Vieillissement de la population : Les familles à la rescousse · par perdre patience et ne...
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Mirana RAVALITERA & Jérôme VIROUX
BACHELOR OF SCIENCE HES-SO EN SOINS INFIRMIERS
Vieillissement de la population : Les familles à la rescousse
Travail de bachelor présenté à la
Haute Ecole de la Santé La Source
LAUSANNE
2018
Sous la direction de Thomas Kampel
2
Remerciements
Nous tenons ici à témoigner notre reconnaissance envers toutes les personnes qui nous ont
permis de mener à bien ce travail.
Nous remercions tout particulièrement la Direction générale de l’enseignement supérieur
(DGES) ainsi que l'Institut et Haute Ecole de la Santé La Source, et notamment
Prof. Baumann, pour la possibilité qu’ils nous ont donnée de réaliser ce travail en immersion
communautaire (IMCO) à l’étranger.
Nous remercions également Mme Righetti pour son soutien logistique.
Nous adressons en outre nos vifs remerciements à nos tuteurs, M. Thomas Kampel et le
Dr. Nicolas Bertholet, pour leur disponibilité et les précieux conseils qu’ils nous ont prodigués
tout au long de notre projet.
Merci aussi à l’Humble Administrateur, pour sa contribution à la cohésion de l’équipe.
Enfin, nos chaleureux remerciements vont également à Fiona Corbaz et Arnaud Lyon, les
deux étudiants en médecine avec qui nous avons eu beaucoup de plaisir à collaborer et à
réaliser ce travail.
3
Sommaire
Introduction 4
Abstract 5
Poster scientifique 7
Cadre de référence infirmier 8 Le modèle transculturel de Larry D. Purnell 8
Intégration des résultats dans le modèle de Purnell 9
Apport d’une réflexion et d’une pratique culturellement congruente 10
Conclusion 11
Références bibliographiques 14
Bibliographie 14
Annexes 16 Carte conceptuelle 16
Protocole de recherche 17
Schématisation du modèle de L.D. Purnell 19
4
Introduction En même temps qu’il marque la fin de notre formation bachelor en soins infirmiers, ce travail
marque pour nous le début d’une pratique infirmière enrichie par les compétences que nous
avons acquises et mobilisées pour mener à bien ce projet. Notre travail de bachelor s’inscrit
dans le programme d’immersion communautaire, IMCO, proposé par la faculté de biologie et
de médecine de l’université de Lausanne, et depuis 2014, en collaboration avec l’Institut et
Haute Ecole de la Santé La Source. D’une durée de trois semaines, du 11 au 29 juin 2018,
notre immersion s’est déroulée à Wuxi, dans la province du Jiangsu, en République
populaire de Chine. Ceci nous prépare, ainsi que les futurs médecins, à « un contexte
mondialisé et à inscrire dans nos pratiques respectives la collaboration interprofessionnelle »
(1). Ce travail conjoint avec deux étudiants de 3e année de médecine nous a permis, à
travers l’exploration d’un pan de la problématique du vieillissement de la population,
d’interroger des déterminants non-biomédicaux de la santé.
Notre question de recherche « Quels sont les déterminants de l’implication des familles dans
la prise en soins de patients atteints de démence en Chine ? » est issue d’une réflexion
partagée au cours de différentes rencontres avec les étudiants en médecine, schématisée
sous forme d’une carte conceptuelle. Le protocole de recherche qui en découle a été validé
par les partenaires de l’université de Jiangnan à Wuxi. Ensuite, nous avons établi un premier
guide d’entretien en nous appuyant sur une revue de littérature en consultant les bases de
données Pubmed® et Cinhal®. Après avoir comparé différentes méthodes d’analyse des
données qualitatives, nous avons porté notre choix sur celle de Blais et Martineau (2). Elle
convient aux novices par sa simplicité d’utilisation, sa clarté et ses aspects fonctionnels. Sur
le terrain, nous avons mené des entretiens auprès de professionnels de la santé dans
diverses structures de soins. Des étudiantes infirmières de l’université de Jiangnan nous ont
servi d’interprètes. À notre retour en Suisse, nous avons présenté le fruit de ce travail
interdisciplinaire lors du congrès de l’IMCO à Lausanne.
