Vers une embryologie causale des mammifères

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Vers une embryologie causale des mammif ères PAR SEPARATA DO VOLUM£ VII PRIMEIRO TRIMESTRE DE 1^5^. N." I

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Vers une embryologie causale des mammifères

PAR

S E P A R A T A D O V O L U M £ V I I • P R I M E I R O T R I M E S T R E D E 1^5^. • N . " I

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, VERS UNE EMBRYOLOGIE CAUSALE DES MAMMIFÈRES

par

ALBERT M. DALCQ

Directeur du Laboratoire d'Anatomie et d'Embryologie

humaines à la Faculté de Médecine de l'Université

de Bruxelles

CE fut mon privilège que d'aborder la recher­che scientifique sous le signe de l 'Embryo­

logie causale. Le terme venait d'être créé par le P r o f e s s e u r ALBERT BRACHET a u q u e l j ' a v a i s d e ­

mandé (1912) la faveur de travailler dans son laboratoire. La vogue était à VEntwicklungsme-chanik et ceux qui n'aimaient pas ce terme ten­dancieux parlaient simplement d'Embryologie expérimentale. BRACHET, était alors, en pleine force de sa vigoureuse quarantaine, un anima­teur d'une ferveur et d 'une autorité rarement égalées. Il n'était satisfait par aucune des deux dénominations de sa science favorite: à l 'une il reprochait sa prise de position implicite; à l 'au­tre, son caractère limitatif.

Le but à atteindre, estimait­il, était l'expli­ca ' i in rationnelle du développement. Pour y arriver, l'expérience n'était pas la seule voie possible, comme l'étude des mécanismes, même comprise dans le sens le plus large, n'était pas la seule féconde. L'extension des connaissances par la description des formes extérieures et des séries de coupes conservait tous ses droits, d'au­tant plus qu'elle ouvrait la voie à des comparai­sons fructueuses au point de vue évolutif. Il

n'était donc pas justifié de donner le pas à l'ex­périence sur l'observation. Dans l'esprit de mon vénéré Maître, l'essor de celle­ci était appelé à se produire sous l'angle biochimique.

BRACHET venait précisément de connaître le premier travail notable d'Embryologie chimi­que, celui de FAURé-FRéMIET sur l'oeuf d'As­caris (1913) et il se plaisait à souligner l'impor­tance de cette initiative.

On sait combien l'avenir a donné raison à l'Embryologiste belge, et il est émouvant que, pour une part importante, son fils, le Prof. JEAN BRACHET, ait été un des grands ouvriers de l'Embryologie chimique. C'est donc pour ces d i v e r s e s r a i s o n s qu 'ALBERT BRACHET v o u l a i t

donner à la Science qui l'enthousiasmait un nom reflétant le souci d'être aussi profondément ex­plicative que toute autre discipline. D'où le terme d'Embryologie causale.

Soit dit incidemment, c'est le seul cas où l 'on ait cru nécessaire de donner à une des Sciences naturelles cette qualification. C'est que, pour beaucoup d'esprits, surtout dans les sphères médicales, l 'étude du développement pouvait se borner à être sagement descriptive, et cette ma­

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nière de voir n'est pas encore disparue, ainsi que l'atteste la présentation des meilleurs livres récents d'Embryologie humaine. Il a donc été, et il reste utile de réagir par une appellation attestant la nécessité de plonger au coeur des problèmes et de rechercher inlassablement une explication aussi complète qu'il est humaine­ment possible.

C'est pourquoi, dans ces quelques pages écn-tes en fervent hommage à un éminent Embryo-logiste portugais, il me paraît opportun d'exa­miner dans quelle mesure le programme de l 'Em­bryologie causale est atteint en ce qui concerne les Mammifères en général et l 'Homme en par­ticulier, et quels espoirs nous pouvons nourrir de nous rapprocher d'avantage de sa réalisation. L e P r o f e s s e u r A. CELESTINO DA COSTA a é té lié

au Professeur A. BRACHET d 'une amitié rom­pue seulement par la disparition prématurée de ce dernier. Presque chaque année, abstraction faite des tristes périodes oii des obstacles in­franchissables s 'y opposaient, notre Collègue est revenu visiter le laboratoire de Bruxelles. Que de fois ne l'avons-nous pas accueilli par ce cliché banal mais chargé d'affectueuse bienvenue: Voici l'hirondelle qui nous ramène le printemps! Au cours d'une longue et féconde carrière, ce fervent biologiste a largement contribué à l'essor de l'Embryologie causale. Il l 'a fait en grande par­tie par d'admirables travaux consacrés au déve­loppement des Mammifères, notamment à leur ligne primitive, à leur crête neurale, à leur am-nios, à leur appareil surrénal. Il a montré ainsi combien il est vrai que les études descriptives et comparatives restent fondamentales pour l'intel­ligence de l'ontogenèse. A ces travaux originaux, et à tous ceux qu'il a produits en histophysiolo-gie, il a ajouté un Précis d'Embryologie, excel­lente synthèse qui a, notamment, la durable fa­veur de nos étudiants. Les loisirs plus étendus dont il va disposer nous promettent encore de nouvelles contributions aux disciplines dites mor­phologiques. Peut-être voudra-t-il, dans ces heures studieuses qu'il se promet, réserver quel­ques moments à ce modeste essai, inspiré d 'une profonde sympathie, et le soumettre à sa péné­trante critique.

