Villes Axelle

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LES PAYSAGES URBAINS AU MAROC _ Par Axelle Buriez, Université de Montréal Workshop de la CUPEUM Marrakech 2004 La Palmeraie de Marrakech – un paysage périurbain www.unesco-paysage.umontreal.ca professeurs-coordonnateurs _ Philippe Poullaouec-Gonidec et Stefan Tischer

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LES PAYSAGES URBAINS AU MAROC

_ Par Axelle Buriez, Université de Montréal

Workshop de la CUPEUM Marrakech 2004 La Palmeraie de Marrakech – un paysage périurbain

www.unesco-paysage.umontreal.ca

professeurs-coordonnateurs _ Philippe Poullaouec-Gonidec et Stefan Tischer

Chaire UNESCO paysage et environnement Université de Montréal 1

LES PAYSAGES URBAINS AU MAROC

_Par Axelle Buriez, Université de Montréal

L’ORGINALITE DES VILLES MAROCAINES : UNE STRUCTURE DUALE

Les villes marocaines, comme beaucoup de villes nord-africaines, ont l’originalité de posséder une structure duale. Elles sont composées d’une partie indigène (médina) et d’une partie européanisée (ville nouvelle développée à partir de 1912 sous l’autorité du protectorat français).

Anciennes villes intégrées, qui « constituaient l’unité sociale de référence, l’image de la consolidation de la sédentarisation, des espaces perméables aux noyaux ruraux environnants qui les nourrissaient, et aux activités marchandes qui les soutenaient » (Centre du patrimoine mondial de l’Unesco, Médinas: sauvegarde sélective de l’habitat traditionnel ?, La lettre du patrimoine mondial, no 9 décembre 1995), les médinas ont su assurer durant des siècles un tissu social vivant et efficace, et ce en dépit de leur fermeture derrière des remparts érigés pour les protéger.

Mais lors de l’élaboration des villes nouvelles par des architectes et urbanistes français, l’accent est mis sur l’essor des ports, afin d’y exporter les richesses coloniales et de servir de comptoir aux importations, ainsi que sur un processus d’urbanisation selon une trame d’avenues et de boulevards donnant une façade contrôlée et policée du régime. Après la fin de l’indépendance, avec la mondialisation de l’économie et l’internationalisation des échanges, ces dernières vont toujours plus s’accroître, créant une scission plus grande encore avec le tissu traditionnel statique des médinas.

Ces grandes villes, vitrines d’un Maroc moderne, vont attirer les populations rurales troublées par l’espoir d’une vie plus facile ; et l’efficace mais fragile équilibre économique et social qui s’opérait entre la médina, cœur urbain, et ses campagnes environnantes, va s’écrouler, engendrant des troubles identitaires au sein de la population. Désormais l’explosion démographique de ces grandes villes créées sera telle que la construction d’immeubles et de logements ne pourra plus suivre ce rythme effréné, et on verra s’étendre de plus en plus loin du centre, un nombre impressionnant de quartiers pauvres et de bidonvilles où s’entassent les ex populations rurales et divers immigrés. Le Maroc se divisant en longues bandes géographiques au relief parfois très accentué, les régions sont assez isolées les unes des autres. Les villes qui s’implantent dans chacune de ces bandes vont donc présenter des caractéristiques qui leur sont propres ; modelées tout au long de l’Histoire marocaine. Nous verrons, dans cet exposé sur les Paysages urbains au Maroc, ces interactions entre médinas et villes nouvelles,

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différentes selon les régions géographiques du pays, ainsi que les phénomènes sociaux et d’auto construction qui en découlent. Et les quelques solutions envisagées pour mettre en place une meilleure cohésion sociale et urbaine. IMPLANTATION DES VILLES AU SEIN DE GRANDS PAYSAGES. Des « paysages escarpés » de la Côte méditerranéenne et du Rif, à ceux « sauvages » de la Côte atlantique ; du Moyen Atlas « aride et fertile » au Haut Atlas montagnard, des paysages désertiques du Grand sud aux portes du Sahara ; partout l’homme « fait partie intégrante, s’adaptant jusque dans les terres les plus hostiles », entre intérêt pour les traditions et souci de modernité. (Philippe Saharoff et Sabine Bouvet, L’art de vivre au Maroc) LA COTE MEDITERRANEENNE Situées entre deux continents, ses villes sont les portes de l’Afrique. Anciens repaires de pirates fortifiés, leurs médinas étagées au-dessus de fortifications côtières sont devenues villes de commerces avec l’Europe dès le XVIème siècle. (Maroc Guides bleus, Hachette). Davantage sous le joug du protectorat espagnol que sous celui du protectorat français, ces villes sont blanches, de style arabo-andalou. Mais leur position stratégique, « trait d’union » (L’art de vivre au Maroc, Flammarion) de deux continents et de deux mers, en ont fait de véritables carrefours d’influences, et elles attirèrent et attirent encore des artistes en tout genres.

Des carrefours d’influences L’art de vivre au Maroc, Flammarion

Au large de l’Espagne

Grandes régions paysagères et implantation des villes marocaines

tangier.free.fr/ Geographie /Satekkes5.html

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LA COTE MEDITERRANEENNE L’exemple de Tanger

« Comme d’autres ont cru en l’existence d’une Atlantide, j’ai cru en l’existence de Tanger. Dans cette ville, la fée avait un bâton qui s’appelait oser. » Mohamed Choukri (Maroc, un pays de mémoire à découvrir et à partager,

Collection Gallimard) - Médinas, denses et anarchiques se développant en

amphithéâtre à flanc de coteau, ouvert sur une baie. - Villes nouvelles, plus démesurées, se développant le long de la

baie et dans l’arrière-pays, où l’on trouve notamment les villas d’artistes.

