Viabilité et développement...

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N atures S ciences S ociétés Viabilité et développement durable Marie-Hélène Durand 1 , Sophie Martin 2 , Patrick Saint-Pierre 3 1 Économie, IRD, UMR GRED (Université Montpellier 3 / IRD), 34394 Montpellier cedex 5, France 2 Mathématique, IRSTEA, LISC, 63172 Aubière cedex, France 3 Mathématique, LEDa-SDFi, Université Paris Dauphine, 75005 Paris, France Au sein du dossier « Adaptation aux changements climatiques », NSS avait déjà accueilli un article de J.-P. Aubin sur une application possible de la théorie de la viabilité dans le domaine du développement et de l'environnement (NSS, 18, 3 [2010], 277-286). Dans le présent article, les auteurs reprennent cette théorie et examinent les représentations du développement durable et de leurs propriétés en matière d'équité intergénérationnelle, en refusant des approches optimales trop brutales et faiblement informatives. C’est ainsi qu’ils montrent que la théorie de la viabilité, déjà fréquemment employée dans la gestion des ressources renouvelables, permet d'introduire une flexibilité capable de prendre en compte incertitudes et contraintes, au prix d'un formalisme auquel il faut bien sûr s'accoutumer et se former. Cela devrait en faire un des outils de modélisation et d'optimisation nécessaires à l’étude des anthroposystèmes. La Rédaction Résumé – Cet article présente une utilisation possible des outils de la viabilité dans le cadre d’un modèle économique de développement durable. L’objectif de ce travail est de montrer que l’approche « viabilité » ne se réduit pas à la seule considération du respect des contraintes, mais peut servir égale- ment à traiter de problèmes d’optimisation intertemporelle. Une nouvelle façon d’évaluer l’équité inter- générationnelle est proposée dans le cadre d’un modèle théorique souvent utilisé pour l’analyse économique du développement durable. Abstract – Viability and sustainable development. This paper presents an example of the advantages of using mathematical viability theory concepts and tools to study sustainable development issues. Instead of seeking optimal solutions according to a predefined value function, viability theory follows a inverse approach and does not postulate any a priori behaviours. Its methods and tools concern the set of all evolutions from a given situation that remain within a given set of constraints. An evolution is called viable (sustainable) if constraints are permanently satisfied. These constraints may be physical and as such imperative, or normative and consequently possibly modifiable. The aim of the paper is to show that the viability approach does not only encompass constraint satisfaction but also helps solve intertem- poral optimisation problems. By applying a macroeconomic model generally used as a benchmark model to study theoretical issues of sustainable development we propose a new approach to assessing intergen- erational equity. We describe two viability approaches to tackle the intergenerational equity issue: the first, proposed earlier by previous authors, concerns a minimal set of guaranteed rights for all genera- tions; the second aims to minimize inequalities between generations while respecting resources and pro- duction constraints. Numerical computations have been performed to graphically display the solutions. Natures Sciences Sociétés 20, 271–285 (2012) © NSS-Dialogues, EDP Sciences 2012 DOI: 10.1051/nss/2012027 Disponible en ligne sur : www.nss-journal.org Mots-clés : viabilité ; développement durable ; équité intergénérationnelle ; optimisation Keywords: viability; sustainable development; intergenerational equity; optimization Auteur correspondant : M.-H. Durand, [email protected] Article publié par EDP Sciences

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N a t u r e sSciencesSociétés

Natures Sciences Sociétés 20, 271–285 (2012)© NSS-Dialogues, EDP Sciences 2012DOI: 10.1051/nss/2012027

Disponible en ligne sur :www.nss-journal.org

Viabilité et développement durable

Marie-Hélène Durand1, Sophie Martin2, Patrick Saint-Pierre3

1 Économie, IRD, UMR GRED (Université Montpellier 3 / IRD), 34394 Montpellier cedex 5, France2 Mathématique, IRSTEA, LISC, 63172 Aubière cedex, France3 Mathématique, LEDa-SDFi, Université Paris Dauphine, 75005 Paris, France

Au sein du dossier « Adaptation aux changements climatiques », NSS avait déjà accueilli un article de J.-P. Aubin sur uneapplication possible de la théorie de la viabilité dans le domaine du développement et de l'environnement (NSS, 18, 3 [2010],277-286). Dans le présent article, les auteurs reprennent cette théorie et examinent les représentations du développementdurable et de leurs propriétés en matière d'équité intergénérationnelle, en refusant des approches optimales trop brutales etfaiblement informatives. C’est ainsi qu’ils montrent que la théorie de la viabilité, déjà fréquemment employée dans la gestiondes ressources renouvelables, permet d'introduire une flexibilité capable de prendre en compte incertitudes et contraintes, auprix d'un formalisme auquel il faut bien sûr s'accoutumer et se former. Cela devrait en faire un des outils de modélisation etd'optimisation nécessaires à l’étude des anthroposystèmes.

La Rédaction

Résumé – Cet article présente une utilisation possible des outils de la viabilité dans le cadre d’unmodèle économique de développement durable. L’objectif de ce travail est de montrer que l’approche« viabilité » ne se réduit pas à la seule considération du respect des contraintes, mais peut servir égale-ment à traiter de problèmes d’optimisation intertemporelle. Une nouvelle façon d’évaluer l’équité inter-générationnelle est proposée dans le cadre d’un modèle théorique souvent utilisé pour l’analyseéconomique du développement durable.

Abstract – Viability and sustainable development. This paper presents an example of the advantagesof using mathematical viability theory concepts and tools to study sustainable development issues.Instead of seeking optimal solutions according to a predefined value function, viability theory follows ainverse approach and does not postulate any a priori behaviours. Its methods and tools concern the set ofall evolutions from a given situation that remain within a given set of constraints. An evolution is calledviable (sustainable) if constraints are permanently satisfied. These constraints may be physical and assuch imperative, or normative and consequently possibly modifiable. The aim of the paper is to showthat the viability approach does not only encompass constraint satisfaction but also helps solve intertem-poral optimisation problems. By applying a macroeconomic model generally used as a benchmark modelto study theoretical issues of sustainable development we propose a new approach to assessing intergen-erational equity. We describe two viability approaches to tackle the intergenerational equity issue: thefirst, proposed earlier by previous authors, concerns a minimal set of guaranteed rights for all genera-tions; the second aims to minimize inequalities between generations while respecting resources and pro-duction constraints. Numerical computations have been performed to graphically display the solutions.

