VERS DE NOUVELLES ORGANISATIONS DU SECTEUR ÉLECTRIQUE

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5 COLLECTION ACTES Les publications de l’IEPF VERS DE NOUVELLES ORGANISATIONS DU SECTEUR ÉLECTRIQUE: LES RÉFORMES, LES ACTEURS ET LES EXPÉRIENCES Colloques 1998-2005

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5COLLECTION ACTES

Les publications de l’IEPF

VERS DE NOUVELLES ORGANISATIONSDU SECTEUR ÉLECTRIQUE:LES RÉFORMES, LES ACTEURS ET LES EXPÉRIENCES

C’est sur la base d’une démarche multiforme que les grandes muta-tions technologiques et organisationnelles qu’ont connues le sec-

teur électrique et le jeu des acteurs dans l’industrie électrique ont étéanticipées, examinées et accompagnées, avec nos partenaires, durantles dix dernières années.

Ce sont, ainsi, au cours de cette période, presque 500 cadres franco-phones qui ont été, d’une manière ou d’une autre, mobilisés dans desactivités d’information ou de sensibilisation, de formation ou de ré-flexion collective ainsi que d’échanges d’expériences. Ces activitésont été organisées autour des enjeux, des contenus et des modalitésvariées de mise en œuvre, voire d’évaluation des réformes des sec-teurs électriques dans l’espace francophone ou ailleurs.

Et c’est dans le suivi de ces nombreuses activités que se situe la publi-cation du présent ouvrage, comme somme d’une quinzaine de contri-butions émanant d’auteurs des quatre coins de notre espace etcomme synthèse riche de la diversité des points de vue tant géogra-phiques que thématiques et «disciplinaires».

En effet, cet ouvrage traite non seulement de la caractérisation desréformes au plan conceptuel et au plan pratique et opérationnel, maisanalyse également les rôles des acteurs et les mécanismes de régula-risation de ces différents rôles. Il présente aussi l’avantage d’illustrerde telles analyses par des études de cas et des retours d’expériences,en général, par ceux-là mêmes qui ont eu à conduire ou à «suivre»au plus près ces expériences.

C’est ainsi le fruit d’un travail collectif et multidisciplinaire «exem-plaire», car mené à bon port par celles et ceux qui ont accompagnél’Institut dans la conception et l’animation des activités du renfor-cement de capacités et d’échanges sur les réformes, soit en tant quechercheurs universitaires ou experts intéressés, soit en tant qu’acteursou opérateurs directs.

INSTITUT DE L’ÉNERGIE ET DE L’ENVIRONNEMENT DE LA FRANCOPHONIE (IEPF)56, RUE SAINT-PIERRE, 3e ÉTAGE, QUÉBEC (QUÉBEC) G1K 4A1 CANADA

L’IEPF est un organe subsidiaire de l’Agence intergouvernementale de la Francophonie, opérateur principal de l’Organisation internationale de la Francophonie.

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Colloques 1998-2005

IEPF-Actes Réf. inst. secteur énerg. COUV 10/01/06 16:05 Page 1

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Révision linguistique: Marie-Hélène Tremblay

Mise en page : Communications Science-Impact

ISBN 2-89481-031-8

©Institut de l’énergie et de l’environnement de la Francophonie (IEPF), 200556, rue Saint-Pierre, 3e étageQuébec G1K 4A1 CanadaTéléphone: (418) 692-5727Télécopie : (418) 692-5644Courriel : [email protected] Internet : www.iepf.org

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L’Institut de l’énergie et de l’environnement de laFrancophonie, organe subsidiaire de l’Agence inter-gouvernementale de la Francophonie, a pour missionde contribuer au développement des capacitéshumaines et institutionnelles et à la mutualisation dela connaissance et des expériences, à l’intérieur de lasphère francophone, dans les domaines qui fondent«sa spécialisation».

Il met en œuvre une telle contribution, particu-lièrement, en vue de l’aide à l’élaboration de poli-tiques énergétiques durables visant l’élargissement del’accès à des services énergétiques «modernes», uneplus grande sobriété et efficacité énergétiques et unemeilleure appropriation des mécanismes de promo-tion des énergies renouvelables.

Il le fait à travers des actions multiformes combi-nant la veille pour comprendre enjeux et facteurs demutation, le renforcement des compétences, letraitement et la diffusion de l’information pourfaciliter aide à la décision et valorisation des expé-riences et enfin la mise en réseaux et l’animation descommunautés de pratique pour mobiliser l’expertisefrancophone au service du plus grand nombre.

C’est sur la base d’une telle démarche multiformeque les grandes mutations technologiques et organi-sationnelles qu’ont connues le secteur électrique et lejeu des acteurs dans l’industrie électrique ont étéanticipées, examinées et accompagnées, avec nospartenaires, durant les dix dernières années.

Ce sont, ainsi, au cours de cette période, presque500 cadres francophones qui ont été, d’une manièreou d’une autre, mobilisés dans des activités d’infor-mation ou de sensibilisation, de formation ou deréflexion collective ainsi que d’échanges d’expé-riences. Ces activités ont été organisées autour desenjeux, des contenus et des modalités variées de miseen œuvre, voire d’évaluation des réformes des secteursélectriques dans l’espace francophone ou ailleurs.

Préface

Et c’est dans le suivi de ces nombreuses activitésque se situe la publication du présent ouvrage,comme somme d’une quinzaine de contributionsémanant d’auteurs des quatre coins de notre espaceet comme synthèse riche de la diversité des pointsde vue tant géographiques que thématiques et«disciplinaires».