- Villes tournées vers l’extérieur, dont les ports se développant désormais au-delà des fortifications côtières, sont dirigés vers les côtes du vieux continent.

Tanger dans l’Histoire.

Au XVIème siècle, forte de sa position géographique stratégique, elle faisait déjà commerce avec les villes européennes. « Conquise par les portugais en 1471 », elle finira par tomber aux mains des espagnols. (Maroc, guides bleus Hachette Tourisme 2000 )

Au XIXème siècle, Tanger est désignée comme « capitale diplomatique » (Maroc, guides bleus Hachette Tourisme 2000) du royaume, regroupant en son cœur les différentes délégations étrangères. En 1923, un traité franco-anglo-espagnol déclare Tanger « zone internationale ». (Passions d’ailleurs Maroc, Collection Larousse) Sous l’autorité d’une commission internationale, et ce jusqu’à la fin du protectorat en 1956, elle connaîtra une période de faste lui attirant les « mystères d’une réputation romanesque », alimentée par la littérature et le cinéma. « Dandys, aventuriers, écrivains, contrebandiers, artistes peintres et autres espions » s’y enivrent. Un « vaste imaginaire et une société de plaisirs » s’y développent. (Maroc, guides bleus Hachette Tourisme 2000)

Désormais l’un des premiers centres industriels du pays (textile). Près d’un million de personnes transitent chaque année par son port.

Axelle Buriez

Tanger la méditerranéenne Passions d’ailleurs Maroc, Larousse

Tanger, par Matisse Maroc, un pays et sa mémoire

Villas d’artistes L’art de vivre au Maroc, Flammarion

Maroc, guides bleus Hachette 2000

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Mais la ville et la région connaissent une période difficile, avec « la vente importante de cannabis et l’argent noir alimentant la spéculation ». Nombreux hôtels sont détruits et les nombreux clandestins, rêvant d’une vie meilleure en Europe, s’entassent dans de vétustes habitations, les yeux rivés sur l’horizon. (Maroc, guides bleus Hachette Tourisme 2000) Le phénomène d’immigration clandestine sur la côte méditerranéenne... Les villes de la côte méditerranéenne marocaine accueillent, « depuis les années 90 », un nombre massif et croissant d’immigrés désireux de fuir le continent pour aller chercher une vie meilleure en Europe. Ils viennent notamment des régions subsahariennes où « un sous-développement économique, une croissance démographique incontrôlable, une sécheresse qui dure, des guerres civiles impitoyables et des séquelles d’un colonialisme dévastateur » (http://www.redasociativa.org/dosorillas/?q=node/view/780) les poussent à fuir. La côte nord du Maroc est, de part sa position géographique face au détroit de Gibraltar, « une plaque tournante pour toute migration légale et illégale vers l’Europe ». (http://www.redasociativa.org/dosorillas/?q=node/view/780) Pendant des décennies le Maroc a envoyé des travailleurs vers la France. Aujourd’hui, les mesures sont plus restrictives, et le vieux continent est préoccupé par le contrôle de ces vagues d’immigrés toujours plus nombreuses et pauvres. L’Union européenne a alors décidé de renforcer ses frontières externes, notamment celles avec la Méditerranée, en même temps qu’elle a aboli les frontières communes entre les pays du continent. De plus, elle cherche à développer au plus vite « un cordon sanitaire et un contrôle policier euro-maghrébin pour renforcer les frontières du Maghreb avec les pays subsahariens ». (http://www.redasociativa.org/dosorillas/?q=node/view/780) En attendant, beaucoup d’africains du Sahara et de marocains de tout horizons, restent bloqués à quais dans des villes comme Tanger. Ils s’entassent alors dans des bidonvilles à l’extérieur et vivent misérablement de mendicité ou de petits travaux. L’Union européenne et le Maroc ont investi ensemble une somme importante dans un « programme de lutte contre l’émigration clandestine » afin « d’assurer un meilleur contrôle du Maroc de ses frontières » (http://www.redasociativa.org/dosorillas/?q=node/view/780).

Plan de Tanger Axelle Buriez Rapport Medina/Ville nouvelle

Maroc, un pays et sa mémoire Guide Gallimard

Entassement des immigrés GEO Magazine, janvier 2001

Rêves d’horizon GEO Magazine, janvier 2001

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Les journaux nationaux publient régulièrement dans leurs colonnes les arrestations d’immigrés pour rassurer les autorités européennes, dont l’Espagne est notamment la première concernée. Traduits en justice, ces immigrés sont alors reconduits à leurs frontières et expulsés du territoire du Maroc. Il va de soi que le problème reste complexe et pénible à enrayer. Nombreux de ces immigrés finissent par passer toutes leurs vies dans ces bidonvilles aux portes de l’Europe, dans des conditions de vie souvent déplorables. Ces ex croissances péri-urbaines, à proximité des quartiers plus riches et plus favorisés des métropoles, engendrent un nombre important de soucis environnementaux et sociaux. LE RIF

Austères paysages de forêts de cèdres, situés contre la chaîne du Moyen Atlas et face à la méditerranée européenne, le Rif est constitué d’anciennes petites villes d’exile pour des juifs et musulmans d’Espagne, qui, en souvenir de ce passé défensif, sont repliées sur elles-mêmes. On trouve encore aujourd’hui de nombreuses références andalouses dans l’architecture et les modes de vie.

L’exemple de Chefchaouen.