Nous allons vous présenter l’abstract contenant les détails de la méthodologie et des
résultats, suivi du poster scientifique que nous avons produit en Chine et présenté lors du
congrès de l’IMCO à Lausanne. Afin de conférer une identité infirmière à ce travail, nous
mettrons en lien les résultats de notre travail avec le modèle de Purnell et extrairons la plus-
value de la compétence culturelle. Enfin, notre conclusion expliquera le bénéfice de
l’immersion à l’étranger, ce qui se fait dans le canton de Vaud autour de notre
problématique, ce que nous avons retiré de cette collaboration et de l’initiation à la
recherche.
5
Abstract
UNIL, Faculté de biologie et de médecine, 3e année de médecine HES-SO, Haute École de la Santé – La Source Module B3.6 – Immersion communautaire
Abstract – Groupe n°42
Vieillissement de la population : Les familles à la rescousse Fiona Corbaz, Arnaud Lyon, Mirana Ravalitera, Jérôme Viroux
Introduction
En 2030, la Chine comptera le plus haut taux de patients atteints de démence dans le monde, soit 6,7% des plus de 60 ans, ce qui équivaudra à 23,3 millions de personnes (1). En 2010, 96% d’entre eux étaient soignés par les membres de leurs familles à domicile (2). Pour répondre aux défis imposés par le vieillissement de la population, le nombre de lits en maison de retraite a considérablement augmenté (3). Cependant, seul 2% des personnes âgées dépendantes y résident. La majorité se montre réticente à entrer en institution ou n’a pas les moyens financiers nécessaires (3). La réforme de 2009 du système sanitaire chinois visait à ce que 95% de la population ait contracté une assurance maladie d’ici 2011 (4, 5). Malgré le succès de cette réforme, ce sont, en moyenne, 45,5% des frais de santé qui restent à la charge des familles en raison d’une couverture faible (5). La politique de l’enfant unique, en vigueur de 1973 à 2014, a conduit à une situation où il n’est pas rare de voir un individu assumer la charge de deux générations de personnes âgées (5). Cet investissement personnel est renforcé et encouragé au travers du modèle séculaire de la piété filiale. Ce dernier est soutenu par l’article 49 de la constitution chinoise (6) ainsi que par une loi de 2012 sommant les citoyens de rendre visite à leurs aînés (3). À la lumière de ces différents facteurs, notre question est la suivante : Quels sont les déterminants de l’implication des familles dans la prise en soin des patients atteints de démence en Chine ?
Méthode
En nous basant sur une revue de littérature composée de 11 articles, nous avons constitué une grille de questions rédigées en anglais. Celle-ci nous a servi de base pour mener 31 entretiens semi-structurés. Notre échantillon formé de professionnels de la santé issus de diverses structures de soins dans la ville de Wuxi : médecins (N=15), infirmières (N=9), étudiantes (N=2), directeurs d’hôpitaux (N=2), aides-soignantes (N=2), physiothérapeute (N=1), a été sélectionné par nos partenaires de l’université de Jiangnan, en tenant compte des souhaits que nous leur avions adressés. Pendant les entretiens, une double traduction anglais-mandarin, mandarin-anglais a été réalisée par des étudiantes de cette même université. Les entretiens ont systématiquement été enregistrés, retranscrits et anonymisés après avoir informé les participants de la nature de notre travail. Nous avons ainsi pris soin de respecter les principes éthiques édictés dans la déclaration d’Helsinki (7) et de nous adapter aux spécificités inhérentes au contexte culturel ad hoc. Les questions ont été réévaluées au fur et à mesure en suivant une démarche itérative (8). Les données recueillies ont ensuite été analysées en nous inspirant de la méthode inductive de Blais et Martineau (9).