Mots-clés :viabilité ;développementdurable ; équitéintergénérationnelle ;optimisation

Keywords:viability; sustainabledevelopment;intergenerationalequity; optimization

Auteur correspondant : M.-H. Durand, [email protected]

Article publié par EDP Sciences

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Introduction

Les vingt dernières années témoignent d’une impor-tante prise de conscience des problèmes environne-mentaux et des changements globaux induits, et noncontrôlés, par l’activité humaine.Ces dommagesenviron-nementaux, susceptibles d’entraver la capacité des géné-rations futures, sinon actuelles, à assurer leur bien-êtresont maintenant une préoccupation première et le « déve-loppement durable », censé remédier à cette sombre pers-pective, est perçu comme un défi. Le point de vue de cetarticle concerne les modèles économiques de développe-ment durable ; il reprend une communication faite lorsd’un colloque sur les nouvelles lectures théoriques et lesinnovations méthodologiques de la problématique dudéveloppement durable1.

Il est fréquent de voir les mots « viable » et « durable »associés ou pris dans la même acception. La viabilité est,comme la durabilité, un concept polysémique – signifiantla capacité d’une entité à survivre –, développé en écolo-gie (Population Viability Analysis) et en mathématiques.Nous nous référons ici à la théorie mathématique de laviabilité, consacrée à l’étude de la régulation des systèmesdynamiques sous contraintes, que nous nous proposonsd’appliquer aux modèles économiques du développe-ment durable.

La théorie mathématique de la viabilité suscite un cer-tain engouement auprès des chercheurs en sciences del’environnement ou en sciences sociales, mais elles’applique aussi à bien d’autres domaines y compris laphysique. Le succès de cette théorie provient de sa capa-cité à mobiliser des métaphores très suggestives et àreprésenter des concepts pertinents. À la différence deméthodes plus classiques, elle permet d’étudier les sys-tèmes dynamiques non pas en recherchant « une solutionoptimale » à partir d’un critère posé a priori, mais d’aborden termes de respect des contraintes à chaque instant et dedécisions prises à temps, en considérant l’adaptation desévolutions sans préjuger du futur. Les concepts de baseont été décrits dans de nombreux articles (Aubin, 1996 ;Aubin et Saint-Pierre, 2005 et 2007 ; Aubin, 2010) et l’arse-nal mathématique a été développé dans plusieursouvrages (Aubin, 1991 et 1997 ; De Lara et Doyen, 2008 ;Aubin et al., 2011). Pour ce qui concerne les problèmes dedéveloppement durable, de nombreuses applications dela théorie de la viabilité ont été faites2.

Dans ce travail, nous présentons quelques exemplesd’utilisation des outils de la viabilité dans les modèles

1 Colloque « La problématique du développement durablevingt ans après : nouvelles lectures théoriques, innovationsméthodologiques et domaines d’extension », 20-22 novembre2008, Clersé, Université de Lille. Ce travail a été réalisé dans lecadre du projet DEDUCTION, financé par l’ANR-ADD (2007-2010).

économiques du développement durable. Cette illustra-tion est faite dans le cadre des modèles de croissance néo-classiques issus de celui de Ramsey (1928), destinés à étu-dier le mode de répartition entre les générations del’épargne et de la consommation permettant d’atteindreun équilibre stable de croissance optimale. Le modèle deRamsey a été repris par Hotelling (1931), Hartwick (1977),Solow (1974), Dasgupta et Heal (1974) pour explorer lesconditions d’existence d’une solution en présence d’uneressource épuisable. Le développement durable est alorsconsidéré comme une question de répartition entre géné-rations et de possibilité, ou non, de maintenir indéfini-ment un certain niveau de vie avec une quantité de res-source finie. Ce modèle canonique sert de support à denombreuses recherches en économie sur le développe-ment durable, conçu comme un problème de justice entredes générations qui se succèdent à l’infini et dont le « bien-être » ne doit pas être mis en cause par les actions de géné-rations précédentes.

La théorie de la viabilité est perçue comme uneméthode prometteuse mettant l’accent d’abord sur lescontraintes et leur respect, plutôt que sur la recherched’équilibres particuliers pour des évolutions spécifiées apriori. L’objectif de cet article est de montrer que la théoriede la viabilité ne se limite pas au simple calcul d’un noyaude viabilité relatif à un système dynamique souscontraintes, mais qu’elle peut également servir à recher-cher des évolutions optimales sous contraintes. Nousnous appuyons pour cette illustration sur un modèle debase qui sera progressivement complexifié. Les équationsexprimant la dynamique et les contraintes de ces modèlessont décrites en annexes (Annexes A1 à A4).

Le modèle économique standard de développementdurable est brièvement exposé dans la première section.Nous présentons, en deuxième section, le travail deMartinet et Doyen (2007), qui ont été les premiers àutiliser la théorie de la viabilité dans le cadre du modèlede Dasgupta-Heal et Solow pour définir le développe-ment durable comme le respect en tout temps d’unensemble de contraintes, en introduisant une extension àce travail où la population peut fluctuer sous l’effet d’uncontrôle endogène. Nous abordons ensuite le problèmede l’équité entre générations avec deux approches :garantir un ensemble de « droits minimum » à toutes les

2 Parmi une abondante littérature dans le domaine de la ges-tion des ressources renouvelables, voir par exemple : Aubin etSaint-Pierre, 2007 ; Baumgärtner et Quaas, 2009 ; Béné et al.,2001 ; Béné et Doyen, 2008 ; Bonneuil, 2003 ; Doyen et Béné,2003 ; Doyen et al., 2007 ; De Lara et al., 2007 ; Eisenack et al.,2006 ; Martinet et al., 2007 ; Rapaport et al., 2006 ; Tichit et al.,2007. Dans le domaine du changement climatique, voir : Aubinet al., 2004 ; Tichit et al., 2004 ; Bernardo, 2008 ; Doyen et al., 2008.Pour ce qui concerne la résilience écologique, voir : Martin, 2004et 2005. Pour ce qui concerne la démographie, voir : Bonneuil,2000 ; Bonneuil et Saint-Pierre, 2008.

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générations en agissant sur les contraintes et minimiserles inégalités entre générations, tout en respectantl’ensemble des contraintes en agissant sur la dynamiquedu système. Enfin, nous présentons la manière dont lesoutils de la théorie de la viabilité permettent de sélection-ner une évolution optimale.