« D’une part adossée à des montagnes à pic, de l’autre bordée de jardins toujours verts, apparaît la ville » Charles de Foucauld (Maroc, un pays de mémoire à découvrir et à partager, Collection Gallimard) Ville d’intérieur, c’est un lieu de mémoire un peu hors du temps. Elle fut fondée par des exilés musulmans et juifs ayant fuis les persécutions d’Espagne ; et fut jusqu’à peu interdite aux chrétiens. (P. Saharoff et S. Bouvet, L’art de vivre au Maroc, Flammarion)

Cette histoire hermétique se ressent dans sa physionomie. Adossée contre deux montagnes, ses maisons à flanc de coteau, la ville se développe de l’intérieur et semble se cacher derrière « ses ruelles tortueuses, ses enceintes, ses portes et ses mosquées ». Ville énigmatique, « beauté de chaux bleutée », (Ph. Saharoff et Sabine Bouvet, L’art de vivre au Maroc)., l’architecture est de style andalouse et on y parle encore davantage l’espagnol plutôt que le français.

La région du kif…

Le terme « Kif » est né au Maroc au XVème siècle et sa culture s’est développée dès le XVIème siècle. Depuis la fin du protectorat français, qui essayait de contrôler les productions de cannabis dans la région, les paysans marocains du rif cultivent cette substance plus ou moins ouvertement, et elle est devenue une de leurs principales sources de revenus. La

Marchés rifains Passions d’ailleurs, Larousse

Paysages rifains L’art de vivre au Maroc, P. Saharoff et S. Bouvet

Chefchaouen

Villes d’intérieur L’art de vivre au Maroc,

Maroc, guides bleus Hachette 2000

Semanaverdecultural.galeon.com/rifcolor

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« pauvreté des populations et la faiblesse de l’économie » sont à l’origine d’un phénomène qui s’ancre toujours plus. Outre les problèmes de trafics nationaux et internationaux que cela implique, l’écosystème local est directement menacé par cette monoculture de cannabis. En effet, pour gagner toujours plus d’argent, les paysans pratiquent la « surexploitation » et « défrichent en grand nombre les boisés », ce qui rompt l’équilibre naturel et « favorise glissements de terrains et érosion lors de fortes précipitations ». Face à ce moyen de rente beaucoup plus lucratif à court et long terme, il est difficile de développer des actions d’éradication efficaces. De plus, le Maroc produit non seulement d’importante quantité de cannabis, mais en exporte aussi beaucoup et les réseaux, souvent secrets, sont difficiles à déceler et à démantibuler. (http://www-eleves.int-evry.fr/~durand_f/dr05.html) LA COTE ATLANTIQUE Des ports sur l’Atlantique Explorée dès le XVI ème siècle par les grandes puissances européennes (portugaises, espagnoles, mais aussi pirates…), des places fortes et cités fortifiées furent érigés tout le long de la côte pour protéger « le commerce maritime et servirent de base aux incursions vers l’intérieur » (C. Boisvieux/J. Wilmes, Maroc, Collection GEO partance). Leur position géographique privilégiée leur valent un développement exceptionnel sous le protectorat français. Côte ouverte sur le Monde, Casablanca représente aujourd’hui, le « symbole du Maroc moderne » (Maroc, guides bleus Hachette Tourisme 2000). L’exemple de Casablanca « Une ville blanchie bâtie sur les eaux (…) Partout y est présent le souffle du grand large. » J.Berque et J. Couleau (Maroc, un pays de mémoire à découvrir et à partager, Collection Gallimard)

- Médinas entourées de ses remparts. Formes bastionnées en

avancée sur la mer. - Villes modernes se développant en boulevards

radioconcentriques le long de la façade atlantique et en avenues dirigées vers la mer. Certaines médinas, entièrement englobées, perdent de leurs impacts.

- Ports industriels importants. Baies où se sont développés hôtels et édifices représentant le « Maroc moderne ».

Axelle Buriez

Des ports sur l’Atlantique Maroc, un pays et sa mémoire Gallimard

Anciens repaires pirates Maroc Collection Geo Partance

Maroc, guides bleus Hachette 2000

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Casablanca dans l’Histoire

Ancien port de pirates nommé « Anfa », dans la première moitié du XIXème siècle il est déjà une escale importante entre l’Afrique et l’Espagne. (Maroc, guides bleus Hachette Tourisme 2000). A partir de 1860, les puissances européennes, dont la France, y entretenaient des consulats et dès 1906, Casablanca était le premier port d’importance du Maroc. En 1912 : Lyautey, résident général sous le protectorat français, décide d’en faire la « capitale économique » du pays et la « vitrine de l’empire français en Afrique du nord ». Suivant une « vocation civilisatrice dans le respect des traditions culturelles marocaines », Lyautey fait pendant 40 ans de Casablanca une « école d’énergie » en chantier permanent. Ligne droite et sobriété des formes sont de mises, mais en reprenant les traits caractéristiques de l’habitat traditionnel marocain. (Maroc, guides bleus Hachette Tourisme 2000). Le Centre-ville de Casablanca, c’est ainsi tout « un pan de l’architecture moderne de la première moitié du XXème siècle, reflet des recherches architecturales les plus avant-gardistes d’Europe de l’époque (Maroc, guides bleus, Hachette Tourisme 2000) Avec l’indépendance, Casablanca continuera dans les audaces, regroupant aujourd’hui «1/4 de la population citadine marocaine» (4 millions d’habitants) ainsi qu’«1/3 de l’activité industrielle du Maroc ». (Maroc, guides bleus Hachette Tourisme 2000). Les immenses tours à bureaux du centre-ville entouré d’un boulevard circulaire, les larges avenues reliant en toile d’araignée les quartiers périphériques, la tour Hassan II construite récemment sur la baie comme un point de repère et représentant un « phare spirituel » dans le monde musulman du Maghreb, sont autant de traits distinctifs flamboyants de cette vitrine du Maroc moderne.

