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Vision Brésil n°27, septembre 2011 : mariages infantiles et parti politique de la Coca
Au Brésil, 42’785 enfants de
moins de 14 ans sont mariés et
vivent en couple. Principalement
à cause de la pauvreté. A l’autre
bout de la chaîne, à Lima, les
« cocaleros » fondent le premier
parti politique andin de la Coca,
avec l’appui implicite des
présidents bolivien, péruvien et
équatorien. La légalisation
indirecte d’un commerce
clandestin milliardaire qui
inquiète les autorités brésiliennes.
Ce sont deux des sujets abordés
dans ce numéro 27 de Vision
Brésil. On y parle aussi d’un
fleuve souterrain géant en
Amazonie, du passage à l’économie verte et de la chasse aux trésors des corsaires et des
négriers dans la baie de Rio de Janeiro.
Bonne lecture, merci de votre fidélité, faites connaître Vision Brésil autour de vous
http://visionbresil.wordpress.com
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Social, septembre 2011 : mariages infantiles
Au Brésil, 42’785 enfants de moins de 14 ans sont mariés ou vivent en couple. Pourtant
légalement, l’union maritale est totalement interdite avant 14 ans et autorisée seulement
par dérogation jusqu’à 16 ans. La misère urbaine et la promiscuité dans les zones
rurales éloignées expliquent ce phénomène.
Appelons-la Patricia. Elle vit à São
Bernardo do Campo, dans la ceinture
industrielle de São Paulo. Elle a 2 enfants
et est mariée à un homme de 16 ans plus
vieux qu’elle depuis l’âge de 11 ans.
Aujourd’hui, Patricia a 18 ans, sa relation
matrimoniale perdure, c’est rarement le
cas de ce type d’union précoce. A
l’époque, c’est Patricia a pris l’initiative:
« j’ai menti à mon amoureux, je lui ai dit
que j’avais 14 ans et on s’est installés ensemble. On était juste les deux dans notre logement
alors que chez mes parents, nous étions 7 enfants dans la même chambre. C’est pour ça que je
me suis enfuie. Avec lui, j’étais bien plus libre ».
40’000 Patricia
Pendant toutes ces années, Patricia s’est débrouillée tant bien que mal pour continuer à
fréquenter l’école « sauf pendant un an, vers 15 ans, quand j’ai eu mon second fils ».
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Aujourd’hui, elle s’estime une mère
heureuse, mais regrette son enfance
perdue : « j’ai dû renoncer à beaucoup de
choses, comme jouer à la balle. J’adorais
ça et ça fait 8 ans que je n’ai plus mis les
pieds sur un terrain. Non, ce n’est pas
facile de faire ce que j’ai fait. »
Les Patricia sont plus de 40’000
aujourd’hui à vivre ainsi au Brésil. Hors
des grandes villes, on les rencontre surtout
dans les Etats les plus pauvres du pays, Alagoas ou Maranhão dans le Nord-Est, ou bien ceux
qui concentrent les populations indigènes, l’Acre et le Roraima. Bien que leur relation de
couple soit illégale et passible de 15 ans de prison pour « abus contre des personnes
vulnérables », le phénomène reste largement ignoré des pouvoirs publics qui ferment les
yeux.
« En plus des impératifs économiques et
sociaux, des facteurs culturels, notamment
au sein des populations indigènes
contribuent au fait que les proches ne
dénoncent pas ces situations, même s’ils
ne les approuvent pas » note Helen
Sanches, Présidente de l’Association
Brésilienne des Magistrats, Procureurs et
Avocats de l’Enfance et de la Jeunesse
(ABMP).
Un phénomène mondial
Le Brésil n’est pas un cas unique.
Selon l’UNICEF, une adolescente
de moins de 18 ans se marie chaque
3 secondes dans le monde. Pour des
raisons culturelles, religieuses ou à
cause de la pauvreté. Selon les
associations de défense des droits
de l’homme, ils seraient plus de 10
millions sur la planète, les enfants
et adolescents qui choisissent ce
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moyen pour tenter d’échapper à la misère. La majorité de ces mariages infantiles ont lieu en
Afrique et en Asie où ils représentent la principale forme d’abus sexuels contre les mineurs.
Car souvent, il s’agit de mariages
arrangés par des parents consentants :
« dans des régions dévastées par la
sécheresse, les inondations ou par la
guerre, le mariage des plus jeunes est une
question de survie », explique Kanwal
Alhuwalia, une sociologue indienne qui a
elle même été victime d’un mariage forcé
lorsqu’elle était enfant. « Une bouche de
moins à nourrir, c’est parfois le salut du
reste de la famille ». Kanwal Alhuwalia dirige aujourd’hui l’organisation Plan UK de lutte
contre les mariages infantiles.
Le prétendant, généralement bien plus âgé que la fiancée « achète » sa compagne mineure,
réduite au statut de marchandise, en échange d’eau, d’aliments ou de bétail. Une pratique qui
a explosé en Afrique de l’Est, à cause de la sécheresse actuelle, la pire de ces 60 dernières
années. Là-bas, ces adolescentes sont appelées les « fiancées de la sécheresse. »
Mariages précoces et mortalité post-natale
Ann Warner, du Centre International de
Recherche sur les femmes (IRCW), relève
l’étroite corrélation qui existe aujourd’hui
entre l’augmentation des mariages
infantiles et les décès lors
d’accouchements : « le corps de ces
fillettes n’est physiquement pas prêt pour
une grossesse. Plus celle-ci a lieu tôt, plus
le risque de mourir en accouchant est
grand.
Une réalité que l’Association des Magistrats, Procureurs et Avocats de l’Enfance et de la
Jeunesse (ABMP) juge intolérable au Brésil. Elle promet de lancer une grande campagne de
vigilance pour en finir avec ces mariages précoces. Tout en soulignant que la dénonciation ne
suffit pas : « une campagne de sensibilisation doit être accompagnée de programmes d’aide
aux enfants et adolescents et d’un effort éducatif dans les écoles » conclut Helen Sanches.
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!!!
Ce mois, septembre 2011 : le Parti de la coca
La rencontre s’est tenue du 26
au 28 août à Lima. Des
représentants des cultivateurs
de feuille de coca du Pérou, de
Bolivie et de Colombie se sont
réunis en congrès pour fonder
le premier parti politique
« cocalero » d’Amérique
latine. Objectif, revendiquer
la légalisation générale de la
culture et la reconnaissance
de la feuille de coca comme
« patrimoine mondial de
l’humanité ». Derrière ces généreux objectifs sociaux et culturels, une réalité autrement
sonnante et trébuchante : 84% de la coca cultivée dans les Andes est transformée en
cocaïne, vendue ensuite 50 US$ le gramme aux Etats Unis et en Europe. Le Brésil et ses
8’000km de frontières communes avec le Pérou, la Bolivie et la Colombie, s’inquiète des
conséquences de cette initiative.
La fondation de ce parti « de la narcopolitique institutionnelle », comme le désigne un
commentateur péruvien intervient après l’élection le 7 juin
dernier, du nouveau Président péruvien, le nationaliste et
populiste Olanta Humala. Ce n’est pas tout à fait par hasard.
Des promesses électorales pour les cultivateurs de coca
Cet ex-militaire a fait toute sa campagne, un rameau de feuilles
de coca à la main, promettant d’en finir avec l’arrachage des
plantations. Dans les zones de culture, au pied des Andes et sur
les hauts plateaux amazoniens, il a recueilli 89% des voix. 8
députés élus au nouveau parlement péruvien sont notoirement
connus pour leurs liens avec le trafic de cocaïne et le
blanchiment d’argent. « La création aujourd’hui d’un parti
politique des cocaleros est totalement légale, la loi le permet », déclare cependant le Président
Humala.
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L’élection d’Humala n’a fait qu’accélérer un processus qui a
débuté en 2006, lorsqu’Evo Morales accède à la Présidence de la
Bolivie. Evo Morales ancien leader syndical des paysans indiens
cocaleros boliviens, promeut en mars 2007, avec son compère
vénézuélien Hugo Chavez, une rencontre entre les organisations de
cultivateurs de coca et le Groupe latino-américain de l’Union
interparlementaire, à Caracas. Objectif, réclamer la légalisation de
la coca au niveau mondial, une proposition appuyée par les députés présents à l’unanimité.
En 2009, Rafael Corrêa est réélu président de l’Equateur, lui aussi
est un défenseur de la « culture indienne » de la feuille de coca.
Dans la nouvelle géographie des routes de la drogue, décrite par la
DEA américaine, l’Equateur est devenu « un centre mondial du
commerce de la drogue, notamment pour ce qui concerne le
recyclage de l’argent. »
Le Brésil sur la route de la drogue
Le Brésil s’inquiète de cet
encerclement. Dans le cadre de
la préparation de la Coupe du
Monde 2014 et des Jeux
Olympique de 2016, les
autorités négocient avec le
Pérou et la Bolivie des
« accords de vigilance », avec
le discret soutien des Etats-
Unis. Humala et Morales
auraient promis de répondre
positivement.