Le modèle économique standardde développement durable

Dans le modèle d’accumulation de capital et d’épui-sement de ressource, utilisé par Dasgupta-Heal et Solow,le processus de production nécessite à la fois du capitalreproductible (K) et du capital non reproductible (S), donton extrait une quantité R à chaque période (Annexe A1).La production est soit consommée (C), soit réinvestie(dK/dt). C’est un modèle de croissance à deux biens où ils’agit d’arbitrer entre investissement et consommationsous contraintes de ressources. Le problème consiste àtrouver la solution qui maximise le bien-être global del’ensemble des générations d’ici à l’infini, selon un prin-cipe d’équité. Il est nécessaire pour cela d’avoir un critèred’optimisation intertemporel donnant une mesure del’équité entre générations. Le plus courant de ces critèresd’équité intergénérationnelle est la somme escomptée desutilités d’une infinité de générations représentant la fonc-tion intertemporelle de bien-être social. Les fondementséthiques de ce critère d’équité intergénérationnelle ont étéjustifiés par Koopmans (1960), mais celui-ci reste contro-versé en raison des problèmes posés par le choix du tauxd’actualisation et le traitement inéquitable des généra-tions que cela implique. Il est pourtant utilisé dans laplupart des situations où l’on cherche à évaluer lesimpacts économiques de long terme ; c’est, par exemple,le cas dans le rapport Stern sur l’impact économique duchangement climatique, où cet auteur a choisi délibéré-ment et a priori un taux d’actualisation proche de zéro,suscitant nombre de critiques. De nombreuses extensionsdu modèle de base ont été proposées. Quelles que soientles variantes de ce modèle, aussi compliquées soient-elles,elles servent à explorer les propriétés d’une trajectoireparticulière sélectionnée a priori selon un critère d’équité,et les résultats obtenus dépendent du critère d’optimi-sation choisi. En utilisant le critère de Koopmans (maxi-misation de la somme infinie des utilités escomptées), il aété montré qu’il n’est pas possible de maintenir indéfi-niment le niveau de consommation et que celui-ci tendvers zéro à moins que l’accumulation de capital ou lechangement technique ne compensent l’extraction desressources. Le développement durable n’est possible quedans le cas particulier où le capital reproductible se subs-titue au capital naturel non reproductible (par exempleen utilisant une fonction de production de type Cobb-Douglas : voir Annexe A1). En se référant à la notion de

justice établie par Rawls (1987) dans un cadre intra-temporel, Solow (1974) a montré que l’utilisation du cri-tère du « maximin » (sélectionnant l’évolution quimaximise le bien-être de la génération ayant le plus faibleniveau de bien-être) impliquait un niveau de consomma-tion constant à travers les générations.

Cette approche économique qui définit le développe-ment durable comme un problème d’équité entregénérations est en accord avec la définition du rapportBrundtland et n’a pas l’ambition de représenter les nom-breuses autres questions de développement durable.Dans cet article, nous ne discuterons pas le bien-fondé dece modèle, qui a été conçu seulement pour étudier le pro-blème de la répartition en horizon infini avec uneressource finie. C’est à ce titre que, à l’instar de nombreuxauteurs, nous le reprenons pour illustrer, dans un cadreconnu, l’utilisation des outils de la viabilité et la façon detrouver une solution équitable optimale, alternative à descritères d’équité contestés.

Durabilité (viabilité) et respectdes contraintes

La théorie de la viabilité est une théorie mathématiquebasée sur l’analyse multivoque, elle réalise des calculsd’ensembles et manipule des fonctions d’ensembles. Undes ensembles fondamentaux de cette théorie est le noyaude viabilité : ensemble des états initiaux à partir desquelspart au moins une évolution qui respecte toujours unensemble de contraintes. Ces contraintes, dites de viabi-lité, reflètent le problème étudié et sont définies dans lecadre d’un modèle censé représenter formellement ceproblème. Les résultats mathématiques apportés par lathéorie de la viabilité autorisent ces contraintes àdépendre du temps et des variables d’état. Au lieu derechercher directement les solutions d’une fonction objec-tif définie préalablement, se limitant ainsi à une évolutionparticulière dont on ne peut garantir la réalisation sou-mise à un avenir inconnu, la théorie de la viabilité adopteune démarche inverse et ne postule pas d’objectif a priori.Elle s’intéresse à l’ensemble de toutes les évolutions envi-sageables à partir d’un état présent. Il s’agit en premierlieu de distinguer, parmi cet ensemble des possibles offertà un moment donné, les évolutions viables de celles quine le sont pas pour des contraintes et une dynamique don-nées, puis ensuite de rechercher, à l’aide de règles derétroaction, la manière de « piloter » le système poursélectionner les évolutions dotées de propriétés souhai-tées. En calculant le noyau de viabilité relatif à unensemble de contraintes et à une dynamique donnés, onpeut savoir s’il existe, ou non, des possibilités d’évolu-tions viables à partir d’une situation initiale particulièreet déterminer les régulations nécessaires pour qu’uneévolution viable puisse le rester en fonction de l’évolution

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des variables d’état du système. Tout le problème consisteà définir convenablement ces contraintes et cette dyna-mique d’évolution, c’est-à-dire à concevoir un modèleaussipertinentquepossiblepourrépondreàunequestiondonnée. Dans les modèles économiques de développe-ment durable, ces contraintes disent, par exemple, qu’onne peut consommer durablement plus que ce qui estproduit, ou que les possibilités d’exploitation d’une res-source épuisable sont limitées par le stock des réservesexistantes, ou que l’exploitation d’une ressource naturellerenouvelable ne doit pas dépasser sa capacité de renou-vellement, ou encore qu’il est nécessaire de garantir àtoutes les générations un certain niveau de vie minimumpar habitant.

Une évolution est dite viable (durable) si elle respecteen permanence ces contraintes de viabilité (durabilité),qui peuvent être physiques – et elles sont alors impéra-tives – ou normatives – donc éventuellement modi-fiables. Ces contraintes, qui déterminent les conditions deviabilité du système, peuvent être renforcées si l’on sou-haite examiner la viabilité d’une « politique plus restric-tive », ou relâchées si le noyau de viabilité est vide et qu’iln’existe aucune possibilité d’évolution viable dans cesconditions. Les évolutions ont une dynamique régie parun certain nombre de paramètres. Certains peuvent êtreconstants, et ce sont alors des coefficients. D’autres peu-vent être amenés à évoluer pour maintenir la viabilité dusystème, lorsqu’ils dépendent du temps ou des variablesd’état, et ce sont alors des contrôles ou des régulons.Quand on se trouve au départ dans le noyau de viabilité,évoluer dans une mauvaise direction et ne plus être enmesure de toujours respecter les contraintes de viabilitéest une situation qui peut éventuellement se produire.Dans une telle situation, il est nécessaire de modifier soncomportement en temps opportun afin de rester dans lenoyau de viabilité ou sur sa frontière et d’éviter une criseà venir. Savoir quand et comment les contrôles doiventêtre modifiés est l’objet de la recherche en théorie de la via-bilité, et des techniques ont été mises au point pourrépondre à ces questions.

