Vision Brésil n°27, septembre 2011 : mariages infantiles ... · mariages infantiles et parti...

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" Vision Brésil n°27, septembre 2011 : mariages infantiles et parti politique de la Coca Au Brésil, 42’785 enfants de moins de 14 ans sont mariés et vivent en couple. Principalement à cause de la pauvreté. A l’autre bout de la chaîne, à Lima, les « cocaleros » fondent le premier parti politique andin de la Coca, avec l’appui implicite des présidents bolivien, péruvien et équatorien. La légalisation indirecte d’un commerce clandestin milliardaire qui inquiète les autorités brésiliennes. Ce sont deux des sujets abordés dans ce numéro 27 de Vision Brésil. On y parle aussi d’un fleuve souterrain géant en Amazonie, du passage à l’économie verte et de la chasse aux trésors des corsaires et des négriers dans la baie de Rio de Janeiro. Bonne lecture, merci de votre fidélité, faites connaître Vision Brésil autour de vous http://visionbresil.wordpress.com !!! # Social, septembre 2011 : mariages infantiles Au Brésil, 42’785 enfants de moins de 14 ans sont mariés ou vivent en couple. Pourtant légalement, l’union maritale est totalement interdite avant 14 ans et autorisée seulement par dérogation jusqu’à 16 ans. La misère urbaine et la promiscuité dans les zones rurales éloignées expliquent ce phénomène. Appelons-la Patricia. Elle vit à São Bernardo do Campo, dans la ceinture industrielle de São Paulo. Elle a 2 enfants et est mariée à un homme de 16 ans plus vieux qu’elle depuis l’âge de 11 ans. Aujourd’hui, Patricia a 18 ans, sa relation matrimoniale perdure, c’est rarement le cas de ce type d’union précoce. A l’époque, c’est Patricia a pris l’initiative: « j’ai menti à mon amoureux, je lui ai dit que j’avais 14 ans et on s’est installés ensemble. On était juste les deux dans notre logement alors que chez mes parents, nous étions 7 enfants dans la même chambre. C’est pour ça que je me suis enfuie. Avec lui, j’étais bien plus libre ». 40’000 Patricia Pendant toutes ces années, Patricia s’est débrouillée tant bien que mal pour continuer à fréquenter l’école « sauf pendant un an, vers 15 ans, quand j’ai eu mon second fils ».

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Vision Brésil n°27, septembre 2011 : mariages infantiles et parti politique de la Coca

Au Brésil, 42’785 enfants de

moins de 14 ans sont mariés et

vivent en couple. Principalement

à cause de la pauvreté. A l’autre

bout de la chaîne, à Lima, les

« cocaleros » fondent le premier

parti politique andin de la Coca,

avec l’appui implicite des

présidents bolivien, péruvien et

équatorien. La légalisation

indirecte d’un commerce

clandestin milliardaire qui

inquiète les autorités brésiliennes.

Ce sont deux des sujets abordés

dans ce numéro 27 de Vision

Brésil. On y parle aussi d’un

fleuve souterrain géant en

Amazonie, du passage à l’économie verte et de la chasse aux trésors des corsaires et des

négriers dans la baie de Rio de Janeiro.

Bonne lecture, merci de votre fidélité, faites connaître Vision Brésil autour de vous

http://visionbresil.wordpress.com

!!!

! #!

Social, septembre 2011 : mariages infantiles

Au Brésil, 42’785 enfants de moins de 14 ans sont mariés ou vivent en couple. Pourtant

légalement, l’union maritale est totalement interdite avant 14 ans et autorisée seulement

par dérogation jusqu’à 16 ans. La misère urbaine et la promiscuité dans les zones

rurales éloignées expliquent ce phénomène.

Appelons-la Patricia. Elle vit à São

Bernardo do Campo, dans la ceinture

industrielle de São Paulo. Elle a 2 enfants

et est mariée à un homme de 16 ans plus

vieux qu’elle depuis l’âge de 11 ans.

Aujourd’hui, Patricia a 18 ans, sa relation

matrimoniale perdure, c’est rarement le

cas de ce type d’union précoce. A

l’époque, c’est Patricia a pris l’initiative:

« j’ai menti à mon amoureux, je lui ai dit

que j’avais 14 ans et on s’est installés ensemble. On était juste les deux dans notre logement

alors que chez mes parents, nous étions 7 enfants dans la même chambre. C’est pour ça que je

me suis enfuie. Avec lui, j’étais bien plus libre ».

40’000 Patricia

Pendant toutes ces années, Patricia s’est débrouillée tant bien que mal pour continuer à

fréquenter l’école « sauf pendant un an, vers 15 ans, quand j’ai eu mon second fils ».

! $!

Aujourd’hui, elle s’estime une mère

heureuse, mais regrette son enfance

perdue : « j’ai dû renoncer à beaucoup de

choses, comme jouer à la balle. J’adorais

ça et ça fait 8 ans que je n’ai plus mis les

pieds sur un terrain. Non, ce n’est pas

facile de faire ce que j’ai fait. »

Les Patricia sont plus de 40’000

aujourd’hui à vivre ainsi au Brésil. Hors

des grandes villes, on les rencontre surtout

dans les Etats les plus pauvres du pays, Alagoas ou Maranhão dans le Nord-Est, ou bien ceux

qui concentrent les populations indigènes, l’Acre et le Roraima. Bien que leur relation de

couple soit illégale et passible de 15 ans de prison pour « abus contre des personnes

vulnérables », le phénomène reste largement ignoré des pouvoirs publics qui ferment les

yeux.

« En plus des impératifs économiques et

sociaux, des facteurs culturels, notamment

au sein des populations indigènes

contribuent au fait que les proches ne

dénoncent pas ces situations, même s’ils

ne les approuvent pas » note Helen

Sanches, Présidente de l’Association

Brésilienne des Magistrats, Procureurs et

Avocats de l’Enfance et de la Jeunesse

(ABMP).

Un phénomène mondial

Le Brésil n’est pas un cas unique.

Selon l’UNICEF, une adolescente

de moins de 18 ans se marie chaque

3 secondes dans le monde. Pour des

raisons culturelles, religieuses ou à

cause de la pauvreté. Selon les

associations de défense des droits

de l’homme, ils seraient plus de 10

millions sur la planète, les enfants

et adolescents qui choisissent ce

! %!

moyen pour tenter d’échapper à la misère. La majorité de ces mariages infantiles ont lieu en

Afrique et en Asie où ils représentent la principale forme d’abus sexuels contre les mineurs.

Car souvent, il s’agit de mariages

arrangés par des parents consentants :

« dans des régions dévastées par la

sécheresse, les inondations ou par la

guerre, le mariage des plus jeunes est une

question de survie », explique Kanwal

Alhuwalia, une sociologue indienne qui a

elle même été victime d’un mariage forcé

lorsqu’elle était enfant. « Une bouche de

moins à nourrir, c’est parfois le salut du

reste de la famille ». Kanwal Alhuwalia dirige aujourd’hui l’organisation Plan UK de lutte

contre les mariages infantiles.

Le prétendant, généralement bien plus âgé que la fiancée « achète » sa compagne mineure,

réduite au statut de marchandise, en échange d’eau, d’aliments ou de bétail. Une pratique qui

a explosé en Afrique de l’Est, à cause de la sécheresse actuelle, la pire de ces 60 dernières

années. Là-bas, ces adolescentes sont appelées les « fiancées de la sécheresse. »

Mariages précoces et mortalité post-natale

Ann Warner, du Centre International de

Recherche sur les femmes (IRCW), relève

l’étroite corrélation qui existe aujourd’hui

entre l’augmentation des mariages

infantiles et les décès lors

d’accouchements : « le corps de ces

fillettes n’est physiquement pas prêt pour

une grossesse. Plus celle-ci a lieu tôt, plus

le risque de mourir en accouchant est

grand.

Une réalité que l’Association des Magistrats, Procureurs et Avocats de l’Enfance et de la

Jeunesse (ABMP) juge intolérable au Brésil. Elle promet de lancer une grande campagne de

vigilance pour en finir avec ces mariages précoces. Tout en soulignant que la dénonciation ne

suffit pas : « une campagne de sensibilisation doit être accompagnée de programmes d’aide

aux enfants et adolescents et d’un effort éducatif dans les écoles » conclut Helen Sanches.

! &!

!!!

Ce mois, septembre 2011 : le Parti de la coca

La rencontre s’est tenue du 26

au 28 août à Lima. Des

représentants des cultivateurs

de feuille de coca du Pérou, de

Bolivie et de Colombie se sont

réunis en congrès pour fonder

le premier parti politique

« cocalero » d’Amérique

latine. Objectif, revendiquer

la légalisation générale de la

culture et la reconnaissance

de la feuille de coca comme

« patrimoine mondial de

l’humanité ». Derrière ces généreux objectifs sociaux et culturels, une réalité autrement

sonnante et trébuchante : 84% de la coca cultivée dans les Andes est transformée en

cocaïne, vendue ensuite 50 US$ le gramme aux Etats Unis et en Europe. Le Brésil et ses

8’000km de frontières communes avec le Pérou, la Bolivie et la Colombie, s’inquiète des

conséquences de cette initiative.

