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RAPPORT JURIDIQUE 2001 14 MARS 2002

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RAPPORT JURIDIQUE 2001

14 MARS 2002

INTRODUCTION4

RSOLUTION DES PLAINTES PAR LE TRIBUNAL5

Sexe5

Harclement sexuel14

Dficience15

Race/Origine nationale ou ethnique28

Age15

Diffusion de messages haineux par Internet28

ORDONNANCES INTERLOCUTOIRES DU TRIBUNAL40

Retrait dune partie avant laudience40

Tmoins experts43

Dossiers mdicaux45

Application de la LCDP la Chambre des communes46

Comptence concurrente48

Incidence du jugement Bell (Section de premire instance)48

QUESTIONS PROCDURALES ET INTERLOCUTOIRES51

Application de la LCDP aux Premires nations51

Communication de preuves documentaires53

Les dcisions Bell Canada54

CONTRLE JUDICIAIRE DES DCISIONS DE LA COMMISSION55

Formulaire de plainte55

Motifs minimums devant soutenir une revendication56

quit procdurale57

Omission fondamentale59

Communication rciproque des rponses des parties63

Nature confidentielle de la conciliation64

Erreur de droit67

Dcisions arbitraires ou draisonnables69

CONTRLE JUDICIAIRE DES DCISIONS DU TRIBUNAL71

Impartialit et indpendance du Tribunal71

Procdure impartiale selon la Dclaration des droits75

Suspension de linstance76

Application de la LCDP la Chambre des communes77

Nouvelles qualits requises des membres du Tribunal79

Questions de fait et de droit80

Signification de lexpression mme tablissement, dans les diffrends concernant lquit salariale82

Mode de calcul du salaire perdu80

AUTRES DCISIONS EN MATIRE DE DROITS DE LA PERSONNE86

Prestations de conjoint86

Accs aux prestations dassurance-emploi89

Orientation sexuelle93

Retraite obligatoire96

R. c. Latimer99

Lobsit en tant que dficience99

DROIT INTERNATIONAL102

INTRODUCTION

Le prsent rapport porte sur un large ventail de questions dont le Tribunal canadien des droits de la personne, la Cour fdrale du Canada, la Cour suprme du Canada et divers tribunaux darchives et administratifs ont t saisis. Son seul objet est de passer en revue les rcentes dcisions qui ont t rendues concernant la Loi canadienne sur les droits de la personne, les rpercussions de la Charte canadienne des droits et liberts sur les questions dgalit, ainsi que les autres lois relatives aux droits de la personne. Le rapport ne constitue aucunement un avis juridique sur les sujets abords et ne reprsente pas ncessairement les vues de la Commission.

Dans un premier temps, le rapport examine les dcisions rendues par le Tribunal lgard des plaintes entendues. Ces affaires sont classes suivant les principaux motifs de discrimination allgus dans chaque cas. Lune dentre elles concerne lincidence de la limite de 30 semaines applicable aux prestations spciales (maladie, maternit et responsabilits parentales) payables en vertu du Rgime dassurance-emploi. Le Tribunal a invoqu labsence dlments de preuve dmontrant la ncessit raisonnable de la limite de 30 semaines pour conclure que celle-ci dfavorisait une plaignante qui tait tombe malade pendant sa grossesse. Par contre, dans une autre affaire concernant les plaintes de femmes dont la priode de chmage involontaire concidait avec leur grossesse, le Tribunal a confirm la validit dune limite applicable au cumul des prestations ordinaires et des prestations spciales prvues par le Rgime dassurance-emploi. Limportance des lments de preuve (tant directs que circonstanciels) dans ltablissement dune preuve prima facie de discrimination de mme que la ncessit pour la dfenderesse de justifier par une explication raisonnable sa dcision de ne pas embaucher quelquun sont examines en dtail dans une autre dcision qui repose sur les circonstances particulires de l'affaire considre plutt que sur lincidence discriminatoire des dispositions lgislatives.

Dans une autre dcision, le Tribunal sest intress lobligation faite aux tudiants ayant une dficience dinclure certaines subventions dans leur revenu personnel en vertu de la Loi de limpt sur le revenu. Il a examin, du point de vue de lintrt public, la question des subventions spciales accordes aux tudiants ayant une dficience, et a tudi fond les dispositions prvues cet gard dans la Loi de limpt sur le revenu et leurs consquences relles sur le plaignant en lespce. Le Tribunal a confirm finalement la validit de la rgle fiscale dont il est question. Trois autres dcisions viennent illustrer le principe voulant quun employeur prenne des mesures dadaptation raisonnables pour tenir compte des besoins spciaux dun employ handicap sans quil en rsulte pour lemployeur une contrainte excessive. La premire concerne un employ aux prises avec des problmes de stress et de dpression; la deuxime examine les procdures et normes que les Forces armes canadiennes appliquent aux militaires atteints de troubles coronariens; la troisime porte sur un cas dabsentisme prolong attribuable un accident du travail. Une autre dcision du Tribunal reconnat lalcoolisme comme une dficience tout en jugeant, suivant les faits de lespce, que cette dpendance est sans rapport avec le refus dembaucher quelquun. Dans une autre affaire, le Tribunal a examin en dtail les politiques du Service correctionnel du Canada (SCC) applicables aux transsexuels, particulirement celles qui leur refusent laccs une chirurgie de changement de sexe et qui exigent le placement des dtenus transsexuels au stade propratoire en fonction de leur sexe biologique. Dans une dcision mrement arrte, le Tribunal a fait ressortir les lments des politiques du SCC qui sont discriminatoires lgard du sexe et de la dficience.

Diverses affaires o lon allgue une discrimination raciale ou fonde sur lorigine ethnique ou nationale donnent un aperu des questions de preuve se rapportant ltablissement dune preuve prima facie, des questions entourant la preuve dune discrimination systmique, du recours aux tmoins experts, des reprsailles et de lvaluation de la crdibilit des tmoins. Ltablissement dune preuve prima facie est galement le pivot de la dcision rendue dans le cas de discrimination fonde sur lge qui est examin dans le prsent rapport. Il sagit dune autre dcision concernant les politiques et procdures des Forces armes (qui ont trait cette fois-ci aux promotions dun grade lautre).

Une importante dcision du Tribunal concernant la transmission de messages haineux par tlphone vient complter cette section du rapport. Cette dcision soulve la question essentielle de savoir si les messages transmis de faon rpte par Internet entrent dans le champ dapplication du terme tlphone utilis au paragraphe 13(1) de la LCDP. lappui de sa rponse affirmative cette question, le Tribunal a examin en dtail des arrts antrieurs de la Cour suprme qui concernent la propagande haineuse et lobjet fondamental de la lgislation en matire des droits de la personne. De mme, aprs avoir valu les restrictions que ferait peser sur la libert dexpression le fait de sanctionner la communication de messages haineux, le Tribunal a conclu que les limites imposes par le paragraphe 13(1) sont raisonnables et que leur justification pouvait se dmontrer dans le cadre dune socit libre et dmocratique (au sens o lentend larticle1 de la Charte canadienne des droits et liberts).

Diverses questions sont passes en revue dans les sections portant sur les ordonnances interlocutoires du Tribunal et les questions procdurales. Les dcisions examines traitent, entre autres, de lapplicabilit de la Loi sur la preuve au Canada (tmoins experts), des rgles rgissant laccs aux dossiers mdicaux, des consquences du retrait dune partie avant l'audience, de lapplication de la LCDP la Chambre des communes, de lincidence du jugement Bell (concernant limpartialit et lindpendance du Tribunal) sur dautres audiences, de lapplication de la LCDP aux Premires nations et de questions relatives la communication de documents avant linstruction.

Le prsent rapport passe galement en revue les dcisions que la Cour fdrale a rendues l'gard des obligations et pouvoirs lgaux de la Commission. Lorsquelle accepte une plainte, mne une enqute et dcide de renvoyer ou non une affaire un Tribunal, la Commission est tenue de respecter les normes de lquit procdurale appropries ses fonctions administratives. Les affaires voques dans cette section couvrent les divers aspects de lquit et de la conduite raisonnable dont la Commission doit faire preuve lorsquelle traite des plaintes. Elles donnent une bonne ide des types de problmes susceptibles dapparatre et des dcisions judiciaires qui sont prises pour les rgler.

La Cour fdrale procde galement au contrle judiciaire des dcisions du Tribunal des droits de la personne. Cette section du rapport examine, entre autres dcisions rcentes, larrt Bell, notoirement connu, qui avait mis en doute lindpendance et limpartialit du Tribunal. La Cour dappel fdrale a depuis infirm cette dcision de la Cour fdrale (Section de premire instance), levant ainsi les difficults qui avaient retard lensemble du processus de rglement des plaintes. Il y a, parmi les autres affaires examines, un cas o les nouvelles qualits requises des membres du Tribunal sont contestes (au motif que cette rgle impliquait une partialit), un autre o lapplicabilit de la LCDP la Chambre des communes est mise en question, ainsi que diffrents cas concernant la procdure impartiale, des questions de fait et de droit et des demandes de suspension de linstance. Un arrt de la Cour fdrale confirmant une dcision du Tribunal sur linterprtation donner de lexpression mme tablissement revt une importance particulire pour les questions dquit salariale. La porte et le sens de ce terme sont essentiels pour dterminer les groupes de rfrence devant servir tablir des comparaisons entre les travailleurs en vue de l'application de larticle11 de la LCDP.

Le prsent rapport examine dautre part un certain nombre de jugements qui ont t rendus en vertu de la Charte canadienne des droits et liberts. Dans une instance, la cessation des prestations de survivant au remariage (clbr avant lentre en vigueur de larticle15 de la Charte) a fait lobjet dune contestation fonde sur ltat matrimonial. La dcision par laquelle la Cour dappel de la Nouvelle-cosse a rejet la plainte explique la rgle de non-rtrospectivit de la Charte pour des vnements survenus avant lentre en vigueur de la Charte, et examine la vritable nature de la distinction faite entre les dfenderesses et dautres veuves remaries qui ont bnfici du rtablissement des pensions perdues. Le rapport fait galement tat de l'arrt que la Cour suprme du Canada a rendu sur une prsume discrimination fonde sur lorientation sexuelle dans une universit confessionnelle de la Colombie-Britannique. Laffaire concernait le code de conduite auquel tous les tudiants inscrits cette universit taient tenus dadhrer et qui condamnait les relations homosexuelles. Le British Columbia College of Teachers invoquait cette pratique pour refuser lagrment de ltablissement son programme dtudes universitaires. Cette affaire commande lattention sur la manire dont la Cour suprme dose libert de religion et droit lgalit pour conclure que le British Columbia College of Teachers avait fait une erreur de jugement. Dans cette mme province, la Cour dappel de la Colombie-Britannique a t appele statuer sur un cas de retraite obligatoire et de discrimination fonde sur lge. Bien que la Cour suprme du Canada se soit prononce sur cette question il y a quelques annes, la Cour dappel de la Colombie-Britannique a conclu, dans une dcision majoritaire, que larrt de la Cour suprme ne posait pas pour principe que toutes les politiques de retraite obligatoire taient valides dans la mesure o les lois provinciales sur les droits de la personne permettaient dtablir des distinctions fondes sur lge minimum ou maximum. son avis, le caractre raisonnable de la politique de retraite obligatoire en question devait tre value au regard de l'article1 de la Charte, mme si les lois sur les droits de la personne de la Colombie-Britannique autorisaient le type de discrimination fonde sur l'ge qui ressortait de cette politique.