C’est que le Brésil et les 8’000 km de frontières qu’il partage avec la Bolivie, le Pérou et la
Colombie se trouve en mauvaise posture. Selon l’UNDOCS, le Bureau des Nations Unies sur
la Drogue et le Crime, le pays serait devenu la 3ème route d’approvisionnement la plus
importante du marché européen de la cocaïne, sans jamais cultiver la moindre feuille de coca
sur son territoire. En 2009, 1,5 tonnes de drogue ayant transité par le Brésil ont été saisies par
les douanes européennes, contre 339 kg en 2005.
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Pulvérisation du trafic
Une situation qui s’explique par la
modification des zones de production et la
pulvérisation du trafic. Il y a 10 ans, la
Colombie était le principal producteur.
Elle a vu sa surface plantée réduite de
50%, suite aux efforts de guerre du
gouvernement et de la DEA américaine,
des efforts qui coûtent 489 millions de
US$ par an, selon le Sénat américain.
Les cartels colombiens se sont donc
reconvertis en grossistes, faisant produire
la « pasta » en Bolivie et au Pérou. Ce
dernier pays est en passe de devenir le
premier producteur mondial de feuilles,
avec 128’000 tonnes par an. « En 10 ans,
la productivité a passé de une tonne à 3,23
tonnes à l’hectare grâce à la modernisation
des techniques de culture », explique le
sociologue Jaime Antezara Rivera, de
l’Institut d’Etudes Internationales de Lima.
Les planteurs touchent 350 US$ pour 200 kg de feuilles séchées, qui rapportent un bénéfice
1’400 fois supérieur au bout de la chaîne de commercialisation de la cocaïne. Fondé avec la
complaisance des autorités, le nouveau parti andin des cocaleros est donc assis sur une mine
d’or.
Les nouvelles routes du trafic
Les routes du trafic aussi se sont modifiées.
Avec la répression qui sévit au Mexique et en
Amérique Centrale, l’Argentine, le Chili et
surtout le Brésil sont devenus des pays de
transit privilégiés. A quoi s’ajoute, dans le cas
du Brésil, une consommation interne qui en
fait la principale destination de la drogue en
Amérique du Sud. 3% de la cocaïne mondiale
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et de ses dérivés y serait consommée, soit 1/3 de toute la drogue vendue en Amérique du Sud.
L’ONU estime qu’il y a 900’000 usagers de la cocaïne ou de ses dérivés au Brésil.
Les efforts des autorités nationales pour
garder le contrôle de la situation et ceux de
l’ONU pour faire respecter au niveau
mondial la prohibition de l’usage de la
feuille de coca décrétée il y a 50 ans
ressemblent au jeu du chat et de la souris :
le marché ne cesse de croître, ses
bénéfices aussi.
Légaliser la consommation ?
Cette réalité a amené
plusieurs anciens chefs
d’Etat, les ex-présidents
Fernando Henrique Cardoso
(Brésil), Bill Clinton (Etats-
Unis), Ernesto Zedillo
(Mexique) et Cesar Gaviria
(Colombie), à proposer au
sein de la Commission
Globale sur les Drogues de
l’ONU, une décriminalisation de la consommation, pour « renforcer la lutte contre les circuits
illégaux de vente et de distribution. »
Une croisade à laquelle se sont joints l’ancien Secrétaire général de l’ONU Kofi Annan,
Javier Solana, ancien Secrétaire Général de l’OTAN, le milliardaire Richard Branson, le prix
Nobel de littérature Mario Vargas Llosa et l’ancienne Présidente de la Confédération suisse
Ruth Dreifuss. (Voir Vision Brésil n°25, juin 2011).
La fondation d’un parti politique cocalero au Pérou n’est pas
liée à cette initiaitive, Au contraire. Elle apparaît plutôt
comme une contre-offensive déguisée des barons du trafic
pour marquer leurs positions et installer leur pouvoir au sein
des gouvernements andins en place. Qui tout en défendant la
sacralisation de la feuille de coca restent très silencieux sur
les ravages du trafic de cocaïne.
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!!!
Ce mois en bref, septembre 2011
Campagne contre la corruption – suite ; accident tragique à Santa Teresa ; le Brésil a le
vent en poupe au Québec ; Suisses du Brésil, une histoire oubliée ; les JMJ 2013 à Rio de
Janeiro.
La lutte de Dilma Rousseff
contre la corruption dans
son gouvernement continue.
(Voir Vision Brésil n° 26,
août 2011) Un cinquième
ministre est tombé, celui du
tourisme, accusé d’avoir
utilisé les fonds publics
pour « récompenser » ses
alliés politiques et leurs
circonscriptions.
Une rigueur que salue le Secrétaire Général de l’ONG « Contas Abertas », Gil Castello
Branco, qui lutte pour plus de transparence dans la fonction publique: « « le degré de
tolérance à la corruption de la Présidente est moins fort que celui de l’ex-Président Lula et de
ses prédécesseurs. La société civile commence à s’organiser autour de cette question,
espérons que cela continue ». Gil Castello Branco fait ici allusion à la manifestation anti-
corruption du 7 septembre à Brasilia, convoquée par les réseaux sociaux sur internet, qui a
rassemblé 25’000 personnes.
« L’opinion publique se
mobilise de façon active sur
cette question. C’est
relativement rare que la
population brésilienne se
regroupe ainsi. Espérons
que le nettoyage politique
continue ». Un nettoyage
qui a encore ses limites,
analyse Everaldo Moraes,
expert en science politique :
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« la Présidente cherche la paix avec l’opinion publique mais continue à faire ce qui se fait
depuis toujours à Brasilia, placer aux postes de commandes des personnes indiquées par les
partis de sa coalition majoritaire, indépendamment de leurs compétences. C’est peut-être ce
qui est le plus dangereux du point de vue de la corruption car le gouvernement peine ainsi à
contrôler ses propres ministres. »
Il est vrai que le nouveau
responsable du tourisme
Gastão Vieira est un proche
du Président du Sénat José
Sarney, qui règne en maître
dans son Etat du Maranhão.
Vieira est déjà dans le
collimateur des médias pour
des pratiques de favoritisme
dans son fief électoral ! « La
corruption dans la politique
brésilienne est très difficile à
contrôler à cause de cet échange de « bons procédés » entre les partis alliés », commente
Claudio Abramo, Président de l’ONG Transparence Internationale Brésil. « Le gouvernement
brésilien compte dans ses rangs 60’000 charges de confiance. Ce sont des postes dont les
responsables sont choisis sur indication politique, sans mise au concours publique. Aux Etats
Unis, le nombre de charges de confiance dans la fonction publique n’est que de 9’000.
Maîtriser la corruption politique au Brésil est un travail de longue haleine ».
Accident de tram à Santa Teresa
Il est beau et fait craquer les touristes, le
vieux tramway qui franchit l’aqueduc des
Arcos da Lapa et grimpe la colline de
Santa Teresa à Rio de Janeiro. Seul vestige
d’un réseau de tram qui était très dense
dans la capitale carioca au début du XX°
siècle, il se fait vieux hélas, et son
entretien laisse à désirer. Résultat, des
accidents qui se multiplient.
Le dernier en date, le 27 août, a viré à la
tragédie. Une des compositions a perdu ses freins à la descente et s’est encastré dans un mur.
Le véhicule a été décapité, 5 morts et 57 blessés. En juin déjà, un touriste français trouvait la
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mort après une chute de 15 mètres, éjecté du tram lorsque ce dernier passait au sommet de
l’aqueduc.
Au lendemain de la catastrophe, le
Gouverneur de Rio s’indigne :
« l’entreprise exploitante porte une lourde
responsabilité. Certains tramways ont été
modernisés, mais pas tous. Et les
véhicules sont mal entretenus et circulent
en surcharge, ». Au moment de l’accident,
la motrice transportait 61 passagers alors
que sa capacité est de 40. Beaucoup
d’utilisateurs s’accrochent à l’extérieur
pour ne pas payer leur billet, une pratique
tolérée par les conducteurs.
Le Gouverneur de Rio attend les résultats de l’enquête pour prendre des décisions, mais il cite
l’exemple de Lisbonne au Portugal où les entrées et sortis dans les anciens trams sont
rigoureusement contrôlées pour éviter les accidents.
Le Brésil a le vent en poupe au Québec
Les exportations québécoises vers le
Brésil ont connu une croissance d’environ
80% entre 2009 et 2010. Le Brésil est
ainsi devenu le principal partenaire
économique du Québec en Amérique
latine, surpassant pour la première fois le
Mexique comme première destination des
produits québécois dans la région. Installé
à São Paulo depuis mars 2008, le Bureau du Québec a amené dans son sillage le service
d’immigration basé jusqu’alors à Buenos Aires en Argentine. Depuis l’ouverture, on note une
croissance de 40 % des demandes et de l’octroi de Certificats de sélection du Québec.