La fondation de ce parti « de la narcopolitique institutionnelle », comme le désigne un

commentateur péruvien intervient après l’élection le 7 juin

dernier, du nouveau Président péruvien, le nationaliste et

populiste Olanta Humala. Ce n’est pas tout à fait par hasard.

Des promesses électorales pour les cultivateurs de coca

Cet ex-militaire a fait toute sa campagne, un rameau de feuilles

de coca à la main, promettant d’en finir avec l’arrachage des

plantations. Dans les zones de culture, au pied des Andes et sur

les hauts plateaux amazoniens, il a recueilli 89% des voix. 8

députés élus au nouveau parlement péruvien sont notoirement

connus pour leurs liens avec le trafic de cocaïne et le

blanchiment d’argent. « La création aujourd’hui d’un parti

politique des cocaleros est totalement légale, la loi le permet », déclare cependant le Président

Humala.

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L’élection d’Humala n’a fait qu’accélérer un processus qui a

débuté en 2006, lorsqu’Evo Morales accède à la Présidence de la

Bolivie. Evo Morales ancien leader syndical des paysans indiens

cocaleros boliviens, promeut en mars 2007, avec son compère

vénézuélien Hugo Chavez, une rencontre entre les organisations de

cultivateurs de coca et le Groupe latino-américain de l’Union

interparlementaire, à Caracas. Objectif, réclamer la légalisation de

la coca au niveau mondial, une proposition appuyée par les députés présents à l’unanimité.

En 2009, Rafael Corrêa est réélu président de l’Equateur, lui aussi

est un défenseur de la « culture indienne » de la feuille de coca.

Dans la nouvelle géographie des routes de la drogue, décrite par la

DEA américaine, l’Equateur est devenu « un centre mondial du

commerce de la drogue, notamment pour ce qui concerne le

recyclage de l’argent. »

Le Brésil sur la route de la drogue

Le Brésil s’inquiète de cet

encerclement. Dans le cadre de

la préparation de la Coupe du

Monde 2014 et des Jeux

Olympique de 2016, les

autorités négocient avec le

Pérou et la Bolivie des

« accords de vigilance », avec

le discret soutien des Etats-

Unis. Humala et Morales

auraient promis de répondre

positivement.

C’est que le Brésil et les 8’000 km de frontières qu’il partage avec la Bolivie, le Pérou et la

Colombie se trouve en mauvaise posture. Selon l’UNDOCS, le Bureau des Nations Unies sur

la Drogue et le Crime, le pays serait devenu la 3ème route d’approvisionnement la plus

importante du marché européen de la cocaïne, sans jamais cultiver la moindre feuille de coca

sur son territoire. En 2009, 1,5 tonnes de drogue ayant transité par le Brésil ont été saisies par

les douanes européennes, contre 339 kg en 2005.

! (!

Pulvérisation du trafic

Une situation qui s’explique par la

modification des zones de production et la

pulvérisation du trafic. Il y a 10 ans, la

Colombie était le principal producteur.

Elle a vu sa surface plantée réduite de

50%, suite aux efforts de guerre du

gouvernement et de la DEA américaine,

des efforts qui coûtent 489 millions de

US$ par an, selon le Sénat américain.

Les cartels colombiens se sont donc

reconvertis en grossistes, faisant produire

la « pasta » en Bolivie et au Pérou. Ce

dernier pays est en passe de devenir le

premier producteur mondial de feuilles,

avec 128’000 tonnes par an. « En 10 ans,

la productivité a passé de une tonne à 3,23

tonnes à l’hectare grâce à la modernisation

des techniques de culture », explique le

sociologue Jaime Antezara Rivera, de

l’Institut d’Etudes Internationales de Lima.

Les planteurs touchent 350 US$ pour 200 kg de feuilles séchées, qui rapportent un bénéfice

1’400 fois supérieur au bout de la chaîne de commercialisation de la cocaïne. Fondé avec la

complaisance des autorités, le nouveau parti andin des cocaleros est donc assis sur une mine

d’or.

Les nouvelles routes du trafic

Les routes du trafic aussi se sont modifiées.

Avec la répression qui sévit au Mexique et en

Amérique Centrale, l’Argentine, le Chili et

surtout le Brésil sont devenus des pays de

transit privilégiés. A quoi s’ajoute, dans le cas

du Brésil, une consommation interne qui en

fait la principale destination de la drogue en

Amérique du Sud. 3% de la cocaïne mondiale

! )!

et de ses dérivés y serait consommée, soit 1/3 de toute la drogue vendue en Amérique du Sud.

L’ONU estime qu’il y a 900’000 usagers de la cocaïne ou de ses dérivés au Brésil.

Les efforts des autorités nationales pour

garder le contrôle de la situation et ceux de

l’ONU pour faire respecter au niveau

mondial la prohibition de l’usage de la

feuille de coca décrétée il y a 50 ans

ressemblent au jeu du chat et de la souris :

le marché ne cesse de croître, ses

bénéfices aussi.

Légaliser la consommation ?

Cette réalité a amené

plusieurs anciens chefs

d’Etat, les ex-présidents

Fernando Henrique Cardoso

(Brésil), Bill Clinton (Etats-

Unis), Ernesto Zedillo

(Mexique) et Cesar Gaviria

(Colombie), à proposer au

sein de la Commission

Globale sur les Drogues de

l’ONU, une décriminalisation de la consommation, pour « renforcer la lutte contre les circuits

illégaux de vente et de distribution. »

Une croisade à laquelle se sont joints l’ancien Secrétaire général de l’ONU Kofi Annan,

Javier Solana, ancien Secrétaire Général de l’OTAN, le milliardaire Richard Branson, le prix

Nobel de littérature Mario Vargas Llosa et l’ancienne Présidente de la Confédération suisse

Ruth Dreifuss. (Voir Vision Brésil n°25, juin 2011).

La fondation d’un parti politique cocalero au Pérou n’est pas

liée à cette initiaitive, Au contraire. Elle apparaît plutôt

comme une contre-offensive déguisée des barons du trafic

pour marquer leurs positions et installer leur pouvoir au sein

des gouvernements andins en place. Qui tout en défendant la

sacralisation de la feuille de coca restent très silencieux sur

les ravages du trafic de cocaïne.

! *!

!!!

Ce mois en bref, septembre 2011

Campagne contre la corruption – suite ; accident tragique à Santa Teresa ; le Brésil a le

vent en poupe au Québec ; Suisses du Brésil, une histoire oubliée ; les JMJ 2013 à Rio de

Janeiro.

La lutte de Dilma Rousseff

contre la corruption dans

son gouvernement continue.

(Voir Vision Brésil n° 26,

août 2011) Un cinquième

ministre est tombé, celui du

tourisme, accusé d’avoir

utilisé les fonds publics

pour « récompenser » ses

alliés politiques et leurs

circonscriptions.

Une rigueur que salue le Secrétaire Général de l’ONG « Contas Abertas », Gil Castello

Branco, qui lutte pour plus de transparence dans la fonction publique: « « le degré de

tolérance à la corruption de la Présidente est moins fort que celui de l’ex-Président Lula et de

ses prédécesseurs. La société civile commence à s’organiser autour de cette question,

espérons que cela continue ». Gil Castello Branco fait ici allusion à la manifestation anti-

corruption du 7 septembre à Brasilia, convoquée par les réseaux sociaux sur internet, qui a

rassemblé 25’000 personnes.

« L’opinion publique se

mobilise de façon active sur

cette question. C’est

relativement rare que la

population brésilienne se

regroupe ainsi. Espérons

que le nettoyage politique

continue ». Un nettoyage

qui a encore ses limites,

analyse Everaldo Moraes,

expert en science politique :

! "+!

« la Présidente cherche la paix avec l’opinion publique mais continue à faire ce qui se fait

depuis toujours à Brasilia, placer aux postes de commandes des personnes indiquées par les

partis de sa coalition majoritaire, indépendamment de leurs compétences. C’est peut-être ce

qui est le plus dangereux du point de vue de la corruption car le gouvernement peine ainsi à

contrôler ses propres ministres. »

Il est vrai que le nouveau

responsable du tourisme

Gastão Vieira est un proche

du Président du Sénat José

Sarney, qui règne en maître

dans son Etat du Maranhão.

Vieira est déjà dans le

collimateur des médias pour

des pratiques de favoritisme

dans son fief électoral ! « La

corruption dans la politique

brésilienne est très difficile à

contrôler à cause de cet échange de « bons procédés » entre les partis alliés », commente

Claudio Abramo, Président de l’ONG Transparence Internationale Brésil. « Le gouvernement

brésilien compte dans ses rangs 60’000 charges de confiance. Ce sont des postes dont les

responsables sont choisis sur indication politique, sans mise au concours publique. Aux Etats

Unis, le nombre de charges de confiance dans la fonction publique n’est que de 9’000.

Maîtriser la corruption politique au Brésil est un travail de longue haleine ».

Accident de tram à Santa Teresa

Il est beau et fait craquer les touristes, le

vieux tramway qui franchit l’aqueduc des

Arcos da Lapa et grimpe la colline de

Santa Teresa à Rio de Janeiro. Seul vestige

d’un réseau de tram qui était très dense

dans la capitale carioca au début du XX°

siècle, il se fait vieux hélas, et son

entretien laisse à désirer. Résultat, des

accidents qui se multiplient.