Cette section du rapport examine galement deux dcisions de tribunaux administratifs. La premire concerne la dcision quun juge-arbitre a rendue en vertu de la Loi sur lassurance-emploi et suivant laquelle lobligation de travailler un minimum de 700 heures de rmunration assurable pour avoir droit des prestations rgulires ou spciales avait une incidence discriminatoire sur les femmes. La deuxime porte sur la dcision que lOffice des transports du Canada a rendue sur la question de savoir si lobsit devrait tre considre comme une dficience au sens de la Loi sur les transports au Canada. Finalement, bien que les questions considres ne visent pas directement les droits lgalit, nous avons inclus dans le rapport larrt que la Cour suprme du Canada a rendu dans l'affaire R. c. Latimer concernant un homme dclar coupable dhomicide involontaire sur sa fille qui souffrait dun grave handicap. Cette dcision mrite dtre souligne pour linterprtation donne par la Cour de ce qui constitue une peine cruelle et inusite au sens de la Charte de mme que pour le point de vue de la Cour sur la vulnrabilit de la victime handicape.

Le rapport se termine par un examen de diverses questions dimportance en matire de droit international des droits de la personne. Il y est question de la participation du Canada llaboration et la mise en uvre de certains pactes internationaux relatifs aux droits de la personne. On y passe galement en revue des cas de jurisprudence sur lapplication des conventions internationales relatives aux droits de la personne.

RSOLUTION DES PLAINTES PAR LE TRIBUNALTE \l1 "RSOLUTION DES PLAINTES PAR LE TRIBUNAL

SexeTE \l2 "Sexe

Lincidence discriminatoire, sur les femmes, des dispositions lgislatives rgissant laccs des prestations spciales aux termes de la Loi sur lassurance-chmage (aujourdhui appele Loi sur lassurance-emploi) a t examine par le Tribunal dans laffaire McAllister-Windsor c. DRHC. Les prestations spciales sont possibles pour des priodes restreintes, en cas de grossesse (15semaines), de maladie (15semaines) ou de responsabilits parentales (10semaines lpoque de cette plainte). Cependant, le nombre de semaines au cours desquelles des prestations spciales sont payables durant la priode de prestations du prestataire est limit 30semaines ( lpoque de cette plainte). Cest ce que lon appelle la rgle anticumul.

Dans laffaire McAllister-Windsor, la plaignante souffrait dun problme mdical appel bance du col de lutrus et il lui tait difficile pour cette raison de mener une grossesse son terme. Son mdecin lui avait conseill de garder le lit pendant sa grosse afin de garantir le bon droulement de laccouchement. Elle cessa donc de travailler et, durant la priode prcdant la naissance de son enfant, elle bnficia de 15semaines de prestations de maladie aux termes du Rgime dassurance-emploi (RAE), et de prestations dinvalidit de longue dure selon un rgime offert par son employeur. Aprs un accouchement russi, la plaignante bnficia de 15semaines de prestations de maternit au titre du RAE. Lorsquelle demanda plus tard des prestations parentales, elle fut informe quelle avait atteint le maximum de 30semaines au cours desquelles des prestations spciales taient payables (une ventualit dont elle avait t informe lorsquelle avait lorigine demand des prestations du RAE). Elle fut donc considre non admissible des prestations parentales.

Examinant sa plainte de discrimination fonde sur le sexe et la dficience, le Tribunal a pass en revue avec force dtails lhistorique lgislatif et lobjet des prestations spciales. Il a conclu que ladoption de la formule des prestations spciales scartait des principes dassurance la base de lassurance-emploi en introduisant dans le rgime un lment social. Cet lment refltait lvolution du march du travail et prenait en compte les imprvus autres que la perte involontaire dun travail. Les prestations spciales ntaient donc pas assujetties la rgle applique aux prestations rgulires, rgle selon laquelle un prestataire doit tre prt, dispos et apte travailler. Nanmoins, les prestations spciales taient considres comme limites dans le temps, au mme titre que les prestations rgulires, selon le Rgime dassurance-emploi.

Selon la preuve prsente au Tribunal, la dure du versement de prestations de maternit correspondait la priode durant laquelle les femmes auraient besoin en principe dun soutien du revenu pour cause de grossesse. Toutefois, rares taient les lments de preuve produits qui portaient sur la manire dont le plafond des prestations de maladie ou des prestations parentales tait tabli, ou sur le maximum cumulatif de 30semaines applicable une combinaison de prestations spciales durant la priode de prestations dun prestataire.36.1 Le Tribunal a jug que le maximum cumulatif de 30semaines visait les femmes exclusivement, en raison du fait quelles seules taient en mesure de prsenter une demande se rapportant aux trois types de prestations spciales. Cette ralit tait reflte dans des statistiques intressant lexercice 1998-1999, qui montraient que 2360 demandes de prestations spciales furent rejetes en raison de la rgle anticumul et que dans tous les cas les plaignants taient des femmes.

Pour savoir si la rgle anticumul entranait une discrimination contre la plaignante en raison de son sexe ou de sa dficience, le Tribunal a dabord tabli le groupe de rfrence par rapport auquel sa situation serait value. Il a jug que le groupe de rfrence adquat comprenait toutes les personnes admissibles des prestations spciales. cet gard, il tait clair que le texte lgislatif examin traitait exactement de la mme manire toutes les personnes admissibles des prestations spciales: toutes taient sujettes galement au maximum cumulatif de 30semaines de prestations. Cependant le Tribunal a jug que ...bien que le paragraphe11(5) de la Loi sur lassurance-chmage nonce, premire vue, une rgle neutre, il a non seulement un effet disproportionn mais galement un effet prjudiciable uniquement sur les femmes enceintes qui, linstar de MmeMcAllister-Windsor, ont demand des prestations de maladie. Mme si certaines femmes vises par le paragraphe11(5) ne sont sans doute pas atteintes daffections pouvant tre qualifies de dficiences au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne, personne ne conteste que ce soit le cas de MmeMcAllister-Windsor 37.

Ayant conclu lexistence dun commencement de preuve de discrimination, le Tribunal sest ensuite demand si la rgle anticumul reposait sur un motif justifiable. Il na eu aucun mal conclure que la rgle prsentait un lien rationnel avec lobjectif fondamental de la disposition sur les prestations spciales, laquelle visait assurer un remplacement du revenu court terme dans les cas de grossesse, de maladie et de responsabilits parentales. Il a aussi dcid que, vu la preuve produite propos des consquences budgtaires dune suppression de la limite aux prestations spciales, la rgle anticumul avait t dicte de bonne foi. Cependant, le Tribunal a adopt une vue diffrente sur le point de savoir si le cot financier de la suppression de la rgle afin de rpondre aux besoins des femmes telles que la plaignante constituerait une contrainte excessive. titre de proposition gnrale, le Tribunal a accord quil est lgitime (pour mesurer la contrainte excessive) ...dexaminer les effets que des modifications au rgime dassurance-emploi pourraient avoir sur les cotisations et les cotisants, de mme que leurs consquences possibles du point de vue de la viabilit du rgime38. Mais cet examen devait se faire dans le cadre de la preuve prsente au Tribunal. Sur ce point, le Tribunal a jug que le surplus quaffiche le Compte dassurance-emploi permettrait dabsorber trs facilement laugmentation de cot quentranerait la suppression de la rgle anticumul, sans quil en rsulte des consquences immdiates pour les cotisants39. Cela dit, aucun lment de preuve na t prsent au Tribunal ... relativement leffet que laugmentation de cot lie ces modifications aurait sur les cotisations, pas plus quau sujet des consquences de tout relvement des cotisations pour les cotisants ou pour lensemble du rgime40. En consquence, le Tribunal a estim que la preuve ne permettait pas de dire que llimination de la rgle anticumul pour rpondre aux besoins de la plaignante causerait une contrainte excessive.

Ayant conclu lexistence dune discrimination, le Tribunal a prononc un redressement deux volets. Dabord, il a ordonn DRHC de cesser dappliquer la rgle anticumul, mais a suspendu lapplication de son ordonnance pendant une priode de 12mois pour permettre DRHC de consulter la Commission sur les mesures susceptibles dempcher lapparition de problmes semblables dans lavenir, et pour donner au lgislateur la possibilit de corriger le problme de la manire quil jugerait adquate. Le Tribunal a aussi accord la plaignante des dommages-intrts de 2500$ pour prjudice moral et atteinte lamour-propre.

Les prestations totales perues au titre du rgime dassurance-emploi sont galement sujettes une rgle qui ne permet pas le cumul des prestations spciales et des prestations rgulires au-del du nombre maximum de semaines durant lesquelles des prestations rgulires pourraient tre perues. Le possible effet discriminatoire de cette rgle a t examin par le Tribunal dans laffaire Popaleni et al. c. DRHC41. Cette affaire concernait les plaintes de deux femmes, dont la priode de chmage involontaire concidait avec une grossesse. Elles affirmaient quelles taient victimes dune discrimination fonde sur le sexe, ou fonde sur le sexe et la situation de famille, parce que le nombre maximum de leurs semaines de prestations tait rduit du nombre de semaines durant lesquelles elles avaient peru des prestations de maternit et des prestations parentales. Si elles navaient pas eu rclamer de telles prestations, elles auraient pu bnficier pleinement des prestations rgulires.