Résultats
L’analyse de nos données révèle que les personnes atteintes de démences peuvent compter sur leur conjoint pour prendre soin d’eux. S’ils ne sont plus en mesure de le faire, les enfants prennent le relai. Lorsque la responsabilité est partagée au sein d’une fratrie et que la distance géographique entre les proches est peu importante, la tâche s’en retrouve facilitée. La piété filiale est reconnue unanimement comme la raison principale de cette solidarité familiale. Il est attendu des enfants qu’ils prennent soin de leurs parents de la même manière que ceux-ci s’étaient occupés d’eux dans leur enfance. L’amour familial est souvent évoqué comme la raison logique de cet investissement. Ne pas l’assumer représenterait alors un manquement à ses obligations morales. Cependant, cette tâche est loin d’être aisée. Le manque de temps, d’énergie et de ressources financières sont les difficultés majeures auxquelles les familles doivent faire face. Les symptômes comportementaux et psychologiques liés aux démences alourdissent le fardeau des proches. Leur manque de connaissances spécifiques les empêche de prodiguer des soins adaptés. Certaines familles finissent d’ailleurs par perdre patience et ne parviennent plus à gérer la situation. De plus, les démences sont souvent perçues, à tort, par la société, comme inhérentes au vieillissement normal ce qui tend à retarder le recours aux soins. Au sein des structures médicalisées, les familles sont considérées par les soignants comme une ressource. Elles sont un support émotionnel essentiel et irremplaçable pour le patient au travers de leur présence rassurante et
6
encourageante qui participe à une stimulation intellectuelle bénéfique. L’aide aux activités de la vie quotidienne constitue le rôle principal des familles. Il est souhaité que celles-ci adoptent une attitude proactive dans la prise de décisions et qu’elles transmettent les informations à leurs parents. Toutefois, cette collaboration peut parfois devenir une barrière au travail des soignants lorsque les proches s’opposent à des propositions de traitement. Nous avons mis en évidence une certaine homogénéité de points de vue. Nous n’avons donc pas décelé de différence de perception inhérente aux diverses professions. La plupart s’accorde à dire qu’un meilleur enseignement des proches aidants associé à une sensibilisation accrue de la société au sujet des démences est une des réponses aux défis imposés par le vieillissement de la population chinoise.
Discussion
Malgré un investissement financier majeur du gouvernement chinois dans les structures de soins aux personnes âgées ainsi que dans les assurances maladies (4), le constat est sans appel : la Chine ne s’en sortira pas sans l’aide des familles face à l’imminence du "tsunami gris". Nos résultats nous indiquent que la mise en pratique de la piété filiale est, aujourd'hui, redéfinie par un contexte socioéconomique nouveau. Le développement de l’offre en soins communautaires permet d’alléger le fardeau de la jeune génération tout en restant en accord avec les valeurs confucéennes. Ces notions font écho à la littérature (3, 10). Certains intervenants estiment qu’une plus grande connaissance de la maladie permettrait aux proches d’augmenter leur "empowerment". Il convient de prendre nos résultats avec précaution. Nous avons dû composer avec un biais d’échantillonnage car celui-ci nous a été imposé. Nous avons fait face à un biais de traduction. Nous n’avons pas été en mesure d’empêcher la présence de tierces personnes durant les interviews. Nos conclusions nous amènent au postulat que l'ensemble de la société doit faire l’objet d’une sensibilisation dans le but de favoriser le débat en vue de solutions sanitaires durables à l'augmentation de la prévalence des démences. Une prise de conscience est nécessaire afin que ces dernières soient enfin considérées comme pathologiques et non comme faisant partie de la sénescence. Il serait intéressant d’investiguer les interventions que les professionnels de la santé pourront mettre en place pour réaliser cet enseignement indispensable.
Références
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2. Dai B, Mao Z, Wu B, Mei J, Levkoff S, Wang H. Family Caregiver's Perception of Alzheimer's Disease and Caregiving in Chinese Culture. Soc Work Public Health. 2015;30(2):185-96. doi: 10.1080/19371918.2014.969858
3. Collombet C. La prise en charge des aînés face au défi du vieillissement. Informations Sociales. 2014;5(185):56-66.
4. Observatoire régional de la santé des pays de la Loire. L’état de santé de la population et l’organisation des soins en Chine : Éléments de diagnostic [En ligne]. Nantes: Conseil régional des Pays de la Loire; 2016 [cité le 20 juin 2018]. Disponible: www.santepaysdelaloire.com/ors/sites/ors/files/publications/Chine/2016_rapportchine_santesoins.pdf
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Mots-clés
Chine, Démence, Famille, Implication, Prévention
Le 24 juin 2018
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8
Cadre de référence infirmier
Nous avons choisi le modèle transculturel de Larry D. Purnell car il fournit un cadre de
référence pour l’apprentissage des particularités culturelles et ceci pas uniquement pour les
infirmiers, raison pour laquelle il est cohérent lors d’une utilisation interdisciplinaire. Il peut
être utilisé par les travailleurs de diverses disciplines sans égard à l’origine ethnique ou aux
antécédents culturels. Il est axé sur le développement de la compétence culturelle qui
permet de s’extraire de l’ethnocentrisme et ainsi accepter et respecter les différences
culturelles pour concevoir des soins respectant la culture du client (3).
