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    Lieu de concentration des populations, des activits et desrichesses, la ville est de fait un lieu de consommation nerg-tique. Plus de 76 % de la population franaise a un mode

    de vie urbain. La rpartition des consommations finales parsecteur dactivit prcise la question de lnergie en Franceet pointe les priorits dactions: pour lensemble de la Franceen 2006, le secteur rsidentiel et tertiaire consomme 43,6 %de lnergie finale, les transports 31,5 %, lindustrie 19,3 %,la sidrurgie 3,8 % et lagriculture 1,8 %. Les deux secteursles plus consommateurs se trouvent ainsi directement lisaux modes de vies, de travailler et dhabiter (Observatoirede lnergie, 2007).

    Face au dfi climatique et nergtique, la situation histo-rique de la France oriente sa politique nergtique. Sonrappel permettra de cerner la position nationale au regarddes exigences internationales. Il conviendra alors de prendrela mesure des enjeux et de prciser les termes de la probl-matique de la ville et de lnergie pour identifier les levierset moyens dactions.

    Politique nergtique et dfi climatique:la spcificit franaise

    La situation nergtique de la France dans le monde secaractrise par un taux de dpendance moyenne de 50 %port par deux extrmes: une dpendance ptrolire quasi-

    totale et une indpendance en lectricit, la France tantexportatrice en ce domaine. Cette situation provient de 30annes dapplication dune politique nergtique volonta-riste, ne du premier choc ptrolier doctobre 1973, visantla diversification des sources dapprovisionnement, ledveloppement de la production dlectricit nuclaire etrenouvelable (le bois nergie et lhydraulique) et surtoutles conomies dnergies (Leray T., de la Roncire B., 2003).Cette politique a permis de rduire fortement lintensitnergtique, cest--dire la consommation dnergie des

    secteurs finaux pour la production dune unit de richessenationale (exprime laide du PIB). Cette intensit permetdapprcier leffort en matire de matrise de lnergie (obser-

    vatoire de lnergie, 2007).

    volution de lintensit nergtique finale(en indice base 100 en 1990)

    Les missions de gaz effet de serre sont directement liesaux consommations nergtiques mais varient selon lasource dnergie. Le premier des trois derniers rapports duGIEC, Groupe dexperts intergouvernemental sur lvo-lution du climat1, remis Paris en fvrier 2007, montre

    Ville et nergieS pcificit et complexit de la question en France

    Anne Grenier

    1. Cr en 1988 par le WMO (Organisation mondiale de mtorolo-gie) et le PNUE (Programme des nations unies pour l'environnement),le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'volution du cli-mat) a pour mission d'valuer l'information scientifique, technique etsocio-conomique qui concerne le risque de changement climatiqueprovoqu par l'homme. Les publications du GIEC fournissent donc leconsensus scientifique sur le rchauffement climatique et font mondia-lement autorit.

    Les Annales de la recherche urbaine n103, 0180-930-X, 2007, pp.128-136 MEDAD, PUCA

    Source: Observatoire de lnergie, fvrier 2007

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    que les tempratures se sont ainsi leves en moyennedans le monde de 0,6 C et de 0,9 C en France durant leXXe sicle. Les concentrations de gaz effet de serre sontaujourdhui telles que les processus de rchauffement etdlvation du niveau de la mer sont engags pour plusdun millnaire. La valeur moyenne de cette augmenta-

    tion devrait tre comprise entre + 1,8 et + 4 C par rapport la priode 1980-1999. Le deuxime rapport rendu enavril 2007, Bruxelles, fait tat des impacts sur lenviron-nement naturel et humain et souligne lurgence de miseen place de mesures visant les limiter ou en attnuerles consquences. Le dernier rapport rendu en mai,

    Emissions de GES en France (y compris DOM/COM) en 2004, par secteur (hors UTCF ) ; lvolution depuis 1990 est note entre parenthses.Source : CITEPA/Inventaire SECTEN/Format PNLCC, fvrier 2006

    missions de CO2 des mnages, 16,4 tonnes/mnage

    La rpartition des missions de CO2 par mnage souligne les gisements dconomies potentielles.

