Vieux mais vivants

11
VIEUX MAIS VIVANTS ! Michel Billé Presses universitaires de Grenoble | « Jusqu’à la mort accompagner la vie » 2014/4 N° 119 | pages 13 à 21 ISSN 0768-6625 ISBN 9782706122040 DOI 10.3917/jalmalv.119.0013 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-jusqu-a-la-mort-accompagner-la-vie-2014-4-page-13.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Presses universitaires de Grenoble. © Presses universitaires de Grenoble. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) © Presses universitaires de Grenoble | Téléchargé le 20/06/2022 sur www.cairn.info (IP: 65.21.228.167) © Presses universitaires de Grenoble | Téléchargé le 20/06/2022 sur www.cairn.info (IP: 65.21.228.167)

Transcript of Vieux mais vivants

Page 1: Vieux mais vivants

VIEUX MAIS VIVANTS !

Michel Billé

Presses universitaires de Grenoble | « Jusqu’à la mort accompagner la vie »

2014/4 N° 119 | pages 13 à 21 ISSN 0768-6625ISBN 9782706122040DOI 10.3917/jalmalv.119.0013

Article disponible en ligne à l'adresse :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------https://www.cairn.info/revue-jusqu-a-la-mort-accompagner-la-vie-2014-4-page-13.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour Presses universitaires de Grenoble.© Presses universitaires de Grenoble. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans leslimites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de lalicence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit del'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockagedans une base de données est également interdit.

Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)

© P

ress

es u

nive

rsita

ires

de G

reno

ble

| Tél

écha

rgé

le 2

0/06

/202

2 su

r w

ww

.cai

rn.in

fo (

IP: 6

5.21

.228

.167

)© P

resses universitaires de Grenoble | T

éléchargé le 20/06/2022 sur ww

w.cairn.info (IP

: 65.21.228.167)

Page 2: Vieux mais vivants

revue jalmalv n° 119 ✹ décembre 2014

vieux mais vivants ! ✹ michel billé, sociologue, poitiers

« Maintenant que la jeunesseA fui voleur généreuxMe laissant mon droit d’aînesseEt l’argent de mes cheveuxIl fait beau à n’y pas croireIl fait beau comme jamais »louis aragon

C’est curieux comme nous entretenons globalement un rapport ambivalent à la vieillesse et au grand âge ! Nous

souhaitons vivre encore, vivre de plus en plus longtemps, mais ne voudrions pas vieillir, comme si vivre n’était pas vieillir, inéluctablement et comme si vieillir n’était déjà plus vivre…L’image négative de vieillesse dont est porteuse la société occidentale contemporaine a pour effet de déconsidérer la vieil-lesse et les vieux au point d’ailleurs que le mot vieux soit devenu presque impossible à employer et qu’on cherche à lui substituer une foule de remplaçants qui, des seniors aux aînés, tentent de ne pas dire ce que nous ne voulons pas entendre : nous ne pouvons pas vivre sans vieillir ! Toutes les constructions qui s’ensuivent sont plus ou moins menteuses : avancer en âge sans connaître les avatars de la vieillesse, vivre sans vieillir, vieillir sans devenir vieux… De tout cela nous ne sommes dupes que parce que cela nous arrange, c’est absurde et nous le savons bien. Mais la peur que nous avons de la mort entraîne, comme par contamination, une peur panique, une angoisse même de la vieillesse…

© P

ress

es u

nive

rsita

ires

de G

reno

ble

| Tél

écha

rgé

le 2

0/06

/202

2 su

r w

ww

.cai

rn.in

fo (

IP: 6

5.21

.228

.167

)© P

resses universitaires de Grenoble | T

éléchargé le 20/06/2022 sur ww

w.cairn.info (IP

: 65.21.228.167)