Selon Purnell:
La culture se rapporte à la totalité des patterns de comportement socialement transmis
à l’égard des arts, des croyances, des valeurs, des coutumes et des habitudes de vie,
de tous les produits du travail humain et des caractéristiques de la pensée des
personnes composant la population. La culture guide la perspective, la vision du
monde et la prise de décision. Ces patterns explicites et implicites sont appris et
transmis à l’intérieur de la famille et partagés par la majorité des membres de la même
culture. Phénomène émergent qui change la réponse à un phénomène global. (…)
Bien que relevant du domaine de l’inconscient, la culture exerce une puissante
influence, directe ou indirecte, sur les perceptions de la santé et de la maladie (4).
(traduction libre)
Le modèle transculturel de Larry D. Purnell
La schématisation du modèle représente au niveau de ses aspects microscopiques, douze
domaines culturels universels composant la personne considérée comme un être bio-
psycho-social. Au niveau de ses aspects macroscopiques, la personne est située au sein de
sa famille, de sa communauté et de la société globale. La reconnaissance que certains
phénomènes culturels sont inconnus mais existants est également représentée sur le
schéma. Purnell médiatise l’évolution non linéaire, de « l’incompétence
culturelle inconsciente » vers « la compétence culturelle inconsciente », en une ligne en dent
de scie. Il s’agit de permettre à un individu de passer d’un manque de connaissances
culturelles inconscientes au développement d’automatismes inconscients lui offrant la
possibilité d’administrer des soins ou des prestations culturellement congruentes (3).
9
Après cette brève présentation du modèle, nous allons à présent lier certains des résultats
de notre travail avec certains aspects macro et microscopiques du modèle transculturel de
Purnell.
Intégration des résultats dans le modèle de Purnell
La piété filiale
La piété filiale, déterminant principal de l’implication des familles dans la prise en soins des
personnes atteintes de démence, est un pattern appris et transmis au sein de la famille, ce
qui rejoint la définition de la culture de Purnell. Elle émane de la pensée confucéenne, qui
propose une vision du monde partagée par la majorité des membres de la communauté
chinoise. La piété filiale impacte également la communauté dans ses aspects législatifs. Au
sein de la famille, elle érige les liens moralement adéquats entre les enfants et leurs parents.
Au sein des douze domaines culturels de la personne, la piété filiale se retrouve dans le
domaine culturel vue générale car elle est un héritage et appelle à la perpétuité d’une
tradition. La personne va redéfinir sa mise en pratique en raison d’un contexte
socioéconomique nouveau, conséquence d’un taux de croissance économique extrêmement
élevé et qui a, par exemple, des conséquences sociales comme la précarité qui demande
parfois un éloignement géographique, pour des raisons professionnelles (5). De plus, elle
s’inscrit dans le domaine des pratiques de soins de santé parce qu’il est attendu que les
enfants s’occupent de leurs parents âgés comme ils se sont occupés d’eux étant enfants,
répondant ainsi à un principe de réciprocité.
L’amour familial
L’amour au sein de la famille, le partage qu’il représente, est une source de force et donne
du sens à la vie. Il répond donc au domaine de la spiritualité.
Le partage du fardeau
La politique de l’enfant unique issue d’une décision politique, donc de la communauté, a
impacté jusqu’en 2014 le domaine des grossesses et des pratiques reliées à la maternité ce
qui influe aujourd’hui sur l’organisation de la famille en raison de ses répercussions sur la
répartition de la responsabilité de deux générations reposant parfois sur une seule personne.
Méconnaissance et perceptions des démences
Au niveau macroscopique, les démences sont perçues comme inhérentes au vieillissement
et un manque de sensibilisation à cette problématique est identifié. Au niveau
microscopique, il en résulte des comportements à risque. Parfois les aidants, par manque
10
de connaissances de la maladie ou des traitements proposés à leurs proches, vont
s’opposer à leur mise en place et repousser le moment de consulter un professionnel
jusqu’au moment où la maladie se trouve à un stade avancé. Ce recours parfois tardif au
système de soins touche également le domaine des pratiques de soins de santé. Les
obstacles aux soins de santé sont également les coûts, pour les familles, que représentent la
prise en soins des démences en Chine.
Ce travail d’analyse nous a fait cheminer dans le processus qui tend vers la compétence
culturelle, mais dans quel intérêt ?