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    Bangkok, value, quant lui, les mesures dattnuationenvisages.

    Selon ces experts, des incertitudes demeurent quant auxbornes des lvations de tempratures attendues, qui incitent considrer une fourchette plus large que la valeur moyenneprcdemment avance, soit une variation comprise entrede 1,1 6,4 C. La moiti de cette imprcision est imputable la sensibilit du climat une hausse aussi brutale des gaz

    effet de serre et aux diffrences de manifestation de cerchauffement. Lautre moiti dpend directement des effetsdes politiques et des efforts qui seront mis en place pourtendre vers un dveloppement plus respectueux de notreplante (Min., 2007).

    Pour lutter contre cette situation particulirement proc-cupante dans lhistoire de lhumanit, le protocole de Kyoto,sign par 111 pays, a fix le premier des objectifs quantifisjuridiquement contraignant aux pays industrialiss de rduc-tions de leurs missions de gaz effet de serre lhorizon2008-2012. Ces objectifs tiennent compte des diffrences dedveloppement conomique et social et des efforts pouvant

    tre durablement consentis par chacun. Si les pays europensdoivent conjointement rduire leurs missions de 8 %,compte tenu de sa situation industrielle et nergtique (unedes plus propres au monde), la France doit, elle, veiller la stabilisation de ses missions au niveau de lanne derfrence, 1990. Elle doit alors concentrer ses efforts sur lessecteurs les plus missifs qui sont les secteurs dits diffus delhabitat et du tertiaire dune part, et des transports dautrepart. Ces priorits imposent de mobiliser des acteurs trsdivers, relevant de la sphre publique et de la sphre prive,des collectivits, des entreprises et des usagers. Une partiede la complexit de la question de lnergie dans la villetient cette pluralit dacteurs concerns.

    Lengagement national datteindre le facteur 4

    Diffrents documents cadre ont t produits pour appliquerle protocole de Kyoto et engager lEurope et la France dansla lutte contre le rchauffement climatique et pour ledveloppement durable. Les premiers dentre eux sont lePlan National de Lutte contre le Changement ClimatiquePNLCC, prolong par Plan National dAmlioration delEfficacit Energtique PNAE tabli en lien avec lensemble

    des contrats de plans tats/Rgions. Ds 2002, sont mis enplace les moyens de suivre lefficacit de leur mise en uvre.

    Des mesures incitatives lourdes ont t prises en matirede transports (notamment la politique de dveloppement duTGV, des TCSP...) et de btiments ; lvaluation donne lieu un satisfecit, mais souligne la faiblesse des engagementspris Kyoto. Elle signale un paradoxe fortement inquitant:les deux volutions des secteur du transport (+ 18 % en 2000et + 23 %, en 2004) et du btiment (+ 9 % en 2000 et+ 22% en 2004)2 accusent un recul tel, que leurs volu-

    tions pnalisent elles seules la ralisation des objectifs fixs lhorizon de 2010! Si les gains globaux affichaient unebaisse sensible de 2 % en 2000, 2,7 % en 2001, elle nestque de 1,8 % en 2005!

    Beaucoup plus volontariste, la Stratgie Nationale deDveloppement Durable SNDD prcise que dans un soucide dveloppement durable et solidaire, pour limiter lerchauffement climatique quelques degrs, il est impratif

    de diviser les missions mondiales de gaz effet de serre pardeux dici 2050, ce qui, en tenant compte des diffrences dedveloppement, implique pour les pays industrialiss, unedivision par quatre ou par cinq (CIDD, 2003). Ceci revient se fixer une baisse moyenne de 3 % par an. Imposant simul-tanment une vision prospective et une urgence daction,le facteur 4 est lenjeu majeur de s politiques et desprogrammes dactions nationaux pour relever le dfi clima-tique, quils soient tourns vers linterne ou vers linterna-tional. Il impose un changement progressif mais profonddes comportements de tous les acteurs (des usagers auxdcideurs) et donc des modes de gouvernance.