Page 3: Vieux mais vivants

le grand âge, forces et fragilités14

investir la vieillesse…

Je peux dès lors regarder ma vieillesse déjà présente ou à venir de deux manières opposées, complémentaires, paradoxales…Je peux regarder ma vieillesse comme cette période de ma vie qui me rapproche de ma mort. C’est une évidence, « demain je serai un peu plus vieux ou je serai mort » disait Michel Philibert (1968).Mais je peux regarder ma vieillesse comme cette période de ma vie qui me sépare encore de ma mort. C’est également une évi-dence, même si je ne sais pour combien de temps elle m’en sépare.Dans la première hypothèse, le risque est de faire de la vieil-lesse l’antichambre de la mort : commencer à mourir tout de suite puisque de toute façon je vais mourir. Et même décider de mourir tout de suite pour ne pas avoir à mourir plus tard ! Comme si cette décision de mort permettait de maîtriser la vie qu’il me reste à vivre.Dans la seconde hypothèse, je peux regarder ma vieillesse comme une période à vivre encore, c’est-à-dire investir, plei-nement, joyeusement même, pourquoi pas ? Elle sera d’autant plus investie et joyeuse, vivante, que mon entourage m’y incite, m’y invite et s’y implique.On peut comprendre, bien sûr, qu’une histoire de vie particu-lièrement pénible, un contexte familial difficile, des blessures multiples, aient laissé des traces telles que la vie ait perdu son sel pour celui qui ne peut plus et ne veut plus la savourer. Le com-prendre oui mais s’y résoudre ? Les belles notions d’accompa-gnement et de soin sont là exactement pour tenter d’enchanter encore la vie, la vieillesse et pour proposer de ne pas renoncer à regarder et à saisir dans le visage de celui qui vieillit « un homme fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n’importe qui » (Sartre, 1964).

© P

ress

es u

nive

rsita

ires

de G

reno

ble

| Tél

écha

rgé

le 2

0/06

/202

2 su

r w

ww

.cai

rn.in

fo (

IP: 6

5.21

.228

.167

)© P

resses universitaires de Grenoble | T

éléchargé le 20/06/2022 sur ww

w.cairn.info (IP

: 65.21.228.167)

Page 4: Vieux mais vivants

vieux mais vivants !

revue jalmalv n° 119 ✹ décembre 2014

15

dépendants ? non, interdépendants…

Parmi les vocables utilisés désormais pour désigner ces vieux qui atteignent le grand âge, le mot vieillard est lui aussi le plus souvent disqualifié. On peut s’amuser d’ailleurs à souligner qu’il n’a pas de féminin… Les femmes ont une espérance de vie plus grande que les hommes mais, curieusement, il n’y a pas de « vieillardes »… On ne devient donc plus tellement un vieillard ou un grand vieillard, on devient dépendant… Le mot dépendance vient dire quelque chose de terrible mais il parle peut-être davantage de nous que du vieillard.C’est en effet l’interdépendance qui nous fait homme… À tout âge et depuis l’enfance, nous nous construisons dans des rela-tions d’interdépendance, qu’il s’agisse d’éducation, d’appren-tissage, de relations professionnelles, amicales, amoureuses, familiales, etc. C’est bien cette interdépendance qui nous fait vivre avec les autres, dans une communauté humaine qui ne saurait être que la simple juxtaposition des individus qui la composent mais qui se caractérise par les liens interactifs qui s’y tissent. C’est l’interdépendance qui nous fait hommes et femmes vivants, en société…Or il arrive, qu’au motif de l’âge, de la maladie, du handicap, de l’origine, brisant l’inter, nous nous retirions de cette relation de réciprocité, de cette interaction et que nous ne regardions plus l’autre que comme dépendant ! Nous nous sommes retirés de la relation et le voici devenu dépendant mais nous nous gardons bien de dire de qui il est devenu dépendant, parce que répondre à cette question aurait pour conséquence de redyna-miser l’inter, de ré-identifier des inter-locuteurs… Ce n’est, au fond, que parce que nous avons brisé cette inter-dépendance que nous pouvons nous croire dédouanés de nos obligations envers cette personne.

© P

ress

es u

nive

rsita

ires

de G

reno

ble

| Tél

écha

rgé

le 2

0/06

/202

2 su

r w

ww

.cai

rn.in

fo (

IP: 6

5.21

.228

.167

)© P

resses universitaires de Grenoble | T

éléchargé le 20/06/2022 sur ww

w.cairn.info (IP

: 65.21.228.167)

Page 5: Vieux mais vivants

le grand âge, forces et fragilités16

fragiles et vulnérables…

Ainsi dénommé dépendant, le vieillard voit en quelque sorte sa fragilité révélée. Il est fragile, un rien risque de le briser et l’on connaît ces vieillards qui paraissent ne tenir debout que par la grâce du souffle qui les habite encore, comme si leur fragilité, justement, les faisait vivre.Mais ce fragile vieillard devient vulnérable, justement, dans l’interaction avec son environnement. Vulnérable : pouvant être blessé ! Pour être blessé, il faut alors qu’un entourage hostile ou insuffisamment attentif, négligemment ou avec malveillance porte la blessure. L’homme est fragile, quel que soit son âge, petit ou très grand. Il l’est même parfois dans « la force de l’âge » quand la maladie le foudroie. Mais, devenu vieux, c’est bien son environnement qui vient ou non le blesser et détermine ainsi sa vulnérabilité. Dépendant, fragile, vulnérable, de quelle considération positive pourrait-il encore faire l’objet ?

