que se confirmer. Le mcnat est venu pallier le retrait de ltat et la loi Aillagon du 1er aot 2003, qui a institu un rgime fiscal de faveur

    66 Plutt que de subventionner, les tats prfrent passer des appels doffres avec des objectifs. Les investisseurs qui investissent dans lorganisme social percevront un retour sur investissement plus lev si lobjectif est dpass ; si lobjectif nest pas atteint, les investisseurs ne toucheront rien et leur investissement sera donc purement caritatif (ce mcanisme est trs rpandu au Royaume-Uni). Son nom est Bond, Social Impact Bond et il veut sortir la finance sociale de la philanthropie par Catherine Bernard, le 21 novembre 2014 http://www.slate.fr/story/94897/finance-sociale

    67 Revue Mcnes juillet/septembre 2013 http://www.alphaomegafondation.com

    68 http://financeparticipative.org/

    trs incitatif69, a eu indniablement un effet positif sur limplication des entreprises et des particuliers dans le financement de projets dintrt gnral70. Dailleurs le Ministre des Finances a rcemment rappel lattachement du Gouvernement ce que les entreprises et les particuliers soient incits effectuer des dons en faveur dorganismes dont lac-tion au quotidien est essentielle, dans de nombreux domaines, la prservation du lien social 71. La Ministre de la Culture a galement confirm que ltat ne se dsen-gagerait pas du financement de la culture : Il est hors de question que ltat se dsen-gage de ce qui est une politique publique fondamentale dont lutilit nous est chaque jour rappele. Fleur Pellerin a nanmoins soulign lessor positif du crowdfunding en la matire : je suis particulirement satisfaite de lessor du mcnat participatif, travers les appels la gnrosit publique dtablissements comme la Fondation du patrimoine ou le Louvre, et de la relve gn-rationnelle de la philanthropie, assure par le succs des plateformes de don en ligne 72.

    Le crowdfunding sinscrit dans cette ligne en encourageant la mobilisation des citoyens dans des projets culturels et socitaux73.

    69 Rgime fiscal de faveur pour les particuliers (rduction dimpt sur le revenu gal 66 % du montant du don retenu dans la limite de 20 % du revenu imposable et pour les redevables de lISF : rduction gale 75 % du montant du don dans la limite de 50 000 euros (uniquement pour les dons en faveur des fondations reconnues dutilit publique, et les tablissements denseignement suprieur, de recherche et denseignement gnral dintrt gnral but non lucratif) et pour les entreprises (rduction dimpt sur les socits gales 60 % du montant du don retenu dans la limite de 0,5 % du chiffre daffaires). Rponse ministrielle JO du 27/01/2015 page 598 le cot annuel de ces mesures pour ltat slve en 2014 750 M pour les dons des entreprises, 1,34 Md au titre de limpt sur le revenu et 110 M au titre de lISF pour ceux des particuliers.

    70 h t tp: //w w w.cu l tu recommunicat ion.gouv.f r / P o l i t i q u e s - m i n i s t e r i e l l e s / M e c e n a t /Documentation-et-textes-juridiques/Documents-d-information-du-ministere-de-la-culture-et-de-la-communication

    71 Rponse ministrielle JO du 27/01/2015 page 598

    72 Interview du magazine Dcideurs Stratgie Finance Droit 4 mars 2015 http://www.magazine-decideurs.com/news/fleur-pellerin-il-est-hors-de-question-que-l-etat-se-desengage-de-la-politique-publique-de-mecenat

    73 Article Le Figaro Petits mcnes, grands dons, 23 dcembre 2014 ht tps://www.fondation-patrimoine.org/fr/national-0/actualites-3/detail-20h-de-tf1-sur-le-crowdfunding-la-fondation-a-l-honneur-3778

  • Le dveloppement de financements hybrides et le mcnat participatif (mcnat 2.0)

    Comme pour le financement dentreprise o coexistent souvent un prt bancaire, lentre dun investisseur au capital tel un fonds de private equity et des subventions ou avances remboursables de la BPI, on voit apparatre de nombreux financements hybrides dans le domaine du mcnat.