Or donc, dans le sens oîi le prévoyait AL­BERT BRACHET, l'Embr^'ologie causale s'est pro­gressivement constituée, et la somme de ses ré­sultats a été sucessivement mise en lumière dans divers ouvrages. Le plus clair de ce qu'on y trouve exposé ne concerne guère les Mammifè­res et l 'Homme. C'est sur l'Oursin, la Libellule, la Limnée, l'Ascidie, la Grenouille, le Poulet que la majorité des observations et expériences ont été faites. Dans les livres consacrés à l 'Em­bryologie humaine, on se borne généralement à juxtaposer à la description des premiers sta­des un résumé de quelques notions concernant la cinématique et l'induction chez les Amphi-biens et les Oiseaux. Il n 'en résulte qu'une illu­mination très relative des processus. Les relations entre le mode de développement d'une Grenouille ou d 'un Triton, d 'une part, d 'un Poulet ou d 'un Canard d'autre part, enfin d 'un Rat, d 'un Lapin ou d 'un Singe sont loin d'être évidentes. Il faut arriver à la ligne primitive pour que lOiseau et le Mammifère montrent, pour l'essentiel, des si­militudes frappantes; pour retrouver des proces­sus vraiment semblables à ceux de l'Amphibien, il faut être en pleine neurulation. Avant cela, qui n 'a pas acquis une connaissance profonde des lois du développement est complètement déso­rienté. On l'était d 'autant plus, avant ces der­nières années, que le mode de clivage des Pla­centaires semblait sans commune mesure avec celui des autres Vertébrés.

Il faut reconnaître que la situation est sin­gulièrement complexe. Pour édifier une Embryo­logie causale directe, solidement fondée, des Mammifères, il faudrait, en principe, pouvoir ré­péter sur eux toutes les observations et expérien­ces les plus significatives que l 'on a faites sur les autres espèces. Il faudrait appliquer des mar­ques colorées pour suivre les déplacements des ébauches et établir la carte des territoires pré­somptifs. On devrait pouvoir traiter leur ligne primitive comme on l 'a fait pour le «centre organisateur» des Amphibiens et pour la ligne primitive des Oiseaux, en réséquer des parties, échanger des territoires définis, effectuer des greffes totales ou partielk^.. Il serait encore souhaitable de soumettre le germe aux modifica-

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teurs chimiques (LiCl, SCNNa et autres) qui provoquent hypermorphoses et hypomorphoses. Il faudrait également séparer les blastomères, étudier leur destinée individuelle, et saisir les modalités possibles de la régulation. Et la liste des desiderata pourrait être considérablement al­longée.

A première vue, tout celà paraît pratique­ment inaccessible. Ces diverses observations et expériences rencontrent déjà de sérieuses diffi­cultés lorsque l'on a à sa disposition des oeufs faciles à récolter et utilisables en abondance. Comment les réussir lorsqu'on est asservi à la recherche aléatoire de quelques oeufs, petits et fragiles, cachés dans les entrailles d 'une femelle présumée gravide?

En réalité, la situation n'est pas aussi tra­gique. D'abord, les difficultés de certaines ex­périences sont plus apparentes que réelles, et ont pu déjà, dans divers cas, être surmontées. En second lieu, les modalités de travail ne doi­vent pas nécessairement être calquées sur celles utilisées sur d'autres oeufs, et l 'on peut en uti­liser d'équivalentes, mieux adaptées aux Mam­mifères. Par ailleurs, il est certaines notions en faveur desquelles la présomption est si forte que quelques coups de sonde seraient suffisants pour permettre la généralisation, par transposition. Reprenons successivement ces trois points.

*

* *

En ce qui concerne le mode opératoire, un grand pas a été accompli lorsque J . S. NiCHO-

LAS a inventé son procédé de réimplantation tubaire. Celui-ci présuppose naturellement l'ob­tention de la gravidité et la récolte des oeufs, mais sous ce rapport les manoeuvres sont aisées. La connaissance de la signification endocrinolo-gique des sécrétions vaginales permet, sous diver­ses modalités adaptées aux espèces, d'obtenir la fécondation à temps voulu et la dissection du complexe génital procure les oeufs, au stade choisi, en quelques minutes. On peut alors ef­fectuer sur ce matériel toute opération réalisable dans le délai d 'une demi-heure, puis reprendre

les germes opérés dans une pif)ette et les réinjec­ter dans le tractus génital d 'une femelle-hôte, soit au niveau du pavillon tubaire, soit par inser­tion de la pipette dans la paroi utérine. L'hôte choisi ne peut être quelconque, son tractus génial doit se trouver au stade du cycle génital conve­nable, pour qu'il tolère les fragments injectés et permette l'implantation éventuelle des em­bryons. On pourra y arriver, dans chaque cas particulier, par des artifices, qu'il serait trop long de détailler ici.

C'est par cette méthode qu 'a été acquis un résultat important: la capacité de régulation d 'un des deux premiers blastomères. Cette propriété a d'abord été établie sur le Rat par J . S. NICHO-LAS et B. V. HALL (1942) ; plus récemment, elle a fait l'objet, chez le Lapin, d 'une brillante dé­monstration due à F . Seidel (1952). Il existe d'autres techniques permettant d'obtenir le dé­veloppement d'oeufs opérés, notamment par réimplantation dans la chambre antérieure de l'oeil, mais elles sont sensiblement moins fidèles.