la société de l’anti-âge

La société contemporaine joue donc un drôle de tour aux plus âgés de ses membres. Au moment où, pour la première fois dans notre histoire, nous avons la possibilité d’atteindre nombreux des âges auxquels les générations précédentes ne pouvaient pas penser, ceux qui vieillissent font l’objet d’une injonction paradoxale effrayante : vieillissez mais que cela ne se voit pas, ne se sache pas, ne coûte rien… « Bref vous pouvez vieillir, à condition de rester jeune ! » (Billé et Martz, 2010).La multiplication des produits anti-âge et l’incitation publici-taire à les utiliser contribuent largement à déconsidérer l’image que les vieux ont d’eux-mêmes et l’image que nous nous faisons d’eux. Les rides sont à combattre, les cheveux blancs doivent disparaître, les attributs de la vieillesse doivent céder devant les artifices d’une jeunesse permanente ou permanentée, référence définitive de la beauté.

© P

ress

es u

nive

rsita

ires

de G

reno

ble

| Tél

écha

rgé

le 2

0/06

/202

2 su

r w

ww

.cai

rn.in

fo (

IP: 6

5.21

.228

.167

)© P

resses universitaires de Grenoble | T

éléchargé le 20/06/2022 sur ww

w.cairn.info (IP

: 65.21.228.167)

Page 6: Vieux mais vivants

vieux mais vivants !

revue jalmalv n° 119 ✹ décembre 2014

17

vieux et coupables…

Nous assistons donc à la construction sociale d’une image très négative de la vieillesse. Mais au-delà de l’image, nous sommes victimes d’une assimilation de la vieillesse à un problème (le problème du vieillissement de la population, le problème du financement des retraites, le poids des vieux dans le déficit de la sécurité sociale, etc.), à une maladie parfois (dont le spécialiste est le gériatre qui mesure justement la perte d’autonomie…) et implicitement à un délit dont se rendent coupables les vieux qui n’ont pas le savoir-vivre de mourir avant de devenir une charge…Le discours sur la dette que les générations dites favorisées vont, soi-disant, laisser aux jeunes participe de cette déconsidération de la vieillesse : ils sont vieux, on leur paye leur retraite, ils vont nous coûter cher et en plus ils nous laissent une dette… Alors qu’eux, ils ont eu les Trente Glorieuses, du travail, le confort, etc. On oublie simplement les conditions de travail et les luttes ouvrières, le redressement du pays après-guerre, la condition des femmes, les combats qu’il a fallu mener, etc.

transmettre mais quoi ?Les plus optimistes tentent parfois de briser ce mécanisme sociétal infernal en tenant un discours délibérément positif. Ils ont raison évidemment mais pour autant, ce discours est difficile à construire.Le vieux sont des transmetteurs : oui c’est vrai mais qu’ont-ils à transmettre (au-delà de la transmission d’un éventuel patri-moine financier dont chacun veut bien hériter évidemment) ou plutôt qu’est-ce que cette société de l’âgisme est prête à recevoir des plus âgés ?Leur expérience ? Sans doute ! Pour autant que fait-on de l’expérience des vieux ? À quoi sert de savoir-faire à la main quand la production mécanique et informatisée a remplacé la fabrication manuelle ?

© P

ress

es u

nive

rsita

ires

de G

reno

ble

| Tél

écha

rgé

le 2

0/06

/202

2 su

r w

ww

.cai

rn.in

fo (

IP: 6

5.21

.228

.167

)© P

resses universitaires de Grenoble | T

éléchargé le 20/06/2022 sur ww

w.cairn.info (IP

: 65.21.228.167)

Page 7: Vieux mais vivants

le grand âge, forces et fragilités18

Leur histoire ? Sans doute et c’est peut-être un des points les plus essentiels parce que « nous vivons dans une société amnésique » (Billé, 2014) qui se comporte comme si le monde commen-çait avec elle… Or cette histoire inscrit, dans le temps et dans l’espace, des générations qui se font de plus en plus nomades et ne sauront bientôt plus où ont poussé leurs racines…Une culture ? Là encore la société contemporaine qui se pré-cipite dans un modernisme toujours plus conquérant a-t-elle vraiment le désir d’hériter de la culture des vieux pour autre chose que de la mettre au musée ?