Le Tribunal a de nouveau reconnu que lobjet principal de la Loi sur lassurance-chmage est daider les travailleurs qui perdent involontairement leur travail mais qui sont par ailleurs capables de travailler. Il a galement pris note de lvolution du rgime au fil des ans, un rgime qui offre aujourdhui des prestations, sur une base restreinte, aux personnes temporairement incapables de travailler pour cause de maladie, daccouchement ou de responsabilits parentales.

valuant les allgations de discrimination, le Tribunal a conclu que le groupe de rfrence retenir comprenait toutes les personnes qui participent au rgime dassurance-emploi. Largument tablissant une discrimination a donc t rsum ainsi: MmePopaleni et MmeJanssen ont toutes deux vu le nombre de prestations de maternit et de prestations parentales quelles avaient reues tre soustrait du nombre de prestations ordinaires auquel elles avaient droit. Cela incite croire quelles ont peut-tre bnfici, alors quelles recevaient des prestations ordinaires, dun moins grand nombre de semaines pour se chercher un autre emploi que les autres prestataires dans la mme rgion gographique qui navaient pas accouch et qui navaient pas demand de prestations spciales. Il peut sembler premire vue quil sagit l dune diffrence de traitement prjudiciable fonde sur le sexe; toutefois, un examen plus approfondi indique que tel nest pas le cas42.

Le Tribunal a fait observer quun homme qui demandait des prestations de maladie ou des prestations parentales durant une priode de prestations au cours de laquelle tait faite aussi une demande de prestations rgulires subirait les mmes effets prjudiciables que les deux plaignantes. Cette observation tait plus que thorique, car la preuve prsente au Tribunal montrait que 35p.100 de tous les prestataires concerns par la rgle interdisant le cumul des prestations spciales et des prestations ordinaires taient des hommes. De mme, laccusation de discrimination fonde sur la situation de famille, cest--dire la qualit de mre, ne pouvait tre admise, tant donn que les pres seraient galement touchs par la rgle sils demandaient la fois des prestations rgulires et des prestations parentales. Le Tribunal a justifi ses conclusions en se rfrant un arrt de la Cour dappel fdrale qui avait confirm la validit dune autre rgle du rgime dassurance-emploi, rgle qui limitait 30semaines les prestations totales alors que le nombre de semaines dadmissibilit des prestations rgulires tait en ralit moindre43. Se rfrant cet arrt, le Tribunal sest exprim ainsi: Le fait que les hommes ayant subi des blessures alors quils recevaient des prestations ordinaires taient eux aussi soumis la limite de 30semaines, tout comme les pres qui avaient perdu leur emploi et qui bnficiaient de prestations parentales, attestait du caractre non sexiste de la loi44.

Mme si le Tribunal a rejet la plainte pour absence dun commencement de preuve, il sest quand mme demand si un motif justifiable aurait pu tre tabli au vu de la preuve produite. Il sest dabord demand si un lien rationnel existait entre la rgle interdisant le cumul des prestations spciales et des prestations rgulires et lobjet fondamental des dispositions lgislatives. Le Tribunal a exprim lavis quil tait insens de subordonner la rception dun genre de prestations un autre genre de prestations lorsque les prestations taient motives par des objets diffrents. Le Tribunal na donc pu conclure que DRHC avait tabli un lien rationnel entre lobjet de cette rgle anticumul particulire et le versement de prestations selon la lgislation sur lassurance-emploi. Par ailleurs, aucune preuve navait t prsente au Tribunal propos des consquences budgtaires dune suppression de la rgle, et il tait donc impossible de conclure quune telle abolition aurait entran une contrainte excessive. Par consquent, si le Tribunal avait conclu lexistence dun commencement de preuve de discrimination (ce qui ntait pas le cas), il aurait conclu que DRHC navait pas produit un motif justifiable pour cette rgle anticumul particulire.

Des allgations de discrimination dans lemploi fondes sur le sexe ont t examines dans laffaire McAvinn c. Strait Crossing Bridge Limited45. La socit dfenderesse tait responsable de lexploitation du pont de la Confdration reliant l.-P.-. au continent, dont la construction avait entran une perte demploi pour ceux et celles qui travaillaient auparavant sur les traversiers exploits par les services de traversiers de Marine Atlantique. Les employs des traversiers qui ont perdu leur emploi ont cependant obtenu un droit de premier refus pour les postes associs lexploitation du nouveau pont, condition quils aient les comptences ncessaires ou quils puissent tre forms pour les postes ainsi offerts.

La slection des candidats au poste de patrouilleur de pont comportait deux sries dentrevues. La plaignante choua lentrevue initiale de slection, mais la dcision sur ce point fut modifie car elle avait russi le cours sur le droit et la scurit. Aprs la deuxime srie dentrevues, la plaignante fut informe quelle navait pas t embauche. Elle ragit trs mal cette dcision et finit par penser quelle avait t exclue en raison de son sexe, surtout la lumire des questions qui lui avaient t poses durant la deuxime entrevue. Elle pensa que, parce quelle tait une femme, on lui avait rserv des questions portant sur la conduite dun vhicule avec bote de vitesses manuelle, sur le dmarrage dune voiture par survoltage, sur le travail par roulement et sur le fait dtre seule la nuit, questions qui, affirmait-elle, navaient pas t poses aux hommes qui avaient postul lemploi en question.

La dcision du Tribunal concernant cette plainte requiert un examen dtaill de la preuve, tant celle qui se rapporte ltablissement dun commencement de preuve de discrimination que celle qui touche lobligation de la dfenderesse (aprs quun commencement de preuve a t tabli) de produire une justification crdible pour sa dcision de ne pas embaucher la plaignante. Pour ce qui est de ce commencement de preuve, le Tribunal a soulign quil est parfois difficile de produire des preuves directes dune discrimination et quen consquence, des preuves circonstancielles peuvent tre examines.

Au vu de la preuve produite, le Tribunal na eu aucun mal conclure que la plaignante tait qualifie pour le poste. La preuve montre clairement que MmeMcAvinn avait suivi le cours sur le droit et la scurit, cours qui, de lavis du Tribunal, tait une exigence pour le poste de patrouilleur de pont... Par ailleurs, lexprience antrieure de MmeMcAvinn Marine Atlantique montre clairement quelle tait une bonne travailleuse, quelle avait lexprience du public, des marchandises dangereuses, des interventions durgence et quelle tait habitue au travail physique, au travail par quart, ainsi quau travail dans un environnement masculin46. Le Tribunal a aussi pris note de ce que la personne ayant la responsabilit ultime de la dcision finale concernant la candidature de la plaignante avait indiqu plusieurs reprises que la plaignante avait t refuse parce que lon doutait de son aptitude lire et crire. Cette personne a affirm dans son tmoignage que le simple fait quelle avait prsent sa candidature sur un formulaire dactylographi avait veill des soupons dans son esprit. Sur ce point, le Tribunal a conclu quil ny avait pas une ombre de preuve.47 De plus, on navait rien fait, entre la premire et la deuxime entrevue, pour sinformer de laptitude de la plaignante lire et crire.

Ayant conclu que la plaignante tait qualifie pour le poste, mais quelle avait t refuse, le Tribunal a examin le facteur restant qui tait ncessaire pour tablir un commencement de preuve de discrimination, en cherchant savoir si des candidats de sexe masculin nayant pas de meilleurs titres de comptence avaient t embauchs. Sur ce point, le Tribunal a conclu que mme si Mme McAvinn possdait toutes les qualifications requises, on lui aurait prfr des hommes qui navaient pas les qualifications de base. Ces observations, combines aux autres lments de preuve, permettaient de conclure, de lavis du Tribunal, que le sexe tait un facteur [TRADUCTION] ... dans le processus de slection pour le poste de patrouilleur de pont et quune certaine masculinit faisait partie du profil requis pour ce poste48.

Un commencement de preuve ayant t tabli, le Tribunal na pu trouver, dans la preuve produite, le moindre lment crdible pouvant raisonnablement justifier la dcision de ne pas offrir la plaignante un emploi de patrouilleur de pont. Le Tribunal a donc jug que la plainte de discrimination fonde sur le sexe avait t prouve.

Sagissant de la rparation, le Tribunal a appliqu le principe selon lequel un plaignant devrait tre rtabli dans la position o il aurait t si la discrimination navait pas eu lieu, sous rserve de lobligation pour lui dattnuer son prjudice et sous rserve des considrations de cause immdiate. Aprs avoir examin avec soin lensemble de la preuve, le Tribunal a conclu quune rparation pour perte de salaire tait justifie dans cette affaire, rparation qui serait calcule partir de la date o la plaignante avait cess de travailler pour Marine Atlantique et sur une priode de 10ans. La priode durant laquelle elle recevrait rparation pour perte de salaire tait subordonne lordonnance additionnelle du Tribunal qui enjoignait la socit dfenderesse dengager la plaignante comme patrouilleur de pont ds que cela serait raisonnablement possible. La priode de rparation de 10ans pour perte de salaire serait alors rduite en consquence.

La sant de la plaignante, qui souffrait danxit et de dpression, avec les complications mdicales correspondantes, fut galement considre au regard de la rparation accorde. Ses problmes de sant taient antrieurs aux vnements ayant conduit la plainte de discrimination, mais le Tribunal a jug que son tat avait t aggrav par la conduite de la socit dfenderesse. Elle a donc obtenu 2000$ pour souffrances corporelles. De plus, la rparation pour perte de salaire ne pouvait tre rduite par suite de son ventuelle incapacit de remplir les fonctions de patrouilleur de pont pour le cas o la socit dfenderesse lui offrirait un poste. En dautres termes, les problmes de sant de la plaignante ne pouvaient tre invoqus par la socit dfenderesse pour se soustraire lobligation de compenser la perte de salaire pendant la priode de 10ans tablie par le Tribunal.

Lexcution dune dcision par laquelle le Tribunal a conclu lexistence dune discrimination fonde sur le sexe a donn lieu des procdures judiciaires prolonges dans laffaire Goyette c. Syndicat des employ(es) de terminus de Voyageur Colonial Limite49. La dcision quant au fond de la plainte a t rendue le 14octobre 199750, bien que le Tribunal se ft rserv de rsoudre tout dsaccord entre les parties sur la somme exacte accorder pour perte de salaire et davantages sociaux51. Un dsaccord ayant surgi entre les parties, la plaignante demanda au Tribunal en mars 2000 de tenir une nouvelle audience aux fins dtablir la somme due. En mai 2000, le syndicat dfendeur dclara faillite et ses actifs furent mis sous tutelle conformment la loi applicable. Vu que le syndicat tait affili un autre syndicat, la CSN, la plaignante informa le Tribunal quelle entendait soulever la question de la responsabilit de la CSN concernant lexcution de lordonnance rendue par le Tribunal contre le syndicat dfendeur. La CSN sopposa la rouverture de laffaire pour que soient examines de nouvelles questions de fond, affirmant que, en dehors de la question du quantum des dommages-intrts tablis contre le syndicat dfendeur, le Tribunal tait dpouill de sa fonction et donc dpourvu de comptence.

laudience convoque en vue dtablir les dommages-intrts pour perte de salaire et davantages sociaux, le Tribunal examina dabord sil tait comptent pour dterminer la responsabilit de la CSN. Il a estim que la responsabilit possible de la CSN tait une question de fond qui ne pouvait se rduire un simple point de procdure. Il a aussi jug que le Tribunal qui avait prsid laudience initiale navait fait aucune omission et avait examin tous les points avancs lpoque. La question de la responsabilit de la CSN au regard des actes de son syndicat affili tait devenue importante ultrieurement, mais cet lment ne pouvait lui seul justifier la rouverture dune affaire dj liquide pour laquelle un jugement final avait t rendu, hormis le quantum des dommages-intrts attribuer pour perte de salaire et davantages sociaux52. Le Tribunal sest ensuite appliqu dterminer les sommes exactes dues la plaignante pour perte de salaire et davantages sociaux, mais son ordonnance en la matire ne sappliquait quau syndicat dfendeur qui avait t partie laudience initiale relative aux allgations de discrimination.