Le dernier en date, le 27 août, a viré à la

tragédie. Une des compositions a perdu ses freins à la descente et s’est encastré dans un mur.

Le véhicule a été décapité, 5 morts et 57 blessés. En juin déjà, un touriste français trouvait la

! ""!

mort après une chute de 15 mètres, éjecté du tram lorsque ce dernier passait au sommet de

l’aqueduc.

Au lendemain de la catastrophe, le

Gouverneur de Rio s’indigne :

« l’entreprise exploitante porte une lourde

responsabilité. Certains tramways ont été

modernisés, mais pas tous. Et les

véhicules sont mal entretenus et circulent

en surcharge, ». Au moment de l’accident,

la motrice transportait 61 passagers alors

que sa capacité est de 40. Beaucoup

d’utilisateurs s’accrochent à l’extérieur

pour ne pas payer leur billet, une pratique

tolérée par les conducteurs.

Le Gouverneur de Rio attend les résultats de l’enquête pour prendre des décisions, mais il cite

l’exemple de Lisbonne au Portugal où les entrées et sortis dans les anciens trams sont

rigoureusement contrôlées pour éviter les accidents.

Le Brésil a le vent en poupe au Québec

Les exportations québécoises vers le

Brésil ont connu une croissance d’environ

80% entre 2009 et 2010. Le Brésil est

ainsi devenu le principal partenaire

économique du Québec en Amérique

latine, surpassant pour la première fois le

Mexique comme première destination des

produits québécois dans la région. Installé

à São Paulo depuis mars 2008, le Bureau du Québec a amené dans son sillage le service

d’immigration basé jusqu’alors à Buenos Aires en Argentine. Depuis l’ouverture, on note une

croissance de 40 % des demandes et de l’octroi de Certificats de sélection du Québec.

« On est en train de passer d’une phase d’établissement à une de développement et de

croissance importante. Bref, le Bureau du Québec prend son envol », explique Louis

Hamann, son directeur, qui se plaint de ne pas avoir les moyens de ses ambitions. Les

autorités québécoises ont bien annoncé dans leur dernier budget, des sommes supplémentaires

pour São Paulo, mais le bureau manque toujours de personnel.

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Outre les liens économiques qui se tissent,

une douzaine d’artistes, de compagnies de

danse ou de théâtre du Québec sont venus

au Brésil ces dernières années. Parmi eux,

Yann Perreau, Marie Chouinard, le

Cirque du Soleil (qui revient cette année

avec le spectacle Varekai) et le Théâtre du

Trident. On prépare aussi la visite de la

ministre des Relations internationales au

Brésil, pour y signer des accords de

coopération avec l’État de Rio et celui de

São Paulo et la mise sur pied d’un « Foco Québec » lors du prochain Festival international du

film de Rio.

« L’intérêt est réciproque, au Brésil, il y a aussi un véritable engouement pour le Québec ! »

Louis Hamann aspire à mieux faire connaître le Brésil aux Québécois d’ici la fin de son

mandat. « Quand je rentrerai au Canada, j’espère qu’il n’y aura plus un Québécois qui me

demandera si on parle l’espagnol au Brésil ». (Collaboration, Le Petit Journal São

Paulo http://www.lepetitjournal.com/sao-paulo.html).

Suisses du Brésil, une histoire oubliée

La grande vague d’immigration

européenne dans le sud du

Brésil au XIX° siècle est

surtout le fait d’italiens et

d’allemands. Quoiqu’en

nombre plus restreint, des

Suisses aussi, ont participé à

cette aventure. C’est l’objet

d’un documentaire en cours de

réalisation « Suisses du Brésil,

une histoire oubliée », fait par

un cinéaste de Curitiba

(Paraná), Calixto Hakim. « L’idée m’a été suggérée par mon épouse, Katarina Beck, qui est

elle-même descendante de Suisses » explique le réalisateur.

Nous sommes en 1850. Le Prince de Joinville, fils du roi de France, négocie les terres qu’il a

reçues en dot au Brésil, de son épouse Dona Francisca, sœur de l’empereur Dom Pedro II. La

Société Colonisatrice de Hambourg assume alors la tâche de peupler ces terres avec des

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colons européens candidats à l’émigration vers le Nouveau Monde. Le film reconstitue la saga

d’une famille de Schaffhouse qui ira s’installer à Colônia Dona Francisca, devenue depuis la

cité de Joinville.

Le film, bilingue portugais-

allemand, est joué par des

acteurs professionnels, mais

il se base sur des

témoignages réels et surtout

sur le travail de recherche

historique très complet mené au Brésil, en Allemagne et en Suisse par Dilney Cunha :

« Suiços em Joinville, o duplo destero « (Les Suisse de Joinville, un double déracinement)

publié en allemand sous le titre « Das Paradies in den Sümpfer ». Il a fallu 3 ans à Calixto

Hakim, pour trouver les fonds nécessaires au tournage, en Suisse et au Brésil, un tournage qui

s’est déroulé à Schaffhouse et dans la région de Joinville. Le film, en cours de montage,

devrait sortir début 2012, en deux versions, l’une de 52 minutes pour la télévision, l’autre de

90 minutes pour le cinéma.

Les JMJ 2013 à Rio de Janeiro

La Conférence environnementale mondiale Rio +

20 en 2012, la Coupe du Monde de football en

2014, les Jeux Olympiques de Rio de Janeiro en

2016, le Brésil accumule les grands événements

pour les années à venir. Se rajoute maintenant, en

2013, les JMJ, les Journées mondiales de la

Jeunesse, grand rassemblement des jeunes

catholiques du monde entier en présence du pape.

Originellement prévues, pour avoir lieu tous les 3

ans, les JMJ ont changé de calendrier en 2005,

pour ne pas interférer avec les dates de la Coupe

du Monde de football. Après Sydney en 2009 et

Madrid en 2011, ce sera donc le tour de Rio de Janeiro en 2013. « Je suis heureux de vous

dire que les prochaines Journées mondiales de la jeunesse auront lieu en 2013 à Rio » a

annoncé le Pape Benoît XVI devant les 1,5 millions de jeunes réunis à Madrid pour la messe

de clôture du grand rassemblement des JMJ 2011, le 21 août dernier. C’est la deuxième fois

que les JMJ se dérouleront en Amérique latine, après l’édition de Buenos Aires en 1987, qui

avaient rassemblé un million de fidèles.

! "%!

!!!

Environnement, septembre 2011 : et

maintenant l’Hamza…

Un fleuve souterrain, trois fois large comme l’Amazone, qui court tout au long de son lit,

sur 6’000km, jusqu’à l’Océan Atlantique, c’est la découverte que vient de communiquer

au monde l’Observatoire National Brésilien de Géophysique. Une découverte majeure,

même si on ne sait pas encore très bien quoi en faire…

Jour après jour, nous percevons à quel point nous connaissons mal l’Amazonie et notamment

son régime des eaux ! Il y a 2 ans par exemple, le Suisse Gérard Moss, installé au Brésil, nous

faisait découvrir les « rivières volantes », des flux de nuages chargés d’eau, alimentées par

l’évaporation de la forêt amazonienne, qui vont se déverser sur les grandes plaines agricoles

de l’Etat de São Paulo et du Centre-Ouest, à 4’000km plus au sud. Un phénomène

déterminant pour l’agro-industrie du sud du Brésil, qui montre à quel point elle est

dépendante de la bonne santé de la forêt amazonienne (voir Vision Brésil n°, août 2009).

De l’aquifère d’Alter do Chão au lit souterrain de l’Hamza

Un an plus tard, ce sont des chercheurs de l’Université fédérale du Para qui mettent à jour

l’existence d’un gigantesque réservoir d’eau potable, l’aquifère d’Alter do Chão, sans doute le

plus grand du monde. Il s’étend sous les Etats d’Amazonie, du Para et d’Amapa. En tout

! "&!

86’000 km3 d’eau ou 86’000 milliards de

bouteilles d’un litre ! De quoi

approvisionner théoriquement toute la

population mondiale pendant 500 ans

(voir Vision Brésil n°14, mai 2010).

Aujourd’hui, ce sont des scientifiques de

Manaus qui mettent à jour l’existence du

Rio Hamza, un double du fleuve Amazone

qui court en parallèle, 4’000 m sous terre

et se jette dans l’Atlantique au même endroit !

L’Hamza naît au Pérou, dans les Andes.

Exactement au même endroit que

l’Amazone. D’ailleurs les populations de

la région de Cuzco connaissent bien son

existence. Depuis les temps immémoriaux,

ils creusent des puits pour utiliser cette eau

souterraine afin d’irriguer les terres arides

de la Cordillère. De là, le Rio Hamza

« plonge » verticalement dans les

entrailles de la terre, d’un coup, sur une

très courte distance : 2km. Ensuite, il part

à l’horizontale vers l’est, à peu près au niveau de l’Etat d’Acre. Il va dès lors serpenter durant

6’000km, sous le lit de l’Amazone, à 4’000 mètres de profondeur, et se jeter dans

l’Atlantique, dans la même zone que son frère de surface. L’Hamza s’avancerait de 150km

dans l’océan, ce qui expliquerait la faible salinité des eaux qui remontent des grands fonds

dans cette région.

