Vianney de Chalus, Président de la Chambre de commerce et d'industrie du Havre

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Les CCI consacrent leur prochaine « Université d’été » à la crois- sance bleue. Pourquoi ce thème et pourquoi cette année ? La France et plus largement l’Europe traversent depuis plu- sieurs années une crise économique sévère. De nombreux in- dicateurs – chômage, PIB, dette publique… – sont au rouge, la croissance semble bloquée. On constate parallèlement une prise de conscience généralisée – des consommateurs, des ac- teurs économiques, des pouvoirs publics… – selon laquelle il est devenu nécessaire et souhaitable de s’orienter vers des sys- tèmes de production plus durables et plus respectueux de l’en- vironnement. Dans ce contexte, de nouveaux équilibres doivent être trouvés, de nouvelles voies de développement inventées. C’est toute l’ambition que porte l’université d’été des CCI de ce mois de septembre sur le thème de la « croissance bleue ». La « croissance bleue », c’est en effet une stratégie économique reposant sur l’idée que les mers et les océans offrent un po- tentiel énorme en matière d’innovation et de croissance du- rable. La « croissance bleue » représente aujourd’hui le levier dont notre économie a besoin ! Les CCI ont un ancrage historique dans le secteur portuaire. Que représente aujourd’hui pour elles cette activité ? Effectivement, c’est Henri IV qui a institué à Marseille, en 1599, les premiers députés du commerce, avec pour mission d’assurer la sécurité du transport maritime. Leur nombre est en- suite passé de quatre à douze, et l’institution est devenue in- dépendante du conseil de la ville en 1650 : la première chambre de commerce était née ! Les missions et le nombre de chambres se sont par la suite multipliés. Si l’acte de naissance des chambres est intimement lié au négoce maritime, le lien de l’institution à la mer est aujourd’hui encore très fort. La Terre est recouverte >> à 70 % par la mer. 80 % des habitants vivent à moins de 100 ki- lomètres des côtes, 90% des marchandises produites et consom- mées sont transportées par bateau, ce qui représente plus de 60 milliards de tonnes-kilomètres parcourues chaque année. Cette prédominance du transport maritime s’explique non seule- ment par son coût (le transport par la mer revient cinq à trente fois moins cher que celui par la terre) mais aussi parce qu’il est beaucoup plus respectueux de l’environnement. Ces chiffres, l’histoire et la géopolitique le montrent bien : la dimension ma- ritime est et a toujours été le gage de l’expansion économique. L’activité portuaire est par conséquent celle qui, couplée à une filière logistique performante, doit permettre à nos territoires de capter une partie de ces flux maritimes et de profiter de la croissance mondiale. Et les CCI ont évidemment un rôle im- portant à jouer en termes d’aménagement du territoire, d’op- timisation des flux, de compétitivité des entreprises. Comment les CCI se voient-elles confier la gestion des ports et comment cela fonctionne-t-il sur les plans juridique et financier ? Les grands ports sont devenus étatiques avant la guerre. Les grands ports maritimes sont des établissements publics à di- rectoire et conseil de surveillance, les ports autonomes sont quant à eux gérés par un conseil d’administration et un direc- teur général. Les chambres de commerce participent à ces ins- tances dans lesquelles elles représentent les milieux écono- miques. Tous les autres ports relèvent depuis le 1 er janvier 2007, en application des lois de décentralisation de 1983 et 2004, des collectivités locales ou territoriales : principalement des régions mais aussi des départements ou de syndicats mixtes pour les ports de commerce,des départements pour les ports de pêche, et des communes pour les ports de plaisance. Leur gestion est 33 MARINE&OCÉANS N° 244 - JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2014 « LA CROISSANCE BLEUE EST LE LEVIER DONT NOTRE ÉCONOMIE A BESOIN ! » Entretien avec VIANNEY DE CHALUS Président de la Chambre de commerce et d’industrie du Havre Propos recueillis par Christophe Dubois PHOTO : CCI LE HAVRE ÉCONOMIE DOSSIER LES CCI, ACTEURS MAJEURS DE L’ÉCONOMIE MARITIME Les chambres de commerce et d’industrie françaises tiennent cette année leur université d’été sur le thème « Mer, terre d’innovation ». Une manière de rappeler leur lien historique avec la mer depuis la création, en 1599, de la première chambre destinée à organiser le commerce maritime depuis le port de Marseille, mais également de souligner leur très forte implication, aujourd’hui, dans l’économie de la mer à travers la gestion de nombreux ports, une intense activité de formation, l’accompagnement des entreprises du secteur, le soutien à l’innovation et donc à l’avenir.