L'idée vient immédiatement à l'esprit qu'il serait pratique d'éviter la réimplantation grâce à la culture aseptique de l'oeuf opéré. Ce projet est théoriquement excellent. Il serait déjà très important de pouvoir conduire le germe in vitro de la fécondation à l 'état de blastocyste ou même un peu plus loin. Les expériences faites sur le La­pin, et dans lesquelles A. BRACHET (1912) a montré la voie, permettent de considérer cet objectif comme accessible, bien qu'en fait il ne l'ait été que partiellement, par une sorte de course -relai. Cependant, les oeufs assez gros de cette espèce ne conviennent pas à l 'étude de divers problèmes cytologiques, et il y aurait grand intérêt à pwuvoir suivre in vitro le dévelop­pement de Rongeurs plus favorables sous ces au­tres rapports, le Rat, la Souris, le Hamster, le Cobaye. Jusqu'ici, les efforts faits en ce sens (cf. WASHBURN, 1951) on t été é n i g m a t i q u e m e n t infructueux et c'est une sérieuse disgrâce pour ce genre de travaux.

Bien des efforts de prospection technique sont donc encore nécessaires pour développer les méthodes opératoires sur les jeunes stades, mais des jalons importants ont été posés. On

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ne peut encore intervenir directement sur les em­bryons en phase de ligne primitive, de neurula-tion ou de formation des premiers somites mais le regretté Prof. J. JOLLY les a fort bien cultivés, il y a une quinzaine d'années (cf. 1938) tant chez le Cobaye que chez le Rat et les a mainte­nus en vie jusqu'à l'établissement de la circula­tion. Cette méthode pourrait êtré combinée avec des expériences conçues de façon appropriée. A des stades plus proches du terme de la gravi-dité, divers observateurs, notamment A. Josx chez le Lapin (cf. 1951), E. K. HALL chez le Rat (cf. 1945) ont réussi à extraire l 'embryon du renflement, à pratiquer sur lui certaines in­terventions, et à lui faire poursuivre son évolu­tion. Naturellement, des interventions délicates, telle la castration, ne peuvent réussir que sur des stades déjà passablement avancés; sur des foetus plus jeunes, on doit se borner à des mutilations d'allure brutale, telles que l 'amputation d 'un bourgeon de membre (E. K. HALL) OU la décapitation (Josx) . La voie n 'en est pas moins largement ouverte à l'ingéniosité des chercheurs.

Tel est le bilan général que l'on peut pré­senter quant aux possibilités expérimentales qui se dessinent actuellement. Il y en a bien d 'au­tres, et nous aurons ci-dessous l'occasion d'en effleurer certaines, mais il est préférable d'abor­der maintenant le second point de vue annoncé plus haut: la possibilité de résoudre par un ha­bile détour certains problèmes, en apparence inabordables.

* *

Il s'agit avant tout de reconnaître les axes du système germinal et de saisir la cinématique qui se produit bientôt au sein de ce système. C'est l 'étape préalable qu'il convient de franchir avant d'aborder le complexe des événements réalisant la morphochorèse Seuls des repéra­ges localisés, tatouage par marques colorées ou par quelqu'autre artifice, permettraient de ré­soudre directement ce problème. Un large début de solution s'est cependant dégagé de recher­ches entreprises, à l'origine, avec cette seule idée: décrire le comportement de l'acide ribonu-

cléique du cytoplasme (A. R. N. cyt.) au cours des premières phases de l'ontogenèse.

La manière dont ce thème s'est étendu et développé au cours des 7 années écoulées, vient d'être rappelée dans des articles généraux qui dressent le tableau des résultats mis successive­ment en évidence; il me sera donc permis ici d'omettre les détails. Les circonstances ont per­mis que de l 'étude de l 'ARN cyt. on puisse pas­ser à celle des protides, puis à celle des mucopo-lysaccharides, accessoirement à celle des lipides, enfin à celle des phosphatases alcalines. Or, au­cun de ces constituants n'est uniformément ré­parti dans toute l'étendue du germe, ni pré­sent en quantité égale à tous les stades. Comme, d'autre part, les oeufs des Rongeurs, et parti­culièrement celui du Rat, présentent de menues caractéristiques morphologiques, une série de re-pères ont pu être notés, des relais ont pu être adoptés de stade en stade, et l'évolution cinéma­tique des territoires s'est ainsi peu à peu dessi­née. Sans doute ces informations récoltées de ci de là et de proche en proche n'ont-elles pas toute la précision qu'aurait donnée une méthode plus directe. C'est ainsi que chez le Rat, après plusieurs années d'examen attentif, une légère incertitude plane encore sur un point. Le pôle de maturation, seule indication du territoire ani­mal de l'oeuf, n'est précisé que par le 2d fuseau ou ensuite par le 2d globule polaire, tant que celui-ci veut bien rester attaché au cortex. Immé­diatement après le stade des pronucléi, l'oeuf s'aplatit, et l 'on a pu saisir que c'est dans le plan équatorial, par raccourcissement de l 'axe polaire. Sur laquelle des deux faces se trouvera désormais le matériel du pôle animal? C'est ce qui nous échappe mais fort heureusement cette ennuyeuse lacune est en fait sans importance et elle n 'a pas arrêté la progression de l'analyse.