    La SNDD souligne limportance de la gestion des terri-toires, impose la prise en compte du dveloppement durabledans les secteurs de lnergie, des transports et de lagricultureainsi que la prvention des risques, des pollutions et autresatteintes la sant et lenvironnement. Ses objectifs sontprciss dans le Plan Climat 2004-2012 actualis en 2006(MIES, 2004 et 2006). Rsolument oprationnel, celui-cisouligne que sans modification profonde des comportements,les missions franaises excderaient en 2010 de 10 % cellesde 1990. Il vise donc mobiliser par la communication etlinformation tous les citoyens, dcideurs, acteurs, quels quilssoient, et faire voluer les modes de vies, de faire et depenser. Pour la premire fois dans son actualisation de 2006il est prconis danticiper dj les consquences dun rchauf-fement climatique, notamment en terme de confort dt,ce qui devrait faire lobjet dun plan dactions spcifiques.

    Cette politique en faveur du dveloppement durable etpour la lutte contre les pollutions de lair aux deux chellesdes pollutions de proximit et plantaires des gaz effetsde serre avait dj pntr la gestion des territoires et celledes villes en sinscrivant dans le droit. Le dveloppementdurable simpose ainsi dans les lois sur lair et sur lutili-sation rationnelle de lnergie en 1996 dite LAURE, la loidorientation et damnagement durable du territoire dejuin 1999 (Loi Voynet) complte par la loi sur le renfor-

    cement des cooprations intercommunales (Loi Chev-nement), un an plus tard par la loi Solidarit etRenouvellement Urbain en 2000 amende par la loi Habitatet Urbanisme, en 2003. Le facteur 4 et le dfi climatique,eux, sont inscrits dans la Loi de programmation fixant lesobjectifs de la politique nergtique, dite loi POPE n 2005-

    2. Source CITEPA, Inventaire UNFCCC dcembre 2004 (mise jour07/12/2004)

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    781 du 13 juillet 2005. Celle-ci retient 4 enjeux fonda-mentaux: contribuer lindpendance nergtique nationaleet garantir la scurit dapprovisionnement, assurer un prixcomptitif de lnergie, prserver la sant humaine et lenvi-ronnement, en particulier en luttant contre leffet de serre,garantir la cohsion sociale et territoriale en assurant laccsde tous lnergie. Mieux, elle se fixe trois objectifsquantifis : matriser les consommations et rduire lintensit

    nergtique de 2 % par an dici 2015 puis de 2,5% jusquen2030, satisfaire 10 % de nos besoins partir de sources renou-velables et notamment porter la production intrieure dlec-tricit dorigine renouvelable 21 % lhorizon 2010 etaugmenter la production de chaleur renouvelable de 50 %,et diminuer lmission de gaz effet de serre de 3 % par andans la perspective du facteur 4 lhorizon 2050.

    Le rapport du groupe de travail Division par quatre desmissions de gaz effet de serre de la France lhorizon2050 sous la prsidence de Christian de Boissieu, rendu enaot 20063, insiste sur la ncessit dengager des actions,ds aujourdhui, sans parier sur des innovations technolo-

    giques miraculeuses qui arriveraient trop tard car les gazmis dans latmosphre saccumulent rgulirement etconnaissent une inertie sculaire (de Boissieu, 2006). Lesefforts les plus importants sont donc engager au plus vite.Les experts du GIEC prcisent que pour que les concentra-tions de 2050 galent celles de 1990, il est indispensableque les missions connaissent leurs pics avant 2020 et queles courbes sinflchissent clairement cet horizon. Cejalon sur le chemin du facteur 4 est repris dans la dcisiondu Conseil de lUnion Europenne qui retient commeobjectifs une rduction de 3 fois 20 % dici 2020 : 20 % derduction des missions de gaz effet de serre par rapport lanne de rfrence, 20 % de gain en efficacit nerg-tique par rapport la situation courante, et une couvertureobligatoire de 20 % des consommations primaires par lesnergies renouvelables. Ces objectifs sont trs ambitieux etncessitent un investissement soutenu dans un temps long.