D’énormes masses d’eau et un parcours

sinueux

Bien sûr, le fleuve ne coule pas librement

comme dans un tunnel souterrain ! L’Hamza se

fraye lentement un passage dans les sédiments,

sa vitesse d’écoulement est donc beaucoup

plus lente que celle de l’Amazone : 10 à 100

mètres par année contre 0,1 à 2 mètres par

seconde pour l’Amazone. Son débit aussi, ne

représente que 2% de celui de l’Amazone. Un

! "'!

débit qui est tout de même l’équivalent de celui du Rhône, 3’000 m3 par seconde! Et pour

avancer dans le sous-sol amazonien, l’Hamza a besoin d’espace. Sa largeur est ainsi de 200 à

400km, contre un maximum de 100km pour l’Amazone !

Toutes ces données ont été rendues publiques par des

chercheurs de l’Observatoire National de géophysique et

de l’Université de Manaus, lors d’un congrès qui s’est

tenu à Rio de Janeiro fin août, soulevant une vgue de

curiosité dans le monde. Le nom provisoire de ce cours

d’eau, Hamza, lui a été donné en hommage à celui qui

l’aurait découvert, un scientifique indien installé au Brésil depuis 1974.

Grâce aux puits creusés par Petrobas

Pas question, bien entendu de

« voir » ce cours d’eau. Les

travaux de Valiva Hamza et

son équipe se basent sur

l’observation de 241 puits

forés par Petrobras dans les

grandes profondeurs du lit de

l’Amazone. C’était dans les

années 1970-1980, dans le

cadre de la recherche

infructueuse de gisements de

pétrole. La température au

fond de ces puits s’est révélée

systématiquement inférieure de 5° à la température du sol, ce qui indiquait la présence d’une

grande quantité d’eau à 4’000 mètres sous la surface. En suivant le parcours de ces puits, les

chercheurs ont donc pu tracer le cours de l’Hamza. Exactement le long de celui de

l’Amazone.

« Ce n’est pas une nappe phréatique comme le réservoir aquifère d’Alter do Chão, où l’eau

n’est pas en mouvement, explique Valiva Hamza. Dans le cas de l’Hamza, nous pouvons

percevoir l’écoulement du fleuve, quoique très lent, à travers les sédiments ». Valiva Hamza

se donne cependant jusqu’en 2014 pour confirmer définitivement les contours de sa

découverte.

! "(!

13% des ressources d’eau douce de la planète

Au-delà de la curiosité, à quoi peut bien

servir la mise en évidence de ce fleuve

souterrain ? « D’abord, c’est une avancée

scientifique majeure, se réjouit Elizabeth

Tavares Pimentel, professeur à

l’Université de Manaus, qui permet de

mieux cerner la nature et le régime des

eaux en Amazonie ». Et aussi, à terme,

d’en tirer des enseignements utiles à

l’exploitation humaine non prédatrice de

la forêt. Elle contribue encore à une meilleure connaissance des courants marins et de

l’habitat des poissons dans cette région équatoriale de l’Océan Atlantique, car l’embouchure

de l’Amazone concentre toutes les rivières de l’Amazonie, de surface ou souterraines.

Officiellement, le Brésil

détient 13% des eaux douces

de la planète. Et si on en est

encore aux premiers

balbutiements concernant la

connaissance profonde de

l’Amazonie, on n’est guère

plus avancé pour ce qui a trait

aux potentialités d’utilisation

de ces immenses ressources

aquatiques. L’Hamza lance

donc un défi. D’abord aux

scientifiques, ensuite aux

décideurs politiques, au

monde économique et aux environnementalistes.

!!!

Environnement en bref, septembre 2011

Encore un militant écologiste assassiné dans le Pará ; Google Street, recensement en

Amazonie ; canne à sucre plus chère et moins d’alcool dans l’essence ; certificat

énergétique pour les voitures ; l’énergie qui pourrait venir de la mer.

! ")!

Valdemar Oliveira Barbosa est tombé sous les balles de ses assassins le 25 août 2011.

Deux tueurs en moto qui n’ont pas encore été retrouvés. Valdemar faisait partie du

Syndicat des Travailleurs

Ruraux de Marabá dans

l’Etat du Pará et était

coordinateur d’une

collectivité de colons

installés sur des terres de la

réforme agraire.

Depuis l’assassinat de José

Cláudio e Maria do Espírito

Santo en mai, Valdemar Oliveira Barbosa est le 7ème militant écologiste assassiné en

Amazonie, le 4ème dans le Pará.

Google Street, recensement en Amazonie

Depuis mi-août, d’étranges engins

circulent sur et autour du Rio Negro, dans

une réserve située à 180km de Manaus.

Des bateaux et des tricycles surmontés de

caméras tournantes qui filment tout et

partout. Ce sont les équipements de

Google Street View, adaptés à

l’environnement de la forêt amazonienne,

qui sont en train de cartographier la

Réserve de Développement Durable du

Rio Negro. Ces images à 360° seront disponibles pour le public du monde entier d’ici la fin

de l’année. Une aventure innovatrice, d’habitude Google Street s’intéresse plutôt aux villes,

menée en collaboration avec la fondation

environnementale « Amazonie Durable »

(FAS).

Ce n’est pas la seule tentative de mise en

carte de cet immense tapis vert de 6,5

millions de km2 ! Le Brésil disposera en

effet à partir de l’année prochaine, d’un

Wikipédia de sa biodiversité. Baptisé

Wikiflora.org, le portail réunira des

descriptions et la cartographie des espèces

! "*!

de plantes de l!Amazonie, faites par Internet et validées par un comité de spécialistes. Pour

réaliser cette opération, menée en partenariat avec IBM, le Ministère des Sciences et

Technologies (MCT) a eu l’idée de mettre les réseaux sociaux au service de la botanique.

L’initiative vise en effet à créer un portail collaboratif de partage d!’nformations et d’études

sur la biodiversité de l’Amazonie. L’objectif est d’engager des non-spécialistes, comme des

collégiens par exemple, dans la classification biologique, en collaboration avec des

scientifiques. Les internautes pourront comparer les plantes qu’ils connaissent à partir d’une

base des collections déjà existantes.

Beaucoup de la biodiversité de l’Amazonie reste encore à découvrir et le MCT a fait une

constatation inquiétante : il y a peu de spécialistes en classifications d’êtres vivants en

Amazonie. Wikiflora.org, devrait contribuer à combler cette lacune. Une première version du

site sera lancée lors de la Conférence Rio+20, en 2012, avec les descriptions de 2.500

espèces, soit un cinquième du total de toute la superficie du géant vert.

Canne à sucre plus chère et moins d’alcool dans l’essence

L’abondance de terres cultivables, le

climat favorable et une bonne maîtrise des

technologies de production ont longtemps

garanti au Brésil, la place enviable de plus

grand producteur de canne à sucre du

monde, grâce à sa compétitivité. Mais le

Brésil s’est progressivement fait souffler

son leadership sur le marché par

l’Australie, l’Afrique du Sud et la

Thaïlande. En cause, des coûts de

production en hausse, la valorisation du

R$ et l’euphorie des investisseurs pour la

filière de l’alcool carburant à base de canne à sucre qui a disséminé les zones de culture tout

autour de la planète.

Selon les statistiques de l’UNICA, l’Union des Industries de

la Canne à Sucre, les coûts de production ont augmenté au

Brésil de près de 40%, passant de 25 à 36 US$ la tonne. Du

coup, l’attractivité de la filière canne est en baisse. Le

gouvernement s’en inquiète et prend des mesures de

précaution. Ainsi, le pourcentage d’alcool qui doit

obligatoirement figurer dans l’essence vendue à la pompe va

baisser de 25 à 20% dès le 1er octobre. Le Ministre des Mines et de l‘Energie Edson Lobão

! #+!

justifie : « nous devons assurer l’approvisionnement en éthanol pour 2011 et pour après, or les

perspectives de récoltes pour l’an prochain ne sont pas très encourageantes ». Reste que

moins d’alcool dans l’essence, cela veut dire plus de pétrole, dont l’approvisionnement et le

prix ne sont pas non plus garantis.

Certificat énergétique pour les voitures

De AAA+ à E-, il ne s’agit pas

des notes données par Moodys

aux économies européennes

malades, mais des futurs

certificats énergétiques que les

constructeurs automobiles

brésiliens vont devoir apposer

sur les voitures qu’ils

fabriquent. Le gouvernement

exige en effet que chaque

véhicule indique désormais

clairement le niveau de ses

émissions nocives et sa

consommation. Les modèles trop polluants ou trop gourmands seront pénalisés. Dans l’esprit

des autorités, la mesure devrait encourager la mise au point de véhicules hybrides roulant en

partie à l’électricité, estime le Secrétaire Exécutif du Ministère de l’Economie Nelson

Barbosa, « d’autant que la crise d’approvisionnement de l’éthanol que nous connaissons rend

le moment particulièrement favorable pour lancer cette réforme ».

Les pénalités financières qui seront appliquées aux modèles salissants pourraient servir à

baisser les impôts pour les véhicules électriques. Les constructeurs bénéficient d’une période

d’adaptation. Les premiers véhicules munis de ce certificat environnemental sortiront des

chaînes de montage dès 2012, mais l’obligation générale sera plus tardive. Les autorités n’ont

pas encore fixé de date buttoir.