Martinet et Doyen (2007) ont appliqué les outils de lathéorie de la viabilité au modèle de Dasguspta-Heal et So-low et ont défini la durabilité par le fait de pouvoir res-pecter des contraintes en permanence, ce qui consiste à re-chercher les conditions dans lesquelles le noyau deviabilité n’est pas vide. Ces auteurs retrouvent les résul-tats précédemment acquis, qu’ils généralisent ; mais sur-tout, ils montrent que, lorsque le noyau de viabilité n’estpas vide, les évolutions durables ne sont pas uniques et nese réduisent pas à une évolution optimale, alimentant ledébat sur les relations entre « optimalité » et « durabi-lité ». Ils imposent des contraintes plus restrictives aunoyau de viabilité en stipulant que les niveaux deconsommation et le stock de ressources épuisables ne de-vront jamais être inférieurs à certains seuils admissibles.

Cela signifie, pour une société dont les conditions initialesse situent dans le noyau de viabilité, que celle-ci peut ga-rantir l’existence d’une quantité de ressource minimum etun niveau minimum de consommation à toutes les géné-rations futures. Les auteurs définissent alors la durabilitécomme la possibilité de transmettre un ensemble de« droits minimaux » à toutes les générations. Nous avonségalement repris le modèle de Dasgupta-Heal et Solow(Annexe A1) comme cas d’étude et étendu l’approche« viabilité » de Martinet et Doyen (Annexe A2.1) en pre-nant en compte les variations de population, l’explosiondémographique du siècle passé étant un élément centraldes préoccupations actuelles sur le développementdurable (Annexes A2.2 et A2.3).

La figure 1 présente un noyau de viabilité calculé defaçon numérique (Saint-Pierre, 1994 et 1997), où, commedans la proposition de Martinet et Doyen (2007), laconsommation par habitant (variable de contrôle) et lestock de la ressource épuisable par habitant (variabled’état) ne peuvent descendre en dessous d’un certainseuil. Alors que, dans ce type de modèle, la popu-lation est généralement considérée comme constante(Annexe A2.1), ou croissante mais de façon exogène(Annexe A2.2), ce noyau de viabilité a été calculé pourdes variables par habitant avec un système dynamiqueassocié permettant de contrôler les fluctuations de popu-lation (Annexe A2.3). Dans ce modèle, la contrainte« comptable » porte sur la consommation totale, qui nepeut être supérieure à ce qui est produit globalement ; lemontant de capital par tête peut donc être amené à dimi-nuer si la croissance démographique ou/et la consom-mation par habitant sont trop élevées. La possibilité

Fig 1. Noyau de viabilité du modèle A2.3.

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d’endogénéiser les mouvements de population est unnouvel exemple de l’apport des outils de la viabilité à cemodèle. Le taux de croissance de la population est unparamètre de régulation (ou contrôle) contraint d’évoluerentre deux bornes, minimale et maximale, dont l’écart aété choisi a priori mais établi de façon relativement large.La borne inférieure a été fixée à nmin = 0 (excluant unedépopulation) et la borne supérieure à nmax = 0,1 (autori-sant une croissance de population de 10 % au maximum àchaque génération). La fonction de production est fixe detype Cobb-Douglas (KαRβ avec α = 3/4 et β = 1/4) et il n’ya pas de progrès technique dans cette illustration.

La forme du noyau de viabilité dépend de la dyna-mique du système. Dans ce modèle particulier où la fonc-tion de production permet la substitution entre ressourceépuisable et capital manufacturé, il est possible d’êtreviable en disposant au départ uniquement de ressourceou uniquement de capital, à condition que ces quantitéssoient infiniment grandes. Le point A (Fig. 1) représenteune situation de départ, en ressource et capital, à partir delaquelle la ressource ne peut que diminuer. À partir decette situation initiale viable, un grand nombre d’évolu-tions sont possibles selon les différentes combinaisons decontrôles (extraction, consommation et croissance de lapopulation), qui sont choisis à chaque moment par les dif-férentes générations.

La figure 2 montre un exemple des trajectoires suiviespar les variables d’état – le capital manufacturé par per-sonne (k), la quantité de ressource disponible parpersonne (s) et le niveau de population (P) – en fonctiondes décisions de chaque génération (consommation etquantité de ressource extraite par habitant, taux de

Fig 2. Évolution des variables d’état (graphe du haut) et de cont

croissance démographique) pour que l’évolution particu-lière issue du point A (k0, s0, P0) de la figure 1 restecontenue dans le noyau de viabilité. Dans cet exemple,la situation initiale est celle d’une économie sous-développée, faiblement capitalistique, mais avec uneimportante dotation en ressource naturelle et un taux decroissance démographique élevé.

Durant les premières générations, la population aug-mente très fortement et la production, qui dépend essen-tiellement de l’exploitation de la ressource naturelle, n’estpas suffisante pour maintenir le niveau de consommationpar tête. Ce mode de développement, qui entraîne unediminution rapide de la ressource sans que cette extrac-tion soit réinvestie pour permettre l’augmentation decapital, n’est pas durable. Le changement se produit à laquatorzième génération, qui réduit drastiquement sontaux de croissance démographique (ou qui émigre) touten augmentant ponctuellement la quantité de ressourceextraite par habitant, permettant ainsi d’augmenter leniveau de capital par tête. Cela permet d’amorcer unchangement de mode de production où le capital repro-ductible se substitue peu à peu au capital non reproduc-tible et d’initier une période de croissance continue, bienque la ressource ait atteint son niveau de gel. Il devientalors possible d’augmenter « durablement » le niveau deconsommation par habitant.

Durabilité (viabilité) et équité

Considérer le développement durable comme l’obli-gation de respecter des contraintes de ressources, et d’en

rôle (graphe du bas) d’une trajectoire viable (modèle A2.3).

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épargner une partie pour assurer la transmission d’unequantité minimale de biens aux générations futures, n’estpas suffisant. Le noyau de viabilité calculé précédemmentcontient toutes les situations initiales à partir desquellesil existe au moins une évolution viable et donc des possi-bilités de contrôles tels que les contraintes pourronttoujours être respectées. Il peut exister un grand nombred’évolutions viables et, parmi celles-ci, beaucoup ne sontpas des évolutions « équitables ». Si certaines générationsse trouvent, par exemple, dans une situation où le niveaude la ressource est infiniment grand par rapport à leursbesoins, rien a priori ne peut leur indiquer la nécessité dene pas la gaspiller, encore moins de l’épargner ou d’inves-tir pour les générations futures. Ce n’est que lorsque lecaractère épuisable des ressources est perçu que s’opèrecette prise de conscience. Décidés trop tard, les néces-saires changements de comportement imposeront auxgénérations suivantes des sacrifices qui, s’ils avaient étémieux répartis sur l’ensemble des générations, auraientpu être moindres. Cette situation sera cependant viable siles générations sacrifiées réalisent, au détriment de leurpropre bien-être, les efforts nécessaires pour respecter lescontraintes de viabilité. Il importe donc de rechercher,parmi les évolutions viables, celles qui offriront une plusjuste répartition des choix de consommation et des effortsd’investissement, en fonction des dotations et des capa-cités de chaque génération, de façon à ce qu’aucuned’entre elles ne soit injustement sacrifiée.