    La rnovation du tableau de Gustave Courbet, LAtelier du peintre, proprit du Muse dOrsay, constitue ainsi un exemple en la matire car il a mobilis les ressources de ltat, dentreprises qui ont contribu tant en numraire quen mcnat de comptence (la socit BDDP a ainsi apport son expertise en matire de communication) et des particuliers via une campagne de crowd-funding mene par la plateforme Ulule74.

    Dans le cadre de cette campagne de financement participatif, le Muse dOrsay esprait lever 30 000 , mais la campagne a rem-port un grand succs et permis de lever 150 000 auprs des particuliers. Les dons commenaient partir de cinq euros, avec des contreparties partir de certains montants : - partir de 60 : une visite en accs prioritaire au Muse

    dOrsay ; - partir de 100 : une rencontre avec un expert avec possibilit

    de rentrer dans latelier de restauration ; - partir de 500 : une soire avec champagne et prsentation

    de luvre dans le muse privatis.

    Olivier Simmat, chef du service mcnat au Muse dOrsay, ana-lysait cette campagne de financement participatif dans les termes suivants : Nous avons la possibilit de donner des contreparties. Et dans la dcision de donner, cest vrai que le fait de la dduction fiscale de 60 %, en plus des contreparties, fait que finalement, la partie don est trs rduite. Cest plus un change, finalement. On achte un vnement, on achte une confrence avec les restau-rateurs, on achte une visite avec les conservateurs75.

    Les donateurs deviennent acteurs dans le cadre dunmcnat participatif 2.0.

    Ce type de campagne se dveloppe de plus en plus et certains acteurs, comme rcemment le thtre de lOdon, se lancent dans des campagnes de crowdfunding sans passer par linterm-diaire de plateformes spcialises76.

    Les campagnes de financement participatif permettent aussi de

    74 Article Les chos 2 dcembre 2014 http://fr.ulule.com/courbet/

    75 http://rmc.bfmtv.com/point-de-vue/crowdfunding-dans-quel-domaine-etes-vous-pret-a-investir-641774.html

    76 http://www.theatre-odeon.eu/fr/enseignement/generations-odeon. Article Les chos 9 mars 2015 Ce nest pas suite un dsengagement de ltat, cest plutt une volution dun modle qui combine financement de ltat, des fondations (Gnrations Odon est soutenu par Fondation Rothschild) et du public Pierre-Yves Lenoir, administrateur de lOdon. Cette campagne de financement participatif a dailleurs donn lieu une vive polmique entre certains artistes du thtre de lOdon et le Directeur de ltablissement, Luc Bondy. http://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/140415/scandale-theatral-quand-letat-se-desengage-de-laction-sociale-et-culturelle http://blogs.mediapart.fr/blog/la-redaction-de-mediapart/170415/droit-de-reponse

    trouver de nouveaux types de donateurs, gnralement plus jeunes. Ainsi la fondation HEC qui a lhabitude de mobiliser de grandes entreprises a lanc rcemment une campagne de crowdfunding sur helloasso pour financer laccs gratuit son incubateur. Elle vise ainsi rajeunir son public de donateurs en le fdrant autour dun projet entrepreunarial. Comme lexplique la dlgue gnrale de la Fondation HEC, Barbara de Colombe : nous essayons de mener des campagnes plus petites, plus humaines, sur des thmatiques prcises. Cela permet de tester les ides et de mobiliser les quipes. [] Oui, ce type de cam-pagne marche bien, car cest concret, cest collectif77.

    Il est vrai que lessentiel des campagnes de crowdgiving prenne la forme de dons avec contrepartie. Ainsi, en 2014, sur un montant total de 38,2 millions deuros de dons collects, 33,50 M soit 88 % reprsentent des dons avec rcompenses (ou contreparties).78

    Certains ouvrages ou tudes distinguent dailleurs le pur don sans contrepartie (donation based crowdfunding) (donc purement philanthrope) du don avec contrepartie (reward based crowd-funding) (qui constitue comme on la vu la majeure partie du flux dans le cadre du financement participatif)79.