« On est en train de passer d’une phase d’établissement à une de développement et de
croissance importante. Bref, le Bureau du Québec prend son envol », explique Louis
Hamann, son directeur, qui se plaint de ne pas avoir les moyens de ses ambitions. Les
autorités québécoises ont bien annoncé dans leur dernier budget, des sommes supplémentaires
pour São Paulo, mais le bureau manque toujours de personnel.
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Outre les liens économiques qui se tissent,
une douzaine d’artistes, de compagnies de
danse ou de théâtre du Québec sont venus
au Brésil ces dernières années. Parmi eux,
Yann Perreau, Marie Chouinard, le
Cirque du Soleil (qui revient cette année
avec le spectacle Varekai) et le Théâtre du
Trident. On prépare aussi la visite de la
ministre des Relations internationales au
Brésil, pour y signer des accords de
coopération avec l’État de Rio et celui de
São Paulo et la mise sur pied d’un « Foco Québec » lors du prochain Festival international du
film de Rio.
« L’intérêt est réciproque, au Brésil, il y a aussi un véritable engouement pour le Québec ! »
Louis Hamann aspire à mieux faire connaître le Brésil aux Québécois d’ici la fin de son
mandat. « Quand je rentrerai au Canada, j’espère qu’il n’y aura plus un Québécois qui me
demandera si on parle l’espagnol au Brésil ». (Collaboration, Le Petit Journal São
Paulo http://www.lepetitjournal.com/sao-paulo.html).
Suisses du Brésil, une histoire oubliée
La grande vague d’immigration
européenne dans le sud du
Brésil au XIX° siècle est
surtout le fait d’italiens et
d’allemands. Quoiqu’en
nombre plus restreint, des
Suisses aussi, ont participé à
cette aventure. C’est l’objet
d’un documentaire en cours de
réalisation « Suisses du Brésil,
une histoire oubliée », fait par
un cinéaste de Curitiba
(Paraná), Calixto Hakim. « L’idée m’a été suggérée par mon épouse, Katarina Beck, qui est
elle-même descendante de Suisses » explique le réalisateur.
Nous sommes en 1850. Le Prince de Joinville, fils du roi de France, négocie les terres qu’il a
reçues en dot au Brésil, de son épouse Dona Francisca, sœur de l’empereur Dom Pedro II. La
Société Colonisatrice de Hambourg assume alors la tâche de peupler ces terres avec des
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colons européens candidats à l’émigration vers le Nouveau Monde. Le film reconstitue la saga
d’une famille de Schaffhouse qui ira s’installer à Colônia Dona Francisca, devenue depuis la
cité de Joinville.
Le film, bilingue portugais-
allemand, est joué par des
acteurs professionnels, mais
il se base sur des
témoignages réels et surtout
sur le travail de recherche
historique très complet mené au Brésil, en Allemagne et en Suisse par Dilney Cunha :
« Suiços em Joinville, o duplo destero « (Les Suisse de Joinville, un double déracinement)
publié en allemand sous le titre « Das Paradies in den Sümpfer ». Il a fallu 3 ans à Calixto
Hakim, pour trouver les fonds nécessaires au tournage, en Suisse et au Brésil, un tournage qui
s’est déroulé à Schaffhouse et dans la région de Joinville. Le film, en cours de montage,
devrait sortir début 2012, en deux versions, l’une de 52 minutes pour la télévision, l’autre de
90 minutes pour le cinéma.
Les JMJ 2013 à Rio de Janeiro
La Conférence environnementale mondiale Rio +
20 en 2012, la Coupe du Monde de football en
2014, les Jeux Olympiques de Rio de Janeiro en
2016, le Brésil accumule les grands événements
pour les années à venir. Se rajoute maintenant, en
2013, les JMJ, les Journées mondiales de la
Jeunesse, grand rassemblement des jeunes
catholiques du monde entier en présence du pape.
Originellement prévues, pour avoir lieu tous les 3
ans, les JMJ ont changé de calendrier en 2005,
pour ne pas interférer avec les dates de la Coupe
du Monde de football. Après Sydney en 2009 et
Madrid en 2011, ce sera donc le tour de Rio de Janeiro en 2013. « Je suis heureux de vous
dire que les prochaines Journées mondiales de la jeunesse auront lieu en 2013 à Rio » a
annoncé le Pape Benoît XVI devant les 1,5 millions de jeunes réunis à Madrid pour la messe
de clôture du grand rassemblement des JMJ 2011, le 21 août dernier. C’est la deuxième fois
que les JMJ se dérouleront en Amérique latine, après l’édition de Buenos Aires en 1987, qui
avaient rassemblé un million de fidèles.
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!!!
Environnement, septembre 2011 : et
maintenant l’Hamza…
Un fleuve souterrain, trois fois large comme l’Amazone, qui court tout au long de son lit,
sur 6’000km, jusqu’à l’Océan Atlantique, c’est la découverte que vient de communiquer
au monde l’Observatoire National Brésilien de Géophysique. Une découverte majeure,
même si on ne sait pas encore très bien quoi en faire…
Jour après jour, nous percevons à quel point nous connaissons mal l’Amazonie et notamment
son régime des eaux ! Il y a 2 ans par exemple, le Suisse Gérard Moss, installé au Brésil, nous
faisait découvrir les « rivières volantes », des flux de nuages chargés d’eau, alimentées par
l’évaporation de la forêt amazonienne, qui vont se déverser sur les grandes plaines agricoles
de l’Etat de São Paulo et du Centre-Ouest, à 4’000km plus au sud. Un phénomène
déterminant pour l’agro-industrie du sud du Brésil, qui montre à quel point elle est
dépendante de la bonne santé de la forêt amazonienne (voir Vision Brésil n°, août 2009).
De l’aquifère d’Alter do Chão au lit souterrain de l’Hamza
Un an plus tard, ce sont des chercheurs de l’Université fédérale du Para qui mettent à jour
l’existence d’un gigantesque réservoir d’eau potable, l’aquifère d’Alter do Chão, sans doute le
plus grand du monde. Il s’étend sous les Etats d’Amazonie, du Para et d’Amapa. En tout
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86’000 km3 d’eau ou 86’000 milliards de
bouteilles d’un litre ! De quoi
approvisionner théoriquement toute la
population mondiale pendant 500 ans
(voir Vision Brésil n°14, mai 2010).
Aujourd’hui, ce sont des scientifiques de
Manaus qui mettent à jour l’existence du
Rio Hamza, un double du fleuve Amazone
qui court en parallèle, 4’000 m sous terre
et se jette dans l’Atlantique au même endroit !
L’Hamza naît au Pérou, dans les Andes.
Exactement au même endroit que
l’Amazone. D’ailleurs les populations de
la région de Cuzco connaissent bien son
existence. Depuis les temps immémoriaux,
ils creusent des puits pour utiliser cette eau
souterraine afin d’irriguer les terres arides
de la Cordillère. De là, le Rio Hamza
« plonge » verticalement dans les
entrailles de la terre, d’un coup, sur une
très courte distance : 2km. Ensuite, il part
à l’horizontale vers l’est, à peu près au niveau de l’Etat d’Acre. Il va dès lors serpenter durant
6’000km, sous le lit de l’Amazone, à 4’000 mètres de profondeur, et se jeter dans
l’Atlantique, dans la même zone que son frère de surface. L’Hamza s’avancerait de 150km
dans l’océan, ce qui expliquerait la faible salinité des eaux qui remontent des grands fonds
dans cette région.
D’énormes masses d’eau et un parcours
sinueux
Bien sûr, le fleuve ne coule pas librement
comme dans un tunnel souterrain ! L’Hamza se
fraye lentement un passage dans les sédiments,
sa vitesse d’écoulement est donc beaucoup
plus lente que celle de l’Amazone : 10 à 100
mètres par année contre 0,1 à 2 mètres par
seconde pour l’Amazone. Son débit aussi, ne
représente que 2% de celui de l’Amazone. Un
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débit qui est tout de même l’équivalent de celui du Rhône, 3’000 m3 par seconde! Et pour
avancer dans le sous-sol amazonien, l’Hamza a besoin d’espace. Sa largeur est ainsi de 200 à
400km, contre un maximum de 100km pour l’Amazone !
Toutes ces données ont été rendues publiques par des
chercheurs de l’Observatoire National de géophysique et
de l’Université de Manaus, lors d’un congrès qui s’est
tenu à Rio de Janeiro fin août, soulevant une vgue de
curiosité dans le monde. Le nom provisoire de ce cours
d’eau, Hamza, lui a été donné en hommage à celui qui
l’aurait découvert, un scientifique indien installé au Brésil depuis 1974.