L’énergie qui pourrait venir de la mer.

« La mer, la mer toujours recommencée » scandait Paul Valéry… Des vers qui s’appliqueront

peut-être bientôt très concrètement à une nouvelle réalité du Ceará dans le Nord-Est brésilien.

Une équipe de scientifique du Programme de post graduation en ingénierie de l’Université

Fédérale de Rio de Janeiro (COPPE) vient en effet d’installer sur une digue du port pétrolier

de Pécem, à 60km de Fortaleza, une usine pilote de fabrication d’électricité à partir des

vagues de la mer.

! #"!

Des bras métalliques articulés

prolongés par de grands

flotteurs qui sont mis en

mouvement par les vagues,

génèrent une énergie suffisante

à pomper l’eau de mer dans une

centrale hydraulique où elle est

dessalinisée puis turbinée.

L’électricité ainsi produite est

ensuite envoyée dans le réseau.

L’unité expérimentale de Pécem

est bien sûr encore modeste :

100kw/h de puissance, de quoi éclairer tout juste 60 maisons. Mais l’étude de son

fonctionnement devrait permettre la mise au point de cette technologie à l’échelle industrielle.

« Nous n’avons pas de grandes rivières au Ceará, précise Paulo Lustosa, Secrétaire d’Etat à

l’Environnement. 99% de notre énergie vient d’usines hydro-électriques situées hors de l’Etat.

Par contre, nous avons des centaines de km de littoral marin et beaucoup de vent. Ça vaut la

peine de chercher des alternatives. » Le Ceará ne limite d’ailleurs pas ses expérimentations

aux seules vagues de la mer, il est en train d’édifier 14 parcs d’éoliennes et va construire la

première usine solaire du Brésil à Tauá, à 360km de Fortaleza. 4’680 panneaux solaires

devraient permettre d’alimenter 1’500 familles (voir Vision Brésil n° 26 août 2011).

!!!

Economie, septembre 2011 : vers une économie verte :

le paradoxe brésilien

« Les entreprises qui ne s’adaptent pas à une économie de faible consommation de CO2

ne seront plus en vie dans 10 ans ». L’avertissement ne vient ni des ONG

environnementales, ni des militants écologistes. Il est lancé par Marina Grossi, patronne

du Conseil Patronal Brésilien pour le Développement Durable (Cebds), regroupant 53

des plus grandes entreprises du pays, qui contribuent pour 40% à la formation du PIB.

Hélas, bien peu d’entre elles ont déjà pris au sérieux l’avertissement de Marina Grossi.

Peut-être parce que l’économie brésilienne vit un paradoxe : sa matrice énergétique est

une des plus propres du monde, son agro-industrie une des plus polluante…

! ##!

Au printemps dernier, dans le cadre des travaux préparatoire de la Conférence

environnementale Rio +20 de 2012, le Secrétaire Général des Nations Unies Ban Ki-Moon a

plongé les observateurs dans la perplexité en affirmant que le Brésil avait une des matrices

énergétiques les plus propres du monde ! Une affirmation bien loin de ce traduire dans les

faits pour ceux qui vivent dans les grandes métropoles du Sud-Est du pays…

Une matrice énergétique propre, mais…

Et pourtant, Ban Ki-Moon a

raison ! 95% de l’énergie

produite au Brésil est

d’origine hydraulique, donc

renouvelable, et plus de la

moitié des voitures du pays

roulent à l’éthanol qui génère

zéro émission de CO2 : le gaz

carbonique produit par les

moteurs, qui s’échappe dans

l’atmosphère est compensés par la repousse de la canne à sucre. Contrairement à la filière

nord-américaine de l’éthanol, dont la distillation à partir du maïs se fait en brûlant du pétrole,

! #$!

la production du biocarburant brésilien à base de canne à sucre utilise les déchets de la plante

pour alimenter le processus de distillation. C’est donc en théorie une énergie « propre ».

Ça, c’est le côté pile. Le côté face, c’est

une agro-industrie qui gaspille sans

limites les ressources et pollue à qui

mieux mieux les grandes plaines du

Centre-Ouest du pays. Premier facteur, le

déboisement, accompagné d’une

production dramatique de gaz à effet de

serre à cause des brûlis et des nombreux

fours à charbon de bois qui émaillent

l’Amazonie. L’industrie automobile, qui

insiste lourdement sur la valeur environnementale de la filière éthanol ne se prive pas de

recourir à l’acier produit par ces fours à charbon incontrôlés (voir Vision Brésil n°26, août

2011).

L’élevage repoussé dans la forêt

A l’origine de ce déboisement,

l’élevage, qui pénètre chaque

fois plus loin dans la forêt,

repoussé des grandes régions

céréalières du Centre Ouest par

les champs de soja et les

plantations de canne à sucre.

« L’élevage est encore le

principal responsable du

déboisement dans la région

amazonienne », note une étude

que vient de réaliser l’Institut National de Recherches Spatiale pour le compte de

l’EMBRAPA, l’Entreprise Publique Brésilienne de Recherches Agricoles. « 62% des 720’000

km2 déboisés jusqu’en 2007 en Amazonie légale sont devenus des pâturages et chaque année,

700’000 nouveaux hectares sont défrichés pour y mettre du bétail. ».

Du « bœuf vert », qui fait les délices des bonnes tables européennes et nord-américaines, au

même titre que la viande argentine, parce que les bêtes courent librement. Densité moyenne

de l’élevage brésilien, premier exportateur mondial de viande de bœuf, 0,5 à 1tête à l’hectare,

contre 6 pour l’élevage semi intensif en Europe ! Et si les troupeaux migrent vers la forêt

amazonienne, c’est parce que plus au sud, le soja est roi.

! #%!

Soja, OGM et pesticides

Le Brésil est le second

producteur mondial de soja,

essentiellement utilisé pour

fabriquer du tourteau servant

à alimenter les animaux des

pays du Nord. Jusqu’en 2003,

le Brésil ne produisait pas de

soja génétiquement modifié.

Aujourd’hui, 80% du soja

planté est OGM. Et le recours

à ces variétés modifiées censées diminuer les besoins en pesticides n’a pas eu l’effet

escompté, au contraire. Le Brésil est devenu le pays qui utilise le plus de substances agro-

chimiques dans le monde : sa consommation a augmenté de 31% entre 2004 et 2008 et les

quantités vendues ont explosé : + 44%. Les chiffres sont de l’IBGE, l’Institut Brésilien de

Géographie et de Statistiques, qui conclut : « cela revient à dire qu’il s’est vendu au Brésil des

agro-chimiques à un rythme 10 fois supérieur à celui de l’accroissement des surfaces mises en

culture. »

Ce n’est cependant pas seulement à ces

préoccupations-là que se réfère la

Présidente du Cebds Marina Grossi,

lorsqu’elle alerte les entreprises qui ne

veulent pas prendre le virage

environnemental. Son champ d’action

privilégié, c’est l’industrie,

particulièrement concentrée dans la région

de São Paulo et son poids de 40% dans la

formation du PIB du pays. Le Conseil

Patronal Brésilien pour le Développement Durable vient de mettre au point une chartre traçant

les objectifs « pour un changement total vers une économie verte pour le Brésil d’ici 2050 ».

Vision 2050

« Vision 2050 », comme s’intitule cette charte, propose 37 mesures de mutation radicale afin

que 100% des produits fabriqués par les entreprises adhérentes soient « verts» dans leur

processus de fabrication, économes en émissions de carbone dans leur utilisation et non

polluants dans leur élimination. Marina Grossi cite en exemple L’entreprise Philips du

Brésil qui s’est donnée comme objectif de réaliser 50% de son chiffre d’affaire avec des

! #&!

produits verts d’ici 2015 .

Ce catalogue de 37 objectifs

a été élaboré après

consultation de 29 entreprises

membres du Cebds. « Une

des mesures proposées, par

exemple, explique encore

Marina Grossi, c’est la

désactivation de toutes les

décharges non contrôlées

d’ici 2020. Un défi qui

concerne autant le monde

économique que les pouvoirs

publics ». « Vision 2050 »

sera débattu publiquement au

Pier Maua à Rio de Janeiro, les 27, 28 et 29 septembre 2011, afin d’être présenté comme un

document de référence à la Conférence Rio + 20 de 2012.

Une charte environnementale ?

De son côté, la CNI (Confédération Nationale de

l’Industrie) a mis au point, en collaboration avec la

puissante Fédération des Industries de l’Etat de São Paulo

(FIESP) un « Agenda structurant des engagements du

secteur productif pour une économie verte. » A partir de la

consultation des entreprises membres de la FIESP, 44

programmes ont été définis qui devraient être mis en place

de façon volontaire dans les 12 mois à venir par les

membres de la CNI. Cela va de l’amélioration de la

communication d’entreprise à la stimulation des bonnes

pratiques environnementales, et au développement de la

responsabilité socio-environnementale des entreprises. Il

s’agit de « rechercher une efficacité économique basée sur

des indicateurs environnementaux dans l’industrie ».