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L'interview de M. Vianney de Chalus

Transcript of Vianney de Chalus, Président de la Chambre de commerce et d'industrie du Havre

■ Les CCI consacrent leur prochaine « Université d’été » à la crois-

sance bleue. Pourquoi ce thème et pourquoi cette année ?

La France et plus largement l’Europe traversent depuis plu-sieurs années une crise économique sévère. De nombreux in-dicateurs – chômage, PIB, dette publique… – sont au rouge, lacroissance semble bloquée. On constate parallèlement uneprise de conscience généralisée – des consommateurs, des ac-teurs économiques, des pouvoirs publics… – selon laquelle il estdevenu nécessaire et souhaitable de s’orienter vers des sys-tèmes de production plus durables et plus respectueux de l’en-vironnement. Dans ce contexte, de nouveaux équilibres doiventêtre trouvés, de nouvelles voies de développement inventées.C’est toute l’ambition que porte l’université d’été des CCI dece mois de septembre sur le thème de la « croissance bleue ».La «croissance bleue», c’est en effet une stratégie économiquereposant sur l’idée que les mers et les océans offrent un po-tentiel énorme en matière d’innovation et de croissance du-rable. La « croissance bleue » représente aujourd’hui le levierdont notre économie a besoin!

■ Les CCI ont un ancrage historique dans le secteur portuaire.

Que représente aujourd’hui pour elles cette activité ?

Effectivement, c’est Henri IV qui a institué à Marseille, en1599, les premiers députés du commerce, avec pour missiond’assurer la sécurité du transport maritime. Leur nombre est en-suite passé de quatre à douze, et l’institution est devenue in-dépendante du conseil de la ville en 1650 : la première chambrede commerce était née ! Les missions et le nombre de chambresse sont par la suite multipliés. Si l’acte de naissance des chambresest intimement lié au négoce maritime, le lien de l’institutionà la mer est aujourd’hui encore très fort. La Terre est recouverte >>

à 70 % par la mer. 80 % des habitants vivent à moins de 100 ki-lomètres des côtes, 90% des marchandises produites et consom-mées sont transportées par bateau, ce qui représente plus de 60milliards de tonnes-kilomètres parcourues chaque année. Cetteprédominance du transport maritime s’explique non seule-ment par son coût (le transport par la mer revient cinq à trentefois moins cher que celui par la terre) mais aussi parce qu’il estbeaucoup plus respectueux de l’environnement. Ces chiffres,l’histoire et la géopolitique le montrent bien : la dimension ma-ritime est et a toujours été le gage de l’expansion économique.L’activité portuaire est par conséquent celle qui, couplée à unefilière logistique performante, doit permettre à nos territoiresde capter une partie de ces flux maritimes et de profiter de lacroissance mondiale. Et les CCI ont évidemment un rôle im-portant à jouer en termes d’aménagement du territoire, d’op-timisation des flux, de compétitivité des entreprises.

■ Comment les CCI se voient-elles confier la gestion des ports et

comment cela fonctionne-t-il sur les plans juridique et financier ?

Les grands ports sont devenus étatiques avant la guerre. Lesgrands ports maritimes sont des établissements publics à di-rectoire et conseil de surveillance, les ports autonomes sontquant à eux gérés par un conseil d’administration et un direc-teur général. Les chambres de commerce participent à ces ins-tances dans lesquelles elles représentent les milieux écono-miques. Tous les autres ports relèvent depuis le 1er janvier 2007,en application des lois de décentralisation de 1983 et 2004, descollectivités locales ou territoriales : principalement des régionsmais aussi des départements ou de syndicats mixtes pour lesports de commerce,des départements pour les ports de pêche,et des communes pour les ports de plaisance. Leur gestion est

33MARINE&OCÉANS N° 244 - JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2014

« LA CROISSANCEBLEUE ESTLE LEVIER DONTNOTRE ÉCONOMIEA BESOIN ! »

Entretien avec VIANNEY DE CHALUSPrésident de la Chambre de commerce et d’industrie du Havre

Propos recueillis par Christophe DuboisPHO

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ÉCONOMIE DOSSIERLES CCI, ACTEURS MAJEURS DE L’ÉCONOMIE MARITIME

Les chambres de commerce et d’industrie françaises tiennent cette année leur université d’été sur le thème « Mer, terre d’innovation ».