Apport d’une réflexion et d’une pratique culturellement congruente
Purnell avertit qu’un manque de connaissances culturelles et des valeurs du client
représente une sérieuse menace pour la vie et la qualité des soins (4) (traduction libre). En
effet, si le système de soins et ses acteurs sont culturellement compétents, ils sont
davantage en mesure de générer une collaboration avec les clients, ce qui augmente les
opportunités de promotion de la santé et de bien-être, la prévention des maladies et le
maintient en santé (4) (traduction libre). Ce qui nous paraît intéressant dans le contexte
sanitaire actuel, c’est que la pratique de soins transculturels rejoint les propositions du
canton de Vaud pour répondre aux enjeux exprimés dans son rapport sur la politique de
santé publique 2018-2022. Ainsi, les autorités cantonales vaudoises entendent changer de
paradigme de coordination et d’intégration des soins en orientant ceux-ci vers des
interventions salutogéniques plutôt que curatives, et donc de passer du cure au care. Ce
changement s’opère aussi entre les professions de la santé, qui doivent sortir de leur
cloisonnement et passer de la multidisciplinarité à l’interdisciplinarité (6). Les soins
transculturels tendent aux mêmes résultats, à une diminution des complications et une
réduction de la durée des hospitalisations, et, partant, à une baisse des coûts (4) (traduction
libre).
L’emploi du modèle transculturel de Purnell comme approche de réflexion sur nos résultats
nous a révélé notre propre incompétence culturelle au commencement de notre travail. Il
nous a aussi permis de réaliser la cohérence entre les concepts de la théorie et leur
expression sur le terrain. Par exemple, lorsque nous posions une question que nous avions
prévue et travaillée en Suisse, donc empreinte de nos représentations, nous savions
pertinemment, par nos lectures, que nous allions rencontrer des différences culturelles entre
nous et nos interlocuteurs. Cependant, nous n’avions pas une vision globale de leur culture.
11
Cela s’est manifesté par l’incompréhension de nos traductrices pour nos questions. Cette
incompréhension était due moins à la différence de langues, qu’au sens à donner à nos
questions. En conséquence, nous avons remanié nos questions, en y intégrant les éléments
culturels transmis par nos traductrices et ainsi tendre vers plus de compréhension mutuelle.
Nous avons dû questionner leur vision du monde mais également partager avec elles nos
propres représentations, afin que l’on puisse se rencontrer. Ce travail nous a libérés de notre
ethnocentrisme et nous a contraints à immerger pleinement, en adoptant une posture
propice à la découverte. À partir de ce moment, les échanges et interviews ont été beaucoup
plus riches en informations, nos questions se sont ouvertes, laissant plus de place à nos
interlocuteurs. Ceci démontre l’évolution de notre capacité d’apprendre en questionnant et
en nous adaptant afin d’adopter une posture culturellement congruente. Cette posture nous
amènera à dispenser des soins répondant au code de déontologie de notre future
profession : « Dans l’exercice de sa profession, l’infirmière créer une ambiance susceptible
dans laquelle les droits de l’homme, les valeurs, les coutumes et les croyances spirituelle de
l’individu, de la famille et de la collectivité sont respectés » (7).
Le modèle transculturel de Purnell nous a permis de réfléchir à notre posture culturelle et
l’immersion à l’étranger est en soi génératrice de savoir et d’un regard éclairé.
Conclusion
L’immersion à l’étranger, nous a permis, comme l‘explique Viadas (8) en citant Horton (1990)
de « comparer la vision du monde dans laquelle on grandi avec n’importe quelle autre, on se
dote d’un potentiel énorme pour une meilleure compréhension des deux. » L’expérience
vécue à l’étranger nous a « contraints » à questionner les composantes d’un monde inconnu
pour nous, sous tous les aspects. L’immersion est un outil qui amène une réelle plus-value
dans le développement de la compétence culturelle (9). Nous étions libérés de nos repères
journaliers, ce qui a déclenché un processus « d’exploration ». Cette manière d’interroger un
phénomène, en dehors de connaissances présupposées, doit être transféré dans nos
pratiques quotidiennes afin de passer d’une croyance innée à un savoir acquis, même dans
un monde familier. Si la compétence culturelle est préservée une année après l’expérience à
l’étranger (10), le voyage, à lui seul, ne fait pas de nous des professionnels culturellement
compétents. Nous sommes conscients qu’il est nécessaire de poursuivre ce développement,
surtout en raison du caractère non linéaire du processus.