Des principes qui restent encore théoriques, mais qui devraient déboucher sur l’établissement

par les autorités d’une certification environnementale, afin de valoriser les entreprises qui font

des efforts dans ce sens au Brésil. Le CONAR, le Conseil National de réglementation de la

Publicité a entendu le message. Elle exige des publicitaires, dès le 1er août dernier qu’ils

! #'!

apportent la preuve lorsqu’ils vantent le côté vert d’un produit. « On ne va plus tolérer que

quelqu’un utilise des arguments publicitaires écologiques mensongers, explique Gilberto

Leifert, Président du CONAR. La justification environnementale doit être prouvé à tous les

niveaux de la chaîne, de la fabrication à l’élimination du produit. »

Des petits pas dans une mer de

contradictions… Mais le Brésil, qui est

devenu en 10 ans une nouvelle puissance

économique émergeant, avec ses 4 à 6%

de croissance annuelle, ne peut plus

échapper à cette préoccupation. Surtout

pour ce qui concerne ses exportations :

ses clients du reste du monde

commencent à lui demander des bilans

verts avec une certaine insistance.

!!!

Economie en bref, septembre 2011

Meilleure compétitivité mais ralentissement de la croissance ; polémique sur l’aide à la

production de véhicules ; et si le Brésil achetait de la dette européenne ? Moins de terres

en mains des étrangères ? Vie des entreprises : Sodexo, Bunge, Fiat.

Le Brésil a fait un bond de 5

places dans le ranking de la

compétitivité mondiale, mesuré

par le WEF, le Forum

Economique Mondial, initiateur

du Symposium de Davos. Il se

classe maintenant 53° des 142

pays pris en considération,

devant l’Inde (56ème

) et la Russie

(66ème

) mais encore derrière les

deux autres BRIC’s, la Chine

(26ème

) et, curieusement, l’Afrique

du Sud (50ème

).

! #(!

« L’important, c’est aussi d’analyser les tendance », commente Beñat Bilbao-Osorio,

Directeur du Centre pour la Compétitivité Mondiale du WEF. « Depuis 6 ans, le Brésil a

gagné 13 places. IL pourrait être nettement mieux classé s’il n’était pas pénalisé par ses

faiblesses traditionnelles, le manque de compétitivité de son marché local, les déficiences de

son infrastructure et la corruption. Les choses s’améliorent lentement dans ces domaines, mais

ils pèsent encore négativement sur le potentiel du pays ».

Bien que sa compétitivité s’améliore, la croissance

brésilienne semble marquer le pas, touchée par la crise

américaine et européenne. Selon le dernier rapport

mensuel de l’OCDE (septembre 2011), le Brésil serait le

pays où l‘activité économique devrait être la plus faible,

dans les 6 à 9 prochains mois, au sein du groupe des

pays émergeants et même vis à vis des pays

industrialisés. L’OCDE reconnaît cependant

prudemment les limites de ses anticipations : « nous ne

pouvons pas prétendre que le ralentissement

économique sera vraiment plus fort au Brésil que dans

les autres pays. Nous pouvons seulement affirmer qu’il

aura lieu. »

Un ralentissement contre

lequel le gouvernement et la

Banque Centrale luttent déjà.

De façon surprenante, le

Comité de Politique

Monétaire a en effet décidé

de réduire le taux de

référence de la Banque

Centrale, le Selic, d’un demi-

point à 12%. Il reste certes un

des plus haut du monde, mais depuis un an, le Brésil n’avait pas cessé de l’augmenter pour

lutter contre l’inflation. Cette inversion de la politique monétaire devrait peser sur

l’augmentation des prix, mais stimuler la compétitivité des exportations, le réal baissant face

au dollar. Les analystes du Crédit Suisse affirment que ce mouvement va continuer et que le

taux Selic sera vraisemblablement en dessous de 10% à la fin de 2011.

« Notre situation est encore privilégiée par rapport à d’autres pays, nous somme préparés à

affronter le défi d’une crise mondiale qui est bien plus grave que celle de 2008, mais nous

! #)!

sommes encore loin de ce que nous pouvons et

devons faire » déclare prudemment Dilma

Rousseff. , La Présidente s’exprimait lors des

célébrations de la fête nationale du 7 septembre,

elle a promis que son gouvernement allait

« développer et renforcer la défense du marché

intérieur » et « qu’elle ne permettrait pas

d’attaques contre l’industrie nationale ».

Polémique sur l’aide à la production de véhicules

Les déclarations de la Présidente Dilma

Rousseff, lors des célébrations de la fête

nationale du 7 septembre, affirmant

« qu’elle ne permettrait pas d’attaques

contre l’industrie nationale », se sont

traduits dans les faits, par un vigoureux

rapport de force entre le gouvernement et

la branche des constructeurs automobiles.

Fin juin, le gouvernement proposait que

les entreprises « qui présenteront des

projets innovateurs incorporant plus de composants nationaux dans la fabrication des

véhicules» soient dispensées du payement de l’IPI, l’Impôt sur les Produits Industriels

jusqu’en 2016, un impôt qui peut culminer à 25%. Les 4 grands constructeurs automobiles

brésiliens, Fiat, VW, Ford et General Motors proposaient alors que l’exemption d’IPI soit

appliquée dès qu’au moins 60% des composants d’un modèle sont originaire du Mercosul

(Voir Vision Brésil n° 26 août 2011).

La proposition a fait long feu. Devant la

difficulté des constructeurs à proposer des

projets concrets de substitution, le

gouvernement a fait machine arrière. Il

veut maintenant, au contraire… surtaxer à

30% l’IPI pour les voitures importées dont

65% des composants ne seraient pas

fabriqués au Brésil ou dans le Mercosur !

Principale cible visée, les marques

chinoises JAC et Cherry, qui font un tabac

sur le marché. Les importateurs ont

! #*!

immédiatement réagit, ils menacent de saisir l’OMC car, affirment-ils, s’appuyant sur un avis

de droit du Professeur Ali Nasser de la Fondation Getulio Vargas, « l’Organisation Mondiale

du Commerce interdit la discrimination entre produits locaux et importés et ne permet pas

d’exiger l’incorporation de contenus nationaux ».

D’autres spécialistes du secteur industriel regrettent qu’une fois de plus les autorités aient

choisi la voie de la facilité pour protéger la production nationale : « au lieu de stimuler

l’innovation, ce qui était la motivation première de la baisse de l’IPI pour les constructeurs

faisant un effort de substitution, on offre une prime à la paresse en taxant les produits

importés. A long terme, c’est une stratégie qui ne tient pas, la compétitivité va s’en

ressentir ».

Et si le Brésil achetait de la dette européenne ?

L’idée n’est pas une boutade, l’ensemble

des BRIC’s, dont les exportations

dépendent largement des capacités

d’absorption des marchés des pays

industrialisés étudient sérieusement la

possibilité d’accroître leurs avoirs en

obligations libellées en euros dans le but

d’aider les pays de la zone en pleine crise

de la dette. C’est le journal de São Paulo

« Valor Economico » qui l’affirme. Il

pense même savoir que la perspective sera évoquée lors de la prochaine réunion des ministres

des finances et des banquiers centraux des BRICS à Washington, le 22 septembre.

Guido Mantega, Ministre des Finances brésilien ne dément pas : « Nous allons nous réunir à

Washington et nous allons parler de ce qu’il faut faire pour aider l’Union européenne à sortir

de cette situation ». Rien n’a transpiré sur la forme de cette aide, mais s’il y a achat

d’obligations européennes, cela devrait concerner « celles des pays les plus solides de la zone

euro ». Donc vraisemblablement pas la Grèce, l’Espagne, l’Italie ou le Portugal.

La présidente Dilma Rousseff confirme que «le Brésil sera toujours disposé à participer à un

effort international contre la crise », tout en soulignant qu’il n’y a pas de solution

internationale, et que cela dépend beaucoup des pays concernés. La Chine détient une réserve

de 3200 milliards de dollars, la Russie 525 milliards, le Brésil 350 milliards et l’Inde 320

milliards. Suffisamment pour acheter une quantité significative d’obligations émises par des

pays de la zone euro si la décision est prise.

! $+!

Moins de terres en mains étrangères ?

Il y a un an le gouvernement brésilien

promulguait une ordonnance limitant

l’achat des terres par les étrangers (voir

Vision Brésil n° 16, août 2010). Depuis,

plus aucun achat foncier effectué par des

étrangers n’a été enregistré au Brésil !

Etrange, estime Eliana Calmon, Ministre

chef de l’Inspectorat National de la

Justice, qui a lancé ses limiers sur

l’affaire. Résultat, les achats de terres au

Brésil par des non-résidents continueraient de plus belle, à travers des prête-noms, avec la

complicité généreuse de notaires et d’avocats des régions concernées.