Le résultat essentiel de celle-ci, du moins sous l'angle morphologique, a été l'obligation de proposer une correction à l'orientation que l 'on avait arbitrairement adoptée pour l'oeuf des Mammifères. Pour la facilité du dessin ou pour la présentation typographique, on a pris l 'ha­bitude de représenter l'oeuf fécondé avec son pôle de maturation en haut, et le blastocyste avec

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Fig. I — Evolut ion de la basophilie cytoplasmique (ARN) au cours des 8 premiers jours du développe­ment chez le Rat . L'astérique marque le pôle animal. La basophilie est liée à de f ines et â de grosses granu­lations de nature mitochondriale représentées en noir. a) jeune oocyte; b) oocyte accompli; c) oocyte eu maturation; d) oeuf fécondé avec pronucléi; e) stade à II blastomères (zd jour); f ) stade à III blastomères; g) s tade à IV blastomères (3e jour); h) stade à VIII blastomères, début d'enveloppement (4e jour) ; j ) blas-tocyste du 5e jour; k ) blastocyste du 6e jour, avec im­migration de l 'endophylle à partir de la couche enve­loppante; Ij jeune cylindre du Se jour en phase de ni­dation, trophoblaste, endophylle, ectophylle concentré en un bouton embrj'onnaire. Les stades a à. d sont vus de côté , les autres d'en haut (ou d'en bas) , la région dorsale présomptive est partout représentée vers la

gauche de la figure.

son «amas embryonnaire» dans la même situa­tion. Or, d'après les repérages obtenus, cette re­lation est inexacte. Il faut d'ailleurs corriger d'abord les désignations courantes. L'enchaîne­ment des faits exige que l'on ne parle pas encore, à ce stade, d 'amas embryonnaire et de tropho­blaste, mais bien d 'amas enveloppé et de couche enveloppante. En effet, c'est seulement un peu plus tard que le terme de trophoblaste se justi­fie. Pour celà, il faut d'abord que la couche

enveloppante ait fourni quelques cellules qui, par immigration, vierment former sous l 'amas enve­loppé la couche interne *. Dès ce moment, cel­le-ci f>eut être af)pelée, d'après la terminologie si judicieusement proposée par notre Jubilaire, A. CELESTINO DA COSTA — l ' endophy l l e , e t l ' a m a s interne constitue alors l'ectophylle. E t d 'autre part, ce qui reste du feuillet enveloppant après qu'il a fourni l'endophylle peut légitimement être qualifié de trophoblaste.

La terminologie ainsi clarifiée, précisons maintenant les relations topographiques, et dans la mesure du possible, la cinématique par la­quelle prélude la morphochorèse (figs. i , 2) .

CAUD. Fig. 2 —• Trois stades plus avancés du Rat , en coupes sagittales, orientées comme ceux de la fig. 1. m) stade didermique, avec la cavité amniotique et le cône ecto-placentaire; n) début de la ligne primitive; 0) l 'em­bryon avec quelques somites. D. côté dorsal; I', côté

ventral

* Cette esquisse descriptive vise les Rongeurs à feuillets inversés. Ailleurs, il peut y avoir des modali­tés légèrement différentes. Seul en dehors de ces Ron­geurs le cas de la Chèvre est clairement élucidé 1. Tous les autres demandent à être réexaminés.

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Fig. 3 — Evolut ion de la métachromasie in vivo au bleu de toluidine, chez le R a t (mucopolysaccharides) . Même disposition des stades que dans la f ig . i . Zones

métachromatiques ponctuées

L'amas cellulaire interne du blastocyste procède d'une moitié de l'oeuf (vierge ou fécondé) que l'on peut appeler dorso-animale; elle s'étend du côté de l 'axe de polarité depuis le pôle animal, qu'elle englobe, jusqu'en dessous de l 'équateur. L'autre moitié, dite ventro-végétative, va donner le feuillet enveloppant. Cette répartition est atteinte par un clivage différentiel et par des mouvements relatifs des cellules. A partir du stade à VIII blastomères, la taille cellulaire et le rythme des divisions se montrent distincts tant dans la moitié dorsale (dorso-animale?) que ven­trale (ventro-végétative?). Une première phase d'assimilation (nous y reviendrons) permet aux cellules du 2d groupe de s'accroître assez pour envelopper les autres. Des différences cytochi-miques frappantes se manifestent d'ailleurs à ce moment aussi; nous y reviendrons. Entre l 'amas de petites cellules progressivement enveloppées et les grands blastomères qui s'étirent sur elles, un espace se dessine et s'amplifie de plus en plus

par afflux de sérosité. Puis, tandis que l'endo-phylle se met en place, comme il a été dit, la vé­sicule s'allonge dans le sens dorso-ventral. C'est sous cette forme cylindroïde que le jeune em­bryon pénètre dans un tube glandulaire pour effectuer sa nidation. Au cours de celle-ci, la majorité des cellules trophoblastiques poursui­vent leur migration vers le pôle dorsal pour y constituer la houppe de l'ectoplacenta. Il ne sied pas de nous arrêter davantage ici à la passion­nante étude de ces processus. Bornons-nous à dire que l'orientation de l'oeuf des Mammifères a eu simplement l 'aventure qui était déjà arrivée à l'Oursin. Pour cette espèce, on dessinait tradi­tionnellement le plutéus planté sur ses quatre bras, avec son apex en haut. Lorsqu'on a pu, il y a une vingtaine d'années, appliquer des mar­ques colorées sur la morula, on s'est rendu compte de ce que les relations étaient différen­tes: si l 'axe polaire de l'oeuf est placé verticale­ment, le plutéus doit être couché. Le même genre de correction s'est donc imposé pour le Mammi­fère.