    Les risques fiscaux du caractre intress dumcnat participatif

    Outre le caractre dsintress inhrent la philanthropie qui disparat80, ce modle prsente certains risques sur le plan fiscal.

    En effet, le rgime fiscal de faveur du mcnat qui ouvre droit une rduction dimpt pour les entreprises comme pour les par-ticuliers81, requiert que le don soit fait un organisme dintrt gnral. Des contreparties peuvent exister mais elles ne doivent pas dpasser 25 % du montant du don, plafonnes 65 euros pour les particuliers. La remise de reus fiscaux doit donc tre faite avec la plus grande prudence. Des contreparties trop signifi-catives mettent galement en risque les associations qui reoivent les dons (avec lapplication dune amende de 25 % applique sur le montant des reus fiscaux indment tablis) car elles courent le risque de voir ces prestations soumises la TVA.

    Si lavantage fiscal nest pas dterminant pour les particuliers (le ticket moyen slve 60/65 pour Touscoprod et 140 pour la Fondation pour patrimoine82), il lest en revanche beaucoup plus

    77 http://www.helloasso.com/associations/fondation-hec/collectes/hec-centre-entrepreneuriat

    78 baromtre 2014 du crowdfunding en France de Financement Participatif France http://financeparticipative.org/

    79 Le crowdfunding fondements et pratiques Vronique Bessire et ric Stphany, de boeck 2014

    80 Blog dIsabelle Soraru 1er septembre 2013 10 ans de mcnat : le financement par ticipatif, un outil dmocratique pour soutenir la culture ? ht tp://mecenatculturel.blog.youphil.com/archive/2013/09/01/10-ans-de-mecenat-le-financement-participatif-un-outil-democ.html

    81 Cf. note 69 ci-dessus

    82 http://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/la-tendance-du-moment-les-nouveaux-enjeux-du-maccacnat-culturel-1612-373230.html

    18

  • 19

    chez les entrepreneurs (ils sont 78 % dduire leurs dons83) ce qui nest gure surprenant au regard de leurs contribu-tions plus leves.

    Vers une volution des textes relatifs lappel la gnrosit du public ?

    Outre les questions lies au niveau des contreparties qui pourraient tre clarifies, les contraintes concernant la dclaration pralable en prfecture que doivent faire les associations qui font appel la gn-rosit du public et ltablissement dun compte demploi annuel des ressources collectes auprs du public ne semblent pas adaptes au crowdfunding84.

    Limprovisation nest donc pas permise en matire de crowdgiving dautant que la Cour des comptes est comptente pour contrler les organismes qui reoivent plus de 153 000 euros de dons ouvrant droit avantages fiscaux ou qui procdent un appel la gnrosit publique.

    Cette proposition a dailleurs t relaye lors des 2es Assises de la Finance parti-cipative au Ministre de lconomie le 11 dcembre 2014.

    En conclusion, on ne peut que souhaiter de beaux jours au crowdfunding ddi au mcnat car il permet de crer un lien prcieux et utile entre les Franais, leurs rgions et les projets qui leur tiennent cur, et assure une transmission gnra-tionnelle en matire de philanthropie.

    83 ht tp: //www.admical.org/contenu/admical-devoile-le-premier-barometre-du-mecenat-des-entrepreneurs

    84 d v i e w s . d e l o i t t e - f r a n c e . f r / a c t u a l i t e s -reglementaires/associations-et-fondations-vers-une-evolution-des-tex tes-relati fs-a- l-appel-a-la-generosite-du-public?utm_source = T w i t t e r & u t m _ m e d i u m = A l t & u t m _campaign=TwitterAutomne2014

  • FACTEURS DE RUSSITE DU CROWDFUNDINGD an s ce t t e p ar t ie , n ou s n ou s intresserons deux facteurs de succs du crowdfunding : sa lgitimit et sonefficience.