En effet, cet ouvrage traite non seulement de lacaractérisation des réformes au plan conceptuel et auplan pratique et opérationnel, mais analyse égale-ment les rôles des acteurs et les mécanismes derégularisation de ces différents rôles. Il présente aussil’avantage d’illustrer de telles analyses par des étudesde cas et des retours d’expériences, en général, parceux-là mêmes qui ont eu à conduire ou à «suivre»au plus près ces expériences.

C’est ainsi le fruit d’un travail collectif et multi-disciplinaire «exemplaire», car mené à bon port parcelles et ceux qui ont accompagné l’Institut dans laconception et l’animation des activités du renfor-cement de capacités et d’échanges sur les réformes,soit en tant que chercheurs universitaires ou expertsintéressés, soit en tant qu’acteurs ou opérateursdirects.

En renouvelant mes sincères remerciements auxuns et aux autres, j’espère que cet ouvrage, qu’ils ontcontribué à mettre au jour, enrichira un peu plus laconnaissance et l’appréhension des mutations del’industrie électrique dans l’espace francophone.

El Habib BenessahraouiDirecteur exécutif

Institut de l’énergie et de l’environnement de la Francophonie (IEPF)

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Préface ................................................................................................................................................. vii

Première partie : LES RÉFORMES DU SECTEUR ÉLECTRIQUE .................................................. 1

Vers une efficacité dans le secteur électrique en Afrique: globalisation, déréglementation et réformes structurelles

Anastassios GENTZOGLANIS ................................................................................................. 3

Les réformes électriques de première génération en Afrique subsaharienne francophone: entre efficacité économique et acceptabilité sociale

Flavien TCHAPGA.................................................................................................................. 19

L’économie néo-institutionnelle appliquée aux réformes électriques concurrentielles

Yannick PEREZ....................................................................................................................... 29

Les différentes formes institutionnelles et leurs fondements juridiques

Pierrette SINCLAIR ................................................................................................................ 49

Réforme réglementaire et transaction de privatisation: la restructuration financière et la comptabilité des concessions

Jacques CORBIN .................................................................................................................... 59

Deuxième partie : LES ACTEURS: L’ÉTAT, L’AGENCE DE RÉGLEMENTATION ET L’INVESTISSEUR ................................................................................................................. 73

Le rôle de l’État dans un marché concurrentiel de l’électricité

David PROULT ...................................................................................................................... 75

La réglementation économique et financière des industries de réseau

Jean-Benoît TRAHAN............................................................................................................. 83

Le rôle et les responsabilités d’un État régulateur

Fernando CUEVAS.................................................................................................................. 91

Fonction, rôle et responsabilité de l’agence de régulation

Lamine THIOUNE............................................................................................................... 101

L’Agence de régulation et son environnement réglementaire et juridique:la réforme réglementaire telle que vécue au Québec

André TURMEL ................................................................................................................... 111

Hydro-Québec et l’investissement international : une approche prudente

Yvan CLICHE....................................................................................................................... 129

Table des matières

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Ve r s de nouve l l e s o rgan i sa t i ons du se c t eu r é l e c t r i que : l e s r é f o rmes , l e s a c t eu r s e t l e s e xpé r i enc es

Troisième partie : LES RETOURS D’EXPÉRIENCE ....................................................................... 133

L’expérience de la mise en concession globale privée de la Société d’énergie et d’eau du Gabon

François OMBANDA et Jean-Pierre LASSENI-DUBOZE .................................................... 135

La restructuration du secteur électrique au Mali

Amadou TANDIA ................................................................................................................. 149

Libéralisation du secteur énergétique au Maroc: le cas de l’électricité

Denis LEVY........................................................................................................................... 161

La réforme du secteur électrique en Roumanie

Cristina CREMENESCU ...................................................................................................... 175

Le nouveau cadre institutionnel et l’organisation du secteur électrique du Sénégal

Alioune FALL et Lamine THIOUNE .................................................................................... 191

Liste des auteurs ................................................................................................................................... 207

Liste des activités .................................................................................................................................. 211

Liste des figuresFigure 1.1 Consommation par habitant en Afrique subsaharienne ...................................................... 5

Figure 1.2 Modèles de réformes et état d’avancement de certains pays................................................. 8

Figure 1.3 Comportement à la Cournot dans le marché électrique – Situation d’équilibre................. 11

Figure 1.4 Nombre de personnes sans électricité, 1970-2030 ............................................................ 13

Figure 1.5 Évolution de la desserte en électricité au Gabon............................................................... 15

Figure 1.6 Évolution des prix de l’électricité basse tension................................................................. 16

Figure 3.1 La gestion de l’opportunisme dans les relations entre le gouvernement, les entreprises et les groupes de pression ........................................................................... 35

Figure 3.2 Le choix des modes de coordination des transactions ....................................................... 38

Figure 12.1 Évolution de la desserte en électricité ............................................................................. 146

Figure 12.2 Évolution de la desserte en eau ...................................................................................... 146

Figure 12.3 Évolution des prix de l’électricité basse tension............................................................... 146

Figure 12.4 Évolution des prix de l’eau potable................................................................................. 147

Figure 13.1 Schéma organisationnel du secteur de l’énergie au Mali.................................................. 150

Figure 15.1 La Roumanie................................................................................................................. 175

Figure 15.2 La structure du système électrique en 1950 .................................................................... 178

Figure 15.3 La structure du système électrique en 1965 .................................................................... 178

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Tab le des ma t i è r e s

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Figure 15.4 La restructuration de la Régie Nationale de l’Électricité (RENEL).................................. 181

Figure 15.5 La restructuration de la Compagnie Nationale de l’Électricité (CONEL) ....................... 182

Figure 15.6 Allocation des revenus ................................................................................................... 183