Telle est la manière, imparfaite sans doute, mais quand même d 'un rendement appréciable, dont une difficulté technique a pu être tournée. Cependant, l'acquis a largement dépassé le seul point de vue topographique ou cinématique. Du fait que des repères cytochimiques étaient re­cherchés, des exigences méthodologiques se son,t imposées, des tâtonements variés les ont surmon­tés, et des procédés adaptés à l'étude cytochimi-que de ce matériel délicat ont été inventés. Les progrès essentiels ont été d'abord la réussite du montage in toto * qui nous a libérés de la servi­tude que constituaient les enrobages et les cou­pes, ensuite la reconnaissance des meilleurs moyens de fixation, notamment au point de vue des acides nucléiques •\ D'où, la perception d 'un enchaînement général des modifications métabo­liques durant la première décade; la définition, par J . MuLNARD, du moment où un enzyme essentiel apparaît, la phosphatase alcaline (1953) ; quelques premières appréciations quan­titatives; la mise en évidence d'une évolution frappante des mitochondries (figs. i à 4) ; des informations sur le métabolisme nucléaire et en

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particulier la mise en évidence, par K. S. LuD-WIG, d 'un changement qualitatif de l'acide dé-soxyribonucléique tout au début de la féconda­tion (1953). Considérable surplus, dont l'inven­taire est loin d'être terminé, et auquel s'applique cette phrase qui sortit de ma plume, il y a quel­que trente ans, à la joie de mon bon Maître: l'imprévu fait le charme de la recherche scienti­fique.

Abandonnons donc le thème — en vérité iné­puisable — des détours qui permettent de con­tourner les difficultés techniques, pour aborder le troisième ordre de considérations amorcées: les aspects du développement pour lesquels la généralisation des notions établies sur d'autres groupes peut permettre, après une enquête ré­duite, de procéder par généralisation. Qu'il me soit permis ici, plutôt que d'énoncer quelques exemples disparates, de procéder en même temps à une brève récapitulation des conséquences dé­coulant de notre idée directrice.

Comment concevoir une Embryologie causale des Mammifères? Dans quelle mesure sera-t-elle transposition des conclusions atteintes ailleurs? A quels points de vue sera-t-elle création origi­nale et enrichissement de nos connaissances?

Si l 'on veut considérer effectivement un repré­sentant de la nouvelle génération à son origine, il faut, chez ses deux progéniteurs, remonter jus­qu 'à l'oogonie et la spermatogonie. Il faut donc traiter de la gamétogenèse, et c'est peut--être le chapitre oir la transposition est déjà le plus largement faite. Elle n'e.xclut évidemment pas la recherche des manifestations propres aux Mammifères, et le champ de l'oogenèse semble, sous ce rapport, plus riche que celui de la sper-matogenèse. On devrait, en effet, chercher à expliquer les raisons pour lesquelles, dans notre groupe, la vitellogenèse est si réduite, compara­tivement aux Vertébrés voisins, ce qui va de pair avec une activité folliculaire si profondé­ment remaniée. La production du liquor folli-culi peut sans doute être considérée comme un équivalent fonctionnel de la vitellogenèse bien

Fig. 4 — , \pparit ion de la phosphatase alcaline chez le Rat. Même disposition des stades que dans les fig. i e t 3. Le ferment ne devient décelable qu'à partir du stade e, uniquement dans le cytoplasme de l 'amas enveloppé (D'après J. MULNARD). Zones posit ives en

noir; le ferment est lié à des granules très pet i ts

plus poussée qui se produit ailleurs que chez les Placentaires. Toutefois, cette interprétation de­vrait se prolonger en des recherches directes et il y aurait des chances de réussite, me semble-t-il, dans l'ordre d'idées exploité par J . CLAVERT (1951) chez les Oiseaux. Il y a place ici pour un vaste effort de transposition, biochimique, hormonal, e.xpérimental dont les perspectives sont, à mon sens, extrêmement prometteuses. L'oeuf et le spermatozoïde étant supposés for­més, c'est tout le chapitre de la physiologie des germes qui s'ouvre devant l'embryologiste. L'é­tude directe des spermies s'est depuis long­temps imposée, et elle ne nécessite aucune trans­position des connaissances, bien que l'intérêt des comparaisons ne doive jamais être oublié, fût-ce même avec une forme aussi éloignée que l'As­caris. Pour la maturation de l'oocyte, la situa­tion est plus complexe. Tout ce qui concerne les caractères propres à la mitose réductionnelle, à

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sa localisation, aux facteurs réglant l'inégalité de la première cytodiérèse, à ceux amenant l'état d'inertie en métaphase de la 2de cinèse, tout ce cortège de phénomènes restera toujours, si l 'on veut le scruter à fond, tributaire des notions acquises sur les formes inférieures, particulière­ment sur les Invertébrés marins qui offrent ces phénomènes avec une variété si instructive. Ce­pendant, les voies sont parées pour l'étude ex­périmentale directe des oeufs vierges et mûrs, aisés à récolter chez divers Mammifères; on pour­rait les soumettre à des mOieux anormaux et déceler les effets de ceux-ci par les examens in vivo (microscope ordinaire, microscope à réfle­xion, fond noir, microscope polarisant) et par montage in toto. Les recherches de C. THIBAULT sur la parthénogenèse expérimentale par refroi­dissement in situ sont un exemple, peut-être déjà trop complexe, de tentative rentrant dans ce programme. On peut donc espérer de l'acti­vité des futurs chercheurs une extension de nos conaissances directes sur l'oeuf vierge et mûr. Où ces efforts seraient particulièrement les bien­venus, c'est à propos du déclenchement même de la maturation; ici, le phénomène est nettement propre au groupe, lié à l'organisation du follicule et aux influences hormonales déjà si bien con­nues; mais les endocrinologistes n 'ont établi que le fait de l'entrée en maturation, et son analyse sur le plan cellulaire reste à faire.