    Selon Suchman (1995), il existe trois types de lgitimit85 : la lgitimit pragmatique est fonde sur une valuation (i.e. en termes de cots, par exemple) ; la lgitimit normative est une valuation morale ; et enfin, une organisation acquiert de la lgitimit cognitive si elle obtient le statut de taken-for-granted .

    Ltat des lieux, ralis dans la premire partie, montre que le crowdfunding a acquis une lgitimit normative du fait de lmergence des statuts rglementaires dIFP et de CIP. Selon Stphanie Savel, prsidente de la plateforme WiSEED, la structuration des procdures, le devoir dinformation aux investisseurs ainsi que la cration des statuts est une trs bonne chose. Cela cre une lgitimit et une crdibilit dans notre mtier. Les business angels et les banquiers vont enfin cesser de nous demander si notre activit est lgale 86.

    Nanmoins, peu dacteurs parvien-dront sinstaller durablement car ce mtier est coteux 87, parie Nicolas Lesur dUnilend. Les cots sont une vri-table barrire lentre et risquent de dtriorer la lgitimit pragmatique de certaines plateformes de crowdfunding. Ces dpenses sont multiples et portent sur lacquisition doutils danalyse des risques ; le recrutement danalystes pour valoriser le projet, slectionner les dossiers, grer

    85 Suchman, M. C., 1995, Managing legitimacy : Strategic and institutional approaches . Academy of Management Review, 20, p. 571-611.

    86 www.chefdentreprise.com

    87 www.chefdentreprise.com

    les dfauts de crdits et les relations avec la multitude et le porteur de projet ; les dpenses en R & D pour investir dans lou-til digital ; voire la cration dune marque sociale88.

    En conclusion, les enjeux actuels et futurs sont, non seulement, dacqurir une lgi-timit notamment par une labellisation, mais aussi une efficience dans la gouver-nance avec la multitude afin dobtenir le statut de taken-for-granted .

    Labellisation, un outil de la scurisation de la dmarche en crowdfunding ?Dans le cadre de lmergence dun nouvel outil et de nouvelles pratiques dans un sec-teur aussi sensible que celui de la finance, il est un rflexe lgislatif qui peut appa-ratre dans un premier temps ncessaire la rgulation des actions. Le domaine du crowdfunding nchappe pas cette approche. Comme cela a t prsent pr-cdemment, sa monte en puissance et la rapidit de son dveloppement conduisent sinterroger sur les travers qui peuvent survenir, et les effets daubaine suscep-tibles dtre gnrs par un tel phno-mne.

    Il est intressant de noter que cette rgu-lation a t souhaite et porte par le sec-teur professionnel lui-mme. En effet, les pionniers franais du financement partici-patif, via les plateformes de crowdfunding,

    88 www.leguideducrowdfunding.com/letude-du-cabinet-xerfi-panorama-resultats-plateformes-crowdfunding-francaises/

    ont largement contribu ltablissement dun premier cadre juridique, suite la prsentation dun livre blanc aux autorits franaises89.

    Ainsi, la structuration de ce domaine en voie de stabilisation se fonde, actuelle-ment, sur ltablissement dune caution professionnelle issue de la dlivrance par lAMF ou lACPR dun agrment ddi la finance participative. Pour rappel, cette obligation dobtention dagrment concerne, dune part, les plateformes de crowdfunding qui proposent des inves-tisseurs de souscrire des offres de titres financiers, et dautre part, celles qui pro-posent des particuliers le financement de projets sous forme de prts, rmunrs ou non.

    Dans le premier cas, les plateformes devront obtenir le statut de conseillers en investissement participatif ou celui de prestataires de services dinvestissement pour pouvoir exercer leurs activits. Pour le second cas, elles devront disposer du statut dintermdiaires en financement participatif.

    Les plateformes qui proposent de recourir aux dons nont pas dobligations lgales en termes dagrment, elles peuvent cepen-dant obtenir celui dintermdiaires en financement participatif, si elles le sou-haitent90.

    Pour rendre visible auprs des porteurs de projets et des contributeurs cette rgu-lation juridique des acteurs du crowd-funding, le lgislateur a cr un label intitul Plateforme de financement participatif rgule par les autorits franaises . Il sagit dune marque col-lective dpose par ltat franais auprs de lInstitut National de la Proprit Indus-trielle (INPI). Cette marque ne peut tre utilise que dans les conditions dfinies par son rglement dusage91.