Harclement sexuelTE \l2 "Harclement sexuel

Une plainte de harclement sexuel dpose par une employe a rcemment t instruite malgr la non-comparution du dfendeur53. Cette plainte concernait la conduite du dfendeur, qui tait le superviseur de la plaignante, lors dun prsum voyage daffaires Winnipeg, au cours duquel il devint vident que le dfendeur recherchait un contact sexuel avec la plaignante. Le voyage avait t un prtexte. La plaignante a allgu la violation de lart.7 de la LCDP, selon lequel constitue un acte discriminatoire, sil est fond sur un motif de distinction illicite, le fait de dfavoriser un individu en cours demploi, et la violation de lart.14, selon lequel constitue un acte discriminatoire, sil est fond sur un motif de distinction illicite, le fait de harceler un individu en matire demploi (le harclement sexuel tant rput tre un harclement fond sur un motif de distinction illicite).

Aprs examen de la preuve, le Tribunal a appliqu le critre usuel de ltablissement dun commencement de preuve de discrimination, en se demandant si la preuve produite suffisait justifier, selon la prpondrance des probabilits, une dcision favorable la plaignante en labsence dune rponse du dfendeur. Il sest galement rfr au prcdent faisant autorit en matire de harclement sexuel en milieu de travail, un prcdent qui dfinissait cette notion comme une conduite de nature sexuelle non sollicite qui a un effet dfavorable sur le milieu de travail ou qui a des consquences prjudiciables en matire demploi pour les victimes de harclement54. Le Tribunal a quant lui dfini le harclement sexuel comme une pratique dgradante en milieu de travail qui inflige un grave affront la dignit des employs qui la subissent55 et comme une atteinte la dignit de la personne et son respect de soi, la fois comme employ et comme tre humain56. Au vu de la preuve produite, le Tribunal na pas hsit dire que le comportement du dfendeur avait instaur un environnement de travail ngatif sur le plan psychologique et affectif et donc entrait tout fait dans linterdiction nonce aux art.7 et14. Un commencement de preuve ayant t tabli, il revenait au dfendeur de produire une rponse. Comme on la fit, il navait pas comparu laudience et la dcision rendue la condamn.

Sagissant de la rparation, le Tribunal ordonna au dfendeur de prsenter par crit des excuses la plaignante, de lui verser lindemnit maximale pour prjudice moral et perte de respect de soi (5000$), ainsi quune somme dargent pour perte de salaire (480$) parce que la plaignante avait d effectuer des recherches et se prparer pour laudience.

DficienceTE \l2 "Dficience

Lincidence prtendument discriminatoire de dispositions de la Loi de limpt sur le revenu57 qui exigent linclusion dans le revenu imposable dune bourse dtudes lie une dficience a t examine dans laffaire Wignall c. Ministre du Revenu national58. Le plaignant tait un tudiant universitaire temps partiel dont la surdit lobligeait avoir en classe des interprtes du langage par signes. Luniversit lui avait fourni au dpart de tels interprtes, mais elle lui avait aussi demand de trouver dautres sources de financement susceptibles damortir les frais ainsi engags. Il a donc demand et reu 3000$ du gouvernement du Canada titre de Subvention pour initiatives spciales pour les tudiants ayant une dficience permanente. Il remit donc cette somme luniversit afin damortir les frais de linterprtation en langage par signes. Un feuillet supplmentaire T4A fut par la suite dlivr au plaignant, pour linformer que la subvention devait tre incluse dans son revenu pour lanne dimposition au cours de laquelle il lavait reue. Comme la subvention tait affecte exclusivement au paiement des frais extraordinaires rsultant de la dficience du plaignant, celui-ci considra que linclusion de la subvention dans sa dclaration de revenus tait injuste et discriminatoire.

Analysant la plainte, le Tribunal sest rfr abondamment linterprtation donne pour les droits lgalit garantis par lart.15 de la Charte. Le Tribunal a t guid dans son analyse par trois grandes pistes dfinies par la Cour suprme du Canada dans Law c. Canada (Ministre de lEmploi et de lImmigration)59. Dabord, peut-on dire que la loi conteste tablit une distinction formelle entre le revendicateur et dautres personnes en raison dune ou de plusieurs caractristiques personnelles, ou quelle ne tient pas compte de la situation dfavorise dans laquelle le revendicateur se trouve dj dans la socit canadienne, crant ainsi une diffrence relle de traitement ? Deuximement, le revendicateur fait-il lobjet dune diffrence de traitement au titre dun motif de distinction illicite ? Finalement, la diffrence de traitement impose-t-elle un fardeau au revendicateur ou le prive-t-elle dun avantage dune manire qui dnote une application strotype de prsumes caractristiques personnelles ou de groupe ou qui a par ailleurs pour effet de perptuer ou de promouvoir lopinion que lindividu touch est moins capable ou est moins digne dtre reconnu ou valoris en tant qutre humain ou que membre de la socit canadienne, qui mrite le mme intrt, le mme respect et la mme considration ?60 Sagissant plus prcisment des personnes handicapes, le Tribunal a pris note de la jurisprudence qui reconnaissait les difficults rencontres de longue date par ce groupe, quil sagisse de dsavantages, disolement ou dune faible participation au sein de la socit en gnral.

Lobtention dune subvention pour initiatives spciales dpendait la fois des ressources personnelles dun demandeur et des crdits limits affects au programme par le gouvernement. Il na pas t contest que, dans le cas du plaignant, linclusion dans son revenu de la subvention pour initiatives spciales navait entran aucun impt additionnel sur le revenu. En fait, la totalit de limpt sur le revenu retenu la source pour lanne en question avait t retourne au plaignant titre de dgrvement fiscal. La seule rpercussion discernable tait une lgre diminution (25$) du montant dun crdit dimpt provincial auquel le plaignant avait droit.

Pour valuer la prsume discrimination, le Tribunal a accept le groupe de rfrence choisi par le plaignant, c.--d. tous les autres tudiants qui reoivent des subventions et des bourses. Les exigences de la Loi de limpt sur le revenu relatives linclusion dans le revenu de toutes les sommes reues titre de subventions ou de bourses sappliquaient sans exception tous les tudiants bnficiaires. Le Tribunal na donc pu conclure que la loi ou politique applicable tablissait une distinction formelle entre le plaignant et les autres au titre dune caractristique personnelle. Se demandant ensuite sil y avait eu vritablement diffrence de traitement au titre dune caractristique personnelle, le Tribunal a jug que la subvention avait t octroye non seulement sur la base de la dficience du plaignant, ... mais galement parce quil a satisfait au critre de lexamen des moyens dexistence qui rgit le Programme de prts-tudiants du gouvernement du Manitoba, et parce quil a accept dutiliser les fonds pour acheter des services destins lui permettre de composer avec sa dficience dans la salle de classe61.

Cependant, la politique consistant traiter la subvention verse au plaignant comme toute autre bourse dtudes ignore-t-elle la situation dfavorise dans laquelle le plaignant se trouve dj au sein de la socit ? Sur ce point, le Tribunal a reconnu que, en instituant la subvention pour initiatives spciales, le gouvernement reconnaissait ... que les tudiants ayant une dficience avaient besoin dune aide financire spciale pour avoir accs lenseignement postsecondaire62. Nanmoins, le refus de soustraire la subvention linclusion dans le revenu aux fins de limpt nquivalait pas un refus de reconnatre la situation dfavorise dans laquelle se trouvait dj le plaignant. Le Tribunal a soulign simultanment que dautres dispositions de la Loi de limpt sur le revenu prvoyaient une aide supplmentaire aux Canadiens handicaps, par exemple le crdit dimpt pour dficience et frais mdicaux. Le Tribunal a aussi conclu que bien que notre rgime fiscal soit le reflet de notre politique sociale, il appartient aux lgislateurs de dterminer le montant de laide financire accorder aux personnes ayant une dficience dans le cadre de ce genre de programmes. Cette aide ne devrait pas tre subordonne ltablissement dune exemption fiscale par suite de lapplication indirecte dune disposition de la Loi canadienne sur les droits de la personne portant sur les actes discriminatoires... Les personnes dont la situation financire est meilleure peuvent se retrouver dans la position davoir rembourser une partie de la subvention par le biais de la fiscalit. Toutefois, tant donn que le critre de lexamen des moyens financiers fait partie des critres satisfaire pour obtenir la subvention en question, les consquences de son imposition seront toujours minimes63.

Bien que ce ne ft pas strictement ncessaire pour sa dcision, le Tribunal a ensuite examin la troisime grande question qui se pose dans les cas de prsume discrimination. Il a conclu que linclusion de la subvention dans le revenu aux fins de la fiscalit nquivalait pas nier au plaignant un avantage dune manire qui traduisait une attitude strotype lendroit des personnes handicapes et qui perptuait lopinion selon laquelle elles sont moins capables ou sont moins dignes dtre reconnues comme personnes mritant le mme intrt, le mme respect et la mme considration. Il a conclu que linclusion de la subvention dans le revenu est compatible avec les droits et obligations de tous et chacun de payer une juste part dimpt. Le fardeau impos M.Wignall en loccurrence tait minime. Ce ntait pas un affront sa dignit dtre humain que de vrifier son admissibilit la subvention en fonction du critre du revenu total de toutes autres provenances64.