Casablanca, déjà capitale économique, fait aussi figure de « capitale culturelle et intellectuelle, regroupant l’essentiel des organes de presses et des médias audiovisuels ». (Maroc, guides bleus Hachette Tourisme 2000). Mais tandis que sa médina, englobée par une ville en pleine croissance, perd sa fonction principale et sa population originelle, que son centre-ville est occupé par une bourgeoisie au luxe ostentatoire, Casablanca regroupe dans ses faubourgs de très nombreux ruraux déracinés qui ont fui leurs campagnes natales, dans l’espoir d’un avenir meilleur. La zone urbaine s’étend encore et encore, le long de la côte et à proximité du centre urbain, pour accueillir cette immigration rurale toujours en plein essor.

Symbole de modernité Maroc Guides bleus

Plan de Casablanca Axelle Buriez

Rapport Medina/Ville nouvelle Maroc, un pays et sa mémoire Guide Gallimard

Façades du colonialisme Maroc Guides bleus,

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Les bidonvilles de Casablanca... En tout, on considère que « 25 pour cent de la population urbaine au Maroc vit dans des bidonvilles », ou dans des « zones d’occupation informelles » (http://www.bladi.net/infos/article-2166.html). On nomme « bidonville », une concentration d’habitats insalubres où s’abrite la population pauvre, à proximité proche ou plus lointaine des grands centres urbains. Et « zone d’occupation informelle », « les aménagements illégaux appropriés par les résidants, construits dans des matériaux plus solides de type maçonnerie ». (http://www.bladi.net/infos/article-2166.html). Le mot « bidonville » (dérivé de « carrière » « Karyan » en dialecte marocain) est né à Casablanca, dans les années 20. A l’époque, des ouvriers de la centrale thermique de Roches Noires y construisent des logements sommaires à proximité de leur lieu de travail, faits de matériaux locaux hétéroclites. (http://www.archipress.org/these/description.html) Le bidonville, habité aujourd’hui par d’anciennes populations rurales ayant fui la sécheresse et la vétusté des campagnes, est souvent à « l’image du village d’origine et présente un aspect rural avec ses puits, ses routes en terre, ses cultures et élevages ». (http://www.archipress.org/these/description.html) Aujourd’hui, on recense près de « 370 bidonvilles dans la région de Casablanca », soit près de « 8,6 pour cent de sa population urbaine ». (http://www.bladi.net/infos/article-2166.html). Ceux-ci se développent à la fois aux alentours de la métropole et le long de la façade atlantique ; et à l’intérieur même de la ville, proches des quartiers résidentiels. Chaque bidonville regroupe environ « 7000 foyers » et la concentration y est très élevée, « de 1000 habitants à l’hectare, avec une absence d’égouts, d’eau courante et d’électricité » (http://www.bladi.net/infos/article-2166.html); les conséquences que cela comporte au niveau des conditions d’hygiène et de qualité de vie, ainsi qu’au niveau des problèmes d’insécurité, sont alors aisément compréhensibles. Le bidonville est souvent une baraque à la stabilité précaire, construite avec des matériaux indigènes. L’éclairage se fait principalement « à la bougie et l’utilisation de la tôle et du bois prédomine pour les murs et les plafonds, tandis que le sol est un unique dallage en ciment ». Il est souvent jonché d’immondices en tout genre, d’objets de consommation détériorés. (http://www.bladi.net/infos/article-2166.html). L’éradication de ces bidonvilles est une volonté du gouvernement depuis quelques années, mais elle n’en est pas moins complexe et laborieuse à réaliser. En effet, l’Etat marocain est lui-même confronté à des soucis financiers et les populations pauvres des bidonvilles ont un faible pouvoir d’achat qui ne peut être que difficilement rehaussé à court terme, compte tenu du faible pourcentage d’éducation, de générations en générations, de ces cités.

Bidonvilles http://www.archipress.org/images/bm/zniqa.jpg

Prolifération de bidonvilles mdh.limoges.free.fr/ support/ifi/maroc.htm.

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L’exemple de Rabat

« C’est la vieille capitale du Maroc, une ville calme et distinguée, une zaouïa, un vrai jardin. » Ibn El-Khatib (Maroc, un pays de mémoire à découvrir et à partager, Collection Gallimard) L’une des villes impériales. Elle est la capitale officielle du Maroc depuis 1912. Salé, ancienne ville corsaire située seulement de l’autre côté de l’estuaire, est souvent incluse à Rabat, sous l’appellation commune « Rabat-Salé ». (Maroc, guides bleus Hachette Tourisme 2000). La ville nouvelle se développe en arrière de la médina et le long de l’océan en de belles avenues aérées, plantées de palmiers, où se regroupent de nombreuses ambassades étrangères. Il y a une grande unité de style, et l’architecture des années 30 y est harmonieuse et même policée. Résidence du Roi, la ville est particulièrement propre, soignée et paisible. Alors que le centre-ville regroupe les hauts fonctionnaires et la bourgeoisie, les milieux populaires s’étendent toujours plus nombreux dans des cités le long de la côte atlantique.