Figure 15.7 Le marché en gros – les arrangements commerciaux....................................................... 185

Figure 15.8 Le degré d’ouverture des marchés de l’électricité dans les pays en cours d’adhésion à l’UE (2002)............................................................................................... 187

Figure 15.9 Évolution de l’index Hirschman-Herfindahl de janvier 2002 à juillet 2003 .................... 189

Liste des tableauxTableau 1.1 Disparité d’intégration des pays en développement ............................................................ 4

Tableau 1.2 Indice de développement humain (2003) Les pays africains occupant les dernières 24 places dans l’IDH ........................................... 5

Tableau 1.3 Consommation et production d’électricité par habitant, en 2000. Pays industrialisés et en voie de l’être (pays de la Francophonie) ..................................................................... 6

Tableau 1.4 Capacité de production électrique en 2000 (les pays les plus grands producteurs au monde)......................................................................................................................... 7

Tableau 2.1 Effets redistributifs nets à court terme et attitude des acteurs vis-à-vis de la réforme.......... 24

Tableau 6.1 Les modes opératoires des marchés de certificats verts en Europe...................................... 80

Tableau 9.1 Valeurs des opérations de privatisation ........................................................................... 102

Tableau 9.2 Avantages et inconvénients des structures décisionnelles ................................................. 106

Tableau 12.1 Bilan de l’appel public à l’épargne .................................................................................. 140

Tableau 14.1 Parc de production de l’ONE à la fin de 2003 ............................................................... 163

Tableau 15.1 Puissance installée et production réelle de la RENEL en 1994........................................ 179

Tableau 15.2 Licences délivrées par l’ANRE entre 2000 et 2002 ......................................................... 186

Tableau 15.3 L’ouverture de marché de l’électricité en Roumanie ........................................................ 187

Tableau 15.4 La structure de la production d’électricité ...................................................................... 188

Tableau 15.5 L’évolution prévue de l’ouverture du marché .................................................................. 189

Tableau 16.1 Lois promulguées dans le cadre de la réforme du secteur électrique en 1998 ................... 193

Tableau 16.2 Données du système électrique du Sénégal..................................................................... 194

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Liste des encadrésEncadré 5.1 Le point de vue d’un investisseur privé pour une transaction de privatisation ................... 60

Encadré 5.2 Les amortissements et les provisions................................................................................. 67

Encadré 5.3 Structure tarifaire (détermination et indexation des tarifs) ................................................ 70

Encadré 8.1 Principes normatifs généraux ........................................................................................... 93

Encadré 8.2 Formulation des politiques et élaboration du plan de référence de l’industrie électrique......................................................................................................................... 94

Encadré 8.3 Attributions de l’agence réglementaire.............................................................................. 95

Encadré 8.4 Chapitres classiques d’une loi de l’industrie électrique ...................................................... 98

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AFD Agence Française pour le Développement

AMADER Agence Malienne pour le Développement de l’Énergie Domestique et de l’Électrification Rurale

ANRE Autorité Nationale de Réglementation de l’Énergie (Roumanie)

ASER Agence Sénégalaise d’Électrification Rurale

ATR Accès des tiers au réseau

BAPE Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (Québec)

BM Banque mondiale

BOAD Banque Ouest Africaine de Développement

BT Basse tension

CAE Contrat d’achat d’électricité

CCDEE Compagnie centrale de distribution d’énergie électrique (Gabon)

CET Construction–Exploitation–Transfert

CONEL Compagnie Nationale de l’Électricité (Roumanie)

CPE Construction–Propriété–Exploitation

CPET Construction–Propriété–Exploitation–Transfert

CPRSE Cellule de préparation et de suivi des réformes du secteur de l’énergie (Sénégal)

CRE Commission de régulation de l’électricité (France)

CREE Commission de régulation de l’électricité et de l’eau (Mali)

CTC Coût de transition à la concurrence (Maroc)

DOE Department of Energy (États-Unis)

EDF Électricité de France

EDM-SA Énergie du Mali

FERC Federal Energy Regulation Commission (États-Unis)

FMI Fonds monétaire international

FPE Fonds de Péréquation de l’Électricité (France)

FSPE Fonds du Service Public de l’Électricité (France)

GRD Gestionnaire des réseaux de distribution (Roumanie)

GRT Gestionnaire des réseaux de transport (Roumanie)

GTA Groupe Technique d’Appui (Mali)

HHI Index Hinschman-Herfindahl

HQ Hydro-Québec

HQI Hydro-Québec International

HT Haute tension

IDA International Development Association

Liste des sigles

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IDH Index de développement humain

IPD Indice des prix de détail

LPDSE Lettre de Politique de Développement du secteur de l’Énergie (Sénégal)

MT Moyenne tension

NEI Nouvelle économie institutionnelle

OHADA Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique

OMVS Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal

ONE Office National de l’Énergie (Canada)

ONE Office National de l’Électricité (Maroc)

PASCO Lettre de Politique de Développement du secteur privé (Sénégal)

PEDASB Projet « Énergie Domestique et Accès aux Services de Base » (Mali)

PERG Programme d’Électrification Rurale Globale (Maroc)

PNER Programme National d’Électrification Rurale (Maroc)

PPP Partenariat public-privé

SEBJ Société d’énergie de la Baie James

SEEG Société d’énergie et d’eau du Gabon

SENELEC Société nationale d’électricité du Sénégal

SFI Société financière internationale

SMD Société Marocaine de Distribution d’Eau, de Gaz et d’Électricité

TCT Théorie des coûts de transaction

TDBT Timbre de distribution basse tension (Maroc)

TDMT Timbre de distribution moyenne tension (Maroc)

TFS Tarif de fourniture de secours (Maroc)