Notre travail sur les déterminants de l’implication des familles dans la prise en soins des
patients atteints de démence en Chine s’intéresse à une problématique qui concerne
12
également la Suisse. En effet, d’ici à 2040, le nombre des plus de 65 ans va s’accroître de
75%. Le canton pronostique une augmentation du recours aux proches aidants et au
bénévoles alors que ceux-ci seront moins nombreux. Un important programme de
reconnaissance et de soutien aux proches aidants a d’ailleurs été mené au niveau cantonal
durant la législature 2013-2017 (6). Le centre Leenards du Centre Hospitalier Universitaire
Vaudois propose quatre axes prioritaires, à savoir :
• les prestations de soutien aux proches aidants • l’information et la sensibilisation de la population en général • la formation et la recherche • la détection, le diagnostic et la prise en charge de personnes atteintes de
pathologies de la mémoire et des autres fonctions cognitives (11).
Cette approche a pour but de répondre au nouveau paradigme d’intégration et d’orientation
des soins du canton de Vaud, expliqué plus haut. L’IMCO nous permet de ne pas perdre de
vue le point d’ancrage du système de soins qui doit être centré sur l’individu et son
entourage, considéré dans sa communauté d’appartenance (6).
Ce travail nous a également permis d’expérimenter la collaboration dans la réalisation d’un
projet interprofessionnel. Ninane (12) cite D’Amour pour définir la collaboration comme « un
acte collectif de personnes dont on attend qu’elles produisent un résultat global
quantitativement supérieur à la somme des actes posés par chacun séparément » (13).
Le résultat du travail fourni jusqu’à la présentation au congrès IMCO est issu de la synergie
de nos réflexions. Nous avons pu en apprécier les bénéfices d’un point de vue tant
professionnel que personnel. Aller au-delà du « travailler ensemble » nous a véritablement
fait profiter des compétences individuelles de chaque membre du groupe, en adoptant une
posture transdisciplinaire. Comme nous ne désirons pas réduire nos patients à leur culture
mais entendons les considérer comme uniques tout en tenant compte de leurs
caractéristiques culturelles, nous allons également considérer les acteurs du système de
santé avec qui nous travaillerons, dans leur culture professionnelle et dans leur singularité.
En plus de découvrir la culture chinoise, nous avons également pu nous familiariser avec la
culture médicale. À travers celle-ci, nous avons mieux compris la vision curative des
étudiants en médecine et avons pu partager avec eux notre vision holistique du patient. Les
étudiants en médecine ont parfois été surpris par le vocabulaire infirmier et en expliciter le
sens nous a permis de valoriser notre profession. Lors de discussions informelles, nous
avons pu nous projeter dans notre futur professionnel en imaginant la manière dont nous
collaborerons ensemble et ainsi identifier ce qui nous motivait à le faire et par quels moyens.
Le but de cette collaboration serait, comme l’affirme Diane Morin, «de générer de nouvelles
connaissances et de dégager de nouvelles pratiques pour mieux servir en tout premier le
13
patient et sa famille en rendant les soins plus accessibles et plus continus tout en les gardant
efficaces et efficients » (14).
« L’interdisciplinarité, ça ne s’invente pas, ça se cultive. Il faut planter des graines. »
(François Héritier, lors de la conférence table-ronde du 10e congrès de L’IMCO)
La participation à IMCO nous a permis de nous sensibiliser au mode empirique d’utilisation
du savoir infirmier. À travers celui-ci, nous avons acquis une méthodologie et une rigueur qui
guideront notre pratique professionnelle informée par les preuves, tout en en plaçant la
personne et sa singularité au centre de nos soins. Selon C. Cohen (communication
personnelle [support de cours], 12 février 2015), la recherche en soins infirmiers, qui est une
composante des Evidence Based Nursing Practice, a pour objectif de répondre
scientifiquement aux problématiques des clients du système de santé et fait appel au mode
empirique du design du soin. En effet, pour concevoir des soins, nous allons faire appel à
plusieurs modes de développement et d’utilisation du savoir infirmier (ensemble de
connaissances) définissant notre discipline infirmière. Ces modes sont au nombre de cinq :
personnel, esthétique, éthique, empirique et émancipatoire. Le mode émancipatoire nous
permet de nous extraire de la seule relation soignants-soignés par une réflexion critique, une
action menant au changement et à la création participative d’un futur qui soutient la santé
pour tous (15), donc la santé communautaire. À notre avis, ceci nous permet également de
valoriser l’assise scientifique de notre discipline et d’avoir les compétences pour promouvoir
une collaboration transdisciplinaire entre les différents acteurs du milieu socio-sanitaire.
La participation à l’IMCO est le point d’orgue d’une réflexion débutée et enrichie durant notre
formation, désormais elle se prolongera et nous accompagnera dans le « voyage » au sein
de notre profession, avec nos patients et nos collègues, au cœur du système complexe de la
santé.