Le contraste des avenues et boulevards polices, héritage du protectorat français… Rabat, capitale officielle, reste relativement douce et paisible. Ses avenues et boulevards, se croisant sur des places publiques, et où s’érigent commerces et bureaux à l’accès facilité, sont des héritages directs du protectorat français. Façades d’un Maroc maîtrisé, bâti à l’heure moderne, elles sont le reflet d’une société de consommation qui en apparence se porterait bien. Elles donnent aux villes un goût d’Europe, avec ces plans organisés et réfléchis où règne une rigueur architecturale. Cependant nous avons vu déjà que cette société en pleine mutation, en plein développement, est en proie à des contradictions. Si de nombreux marocains s’estiment relativement heureux et reconnaissants de l’influence française sur le développement urbain, qui a permis d’insuffler un nouveau dynamisme au Maroc et de le lancer sur la scène internationale, on a pu voir que cette dernière ne s’est pas installée sans revers de médaille. En effet, si ces grandes lignes organisationnelles, en avenues et boulevards, ne sont pas néfastes et qu’elles permettent au contraire de préserver une trame urbaine ; leur attirante nouveauté a amené un sur développement démographique au sein de ces villes jusqu’à là relativement peu peuplées, ainsi qu’à une perte d’intérêt de la médina. Au départ des aménageurs français, de nombreux bidonvilles anarchiques, à l’expansion difficilement contrôlable, ont ainsi vu le jour ; abritant une population perdue et désœuvrée.

Plan de Rabat Axelle Buriez

Rapport Medina/Ville nouvelle Maroc, un pays et sa mémoire Guide Gallimard

Avenues à Rabat Passions d’ailleurs Maroc Larousse

Rabat www.legadoandalusi.es/.../ it3/eng/circuitos3.htm

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LE MOYEN ATLAS Pays des villes impériales, Fès et Meknès, construites sur des plaines encerclées de monts et de forêts. C’est le Maroc de l’intérieur, « son cœur traditionnel ». (Christophe Boisvieux et Jacqueline Wilmes, Maroc, Geo Partance) Le Moyen-Atlas reste l’une des montagnes les moins peuplées du Maroc, car elle fut longtemps presque uniquement utilisée par les nomades pour ses herbages. Les tribus berbères montagnardes du Moyen Atlas convoitèrent longtemps les villes de plaine de Fès et de Meknès, où la qualité du pâturage est meilleur. Ce n’est d’ailleurs qu’en 1921 que la puissance coloniale française parvint à prendre le contrôle de la région. (Maroc, Guides bleus Hachette). Ici, contrairement aux villes côtières, les villes nouvelles se développent de façon bien distincte des médinas ; il s’agissait d’une volonté de l’autorité française afin de tenter de préserver ces dernières. La connexion entre les deux se fait par des routes principales. L’exemple de Fès « Au coucher du soleil, Fès a fermé les portes de ses longs remparts crénelés. » Pierre Lotti (Maroc, un pays de mémoire à découvrir et à partager, Collection Gallimard) La plus ancienne des villes impériales, sa médina serait inchangée depuis le XIIème siècle. Métropole « religieuse, intellectuelle et artistique, noble et instruite » (elle abrite l’une des premières grandes universités), Fès est aussi tel un « immense village », (Passions d’ailleurs Maroc Larousse) où la production artisanale y ait particulièrement renommée (la tannerie notamment) ; celle-ci est alimentée par la population des montagnes et campagnes environnantes.

Rapport Medina/Ville nouvelle Maroc, un pays et sa mémoire Guide Gallimard

Plan de Fès Axelle Buriez

Paysage du Moyen Atlas, cœur du Maroc Maroc, Guide Bleus Hachette

Plan de Meknès Axelle Buriez

Rapport Medina/Ville nouvelle Maroc, un pays et sa mémoire Guide Gallimard

Maroc, guides bleus Hachette 2000

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La médina remise en cause…

La ville marocaine, en se développant « hors des murs », s’est « fragmentée ». (http://www.bladi.net/infos/article-2166.html) Bien qu’ici les médinas soient à l’écart des villes nouvelles, leur tissu traditionnel n’en reste pas moins inadapté à ce qui est devenu une « entité de production dans une économie moderne » (http://www.bladi.net/infos/article-2166.html), et leur régime autarcique ainsi que leurs moyens de productions vernaculaires sont remis en cause . La médina de Fès, classée au patrimoine mondial de l’Unesco dès 1976, et réputée pour avoir peu changé depuis le XIIème siècle, représente toujours « 60 pour cent des activités économiques de l’agglomération, avec 9600 unités d’activités, pour la plupart dans les secteurs de l’artisanat ». (http://www.notreville.net/medina-fes.asp) Au quartier des tanneurs, partout la vue plonge sur des peaux séchant au soleil et des séries de bassins de teinture rouge fauve. Cependant elle n’a pas non plus échappé, comme les autres médinas, à une dégradation progressive qui s’est faite selon trois phases : « L’abandon » (exode des populations vers la ville nouvelle), « la mauvaise restauration » (récupérée par une activité touristique qui déstructure son organisation) et « l’occupation inadéquate des lieux » (par les populations des campagnes venues s’installer dans une médina désertée ainsi que par les étrangers attirés par leur côté pittoresque), le tout « accentué par une dégradation des infrastructures et des équipements sociaux-éducatifs » (http://www.notreville.net/medina-fes.asp). En 1997, les premières tentatives actives d’intervention sur la médina voient le jour, en terme de « projet de réhabilitation » (http://www.notreville.net/medina-fes.asp). On entend par là « la réhabilitation du patrimoine bâti, l’amélioration de l’environnement urbain (assainissement, éclairage public..), le renforcement institutionnel, la réhabilitation de l’infrastructure viaire et l’amélioration de son accessibilité, ainsi que le développement communautaire » (http://www.notreville.net/medina-fes.asp) Des « mouvements associatifs de quartiers » (http://www.notreville.net/medina-fes.asp) apparaissent dès 1995. Leur but est d’impliquer directement les habitants envers leur milieu de vie quotidien, les rendant ainsi plus réceptifs et responsables. Ils permettent un « resserrement et une recomposition sociale (…) et favorisent aussi la participation des habitants dans le processus directionnel monolithique des dirigeants ». (http://www.notreville.net/medina-fes.asp)