TGP Tarif de garantie de puissance (Maroc)

THT Très haute tension

TPP Tarif public de production (Maroc)

TT Timbre de transport (Maroc)

UCTE Union pour la Coordination du Transport de l’Électricité (Europe)

UEMOA Union Économique et Monétaire Ouest Africaine

UPDEA Union des Producteurs, Transporteurs et Distributeurs d’Énergie électrique d’Afrique

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Première partie

Les réformes du secteur électrique

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IntroductionLes deux dernières décennies furent caractérisées pardes changements majeurs tant au niveau économique,politique, social que démographique. Plusieurs pays,à la fois développés et en voie de l’être, ont adopté despolitiques qui ont eu pour effet de remettre enquestion les modèles existants d’organisation dutravail, de production et de distribution des biens etdes services. Des changements technologiques ontpropulsé les entreprises à revoir leurs stratégies deconcurrence à l’échelle mondiale et à intensifier leursefforts pour devenir des joueurs à l’échelle planétaire.Les privatisations des sociétés d’État, la déréglemen-tation ou les réformes réglementaires et les politiquesde restructuration ont créé des nouvelles opportunitéset des enjeux importants, à la fois pour les paysindustrialisés et pour les pays en voie de l’être.

La globalisation a été avancée parce qu’on croyaitqu’une intégration plus poussée des économies àl’échelle mondiale augmenterait l’efficacité et amélio-rerait la croissance économique et la richesse des pays,particulièrement des pays les plus pauvres. Plusieurspays en Afrique, dans l’espoir de profiter des occasionsque la globalisation offrait et avec l’appui des organi-sations donatrices, ont adopté des réformes surplusieurs niveaux, à la fois macroéconomique etmicroéconomique. Sous la supervision de la Banquemondiale (BM) et du Fonds monétaire international(FMI), et sous des conditions très strictes, les paysafricains, et plus particulièrement les pays de l’Afriquefrancophone, ont adopté des programmes d’ajuste-ment structurel qui reflétaient ce qu’on appellecommunément le « consensus de Washington»1.Cependant, tous les pays n’en ont pas profité de lamême façon. Malgré le progrès notable de certains

pays, d’autres, notamment de l’Afrique subsaha-rienne, ont connu des difficultés majeures en ce quiconcerne l’organisation des marchés et le passaged’une économie interventionniste à une économie demarché basée sur les institutions et la prise dedécisions démocratiques.

Cet article fait une analyse de l’impact desréformes structurelles et de la déréglementation dansle secteur électrique des pays africains. De touteévidence, ces réformes n’ont pas toutes eu les mêmeseffets, étant donné l’hétérogénéité des pays africains.Les réformes sont spécifiques à la taille du marchéélectrique du pays et le même modèle ne peut pas êtreappliqué par tous les pays. De plus, chaque modèle ases limites et il est très important de les reconnaître,dès le début, pour les tenir en compte et modifierl’approche des réformes selon les caractéristiquespropres du pays et les limites du modèle.

La section «Réformes structurelles dans les paysafricains» analyse les réformes entreprises par les paysafricains et donne le contexte général dans lequel cesréformes ont été adoptées. De même, cette sectionprésente les caractéristiques et quelques données en cequi concerne les marchés électriques de certains payset l’état d’avancement de leurs réformes. La section«Modèles des réformes structurelles dans les paysafricains » présente les divers modèles utilisés pourréaliser des réformes, leurs avantages, leurs désavan-tages et leur conformité aux besoins des pays africains.La section «Structure organisationnelle et exercice dupouvoir de marché» fait une analyse de l’impact desréformes pour certains pays africains et finalement lasection «Impacts des réformes structurelles dans lespays africains» conclut et offre quelques recomman-dations.

Vers une efficacité dans le secteur électrique en Afrique:globalisation, déréglementation et réformes structurellesAnastassios GENTZOGLANIS, Ph. D.Centre d’études en réglementation économique et financièreUniversité de Sherbrooke, Sherbrooke (Québec), Canada

1. [NDE]: L’expression «Le consensus de Washington» a étécréée par Williamson, J. «What Washington Means by Policy

Reform». Au chapitre 2, Latin American Adjustment: Howmuch has happened? Édité par John Williamson. Avril 1990.

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Tableau 1.1Disparité d’intégration des pays en développement1 (nombre de pays)

NNiivveeaauu AAssiiee AAssiiee AAmméérriiqquuee llaattiinnee MMooyyeenn OOrriieenntt AAffrriiqquuee EEuurrooppee cceennttrraalleedd’’iinnttééggrraattiioonn ddee ll’’EEsstt dduu SSuudd eett CCaarraaïïbbeess eett AAffrriiqquuee dduu NNoorrdd ssuubbssaahhaarriieennnnee eett AAssiiee

Rapide 6 3 5 2 2 5Modéré 2 5 4 10 2Faible 3 9 2 10Lent 2 5 14 2TToottaall 99 55 2211 1133 3366 99

Source : M. Brahmbhatt et U. Dadush, «Disparities in Global Integration», Finance and Development, Septembre 1996.1. Rapidité d’intégration des pays en développement (1980-1990).