du rôle à la fonction

Tout cela peut paraître constituer un propos terriblement désenchanté… et désenchanteur, peut-être… Non pourtant ! Si nous voulons justement réenchanter le regard que nous portons collectivement sur la vieillesse et le discours que nous tenons à son sujet, il est essentiel d’avoir claire conscience de la situation que nous voulons transformer.Forcément, l’évolution des représentations que l’on peut espérer demande du temps. Mais il s’agit surtout de travailler sur des domaines où l’on ne s’aventure que rarement. Et pourtant !On se trompe sans doute à chaque fois que, prenant au pre-mier degré le discours utilitariste ambiant, on se demande à quoi servent les vieux ! C’est la question qui est perverse. Elle induit en effet une réponse en termes d’utilité, de rôle à tenir. Or la question qu’il faut poser va au-delà : lorsque pour mille raisons je ne puis plus jouer mon rôle, puis-je encore remplir une fonction ? La fonction elle, est symbolique. Et la question devient : quel regard portes-tu sur moi, toi qui es en bonne santé, sur moi qui, terminant ma vie, me trouve indéniablement en difficultés, souffrant, malade, handicapé… ?Si tu acceptes de me regarder d’une certaine manière, je peux encore remplir ma fonction… Elle est étrangement proche de celle du philosophe et consiste à interroger mes concitoyens

© P

ress

es u

nive

rsita

ires

de G

reno

ble

| Tél

écha

rgé

le 2

0/06

/202

2 su

r w

ww

.cai

rn.in

fo (

IP: 6

5.21

.228

.167

)© P

resses universitaires de Grenoble | T

éléchargé le 20/06/2022 sur ww

w.cairn.info (IP

: 65.21.228.167)

Page 8: Vieux mais vivants

vieux mais vivants !

revue jalmalv n° 119 ✹ décembre 2014

19

sur le sens qu’ils acceptent de donner ou de reconnaître à la vie, à la vieillesse justement, à la souffrance, à la maladie, au handicap, etc. Ne disons plus : les vieux sont-ils encore utiles ? Mais bien : comment les regardons-nous, sommes-nous prêts à nous laisser déstabiliser par ce qu’ils nous crient dans un silence assourdissant : toi qui me regarde, me regardes-tu comme un homme, comme ton frère en humanité, une humanité que tu ne peux ni me dénier ni me disputer.

d’abord des liens d’affection…

Sur cette base alors, et malgré ce que l’air ambiant diffuse en permanence, de belles rencontres sont possibles entre les géné-rations, même quand les apparences semblent dire le contraire.Des rencontres d’affection d’abord. C’est vrai à l’intérieur de nos familles et c’est très important pour tous. Le psychanalyste Erik Erikson (1993) avait cette formule merveilleuse : « Pour élever des enfants qui n’aient pas peur de la vie, il faut qu’ils côtoient des vieillards qui n’aient pas peur de la mort ». Or, voilà la base même de la fonction remplie par les plus vieux : permettre aux plus jeunes de commencer à se construire une représentation de la mort. La mort des parents est impensable pour l’enfant, trop dangereuse pour lui-même. Celle d’un grand-père ou d’un arrière-grand-père l’est beaucoup moins évidemment ! Construisant une représentation de la mort, l’enfant va pouvoir élaborer plus avant la représentation qu’il peut construire de la vie, de sa vie. Et, ce faisant, il commence à se poser les questions métaphysiques fondamentales : « Dis Grand-père, quand t’étais pas né, est-ce que t’étais mort ? » me demandait un jour l’un de mes petits-enfants alors âgé de 7 ans… D’où vient l’homme et où va l’homme ? La transmission la plus fondamentale d’une génération à l’autre tient sans doute en ceci : introduire l’enfant aux questions qui dépassent l’homme, c’est-à-dire au sacré, quelle que soit la nature, religieuse ou non, des réponses que nous apportons à ces questions.

© P

ress

es u

nive

rsita

ires

de G

reno

ble

| Tél

écha

rgé

le 2

0/06

/202

2 su

r w

ww

.cai

rn.in

fo (

IP: 6

5.21

.228

.167

)© P

resses universitaires de Grenoble | T

éléchargé le 20/06/2022 sur ww

w.cairn.info (IP

: 65.21.228.167)