Ces médinas sont le cœur traditionnel du Maroc. Elles ont su au fil de l’histoire établir et conserver leurs propres signes d’identité, et traduire les modes de vie séculaires du peuple marocain. Elles sont des morceaux de mémoire uniques qui permettent de lire et de saisir le passé. Mais leur sauvegarde, aujourd’hui menacée par une société de plus en plus rapide et avide de facilités, se confronte à des impératifs budgétaires.

Une médina séculaire L’art de vivre au Maroc

Paysage d’artisans à Fès Passions d’ailleurs, Maroc

Workshop de la CUPEUM Marrakech 2004 12

Pour dépasser cet écueil, les médinas doivent devenir de nouveau « productives en revalorisant leur fonction commerciale (interne et touristique) et se doter d’institutions éducatives et de formation professionnelle » (http://agora.qc.ca/mot.nsf/Dossiers/Medina). Car leur rôle peut rester capital au niveau de la revitalisation des arts et des traditions du Maroc. Cependant ceci doit être considéré parmi les difficultés économiques et sociales du pays, qui limitent la conservation de ce patrimoine au profit d’impératifs sociaux et humains considérés plus urgents. LE HAUT ATLAS Puissante barrière de montagnes dont les sommets culminent jusqu’à 4000 m, elle sépare le Maroc atlantique et méditerranéen, du Maroc saharien. Ses hauts plateaux sont encore parcourus par les troupeaux berbères et, dans ses vallées étroites et tourmentées, on aperçoit encore d’héroïques villages en terre isolés et éparpillés. Dans cette partie du Maroc, chaque cours d’eau est capté un à un pour irriguer les champs et les vergers. Au sein de cette région rude et montagnarde, Marrakech est, telle une oasis, « une porte dans un rempart », (Le Grand guide du Maroc, Gallimard). L’exemple de Marrakech « Les premiers groupes de palmiers, la Katoubia de plus en plus visible sur l’azur, une porte dans un rempart (… )» Camille Mauclair (Maroc, un pays de mémoire à découvrir et à partager, Collection Gallimard) Une oasis, une ville du désert. Traditionnelle derrière ses remparts ; voluptueuse dans ses jardins ; résolument moderne dans ses avenues stimulantes. Figurant parmi les villes impériales, elle a donné son nom au pays. L’océan atlantique est tout près mais les sables sahariens sont aussi juste de l’autre côté du Haut Atlas. Il y a une profusion de verdure au sein de la ville, de jardins crées et entretenus pour combattre l’aridité toujours prête à tout envahir dans cette région.

Les cimes du Haut Atlas

Villages montagnards Passions d’ailleurs, Maroc

Marrakech et son contexte Passions d’ailleurs, Maroc Collection Larousse

Maroc, guides bleus Hachette 2000

www.ricklireisen.ch/ Seiten

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Plan en étoile de la ville nouvelle, aux avenues larges au long desquelles furent élevés immeubles et maisons plus modernes. Il y a ici, comme à Fès et à Meknès, une séparation assez distincte entre la médina et la partie nouvelle.

La place Jeema el-Fna de Marrakech est un univers à elle seule. Ancienne place d’exécutions publiques, elle est un souk trépidant, un incessant défilé de couleurs, où se mêlent arracheurs de dents, charmeurs de serpents, conteurs et saltimbanques en tout genres. Marrakech l’impériale, oasis de verdure qualifiée de « perle du Sud », cœur battant sous ses couleurs rouges, est située à distance favorable des côtes atlantiques, des cimes enneigées du Haut Atlas et des premiers sables du Grand Sud. Elle attire un nombre important de touristes de passage, ainsi que de riches étrangers qui souhaitent y élire résidence

La problématique des nouveaux riads…

De part sa situation privilégiée d’oasis aux portes du désert, face aux montagnes enneigées du Haut Atlas, Marrakech est l’une des premières grandes villes touristiques marocaines.

Là encore, les palais sans confort moderne ont été, au début des années 70, peu à peu délaissés par la bourgeoisie de Marrakech au profit des quartiers de la ville nouvelle. D’abord récupérés par quelques idéalistes amoureux du Maroc, ils sont devenus depuis quelques années un intérêt grandissant pour de riches étrangers fascinés par le cachet traditionnel de ces villes anciennes, venus acheter ces palais ou riads de l’ancienne ville « au prix d’un trois-pièces dans leur pays » (http://www.nouvelobs.com/articles/p1963/a19991.html).

Des familles marocaines vivant depuis des générations dans des « derb » (« pâté de maisons »), voient leur vie quotidienne

Nouveau riad http://www.darachaiah.net

Plan de Marrakech Axelle Buriez

Rapport Medina/Ville nouvelle Maroc, un pays et sa mémoire Guide Gallimard

Nouveau riad http://www.darachaiah.net

www.africatravelling.net/. ../marrakech.htm Place Jeema el-Fna

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perturbée par l’extravagance et l’ambition de certains de ces étrangers qui rachètent une à une les « dars » (maison ouvrant sur une cour ») pour les détruire et ériger à leur place « des jardins, des piscines et d’immenses terrasses » (http://www.nouvelobs.com/articles/p1963/a19991.html).