Grâce aux puits creusés par Petrobas
Pas question, bien entendu de
« voir » ce cours d’eau. Les
travaux de Valiva Hamza et
son équipe se basent sur
l’observation de 241 puits
forés par Petrobras dans les
grandes profondeurs du lit de
l’Amazone. C’était dans les
années 1970-1980, dans le
cadre de la recherche
infructueuse de gisements de
pétrole. La température au
fond de ces puits s’est révélée
systématiquement inférieure de 5° à la température du sol, ce qui indiquait la présence d’une
grande quantité d’eau à 4’000 mètres sous la surface. En suivant le parcours de ces puits, les
chercheurs ont donc pu tracer le cours de l’Hamza. Exactement le long de celui de
l’Amazone.
« Ce n’est pas une nappe phréatique comme le réservoir aquifère d’Alter do Chão, où l’eau
n’est pas en mouvement, explique Valiva Hamza. Dans le cas de l’Hamza, nous pouvons
percevoir l’écoulement du fleuve, quoique très lent, à travers les sédiments ». Valiva Hamza
se donne cependant jusqu’en 2014 pour confirmer définitivement les contours de sa
découverte.
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13% des ressources d’eau douce de la planète
Au-delà de la curiosité, à quoi peut bien
servir la mise en évidence de ce fleuve
souterrain ? « D’abord, c’est une avancée
scientifique majeure, se réjouit Elizabeth
Tavares Pimentel, professeur à
l’Université de Manaus, qui permet de
mieux cerner la nature et le régime des
eaux en Amazonie ». Et aussi, à terme,
d’en tirer des enseignements utiles à
l’exploitation humaine non prédatrice de
la forêt. Elle contribue encore à une meilleure connaissance des courants marins et de
l’habitat des poissons dans cette région équatoriale de l’Océan Atlantique, car l’embouchure
de l’Amazone concentre toutes les rivières de l’Amazonie, de surface ou souterraines.
Officiellement, le Brésil
détient 13% des eaux douces
de la planète. Et si on en est
encore aux premiers
balbutiements concernant la
connaissance profonde de
l’Amazonie, on n’est guère
plus avancé pour ce qui a trait
aux potentialités d’utilisation
de ces immenses ressources
aquatiques. L’Hamza lance
donc un défi. D’abord aux
scientifiques, ensuite aux
décideurs politiques, au
monde économique et aux environnementalistes.
!!!
Environnement en bref, septembre 2011
Encore un militant écologiste assassiné dans le Pará ; Google Street, recensement en
Amazonie ; canne à sucre plus chère et moins d’alcool dans l’essence ; certificat
énergétique pour les voitures ; l’énergie qui pourrait venir de la mer.
! ")!
Valdemar Oliveira Barbosa est tombé sous les balles de ses assassins le 25 août 2011.
Deux tueurs en moto qui n’ont pas encore été retrouvés. Valdemar faisait partie du
Syndicat des Travailleurs
Ruraux de Marabá dans
l’Etat du Pará et était
coordinateur d’une
collectivité de colons
installés sur des terres de la
réforme agraire.
Depuis l’assassinat de José
Cláudio e Maria do Espírito
Santo en mai, Valdemar Oliveira Barbosa est le 7ème militant écologiste assassiné en
Amazonie, le 4ème dans le Pará.
Google Street, recensement en Amazonie
Depuis mi-août, d’étranges engins
circulent sur et autour du Rio Negro, dans
une réserve située à 180km de Manaus.
Des bateaux et des tricycles surmontés de
caméras tournantes qui filment tout et
partout. Ce sont les équipements de
Google Street View, adaptés à
l’environnement de la forêt amazonienne,
qui sont en train de cartographier la
Réserve de Développement Durable du
Rio Negro. Ces images à 360° seront disponibles pour le public du monde entier d’ici la fin
de l’année. Une aventure innovatrice, d’habitude Google Street s’intéresse plutôt aux villes,
menée en collaboration avec la fondation
environnementale « Amazonie Durable »
(FAS).
Ce n’est pas la seule tentative de mise en
carte de cet immense tapis vert de 6,5
millions de km2 ! Le Brésil disposera en
effet à partir de l’année prochaine, d’un
Wikipédia de sa biodiversité. Baptisé
Wikiflora.org, le portail réunira des
descriptions et la cartographie des espèces
! "*!
de plantes de l!Amazonie, faites par Internet et validées par un comité de spécialistes. Pour
réaliser cette opération, menée en partenariat avec IBM, le Ministère des Sciences et
Technologies (MCT) a eu l’idée de mettre les réseaux sociaux au service de la botanique.
L’initiative vise en effet à créer un portail collaboratif de partage d!’nformations et d’études
sur la biodiversité de l’Amazonie. L’objectif est d’engager des non-spécialistes, comme des
collégiens par exemple, dans la classification biologique, en collaboration avec des
scientifiques. Les internautes pourront comparer les plantes qu’ils connaissent à partir d’une
base des collections déjà existantes.
Beaucoup de la biodiversité de l’Amazonie reste encore à découvrir et le MCT a fait une
constatation inquiétante : il y a peu de spécialistes en classifications d’êtres vivants en
Amazonie. Wikiflora.org, devrait contribuer à combler cette lacune. Une première version du
site sera lancée lors de la Conférence Rio+20, en 2012, avec les descriptions de 2.500
espèces, soit un cinquième du total de toute la superficie du géant vert.
Canne à sucre plus chère et moins d’alcool dans l’essence
L’abondance de terres cultivables, le
climat favorable et une bonne maîtrise des
technologies de production ont longtemps
garanti au Brésil, la place enviable de plus
grand producteur de canne à sucre du
monde, grâce à sa compétitivité. Mais le
Brésil s’est progressivement fait souffler
son leadership sur le marché par
l’Australie, l’Afrique du Sud et la
Thaïlande. En cause, des coûts de
production en hausse, la valorisation du
R$ et l’euphorie des investisseurs pour la
filière de l’alcool carburant à base de canne à sucre qui a disséminé les zones de culture tout
autour de la planète.
Selon les statistiques de l’UNICA, l’Union des Industries de
la Canne à Sucre, les coûts de production ont augmenté au
Brésil de près de 40%, passant de 25 à 36 US$ la tonne. Du
coup, l’attractivité de la filière canne est en baisse. Le
gouvernement s’en inquiète et prend des mesures de
précaution. Ainsi, le pourcentage d’alcool qui doit
obligatoirement figurer dans l’essence vendue à la pompe va
baisser de 25 à 20% dès le 1er octobre. Le Ministre des Mines et de l‘Energie Edson Lobão
! #+!
justifie : « nous devons assurer l’approvisionnement en éthanol pour 2011 et pour après, or les
perspectives de récoltes pour l’an prochain ne sont pas très encourageantes ». Reste que
moins d’alcool dans l’essence, cela veut dire plus de pétrole, dont l’approvisionnement et le
prix ne sont pas non plus garantis.
Certificat énergétique pour les voitures
De AAA+ à E-, il ne s’agit pas
des notes données par Moodys
aux économies européennes
malades, mais des futurs
certificats énergétiques que les
constructeurs automobiles
brésiliens vont devoir apposer
sur les voitures qu’ils
fabriquent. Le gouvernement
exige en effet que chaque
véhicule indique désormais
clairement le niveau de ses
émissions nocives et sa
consommation. Les modèles trop polluants ou trop gourmands seront pénalisés. Dans l’esprit
des autorités, la mesure devrait encourager la mise au point de véhicules hybrides roulant en
partie à l’électricité, estime le Secrétaire Exécutif du Ministère de l’Economie Nelson
Barbosa, « d’autant que la crise d’approvisionnement de l’éthanol que nous connaissons rend
le moment particulièrement favorable pour lancer cette réforme ».
Les pénalités financières qui seront appliquées aux modèles salissants pourraient servir à
baisser les impôts pour les véhicules électriques. Les constructeurs bénéficient d’une période
d’adaptation. Les premiers véhicules munis de ce certificat environnemental sortiront des
chaînes de montage dès 2012, mais l’obligation générale sera plus tardive. Les autorités n’ont
pas encore fixé de date buttoir.
L’énergie qui pourrait venir de la mer.
« La mer, la mer toujours recommencée » scandait Paul Valéry… Des vers qui s’appliqueront
peut-être bientôt très concrètement à une nouvelle réalité du Ceará dans le Nord-Est brésilien.
Une équipe de scientifique du Programme de post graduation en ingénierie de l’Université
Fédérale de Rio de Janeiro (COPPE) vient en effet d’installer sur une digue du port pétrolier
de Pécem, à 60km de Fortaleza, une usine pilote de fabrication d’électricité à partir des
vagues de la mer.
! #"!
Des bras métalliques articulés
prolongés par de grands
flotteurs qui sont mis en
mouvement par les vagues,
génèrent une énergie suffisante
à pomper l’eau de mer dans une
centrale hydraulique où elle est
dessalinisée puis turbinée.
L’électricité ainsi produite est
ensuite envoyée dans le réseau.
L’unité expérimentale de Pécem
est bien sûr encore modeste :
100kw/h de puissance, de quoi éclairer tout juste 60 maisons. Mais l’étude de son
fonctionnement devrait permettre la mise au point de cette technologie à l’échelle industrielle.