La Sénateur Katia Abreu, Présidente de la

Confédération de l’Agriculture et de

l’Elevage, la CNA, le bras politique de

l’agrobusiness ne conteste pas: pour elle,

l’achat clandestin de terres est le résultat

prévisible des limitations imposées en

2010 par le Bureau du Procureur Général

de l’Union dans l’application de cette

nouvelle directive. Des limites qui ne font

pas la différence entre les entreprises et

les propriétaires privés. « Acheter légalement des terre devient impossible, cela tourne à la

tragédie. Limiter la présence étrangère met en danger des promesses d’investissements de 60

milliards de R$ (30 milliards de CHF / 25 milliards d’") prévus d’ici 2017 dans le secteur

forestier, la production de papier et de cellulose, la culture du soja, du maïs et la production de

sucre et d’éthanol. »

Le registre officiel des propriétés foncières aux mains des étrangers est considéré comme

largement sous-estimé au Brésil. En 1994, une estimation chiffrait déjà à 10% du territoire

national, les terres aux mains des non-nationaux. Depuis, avec le boum de l’agro-industrie, ce

chiffre a augmenté. « Notre travail, à l’Inspectorat National de la Justice, affirme Eliana

Calmon, c’est de dévoiler les fraudeurs et de démanteler leurs réseaux criminels. C’est une

question de sécurité nationale »

! $"!

Vie des entreprises : Sodexo, Bunge, Fiat.

L´entreprise française Sodexo annonce l’acquisition de la société

Puras do Brasil, moyennant 525 millions d’euros et affirme ainsi son

leadership. Sodexo est implantée au Brésil depuis trente ans et offre

des prestations qui vont de la restauration collective à la gestion

d’espaces publics. L’entreprise emploie 22.000 personnes réparties

sur plus de 1.300 sites.

La multinationale céréalière Bunge, annonce 2,5 milliards d’US$

d’investissement au Brésil d’ici 2016, afin d’augmenter de 50% la

capacité de transformation de ses 8 unités sucrière. L’entreprise ne

dit pas quelle sera la part de production d’éthanol carburant et celle

de sucre brut. « Cela variera en fonction des prix du marché »,

justifie l’entreprise. Bunge fait partie des « Big 4 » du négoce céréalier mondial, aux côtés de

Cargill, Glencore et du groupe Louis Dreyfus.

Fiat annonce un investissement de 4 milliards de R$ (2,1 milliards de

CHF / 1,7 milliards d’") afin de construire une nouvelle unité de

construction a Goiana, une localité située à 60km de Recife, dans le

Nord-Est. Le début de la production est prévue pour 2014, 200 à

250’000 véhicules devraient être fabriqués sur ce site de 14’000

hectares. Fiat, premier constructeur automobile du Brésil s’était déjà

distingué il y a 35 ans en implantant sa première usine à Betim, près de Belo Horizonte dans

le Minas Gerais, rompant ainsi avec la concentration industrielle autour de São Paulo. Il

reproduit la même stratégie avec maintenant la « pernamboucalisation » de ses opérations :

plus d’espace à disposition, une main d’œuvre meilleure marché, des avantages fiscaux et une

absence de concurrence industrielle dans les environs.

!!!

Social en bref, septembre 2011

Des indiens contre Shell ; l’illusion d’une fausse retraite ; le poids de l’économie

souterraine ; la foi catholique en déclin ; plus d’heures à l’école ; les médecins doutent

des génériques.

! $#!

Des Indiens guarani réclament le

départ du géant énergétique Shell de

leur territoire ancestral qu’il exploite

pour produire de l’éthanol à Caarapó

dans l’Etat du Mato Grosso do Sul.

La dénonciation est répercutée par

l’Association « Survival International

qui publie la lettre envoyée à Shell

par Ambrosio Vilhalva, un indien

guarani de la région.

(http://www.survivalfrance.org/peuples/guarani)

« Shell doit quitter notre territoire… Les compagnies doivent cesser d’exploiter les terres

indigènes. Nous demandons la justice, nous voulons la démarcation et la protection de notre

terre ». Plus loin dans sa lettre Ambrosio Vilhalva signale encore que « depuis la mise en

marche de l’usine, la santé des enfants, des adultes et des animaux s’est détériorée. Les

produits chimiques utilisés dans les plantations de canne à sucre sont très probablement à

l’origine des fréquentes diarrhées des nourrissons et de la disparition de la biodiversité,

notamment des poissons et de certains végétaux qui forment la base de notre subsistance ».

Le groupe pétrolier Shell s’est récemment

associé à l’entreprise sucrière Cosan (voir

Vision Brésil n° 19, novembre 2010. dans

la création d’une nouvelle entreprise de

production d’éthanol du nom de Raizen.

Une partie de sa production provient de la

canne à sucre cultivée sur la terre

ancestrale des Guarani affirme Survival

International qui a adressé un rapport sur

la question aux Nations Unies. Shell n’a pas réagi officiellement à ces accusations.

(http://assets.survivalinternational.org/documents/207/Guarani_report_English_MARCH.pdf)

L’illusion d’une fausse retraite

Le système de retraites basé sur le facteur de prévoyance selon le temps de cotisation est une

illusion dangereuse, explique José Rolim Guimarães, Secrétaire aux Politiques des

Assurances Sociales du Ministère de la Prévoyance. « Techniquement, il apparaît parfait,

explique ce haut fonctionnaire, puisqu’il permet à quelqu’un de prendre sa retraite tôt, c’est à

! $$!

dire vers 54 ans, ou même 51 ans pour les

femmes, après avoir cotisé le nombre

d’années requises. La perte de revenu est

alors de l’ordre de 40%, mais la personne

peut continuer à travailler, ce qui lui

assure un complément de salaire

confortable. Le problème se pose ensuite,

quand la personne cesse vraiment de

travailler et n’a plus que sa retraite. Son

pouvoir d’achat chute alors

drastiquement ».

Syndicats et gouvernement sont d’accord

pour dire qu’il faut en finir avec ce

système, hérité des lois corporatistes du

travail édictées sous Getulio Vargas dans

les années 1930. Les parlementaires, eux

sont moins convaincus car les retraités

jouissant de ce système forment une base

électorale importante. Ils sont 4,6 millions

au Brésil. C’est une forte minorité, même

si 15,8 autres millions prennent leur retraite en fonction de leur âge. La discussion autour de

cette réforme est donc en panne à Brasilia. L’équipe du Gouvernement Dilma Rousseff a

décidé de la réactiver, car elle touche le cadre de sa politique d’austérité budgétaire. Les

syndicats espèrent des consultations ce mois encore afin qu’une nouvelle proposition soit

déposée au Congrès avant la fin de l’année.

Le poids de l’économie souterraine

Les salariés qui jouissent d’une « carteira

assinada », signe officiel d’un emploi

légal sont encore une minorité au Brésil.

Une minorité croissante, grâce à la bonne

santé économique du pays qui permet de

créer des postes de travail, mais une

minorité tout de même. Au point, estime

la Fondation Getulio Vargas de

Statistique, que l’économie souterraine

contribue pour 18,3% au Produit National Brut. Ce sont ainsi 663,4 milliards de R$ (344

! $%!

milliards de CHF / 287 milliards d’") qui, échappant au fisc, sont annuellement soustraits aux

caisses de l’Etat.

Un chiffre d’une désespérante stabilité, il n’a pratiquement pas bougé depuis 2008 : 18,5%,

18,7%, 18,3%… Il faut remonter à 2003 pour percevoir une chute significative de cette

économie informelle. Cette année-là elle représentait, il est vrai 21% du PIB. « L’économie

souterraine croît un peu moins rapidement que l’économie formelle, aujourd’hui », commente

Fernando de Holanda barbosa, auteur de l’étude à la Fondation Getulio Vargas. « Mais après

la baisse constatée entre 2003 et 2008, la diminution est de plus en plus lente. Le seul moyen

de faire vraiment chuter l’économie souterraine, c’est une réforme fiscale qui en finirait avec

la forte charge tributaire exigée des entreprises et le coût élevé des charges sociales ».

Autrement dit, sans réforme institutionnelle draconienne, le travail au noir restera la règle

dans beaucoup de PME et chez la plupart des artisans brésiliens.

La foi catholique en déclin

Le plus grand pays catholique du monde

perd sa foi… Les fidèles du Pape étaient

encore 83% de la population brésilienne

en 1991, 74% en 2000 mais 68%

seulement en 2009. Dans le même temps,

c’est à dire entre 2003 et 2009, les

religions évangélistes ont connu un boum

passant de 13% de fidèles à plus de 20% !

Les agnostiques déclarés, eux restent une

infime minorité, 5% de femmes, 8%

d’hommes.

Ces données sont tirées de l’ouvrage « La nouvelle cartographie des religions », que vient

d’éditer la Fondation Getulio Vargas. On y apprend encore que les catholiques les plus

nombreux se trouvent dans les Etats du Nord-Est et que les incroyants se recrutent à

proportion égale parmi les plus pauvres (la classe économique

« E »), 7,7% et parmi les plus riches (les classes économiques AB),

6,7% du total.

Cas particulier, la ville de Rio de Janeiro, qui recevra le Pape lors

des Journées Mondiales de la Jeunesse de 2013, moins de la

moitié de la population se dit catholique ! Rio est aussi la seconde

ville du pays en ce qui concerne les non-croyants et les

! $&!

évangélistes. L’Etat de Rio de Janeiro abrite enfin le plus grand nombre d’adeptes des autres

religions comme les cultes spiritistes, afro-brésiliens et orientaux.

