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Duel judiciaire (avant 1547) Le jugement de Dieu au Haut Moyen Âge Le duel judiciaire (en) est une des trois formes du « Jugement de Dieu », procédure qui comprend : le serment purgatoire : l'accusé prend Dieu à témoin de la justesse de ses paroles. Il prête alors serment sur la Bible ou sur des reliques de saints, en présence de co-jureurs (qui témoignent de sa bonne foi). Jurer devant Dieu permettait de se « purger » de l'accusation. Être parjure était puni de l'amputation de la main droite sous Charlemagne . Ce type de preuve précédait l'ordalie dans la procédure et était souvent suffisant 1 . l’ordalie : test de la culpabilité ou de l’innocence d’une seule personne sans combat. Les institutions religieuses s'y opposent [réf. nécessaire] car pour elles, on ne doit pas soumettre les hommes au jugement divin. Cependant, ne pouvant les empêcher, elles les tolèrent jusqu'à leur interdiction par Saint Louis en 1258 . le duel judiciaire (type d'ordalie bilatérale ) : cette dernière forme était une sorte de procès dans lequel la décision finale était fixée par l’issue du combat entre les deux adversaires. Pour que le résultat fût à chaque fois indiscutable, il fallait qu’il existât des règles préalables, connues et acceptées de tous, et donc une autorité pour les énoncer, les légaliser et les faire appliquer. Les premiers textes connus réglementant cette pratique datent du début du VI e siècle, époque des grandes invasions : ce sont la loi Gombette (501) et la loi des Francs Ripuaires , toutes deux d’origine germanique. Cette pratique se répandit lors du Haut Moyen Âge . Avant ces codes, seuls les peuples germaniques d'Europe du Nord disposaient de la compensation du Wergild afin d'éviter les tueries. Les règles formalisant le combat concernent : ses limites, définies à l’intérieur d’un champ clos ; son officialisation, par la désignation comme président d’un personnage important, appelé le maréchal de camp , assisté de juges et de hérauts ; son caractère solennel, par un cérémonial et des pratiques religieuses ; son impartialité, par le contrôle des deux adversaires et la désignation équitable des places de chacun d’eux ; les armes permises selon l’appartenance sociale des combattants ;

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Duel judiciaire (avant 1547)

Le jugement de Dieu au Haut Moyen Âge

Le duel judiciaire (en) est une des trois formes du « Jugement de Dieu », procédure qui comprend :

le serment purgatoire : l'accusé prend Dieu à témoin de la justesse de ses paroles. Il prête alors serment sur la Bible ou sur des reliques de saints, en présence de co-jureurs (qui témoignent de sa bonne foi). Jurer devant Dieu permettait de se « purger » de l'accusation. Être parjure était puni de l'amputation de la main droite sous Charlemagne. Ce type de preuve précédait l'ordalie dans la procédure et était souvent suffisant1.

l’ordalie : test de la culpabilité ou de l’innocence d’une seule personne sans combat. Les institutions religieuses s'y opposent[réf. nécessaire] car pour elles, on ne doit pas soumettre les hommes au jugement divin. Cependant, ne pouvant les empêcher, elles les tolèrent jusqu'à leur interdiction par Saint Louis en 1258.

le duel judiciaire (type d'ordalie bilatérale) : cette dernière forme était une sorte de procès dans lequel la décision finale était fixée par l’issue du combat entre les deux adversaires. Pour que le résultat fût à chaque fois indiscutable, il fallait qu’il existât des règles préalables, connues et acceptées de tous, et donc une autorité pour les énoncer, les légaliser et les faire appliquer.

Les premiers textes connus réglementant cette pratique datent du début du VIe siècle, époque des grandes invasions : ce sont la loi Gombette (501) et la loi des Francs Ripuaires, toutes deux d’origine germanique. Cette pratique se répandit lors du Haut Moyen Âge. Avant ces codes, seuls les peuples germaniques d'Europe du Nord disposaient de la compensation du Wergild afin d'éviter les tueries.

Les règles formalisant le combat concernent :

ses limites, définies à l’intérieur d’un champ clos ; son officialisation, par la désignation comme président d’un personnage important, appelé le

maréchal de camp, assisté de juges et de hérauts ; son caractère solennel, par un cérémonial et des pratiques religieuses ; son impartialité, par le contrôle des deux adversaires et la désignation équitable des places de chacun

d’eux ; les armes permises selon l’appartenance sociale des combattants ; la désignation d’un combattant substitut dans le cas où une des personnes concernées ne pouvait se

battre (femme, enfant ou ecclésiastique).

Charlemagne reconnut toujours la preuve par combat, mais recommandait à ses lieutenants de faire tous leurs efforts pour résoudre autrement les conflits privés relevant de leur autorité, afin d’enrayer ces effusions de sang, ce qui montre que ce type de combat était alors une procédure trop fréquente[réf. nécessaire].

Le concile de Valence le condamna en 855, proclamant : « le survivant du duel sera considéré comme un meurtrier, le perdant comme un suicidé, et sera donc privé de sépulture[réf. nécessaire] »2.