14
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15
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17
Protocole de recherche
UNIL, Faculté de biologie et de médecine, 3e année de médecine
Module B3.6 – Immersion communautaire
Protocole de recherche - Groupe n°42
Vieillissement de la population : Les familles à la rescousse Fiona Corbaz, Arnaud Lyon, Mirana Ravalitera, Jérôme Viroux
Dans le cadre d’un travail d’immersion communautaire à Wuxi, en Chine, nous nous intéressons à la problématique du vieillissement de la population au travers de la question suivante :
Quels sont les déterminants de l’implication des familles dans la prise en soin des patients atteints de démence en Chine ?
Objectifs du travail
Dans le contexte de santé chinois, nous prenons l’exemple des maladies neurodégénératives en tant qu’atteintes fréquemment liées à l’âge (1). Nous nous intéressons à la place qu’ont les familles dans le suivi thérapeutique des patients qui en sont atteints. Nos objectifs sont donc les suivants :
• Explorer les motivations qui poussent les membres d’une famille à prendre part au suivi médical de leurs parents.
• Mettre en avant les attentes des soignants vis-à-vis des familles impliquées dans la prise en soin des malades atteints de démence.
• Mieux comprendre le regard que portent les professionnels de la santé sur l’engagement de ces proches, comment ils jugent de leurs compétences et comment ils les intègrent à leur travail.
• Identifier des facteurs (déterminants culturels, pratiques, sociétaux) qui tendraient à favoriser l’implication de ces familles.
• Alors que nous travaillons dans un cadre interdisciplinaire, nous nous concentrons également sur les éventuelles différences de perception de cette question chez les infirmiers et les médecins.
Dimension communautaire
Nous partons du patient en tant qu’individu pour le recentrer dans son contexte social. Notre question porte, en effet, sur les différents acteurs de sa prise en soin et, en particulier, sur l’action de sa famille. L’implication de la famille nucléaire dans le traitement des malades est, en Suisse, de plus en plus reconnue comme bénéfique et constitue un important sujet d’étude (2). Nous nous interrogeons alors sur la place que prennent ces proches aidants, en Chine, en considérant une approche transculturelle. Dans le contexte actuel de vieillissement de la population, notamment dans ce pays (3), nous tentons de déterminer comment des acteurs du système de santé considèrent la collaboration avec les familles des patients.
En nous écartant alors de la question propre à l’individu, cette problématique a également des retentissements économiques et politiques non négligeables (4) et doit être observée d’un point de vue global. Dans cette optique à caractère multidisciplinaire, nous souhaitons interroger des professionnels de la santé tels que des médecins (pouvant être issus de la médecine conventionnelle aussi bien que traditionnelle), des infirmiers, des pharmaciens, des responsables d’établissement de soins à domicile, ou d’établissements de longs séjours ainsi que tout autre acteur de la santé dont la fonction serait concernée par notre sujet de recherche. Si possible, et avec l’accord de nos correspondants chinois, il serait pour nous d’un grand intérêt que de rencontrer des représentants d’associations de patients ou de proches aidants et éventuellement un représentant politique local.
Méthodologie
À la suite d’une recherche documentaire préalable, notre étude s’organisera sous forme d’entretiens semi-structurés avec une aide pour la traduction. Ceux-ci seront basés sur un canevas de questions préétablies mais modulables selon les remarques de nos référents ainsi que nos constatations au fur et à mesure de l’étude. L’un de nous se positionnera en responsable de groupe pour poser les questions lors de chaque interview dans un soucis de clarté. Les verbatims seront enregistrés, retranscrits, anonymisés, puis analysés
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à l’aide d’une grille d’analyse de contenu. Nous tiendrons compte des éventuelles limitations, notamment de la représentativité des données.
Nous sommes conscients de la marge de manœuvre limitée dont nous disposerons pour la sélection de l’échantillon de recherche dont nous avons esquissé le profil dans le paragraphe précédent. Cependant, nous adapterons nos questions à l’interlocuteur et sommes donc ouverts à un large panel de participants, étant donné la vaste portée de notre thème, comme nous l’avons mentionné plus haut.
Ethique
Les personnes interrogées seront informées, au début de chaque entretien, des objectifs et de la procédure de notre travail. Nous adopterons un regard neutre et dépourvu de tout jugement vis-à-vis des opinions récoltées. Aucun nom, ou autre information permettant l’identification des participants ne sera demandé et nous nous engageons à détruire toute trace d’enregistrement une fois notre travail rendu. Comme convenu, nous n’interrogerons aucun patient.