Une manière de rappeler leur lien historique avec la mer depuis la création, en 1599, de la première chambre destinée à organiser le commerce maritime

depuis le port de Marseille, mais également de souligner leur très forte implication, aujourd’hui, dans l’économie de la mer à travers la gestion

de nombreux ports, une intense activité de formation, l’accompagnement des entreprises du secteur, le soutien à l’innovation et donc à l’avenir.

■ Comment justifiez-vous l’existence des CCI à l’aube de ce XXIe

siècle ?

Les CCI, dirigées par des chefs d’entreprise élus par leurspairs, connaissent parfaitement le monde de l’entreprise. Porte-parole et interlocuteurs privilégiés des entreprises, dont elles par-tagent les préoccupations, les besoins et ambitions, elles sontaussi des partenaires et experts incontournables pour les acteursinstitutionnels (État, collectivités locales). Les CCI sont un ou-til essentiel pour soutenir localement la croissance et l’emploi :création d’entreprise, soutien du commerce de proximité, va-lorisation de l’industrie, formation, aide à l’export, expéri-mentation et soutien à l’innovation… Elles sont en capacitésur tous ces sujets d’apporter les solutions les plus adaptées,d’identifier les difficultés, de détec-ter les potentiels. Leur proximité avecle terrain leur confère légitimité etcapacité d’action pour proposer etmettre en œuvre des projets perti-nents sur les territoires; c’est le caspar exemple de la démarche Paris-Seine-Normandie. Si les CCI sont làpour accompagner les entreprises àmieux vivre au présent, leur rôle estaussi bien sûr d’aider les entreprisesà se préparer à l’avenir. Les chambresjouent à ce titre un rôle essentiel deveille, d’alerte, d’anticipation, d’ac-

compagnement aux mutations liées aux facteurs de modernitéet notamment le numérique, le développement durable, la mon-dialisation… Un dernier rôle à ne pas négliger, c’est la capacitédes chambres de commerce à structurer les réseaux et à fédé-rer les énergies. Être bon individuellement c’est bien, mais sou-vent insuffisant. Les CCI sont aussi des structures capables dedévelopper des synergies, de proposer et mettre en œuvre desoutils communs, d’organiser le collectif des entreprises et deleur apprendre à chasser en meute. Les CCI sont et restentplus que jamais indispensables pour permettre aux entreprisesde pénétrer dans le futur, et aux territoires, en concertationavec les autres acteurs du développement économique, de dé-velopper toutes leurs potentialités.

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fréquemment concédée aux chambres de commerce et d’in-dustrie, pour leur compétence reconnue en la matière. Laconcession est ainsi le moyen juridique par lequel l’adminis-tration délègue pour un temps donné sa compétence auxchambres. Il peut exister différents types de concessions : conces-sion commerce, plaisance, pêche, réparation navale. C’est alorsla chambre, délégataire, qui gère les infrastructures, finance lesinvestissements, réalise les travaux d’entretien et la gestioncourante par le biais de perception de droits pesant sur les usa-gers : droits de port, redevances de stationnement et d’amar-rage, tarifs d’outillage public…

■ La gestion de certains ports gagnerait-elle à être privatisée?

Il semble surtout important que les statuts et le mode degouvernance permettent une bonne répartition des pouvoirs etun management de proximité pour plus d’efficacité.

■ Quelles sont aujourd’hui les ressources des CCI et à quoi sont-

elles globalement affectées?

De manière schématique, les recettes des chambres de com-merce proviennent pour un tiers de ressources fiscales – envi-ron 500 euros par entreprise et par an, il s’agit bien-sûr d’unemoyenne, une grosse entreprise contribuera davantage, alorsqu’un petit commerçant paiera 20 euros, et pour deux tiersd’activités propres, notamment la gestion d’infrastructures :ports, aéroports, ponts… Concernant, par exemple, les deuxponts exploités par la CCI du Havre, l’année dernière, 6,45 mil-lions de véhicules ont emprunté le Pont de Tancarville (18 000véhicules en moyenne par jour), et 6,96 millions le pont deNormandie (19 000 véhicules/jour en moyenne). Les recettesdes ponts ont ainsi représenté en 2013 57,5 millions d’euros.Les ressources des chambres servent globalement à financer des