Réformes structurelles dans les pays africainsLes réformes structurelles ont plusieurs objectifs, maisle but principal derrière chaque réforme est de rétablirune stabilité macroéconomique, d’accroître le com-merce international et l’investissement, et ainsi derendre plus efficace l’appareil productif de l’économie.De façon générale, avant les réformes, l’économie despays africains était caractérisée par une interventionétatique parfois assez poussée et leur modèle d’orga-nisation des marchés laissait peu de place à l’initiativeprivée. Le secteur privé était exclu du développementdes grandes infrastructures et le mode de gestion deces organismes laissait peu de flexibilité et il était peupropice à la réalisation de gains d’efficience. L’état desinstallations électriques, la qualité du service et ladesserte étaient lamentables. La corruption du systèmeet le manque de transparence rendaient le fonctionne-ment de l’économie plutôt difficile. La pauvreté, lemanque de ressources humaines qualifiées, la mau-vaise gestion des finances publiques et l’incapacité desentreprises locales à faire face à la concurrence inter-nationale ont eu pour effet de marginaliser l’Afriqueet de la rendre moins attrayante pour les investisse-ments étrangers. En effet, la part de l’Afrique dans lecommerce international est d’à peine 2%, son PIB d’àpeine 2% aussi et l’investissement étranger directreprésente à peine 1% des investissements des pays endéveloppement.

L’intégration de l’Afrique à l’économie mondialeest très faible. Une mesure utilisée pour évaluer l’inté-gration d’un pays à l’économie mondiale est la part des

exportations manufacturières par rapport aux exporta-tions totales. Cette mesure indique, en quelque sorte,la capacité du pays d’avoir accès aux gains découlantdu transfert des technologies et sa capacité de produireselon les normes internationales. Parmi les pays endéveloppement, l’Afrique subsaharienne affiche la pireperformance à cet égard. Tandis que la moitié des paysen développement avait, durant les années 1980 et1990, un indice d’intégration variant entre 20% et33%, pour l’Afrique subsaharienne, cet indice était d’àpeine 10%. À titre de comparaison, l’indice pourl’Amérique latine et les Caraïbes était entre 20% et25% pour la même période (années 1980 et 1990).En effet, parmi les 93 pays en développement étudiéspar M. Brahmbhatt et U. Dadush (2004), 36 pays del’Afrique subsaharienne (approximativement 39% dutotal) avaient la pire performance à cet égard.

Afin de rendre cette mesure plus significative, laBanque mondiale a développé l’indice d’intégrationd’une économie à l’économie mondiale en tenantcompte de quatre indicateurs économiques, à savoir,le ratio du commerce par rapport au PIB, le ratio del’investissement étranger par rapport au PIB, les cotesde classement établies par les agences internationalesde crédit et la part de la production manufacturièrepar rapport aux exportations.

L’indice d’intégration est alors la moyenne devariation dans les quatre indicateurs (mentionnés ci-dessus), ajustée pour la taille de l’économie. Tandisque seulement 5% des pays de l’Asie du Sud et 10%des pays de l’Asie de l’Est sont des retardataires, cepourcentage atteint 39% pour les pays en Afriquesubsaharienne (tableau 1.1).

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Les pays de l’Afrique sont aussi ceux qui occupentla dernière place en ce qui concerne le développementhumain2.

Dans un tel contexte économique et social, il n’estpas surprenant de constater qu’en ce qui concerne lesréformes du secteur électrique, l’Afrique, et surtoutl’Afrique subsaharienne, se trouve en retard parrapport aux autres pays. La figure 1.1 indique laconsommation d’électricité par habitant pour 20 paysde l’Afrique subsaharienne.

Pour fins de comparaison, la consommation et laproduction électrique par habitant pour les paysindustrialisés et en voie de l’être sont indiquées autableau 1.3. Les différences de consommation entre lesdeux groupes de pays sont frappantes. En moyenne, lesconsommateurs des pays en développement con-somment à peine 6% de la consommation deshabitants des pays industrialisés. Pourtant, comme letableau 1.4 l’indique, parmi les pays ayant la plus

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2. L’indice de développement humain est un indice de qualitéde vie, définie comme la capacité d’un humain d’avoir unevie longue et en santé, d’être éduqué et d’avoir accès à des

Tableau 1.2Indice de développement humain (2003)Les pays africains occupant les dernières

24 places dans l’IDH

PPaayyss RRaanngg PPaayyss RRaanngg

Niger 1 Malawi 13

Sierra Leone 2 Tanzanie 14

Burkina Faso 3 Côte d’Ivoire 15

Mali 4 Bénin 16

Tchad 5 Érythrée 17

Guinée-Bissau 6 Angola 18

Centrafrique 7 Rwanda 19

Éthiopie 8 Nigeria 20

Burundi 9 Sénégal 21

Mozambique 10 Guinée 22

RDC 11 Gambie 23

Zambie 12 Kenya 24Source : Human Development Report 2005: International

cooperation at a crossroads :Aid, trade and security in anunequal world. PNUD, 2005.

Figure 1.1Consommation par habitant en Afrique subsaharienne

Source: Price Waterhouse Coopers. Sub-Saharan Africa’s Energy conundrum [http://www.pwcglobal.com/Extweb/pwcpublications.nsf/4 bd5f76b48e282738525662b00739e22/42d930dcf7d4c4a880256e8a002e115c/$FILE/Electricity%20sector%20overview%20in%20Africa.pdf].

Moyenne de Afrique subsaharienne

1 200

1 000

800

600

400

200

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ressources nécessaires pour un niveau de vie acceptable. Enutilisant cet indice, on reconnaît que la richesse monétairen’est pas le seul critère de qualité de vie.