    Quattendre de la technologie pour le Facteur 4?

    Lefficacit des actions ncessaires pour stabiliser le climatrequiert une coordination internationale, relaye aux niveauxinfrieurs jusquaux comportements individuels. Cette action

    doit tre entreprise dans lurgence et dans une viseprospective, sinscrivant dans une dure sans prcdent.Selon les experts du GIEC, il faudra a minima les efforts dedeux gnrations pour contenir les effets du changementclimatique et tre prt vivre avec. Il est donc invitableque le milieu urbain se mobilise de manire spcifique.

    Partant dune valuation de diffrents scnarios envisa-geables pour atteindre lobjectif, le rapport du groupeFacteur 4 reformule la question du dfi climatique en termestratgique (de Boissieu, 2006). Du ct de loffre nerg-

    tique, il retient quaucune nergie ne pourra satisfaire seulela diversit des besoins et que les rgles du march de loffreet de la demande, le vecteur prix, ne suffiront pas garantirle mix nergtique indispensable. Une politique incitativedoit tre dveloppe.

    Du ct de la demande, les efforts technologiques dansles secteurs des btiments et des transports vont dans le sensdune diminution des consommations unitaires: augmen-

    tation des performances des moteurs, renforcement desnormes thermiques4, performances des quipements dechauffage, des isolants....

    Mais ces gains sont sans cesse contrebalancs par lademande croissante dusage et de confort: augmentationdes distances et des vitesses de dplacements, quipementsdes vhicules et des btiments en appareils lectriques etlectroniques, exigences nouvelles de confort dt satisfaitpar des dispositifs de climatisation.... Il faut donc fairebasculer les comportements dune logique:

    [croissance du plaisir de vivre, attente de confort]ncessite[croissance du besoin de chaleur, dlectricit, de

    transport] une logique plus durable o [croissance du plaisir devivre, attente de confort] serait compatible avec [efficacitnergtique + matrise du besoin de chaleur, dlectricit,de transport]

    Dans le secteur des btiments au vu des trois postes lesplus consommateurs (chauffage, eau chaude et lectricit),il convient de limiter la demande (notamment par liso-lation), optimiser la performance des quipements et utiliserdes nergies renouvelables. La moyenne des consomma-tions nergtiques, en 2000, dans les btiments neufs taitde 250 kWh/m2/an.

    Avec les technologies aujourdhui prsentes sur lemarch, les expriences montrent quil serait possibledabaisser cette moyenne 30 kWh/m 2/an dans laconstruction neuve et de 50 kWh/m2/an dans lancien, pardes mesures defficacit nergtiques combinant isolation,quipements performants et nergies renouvelables. Selonles usages, selon les typologies de btiments, un panel desolutions peut tre mobilis. Chauffe-eau solaire, pole,insert au bois sont des apports possibles tout logement.Les nergies distribues par rseaux de type gothermie,

    3. Le groupe de travail Division par quatre des missions de gaz effetde serre de la France lhorizon 2050, dit groupe Facteur 4 a t cr linitiative du Ministre de lIndustrie et du Ministre de lEcologie etdu Dveloppement Durable, lors du sminaire du gouvernement surle dveloppement durable, le 23 mars 2005. Pluridisciplinaire, ilregroupe une quarantaine dexperts de haut niveau chargs didentifierles trajectoires ncessaires atteindre lobjectif du facteur 4. Les sec-teurs de lnergie (production et utilisation), de lagriculture, de lhabi-tat et des transports, tous troitement lis lorganisation sociale et auxmodes de vies actuels sont placs au centre de la problmatique.