« Nous n’avons pas de grandes rivières au Ceará, précise Paulo Lustosa, Secrétaire d’Etat à
l’Environnement. 99% de notre énergie vient d’usines hydro-électriques situées hors de l’Etat.
Par contre, nous avons des centaines de km de littoral marin et beaucoup de vent. Ça vaut la
peine de chercher des alternatives. » Le Ceará ne limite d’ailleurs pas ses expérimentations
aux seules vagues de la mer, il est en train d’édifier 14 parcs d’éoliennes et va construire la
première usine solaire du Brésil à Tauá, à 360km de Fortaleza. 4’680 panneaux solaires
devraient permettre d’alimenter 1’500 familles (voir Vision Brésil n° 26 août 2011).
!!!
Economie, septembre 2011 : vers une économie verte :
le paradoxe brésilien
« Les entreprises qui ne s’adaptent pas à une économie de faible consommation de CO2
ne seront plus en vie dans 10 ans ». L’avertissement ne vient ni des ONG
environnementales, ni des militants écologistes. Il est lancé par Marina Grossi, patronne
du Conseil Patronal Brésilien pour le Développement Durable (Cebds), regroupant 53
des plus grandes entreprises du pays, qui contribuent pour 40% à la formation du PIB.
Hélas, bien peu d’entre elles ont déjà pris au sérieux l’avertissement de Marina Grossi.
Peut-être parce que l’économie brésilienne vit un paradoxe : sa matrice énergétique est
une des plus propres du monde, son agro-industrie une des plus polluante…
! ##!
Au printemps dernier, dans le cadre des travaux préparatoire de la Conférence
environnementale Rio +20 de 2012, le Secrétaire Général des Nations Unies Ban Ki-Moon a
plongé les observateurs dans la perplexité en affirmant que le Brésil avait une des matrices
énergétiques les plus propres du monde ! Une affirmation bien loin de ce traduire dans les
faits pour ceux qui vivent dans les grandes métropoles du Sud-Est du pays…
Une matrice énergétique propre, mais…
Et pourtant, Ban Ki-Moon a
raison ! 95% de l’énergie
produite au Brésil est
d’origine hydraulique, donc
renouvelable, et plus de la
moitié des voitures du pays
roulent à l’éthanol qui génère
zéro émission de CO2 : le gaz
carbonique produit par les
moteurs, qui s’échappe dans
l’atmosphère est compensés par la repousse de la canne à sucre. Contrairement à la filière
nord-américaine de l’éthanol, dont la distillation à partir du maïs se fait en brûlant du pétrole,
! #$!
la production du biocarburant brésilien à base de canne à sucre utilise les déchets de la plante
pour alimenter le processus de distillation. C’est donc en théorie une énergie « propre ».
Ça, c’est le côté pile. Le côté face, c’est
une agro-industrie qui gaspille sans
limites les ressources et pollue à qui
mieux mieux les grandes plaines du
Centre-Ouest du pays. Premier facteur, le
déboisement, accompagné d’une
production dramatique de gaz à effet de
serre à cause des brûlis et des nombreux
fours à charbon de bois qui émaillent
l’Amazonie. L’industrie automobile, qui
insiste lourdement sur la valeur environnementale de la filière éthanol ne se prive pas de
recourir à l’acier produit par ces fours à charbon incontrôlés (voir Vision Brésil n°26, août
2011).
L’élevage repoussé dans la forêt
A l’origine de ce déboisement,
l’élevage, qui pénètre chaque
fois plus loin dans la forêt,
repoussé des grandes régions
céréalières du Centre Ouest par
les champs de soja et les
plantations de canne à sucre.
« L’élevage est encore le
principal responsable du
déboisement dans la région
amazonienne », note une étude
que vient de réaliser l’Institut National de Recherches Spatiale pour le compte de
l’EMBRAPA, l’Entreprise Publique Brésilienne de Recherches Agricoles. « 62% des 720’000
km2 déboisés jusqu’en 2007 en Amazonie légale sont devenus des pâturages et chaque année,
700’000 nouveaux hectares sont défrichés pour y mettre du bétail. ».
Du « bœuf vert », qui fait les délices des bonnes tables européennes et nord-américaines, au
même titre que la viande argentine, parce que les bêtes courent librement. Densité moyenne
de l’élevage brésilien, premier exportateur mondial de viande de bœuf, 0,5 à 1tête à l’hectare,
contre 6 pour l’élevage semi intensif en Europe ! Et si les troupeaux migrent vers la forêt
amazonienne, c’est parce que plus au sud, le soja est roi.
! #%!
Soja, OGM et pesticides
Le Brésil est le second
producteur mondial de soja,
essentiellement utilisé pour
fabriquer du tourteau servant
à alimenter les animaux des
pays du Nord. Jusqu’en 2003,
le Brésil ne produisait pas de
soja génétiquement modifié.
Aujourd’hui, 80% du soja
planté est OGM. Et le recours
à ces variétés modifiées censées diminuer les besoins en pesticides n’a pas eu l’effet
escompté, au contraire. Le Brésil est devenu le pays qui utilise le plus de substances agro-
chimiques dans le monde : sa consommation a augmenté de 31% entre 2004 et 2008 et les
quantités vendues ont explosé : + 44%. Les chiffres sont de l’IBGE, l’Institut Brésilien de
Géographie et de Statistiques, qui conclut : « cela revient à dire qu’il s’est vendu au Brésil des
agro-chimiques à un rythme 10 fois supérieur à celui de l’accroissement des surfaces mises en
culture. »
Ce n’est cependant pas seulement à ces
préoccupations-là que se réfère la
Présidente du Cebds Marina Grossi,
lorsqu’elle alerte les entreprises qui ne
veulent pas prendre le virage
environnemental. Son champ d’action
privilégié, c’est l’industrie,
particulièrement concentrée dans la région
de São Paulo et son poids de 40% dans la
formation du PIB du pays. Le Conseil
Patronal Brésilien pour le Développement Durable vient de mettre au point une chartre traçant
les objectifs « pour un changement total vers une économie verte pour le Brésil d’ici 2050 ».
Vision 2050
« Vision 2050 », comme s’intitule cette charte, propose 37 mesures de mutation radicale afin
que 100% des produits fabriqués par les entreprises adhérentes soient « verts» dans leur
processus de fabrication, économes en émissions de carbone dans leur utilisation et non
polluants dans leur élimination. Marina Grossi cite en exemple L’entreprise Philips du
Brésil qui s’est donnée comme objectif de réaliser 50% de son chiffre d’affaire avec des
! #&!
produits verts d’ici 2015 .
Ce catalogue de 37 objectifs
a été élaboré après
consultation de 29 entreprises
membres du Cebds. « Une
des mesures proposées, par
exemple, explique encore
Marina Grossi, c’est la
désactivation de toutes les
décharges non contrôlées
d’ici 2020. Un défi qui
concerne autant le monde
économique que les pouvoirs
publics ». « Vision 2050 »
sera débattu publiquement au
Pier Maua à Rio de Janeiro, les 27, 28 et 29 septembre 2011, afin d’être présenté comme un
document de référence à la Conférence Rio + 20 de 2012.
Une charte environnementale ?
De son côté, la CNI (Confédération Nationale de
l’Industrie) a mis au point, en collaboration avec la
puissante Fédération des Industries de l’Etat de São Paulo
(FIESP) un « Agenda structurant des engagements du
secteur productif pour une économie verte. » A partir de la
consultation des entreprises membres de la FIESP, 44
programmes ont été définis qui devraient être mis en place
de façon volontaire dans les 12 mois à venir par les
membres de la CNI. Cela va de l’amélioration de la
communication d’entreprise à la stimulation des bonnes
pratiques environnementales, et au développement de la
responsabilité socio-environnementale des entreprises. Il
s’agit de « rechercher une efficacité économique basée sur
des indicateurs environnementaux dans l’industrie ».
Des principes qui restent encore théoriques, mais qui devraient déboucher sur l’établissement
par les autorités d’une certification environnementale, afin de valoriser les entreprises qui font
des efforts dans ce sens au Brésil. Le CONAR, le Conseil National de réglementation de la
Publicité a entendu le message. Elle exige des publicitaires, dès le 1er août dernier qu’ils
! #'!
apportent la preuve lorsqu’ils vantent le côté vert d’un produit. « On ne va plus tolérer que
quelqu’un utilise des arguments publicitaires écologiques mensongers, explique Gilberto
Leifert, Président du CONAR. La justification environnementale doit être prouvé à tous les
niveaux de la chaîne, de la fabrication à l’élimination du produit. »
Des petits pas dans une mer de
contradictions… Mais le Brésil, qui est
devenu en 10 ans une nouvelle puissance
économique émergeant, avec ses 4 à 6%
de croissance annuelle, ne peut plus
échapper à cette préoccupation. Surtout
pour ce qui concerne ses exportations :
ses clients du reste du monde
commencent à lui demander des bilans
verts avec une certaine insistance.