A Marrakech, sur « 500 riads et dar déjà réhabilités, 380 appartiennent à des français. Et 180 parmi l’ensemble de ces demeures rénovées ont été aménagées en maisons d’hôtes par leurs propriétaires qui récupèrent par ce biais leur investissement. Trop souvent sans déclarer cette activité. Trop souvent en obtenant, via des bakchichs réclamés par la mafia des intermédiaires qui pullulent dans la médina, une autorisation de rénover qui masque en réalité une démolition, ou bien un passe-droit pour construire une piscine sur le toit (ce qui est strictement interdit) ou encore pour surélever l’habitation, alors que les maisons traditionnelles ne comportent qu’un étage. Première source de discorde: les terrasses. Ces lieux de conversation des femmes, d’un toit à l’autre, qui servent à étendre le linge et à prendre l’air à la fraîche, sont systématiquement transformés en salon-solarium par les Occidentaux. «Je ne supporte plus quand je monte sur ma terrasse de voir des hommes et des femmes nus en train de s’embrasser et de boire de l’alcool, confie Fatima, cadre commercial. Nous sommes heureux d’accueillir des étrangers qui réhabilitent des maisons qui sans eux tomberaient en ruines. Mais les autorités de ce pays doivent faire en sorte qu’ils ne se conduisent pas comme des envahisseurs.» » (http://www.nouvelobs.com/articles/p1963/a19991.html)

« De gros piliers de béton sont coulés dans le sol friable de la médina où les habitations sont depuis dix siècles faites en briques de terre cuite ou en pisé » (http://www.nouvelobs.com/articles/p1963/a19991.html), ce qui provoquent des affaissements de terrain et une atteinte directe sur les habitations alentours. Du coup, les habitants d’origine doivent composer avec des « voisins étrangers », venus s’installer à temps partiel ou à temps plein, qui ne sont pas toujours respectueux et conscients des coutumes de la société marocaine et de ses traditions architecturales, et ils se voient même alors parfois contraints de partir.

LE GRAND SUD Lors des grandes périodes de sécheresse, le désert avance et rend la vie plus difficile encore. Lors de violentes précipitations épisodiques, les oueds gonflent et menacent les habitats de terre. La présence de l’homme dans cet environnement (pour la plupart des nomades aux maigres troupeaux) ne peut donc être que saisonnière. Mais maintenant des villes (Ouarzazate et Agadir) se développent pour accueillir des touristes en mal d’aventures. La volonté du gouvernement marocain étant aussi de garder la main mise sur cette partie du Sahara, réclamée par le voisin algérien.

Image du Grand Sud Passions d’ailleurs, Maroc Larousse

Maroc, guides bleus Hachette 2000

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- Oued traçant une épaisse coulée de verdure encaissée entre d’immenses parois rouges, saturées de chaleur. - Vallées désertiques, de nombreux villages s’y accrochent à flancs de montagne, suivant les irrigations. - Villages fortifiés sur les sommets. Constructions isolées dans une nature austère, les Kasbahs et Ksours sont fragiles forteresses construites pour se protéger des attaques nomades. Elles « ponctuent le paysage de leurs tours d’angles, depuis leurs enceintes fortifiées » ; d’une couleur chaude se fondant tout à fait au décor âpre du désert, elles sont autant d’apparitions magiques aux portes du Sahara, où la route commence à disparaître sous le sable. (C. Boisvieux et J.Wilmes, Maroc, Collection GEO Partance).

L’exemple de Ouarzazate

Ville s’étendant au milieu d’un plateau désertique, en contraste avec les reliefs du Haut Atlas en arrière-plan. Créée à la fin des années 20 par une garnison française, elle est constituée d’une simple allée centrale et de ruelles. Aujourd’hui prisée par les touristes en quête d’aventures sahariennes, elle possède un aéroport international et connaît un développement touristique et artisanal croissant. Elle est l’étape obligée pour les excursions se dirigeant vers la « route des Kasbahs » et sert aussi de décors de cinéma à des films d’époques.

L’exemple d’Agadir

« Le jour était d’une beauté sans tache et tout son rayonnement semblait surgir de cette mer au bleu profond. » Joseph Kessel (Maroc, un pays de mémoire à découvrir et à partager, Collection Gallimard) Un tremblement de terre rase la ville en 1960. Reconstruite entièrement, elle se développe maintenant le long de la baie, en boulevards et avenues orthogonaux, au sein desquels on trouve des quartiers résidentiels. « Deuxième port sardinier du Maroc et aussi deuxième ville touristique », (Maroc, guides bleus Hachette Tourisme 2000) c’est aussi un centre balnéaire prisé, qui connaît un perpétuel ensoleillement et qui est à proximité adéquate du Grand Sud et de la Côte atlantique.