Deux points sont au cur de la dcision rendue par le Tribunal dans laffaire Stevenson c. Service canadien du renseignement de scurit: le peu de cas fait des besoins dun employ qui souffrait danxit et de dpression, et la promptitude le dclarer mdicalement inapte sacquitter de ses fonctions.65 Le plaignant avait travaill pour le Service de scurit de la GRC et le Service canadien du renseignement de scurit (SCRS) pendant 26ans, et il avait atteint le poste de chef de la scurit interne pour la rgion de la Colombie-Britannique. Alors quil occupait ce poste, le plaignant fut suspect davoir divulgu des renseignements sensibles, mais il fut par la suite exonr de tout manquement aprs avoir subi volontairement lpreuve du dtecteur de mensonges. Cette exprience le marqua profondment et accentua son anxit et sa dpression, un tat encore aggrav par une ventuelle mutation latrale qui le conduisit de la scurit interne aux ressources humaines, mutation quil ressentit comme une sanction lie aux accusations initiales portes contre lui. Quelque temps plus tard, il fut inform par son directeur gnral quil tait transfr de Vancouver Ottawa. Cette dernire dcision fut prise sans aucune consultation ou discussion pralable avec le plaignant. Lide dtre transfr Ottawa accentua encore son niveau de tension, en particulier au sein de sa famille. Sa dpression atteignit alors de nouvelles profondeurs.

Le plaignant prit plusieurs mesures pour retarder son transfert, mais toutes ses dmarches furent vaines, hormis un changement que lui consentit son nouveau surveillant pour la date laquelle il devait rallier son poste Ottawa. Un mois avant de prendre ses nouvelles fonctions, le plaignant obtint de son mdecin de famille un certificat mdical qui indiquait quil lui faudrait sabsenter du travail pendant une priode de trois mois, au cours de laquelle auraient lieu dautres valuations et traitements. Sensuivit une srie dvnements au cours desquels un mdecin choisi par la direction du SCRS procda une valuation mdicale en rgle. Le rapport initial prpar par ce mdecin dcrivait langoisse et la dpression dont souffrait le plaignant et mentionnait que la tension additionnelle provoque par son transfert Ottawa compliquerait son rtablissement. Elle exprima lavis quaprs plusieurs mois de thrapie, le plaignant serait probablement en mesure de rintgrer son lieu de travail Vancouver. Selon elle, il reprendrait au fil du temps suffisamment confiance en lui pour pouvoir entreprendre un transfert Ottawa, encore quil faudrait avant cela effectuer un nouvel examen (dans un dlai denviron six mois). Malgr cette valuation, la direction du SCRS resta dcide faire procder au transfert du plaignant Ottawa. Puis elle exprima lavis que, puisque le plaignant tait alors inapte remplir ses fonctions, il devrait tre renvoy du Service. Il fut donc officiellement renvoy pour raisons mdicales, environ six mois aprs avoir obtenu de son mdecin de famille le certificat mdical qui prescrivait un cong temporaire pour cause de maladie.

Au vu de lensemble de la preuve, le Tribunal arriva rapidement la conclusion quun commencement de preuve de discrimination fonde sur la dficience mentale avait t tabli. Il fit observer que, dans les jours qui suivirent la demande de cong du plaignant pour cause de stress, [TRADUCTION] ... sa hirarchie avait dj entrepris de trouver le moyen de mettre fin son emploi. Le Tribunal a aussi jug que les propres politiques crites de lemployeur concernant lexamen mdical dun employ avaient t ignores ou mal appliques. Ces politiques prvoyaient quun employ devait tre jug apte, inapte ou apte avec restrictions66. Dans le cas du plaignant, lopinion du mdecin choisi par lemployeur selon laquelle il devrait pouvoir rester Vancouver pour raisons mdicales afin de faciliter son rtablissement avait simplement t ignore. Le SCRS navait donc pas song que le plaignant pouvait entrer dans la catgorie apte avec restrictions prvue dans ses propres politiques67.

Ayant conclu lexistence dun commencement de preuve, le Tribunal sest ensuite demand sil existait une exigence professionnelle justifie qui pouvait valider les politiques du SCRS en matire de sant. Il a dabord observ que ces politiques taient vagues et imprcises propos de la norme qui devrait tre applique un employ dont la capacit dexercer ses fonctions a t mise en doute. Le Tribunal a accord quun certain niveau de sant mentale et physique tait manifestement ncessaire. Il a accord aussi que la norme laquelle tait soumis le plaignant exigeait de lui quil soit mobile. Il a rsum ainsi les principaux lments de la norme dans laffaire considre: 1)capacit dexcution des tches assignes, 2)pronostic de rtablissement, et 3)exigence de mobilit.68

Le Tribunal na eu aucun mal conclure que, vu la preuve produite, les deux premiers volets du critre nonc dans laffaire Meiorin69 taient remplis, cest--dire que la norme a t adopte pour un objet qui prsente un lien rationnel avec laccomplissement des tches; et que la norme a t adopte de bonne foi. Sinterrogeant ensuite sur le point de savoir si des moyens raisonnables avaient t pris pour tenir compte des besoins du plaignant, sans quil en rsulte une contrainte excessive, le Tribunal a rappel que la direction du SCRS tait demeure inflexible sur la date du transfert du plaignant Ottawa, bien quelle et connaissance du grave tat danxit du plaignant et de la psychothrapie quil avait entreprise. Le Tribunal a jug quil tait [TRADUCTION] ...difficile de comprendre pourquoi sa hirarchie refusait de faire exception lexigence de mobilit pour un employ qui pouvait lpoque justifier de 26ans dexcellents services auprs du Service de scurit de la GRC et du SCRS. Le report du transfert de juin septembre et loffre dune aide temporaire pour double lieu de rsidence ne sauraient constituer une prise en compte suffisante de la dficience de M.Stevenson. Lexplication selon laquelle lui et sa famille avaient accs des ressources mdicales Ottawa tait au mieux gratuite. Il ne sagissait l nullement dune offre de prise en compte de ltat du plaignant70.

Le Tribunal sest aussi dclar trs proccup par lvidente absence de bonne foi dans la manire dont le transfert du plaignant avait t dcid, et dans la manire dont lexamen mdical avait ensuite t effectu. Le Tribunal a aussi critiqu labsence de clart des politiques du SCRS relatives aux congs de maladie, en faisant valoir que cela suffisait mettre en doute la pertinence des normes appliques la question de la sant des employs. Il a donc jug que les politiques elles-mmes du SCRS ne rglaient pas adquatement la question de la prise en compte des dficiences lies la sant.

Le Tribunal a ordonn, comme rparation, le versement des sommes suivantes: la rmunration perdue, de telle sorte que les tats de service du plaignant atteignent 30ans plus un jour (avec versements de sommes adquates pour avantages sociaux et dun montant brut destin compenser les consquences fiscales dun paiement forfaitaire), les frais juridiques au montant de 2000$ pour conseils obtenus avant le dpt de la plainte auprs de la Commission, le maximum de 5000$ pour prjudice moral (le maximum modifi de 20000$ ntant pas applicable son cas), ainsi que le maximum de 5000$ pour le caractre volontaire et tmraire du comportement discriminatoire (le maximum modifi de 20000$ ntant pas lui non plus applicable). Le Tribunal a aussi indiqu que, si les paiements maximums modifis avaient t applicables aux deux derniers chefs de rparation, une indemnit beaucoup plus leve aurait t ordonne dans les deux cas.

Le renvoi dun employ pour raisons mdicales a de nouveau t examin dans laffaire Irvine c. Forces armes canadiennes71. Il sagissait dun militaire des Forces armes canadiennes (FAC), qui avait 29ans dtats de service et qui avait eu une crise cardiaque en mars 1994. la suite de cet vnement, il subit un pontage et retourna au travail (il tait technicien en aronautique) aprs une brve priode de radaptation. Alors quil avait repris ses fonctions, il fut examin par les mdecins des FAC. Le suivi mdical consista en examens physiques, en conseils sur le contrle des facteurs de risque et en ordonnances destines rduire le taux de cholestrol. Malgr lexcellence quil montrait dans son poste de technicien en aronautique, il fut renvoy des FAC en juillet 1995 au motif quil ntait pas au plan mdical apte servir. Il dposa par la suite une plainte auprs de la Commission, affirmant quil avait t discrimin en raison de sa dficience.

Le Tribunal a examin en dtail les diverses procdures administratives et les diverses politiques sanitaires des FAC qui sappliquaient au plaignant. Dabord, les FAC utilisent un systme de catgories mdicales fond sur des facteurs gographiques et professionnels, dont lobjet est de dfinir les exigences minimales imposes pour satisfaire au principe de luniversalit du service. Ce principe tablit que tous les membres des FAC sont tenus de pouvoir remplir leurs fonctions, y compris dagir titre de soldats, quelle que soit leur profession. Les facteurs gographiques et professionnels sont classs numriquement selon un ordre croissant de grandeur. Plus le chiffre est lev, plus important est le niveau de la limite la capacit dun membre de remplir ses fonctions en tant que membre des FAC. Dans le cas du plaignant, la classification minimale pour un emploi de plein exercice tait G3O3. Aprs son pontage, il ne fut jamais capable de dpasser la catgorie G4O3. La classification G4 signifiait quil tait empch de servir en mer ou dans un endroit isol dpourvu dun personnel mdical72 et donc quil ne pouvait satisfaire au principe de luniversalit du service.

Le processus par lequel on tait arriv cette classification du plaignant faisait intervenir une commission mdicale spcialise compose de mdecins dont la tche consistait examiner le dossier mdical dun membre atteint de troubles coronariens. Le comit des troubles coronariens fait des recommandations sur la catgorie mdicale attribuer. Les normes quil applique figurent aujourdhui pour la plupart dans des Lignes directrices de septembre 1995, qui donnent une description dtaille des catgories professionnelles et des facteurs prendre en compte au moment dtablir les restrictions sanitaires la capacit dun membre de sacquitter de ses fonctions en tant que membre des FAC. Les Lignes directrices de 1995 remplacent celles de 1979 et permettent des valuations plus individualises, par opposition aux catgories indment rigides refltes dans les politiques alors en vigueur. Ainsi, les politiques de 1979 avaient attribu automatiquement une catgorie mdicale de G4O4 tout membre atteint de troubles coronariens.

Le Tribunal a aussi fait observer que les politiques gnrales des FAC en matire de sant physique correspondent aux politiques et procdures plus spcifiques des catgories mdicales. En pratique, les FAC appliquent un critre de prescription dexercice appel EXPRES et obligent ses membres se classer au-dessus du vingtime rang centile par rapport au classement civil moyen des Canadiens. Le vingtime rang centile signifie que 80p.100 de la population civile auraient obtenu de meilleurs rsultats. Le Tribunal a aussi reconnu que, en principe, les FAC utilisaient aussi des normes plus rigoureuses pour la capacit des membres dexcuter des tches militaires gnrales, encore que la preuve ne permt pas dtablir comment ces normes taient appliques en ralit. Il a fait remarquer que ces normes avaient t abolies la suite dun examen des politiques effectu en 1999, et il a ajout: [TRADUCTION] Lexamen a permis de constater une grave faiblesse des fonctions militaires gnrales comme moyen de mesurer les capacits individuelles: nombre des tches considres taient vaguement formules et ne prcisaient pas les paramtres (quand, o, comment) en vertu desquels les fonctions universelles devaient tre accomplies, ni, le cas chant, le niveau individuel de capacit ou la norme de rendement applicable73.