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Tableau 1.3Consommation et production d’électricité par habitant en 2000Pays industrialisés et en voie de l’être (pays de la Francophonie)

PPaayyss iinndduussttrriiaalliissééss PPaayyss eenn ddéévveellooppppeemmeenntt ((ddee llaa FFrraannccoopphhoonniiee))((ppaarrmmii lleess 110000 pprreemmiieerrss)) ((ppaarrmmii lleess 110000 pprreemmiieerrss))

PPaayyss CCoonnssoommmmaattiioonn PPrroodduuccttiioonn PPaayyss eenn CCoonnssoommmmaattiioonn PPrroodduuccttiioonn iinndduussttrriiaalliissééss kkWWhh ((eenn mmiilllliieerrss)) kkWWhh ((eenn mmiilllliieerrss)) ddéévveellooppppeemmeenntt kkWWhh ((eenn mmiilllliieerrss)) kkWWhh ((eenn mmiilllliieerrss))

Islande 25124,71 27020,16 Gabon 640,94 689,18

Norvège 24861,22 31194,75 Djibouti 354,05 380,70

Finlande 15811,75 14537,53 Cameroun 208,16 223,85

Suède 15679,18 16292,02 Côte d’Ivoire 152,93 242,79

Canada 15665,64 18062,02 Congo 137,54 102,08

États-Unis 12877,72 13544,03 Sénégal 115,96 124,65

Japon 7432,25 7993,70 Togo 99,37 18,35

France 6835,16 8598,87 Guinée 92,10 99,03

Allemagne 6026,54 6454,27 RDC 82,39 95,39

Angleterre 5771,86 5951,35 Bénin 77,08 35,36

Italie 4916,18 4459,97 Guinée équatoriale 41,07 44,16

Grèce 4330,46 4657,55 Mali 37,89 40,74

Hongrie 3483,37 3318,71 Niger 38,03 20,68

MMooyyeennnnee MMooyyeennnneeppoonnddéérrééee* ppoonnddéérrééee*** Moyenne pondérée des cent plus grands consommateurs d’électricité au monde.

** Moyenne pondérée des cent plus petits consommateurs d’électricité au monde.

Source : Compilation de l’auteur.

grande capacité de production électrique au monde,on trouve des pays de l’Afrique subsaharienne.

Les réformes structurelles du secteur électrique enAfrique ont été, alors, entreprises dans un contexteassez particulier. Contrairement à certains pays enAmérique latine, les pays de l’Afrique subsaharienneont entamé les réformes relativement tard. À vrai dire,les pays en développement ont commencé leursréformes après que certains pays industrialisés ont eule temps de restructurer leur industrie électrique. Parconséquent, il n’y a pas beaucoup de pays avec uneexpérience suffisamment longue pour permettre defaire une analyse détaillée des réformes. Les pays

développés ayant le plus d’expérience sont l’Angleterreet les pays scandinaves. Parmi les pays en dévelop-pement et en émergence, le Chili, l’Argentine et les paysen Amérique centrale ont une expérience relativementlongue à cet égard. En Afrique subsaharienne, lesréformes sont un phénomène récent.

Le choix du modèle des réformes et les politiquesde restructuration jouent un rôle prépondérant dansle processus de restructuration et déterminent les ré-sultats. Il est, alors, important d’analyser les modèlesdes réformes et d’examiner leur pertinence pour lespays de l’Afrique subsaharienne.

5826,05 6151,26 327,97 340,04

Page 22: VERS DE NOUVELLES ORGANISATIONS DU SECTEUR ÉLECTRIQUE

Modèles des réformes structurellesdans les pays africainsLes réformes structurelles sont associées à certainespolitiques telles que la désintégration verticale et ledégroupage des services de l’électricité (production,transport, distribution et quelquefois commercia-lisation), la privatisation partielle ou complète del’opérateur historique, la mise en place des agencesde réglementation, l’élaboration des politiques deconcurrence et l’institutionnalisation du processusréglementaire. Selon les contraintes auxquelles faitface le pays, les objectifs établis et son niveau dedéveloppement, les réformes structurelles peuventêtre poursuivies à des niveaux fort différents. Lavitesse des réformes ainsi que leur forme dépendentdes contraintes et des objectifs de chaque pays.Nonobstant le modèle choisi, la restructuration n’estpas une politique facile permettant l’atteinte des

objectifs du premier coup. Elle est plutôt une activitéévolutive et peut prendre plusieurs années avantd’être accomplie avec succès. Dans le cas de l’indus-trie électrique, il y a quelques modèles qui ont étédéveloppés et appliqués avec un certain succès àtravers le monde. Dans cette section, nous pré-sentons ces modèles et nous examinons la pertinencede ceux-ci pour les pays africains.

Avant de procéder à des réformes, les politiciensdoivent s’assurer que l’industrie électrique peutsupporter la concurrence. C’est seulement dans lesmarchés concurrentiels qu’on peut atteindre l’effica-cité productive et allocative (évidemment, aux dépensde l’équité sociale). Une des conditions préalablespour que les marchés fonctionnent efficacement, c’estl’absence de pouvoir de marché. Lorsque les entre-prises électriques sont capables d’augmenter leur prixsans craindre la concurrence, on dira qu’elles ont unpouvoir de marché. Ce pouvoir peut être exercé dansle sens horizontal ou vertical. Dans le premier cas, lafirme électrique a un pouvoir de monopole sur unsegment donné du marché, qu’il soit celui de laproduction, du transport ou de la distribution. Dansle cas du pouvoir vertical, on dira que la firme élec-trique a un pouvoir de marché lorsqu’elle détient lecontrôle d’un segment de marché et, dès lors, elledevient capable d’influencer le prix des autres seg-ments de marché. Par exemple, une firme qui détientun pouvoir de monopole sur le transport de l’élec-tricité est capable d’influencer le prix de la productionde l’électricité.