    4. La RT 2005 impose un saut de performance nergtique de -15 %dans les btiments. Ce mme saut devrait tre reconduit tous les 5 ans.

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    biogaz, chaleur fatale5, sont, quant elles, particulirementadaptes aux btiments existant en tissus denses pour lesusages thermiques de lnergie (Herant, 2006 a et b). Denombreuses expriences ont dmontr lintrt du solairethermique dans lhtellerie, les tablissements de sant etles immeubles collectifs, grands consommateurs deauchaude sanitaire et de chauffage. Selon les cas, 35 60 %des besoins ont pu tre satisfaits par lnergie renouvelablepermettant, dans le collectif, datteindre une rduction descharges locatives de 20 40 % en rhabilitation densembleHLM. Lintrt environnemental rejoint, ici, les intrtsconomiques des bailleurs et sociaux des habitants. Avec lephotovoltaque ou le petit olien, le btiment nest plussimplement un lieu de consommation nergtique. Ildevient un poste de production dcentralis. En ouvrant lemarch jusque l ultra centralis de lnergie et en fixant letarif de rachat de lnergie produite, la loi POPE a rvolu-

    tionn le paysage de lnergie en France.Lenjeu ambitieux du facteur 4 pourrait donc tre atteint

    pour autant que ces techniques soient trs largement diffuseset appliques, non pas seulement au parc restreint de laconstruction neuve, mais lensemble du parc de btiments,80 % approximativement de la ville de 2050 tant dj difis.

    Dans le secteur des transports, la problmatique est biendiffrente. Les rapports dexperts convergent pour affirmerquau mieux, et en acceptant des surcots importants pourla socit (de lordre de 0,31 3,64 euros aux 100 km

    parcourus par vhicule, et de lordre de 200 2000 eurospour le cot de la tonne de CO2 vite), les technologiesaujourdhui prvisibles pour substituer les hydrocarburespar dautres carburants, optimiser les moteurs et les vhicules,ne pourront que permettre datteindre un facteur 1 lchance. Ce scnario trs optimiste parie galement surune acclration de la pntration des nouvelles techno-logies dans le parc de vhicules roulants et un dvelop-pement des filires (notamment de diffusion des nouveauxcarburants) dans un contexte global de croissance cono-mique et de stabilit gopolitique mondiale. Tous concluentquil faut matriser les besoins de mobilit donc agir sur lesdterminants de cette mobilit et proposer paralllementune offre alternative aux modes individuels, propre etconome pour les marchandises comme pour les voyageurs(WCBS, 2004, de Boissieu 2006). Les leviers dactions sontdonc les modes et les volumes transports mais aussi les

    motifs, les longueurs, les vitesses, les enchanements dedplacements.

    5. Il sagit de chaleur contenue intrinsquement dans la matire oudgage inluctablement par un processus et qui peut tre rcupreet utilise des fins utiles. A titre dexemple, en 2005, la France pro-duisait plus 25 millions de t/an de dchets mnagers dont 40 %, suite des retards dans la mise en place du recyclage, taient encore traitspar incinration. Sans rcupration, cette nergie est perdue dans len-vironnement (dans les dcharges) ou rejete dans lair.

    Production dlectricit par des capteurs installs en toiture dans les immeubles de lOPHLM de Montreuil. Llectricit produite est relie au rseauEDF. Financement de lopration: Union Europenne 35% Rgion Ile de France 20%, ADEME 15%, OPHLM 15%, Dpartement Seine-Saint-Denis10%, Greenpeace 5%.

    ADEME/OlivierSbart

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    Limportance de lurbanisme dans la sobritnergtique

    La localisation des activits justifie les distances parcourirpour la satisfaction des besoins urbains et les chanes dedplacement. De nombreux travaux de recherche ont pumettre en vidence des liens entre consommation nerg-tique lie aux transports et densit dhabitation, soulignant

    les performances nergtiques diffrencies des modlesurbains nord amricain, europen et asiatique (Newmann,Kenworthy, 1989-1991).