Le Tribunal na eu gure de difficult conclure quun commencement de preuve de discrimination avait t tabli, tant pour la dcision de renvoyer le plaignant en raison de sa dficience que pour les procdures et normes des FAC qui traitaient les membres bons pour le service diffremment des membres atteints de troubles coronariens en ce qui concernait laptitude accomplir des tches militaires. Les membres bons pour le service pouvaient prouver leur forme physique en subissant le test EXPRES, tandis que le plaignant navait pas cette possibilit. Le Tribunal sest ensuite demand si les FAC avaient prouv que les normes et politiques en questions constituaient une exigence professionnelle justifie.

Le Tribunal a jug que les normes et politiques appliques par les FAC au plaignant prsentaient un lien rationnel avec lobjectif de sassurer quun membre tait en mesure dexcuter dune manire sre et efficace les tches de son poste et les tches militaires gnrales et quelles avaient t adoptes de bonne foi. Cependant, il fallait aussi prouver que ces normes et politiques taient raisonnablement ncessaires pour accomplir leur objet et quon avait pris des mesures pour tenir compte des besoins spciaux du plaignant sans quil en rsulte une contrainte excessive. Ici le Tribunal a estim que les politiques antrieures 1995 taient indment rigides lorsquelles attribuaient une catgorie G4 aux membres souffrant de troubles coronariens, et quelles ne permettaient pour ainsi dire aucune valuation individualise. Il a fait remarquer que les Lignes directrices de 1995 offraient la possibilit dvaluations davantage individualises. Certains des facteurs tablis par les Lignes directrices en question navaient pas t appliqus au cas du plaignant, [TRADUCTION] ... tels que les tests servant dterminer la capacit fonctionnelle de M.Irvine, la frquence et le niveau des soins mdicaux requis pour grer adquatement la maladie de M.Irvine; et les effets secondaires de restriction de lemployabilit entrans par la prise de mdicaments pour le cur74. De plus, lvaluation du cas du plaignant [TRADUCTION] ... navait pas pris en compte les atouts physiques, professionnels et affectifs de M.Irvine au regard de sa capacit servir dans les FAC75.

Le Tribunal a aussi conclu que le refus de retenir le plaignant au sein des FAC par une prise en compte adquate de son tat contrastait vivement avec la dcision qui aurait t prise en vertu des rgles visant maintenir les membres dans leffectif, rgles qui avaient t adoptes en novembre 2000. Comme la expliqu le Tribunal: [TRADUCTION] Les membres doivent aujourdhui tre maintenus dans leffectif aussi longtemps quils peuvent occuper pleinement un poste tabli pour leur grade et leur profession au sein de larme. M.Irvine entrait dans cette catgorie. Ses commandants ont confirm quil pouvait accomplir les tches gnrales et particulires dun technicien en aronautique attribues son grade. Selon les politiques de novembre 2000, mme un membre qui ne peut tre dploy vers un thtre doprations haut risque doit tre maintenu dans leffectif ou raffect un autre poste correspondant son mtier dans larme et dont il peut excuter toutes les tches normales. Les membres peuvent aussi tre assigns des postes o ils ne sont pas directement exposs aux tches ou conditions de travail envisages par les principes de luniversalit du service76. Le Tribunal a aussi jug que [TRADUCTION] les FAC elles-mmes ont reconnu quelles avaient la capacit empirique de prvoir des amnagements pour les membres occupant des postes militaires non essentiels... Lobligation de prvoir des amnagements requiert dvaluer la capacit des FAC de retenir ses membres dans de tels postes avant quelles ne dcident de les renvoyer. Aucune valuation du genre na t faite dans le cas de M.Irvine77.

Sagissant de la rparation (qui, selon le Tribunal, devait tenir compte du fait que le plaignant aurait normalement servi jusqu sa retraite en 2003), le Tribunal a refus, la demande des parties, de rendre une ordonnance. Il sest cependant rserv le pouvoir dentendre la preuve en la matire pour le cas o les parties ne pourraient parvenir un accord.

Un refus dembauchage prtendument fond sur lide que le candidat avait une dpendance lgard de lalcool a t examin par le Tribunal dans laffaire Crouse c. Socit maritime CSL Inc.78 Dans cette affaire, les antcdents professionnels du plaignant bord de plusieurs navires variaient, mais la preuve laissait voir de nombreux cas de rendement insatisfaisant, ainsi que des pisodes o le plaignant avait t en tat dbrit durant les heures de travail. La socit dfenderesse, Socit maritime CSL Inc., avait pris la dcision ( la suite daccusations divrognerie au travail et dincomptence) de ne pas considrer le plaignant pour un emploi futur quelconque. Quelques annes plus tard, le plaignant prsenta la socit dfenderesse sa candidature au poste dlectricien de relve permanent, aprs avoir remarqu que le poste tait affich au bureau de placement syndical. Trs rapidement, le personnel syndical du bureau de placement fut inform par lettre que, en raison des antcdents professionnels du plaignant, la Socit maritime CSL Inc. avait refus sa candidature.

Le Tribunal fit demble remarquer que la dpendance lgard de lalcool est considre comme une dficience selon la LCDP. De plus, il nest pas ncessaire de savoir si une telle dpendance existe effectivement pour conclure lexistence dune discrimination, le Tribunal soulignant que les dcisions en matire demploi qui sont prises avec lide que tel ou tel candidat souffre de cette dficience peuvent constituer une infraction la LCDP79. En lespce, le Tribunal a conclu lexistence dun commencement de preuve de discrimination, en particulier parce que la dfenderesse affirmait quelle avait fond sa dcision sur les antcdents professionnels du plaignant. Les documents relatant lesdits antcdents et utiliss par la socit dfenderesse faisaient tat de cas dinconduite lis labus dalcool de la part du plaignant et des incidents divrognerie. Le commencement de preuve de discrimination tant tabli, il appartenait ds lors la socit dfenderesse de fournir une explication raisonnable pour sa dcision de ne pas considrer le plaignant.

Sagissant de la position de la dfenderesse, le Tribunal fit observer quelle ne cherchait pas tablir que, en raison des impratifs de scurit, la sobrit constituait une exigence professionnelle justifie. La dfenderesse prtendait plutt que sa dcision avait t motive par des doutes sur laptitude du plaignant excuter comme il faut les tches du poste. Le Tribunal avait entendu une preuve considrable sur les aptitudes et lexprience requises des personnes embauches comme lectriciens de relve permanents bord des navires appels vraquiers autodchargeurs. Il a jug quen fait, si la dfenderesse avait dcid de ne pas embaucher le plaignant, cest parce quelle estimait quil navait pas assez de comptences et dexprience. Les doutes que la dfenderesse avait pu avoir dans le pass propos de la dpendance du plaignant lgard de lalcool avaient t dissips, comme le dmontrait le fait que le plaignant avait t embauch temporairement par la dfenderesse dans un pass rcent. Au vu de ces lments, le Tribunal a conclu que la dfenderesse stait acquitte de son obligation de fournir une explication raisonnable pour sa dcision de ne pas embaucher le plaignant.

Les politiques du Service correctionnel du Canada (SCC) refusant aux dtenus transsexuels au stade propratoire laccs une chirurgie de changement de sexe ont t examines par le Tribunal dans laffaire Kavanagh c. P.G. Canada80. Cette affaire portait aussi sur la dcision du SCC de restreindre initialement laccs de la plaignante lhormonothrapie et sur sa dcision de placer la plaignante dans un pnitencier pour hommes. Ces politiques et dcisions du SCC ont t contestes par la plaignante au motif quelles exeraient contre elle une discrimination fonde sur le sexe et la dficience. Laffaire a t examine au regard de la discrimination fonde la fois sur le sexe et la dficience, mais elle est mentionne ici en raison de sa relation avec un tat mdical sous-jacent appel trouble de lidentit de genre.

La situation particulire de la plaignante tait quelle prenait des hormones femelles depuis lge de treize ans. Limpression quelle avait dtre une femme habitant un corps dhomme avait dbut la premire enfance. Au moment de son procs et de sa condamnation pour homicide involontaire (1989), elle avait vcu en tant que femme et avait t choisie par une clinique didentit de genre comme candidate une opration de changement de sexe. Le juge qui avait prononc la peine avait recommand quelle soit autorise purger sa peine dans une prison pour femmes. Malgr cette recommandation (qui refltait le propre vu de la dtenue), elle passa les onze annes suivantes dans plusieurs pnitenciers pour hommes haute scurit ou scurit moyenne. Comme on la dit, la plaignante a subi une opration de changement de sexe aprs un rglement lamiable de ses plaintes lencontre du SCC. Il restait au Tribunal examiner les politiques du SCC concernant laccs dun dtenu une telle opration et le choix de ltablissement lintrieur duquel ce dtenu purgera sa peine. (La question de laccs lhormonothrapie avait t rsolue par ladoption dune politique crite nonant les conditions auxquelles un tel accs serait permis.)

Une preuve considrable fut prsente au Tribunal par des tmoins experts propos du trouble de lidentit de genre, un syndrome que reconnaissent les milieux mdicaux. Ce syndrome est largement dfini et englobe un comportement allant du dsir dimiter le sexe oppos, par exemple en shabillant comme lui, aux situations plus dramatiques de personnes qui se peroivent comme appartenant effectivement au sexe oppos. Dans de tels cas, le sexe anatomique de lindividu ne concorde pas avec sa vritable identit de genre. Cest cet intense conflit entre la vritable identit de genre et le sexe anatomique manifeste de lindividu qui produit la dysphorie de genre. Cette expression sentend de laffliction et du tourment ressenti par les transsexuels que leur sexe biologique rend malheureux.

Les tmoins experts ont aussi pass en revue les procdures appliques pour un diagnostic du trouble de lidentit de genre ainsi que les divers traitements offerts, notamment la psychothrapie, le traitement par les mdicaments, lhormonothrapie pour les sujets engags dans le processus de transition de genre, et finalement lopration de changement de sexe. tant donn le caractre irrversible et effractif de cette opration, les critres de slection sont rigoureux et requirent laccomplissement dtapes pralables avant que lopration ne soit entreprise. Les tmoins experts se sont accords sur les aspects fondamentaux du concept de trouble de lidentit de genre, mais ils ont diverg dopinion sur lopportunit doffrir une personne incarcre la possibilit de subir une telle opration. Lenvironnement social singulier des prisons pourrait trs bien porter atteinte la qualit du diagnostic, voire fausser les ides vritables du sujet qui demande lopration. Il ny avait pas unanimit sur cet aspect des ralits sociales en milieu carcral, mais le SCC sen tenait sa politique consistant refuser cette possibilit, en raison des doutes suscits par certains professionnels de la mdecine travaillant dans le domaine des troubles de lidentit de genre.