!!!
Economie en bref, septembre 2011
Meilleure compétitivité mais ralentissement de la croissance ; polémique sur l’aide à la
production de véhicules ; et si le Brésil achetait de la dette européenne ? Moins de terres
en mains des étrangères ? Vie des entreprises : Sodexo, Bunge, Fiat.
Le Brésil a fait un bond de 5
places dans le ranking de la
compétitivité mondiale, mesuré
par le WEF, le Forum
Economique Mondial, initiateur
du Symposium de Davos. Il se
classe maintenant 53° des 142
pays pris en considération,
devant l’Inde (56ème
) et la Russie
(66ème
) mais encore derrière les
deux autres BRIC’s, la Chine
(26ème
) et, curieusement, l’Afrique
du Sud (50ème
).
! #(!
« L’important, c’est aussi d’analyser les tendance », commente Beñat Bilbao-Osorio,
Directeur du Centre pour la Compétitivité Mondiale du WEF. « Depuis 6 ans, le Brésil a
gagné 13 places. IL pourrait être nettement mieux classé s’il n’était pas pénalisé par ses
faiblesses traditionnelles, le manque de compétitivité de son marché local, les déficiences de
son infrastructure et la corruption. Les choses s’améliorent lentement dans ces domaines, mais
ils pèsent encore négativement sur le potentiel du pays ».
Bien que sa compétitivité s’améliore, la croissance
brésilienne semble marquer le pas, touchée par la crise
américaine et européenne. Selon le dernier rapport
mensuel de l’OCDE (septembre 2011), le Brésil serait le
pays où l‘activité économique devrait être la plus faible,
dans les 6 à 9 prochains mois, au sein du groupe des
pays émergeants et même vis à vis des pays
industrialisés. L’OCDE reconnaît cependant
prudemment les limites de ses anticipations : « nous ne
pouvons pas prétendre que le ralentissement
économique sera vraiment plus fort au Brésil que dans
les autres pays. Nous pouvons seulement affirmer qu’il
aura lieu. »
Un ralentissement contre
lequel le gouvernement et la
Banque Centrale luttent déjà.
De façon surprenante, le
Comité de Politique
Monétaire a en effet décidé
de réduire le taux de
référence de la Banque
Centrale, le Selic, d’un demi-
point à 12%. Il reste certes un
des plus haut du monde, mais depuis un an, le Brésil n’avait pas cessé de l’augmenter pour
lutter contre l’inflation. Cette inversion de la politique monétaire devrait peser sur
l’augmentation des prix, mais stimuler la compétitivité des exportations, le réal baissant face
au dollar. Les analystes du Crédit Suisse affirment que ce mouvement va continuer et que le
taux Selic sera vraisemblablement en dessous de 10% à la fin de 2011.
« Notre situation est encore privilégiée par rapport à d’autres pays, nous somme préparés à
affronter le défi d’une crise mondiale qui est bien plus grave que celle de 2008, mais nous
! #)!
sommes encore loin de ce que nous pouvons et
devons faire » déclare prudemment Dilma
Rousseff. , La Présidente s’exprimait lors des
célébrations de la fête nationale du 7 septembre,
elle a promis que son gouvernement allait
« développer et renforcer la défense du marché
intérieur » et « qu’elle ne permettrait pas
d’attaques contre l’industrie nationale ».
Polémique sur l’aide à la production de véhicules
Les déclarations de la Présidente Dilma
Rousseff, lors des célébrations de la fête
nationale du 7 septembre, affirmant
« qu’elle ne permettrait pas d’attaques
contre l’industrie nationale », se sont
traduits dans les faits, par un vigoureux
rapport de force entre le gouvernement et
la branche des constructeurs automobiles.
Fin juin, le gouvernement proposait que
les entreprises « qui présenteront des
projets innovateurs incorporant plus de composants nationaux dans la fabrication des
véhicules» soient dispensées du payement de l’IPI, l’Impôt sur les Produits Industriels
jusqu’en 2016, un impôt qui peut culminer à 25%. Les 4 grands constructeurs automobiles
brésiliens, Fiat, VW, Ford et General Motors proposaient alors que l’exemption d’IPI soit
appliquée dès qu’au moins 60% des composants d’un modèle sont originaire du Mercosul
(Voir Vision Brésil n° 26 août 2011).
La proposition a fait long feu. Devant la
difficulté des constructeurs à proposer des
projets concrets de substitution, le
gouvernement a fait machine arrière. Il
veut maintenant, au contraire… surtaxer à
30% l’IPI pour les voitures importées dont
65% des composants ne seraient pas
fabriqués au Brésil ou dans le Mercosur !
Principale cible visée, les marques
chinoises JAC et Cherry, qui font un tabac
sur le marché. Les importateurs ont
! #*!
immédiatement réagit, ils menacent de saisir l’OMC car, affirment-ils, s’appuyant sur un avis
de droit du Professeur Ali Nasser de la Fondation Getulio Vargas, « l’Organisation Mondiale
du Commerce interdit la discrimination entre produits locaux et importés et ne permet pas
d’exiger l’incorporation de contenus nationaux ».
D’autres spécialistes du secteur industriel regrettent qu’une fois de plus les autorités aient
choisi la voie de la facilité pour protéger la production nationale : « au lieu de stimuler
l’innovation, ce qui était la motivation première de la baisse de l’IPI pour les constructeurs
faisant un effort de substitution, on offre une prime à la paresse en taxant les produits
importés. A long terme, c’est une stratégie qui ne tient pas, la compétitivité va s’en
ressentir ».
Et si le Brésil achetait de la dette européenne ?
L’idée n’est pas une boutade, l’ensemble
des BRIC’s, dont les exportations
dépendent largement des capacités
d’absorption des marchés des pays
industrialisés étudient sérieusement la
possibilité d’accroître leurs avoirs en
obligations libellées en euros dans le but
d’aider les pays de la zone en pleine crise
de la dette. C’est le journal de São Paulo
« Valor Economico » qui l’affirme. Il
pense même savoir que la perspective sera évoquée lors de la prochaine réunion des ministres
des finances et des banquiers centraux des BRICS à Washington, le 22 septembre.
Guido Mantega, Ministre des Finances brésilien ne dément pas : « Nous allons nous réunir à
Washington et nous allons parler de ce qu’il faut faire pour aider l’Union européenne à sortir
de cette situation ». Rien n’a transpiré sur la forme de cette aide, mais s’il y a achat
d’obligations européennes, cela devrait concerner « celles des pays les plus solides de la zone
euro ». Donc vraisemblablement pas la Grèce, l’Espagne, l’Italie ou le Portugal.
La présidente Dilma Rousseff confirme que «le Brésil sera toujours disposé à participer à un
effort international contre la crise », tout en soulignant qu’il n’y a pas de solution
internationale, et que cela dépend beaucoup des pays concernés. La Chine détient une réserve
de 3200 milliards de dollars, la Russie 525 milliards, le Brésil 350 milliards et l’Inde 320
milliards. Suffisamment pour acheter une quantité significative d’obligations émises par des
pays de la zone euro si la décision est prise.
! $+!
Moins de terres en mains étrangères ?
Il y a un an le gouvernement brésilien
promulguait une ordonnance limitant
l’achat des terres par les étrangers (voir
Vision Brésil n° 16, août 2010). Depuis,
plus aucun achat foncier effectué par des
étrangers n’a été enregistré au Brésil !
Etrange, estime Eliana Calmon, Ministre
chef de l’Inspectorat National de la
Justice, qui a lancé ses limiers sur
l’affaire. Résultat, les achats de terres au
Brésil par des non-résidents continueraient de plus belle, à travers des prête-noms, avec la
complicité généreuse de notaires et d’avocats des régions concernées.
La Sénateur Katia Abreu, Présidente de la
Confédération de l’Agriculture et de
l’Elevage, la CNA, le bras politique de
l’agrobusiness ne conteste pas: pour elle,
l’achat clandestin de terres est le résultat
prévisible des limitations imposées en
2010 par le Bureau du Procureur Général
de l’Union dans l’application de cette
nouvelle directive. Des limites qui ne font
pas la différence entre les entreprises et
les propriétaires privés. « Acheter légalement des terre devient impossible, cela tourne à la
tragédie. Limiter la présence étrangère met en danger des promesses d’investissements de 60
milliards de R$ (30 milliards de CHF / 25 milliards d’") prévus d’ici 2017 dans le secteur
forestier, la production de papier et de cellulose, la culture du soja, du maïs et la production de
sucre et d’éthanol. »
Le registre officiel des propriétés foncières aux mains des étrangers est considéré comme
largement sous-estimé au Brésil. En 1994, une estimation chiffrait déjà à 10% du territoire
national, les terres aux mains des non-nationaux. Depuis, avec le boum de l’agro-industrie, ce
chiffre a augmenté. « Notre travail, à l’Inspectorat National de la Justice, affirme Eliana
Calmon, c’est de dévoiler les fraudeurs et de démanteler leurs réseaux criminels. C’est une
question de sécurité nationale »
! $"!