Page 9: Vieux mais vivants

le grand âge, forces et fragilités20

des liens de culture…

Sur la base de ces liens d’affection peuvent donc se tisser d’autres liens qui relient les générations. L’histoire familiale, les racines, l’origine, l’appartenance à un peuple, à un pays, une région, une origine… La transmission d’une langue parfois et plus souvent d’une manière un peu particulière de parler. La transmission de manières de faire dans tous les domaines de la vie quoti-dienne qui sont des éléments constitutifs d’une culture. Et les mêmes petits-enfants qui se précipitent sur les technologies informatiques et passent leur temps sur les écrans de toutes sortes, « fondent » quand leur Grand-mère leur prépare tel ou tel plat à déguster ou que leur Grand-père leur rapporte les fraises du jardin.Se transmettent ainsi des manières de faire, de se comporter, de cuisiner, d’entretenir une maison, de recevoir des invités, de dresser la table, qui s’inscrivent sans discussion d’une géné-ration à l’autre, simplement parce que l’on a toujours vu faire comme cela. La transmission culturelle est bien là, plus qu’au musée sans doute…

vieux mais libres !Vieillir peut-il pour autant devenir enviable ? Oui certainement ! Considérant l’augmentation de l’espérance de vie on oublie trop souvent de dire que c’est l’espérance de vie en bonne santé phy-sique et mentale qui a le plus augmenté… Plus vieux, plus nom-breux, oui, mais en forme ! Voilà donc une bonne nouvelle !Et ces vieux en bonne santé peuvent dans l’ensemble expéri-menter une période d’incroyable liberté, débarrassés qu’ils sont des obligations et contraintes de toutes sortes qui ont bordé leur vie… Contraintes du travail, de production, de vie familiale et de responsabilité éducative, contraintes de la vie de couple parfois, contraintes de performance… C’est là le mot majeur sans doute : libéré des obligations de performance, dans tous les domaines, même les plus intimes.

© P

ress

es u

nive

rsita

ires

de G

reno

ble

| Tél

écha

rgé

le 2

0/06

/202

2 su

r w

ww

.cai

rn.in

fo (

IP: 6

5.21

.228

.167

)© P

resses universitaires de Grenoble | T

éléchargé le 20/06/2022 sur ww

w.cairn.info (IP

: 65.21.228.167)

Page 10: Vieux mais vivants

vieux mais vivants !

revue jalmalv n° 119 ✹ décembre 2014

21

Temps libre, liberté des horaires, liberté de parole, liberté d’aller et venir, liberté de l’engagement politique ou religieux… Les vieux peuvent exercer leur liberté durement conquise parfois, dans tous les domaines de leur existence… Ce dont rêvent les jeunes, les vieux en font l’expérience, les jeunes les jalousent parfois !

vieux mais vivants !Libres donc, ils connaissent parfois les difficultés de la maladie ou de la perte de l’être aimé ou… Mais vivre, justement, c’est toujours, et quel que soit l’âge considéré, connaître des pertes et vivre des deuils. Le deuil me travaille et quel que soit mon âge, il est difficile de remanier les investissements affectifs sur lesquels on a construit sa vie.Pourtant, c’est bien à travers ces difficultés que l’homme continue à se construire tout au long de sa vie. C’est paradoxal bien sûr de prendre le deuil à vivre comme preuve de vie, une preuve si difficile à vivre parfois ! Pourtant c’est ce travail qui fait l’homme, vivant jusqu’au bout de l’âge, entreprenant, le moment venu, le travail sur soi qui, lucidement peut-être, lui permettra de quitter ce monde en l’ayant pleinement investi, pleinement vécu…

✹RéférencesBillé Michel, La société malade d’Alzheimer, Ed. Ères, 2014.

Billé Michel et Didier Martz, La tyrannie du bien vieillir, Le bord de l’eau, 2010.

Erikson Erik, Adolescence et crise. La quête de l’identité, Champs Flammarion, 1993.

Philibert Michel, L’échelle des âges, Seuil, 1968.

Sartre Jean Paul, Les mots, Gallimard, 1964.

© P

ress

es u

nive

rsita

ires

de G

reno

ble

| Tél

écha

rgé

le 2

0/06

/202

2 su

r w

ww

.cai

rn.in

fo (

IP: 6

5.21

.228

.167

)© P

resses universitaires de Grenoble | T

éléchargé le 20/06/2022 sur ww

w.cairn.info (IP

: 65.21.228.167)

Page 11: Vieux mais vivants

© P

ress

es u

nive

rsita

ires

de G

reno

ble

| Tél

écha

rgé

le 2

0/06

/202

2 su

r w

ww

.cai

rn.in

fo (

IP: 6

5.21

.228

.167

)© P

resses universitaires de Grenoble | T

éléchargé le 20/06/2022 sur ww

w.cairn.info (IP

: 65.21.228.167)