    A des chelles plus fines, Vincent Fouchier a confirmce lien en regardant la densit habitat/emplois en Ile-de-France (Fouchier, 1998). Les travaux de Dominique Fleurysur la scurit routire ont permis de mettre en videnceun lien entre vitesse pratique en automobile et densitapparente ou subjective, soulignant limportance de laperception sur les comportements, la consommation nerg-tique tant corrle aux vitesses pratiques et la fluidit dela conduite (Fleury, 1998). Le traitement de lespace publica galement un rle dcisif dans les choix modaux. Unenvironnement inscure, agressif, routier dissuade lusagedes modes doux (pitons, deux-roues non motoriss...). Lesentiment de scurit nest pas le reflet des statistiques: St-Quentin-en-Yvelines, par exemple, o des quartiers entiersont t conus sur le principe scuritaire de sgrgation desmodes, il a t montr que le sentiment dinscurit, malgrles itinraires pitonniers et cyclables ddis, tait beaucoupplus fort qu Rennes alors que le taux daccidents taitmoindre (Grenier, 1999).

    Au-del du dessin de lespace public, le tissu urbain dansses dimensions, sa porosit, ses jonctions bti/espace publicest tout aussi dterminant du choix modal et de la lisibilit

    des rseaux de transport en commun, pitonniers, cyclables(CODRA, 1994).

    Les liens sont connus entre volumtries bties, traitementde lespace public et micro climat local interagissant surlenveloppe des btiments, donc leur performancethermique.

    Dautant plus que la compacit limite les dperditionset la densit la valorisation de certaines sources comme lesrseaux de chaleur. Cest dire limportance du dessin durba-nisme dans la gestion nergtique de la ville.

    Par son suivi des consommations nergtiques desbtiments, lADEME a pu mettre en vidence une surcon-sommation importante de lhabitat individuel par rapport lhabitat collectif, comme il a pu tre mis en vidence desperformances nergtiques diffrencies selon les modesde transports fortement dfavorables aux modes individuelsmotoriss (Grenier, 2006). Il apparat ainsi quune maisonindividuelle, indpendamment de sa localisation, consomme

    10 20 % dnergie primaire en plus par m2 quun logementcollectif. Soulignons toutefois la grande disparit de cesvaleurs selon le type de bti, le type de chauffage (collectifou individuel), et le type dnergie utilise (de lordre de30 50 % de plus en cas de chauffage lectrique)....

    La volont de limiter le nombre et la distance des dpla-cements et la dpendance de la performance nergtique lenvironnement du btiment, conduisent retenir unepriorit fondamentale pour lurbanisme: contenir lta-lement urbain pour optimiser les performances des formesurbaines. Le groupe Facteur 4 propose six leviers daction:

    orienter de faon volontariste la localisation des

    activits, des quipements et des zones rsidentielles pourlimiter ltalement urbain, favoriser les oprations de renouvellement urbain, la

    rhabilitation des friches urbaines, la valorisation du patri-moine,

    sensibiliser les dcideurs et le grand public en lesinformant clairement sur les inconvnients de ltalementurbain existant (cot des dplacements, temps de transport,sgrgation spatiale, etc.),

    limiter limplantation des grands projets commerciaux,industriels et de loisirs sur des zones priphriques et/ounon desservies efficacement par les transports en commun,

    limiter la dispersion des activits et des lieux dersidence, maintenir les coles de manire quilibre sur leterritoire au lieu de concentrer les tablissements sur la villecentre,

    rendre la ville agrable et attirante sous un climat futurplus chaud, en crant des espaces ouverts adapts la vie enextrieur. (de Boissieu, 2006).

    Quels outils pour construire une ville conome ennergie?