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chambres de commerce un effort financier dix fois supérieurà celui demandé aux autres opérateurs de l’État ! Le réseau, entoute responsabilité, conscient des enjeux, accepterait de consen-tir un effort deux fois supérieur à celui demandé aux autresétablissements de l’État, en poursuivant et en intensifiant ladémarche engagée depuis plusieurs années de progrès, de mu-tualisation et de réduction des coûts. Mais la ponction tellequ’envisagée par le gouvernement risquerait de casser cet ou-til au service de l’économie et des entreprises, à un momentoù ces dernières ont plus que jamais besoin de nous. Les consé-quences seraient désastreuses pour les entreprises et les terri-toires : fermetures de CFA et réduction du nombre d’appren-tis de 100 000 à 70 000 en trois ans, menace sur la pérennitéd’aéroports, de ports de pêche, de ports de commerce, de parcsd’exposition, de zones d’activité, arrêt des formations en di-rection des demandeurs d’emploi, des jeunes en contrat deprofessionnalisation, des salariés en reconversion profession-nelle dans les bassins d’emploi en difficulté… Rappelons queles chambres de commerce, pour 100 euros de ressources fis-cales, génèrent 300 euros de chiffres d’affaires. Ce sont des ou-tils pilotés par des chefs d’entreprises qui ont développé unmodèle économique qui a fait ses preuves au service des ter-ritoires. Mais c’est un outil malheureusement mal compris parla haute fonction publique, un outil guidé par un esprit entre-preneur inhabituel dans le paysage institutionnel ; rares en ef-fet sont les établissements publics de l’État pilotés par des chefsd’entreprise issus du privé.

ÉCONOMIE DOSSIERLES CCI, ACTEURS MAJEURS DE L’ÉCONOMIE MARITIME

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En France, la gestion des ports relevant des collectivités localesou territoriales est en général confiée aux chambres de commerce

et d’industrie. En Vendée, la CCI gère les quatre principaux ports de pêche du département : les Sables-d’Olonne (photo ci-dessus),

Saint-Gilles-Croix-de-Vie, Noirmoutiers-l’Herbaudièreet l’île d’Yeu. Ci-contre, le port de Nice.

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Les recettes des chambres de commerce proviennent pour un tiers de ressources fiscales et pour deux tiers d’activités propres, notamment la gestion d’infrastructures : ports, aéroports, ponts… à l’image,pour la CCI du Havre, des ponts de Tancarville et de Normandie (photo)qu’elle exploite.

Le siège de la Chambre de commerce et d’industrie du Havre. « La proximité des CCI avec le terrain leur confère légitimité et capacité d’action pour proposer et mettre en œuvre des projets pertinents sur les territoires. »VIANNEY DE CHALUS

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actions en faveur du développement des en-treprises, en matière de formation, d’amé-nagement et de dynamisation du territoire.Concernant plus spécifiquement les ponts, lesrecettes des péages servent à payer les fraisd’exploitation et d’entretien des ponts, leremboursement des emprunts, la constitutiondes provisions pour gros travaux, et à consti-tuer le fonds de réserve exigé par l’État dansle cadre de la concession.

■ Quelle est, selon vous, la véritable nature

du différend qui vous oppose actuellement

au gouvernement ?

Dans le contexte économique actuel, il estlégitime et nécessaire que chacun contribueà l’effort collectif à réaliser pour permettreà la France de retrouver le chemin de lacroissance. Mais le gouvernement exige des

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mandie® est de construire le territoire économique du GrandParis Métropole maritime mondiale, caractérisé par l’excel-lence des flux, irrigué par son Gateway industriel et logistique,renforcé par la compétitivité de ses entreprises et son attracti-vité internationale. Paris-Seine-Normandie® porte ainsi ungrand projet national de relance économique, d’aménagementdu territoire, de ré-industrialisation et de développement équi-libré. C’est un véritable enjeu de sortie de crise.

■ Quels sont les autres grands axes de travail des CCI dans le

secteur maritime ?