Nous sommes conscients que la présence d’un tiers pour effectuer la traduction nuit à la démarche de confidentialité. Nous nous assurerons, par avance, qu’il n’a pas de lien avec les participants et nous l’encouragerons à respecter la confidentialité tel que le préconise la déclaration d’Helsinki (5). Malgré ces précautions, nous garantissons à tout participant la liberté de ne pas répondre à l’une ou l’autre question ainsi que d’interrompre l’entretien à tout moment.
Valorisation
Nous proposerons à toutes les intervenantes et tous les intervenants de l’étude de leur envoyer l’abstract, une fois celui-ci terminé et traduit. Nous les inviterons à la présentation de notre travail que nous effectuerons en Chine. Une fois notre retour en Suisse, notre recherche sera présentée au congrès IMCO. Les étudiants en soins infirmiers à la Source présenteront ce projet dans le cadre de leur travail de Bachelor.
Références bibliographiques
1. Cartier-Lacave N, Sevin C. Maladies Neurodégénératives. [cité le 6.03.2018]. In : Encyclopaedia Universalis [En ligne]. Boulogne-Billancourt : Encyclopedia Universalis. Disponible : http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/maladies-neurodegeneratives/
2. Bureau d'information et de communication de l'Etat de Vaud. VD.ch [En ligne]. Renens: CC ECM Editique ; 2017. Proches aidants 2017 [mis à jour le 30.10.17 ; cité le 04.03.18]. Disponible : https://www.vd.ch/themes/social/vivre-a-domicile/proches-aidants/
3. Dumont G-F. La Chine : Un géant démographique face au vieillissement de sa population [En ligne]. 2014 [cité le 06.03.2018] ; 42 : 1-20. Disponible : https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=2472305
4. Fang E.F. et al. A research agenda for aging in China in the 21st century. Aging Research Reviews. 2015: 24: p.197-205.
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23.03.2018
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Schématisation du modèle de L.D. Purnell
(3)
36Recherche en soins infirmiers N° 72 - mars 2003
Trava
illeurs
de
la san
té
Vue Générale
Localités habitées
Topographie
Héritage et résidence
Raisons de migration
Facteurs économiques
associés
Statut éducationnel/
occupationnel/
professionnel
Profes
sionn
els
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Statut
des
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Inconsciemmentincompétent
Consciemmentincompétent
Consciemmentcompétent
Inconsciemmentcompétent
Adapté avec la permission de L. Purnell, Newark, Del., Traduit par G.Coutu-Wakulczyk, 1999
SOCIÉTÉ GLOBALE
SOCIÉTÉ GLOBA
LE
SOCIÉT
É GLOBALE
CO
MM
UN
AU
TÉ
FAM
ILLE
PERSON
NE
PERS
ON
NE
SOCIÉTÉ GLOBALE
Modèle Transculturel de Purnell : Compétence Culturelle
CommunicationLanguesDialectes dominantsPatterns culturels dela communicationRelationstemporellesFormat des noms
Rôles et organisation
de la famille
Chef de famille et
rôle selon le sexe
Comportements
prescriptifs, restrectifs
et tabous
Rôles et priorités
de la famille Questions
en matière
de force
ouvrière
Culture en
milieu de
travail
Points
relatifs à
l'autonomie
Écol
ogie
bio
cultu
reVa
riatio
ns
biol
ogiq
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levés
Prati
ques
de
soins
de sa
nté
Nutrition
Signification de
la nourriture
Aliments simples
et les rites
Pratiques
diététiques et
promotion de la
santé
Déficiences
nutritionnelles et
limites
alimentaires
Grossesse et pratiques reliées
à la maternitéPratiques de
fertilité et opinion à l'égard
de la grossessePrescriptions,
restrictions, tabous
durant la période
de maternité
Rituel mortuaire
Spiritualité
Pratiques
religieuses et
usage de la prière
Sens de la vie
et sources de forces
pour la personne
Croyances
spirituelles et
pratiques de soins
de santé
Barr
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s au
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Répo
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à la
sant
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à la
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FAMILLE
PERSONNE
FAMILLE
COMMUNAUTÉ
PERSONNEFAMILLE
PERSONNE
FAMILLE
Rituels mortuaires
et attentes
Réactions face à la
mort et au chagrin
Figure 1
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