    Le concept de ville durable dvelopp au niveau europendepuis 19906 est inscrit dans la loi SRU. La ville durableest synonyme de ville dense, de courtes distances, de luttecontre ltalement urbain, elle garantit mixit sociale etdiversit fonctionnelle, respecte les cosystmes et lesressources naturelles, culturelles et patrimoniales. Elle se

    6. Livre vert sur lenvironnement urbain: communication de laCommission au Conseil et au Parlement, COM(90) 218, juin 1990

    CERENpourlADEME

    Surconsommation dnergie primaire des maisons individuelles compa-re avec celle des logements collectifs selon la priode de construction

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    dveloppe prioritairement en relation avec des rseaux detransports en commun (Grenier, 2004). Pour concrtiser lemodle de ville durable quelle retranscrit, la loi SRU arform les documents durbanisme. Pour autant, la probl-matique nergtique ny est pas explicitement voque. Lesexperts du Facteur 4 insistent sur lurgence intgrer lesdimensions nergtique et climatique dans tous les documentset politiques durbanisme de planification (SCoT, PLU,

    PLH,...) et dans tous les documents et politiques durbanismeoprationnel (zones dactivits, opration de renouvellementurbain) (De Boissieu, 2006; MIES, 2004 et 2006). Mais laproblmatique de lnergie dans la ville dborde le champurbanistique pour concerner bon nombre de politiquesurbaines: gestion du patrimoine, flottes des collectivits,valorisation des dchets, clairage public.... Dans ce seuldomaine, les conomies ralisables sont importantes. A Lille,linscription du dveloppement durable dans le march degestion globale de lclairage public a permis une rductiondes consommations dlectricit de 30 % la premire annedapplication, visant 42 % au terme du contrat, sans aucune

    rduction de service, avec une utilisation de sources renou-velables (petites hydrauliques) pour 27 % de lnergieconsomme et une rduction considrable de la pollutionlumineuse (clairer juste, ni trop ni trop peu).

    Pour favoriser lengagement des collectivits locales enfaveur du dveloppement durable, la SNDD se fait chodes recommandations issues du Sommet de la Terre (Rio1992) et dfinit les Agendas 21 locaux comme des engage-ments pris au niveau local, le plus souvent par une collec-tivit territoriale, pour intgrer le dveloppement durable(CIDD, 2003). Ltablissement des Agendas 21 est dynamispar des appels projets.

    Le plan Climat est plus directif et prconise llabo-ration de Plans Climats Territoriaux, invitant les collecti-vits mettre en uvre un programme dactions visant amliorer lefficacit nergtique et rduire les missionsde gaz effet de serre (MIES, 2004). Ces plans doiventpermettre de connatre les missions dun territoire et leursvolutions, de fixer des objectifs de rduction quantifis etmettre en uvre des mesures concrtes. Ils peuvent trelabors plusieurs chelles, rgion, dpartement, inter-communalit ou commune, et sinsrer dans les documentscontractuels ou de planification urbaine.

    Pourquoi la ville sobre tarde-t-elle ?

    Aux termes du raisonnement, il apparat que le dfi clima-tique nest plus un mythe mais une urgence. Il impose despolitiques de matrise des consommations nergtiques etde substitution des hydrocarbures et autres nergiespolluantes et non renouvelables. Bonne lve au niveaumondial, la France est tenue raliser ses engagements enagissant sur des secteurs dactivits par nature diffus et troi-

    tement lis aux comportements individuels dans une socitmoderne. Elle se heurte alors une divergence de probl-matiques majeures.

    Dans le secteur des btiments, la technologie existe etdoit tre massivement diffuse dans la construction neuvemais surtout dans les btiments existants.

    Dans le secteur des transports, la technologie tarde, lamatrise de la demande passe dune part par la modification

    des comportements individuels, des modes de vies, et dautrepart par lamnagement urbain. Les connaissancespermettent aujourdhui de pointer les leviers sur lesquelsagir et dorienter rflexions et actions. Les pouvoirs publicsadaptent les outils de la gestion urbaine pour inciter difierle modle de ville durable quils sappliquent prciser.Pour autant, la ville durable tarde sortir de terre autrementque par petits bouts. La tche urbaine stale considra-blement7, la mobilit continue sa progression...