Il y a différentes manières d’aborder ce problème avecles outils de la viabilité, et nous en présenterons deux : lagarantie des droits et la réduction des inégalités. Lapremière, envisagée par Martinet et Doyen (2007),consiste à agir sur les contraintes et à rechercher le niveaumaximum de « droits minimum », en termes de consom-mation garantie par habitant et de ressource préservée,qui pourront être transmis à l’ensemble des générations :contraindre, à toutes les périodes, les générations pré-sentes à respecter les « droits » des générations futures(Annexe A2.3). Nous nous concentrerons sur la seconde,qui consiste à utiliser une fonction qui permettra desélectionner, parmi toutes les évolutions viables, cellepour laquelle l’inégalité entre générations consécutivessera laplus faible.Pourcetexercice,nousnous intéressonsaux différences de consommation par habitant entregénérations (Annexe A3).

Aborder le problème de l’équité entre générationsconsiste à disposer d’une mesure d’équité permettant decomparer et classer des suites infinies de consommationen tenant compte de l’intérêt de chaque génération. Ceproblème est plus difficile que celui de l’équité intra-générationnelle, car les transferts entre générations sontunivoques et l’horizon infini. Une approche normative dudéveloppement durable a été développée qui caractérisel’équité intergénérationnelle par le respect de deuxaxiomes : le principe de Pareto, ou d’efficience (toute suite

infinie dont les éléments sont supérieurs à ceux d’uneautre doit lui être préférée) ; et le principe d’anonymatfaible, ou de neutralité (une permutation de n’importequelle paire d’éléments d’une suite ne doit pas changerson évaluation). Le respect de ces deux axiomes, quiimpliquent absence de gaspillage et de discriminationd’une génération quelconque, est qualifié de principe deSuppes-Sen (Asheim, 2010). En horizon infini, il n’existepas de critère numériquement représentable satisfaisantconjointement les conditions de ces deux axiomes. Lasomme infinie des utilités escomptées, critère d’évalua-tion intertemporel le plus utilisé, respecte le principe dePareto mais pas celui d’anonymat et ne traite pas les dif-férentes générations de manière égalitaire (Heal, 2005 ;Asheim, 2005 et 2010).

Avoir un objectif d’équité intergénérationnelle dansun modèle de viabilité consiste à introduire un « con-trôle » permettant de réguler le comportement de chaquegénération (et non plus à comparer un score d’équité, issud’un critère construit a priori, réalisé le long de différentschemins de développement par une succession infinie degénérations), de façon à ce qu’aucune d’entre elles, le longdu développement, ne soit une génération « injuste-ment » sacrifiée en tant que telle par des choix présents ouprécédents. Dans le modèle simple pris comme supportde cet exercice, chaque génération fait des choix entreconsommer, produire et se reproduire selon ses dotationsen capital naturel et manufacturé et ses besoins liés auniveau de sa population. Le résultat de ces choix, entermes d’accumulation de capital, détermine l’éventaildes possibilités offertes aux générations suivantes. Sansprogrès technique et avec une fonction de productionautorisant la substitution entre les facteurs de production(la ressource naturelle et le capital manufacturé), leniveau de consommation et la croissance démographiquesont les deux éléments qui décident de l’héritage laisséaux générations suivantes. Nous avons donc retenu leniveau de consommation par habitant et considéré que lesvariations de consommation par habitant entre généra-tions successives constituaient une mesure de l’« inéga-lité entre les générations » qu’il faut maintenant chercherà réduire (Annexe A3). Nous avons utilisé le pourcentage

de variation , une mesure relative, plutôt que les

écarts de consommation par habitant entre générationssuccessives dc(t)/dt, une mesure absolue, pour tenircompte de l’effet d’accumulation de richesses le long desgénérations et ainsi mieux appréhender la notion de« bien-être ». C’est en effet la position des utilitaristes, qui,pour évaluer de façon équivalente le niveau de bien-êtrede différentes générations, emploient la fonction d’utilité,une fonction de la consommation concave et croissantepermettant de donner moins de poids à l’augmentationmarginale de consommation des générations les plusriches par rapport à celle des générations les plus pauvres.

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Contrôler le taux de croissance de la consommationpar habitant de chaque génération, tout en respectantl’ensemble des autres contraintes de viabilité, consiste àajouter au problème précédent une dynamique auxiliaireportant sur la dérivée dans le temps de la consommationpar habitant. Le fait de soumettre la consommation, quidans l’exercice précédent était un contrôle, à l’exerciced’un nouveau contrôle, qualifié de métacontrôle, changele statut de cette variable. Elle passe formellement du sta-tut de variable de contrôle à celui de variable d’état, ce quiaugmente la dimension du système. La description de cemodèle est présentée dans l’annexe A3. Comme dans lecas précédent, le taux de croissance de la population estendogène ; c’est un paramètre de régulation qui régit leniveau de la population de façon à ce que, conjointementà l’action des autres paramètres de régulation (niveaud’extraction de la ressource naturelle et contrôle de laconsommation par tête), l’évolution respecte l’ensembledes contraintes de viabilité en restant à l’intérieur ou surla frontière du noyau de viabilité.

L’évolution du niveau de consommation par habitantest maintenant déterminée par la dynamique dc(t)/dt =v(t)c(t). Établir une forme d’équité intergénérationnelleen limitant les inégalités entre générations tout en res-pectant les contraintes écologiques et matérielles de pro-duction consiste, dans cet exemple, à contraindre v(t), letaux de croissance de la consommation par habitant, àêtre toujours supérieur ou égal à un certain seuil mini-mum vmin. Si le noyau de viabilité de ce métasystème(Annexe A3) n’est pas vide, il sera possible de trouver unchemin de développement viable et équitable à partir detoute situation initiale appartenant à ce noyau. Le tauxde croissance de la consommation par habitant d’une

Fig 3. Noyau de viabilité du modèle A3.

génération quelconque v(t) peut être amené à diminuer ;mais, quelles que soient les générations concernées, cettediminution sera toujours limitée par la contrainte infé-rieure v(t) ≥ vmin. Cette contrainte s’applique à toutes lesgénérations et, couplée aux autres contraintes, elle inter-dit les modes de développement où le comportement decertaines générations auraient un impact trop négatif surla consommation des générations futures. Si vmin est nul,la consommation par habitant des générations futures nesera jamais inférieure à celle des générations précédentes.Si vmin est négatif, cela signifie que la consommation parhabitant pourra diminuer pour certaines générations,mais jamais en dessous d’un certain pourcentage admis-sible. Si vmin est positif, cela signifie que la consommationpar habitant augmentera de façon exponentielle avec lesgénérations (le noyau de viabilité sera vide s’il n’est paspossible de respecter l’ensemble des contraintes dans cecas). Nous n’avons pas introduit de borne supérieurevmax, considérant qu’il n’était pas justifié de limiter lacroissance des consommations futures par une con-trainte a priori autre que celles portant sur la capacité deproduction. L’évolution du niveau de consommation parhabitant est seulement contrainte par la règle v(t) ≥ vmin– un devoir moral envers les générations futures quis’applique à toutes les générations.