Lorsqu’un tel pouvoir existe, les marchés nepeuvent opérer de façon efficace et les bénéfices desréformes profitent uniquement aux producteurs.Dans le cas de plusieurs pays africains, la restruc-turation du secteur électrique a été faite avec laparticipation des intérêts étrangers. Si les réformesne se font pas de façon à préserver un niveauacceptable de concurrence, les bénéfices des réformesseront accaparés par les étrangers. Il est doncimportant que, lors de l’élaboration des cahiers decharges, les régulateurs exigent, de façon explicite,que les opérateurs fassent des investissements pouratteindre certains objectifs de l’électrification urbaine

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Tableau 1.4Capacité de production électrique en 2000

(les pays les plus grands producteurs au monde)

PPaayyss CCaappaacciittéé ((MMWW)) PPaayyss CCaappaacciittéé ((MMWW))

Japon 226000 Nigeria 5900

Allemagne 114000 Émirats Canada 111000 Arabes Unis 5600

Italie 69000 Vietnam 5000

Corée du Sud 50000 Équateur 3500

Mexique 38900 Oman 2100

Norvège 27200 Qatar 1500

Argentine 24000 Ghana 1200

Indonésie 21400 Guatemala 1150

Venezuela 21000 Bahreïn 1000

Thaïlande 19000 Côte d’Ivoire 890

Kazakhstan 17300 Angola 586

Philippines 12000 Brunei 410

Portugal 11000 Gabon 300

Koweït 8500 Sénégal 235

Singapour 6700 RDC 118

Libye 4600

TToottaall 880066449900 MMooyyeennnnee 2255220000Source : Compilation de l’auteur.

Page 23: VERS DE NOUVELLES ORGANISATIONS DU SECTEUR ÉLECTRIQUE

Propriété

d'État

Société d'État

Compagnie

privée

Modèle traditionnel

Statu quo,

Monopole verticalement

intégré

Modèle I

Concurrence à la

production –

acheteur unique

Modèle II

Concurrence

dans le marché

de gros

Modèle III

Concurrence

dans le marché

de détail

Québec

Nouvelle-

Zélande

Angleterre

et pays de

Galles

États-Unis

Chili, Argentine

France

Gabon,

Cameroun

Sénégal,

Mauritanie

SAPP (Southern African Power Pool: 10 pays, 9 millions de km2,

200 millions de personnes; 3 % du volume passe par le Pool

Thaïlande

Égypte

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Structure de l’industrie électrique

et rurale et pour améliorer la qualité du service, àl’intérieur de certains délais temporels précis. Cer-taines règles, telles que l’accès égal, sans restriction etsans aucune discrimination, au réseau de transportélectrique par les concurrents, permettraient demaintenir un niveau de concurrence acceptable touten réduisant considérablement le pouvoir du marchéde l’opérateur historique. De plus, lorsque les ache-teurs et les vendeurs de l’électricité ont accès à del’information pertinente, ceci permet d’atténuerl’asymétrie de l’information entre les joueurs et deréduire leur pouvoir de marché.

Étant donné la nature des marchés électriques,force est de constater que, dans la plupart desmodèles utilisés pour restructurer l’industrie, l’infor-mation reste tout de même asymétrique. Par consé-quent, le pouvoir de marché est, de façon inhérente,présent, même dans les marchés électriques restruc-turés. L’agence de réglementation est alors appelée àexercer le plus de vigilance possible, afin de prévenirl’exercice d’un pouvoir de monopole par certaines

entreprises. La présentation des modèles de restructu-ration qui suit met l’accent sur ces points importants,afin de sensibiliser les agences de réglementation auxsubtilités de chaque modèle.

Les modèles de restructuration du secteur élec-trique peuvent être regroupés dans trois catégoriesmajeures :

• le modèle de l’acheteur unique;

• le modèle de concurrence au niveau de gros ;

• le modèle de concurrence au niveau de détail.

Chaque modèle a ses mérites et peut être plus oumoins approprié, selon les objectifs et la capacité dupays d’organiser le marché selon les exigences dumodèle. La figure 1.2 indique les modèles deréformes et l’état d’avancement de certains pays. Lastructure de marché est indiquée sur l’axe horizon-tal, tandis que le niveau de privatisation (participa-tion et gestion privée du secteur électrique) estindiqué sur l’axe vertical.

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Figure 1.2Modèles de réformes et état d’avancement de certains pays

Page 24: VERS DE NOUVELLES ORGANISATIONS DU SECTEUR ÉLECTRIQUE

Modèle IÀ vrai dire, le modèle de réorganisation du marchéélectrique le plus simple est celui de l’acheteurunique, communément appelé modèle I. Selon cemodèle, l’opérateur historique demeure toujours lepropriétaire unique des trois segments du marché: laproduction, le transport et la distribution d’élec-tricité. Le marché de production de l’énergie s’ouvreà des nouveaux entrants qui, eux, peuvent produirede l’électricité grâce à des contrats à long terme avecl’opérateur historique, qui est le seul acheteur de lanouvelle production électrique. Ces nouveauxproducteurs, communément appelés «producteursindépendants », peuvent soumissionner de façoncompétitive afin d’assurer un marché pour leursventes auprès de l’opérateur historique. D’après cemodèle, le consommateur reste toujours captif etseulement la production indépendante est assujettieaux forces du marché. Étant donné que c’estseulement la nouvelle production électrique qui estassujettie à la concurrence, c’est seulement cetteproduction qui pourrait être produite de façon plusefficace. Par conséquent, ce modèle introduit desefficiences sur le plan de la nouvelle productionindépendante. La production électrique par l’opéra-teur historique peut continuer d’afficher certainesinefficacités du passé.