En ce qui concerne la fécondation, nous som­mes restés longtemps tributaires d'une transpo­sition faite de confiance des formes inférieures — l'Oursin en tête — aux Mammifères. La sur­prise causée par les récentes constatations de K. S. LUDWiG — un changement qualitatif de l 'ADN lors de la fécondation, chez le Rat et le Hamster — a dessillé les yeux. Cet exemple dé­montre qu'il est avantageux et même nécessaire, d'examiner chez des espèces supérieures le dé­roulement des phénomènes réputés les plus géné­raux. Non pas que ceux-ci soient différents dans leur essence, mais parce qu 'à certains points de vue ils peuvent être plus analysables, notamment s'ils sont plus lents. Il serait tout naturel que ce soit là un premier pas vers un examen direct des conséquences de la fécondation, notamment au

point de vue des modifications corticales percep­tibles in vivo. On ne peut néanmoins nourrir trop d'espoirs quant à l'étude directe des change­ments d'ordre biochimique, tels que ceux de la respiration. Pour ces recherches à techniques dé­licates — comme pour les enregistrements ciné­m a t o g r a p h i q u e s q u e M . SWANN e t LORD ROTHS­

CHILD ont, pour analyser le réglage de la monos-permie, si brillamment utilisés chez l'Oursin — le recours aux transpositions et interpolations de­meurera longtemps indispensable, sinon toujours.

Comme il a déjà été indiqué à propos du re­pérage et de la cinématique, la segmentation présente chez les Mammifères, des aspects oià se combinent la division cellulaire et les prémis­ses de la morphochorèse. Ce n'est pas là un cas unique. La dissociation que l'on a tenté d'établir entre la segmentation et les étapes ultérieures, en imaginant que le germe commençait à se diviser activement «pour» retrouver un rapport nucléo-plasmique normal, était largement une vue de l'esprit. Les notions modernes concernant l 'Our­sin, les Vers et les Mollusques, les Ascidies, les Amphibiens, ne justifient pas ou fort peu cette conception, et montrent au contraire que très tôt le dispositif structural, ce pattern inhérent à l'or­ganisation morphogénétique, domine le tableau, et souvent se manifeste par des particularités de la segmentation. C'est bien ainsi que les événe­ments se présentent aussi chez le Mammifère, et ils sont loin de le céder en intérêt à ce qui se pré­sente ailleurs.

Au contraire, cette phase initiale mérite dans notre groupe une attention privilégiée autant pour l'analyse physiologique de la mitose que pour celle de la morphogenèse. C'est le seul maté­riel qui nous présente des divisions à un rythme aussi lent, dans des cellules de grande taille et cependant fort transparentes. Ces intercinèses s'étendent au début sur toute une journée, en­suite sur plusieurs heures, en dépit de la tem­pérature élevée du milieu maternel; cette lenteur d'évolution est un problème en soi. Par ailleurs, les modifications peuvent de ce fait être suivies pas à pas, avec une précision exceptionnelle, et les travaux cités montrent à la fois combien d'informations nouvelles sont ainsi à glaner, et

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que d'énigmes se proposent à notre sagacité. Pour l'analyse de la morphochorèse, la situation est réellement exceptionnelle à deux points de vue, d'ailleurs corrélatifs. D'une part, les pro­cessus se déroulent ici dans les germes les plus alécithiques qui soient. En effet, les oeufs de la plupart des Mammifères, en tous cas ceux des petits animaux de laboratoire et des Primates, ne contiennent pas de plaquettes vitellines sensu stricto; leurs réserves sont du paraplasme plu­tôt que du deutoplasme, et elles se limitent à des protides, des hydrates de Carbone, des lipi­des. Pratiquement, c'est du protoplasme pur que nous avons à notre disposition, mais c'est le plus hautement organisé qui soit, celui dont les po­tentialités sont les plus élevées. D'autre part, ces germes d'élite n 'ont en revanche qu'une vita­lité de courte durée s'ils ne disposent que de leurs propres ressources. Il est connu depuis long­temps que l'ablation des corps jaunes produit l ' a t r o p h i e d e s b l a s t o c y s t e s ( G . PINCUS) . I l y a

lieu de penser que cet avortement n'est pas seu­lement dû à l'échec de la nidation, mais aussi à l 'arrêt des tout premiers phénomènes de crois­sance. Celle-ci, autant que l 'on puisse en juger par comparaison des aspects, commence dès la phase d'enveloppement, à la fin du 4ème jour, chez le Rat . Elle est vraisemblablement subor­donnée aux influences hormonales, ovariennes au premier degré, hypophysaires au second. Ces relations éventuelles sont éminemment accessi­bles à l'expérimentation, par des interventions qui viennent immédiatement à l'esprit. En 1952, j 'ai fait un premier pas dans ce sens en exami­nant les conséquences de l'hypophysectomie sur l'évolution de l'oeuf fécondé *. Des 21 opéra­tions réunissant les conditions requises pour être retenues, il résulte tout au moins que la présence de l 'hypophyse n'est pas nécessaire pour que les trois premiers cycles du clivage se réalisent.

* Ces essais ont été effectués à LeyJe dans le la­boratoire du Prof. G. GAILLARD, que je remercie de son hospitalité. Les hypophysec lomies ont été, grâce à la bienveil lance du Prof, VAN DENBERGHE, réalisées par le technicien du service de thérapeutique, M. L A M M A N .