La figure 3 présente la frontière inférieure de ce nou-veau noyau de viabilité. Il contient l’ensemble dessituations initiales à partir desquelles il existe des évolu-tions qui respecteront à la fois les contraintes duprécédent modèle et la forme d’équité entre les généra-tions définie plus haut. Il a été calculé en imposant un freinde 5 % (vmin = – 0,05) au pourcentage de baisse éventuelledu niveau de consommation par tête. Quelques évolu-tions viables susceptibles de partir du point de dotationinitiale A : (k0, s0, c0, P0) sont représentées. Elles diffèrentselon les diverses combinaisons de décisions sous con-traintes qui peuvent être prises (consommation, extrac-tion, croissance démographique). De nombreux choixsont admissibles ; ils peuvent rester inchangés ou êtremodifiés à tout moment, mais ce n’est que lorsqu’uneévolution s’apprête à quitter le noyau de viabilité que lamodification des contrôles qui la régissent devient impé-rative pour rester dans le noyau de viabilité ou sur safrontière. La valeur des contrôles est sélectionnée enfonction de celles prises par les variables d’état selon unerègle en feedback calculée numériquement de façon à ceque l’évolution reste viable.

La figure 4 reprend une de ces évolutions, la deuxièmeà partir de la gauche figurée sur le noyau, montrant com-ment les contrôles ont été modifiés en fonction des valeursprises par les variables d’état. Cette figure présente, dansla partie supérieure, le décours temporel des variablesd’état (consommation par habitant : c(t), capital manufac-turé par habitant : k(t), quantité de ressource disponiblepar habitant : s(t), niveau de population : P(t)) et, dans la

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partie inférieure, le décours temporel des contrôles exer-cés (« équité » : v(t), croissance démographique : n(t),quantité de ressource extraite r(t)). Ce mode de dévelop-pement est caractérisé à ses débuts par une forte crois-sance de la population, couplée à une augmentationde la consommation par habitant. Ce comportement« égoïste » des premières générations entraîne une déca-pitalisation, une diminution rapide de la ressource natu-relle disponible, et la frontière du noyau de viabilité estrapidement atteinte. Pour pouvoir rester viable, la popu-lation de cette société doit se stabiliser et le niveau deconsommation par tête est obligé de décroître. Les effortsque les générations de cette époque d’austérité sont ame-nées à faire sont cependant adoucis, car toutes les géné-rations sont également obligées de respecter une limiteaux baisses éventuelles de consommation par habitant(dans cet exemple, une contrainte de viabilité impose quela consommation par tête ne pourra jamais diminuer deplus de 5 %). En fin d’ajustement, le capital accumulé estsuffisamment important pour que la consommation parhabitant soit à nouveau en mesure de croître pour lesgénérations suivantes, autorisant même une augmenta-tion de population.

L’exemple de la figure 4 est issu du même point initialque celui présenté dans la figure 2. Il possède les mêmesconfigurations en termes de dotations initiales et decontrôles exercés au départ. La seule différence entre cesdeux graphiques consiste à avoir imposé à toutes les géné-rations une contrainte supplémentaire réduisant les

Fig 4. Évolution des variables d’état et de co

inégalités de consommation entre générations. L’intro-duction de cette contrainte a eu pour effet de raccourcir lapériode initiale de forte croissance démographique et dedécapitalisation. La croissance démographique diminueici à partir de la sixième génération, alors que, sanscontrainted’équité (Fig. 2), l’augmentationdepopulationse poursuit pendant quatorze générations, aggravant lasituation des générations suivantes. L’époque où leniveau de consommation par habitant peut augmenter estégalement plus précoce et, s’il existe, dans les deux cas,une succession de générations sacrifiées, en charge duréajustement, celles-ci sont moins nombreuses lorsqu’onimpose une condition d’équité intergénérationnelle.

Les exemples d’évolution viable présentés sur lesfigures 2 et 4, issus d’un calcul numérique, sont donnés àtitre d’illustration pour montrer visuellement les fluctua-tions des variables d’état et de contrôle dans le cadre d’unmodèle simple. Ils résultent d’un tirage au hasard à partird’évolutions viables issues d’un point du noyau de via-bilité du modèle décrit dans l’annexe A3. Le noyau deviabilité et les évolutions viables qui partent d’une situa-tion initiale à l’intérieur du noyau dépendent du modèlechoisi, de sa dynamique et des contraintes. Ils dépendentaussi de la valeur des paramètres qui ont été fixés ici defaçon cohérente mais arbitraire, en particulier le niveaudes bornes minimales et maximales des variables decontrôle (la consommation ou sa variation, l’extraction deressource et le taux de croissance démographique).D’autres valeurs de ces paramètres, mais aussi d’autres

ntrôle d’une trajectoire viable (modèle A3).

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fonctions de production, peuvent être explorées. On peutégalement envisager la construction d’autres « critères »agissant sur les variables d’état concernant, par exemple,la gestion et la préservation du capital naturel, ou agissantsur la dynamique de production en mettant en œuvre leprogrès technique, dont on peut concevoir que l’appari-tion se fasse par saut en cas de crise. Dans le modèle debase que nous avons retenu, la fonction de production està technologie constante, une hypothèse qui en limitel’intérêt. Introduire une évolution endogène du progrèstechnique est possible et ne modifie pas la façon deprendre en compte l’équité intergénérationnelle. Parcontre, cela ajoute une dimension supplémentaire au pro-blème de viabilité que les logiciels de calcul actuels nepermettent pas de traiter. Nous avons choisi ici de pré-senter cette notion d’équité en l’accompagnant d’uneillustration graphique et donc privilégié la possibilité decalcul des noyaux de viabilité des modèles plus simplesdécrits en annexe.

Durabilité (viabilité) et « optimalité »

Un des attraits de la théorie de la viabilité est la pers-pective qu’elle offre de pouvoir analyser les systèmesdynamiques sans nécessairement mettre en avant larecherche de solutions optimales selon un critère particu-lier, comme c’est le cas avec la théorie du contrôle optimal.En ce sens, l’approche « viabilité » et l’approche « opti-malité » sont différentes, mais elles ne sont pas non plusen opposition, comme cela est dit parfois, car les outils dela viabilité permettent également de résoudre des pro-blèmes d’optimisation, intertemporelle en particulier.Nous en donnons un exemple en poursuivant l’analysequi a été faite de l’équité intergénérationnelle.