Plus d’heures à l’école

Le Ministère de l’Education veut

augmenter le nombre d’heure de présence

des élèves à l’école, durant la période de

l’enseignement obligatoire. Il est

actuellement de 4 heures par jour durant

200 jours, soit 800 heures annuelle, « une

charge horaire considérablement trop

basse comparé à d’autres pays » déclare

Fernando Haddad, le Ministre de

l’Education. De fait, les cours se donnent

en 2 volées, une le matin, l’autre l’après-

midi. Pour changer les choses, en accord

avec les associations professionnelles, le

ministre veut introduire l’école à la

journée entière dans la moitié des établissements du pays d’ici… 2020. Une réforme à pas de

tortue donc, qui ne dit encore rien de la qualité de l’enseignement dispensé. L’éducation de

base est une des bêtes noires du Brésil. Par manque de formation professionnelle et à cause

des bas salaires des enseignants, les classes ressemblent généralement plus à des lieux de

gardiennage qu’à des centres pédagogiques d’excellence…

Les médecins doutent des génériques

Un sondage divulgué par l’Association

Brésilienne de Défense des

Consommateurs Proteste révèle que 46%

des médecins doutent de l’efficacité et de

la sécurité des médicaments génériques.

Dans la population au contraire, 83% des

consommateurs les plébiscitent.

L’enquête a porté sur un échantillon de

690 adultes et 119 médecins.

Les arguments les plus souvent avancés par les professionnels de la santé sont que les

processus de contrôles de qualité des génériques sont moins rigoureux et que ces

médicaments sont plus sujets aux contrefaçons. Faux affirme Cadri Awad, membre du

! $'!

Conseil Fédéral de la Pharmacie, « les produits les plus falsifiés sont les amaigrissants, les

anabolisants et les autres produits esthétiques dont la valeur marchande est bien plus élevée.

Cette peur des contrefaçons dans les génériques traduit une méconnaissance profonde ».

Une méconnaissance alimentée par les grandes fîmes pharmaceutiques, estime Regina Parizzi

de la Faculté de Santé Publique de l’Université de São Paulo : « l’industrie des médicaments

de marque pratique un marketing agressif dans le but de dévaloriser les médicaments

génériques et de susciter la méfiance à leur égard. Il est fondamental que les associations de

médecins et l’Agence Nationale de Vigilance Sanitaire mettent en place une campagne

d’information pour contrer ces faux arguments et améliorer l’image des génériques auprès des

praticiens. »

!!!

Lettre de Rio de Janeiro, septembre 2011 : chasse au

trésor dans la Baie de Guanabara

! $(!

Une partie important de l’histoire du Brésil se trouve… sous les eaux. Le long des

7’000km de côtes du pays, 20’000 embarcations naufragées gisent au fond de l’Océan

Atlantique, toutes recèlent dans leurs soutes éventrées des bribes de l’histoire du pays.

Après 20 années de recherches, José Carlos Silvares consacre une trilogie à ce sujet,

dont le premier volume, « Naufrages au Brésil, une culture submergée » vient de

paraître. L’auteur y recense les 35 plus importants naufrages connus à ce jour. Les

tomes 2 et 3 seront consacrés, l’un à la région Nord-Est (Fernando de Noronha, Recife et

Maceió) l’autre, à paraître en 2012, à Rio de Janeiro, São Paulo et Santa Catarina.

La plus grande tragédie maritime

brésilienne date de 1916. Le 5 mars de

cette année-là, au petit matin, le

transatlantique espagnol « Prince des

Asturies » heurte un éperon rocheux sur

l’île d’Ilhabela, non loin du port de

Santos, dans l’Etat de São Paulo. Il coule

en cinq minutes, 700 personnes trouvent

la mort, seul 150 passagers seront sauvés. C’est un des naufrages recensés par José Carlos

Silvares.

Récif corallien, sous-marins nazis et la « Reine des

Anges »

L’auteur signale encore le lieu dit « Parcel de Manoel

Luis », un récif de corail qui se dresse à 200km de la

côte, sur la route maritime pour São Luis do Maranhão.

Il serait le plus grand cimetière de bateaux du pays. 250

épaves peuplent ce récif qui affleure à un mètre de la

surface. Autres vestiges d’importance, 10 sous-marins

allemands de l’époque nazie qui ont été coulés le

long des côtes brésiliennes. Aucun d’entre eux n’a

encore été trouvé.

Les recherches de José Carlos Silvares recoupent

les explorations sous-marines de chasseurs de

trésors individuels comme José Galindo à Rio de

Janeiro. En novembre 2009, il estime avoir trouvé

l’épave de la « Reine des Anges » tout près de

« l’Ile au Serpents », dans la bais de Guanabara,

qui abrite aujourd’hui l’arsenal militaire. La

! $)!

« Reine des Anges » était un fleuron de la marine marchande portugaise. En 1722, elle prend

feu dans le port de Rio de Janeiro et coule. Le navire arrivait de Chine. A son bord, de la

porcelaine de grande valeur de l’ère Kangsi (1662-1722), présents de l’empereur Kangsi à un

prêtre jésuite de Macau venu évangéliser la Chine, le père Carlo Ambrogio Mezzabarba.

Porcelaine chinoise précieuse

Mezzabarba se trouvait à bord de la « Reine des

Anges », avec son trésor, en route pour

Lisbonne. « Il pourrait encore y avoir des pièces

intactes parmi les 420 embarquées à l’époque,

estime José Galindo, car les chinois étaient

experts dans la manière d’emballer la

porcelaine. » L’explorateur plongeur cherche

maintenant à intéresser une entreprise

spécialisée dans le renflouage. Des britanniques

et des investisseurs norvégiens seraient intéressés. Le coût de l’opération est cependant élevé :

il faudrait 500’000 R$ (260’000 CHF / 215’000 ") rien que pour localiser avec précision

l’épave et 6 fois plus pour la renflouer.

Sans que cela rapporte vraiment de gros

bénéfices. Une loi brésilienne de 2000 stipule en

effet que tout objet de valeur historique ou

artistique trouvé sur le territoire brésilien

appartient à l’Union. Ceux qui les ont

découverts et extirpé du passé ont droit au

maximum à 40% de leur valeur. A Rio de

Janeiro, l’amiral Armando Bittencourt veille à la

bonne application de cette loi et à la

préservation de la baie de Guanabara. « On ne donne pas d’autorisation de recherche à

n’importe qui. Il faut présenter un projet archéologique valable pour l’obtenir. Ainsi qu’une

étude de faisabilité car la boue et les déchets accumulés au fond de la baie rendent

l’exploration particulièrement difficile. »

Navire négrier

José Galindo a fait une autre découverte. Moins glorieuse que celle de la « Reine des Anges »,

mais tout aussi précieuse sur le plan historique : l’épave du « Camargo », un navire américain

coulé après avoir été incendié en 1852 près d’Angra dos Reis, à 150km au sud de Rio de

Janeiro. Le « Camargo » est le dernier navire négrier à avoir amené des esclaves d’Afrique au

! $*!

Brésil. 500 en tout. Et ceci

clandestinement car en 1852,

la loi Eusébio de Queiróz,

publiée 2 ans auparavant

interdisait l’importation

d’esclaves au Brésil. Seuls

les descendants d’esclaves

nés dans le pays pouvaient

être vendus et achetés, et ceci

jusqu’à l’abolition définitive

en 1888.

Mais en 1852, beaucoup de riches propriétaires de

plantations de café de la région de Rio de Janeiro ne

respectaient pas la nouvelle loi et des transporteurs

indélicats, comme le capitaine du « Camargo »

Nathaniel Gordon, se risquaient encore dans ce sinistre

commerce clandestin de chair humaine. Un esclave

s’achetait alors 40 US$ de l’époque en Afrique et se

revendait sous le manteau 400 à 800 US$ à Rio de

Janeiro !

Une fuite inutile

Malheureusement pour Nathaniel Gordon, l’empereur

Dom Pedro II eût vent de l’affaire et expédia immédiatement 400 gendarmes à Angra dos

Reis. Le capitaine du « Camargo » décide alors de saborder son bateau en y mettant le feu

pour effacer les preuves de son forfait et s’enfuit aux Etats Unis, déguisé en femme. Il sera

rattrapé par la justice américaine, puis condamné à mort le 21 février 1862 pour

« participation au trafic négrier ».

Celui à qui étaient destiné ces esclaves

s’en est mieux tiré. Il s’agit de José de

Souza Breves, connu sous le nom de

« Roi du Café », un des plus cruels

propriétaire d’esclaves du Brésil.

L’arrivée sur ses terres des 500

embarqués clandestins du « Camargo » en

1852 a été enregistrée et dénoncée, un

procès a été ouvert, mais Souza Breves a

! %+!

été innocenté. L’histoire ne dit pas pourquoi…

Gilson Rambelli, historien à l’UNICAMP de Campinas espère qu’on pourra un jour renflouer

le « Camargo » car, « on raconte beaucoup de choses sur le trafic d’esclaves, mais on ne sait

pas grand chose des faits réels. Comme si l’histoire officielle voulait effacer les traces de ce

passés peu glorieux ». Il vient d’ailleurs de publier un ouvrage au titre révélateur :

« Archéologie sous-marine d’un navire négrier, l’histoire qui n’est pas dans les livres. »

Gilson Rambelli fonde beaucoup d’espoir sur l’étude éventuelle de l’épave du « Camargo »

car ce serait le premier navire négrier qu’il serait possible d’examiner dans le détail au Brésil.!