Certaines femelles hypophysectomisées (sans ré­sidu) peu de temps après leur fécondation ont néanmoins montré, au 3ème jour, des oeufs normalement divisés en IV blastomères.

C'est donc là, jusqu'à présent, une donnée plutôt négative, mais il semble bien que les ex­périences n 'ont pas porté jusqu'ici sur la phase cruciale. Si un résultat positif venait à être atteint dans le sens supputé, bien d'autres pers­pectives s'ouvriraient aux endocrinologistes au­tant qu 'aux embryologistes.

Ces mêmes idées pourraient être aisément transposées au.x premiers stades consécutifs à la nidation. Les feuillets embryonnaires, le tro-phoblaste, l'ectoplacenta présentent alors des caractères cytochimiques si tranchés qu'il serait aisé d 'y suivre les perturbations provoquées par l'altération de l'équilibre hormonal.

En résumé, les quelques journées qui sépa­rent la fécondation de la nidation requièrent, ainsi que la première période d'implantation, l 'étude directe la plus approfondie. Elle devrait être dans ce domaine au premier plan de nos préoccupations, bien que le souci de comparai­sons et d'informations plus larges ne puisse être abandonné. Ce que nous apprendront un jour les longues intercinèses germinales des Mammifères ne manquera pas d'avoir une incidence sur notre compréhension générale de la division cellulaire. Réciproquement, c'est la morphologie comparée des stades embryonnaires qui a permis d'orienter correctement les aspects offerts par les Mammi­fères. C'est aussi l'exemple de l'Oursin et celui des Amphibiens qui ont inspiré l'idée de voir si l'organisation germinale des Mammifères ne se­rait pas également basée sur un système de gra­dients; on a vu dans quel sens cette intuition s'est trouvée confirmée par des constatations cytochimiques. Ainsi se vérifie toujours davan­tage la notion que les complications et différen­ces qu'engendre l'ontogenèse ont pour première origine des variations quantitatives de certai­nes propriétés. Cette notion est aussi celle sur laquelle le grand biologiste C. M. CHILD revient à diverses reprises dans ses derniers travaux, et l 'on sait tout le prix qu'il accorde à la notion de gradient physiologique, dont il est le père!

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Par quel enchaînement de causes les diffé­rences quantitatives se transforment en spéciali­sations qualitatives est un problème qui dépasse le cadre de cet exposé, bien que ce que nous avons pu dire de la différenciation biochimique précoce chez les Mammifères permette de toucher du doigt ce processus fondamental.

Nous en arrivons ainsi à la phase la plus vi­siblement constructive de la morphogenèse, celle

Fig . 5 — Plan d e s ébauches chez le Pou le t , a v a n t l 'appari t ion de la l igne primit ive . Point i l lés , l 'endo-phyl le; double quadril lage, le matériel préchordal; ha­chures verticales, la chorde; hachures obliques, les so-mites; au-dessus d e ceux-c i , en blanc, le vas te crois­sant neural . (D'après la vérif icat ion récente de J l i ss

E . M A L A N ) .

de la ligne primitive, des grands mouvements amenant l 'état tridermique, de l'apparition des organes individualisés. Ici, il ne faut pas, sem-ble-t-il, ambitionner des études directes trop poussées, et les généralisations à partir des autres Amniotes paraissent pouvoir être acceptées sans défiance excessive. C'est ainsi qu 'une notion cardinale pour exposer ces événements est la carte des principales ébauches au stade didermi-que. Pour qui connaît les minutieuses précautions qu'exige ce travail, sa réalisation chez le Mam­mifère est bien aléatoire. Sans doute, le plan du Poulet, tel que l'ont récemment précisé E . MA-LAN et J . PASTEELS (1953), ne donne-t-il pas l'aire exacte des ébauches présentes chez un Ron­geur ou un Primate. Mais il indique certainement quelles sont ces ébauches, ainsi que leurs rela­tions réciproques (fig. 5) et l 'Embryologie com­

parée permet d'admettre la généralisation de ces notions.

Peut-on nourrir une égale confiance en ce qui concerne le dynamisme de ces processus fonda­mentaux? L'induction joue-t-elle, chez les Mam­mifères, le même rôle que chez les autres Ver­tébrés, en particulier les Amphibiens et les Oi­seaux? En principe, aucune objection concrète ne s 'y oppose et l 'examen des anomalies (cf. HoLTFRETER, 1933) plaide en ce sens. Cepen­dant, il s'agit de phénomènes si importants, et dont la nature intime reste si énigmatique, que l 'on doit souhaiter ici des vérifications attentives des idées régnantes, d 'autant plus que celles-ci sont loin d'être univoques. Est-ce à dire que la voie à suivre se dessine déjà? hélas non, mais le mérite du novateur n 'en sera que plus grand!

Est-il nécessaire de pousser plus loin l'élabo­ration de ce programme? Il faudrait passer en revue tous les événements de la morphochorèse tardive, ceux de l'organogénèse, ceux de la cy-to-différenciation et de la réintégration fonction­nelle. Il faudrait évoquer la mesure dans laquelle ils sont déjà expliqués chez les espèces plus ac­cessibles à l'expérimentation — on pense aux organes excréteurs, au coeur, aux bourgeons de membres, au cristallin, à l'otocyste, etc. — et supputer dans quelle mesure les notions acqui­ses ont des chances d'être généralisables à notre groupe. En nombre de cas, on perçoit aisément que les premières étapes répondent à un type général, et sont donc justiciables d'une transpo­sition, tandis que les phases suivantes deviennent propres au groupe, et requièrent par conséquent l'étude directe. Il en est ainsi pour la plupart des organes qui viennent d'être cités, ainsi que pour l'organisation du système nerveux.