Pour cela, nous introduisons la fonction d’inertie3, quipermet de sélectionner la plus « équitable » possible detoutes les évolutions viables : celle où le pourcentage devariation relative du niveau de consommation par habi-tant entre deux générations quelconques sera le plusfaible en valeur absolue. Si k0, s0 et c0 sont les niveauxinitiaux de capital, de ressource épuisable et de consom-mation par tête, P0 étant la taille de la population, cettevaleur s’écrit :

La fonction (.) détermine le plus petit taux de crois-sance de la consommation par habitant qu’il est possible

3 Une présentation complète des propriétés mathématiquesde la fonction d’inertie et du lien avec les problèmes d’optimi-sation est faite dans Aubin et al. (2011). Son utilisation dans desproblèmes d’environnement est développée dans Aubin et al.(2004) et Aubin et Saint-Pierre (2007).

/dt

de ne jamais dépasser en valeur absolue pour au moinsune évolution viable. Tout le long de cette évolution« la plus équitable », les variations de consommationpar habitant vérifieront toujours la relation

pour toutes les générations

(indexées ici par t). Théoriquement, les valeurs prises parcette fonction ne peuvent être que positives ou nulles. Si,à partir d’un état initial donné, il s’avère que ce plus petitécart – la valeur de la fonction (.) – est nul, cela signifieque l’évolution viable la plus équitable sera celle où laconsommation par tête restera constante pour toutes lesgénérations. Dans ce modèle avec fluctuation de popula-tion, cela peut correspondre à une situation malthusienneoù la croissance de la population absorbe l’augmentationde capital, ne permettant pas d’augmenter le niveau deconsommation par tête, et où une baisse éventuelle decapital (en raison, par exemple, de la raréfaction des res-sources) entraînera une diminution de la population etnon de la consommation par tête (bloquée à son niveauinitial). Cette évolution à consommation constante ins-taure certes une égalité entre les générations (en termes deniveau de consommation par habitant), mais exclure lespossibilités d’une amélioration du niveau de vie estdifficilement acceptable comme conception du dévelop-pement durable et de l’équité intergénérationnelle.Ce cas particulier, où il serait possible de trouver

(k0, s0, c0, P0) = 0, correspond à la solution que l’onobtient en utilisant le critère du maximin dans un cadreintergénérationnel, solution étudiée et contestée parSolow (1974) au motif qu’une société pauvre au départserait condamnée à le rester éternellement. L’objectif decet auteur, qui dans ce travail s’est voulu « plus rawlsienque Rawls », était de plaider pour un rejet de ce critèrerawlsien dans un cadre intergénérationnel. C’est pour-quoi, comme cela a déjà été fait dans la section précédente,nous proposons de n’imposer une limite qu’aux varia-tions à la baisse de la consommation par habitant,considérant que la notion d’équité intergénérationnellene doit pas empêcher l’augmentation de bien-être desgénérations futures. Nous suggérons pour cela d’utiliserune nouvelle fonction : la fonction d’équité. Au lieu derechercher la valeur (k0, s0, c0, P0) encadrant les fluctua-tions de consommation par habitant entre les géné-

rations de façon telle que en

cas de hausse et en cas de

baisse, il s’agit de ne prendre en compte que la borne infé-rieure vmin pour que le taux de croissance de laconsommation par habitant de chaque génération

soit toujours supérieur à vmin pour toutes

/dt

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les générations. Cette obligation envers les générationsfutures s’applique à toutes les générations, la générationprésente et toutes celles à venir.

La fonction d’équité permet de calculer la plus grandevaleur de cette borne inférieure qui peut être obtenue àpartir de chaque situation initiale. Le métasystème per-mettant de calculer la fonction d’équité est présenté dansl’annexe A4. La valeur de la fonction d’équité au point(k0, s0, c0, P0) s’écrit :

Si γ(k0, s0, c0, P0) est négatif, cela signifie qu’il n’est paspossible, à partir de la situation présente, de trouver uneévolution viable où le niveau de consommation par têteest non décroissant pour au moins une génération ; maison peut trouver l’évolution viable où cette baisse deconsommation sera la plus faible.

Si γ(k0, s0, c0, P0) est positif ou nul, cela signifie qu’il estpossible, à partir de la situation présente, de trouver uneévolution viable au cours de laquelle la consommationpar habitant sera toujours croissante ou constante, sontaux de croissance restant toujours supérieur ou égal àγ(k0, s0, c0, P0).

À la différence de ce qui a été exposé dans la sectionprécédente, où la borne inférieure vmin était un paramètrefixé a priori, introduit comme contrainte sur l’évolutiondu taux de croissance de la consommation (Annexe A3),il s’agit ici de rechercher la plus grande valeur de vmintelle qu’il existe une évolution viable où le taux de crois-sance de la consommation par tête sera supérieur ou égalà cette borne pour toutes les générations, en calculant lenoyau de viabilité d’un nouveau métasystème de dimen-sion supérieure (Annexe A4). Cette évolution viable estune évolution optimale, car, pour toutes les autres évo-lutions viables partant de cette situation initiale, une ouplusieurs générations auront nécessairement un taux decroissance de leur consommation par tête inférieur à laborne vmin = γ(k0, s0, c0, P0).

Il s’agit donc bien d’une méthode d’optimisationintertemporelle sélectionnant une évolution viable parti-culière de type « meilleur du pire des cas ». Ce mode desélection d’une évolution optimale diffère d’un pro-blème de contrôle optimal classique dans la mesure où lecritère est un opérateur « sup inf » et non de type « inté-gral ». Par ailleurs, cette méthode d’optimisation nenécessite pas que la fonction valeur soit différentiable et,surtout, elle prend en compte l’ensemble des contraintessans conditions restrictives. Cette méthode diffère égale-ment des méthodes d’optimisation classiques dans lesens où le choix des contrôles peut être changé à chaquepas de temps pour prendre en compte les modificationsdes variables d’état et s’adapter aux contraintes de viabi-lité. Alors que les méthodes d’optimisation intertempo-relles usuelles, par le biais de l’actualisation, cherchent à

/dt

comparer et classer des évolutions où les décisions sontprises une fois pour toutes, cette approche s’apparenteplus à un indicateur permettant à chaque génération dedéterminer ses choix en fonction de ses contraintes et deses capacités, pour s’engager sur un chemin de dévelop-pement durable et équitable. Cette façon de sélectionnerune évolution viable correspond à la définition du déve-loppement durable donnée par Asheim (2007) : « A gene-ration’s management of the resource base at some point in timeis sustainable if it constitutes the first part of a feasible sustai-ned development. A stream of wellbeing develops in a sustain-able manner if each generation’s management of the resourcebase is sustainable. »

Conclusion

Étudier le développement durable pose de nombreuxproblèmes théoriques et pratiques ; la manière de lesaborder est souvent limitée par les techniques dispo-nibles, tandis que la manière de les évaluer est limitée parla disponibilité des informations adéquates. La décou-verte de nouvelles techniques permet parfois derenouveler la façon de penser ces problèmes. Ce fut le caslorsqueWeitzman(1976), enadaptantunformalismeplusgénéral à ces modèles de croissance durable, a ouvert lavoie à de nouvelles analyses et interprétations du déve-loppement durable, introduisant les concepts d’épargnevéritable et de produit national vert. Les recherchesactuelles sur la possibilité d’établir des indicateurs macro-économiques de développement durable sont issues de cechangement.