    89 Livre blanc Finance Participative Plaidoyer e t p ropos i t ions pour un nouveau cadre rglementaire , dition 2013,

    90 Pour plus de dtails, voir le rgime juridique du crowdfunding en France , p. 9 et 10

    91 Pour plus dinformation : Rglement dusage de la marque collective, Plateforme de financement participatif rgule par les autorits franaises , document PDF tlchargeable grce au lien suivant : http://www.tresor.economie.gouv.fr/File/410196

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  • 21

    Celui-ci dispose que lusage de la Marque est rserv aux per-sonnes morales : - immatricules sur le registre unique des intermdiaires en

    assurance, banque et finance gr par lorganisme en charge du registre des intermdiaires en assurance, banque et finance (ORIAS), en qualit de conseiller en investissements participatifs ou dintermdiaire en financement participatif,

    - agres par lACPR pour fournir le service de conseil en inves-tissement en tant que prestataire de services dinvestissement et qui proposent des offres de titres financiers au moyen dun site internet laccs progressif remplissant les caractristiques fixes larticle 325-32 du rglement gnral de lAutorit des marchs financiers. 92

    Les plateformes remplissant ces conditions pourront utiliser de plein droit le label. A contrario, elles ne pourront lafficher si elles ne rpondent pas auxdits critres des personnes ligibles, ce qui entend galement celles dont les dossiers sont en cours dinstruc-tion par lORIAS ou lACPR.

    Un contrle de la rgularit du recours au label pourra tre exerc par lAMF ou lACPR. ce titre, si une fraude est constate, la plateforme contrevenante disposera dun dlai de 30 jours pour se mettre en conformit avec les dispositions du rglement dusages du label. Le droit dusage sera rsili de plein droit si le contreve-nant nobtempre pas dans le dlai imparti. Il sexpose galement des poursuites judiciaires. Pour lheure, le caractre rcent de ce dispositif na pas encore donn lieu des contrles.

    Ainsi, selon le lgislateur, en utilisant cette marque, la plate-forme informe le public quelle est soumise au respect des exi-gences fixes par la rglementation [] . A contrario, lorsque lactivit de la plateforme ne correspond pas aux exigences du cadre juridique, rien ne loblige rpondre aux critres juridiques du financement participatif.

    Force est de constater que ce dispositif ne concerne quune partie des professionnels du financement participatif, puisque le volet don et prvente ny sont pas soumis. Or on peut sinterroger sur le vide laiss par cette non-rgulation. Est-elle salu-taire pour permettre une certaine souplesse au dveloppement de linnovation financire ? Nest-elle pas galement un risque suppl-mentaire pour les contributeurs financiers qui ne bnficient pas de la mme scurisation dans leur dmarche en crowdfunding ? De plus, le fait pour une plateforme de financement participatif de ne pas pouvoir afficher le label ne constitue-t-il pas pour elle un risque de discrdit lgard du grand public ?

    Ici se posent les limites de cette premire tape tant des agr-ments AMF/ACPR que du label. Sil permet de scuriser une partie de la profession du crowdfunding, il ne rpond que partiellement aux besoins dinformation et de visibilit auxquels lensemble des acteurs du financement participatif peuvent prtendre.

    Au-del de cette validation juridique des comptences, existent-ils dautres moyens permettant de rguler les bonnes pratiques des professionnels du financement participatif ?

    92 Article 4 du rglement dusage de la marque collective Plateforme de financement participatif rgule par les autorits franaises, p. 3

    Il est noter que la mobilisation des acteurs du crowdfun-ding en rseaux associatifs apporte galement des lments de scurisation intressants. Certes, il ne sagit pas ce jour dordres professionnels mme de pouvoir rguler les pratiques de ce secteur dactivit, mais ces entits exercent une activit de lobbying au sein mme de leur cosystme pour viter les drives, et nuire de ce fait lensemble de la profession.