L’un des grands défis porte évidemment sur les énergies ma-rines renouvelables et notamment l’éolien offshore. D’aprèsl’OEA, le potentiel éolien offshore à 2030 serait en Europe de150 gigawatts. Même si ce potentiel n’est pas atteint, les oppor-tunités sont énormes. Nous nous réjouissons d’accueillir pro-chainement la construction de plusieurs usines sur le port duHavre et de voir ainsi se structurer une nouvelle filière industriellepleine d’avenir, dont les retombées économiques profiteront àtout le grand ouest. Il paraît fondamental de développer unepolitique nationale de reconquête des espaces et des flux mari-times. Les entreprises françaises doivent s’inscrire dans une pers-pective internationale et mondialisée liée à l’insertion dans lesgrands flux économiques que leur permettent les portes d’en-trée maritimes du pays et leurs relais continentaux. À ce titre, lalogistique et le report modal font également partie des chan-tiers prioritaires des chambres de commerce. Lié au dévelop-pement de l’Axe Seine, le projet de terminal multimodal quenous conduisons au Havre s’inscrit pleinement dans cet objec-tif. Les enjeux sont multiples, notamment en termes de rentabilitédes transports grâce à la massification et la fluidification desflux, et bien sûr d’environnement grâce au développement dutransport combiné. Nous avons développé par ailleurs un nou-veau domaine d’activité au croisement de deux secteurs por-teurs, le maritime et le numérique, et appelé la marétique. Parmiles actions et projets impulsés dans ce cadre, le salon internationalSeagital et le cluster marétique. L’objectif est de proposer des pro-jets marétique d’intérêt général, de les expérimenter dans lesterritoires au plus près des besoins, et de faire émerger de nou-velles solutions pour répondre aux besoins non couverts des ac-teurs du monde maritime. Plus généralement, il convient demettre l’accent sur l’innovation et la R&D,car ce sont elles qui permettront d’assurerla croissance de demain.

■ Comment aidez-vous concrètement les

TPE et les PME du secteur à créer de la ri-

chesse et des emplois, tant en France qu’à

l’export ?

Il faut aider nos entreprises, y compris depetite taille, à se projeter, les décomplexersi nécessaire. Le rôle des chambres de com-merce est de permettre aux TPE et PMEde s’adapter et de saisir les opportunitésliées aux mutations industrielles : aide aurecrutement, appui en compétences, certi-fication/label qualité, regroupement d’en-treprises, mise en relation de partenariats

technologiques… Parmi les principales orientations straté-giques à privilégier, on trouve évidemment l’accompagnementdes entreprises sur le volet innovation et l’aide à l’export à tra-vers, par exemple, leur accompagnement sur des salons à l’in-ternational. Il est également de notre devoir de renforcer l’at-tractivité et l’« employabilité » de nos territoires, d’une part enpermettant aux entreprises de trouver localement les compé-tences et la main d’œuvre qualifiée, d’où la nécessité de repé-rer les besoins en amont, d’identifier les secteurs en tension,d’adapter les formations existantes ou de mettre en place denouveaux cursus ; et, d’autre part, en proposant des environ-nements propices à l’implantation et à l’investissement. Celapasse, par exemple, par le développement de l’économie cir-culaire et la mise en place de synergies qui peuvent permettreaux entreprises de gagner en efficacité et en compétitivité. Nousnous efforçons également de faciliter l’accès à l’information,de favoriser les mises en réseaux et les relations entre entreprises.Par exemple, nous organisons dans ce cadre des rencontresd’affaires dédiées, des rencontres en BtoB. Nous sommes éga-lement amenés à développer des outils spécifiques et adaptés :nous avons par exemple déployé à l’échelle du Grand Ouest,pour les marchés de l’éolien offshore, un outil appelé « CCIBusiness », plate-forme collaborative proposée aux donneursd’ordres afin de rendre leurs marchés plus visibles auprès dessous-traitants, et de contribuer ainsi à la valorisation des grandsprojets industriels du territoire et à la capacité des sous-traitantsà y répondre. Plus de 1 200 entreprises l’utilisent actuellement.

■ Quelles sont vos relations avec les Pôles Mer ?

Au niveau de la CCI du Havre, nous avons l’habitude de col-laborer avec les pôles de compétitivité comme, par exemple, surla thématique logistique avec le pôle Novalog. La coopérationavec les Pôles Mer est surtout intervenue sur la problématiquede la marétique. La réunion d’acteurs concernés par l’écono-mie numérique maritime a permis d’élaborer le Livre bleu dela marétique, proposant de définir la stratégie du numérique liéau maritime, sur la base des enjeux et des besoins expriméspar les acteurs du monde de la mer, du transport maritime etde la construction navale. ■

37MARINE&OCÉANS N° 244 - JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2014

■ Vous êtes président de la CCI du Havre, où en est le projet

d’aménagement de l’estuaire de la Seine et du Grand Paris ?