Vie des entreprises : Sodexo, Bunge, Fiat.
L´entreprise française Sodexo annonce l’acquisition de la société
Puras do Brasil, moyennant 525 millions d’euros et affirme ainsi son
leadership. Sodexo est implantée au Brésil depuis trente ans et offre
des prestations qui vont de la restauration collective à la gestion
d’espaces publics. L’entreprise emploie 22.000 personnes réparties
sur plus de 1.300 sites.
La multinationale céréalière Bunge, annonce 2,5 milliards d’US$
d’investissement au Brésil d’ici 2016, afin d’augmenter de 50% la
capacité de transformation de ses 8 unités sucrière. L’entreprise ne
dit pas quelle sera la part de production d’éthanol carburant et celle
de sucre brut. « Cela variera en fonction des prix du marché »,
justifie l’entreprise. Bunge fait partie des « Big 4 » du négoce céréalier mondial, aux côtés de
Cargill, Glencore et du groupe Louis Dreyfus.
Fiat annonce un investissement de 4 milliards de R$ (2,1 milliards de
CHF / 1,7 milliards d’") afin de construire une nouvelle unité de
construction a Goiana, une localité située à 60km de Recife, dans le
Nord-Est. Le début de la production est prévue pour 2014, 200 à
250’000 véhicules devraient être fabriqués sur ce site de 14’000
hectares. Fiat, premier constructeur automobile du Brésil s’était déjà
distingué il y a 35 ans en implantant sa première usine à Betim, près de Belo Horizonte dans
le Minas Gerais, rompant ainsi avec la concentration industrielle autour de São Paulo. Il
reproduit la même stratégie avec maintenant la « pernamboucalisation » de ses opérations :
plus d’espace à disposition, une main d’œuvre meilleure marché, des avantages fiscaux et une
absence de concurrence industrielle dans les environs.
!!!
Social en bref, septembre 2011
Des indiens contre Shell ; l’illusion d’une fausse retraite ; le poids de l’économie
souterraine ; la foi catholique en déclin ; plus d’heures à l’école ; les médecins doutent
des génériques.
! $#!
Des Indiens guarani réclament le
départ du géant énergétique Shell de
leur territoire ancestral qu’il exploite
pour produire de l’éthanol à Caarapó
dans l’Etat du Mato Grosso do Sul.
La dénonciation est répercutée par
l’Association « Survival International
qui publie la lettre envoyée à Shell
par Ambrosio Vilhalva, un indien
guarani de la région.
(http://www.survivalfrance.org/peuples/guarani)
« Shell doit quitter notre territoire… Les compagnies doivent cesser d’exploiter les terres
indigènes. Nous demandons la justice, nous voulons la démarcation et la protection de notre
terre ». Plus loin dans sa lettre Ambrosio Vilhalva signale encore que « depuis la mise en
marche de l’usine, la santé des enfants, des adultes et des animaux s’est détériorée. Les
produits chimiques utilisés dans les plantations de canne à sucre sont très probablement à
l’origine des fréquentes diarrhées des nourrissons et de la disparition de la biodiversité,
notamment des poissons et de certains végétaux qui forment la base de notre subsistance ».
Le groupe pétrolier Shell s’est récemment
associé à l’entreprise sucrière Cosan (voir
Vision Brésil n° 19, novembre 2010. dans
la création d’une nouvelle entreprise de
production d’éthanol du nom de Raizen.
Une partie de sa production provient de la
canne à sucre cultivée sur la terre
ancestrale des Guarani affirme Survival
International qui a adressé un rapport sur
la question aux Nations Unies. Shell n’a pas réagi officiellement à ces accusations.
(http://assets.survivalinternational.org/documents/207/Guarani_report_English_MARCH.pdf)
L’illusion d’une fausse retraite
Le système de retraites basé sur le facteur de prévoyance selon le temps de cotisation est une
illusion dangereuse, explique José Rolim Guimarães, Secrétaire aux Politiques des
Assurances Sociales du Ministère de la Prévoyance. « Techniquement, il apparaît parfait,
explique ce haut fonctionnaire, puisqu’il permet à quelqu’un de prendre sa retraite tôt, c’est à
! $$!
dire vers 54 ans, ou même 51 ans pour les
femmes, après avoir cotisé le nombre
d’années requises. La perte de revenu est
alors de l’ordre de 40%, mais la personne
peut continuer à travailler, ce qui lui
assure un complément de salaire
confortable. Le problème se pose ensuite,
quand la personne cesse vraiment de
travailler et n’a plus que sa retraite. Son
pouvoir d’achat chute alors
drastiquement ».
Syndicats et gouvernement sont d’accord
pour dire qu’il faut en finir avec ce
système, hérité des lois corporatistes du
travail édictées sous Getulio Vargas dans
les années 1930. Les parlementaires, eux
sont moins convaincus car les retraités
jouissant de ce système forment une base
électorale importante. Ils sont 4,6 millions
au Brésil. C’est une forte minorité, même
si 15,8 autres millions prennent leur retraite en fonction de leur âge. La discussion autour de
cette réforme est donc en panne à Brasilia. L’équipe du Gouvernement Dilma Rousseff a
décidé de la réactiver, car elle touche le cadre de sa politique d’austérité budgétaire. Les
syndicats espèrent des consultations ce mois encore afin qu’une nouvelle proposition soit
déposée au Congrès avant la fin de l’année.
Le poids de l’économie souterraine
Les salariés qui jouissent d’une « carteira
assinada », signe officiel d’un emploi
légal sont encore une minorité au Brésil.
Une minorité croissante, grâce à la bonne
santé économique du pays qui permet de
créer des postes de travail, mais une
minorité tout de même. Au point, estime
la Fondation Getulio Vargas de
Statistique, que l’économie souterraine
contribue pour 18,3% au Produit National Brut. Ce sont ainsi 663,4 milliards de R$ (344
! $%!
milliards de CHF / 287 milliards d’") qui, échappant au fisc, sont annuellement soustraits aux
caisses de l’Etat.
Un chiffre d’une désespérante stabilité, il n’a pratiquement pas bougé depuis 2008 : 18,5%,
18,7%, 18,3%… Il faut remonter à 2003 pour percevoir une chute significative de cette
économie informelle. Cette année-là elle représentait, il est vrai 21% du PIB. « L’économie
souterraine croît un peu moins rapidement que l’économie formelle, aujourd’hui », commente
Fernando de Holanda barbosa, auteur de l’étude à la Fondation Getulio Vargas. « Mais après
la baisse constatée entre 2003 et 2008, la diminution est de plus en plus lente. Le seul moyen
de faire vraiment chuter l’économie souterraine, c’est une réforme fiscale qui en finirait avec
la forte charge tributaire exigée des entreprises et le coût élevé des charges sociales ».
Autrement dit, sans réforme institutionnelle draconienne, le travail au noir restera la règle
dans beaucoup de PME et chez la plupart des artisans brésiliens.
La foi catholique en déclin
Le plus grand pays catholique du monde
perd sa foi… Les fidèles du Pape étaient
encore 83% de la population brésilienne
en 1991, 74% en 2000 mais 68%
seulement en 2009. Dans le même temps,
c’est à dire entre 2003 et 2009, les
religions évangélistes ont connu un boum
passant de 13% de fidèles à plus de 20% !
Les agnostiques déclarés, eux restent une
infime minorité, 5% de femmes, 8%
d’hommes.
Ces données sont tirées de l’ouvrage « La nouvelle cartographie des religions », que vient
d’éditer la Fondation Getulio Vargas. On y apprend encore que les catholiques les plus
nombreux se trouvent dans les Etats du Nord-Est et que les incroyants se recrutent à
proportion égale parmi les plus pauvres (la classe économique
« E »), 7,7% et parmi les plus riches (les classes économiques AB),
6,7% du total.
Cas particulier, la ville de Rio de Janeiro, qui recevra le Pape lors
des Journées Mondiales de la Jeunesse de 2013, moins de la
moitié de la population se dit catholique ! Rio est aussi la seconde
ville du pays en ce qui concerne les non-croyants et les
! $&!
évangélistes. L’Etat de Rio de Janeiro abrite enfin le plus grand nombre d’adeptes des autres
religions comme les cultes spiritistes, afro-brésiliens et orientaux.