    Actuellement, deux types dassociation runissent les acteurs du financement participatif : dune part, une association gnraliste qui fdre lensemble des plateformes de financement participatif et des acteurs au sens large uvrant dans le domaine du crowd-funding. Il sagit de lassociation Financement Participatif France ; dautre part, une association spcialise reprsentant les acteurs du financement participatif en equity crowdfunding , lAsso-ciation Franaise de lInvestissement Participatif.

    Ces deux associations ont pour volont de contribuer au bon dveloppement de la dmarche de crowdfunding, notamment par ltablissement dune charte de dontologie qui doit tre signe et mise en uvre par chaque plateforme adhrente. Ainsi, dans cette dynamique, lassociation FPF a tabli une charte de dontologie des acteurs de la finance participative en France, que chaque plateforme de crowdfunding doit sengager respecter en adhrant lassociation. Celle-ci justifie cette dmarche par le fait qu il nexistait pas de charte droulant les bonnes pratiques des plateformes de financement participatif en France. Nous avons souhait nous regrouper entre professionnels avertis et consciencieux afin de garantir aux consommateurs une tranquillit dadhsion et un cadrage des bonnes pratiques de la profession [].

    Ce type de regroupement a pour objectif de permettre un dveloppement harmonieux du crowdfunding en France mais galement en Europe. Il en va de sa crdibilit que de faire en sorte de structurer les bonnes pratiques, et ainsi veiller la crdibilit de la profession.

    Il sagit donc dune sorte de rgulation des pratiques sur la base du volontariat, puisque ladhsion cette structure est facultative.

    Il peut donc tre souhaitable dtablir dautres dispositifs qui permettraient galement un engagement des plateformes sur dautres critres que ceux des seuls impratifs financiers. Le suivi des porteurs de projets en amont et en aval des campagnes de financement participatif est un lment important de scurisa-tion de cette dmarche pour les contributeurs financiers, et qui aujourdhui, ne fait pas lobjet dun processus harmonis au sein de la profession. Il en va de mme sur la slection des porteurs de projet par les plateformes. Quelles garanties peuvent-elles apporter concernant les lments financiers prsents par les porteurs de projets ? De mme, dans un march en cours de stabilisation, la prennit des plateformes est en question. Est-ce que dans un domaine mergent, le label peut garantir la pren-nit professionnelle dune plateforme ?

    Au demeurant, le cadre pos par la rglementation franaise apporte des premiers lments de rponse ce besoin de scurisation de la dmarche en financement participatif. Si le label permet une visibilit des professionnels rpondant des

  • exigences juridiques, il ne rpond que partiellement aux besoins de lensemble de la profession. Il semble cependant que la mobilisation des acteurs du financement participatif permettra trs rapidement de mettre en place des dispositifs de type charte pour venir combler les questions en suspens.

    Cependant, il faut compter sur la diligence de lensemble des acteurs, tant des plate-formes que des porteurs de projets ou des contributeurs financiers, pour viter que ce nouvel outil ne soit lobjet dutilisation inapproprie pour ne pas dire frauduleuse.

    La gouvernance de lequity-crowdfundingQuest-ce que la gouvernance ? quoi sert-elle ? Quels sont les enjeux ? Ses dter-minants ? Et enfin, comment la dsigner ?

    Telles sont les questions poses par les chercheurs et les praticiens, depuis le fameux article The Modern Corporation and Private Property de Berle et Means, en 1932. La gouvernance a tout dabord t dfinie par des juristes et financiers. Selon une approche dite juridico-finan-cire, la gouvernance se dfinit comme des processus par lesquels les appor-teurs de ressources financires rduits aux apporteurs de capitaux propres et de dettes financires garantissent la rentabilit financire des investisseurs 93. Selon une approche davantage ouverte intgrant la finance entrepreneuriale, la finance comportementale et dautres champs disciplinaires aussi bien sociolo-giques que stratgiques, la gouvernance peut se dfinir comme lensemble des mcanismes qui ont pour effet de dlimi-ter les pouvoirs et dinfluencer les dci-sions des dirigeants 94. Ds lors, des mcanismes spcifiques (conseil dadmi-nistration, assemble gnrale, pactes dactionnaires) et non spcifiques (rgle-mentation sur le droit des actionnaires,