Organisation de l’habitat dans le Grand Sud Passions d’ailleurs, Maroc Collection Larousse

Une ville de tourisme au milieu du désert

Une station balnéaire Passions d’ailleurs, Maroc

Passions d’ailleurs, Maroc

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Son boulevard principal, Mohammed V, conduit directement à Essaouira, juste au sud de Casablanca. L’accélération d’une uniformisation du tourisme… Agadir est un exemple à part, puisque sa destruction quasi totale en 1960 a permis à son plan d’ensemble d’évoluer différemment dans son rapport médina/ville nouvelle. Ville moderne, des années 60 à aujourd’hui, elle semble s’être développée pour devenir la ville balnéaire par excellence. On y accède directement grâce à son aéroport international et une zone tampon, le long de la baie, regroupe clubs med, centres de thalassothérapie, golf et autres accueils touristiques. Elle est alors telle une escale occidentale sur le sol du Maroc, un lieu de consommation et d’appréciation, qui peut être vu comme déconnecté du reste du pays. Plus au sud, une ville telle que Ouarzazate, en dépit des conditions climatiques plus exigeantes, connaît également un boom dans son développement ; la région connaissant un intérêt croissant chez les touristes. Il reste à voir dans l’avenir si ces régions et ces villes sauront garder une âme propre, ancrée dans le sol marocain et ses traditions séculaires ; et ne deviendront pas une nouvelle extension européenne au cœur du Sahara, engendrant des conflits internes liés à une perte d’identité et d’appartenance. Ces problématiques touristiques, qui ont un impact direct sur la physionomie des villes et sur les modes de vie, seront étudiées dans un prochain chapitre. CONCLUSION Les villes de la côte méditerranéenne ont depuis toujours été influencées par l’horizon européen, face à elles. Tour à tour anciens repaires fortifiés, premières villes de commerces, villes de plaisirs pour de riches européens, elles connaissent aujourd’hui des problèmes de corruption et sont les premières

Plan d’Agadir Axelle Buriez

Agadir, ville reconstruite Maroc, un pays et sa mémoire Guide Gallimard

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concernées par le phénomène d’immigration clandestine qui touche le pays depuis une dizaine d’années. Ces villes, comme à de nombreux autres endroits au Maroc, ont tendance à s’étaler et abritent dans leurs périphéries, quartiers pauvres et habitats précaires, où s’entasse une population déracinée et sans réel avenir. Les villes de la côte atlantique marocaine, qui s’étend sur près de 1300 Kms, ont été depuis toujours prisées par les grandes puissances dirigeantes, grâce à cette ouverture géographique qui ont fait d’elles des points stratégiques. Cela leur valu un développement urbain très important sous le protectorat français, qui en fit une vitrine moderne. Aujourd’hui les médinas ont perdu leur pouvoir structurant et elles sont désormais englobées de toutes parts par l’expansion dévorante des villes nouvelles. On constate une croissance démographique importante et des villes qui s’étendent toujours plus, pour accueillir une ex population rurale fascinée par les mirages de leurs fastes. Malheureusement l’adaptation est plus difficile que les rêves, et ces gens se retrouvent pour la plupart rassemblés dans des bidonvilles et des zones informelles ; souvent dans de pauvres conditions. De nombreux problèmes sociaux en découlent, entre drogues, violences et insécurités. La réflexion, complexe, doit sans doute être portée sur l’action du protectorat français au Maroc, et de façon plus globale sur l’adaptation de sociétés séculaires à une uniformisation des systèmes sociétaires, basée sur un mode de production et de consommation à grande échelle. Durant des siècles, la médina locale, dans son tissu dense, assura l’organisation économique et sociale de la vie. Le Maroc, sans l’influence française qui apporta et appliqua sur son sol les modèles européens, aurait-il pu continuer à fonctionner en marge de la globalisation et des échanges commerciaux internationaux ? Partout dans le pays, on constate un effort de modernisation, d’adaptation à des temps nouveaux. Il était inévitable que des contradictions, des conflits apparaissent dans l’œuvre française, certes soucieuse de prendre en considération le contexte marocain de ses interventions, mais pas moins audacieuse et radicale. Le souci principal n’est sans doute pas une nostalgie possible, tant les villes marocaines sont désormais irrémédiablement influencées par l’héritage du protectorat, mais bien celui de trouver des solutions pour parvenir à contrôler la folle expansion urbaine d’une part, et contrer les menaces de détérioration qui pèsent sur les médinas d’autre part. Celles-ci doivent sans doute trouver, pour ne pas disparaître un jour ou se métamorphoser complètement, de nouvelles fonctions économiques vitales qui leur permettront en même temps d’affirmer et de sauvegarder leurs valeurs patrimoniales. Des réglementations sur les implantations d’étrangers richissimes, ainsi que des codifications touristiques, doivent venir en aide aux médinas, actuellement livrées aux besoins, envies et rêves de tous. D’ailleurs, on doit se demander jusqu’à quel point le tourisme, la fascination qu’inspire le Maroc depuis les temps coloniaux, sert le peuple marocain et son économie ? Et quand il les dessert ? Car on pourrait peut-être voir se développer à l’avenir, au sud notamment, des villes déconnectées du pays, tels les réceptacles des envies occidentales ; ni villes anciennes, ni villes protectorales, mais d’un genre nouveau ; posées sur un site auquel elles ne répondraient plus.

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BIBLIOGRAPHIE

Boisveux, Christophe et Wilmes, Jacqueline Maroc Collection GEO Partance

Saharoff, Philippe et Bouvet Sabine L’art de vivre au Maroc

Passions d’ailleurs Collection Larousse

Maroc, Embarquer, Découvrir sur place, En savoir plus, Cartes et plans Guides bleus Évasion, Collection Hachette Tourisme (2000).

Maroc Guides bleus, Collection Hachette Tourisme (2000).

Maroc, un pays et sa mémoire à découvrir et à partager Guide Gallimard

GEO Magazine, Numéro de Janvier 2001.

Le grand guide du Maroc, Collection Gallimard, Bibliothèque du voyageur, 2000.

Maroc Le guide du routard 1993/1994

Médinas: sauvegarde sélective de l’habitat traditionnel ?, La lettre du patrimoine mondial, no 9 décembre 1995

Sites internets

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