Les politiques crites se rapportant au placement (le choix de ltablissement carcral) ainsi qu la possibilit de subir une opration de changement de sexe sont claires et non quivoques. Elles prvoient que sauf si lopration de changement de sexe a eu lieu, les dtenus de sexe masculin seront placs dans des tablissements pour hommes et que lopration de changement de sexe ne sera pas considre durant lincarcration du dtenu81. Tout aussi claire a t la conclusion initiale du Tribunal concernant la politique de placement: La politique du SCC exigeant que les dtenus ayant une anatomie masculine soient incarcrs dans des tablissements pour hommes dfavorise manifestement les dtenus transsexuels MF au stade propratoire. Le placement des non-transsexuels est fonction de leur sexe anatomique et de leur genre. Toutefois, le placement des transsexuels est fonction de leur sexe anatomique et non de leur genre. Lavocat du SCC admet volontiers que la politique constitue en apparence une discrimination fonde tant sur le sexe que sur la dficience82. Il fallait essentiellement se demander si le SCC avait fond sur un motif justifiable sa politique concernant le placement des transsexuels.

Au soutien de cette politique, des tmoins du SCC avaient mis en relief la vulnrabilit de la population carcrale de sexe fminin et lincidence problmatique quaurait le placement dans cette population dun dtenu anatomiquement de sexe masculin. La preuve sur ce point fut quelque peu subjective, mais le Tribunal a estim quelle avait t renforce par des tudes objectives sur les besoins des dtenus de sexe fminin, ainsi que par les vues de lun des tmoins experts. Il a conclu que les difficults que les dtenus de sexe fminin avaient avec les hommes trouvaient en partie leur source dans des expriences pnibles marques par des abus physiques, psychologiques et sexuels. Plus simplement, elles constituaient un groupe vulnrable qui tait fond voir ses besoins reconnus et respects. Ce ntait donc pas une solution raisonnable, comme on lavait soutenu, de placer dans un pnitencier pour femmes des transsexuels au stade propratoire. Le Tribunal a aussi conclu quil ntait ni possible ni souhaitable de placer dans des tablissements totalement spars les transsexuels en transition qui en sont au stade propratoire, en soulignant le nombre extrmement faible des dtenus de cette catgorie, les difficiles problmes logistiques et les questions de radaptation.

Malgr ses conclusions sur ces deux solutions de remplacement, le Tribunal a nanmoins dcid que la politique, dans sa forme actuelle, tait injustifie car celle-ci ne tient pas compte de la vulnrabilit particulire des dtenus transsexuels au stade propratoire83. Autrement dit, le SCC navait pas pris de moyens raisonnables pour offrir des amnagements aux membres de ce groupe. Le Tribunal a jug que toute politique future doit tenir compte de leffet diffrentiel que le placement des dtenus en fonction de leur anatomie a sur les dtenus transsexuels. Le risque de victimisation inhrent au milieu carcral doit galement tre pris en compte. Enfin, il faut que les dirigeants du secteur correctionnel examinent le cas de chaque transsexuel de concert avec des professionnels de la sant qualifis avant son placement dans une des catgories dtablissements pnitentiaires pour hommes...84. Il a donc ordonn quune nouvelle politique de placement des dtenus transsexuels soit formule en concertation avec la Commission, pour quil soit tenu compte de leurs besoins particuliers de placement.

Sagissant de laccs lopration de changement de sexe, le Tribunal na eu gure de difficult dire quil y avait un commencent de preuve de discrimination. Selon lui, lopposition gnrale du SCC ce genre dopration durant la priode dincarcration quivalait refuser un service mdical aux dtenus transsexuels qui de lavis de professionnels de la mdecine pouvaient tre de bons candidats pour lopration en question. Ce refus de services mdicaux (quils soient classs comme essentiels ou facultatifs) quivalait une discrimination fonde la fois sur le sexe et sur la dficience. Puis le Tribunal sest demand si le SCC avait fond linterdiction sur un motif justifiable.

Puisque le fondement rationnel de la politique et la bonne foi de ceux qui lavaient tablie pouvaient tre facilement dmontrs, le Tribunal a analys la question en se demandant si linterdiction tait raisonnablement ncessaire, en ce sens quaucun amnagement ne pouvait tre offert aux transsexuels au stade propratoire sans quil en rsulte une contrainte excessive. Il a fait observer que de srieux doutes avaient t soulevs dans la preuve propos de la possibilit pour des transsexuels incarcrs de remplir une condition pralable essentielle afin de pouvoir tre retenus comme candidats une opration de changement de sexe, savoir laccomplissement vritable dune exprience de vie en tant que membres du sexe cible. Selon les mots du Tribunal:

Nous partageons lopinion des experts appels par le SCC, savoir que lexigence de lexprience pratique nonce dans le protocole de traitement ne puisse tre remplie de faon satisfaisante en milieu carcral. Il ressort de lensemble des tmoignages que les transsexuels au stade propratoire doivent tre en mesure dinteragir la fois avec des hommes et des femmes dans leur vie quotidienne pour rpondre de faon satisfaisante lexigence de lexprience pratique... Ces individus peuvent-ils acqurir lexprience pratique voulue durant leur incarcration dans des pnitenciers pour hommes ? Nous pensons que non... Le but de lexprience pratique est dvaluer la dtermination du patient visvis de linversion sexuelle chirurgicale, de mme que la capacit de lintress de vivre en tant que membre du sexe cible. On vrifie la dtermination du patient en exigeant quil sexpose perdre son emploi et saliner sa famille et ses amis, tout en tant prt subir lopprobre social que risque de susciter la dcision de vivre comme membre du sexe cible. Contrairement la socit en gnral, le milieu carcral, de par sa nature artificielle, comporte des renforcements positifs ou ngatifs susceptibles de dformer lexprience de lintress, do limpossibilit de se fier sur lexprience pratique pour vrifier si lintress est vraiment dtermin, sa capacit de fonctionner comme membre du sexe cible et le caractre adquat du soutien social, conomique et psychologique dont il bnficie. Par consquent, lexprience pratique acquise en milieu carcral nest pas un indicateur fiable de laptitude dun dtenu subir linversion sexuelle chirurgicale85.

Cette conclusion rduit considrablement le nombre dj faible de dtenus qui pourraient tre des candidats une opration de changement de sexe, mais le Tribunal a estim quelle ne justifiait pas linterdiction absolue actuellement nonce dans les politiques du SCC. Cette interdiction ne pouvait se justifier que si le SCC prouvait que nul ne pourrait vritablement rpondre aux conditions dadmissibilit rglementant laccs un traitement mdical lgitime dun tat mdical reconnu86. Le Tribunal a donn un seul exemple de cas o un individu pourrait trs bien rpondre aux exigences, savoir le cas o le sujet aurait satisfait lexigence de lexprience pratique avant son incarcration87. Sur la question de savoir qui pourrait juger de laptitude dun dtenu subir lopration, le Tribunal a indiqu que la dcision devrait tre prise par les mdecins qui avaient suivi le sujet tout au long du processus de transition antrieur lincarcration (sauf entente contraire du dtenu et du SCC).

Le SCC nayant pas dmontr que des amnagements raisonnables ne pouvaient tre apports sans quil en rsulte une contrainte excessive, le Tribunal a jug que linterdiction gnrale engendrait une discrimination fonde sur le sexe et la dficience. Il a donc ordonn au SCC de ne plus appliquer la politique en question, mais a suspendu son ordonnance pendant une priode de six mois pour permettre au SCC de consulter la Commission afin de formuler une nouvelle politique conforme aux motifs noncs dans sa dcision.

Dans laffaire Eyerley c. Seaspan International, le Tribunal a t appel se prononcer sur lobligation faite un employeur de prendre des mesures dadaptation, sans que cela lui impose une contrainte excessive, afin de tenir compte des besoins spciaux dun employ ayant une dficience88. Laffaire concernait un employ qui, entre 1989 et 1996, avait travaill seulement lquivalent de 17,5% des 2662 jours pendant lesquels il avait t inscrit sur la feuille de paye de lentreprise intime. Son absentisme rsultait en grande partie dune blessure au poignet droit quil avait subie du fait de son travail et qui lempchait de remplir certaines des fonctions de son poste de matelot de pont-cuisinier bord des remorqueurs ctiers exploits par lintim. En raison de sa blessure (qui lavait oblig sinscrire diverses reprises au rgime dindemnisation des accidents du travail), M.Eyerley a demand tre affect sur de plus petits remorqueurs quips dun dispositif de manuvre plus lger afin dviter les tches lourdes et ardues. Seaspan ntait pas dispose fournir lemploy une garantie cet gard, se contentant de lui offrir un poste bord de petits navires lorsque la chose tait possible du point de vue administratif. Le travail bord des petits navires sest rvl galement difficile pour lemploy, qui est parti une autre fois en cong dinvalidit le 18juillet 1995. Finalement, compte tenu des rapports mdicaux et des conclusions de la Commission des accidents du travail suivant lesquels il tait peu probable que lemploy reprenne ses fonctions de matelot de pont-cuisinier dans un avenir rapproch, lentreprise a mis fin son emploi le 8novembre 1996 pour cause dabsentisme involontaire. Le 7mai 1998, M.Eyerley a dpos une plainte de discrimination au travail fonde sur la dficience.

Pour sa dfense, lentreprise intime a fait valoir que la cessation demploi en raison de limpossibilit d'excution d'un contrat (absentisme involontaire) ne constituait pas une pratique discriminatoire fonde sur la dficience. Ainsi, a soutenu lentreprise, les faits de la plainte ne permettaient pas dtablir une preuve prima facie de discrimination. Lentreprise a fond son argument sur des cas jurisprudentiels de congdiement injustifi o la dfense avait invoqu le principe dannulation dun contrat devenu inexcutable. Le Tribunal a rejet cet argument en soulignant quaucun des cas cits navait examin prcisment la question de lincidence de la lgislation en matire des droits de la personne sur limpossibilit d'excution d'un contrat. Il a invoqu cet effet une dcision arbitrale suivant laquelle un employeur a droit sa juste part du march, cest--dire lexcution du travail par l'employ. Cependant, lorsque les rgles demploi entranent des consquences ngatives sur une personne ayant une dficience, il convient que larbitre dtermine si l'employeur a pris toutes les mesures dadaptation ncessaires jusqu ce quil en rsulte pour lui une contrainte excessive89. De plus, le Tribunal a soulign que mme les dcisions arbitrales cites par Seaspan reconnaissaient que le principe de labsentisme involontaire ne sappliquait pas librement et quil tait en fait assujetti aux restrictions de la lgislation sur les droits de la personne.