L’issue d’un tel combat, autorisé par la loi et consacré par des cérémonies religieuses, était regardée comme un jugement de Dieu. Le vainqueur était reconnu automatiquement innocent, et le vaincu, désigné indubitablement coupable par Dieu lui-même, devait donc subir la peine correspondant au crime commis. Seul le roi avait le droit de grâce.

La réglementation judiciaire du duel au Bas Moyen Âge

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"Le soleil doit être partagé également entre eux."Version de Dresde du Miroir des Saxons entre 1295 et 1363.

Ces pratiques perdurèrent jusqu'au règne de Philippe le Bel, car l'aristocratie y trouvait le moyen de démontrer son habileté aux armes.

En 1212, la comtesse Blanche de Navarre, régente de Champagne, fait édicter les règles du duel judiciaire par les Grands Jours de Troyes devant ses trente quatre barons. En 1235, le Miroir des Saxons codifie très précisément le duel comme un prolongement de la légitime défense. En 1258, un édit de Saint Louis interdit l'ordalie et ordonne le duel judiciaire, tout en préconisant les preuves écrites et orales, notamment l'enquête de témoins et le serment purgatoire. Saint Louis et son petit-fils Philippe le Bel fixèrent des limitations visant à réduire l'usage du duel. À partir de cette époque, le duel judiciaire ne fut plus admis lorsque la culpabilité ou l’innocence de l’accusé était manifeste, lorsque les voies ordinaires de la justice permettaient l’établissement de la vérité, ou encore en temps de guerre. Dès lors, il ne fut plus question de jugement de Dieu, mais uniquement de duels judiciaires. À Paris, ceux-ci étaient organisés dans l'île Notre-Dame 3 .

Les règlements de Philippe le Bel de 1306 sur le duel judiciaire déclaraient à l’égard du vaincu :

« Si le vaincu est tué, son corps sera livré au maréchal du camp, jusqu’à ce que le roi ait déclaré s’il veut lui pardonner ou en faire justice, c’est-à-dire le faire attacher au gibet par les pieds.Si le vaincu est vivant, il sera désarmé et dépouillé de ses vêtements, tout son harnois sera jeté çà et là par le champ, et il restera couché à terre jusqu’à ce que le roi ait pareillement déclaré s’il veut lui pardonner ou qu’il en soit fait justice.Au surplus tous ses biens seront confisqués au profit du roi, après que le vainqueur aura été préalablement payé de ses frais et dommages. »

Tournoi entre Bretagne et Anjoupour la succession de Bretagne.

Au Moyen Âge, le duel dit le droit, y compris entre états.À partir de la Renaissance, il est dicté par un code d'honneur.

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Duel judiciaire sur le marché aux vins d'Augsbourg en 1409 4 . L'exploit était vu comme une preuve de la Providence.

Le déclin du duel judiciaire après la guerre de Cent Ans

Avant la guerre de Cent Ans, les conflits féodaux avaient un caractère tout personnel. Durant celle-ci, l'ampleur des armées, le caractère civil d'une guerre qui impliquait la bourgeoisie, son commerce et ses finances, et également la naissance d'un sentiment national interdirent de réduire le sort des batailles au jeu privé des duels. Ce fut la raison invoquée5 par Philippe de Valois pour refuser le cartel proposé en août 1340 à Tournai par Édouard d'Angleterre pour trancher leur conflit dynastique. L'habitude était en effet de considérer les adversaires (et les alliés) sur le champ de bataille comme autant de duels possibles. Ainsi vit on le maréchal de Clermont et Jean Chandos se défier le 18 septembre 1356, veille de la bataille de Poitiers, parce qu'ils portaient chacun dans leurs armes respectives la même Dame d'azur au soleil rayonnant6. Le maréchal perdit la vie le lendemain en combat singulier au milieu du massacre. Inversement, le duc de Bourgogne se vit interdire7 par le roi de répondre au cartel que lui avait adressé oralement à Troyes en août 1380 le Comte de Buckingham 8 . Cette occasion vit, par exemple, les impératifs logistiques primer sur l'honneur et le défi lancé par l'écuyer Gauvain Micaille, relevé par le maréchal FitzWalter, fut tout simplement reporté sine die par Buckingham qui ne pouvait attendre9.

L’infaillibilité du jugement de Dieu ne fut réellement entamée que lors de l’affaire opposant Jean de Carrouges et Jacques Legris. La dame de Carrouges, Marguerite de Thibouville, accusa Jacques Legris, gentilhomme du comte d'Alençon, de s'être introduit, de nuit et masqué, dans son donjon afin d’abuser d’elle alors que son mari guerroyait en Écosse 10 . Legris protesta de son innocence mais la justice n’ayant aucun moyen de découvrir la vérité, un jugement de Dieu fut ordonné en décembre 1386. Legris fut vaincu et on l’acheva en le pendant au gibet. Quelque temps après un malfaiteur avoua le viol parmi d'autres crimes. Legris mort innocent, Carrouges alla se faire tuer en croisade 10 .

Le dernier duel judiciaire autorisé par un roi de France eut lieu le 10 juillet 1547. Connu sous le nom de Coup de Jarnac, il opposa Jarnac et La Châtaigneraie. Les duels judiciaires disparurent définitivement sous Louis XIII.