La théorie de la viabilité commence à être utiliséeavec un certain succès, en particulier dans le domaine dela gestion des ressources renouvelables. L’approche« viabilité », décrite comme une approche inverse per-mettant de trouver l’ensemble des évolutions respectantdes contraintes à chaque moment plutôt que de recher-cher des solutions réalisant un objectif établi a priori, estsouvent confinée à la recherche de noyaux de viabilité.Elle est considérée comme une alternative à la recherchede solutions d’équilibre et comme opposée à la notiond’optimalité. Cet article sur les modèles de développe-ment durable cherche à montrer que la viabilité ne selimite pas au concept de noyau de viabilité et au respectdes contraintes. Les outils de la théorie de la viabilitén’interdisent pas forcément la recherche de solutionsoptimales, ils permettent aussi de résoudre des pro-blèmes d’optimisation intertemporelle.

Pour nombre de chercheurs, la théorie de la viabilitéest considérée comme une approche ouvrant la voie àun changement de paradigme, dans un domaine – l’envi-ronnement – où l’optique plus classique de recherche detrajectoires d’équilibre s’est révélée inadéquate. Sur-monter ces difficultés ou ces insuffisances représente une

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véritable promesse qui doit être mesurée. La théorie de laviabilité est un outil puissant qui peut apporter desréponses à des questions précises issues d’un modèle bienformulé. Le spectre des questions peut être très large etne se limite pas à celles concernant le « respect descontraintes », les problèmes de « pilotage » autonomesous contraintes sont un des fondements de cette théorie.L’arsenal mathématique de la théorie de la viabilité auto-rise l’étude et le calcul de nombreuses fonctions qui, cor-rectement interprétées, peuvent être utiles pour étudierdes aspects très divers des problèmes d’environnement etde développement durable. Mais concevoir des modèlespertinents pour des problèmes complexes est une tâchepréalable qui peut être difficile.

L’utilisation des outils de la théorie de la viabilité seheurte à deux obstacles. D’une part, son maniement n’estpas aisé, il requiert un certain investissement dans cestechniques mathématiques non classiques et rarementenseignées, et la conception de modèles pertinents néces-site à la fois une bonne maîtrise du problème étudié et uneconnaissance minimale de ces techniques mathéma-tiques. D’autre part, la dimension – et donc la com-plexité – des problèmes qu’il est possible d’étudier numé-riquement est actuellement encore limitée par la capacitédes outils informatiques nécessaires pour effectuer descalculs sur des ensembles.

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Annexes

Un modèle de viabilité s’écrit sous la forme générale d’un système dynamique contrôlé et contraint :

(1) ∀t ≥ 0

où représente la dynamique du système dirigeant l’évolution des variables d’état x(t) sous

l’action des contrôles u(t). Les contrôles u appartiennent à un ensemble admissible qui dépend des variables d’état U(x)et M représente l’ensemble des contraintes sur l’état du système qui doivent être respectées pour tout t ≥ 0.

Le noyau de viabilité de ce système est l’ensemble :Viabf (M) := {x0 ∈ M tel que ∃u(.) et ∃x(.) solution de (1) avec x(0) = x0}

Définitions des variables :P : populationK : capital manufacturéS : ressource épuisableR : ressource totale extraite par périodeC : consommationn : taux de croissance de la populationv : taux de croissance de la consommation par personnez : indicateur du niveau d’équité

On pose :k : capital manufacturé par personne (k := K/P)c : consommation par personne (c := C/P)r : quantité de ressource extraite par personne (r := R/P)s : quantité de ressource disponible par personne (s := S/P)s0 : quantité de ressource initiale disponible par personnesb : quantité de ressource par personne garantie à toutes les générationscb : consommation minimale garantie à toutes les générations

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A1. Le modèle de Dasgupta et Heal (1974)

Il correspond à un problème de contrôle optimal décrit par :

• une dynamique :

• un critère d’équité à maximiser :

Le développement peut être durable si la fonction de production autorise la substitution entre les biens, par exempleune fonction de type Cobb-Douglas f(K,R) = KαRβ avec α + = 1 et α > .

A2.1. Durabilité/viabilité : respecter les contraintes en tout temps avec une population constante (Martinet etDoyen, 2007)

(2.1) ∀t ≥ 0

Variables d’état : x21 : {k,s} ; variables de contrôle : u21 : {r,c}Dynamique :

A2.2. Durabilité/viabilité : prendre en compte une croissance exogène de la population

(2.2) ∀t ≥ 0

Variables d’état : x22 : {k,s} ; variables de contrôle : u22 : {r,c}

Dynamique :

Relations caractérisant les contraintessur les variables d’état : M21

Relations caractérisant les contraintessur les variables de contrôle : U21

Relations caractérisant les contraintessur les variables d’état : M22

Relations caractérisant les contraintessur les variables de contrôle : U22

(x21(t))

(x22(t))

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A2.3. Durabilité/viabilité : introduire les fluctuations endogènes du taux de croissance de la population

(2.3) ∀t ≥ 0

Variables d’état : x23 : {k,s,P} ; variables de contrôle : u23 : {r,c,n}Dynamique :

A3. Durabilité/viabilité : imposer une limite au taux de croissance de la consommation par habitant

(3) ∀t ≥ 0

Variables d’état : x3 : {k,s,P,c} ; variables de contrôle : u3 : {r,n,v}Dynamique :

Relations caractérisant les contraintessur les variables d’état : M23

Relations caractérisant les contraintessur les variables de contrôle : U23

Relations caractérisant les contraintessur les variables d’état : M3

Relations caractérisant les contraintessur les variables de contrôle : U3

(x23(t))

(x3(t))

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A4. Durabilité/viabilité : rechercher l’évolution viable la plus équitable

(4) ∀t ≥ 0

Variables d’état : x4 : {k, s, P, c, z} ; variables de contrôle : u4 : {r, n, v}Dynamique :

Reçu le 4 juin 2009. Accepté le 7 juin 2011.

Relations caractérisant les contraintessur les variables d’état : M4

Relations caractérisant les contraintessur les variables de contrôle : U4

(x4(t))