    Ce modle de ville durable nest-il pas avant toutpolitique? Correspond-il aux volutions et aux attentes dela socit? A-t-il une consistance formelle? Les dbats sur

    la forme urbaine, opposant ville dense et tale, polycen-trique, centre, ou linaire noublient-ils pas cette ralitque la ville de 2050 est pour lessentiel dj sous nos pieds?Comment saccommoder des grands mouvements de fondtelle la mtropolisation qui sobserve partout? Le dessinurbain est-il un outil suffisant au regard de la puissance desmcanismes conomiques pesant sur le march foncier etimmobilier?

    Comment arbitrer entre aspirations individuelles enmatire dhabitat et de transport qui plbiscitent les modesindividuels (le pavillon et lautomobile) avec les impratifssocitaux de rationalisation et de performance nergtiquesqui impliquent les modes collectifs de limmeuble et dutransport en commun?...

    A lchelle du quartier, les expriences en France, sontnombreuses mais mconnues au contraire des quartiersemblmatiques de Fribourg ou de Bedzed8. La ville durabledoit-elle se voir? Les retours dexprience de lADEMEproposent plutt une ingnierie sociale mettre en placedans tout territoire qui le souhaite. Lvaluation environne-mentale, la dimension prospective requises rforment lespratiques de projets et convoquent de nouveaux acteurs.Les surcots dinvestissements, les conomies dans la durede vie, militent pour une rflexion en cot global...

    7. Entre les deux derniers recensements nationaux, la population aaugment de 3 %, la tche urbaine de 10 % au dtriment despacesnaturels (INSEE Premire).

    8. Soutenue par lADEME, lApproche Environnementale delUrbanisme(r) quelle a dveloppe facilite lintgration des enjeuxenvironnementaux tout projet durbanisme oprationnel ou deplanification. Intgrant la gestion de lnergie, des dchets, de leauet de lassainissement, la matrise des dplacements et des nuisancessonores, cette dmarche branle les pratiques et impose uneapproche systmique.

  • 8/7/2019 Ville et nergie

    8/8

    les annales de la recherche urbaine n103 septembre 2007136

    Comment gnraliser une nouvelleattitude en matire dnergie ?

    Les leviers des formes urbaines, de lamnagement delespace public, de larchitecture, de la codification urbanis-tique ne rpondront jamais lensemble des questionssouleves par la problmatique de la ville et de lnergie.

    Mais le surenchrissement structurel du cot de lnergieporte aussi un dfi social: ce sont les mnages les plusfragiles conomiquement, ceux qui sont contraints dallerchercher un foncier peu cher, loin des villes, qui nontpas les moyens dacqurir les voitures les plus performantes,qui souffrent dj de lenchrissement de lnergie. Ledfi environnemental rejoint le dfi social.

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    AANNNNEE GGRREENNIIEERR est architecte urbaniste. Elleanime le secteur de lurbanisme lADEME,Agence de lEnvironnement et de la Matrisede lEnergie, au sein du DpartementBtiment et Urbanisme de la Direction AirBruit Efficacit Energtique. Ses missionsvisent par lamlioration des connaissances, lasensibilisation, linformation ou le conseil optimiser lintgration des proccupationsenvironnementales et nergtiques dans

    lurbanisme. A ce titre, elle est secrtaire duGroupe 1 Mobilit Territoire et dvelop-pement durable du PREDIT 3 et a pilot oucontribu diffrents guides techniques.Citons titre dexemple les guides ScoT etdplacements. Problmatiques et mthodes

    codition ADEME-CERTU, Russir un projetdurbanisme durable. Mthode en 100 fiches

    pour une approche environnementale de lurba-

    nisme AEU(r), codition ADEME-Le Moniteur.

    [email protected]