Du point de vue des entreprises que nous représentons, laconstruction de l’estuaire de la Seine est bien avancée. L’es-tuaire est en effet devenu, en l’espace de quelques années, la nou-velle échelle économique pertinente, un territoire économiqueà part entière, cohérent et dynamique. La nécessité de mieuxgérer les flux et de renforcer l’hinterland du port du Havreavait conduit, dès 1959, à la construction du pont de Tancarville,mais c’est surtout celle du pont de Normandie en 1995 qui a per-

>> mis de redéfinir la vocation de l’estuaire en rapprochant véri-tablement les deux rives de la Seine. Les échanges vont en ef-fet aujourd’hui bien au-delà des seuls flux de marchandises.Nous avons su faire abstraction des frontières administratives– l’estuaire de la Seine met en présence deux départements etdeux régions administratives – et naturelles pour ne plus en-visager la Seine comme une ligne de démarcation mais commeun formidable atout, ce qui a permis de commencer à écrire unehistoire commune. Nous avons su profiter de nos différencespour jouer la carte du collectif et de la complémentarité, dé-

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ÉCONOMIE DOSSIERLES CCI, ACTEURS MAJEURS DE L’ÉCONOMIE MARITIME

Trafic sur la Seine. « L’ambition du projet

Paris-Seine-Normandie®est de construire le territoire économique du Grand Paris,

métropole maritime mondiale. »

VIANNEY DE CHALUS

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En janvier 2014, la CCI du Havre s’est associéepour 0,1 million d’euros à l’État (28 millions d’euros), au Grand Port maritime du Havre (12,3 millions d’euros), à la région Haute-Normandie (9 millions d’euros), à la Communauté de l’agglomération havraise (6 millionsd’euros) et à la Ville du Havre (2 millions d’euros)dans une convention-cadre définissant leur participationfinancière, échelonnée sur quatre ans, aux travauxd’infrastructure préalables à l’accueil de l’éolien offshore. Le développement de cette nouvelle filière industrielle devrait générer la création de 2 000 emplois nouveauxsur le territoire haut-normand et plus particulièrementdans la région havraise.(Source www.lehavre.fr)

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velopper des synergies basées sur une logique d’intérêt par-tagé, et cela fonctionne plutôt bien ! Une véritable gouver-nance économique a été mise en place, en juin 2011, avec lacréation de l’association des CCI de l’estuaire, entre les CCI duHavre, de Fécamp-Bolbec et du Pays d’Auge, préfiguration dela future CCI Seine-Estuaire qui verra le jour en 2016 dans lecadre de la réforme de la carte consulaire, qui a pour objectifde partager, mettre en œuvre et promouvoir la même straté-gie de développement économique à l’échelle de l’estuaire. Pa-rallèlement, les acteurs politiques du territoire viennent de re-lancer le projet de Pôle métropolitain de l’estuaire en seconstituant en association en juin dernier.

■ Le projet Paris-Seine-Normandie est le prolongement naturel

de cette démarche entreprise autour de l’estuaire…

L’estuaire de la Seine représente le socle de la démarche Pa-ris-Seine-Normandie. Le projet de développement Paris-Seine-Normandie consiste, en reliant Paris à la mer, non seulementà donner à Paris une ouverture sur le commerce mondial, maisaussi à rapprocher la Normandie du plus important bassin deproduction et de consommation en France et en Europe, et cefaisant à permettre à la vallée de la Seine de profiter de tousles flux et de toute cette dynamique générés par le dévelop-pement de cet axe majeur. L’enjeu est énorme, l’ensemble duterritoire Paris-Seine-Normandie représente en effet 35 % duPIB de la France, soit l’équivalent du PIB des Pays-Bas; c’estla raison pour laquelle les CCI des trois régions Île-de-France,Haute et Basse-Normandie – porte-parole des 700 000 entre-prises de la vallée de la Seine – ont été désignées par décret par-tenaires de l’État, et elles ont créé en juin 2013 l’associationParis-Seine-Normandie®. L’ambition de Paris-Seine-Nor -