Pour ces modifications secondaires, oîi l 'on asssiste au modelage des ébauches et à la diffé­renciation histologique de leurs divers compo­sants, la cytochimie offre à nouveau des perspec­tives séduisantes. Tout récemment, certains de leurs aspects me sont apparus en examinant sous cet angle l'oreille et la formation des dents. J ' a i été frappé par les relations avec le jeune arbre vasculaire, et il m 'a paru légitime de pro­poser la notion d'épigenèse trophique Elle

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s'applique évidemment à tous les groupes, mais elle est susceptible, semble-t-il, de rendre des services particuliers dans le cas des Mammifères.

On voit donc que les chercheurs animés du zèle de concourir à l 'avènement d 'une véritable Embryologie causale des Mammifères trouveront aisément le thème où ils pourront exercer leurs talents.

En conclusion, les recherches modernes — dont nous n'avons pu donner ici qu 'un aperçu très partiel, et souvent déformé par une optique trop personnelle — tendent vigoureusement à l'édification d'une Embryologie vraiment cau­sale des Mammifères. Grâce à cet effort, les évé­nements de l'ontogenèse pourront bientôt être enseignés aux futurs médecins d 'une manière complète et logique, où la préformation, liée à l'organisation inhérente au germe, et l'épigenèse assurée par les conditions du milieu intérieur, conjugueront harmonieusement leurs influences. Ainsi l'enchaînement des stades recevra une ex­plication aussi satisfaisante que peut l'exiger l'esprit scientifique.

L 'enjeu qui s'attache à cette évolution de nos connaissances n'est cependant pas seulement une amélioration et une élévation de l'enseignement médical. Les recherches sur lesquelles reposera ce progrès ne pourront s'accomplir sans que soient mises en lumière des notions encore insoupçon­nées quant aux propriétés fondamentales de ce protoplasme qui permet l'éclosion des manifesta­tions supérieures de la vie. Cet enrichissement peut avoir un intérêt médical pratique autant qu 'une haute valeur théorique.

Ce serait toutefois dénaturer la tendance de cet exposé que d 'y voir un plaidoyer pour la restriction des recherches au cas des Mammifères. Une pleine compréhension du développement ne peut être atteinte que par ceux qui ont l 'expé­rience immédiate et personnelle de ses aspects chez des groupes divers et même, si possible, de la morphogenèse dans la régénération et la repro­duction asexuée. C'est du tableau complexe de ce phénomène majestueux qu'est la morphoge­

nèse que se dégagent les concepts de l 'Embryo­logie générale. L'histoire de la pensée montre combien il est indispensable de conserver à un problème toute son ampleur. Ce serait se mettre volontairement des oeillères que de restreindre les investigations sur l'ontogenèse à un groupe, si important soit-il à nos yeux.

RÉSUMÉ

L'Embryologie des Mammifères, et en parti­culier celle de l 'homme, ne doit pas seulement être une description exacte, mais s'approcher au­tant que possible d'une explication. Sans doute peut-on esquisser largement celle-ci en partant des résultats obtenus sur des groupes inférieurs, plus accessibles à l'expérimentation. Il est ce­pendant désirable d'obtenir surtout des informa­tions directes sur les oeufs de Mammifères. On cherche à montrer dans cet article que dès à présent les possibilités techniques sont passable­ment étendues, et que d 'autre part certains pro­blèmes, encore difficOes à aborder de front, peu­vent recevoir leur solution par des moyens dé­tournés. On discute d 'autre part les cas où une transposition des résultats atteints dans d'autres groupes peut être considérée comme légitime. Une conclusion optimiste se dégage de cette ana­lyse, avec la recommandation de ne pas étriquer les recherches d'Embryologie causale qui doivent se maintenir dans un cadre général.

SUMMARY

The embryology of Mammals, specially of man, shall not be just an accurate description of events, but ought to approach as much as pos­sible an e.xplanatory level. It is quite clear that one can make a sketch of human embryology through the results obtained from inferior groups, more accessible for study. But it is dé­sirable to get direct informations, specially on the Mammalian eggs. In this article, the A. tries to show that the présent technical knowledge is quite extensive and on the other side, some pro-blems one cannot study properly in a direct way, may be solved through an indirect via. He dis-cusses cases where it is legitimate to transfer to another group results obtained in a différent one.

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An optimistic conclusion is drawn from this analysis, that ends with an advice not to narrow the researches of causal embryology; their gêne­rai scope should not be lost to view.

RESUMO

A embriologia dos Mami'feros e principal-mente a do homem nào deve ser apenas uma descriçào exacta, mas aproximar-se tanto quanto possivel de uma explicaçào. É sem dûvida pos-sîvel esboçar esta em grande parte partindo dos resultados obtidos em grupos inferiores, mais acessiveis à experimentaçào. Convém, no en­tante, obter sobretudo informaçôes directas so­bre os ovos de Mamîferos. Neste artigo, pro-cura-se mostrar que, desde jâ, as possibilidades técnicas sào relativamente vastas e que, por ou­tre lado, certos problemas, que ainda é difi'cil abordar de frente, podem ser resolvidos por meios desviados. Discutem-se também os casos em que uma transposiçào dos resultados alcan-çados noutros grupos pode ser considerada como légitima. Desta anâlise tira-se uma conclusào optimista, com a recomendaçào de nào estreitar as irtvestigaçôes de Embriologia causal, as quais devem manter-se num quadro gérai.

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