Ayant donc jug que les lments de preuve dont il tait saisi tablissaient une preuve prima facie de discrimination fonde sur la dficience, le Tribunal sest tourn vers la question des mesures dadaptation. La norme de travail en question, savoir quun employ doit maintenir un niveau raisonnable dassiduit au travail, tait clairement rattache aux exigences lgitimes de Seaspan en matire de travail. Pourtant, mme lorsquune norme est raisonnablement ncessaire, lemployeur est oblig de prendre des mesures dadaptation pour tenir compte de la dficience dun employ jusqu ce quil en rsulte pour lemployeur une contrainte excessive. Pour ce qui est de savoir ce qui constitue une contrainte excessive, le Tribunal a adopt des critres reconnus qui ont t dtermins par la Cour suprme, tels les cots financiers, linterchangeabilit de leffectif et des installations, les conventions collectives, lingrence notable dans les droits et le moral des autres employs et la scurit des employs. Il a fait observer que la question des mesures dadaptation devait tre examine sur deux plans: sur le plan procdural, afin de dterminer dans quelle mesure lemployeur tient compte de tous les aspects viables de ladaptation; sur le plan du fond, afin dvaluer le caractre raisonnable des mesures dadaptation mises en place ou les raisons pour lesquelles lemployeur ne prend aucune mesure90.

Au regard de la preuve dont il disposait, le Tribunal a jug que Seaspan, en fait dadaptation, navait quexamin la demande daffectation sur des petits remorqueurs que le plaignant (M.Eyerley) avait prsente. Lentreprise avait bien fait comprendre, cependant, quelle navait pas lintention dorganiser ses quipages en fonction de ltat du poignet de M.Eyerley et que ce dernier devait tre en mesure de travailler sur nimporte quel de ses navires. Le Tribunal a not que Seaspan exploitait une flotte varie de bateaux dont certains (tels les transbordeurs et les remorqueurs navettes) ncessitaient lexcution de manuvres beaucoup moins lourdes et mieux adaptes la dficience du plaignant. Bien que le Tribunal nait pas t en position de dterminer si des obstacles auraient empch le plaignant, pour des raisons valables, de remplir dautres tches, il a jug que lemployeur navait pas envisag cette possibilit tout comme il navait pas examin attentivement laptitude de M.Eyerley excuter diverses fonctions.

Au moment de dterminer le redressement quil convenait daccorder, le Tribunal a jug important de tenir compte des contraintes physiques incontestables auxquelles le plaignant faisait face. Il a rejet les arguments voulant quune ordonnance de ddommagement pour perte de salaire soit rendue, parce que le plaignant avait touch des prestations de radaptation professionnelle jusquau 31dcembre 1998 et quil tait de toute faon inapte pour raison de sant (au regard de la preuve prsente) remplir les fonctions de matelot de pont-cuisinier. Quant aux autres postes qui auraient pu tre offerts au plaignant, le Tribunal a jug quune ordonnance de ddommagement pour perte de salaire ne pourrait qutre fonde sur des conjectures et des lments ayant peu de rapport avec les faits de lespce. Il a galement refus dordonner lintim de rembaucher le plaignant et de lui offrir le premier poste dofficier de pont disponible. Prendre une telle mesure, a fait valoir le Tribunal, reviendrait passer outre aux pratiques dvaluation normales de Seaspan et faire abstraction du fait que le plaignant navait pas encore termin le programme de recyclage professionnel et obtenu sa carte de qualification dofficier de pont, et que ce poste comportait des fonctions pisodiques de matelot de pont que le plaignant tait inapte remplir.

Aprs avoir examin en bout de ligne la possibilit de confier au plaignant un travail de matelot de pont bord de remorqueurs, le Tribunal a constat quil serait fort possible pour le plaignant de remplir les fonctions allges que comporte ce travail et que les facteurs de risque et de scurit taient beaucoup moins importants qu bord dautres types de remorqueurs exploits par Seaspan. Il a par consquent ordonn lentreprise de prendre les arrangements ncessaires ( ses frais) pour faire subir au plaignant un examen mdical visant dterminer sa condition physique et son degr dinvalidit. Il a ordonn en outre quune valuation professionnelle exhaustive soit faite des fonctions dun matelot de pont bord des remorqueurs. Dans le cas o, lissue de lexamen mdical, le plaignant serait dclar apte exercer les fonctions de matelot de pont bord des remorqueurs, le Tribunal a ordonn Seaspan doffrir au plaignant le premier poste permanent du genre qui serait disponible (sans gard lanciennet). Toutefois, lentreprise ne devait librer aucun des postes occups de cette catgorie dans le seul but de rpondre aux besoins dadaptation du plaignant. En dernier lieu, le Tribunal a ordonn quune indemnit de 5000 dollars soit verse au plaignant pour le prjudice moral quil a subi.

Race/Origine nationale ou ethniqueTE \l2 "Race/Origine nationale ou ethnique

Le Tribunal a rendu une dcision approfondie dans laffaire Chopra c. Sant nationale et Bien-tre social91, une affaire concernant une plainte individuelle de discrimination raciale (ainsi que de discrimination fonde sur lorigine nationale ou ethnique). Dpose lorigine en septembre 1992, la plainte a t instruite par un tribunal sur une priode de plusieurs jours en septembre et octobre 1995. Une dcision a t rendue en mars 199692 rejetant les allgations selon lesquelles le plaignant avait subi un traitement discriminatoire dans les oprations de dotation se rapportant un poste de gestion au ministre de la Sant nationale et du Bien-tre social. Cette dcision fut infirme en appel parce que le Tribunal avait commis une erreur de droit en excluant la preuve dexpert se rapportant aux questions de discrimination systmique93. Le Tribunal avait exclu la preuve gnrale dun problme systmique Sant Canada, preuve que le plaignant (et la Commission) avaient espr utiliser pour tablir une preuve circonstancielle permettant de conclure quune discrimination avait eu lieu dans le cas particulier du plaignant. La Cour fdrale renvoya laffaire au tribunal initial pour quil en dispose sur la base du dossier de laudience antrieure et de toute preuve statistique complmentaire que le plaignant ou la Commission avait voulu produire, ainsi que sur la base des documents que le ministre dfendeur pourrait vouloir produire en rponse. Comme le tribunal initial ne pouvait tre reconstitu, un nouveau tribunal fut mandat pour rexaminer laffaire la lumire du jugement de la Cour fdrale.

Plusieurs questions de preuve ont t examines au cours de la nouvelle instruction. Il y avait notamment la question du champ des preuves nouvelles qui seraient autorises, en particulier celles qui se rapportaient au dfendeur. Le Tribunal a dcid que Sant nationale et Bien-tre social devrait tre autoris produire de nouveaux lments de preuve mme sils se rapportaient des pices dj prsentes au tribunal initial. Selon lui, la preuve statistique pouvait renforcer les dtails de largumentation du plaignant. Comme lvaluation initiale faite par le ministre dfendeur du prtendu commencement de preuve prsent son encontre intressait le genre de preuve quil avait choisi de produire dans sa dfense laudience initiale, le Tribunal a dcid que, en toute quit, le ministre dfendeur devait tre autoris produire des lments de preuve qui allaient au-del des stricts faits et points soulevs par la nouvelle preuve statistique. Simultanment, le Tribunal jugea que le ministre dfendeur ne pouvait tenir sa preuve en rserve et demander, la fin des arguments du plaignant, que les allgations soient rejetes parce quelles ne permettaient pas dtablir un commencement de preuve. Autrement dit, il faudrait que le ministre dfendeur choisisse de ne pas produire de preuves sur le fond des allgations sil dcidait sur cette base de prsenter une requte en rejet des allgations, ce que finalement il refusa de faire94.

Le Tribunal a aussi nonc les principes qui allaient le guider dans les conclusions de fait tires par la formation initiale. Il a fait valoir quil serait imprudent pour lui dentreprendre de rvaluer les dpositions de tmoins quil navait pas directement entendus. Cependant, si de nouvelles preuves taient reues, il appartiendrait au Tribunal de rvaluer la question laquelle elles se rapportaient. Sagissant des aspects non rattachs de nouvelles preuves, le Tribunal a estim quil tait quand mme fond les rvaluer sil jugeait que le premier tribunal avait commis une erreur palpable ou manifeste dans lvaluation des faits ou une erreur dans ses conclusions de droit95. Abstraction faite de ces aspects, le Tribunal jugea quil devrait dfrer aux conclusions de fait tires par le premier tribunal.

La dcision du Tribunal explique en dtail les faits entourant les allgations de discrimination raciale. La manire dont le concours pour ce poste sest droul, le fait quil a t pourvu temporairement et la nomination ultime du candidat reu (durant la priode 1990-1992) sont les principaux aspects qui ont retenu lattention du Tribunal. Sagissant du concours final (mars-avril 1992), le Tribunal a conclu que le plaignant avait t limin en raison de son manque dexprience de la gestion. Comme lchec du plaignant figurer sur la liste des candidats qualifis rsultait de lapplication dun critre objectif, le plaignant navait pas russi tablir un commencement de preuve de discrimination96. Nanmoins, la preuve prsente au Tribunal soulevait, quant une possible discrimination exerce contre le plaignant, dautres aspects prenant la forme dun dni de possibilits. Comme le Tribunal la fait observer: ... La question la plus importante et inquitante consiste savoir sil existe des lments de preuve permettant dtablir un lien entre le manque dexprience en gestion du DrChopra et les actes ou omissions de lemployeur et, le cas chant, si ces actes et omissions sont dune faon ou dune autre attribuables un traitement diffrent fond sur un motif illicite aux termes de la LCDP97.

La rponse donne cette question a t finalement affirmative. Au soutien de sa conclusion, le Tribunal a signal plusieurs choses: (i)le fait que le ministre navait pas nomm le plaignant directeur intrimaire, (ii)la nomination de quelquun dautre comme directeur intrimaire mme si cette personne ne rpondait pas aux qualits requises indiques, (iii)lhypothse nonce par un cadre suprieur selon laquelle certains groupes culturels navaient pas les comptences non techniques comme laptitude communiquer, influencer et ngocier98. Le fait quil na pas t nomm titre intrimaire tait crucial, vu lensemble des circonstances