Plus d’heures à l’école
Le Ministère de l’Education veut
augmenter le nombre d’heure de présence
des élèves à l’école, durant la période de
l’enseignement obligatoire. Il est
actuellement de 4 heures par jour durant
200 jours, soit 800 heures annuelle, « une
charge horaire considérablement trop
basse comparé à d’autres pays » déclare
Fernando Haddad, le Ministre de
l’Education. De fait, les cours se donnent
en 2 volées, une le matin, l’autre l’après-
midi. Pour changer les choses, en accord
avec les associations professionnelles, le
ministre veut introduire l’école à la
journée entière dans la moitié des établissements du pays d’ici… 2020. Une réforme à pas de
tortue donc, qui ne dit encore rien de la qualité de l’enseignement dispensé. L’éducation de
base est une des bêtes noires du Brésil. Par manque de formation professionnelle et à cause
des bas salaires des enseignants, les classes ressemblent généralement plus à des lieux de
gardiennage qu’à des centres pédagogiques d’excellence…
Les médecins doutent des génériques
Un sondage divulgué par l’Association
Brésilienne de Défense des
Consommateurs Proteste révèle que 46%
des médecins doutent de l’efficacité et de
la sécurité des médicaments génériques.
Dans la population au contraire, 83% des
consommateurs les plébiscitent.
L’enquête a porté sur un échantillon de
690 adultes et 119 médecins.
Les arguments les plus souvent avancés par les professionnels de la santé sont que les
processus de contrôles de qualité des génériques sont moins rigoureux et que ces
médicaments sont plus sujets aux contrefaçons. Faux affirme Cadri Awad, membre du
! $'!
Conseil Fédéral de la Pharmacie, « les produits les plus falsifiés sont les amaigrissants, les
anabolisants et les autres produits esthétiques dont la valeur marchande est bien plus élevée.
Cette peur des contrefaçons dans les génériques traduit une méconnaissance profonde ».
Une méconnaissance alimentée par les grandes fîmes pharmaceutiques, estime Regina Parizzi
de la Faculté de Santé Publique de l’Université de São Paulo : « l’industrie des médicaments
de marque pratique un marketing agressif dans le but de dévaloriser les médicaments
génériques et de susciter la méfiance à leur égard. Il est fondamental que les associations de
médecins et l’Agence Nationale de Vigilance Sanitaire mettent en place une campagne
d’information pour contrer ces faux arguments et améliorer l’image des génériques auprès des
praticiens. »
!!!
Lettre de Rio de Janeiro, septembre 2011 : chasse au
trésor dans la Baie de Guanabara
! $(!
Une partie important de l’histoire du Brésil se trouve… sous les eaux. Le long des
7’000km de côtes du pays, 20’000 embarcations naufragées gisent au fond de l’Océan
Atlantique, toutes recèlent dans leurs soutes éventrées des bribes de l’histoire du pays.
Après 20 années de recherches, José Carlos Silvares consacre une trilogie à ce sujet,
dont le premier volume, « Naufrages au Brésil, une culture submergée » vient de
paraître. L’auteur y recense les 35 plus importants naufrages connus à ce jour. Les
tomes 2 et 3 seront consacrés, l’un à la région Nord-Est (Fernando de Noronha, Recife et
Maceió) l’autre, à paraître en 2012, à Rio de Janeiro, São Paulo et Santa Catarina.
La plus grande tragédie maritime
brésilienne date de 1916. Le 5 mars de
cette année-là, au petit matin, le
transatlantique espagnol « Prince des
Asturies » heurte un éperon rocheux sur
l’île d’Ilhabela, non loin du port de
Santos, dans l’Etat de São Paulo. Il coule
en cinq minutes, 700 personnes trouvent
la mort, seul 150 passagers seront sauvés. C’est un des naufrages recensés par José Carlos
Silvares.
Récif corallien, sous-marins nazis et la « Reine des
Anges »
L’auteur signale encore le lieu dit « Parcel de Manoel
Luis », un récif de corail qui se dresse à 200km de la
côte, sur la route maritime pour São Luis do Maranhão.
Il serait le plus grand cimetière de bateaux du pays. 250
épaves peuplent ce récif qui affleure à un mètre de la
surface. Autres vestiges d’importance, 10 sous-marins
allemands de l’époque nazie qui ont été coulés le
long des côtes brésiliennes. Aucun d’entre eux n’a
encore été trouvé.
Les recherches de José Carlos Silvares recoupent
les explorations sous-marines de chasseurs de
trésors individuels comme José Galindo à Rio de
Janeiro. En novembre 2009, il estime avoir trouvé
l’épave de la « Reine des Anges » tout près de
« l’Ile au Serpents », dans la bais de Guanabara,
qui abrite aujourd’hui l’arsenal militaire. La
! $)!
« Reine des Anges » était un fleuron de la marine marchande portugaise. En 1722, elle prend
feu dans le port de Rio de Janeiro et coule. Le navire arrivait de Chine. A son bord, de la
porcelaine de grande valeur de l’ère Kangsi (1662-1722), présents de l’empereur Kangsi à un
prêtre jésuite de Macau venu évangéliser la Chine, le père Carlo Ambrogio Mezzabarba.
Porcelaine chinoise précieuse
Mezzabarba se trouvait à bord de la « Reine des
Anges », avec son trésor, en route pour
Lisbonne. « Il pourrait encore y avoir des pièces
intactes parmi les 420 embarquées à l’époque,
estime José Galindo, car les chinois étaient
experts dans la manière d’emballer la
porcelaine. » L’explorateur plongeur cherche
maintenant à intéresser une entreprise
spécialisée dans le renflouage. Des britanniques
et des investisseurs norvégiens seraient intéressés. Le coût de l’opération est cependant élevé :
il faudrait 500’000 R$ (260’000 CHF / 215’000 ") rien que pour localiser avec précision
l’épave et 6 fois plus pour la renflouer.
Sans que cela rapporte vraiment de gros
bénéfices. Une loi brésilienne de 2000 stipule en
effet que tout objet de valeur historique ou
artistique trouvé sur le territoire brésilien
appartient à l’Union. Ceux qui les ont
découverts et extirpé du passé ont droit au
maximum à 40% de leur valeur. A Rio de
Janeiro, l’amiral Armando Bittencourt veille à la
bonne application de cette loi et à la
préservation de la baie de Guanabara. « On ne donne pas d’autorisation de recherche à
n’importe qui. Il faut présenter un projet archéologique valable pour l’obtenir. Ainsi qu’une
étude de faisabilité car la boue et les déchets accumulés au fond de la baie rendent
l’exploration particulièrement difficile. »
Navire négrier
José Galindo a fait une autre découverte. Moins glorieuse que celle de la « Reine des Anges »,
mais tout aussi précieuse sur le plan historique : l’épave du « Camargo », un navire américain
coulé après avoir été incendié en 1852 près d’Angra dos Reis, à 150km au sud de Rio de
Janeiro. Le « Camargo » est le dernier navire négrier à avoir amené des esclaves d’Afrique au
! $*!
Brésil. 500 en tout. Et ceci
clandestinement car en 1852,
la loi Eusébio de Queiróz,
publiée 2 ans auparavant
interdisait l’importation
d’esclaves au Brésil. Seuls
les descendants d’esclaves
nés dans le pays pouvaient
être vendus et achetés, et ceci
jusqu’à l’abolition définitive
en 1888.
Mais en 1852, beaucoup de riches propriétaires de
plantations de café de la région de Rio de Janeiro ne
respectaient pas la nouvelle loi et des transporteurs
indélicats, comme le capitaine du « Camargo »
Nathaniel Gordon, se risquaient encore dans ce sinistre
commerce clandestin de chair humaine. Un esclave
s’achetait alors 40 US$ de l’époque en Afrique et se
revendait sous le manteau 400 à 800 US$ à Rio de
Janeiro !
Une fuite inutile
Malheureusement pour Nathaniel Gordon, l’empereur
Dom Pedro II eût vent de l’affaire et expédia immédiatement 400 gendarmes à Angra dos
Reis. Le capitaine du « Camargo » décide alors de saborder son bateau en y mettant le feu
pour effacer les preuves de son forfait et s’enfuit aux Etats Unis, déguisé en femme. Il sera
rattrapé par la justice américaine, puis condamné à mort le 21 février 1862 pour
« participation au trafic négrier ».
Celui à qui étaient destiné ces esclaves
s’en est mieux tiré. Il s’agit de José de
Souza Breves, connu sous le nom de
« Roi du Café », un des plus cruels
propriétaire d’esclaves du Brésil.
L’arrivée sur ses terres des 500
embarqués clandestins du « Camargo » en
1852 a été enregistrée et dénoncée, un
procès a été ouvert, mais Souza Breves a
! %+!
été innocenté. L’histoire ne dit pas pourquoi…
Gilson Rambelli, historien à l’UNICAMP de Campinas espère qu’on pourra un jour renflouer
le « Camargo » car, « on raconte beaucoup de choses sur le trafic d’esclaves, mais on ne sait
pas grand chose des faits réels. Comme si l’histoire officielle voulait effacer les traces de ce
passés peu glorieux ». Il vient d’ailleurs de publier un ouvrage au titre révélateur :
« Archéologie sous-marine d’un navire négrier, l’histoire qui n’est pas dans les livres. »
Gilson Rambelli fonde beaucoup d’espoir sur l’étude éventuelle de l’épave du « Camargo »
car ce serait le premier navire négrier qu’il serait possible d’examiner dans le détail au Brésil.!