    93 Shleifer A. et R. W. Vishny, 1997, A survey of corporate governance , The Journal of Finance, vol. 52, p. 737-783.

    94 Char reaux G., 1997, Vers une thor ie du gouvernement des entreprises , in Le Gouvernement des Entreprises, G. Charreaux d., Economica, p. 42-471.

    rseaux et mdias sociaux) ont vocation garantir la lgitimit et lefficience pour lintrt dun ensemble de par-ties prenantes. En dautres termes, ils doivent discipliner un dirigeant/entrepre-neur afin dviter tout risque de conflits dintrts potentiels ; rduire lasymtrie dinformation ; dbiaiser les comporte-ments pour viter une survalorisation dun projet ; et, garantir une latitude daction au dirigeant/entrepreneur pour bnficier de gains cognitifs issus de lintelligence collec-tive actionne par la foule.

    Dtaillons ces nouveaux enjeux de gouver-nance poss par la multitude pour dter-miner le design de gouvernance choisi par les plateformes dequity-crowdfunding.

    Nouveaux enjeux de gouvernance de la multitude

    Martinet (2014) prcise que lune des consquences de la financiarisation mon-diale a t de faire voluer la masse vers la multitude. Si cette masse se dfinit comme un ensemble dindividu homogne, rcep-tif et passif, la multitude est caractri-se par des communauts dindividus davantage informs, instruits et enga-gs possdant des singularits inven-tives et cooprantes95.

    Ces singularits permettent dexercer plu-sieurs leviers de cration de valeur visant : combler lequity gap par le recours une source de financement alter-natif grce aux rseaux sociaux ; rduire les cots de transaction par une circu-lation plus rapide et moins coteuse de linformation ; mobiliser les ressources des membres de la communaut ; et dve-lopper des externalits de rseau pour accrotre la valeur du produit ou de la technologie96.

    Par exemple, sur les 48500 projets ports par Kickstarter, Mollick (2014) montre que la probabilit de russite du projet est dtermine par la densit du rseau social des contributeurs. Plus prcisment, sur 1/3 des projets, leur succs est expliqu

    95 Martinet A-C.,2014, La multitude et la fluidit Implications pour la stratgie , Revue Franaise de Gestion, vol. 244, p. 73-90.

    96 Bessire V. et Stphany E., 2014, Le crowdfunding : Fondements et pratiques, De Boeck ds.

    par le nombre damis sur Facebook des contributeurs : 10 amis augmentent la probabilit de succs de 9 % ; 100 amis augmentent cette probabilit de 20 % ; et enfin, 1 000 amis augmentent la probabi-lit de 40 %97.

    Les motivations et la composition de la foule

    Au-del de ces aspects positifs, les moti-vations de la foule sont complexes ana-lyser. Concernant lequity-crowdfunding, plusieurs tudes exprimentales tendent confirmer que la foule est tout dabord motive par le retour sur investissement et/ou une dduction fiscale. Nanmoins, Wilson et Testoni (2014) prcisent que ce nest pas lunique motivation. Elle sattend galement une rmunration symbo-lique, tant donn que laffect joue un rle dterminant dans le processus de finance-ment du projet98.

    De plus, la rfrence mme la foule nest pas dnue dambiguts majeures99. Certains auteurs soulignent le ct obscur de la foule sa folie, son indiffrence et son aptitude la soumission alors que dautres vantent sa sagesse100, sa gnro-sit et sa libert.

    Enfin, soulignons que lusage des techno-logies soulve galement la question de la composition de la foule. Il est alors nces-saire de slectionner la foule ( tapping the right crowd 101), tant donn que la technologie est un outil puissant utilis pour atteindre des objectifs disperss dans un monde gographiquement loi-gn, loin dun idal dmocratique. Do

    97 Mollick E., 2014, The dynamic