Le régulateur a un rôle important à jouer dans cemarché. D’une part, il doit gérer les risques auxquelsfont face les producteurs indépendants et l’opérateurhistorique et, d’autre part, il doit répartir le risqueentre les différents joueurs. Le risque d’affaires,auquel font face les producteurs indépendants, nepeut pas être éliminé et il est inhérent dans ce typede marché. Ceci réduit considérablement la capacitéde l’opérateur historique de planifier ses tâches con-venablement en l’absence de producteurs indépen-dants fiables. L’agence de réglementation doitconsidérer à la fois comment réduire le risque etcomment le répartir entre les joueurs afin d’assurerun fonctionnement lisse du marché, sans soubresautsmajeurs. Le régulateur doit administrer toutes lessoumissions et il doit planifier la production

électrique. De plus, le régulateur définit, contrôle etfait respecter les termes et les conditions qui régissentles contrats d’achat à long terme ainsi que lasolvabilité des vendeurs et de l’acheteur, et il lui fauttrouver des formes alternatives de garantie de créditde l’acheteur.

Ce modèle est pertinemment approprié pourplusieurs pays au début de leurs réformes électriques.C’est une approche graduelle de l’introduction de laconcurrence et une façon d’augmenter la capacité deproduction en utilisant des capitaux privés. Pour lespays qui se trouvent avec une pénurie de ressourcesfinancières qui les empêche d’investir pour aug-menter la desserte électrique, le modèle de l’acheteurunique s’avère un bon moyen pour atteindre cesobjectifs. Ce modèle n’augmente pas nécessairementl’efficacité de la production existante ; il introduitplutôt des améliorations en ce qui concerne la nou-velle production uniquement. De plus, si l’agence deréglementation n’exerce pas bien ses tâches d’allo-cation et de diminution du risque qui surgit à causede l’existence des contrats à long terme, les réformespeuvent même s’avérer nuisibles à plus long terme.

Le problème du hold-up est toujours présent dansce modèle. En l’absence d’un cadre réglementaireapproprié, les producteurs indépendants risquent dese trouver dans une situation de faiblesse vis-à-visl’opérateur historique. En effet, l’opérateur histo-rique, étant en position de monopsone (acheteurunique), peut exercer son pouvoir de plusieurs façons.Soit qu’il demande une renégociation des contrats,soit qu’il impose ses propres prix d’achat auxproducteurs indépendants. Peu importe la stratégiede l’opérateur historique, les producteurs indépen-dants restent prisonniers, car ils ne peuvent pas dé-faire leurs investissements en infrastructure (irréver-sibilité des investissements). En l’absence d’autresoptions, les producteurs indépendants doivent seplier aux exigences du monopsoneur ou fermercarrément leurs portes. L’agence de réglementationdoit avoir la juridiction et la capacité de faire respecterles contrats pour atténuer ainsi les risques inhérentsqui découlent de cette organisation du marché.

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Modèle IILe modèle II est une structure organisationnelle pluscomplexe dans laquelle on trouve la concurrence auniveau du marché de gros. L’opérateur historiquedétient le transport et la distribution de l’électricité,tandis que la nouvelle production électrique ainsi quela production de l’opérateur historique sont assu-jetties à la concurrence. La nouvelle entité créée a lestatut d’utilité publique, mais elle n’a aucun lien avecles nouveaux producteurs d’électricité, incluant sapropre ex-division de production. La nouvelle entitécontinue d’être le seul acheteur de l’électricité et leseul distributeur au marché de détail. La restruc-turation du secteur se concentre alors au niveau de lapartie potentiellement concurrentielle, en l’occur-rence le segment de la production d’électricité.

L’agence de réglementation a un rôle formidable àaccomplir dans cette structure de marché. Elle abesoin de créer les institutions et les règles afin d’assu-rer un marché efficace sur le plan de la production del’électricité. Ce modèle est très pertinent lorsque lepays vise à offrir des incitations appropriées pourl’expansion et le bon fonctionnement de son réseauélectrique. Cette structure libère l’État de sa fonctionpropriétaire – opérateur du réseau électrique – et luipermet de se concentrer sur l’amélioration de son sys-tème de transport et de distribution de l’électricité.Cette structure facilite la tâche des entreprises dansleur démarche de recherche du financement dans lesmarchés des capitaux et permet ainsi de financer leursprojets d’expansion de leur capacité de production àun coût compétitif.

Le modèle de concurrence, dans le marché degros, est quand même plus complexe et plus difficileà gérer par les agences de réglementation, surtoutcelles qui sont nouvellement créées et qui manquentd’expérience. La volatilité, dans les prix de l’élec-tricité, est une caractéristique importante de cemarché et ceci peut créer des problèmes, même dansles pays développés qui sont mieux équipés pourfaire face à des fluctuations dans les prix et dans lesrisques. De plus, même si la structure de marché ence qui concerne la production est concurrentielle, lerisque d’exercer un pouvoir de marché est élevé,

surtout pendant les heures de pointe. Durant cespériodes, même les petits producteurs peuvent exercerleur pouvoir de marché. Normalement, le compor-tement des petits producteurs est négligé dans lesstructures des marchés semblables autres que celui del’électricité. Dans les marchés oligopolistiques avec laprésence d’un groupe de petits producteurs, le pouvoirde marché réside dans les entreprises de grande taille,surtout lorsqu’il n’y a pas de goulot d’étranglement quiprovient de la capacité de production limitée. Maisdans le cas de l’industrie électrique, ce sont les petitsproducteurs qui jouent le rôle du dernier recourslorsque la capacité est utilisée pleinement et que leservice doit être fourni dans des conditions plutôtdifficiles. Dans ce cas, les petits producteurs peuventagir seuls ou en groupe et exercer leur pouvoir demonopole. Le résultat peut être désastreux sur les prixet éventuellement sur la rentabilité et la viabilité duréseau, surtout pour l’entreprise qui assure le transportet la distribution de l’électricité. Les réformes sont alorscompromises et l’atteinte des efficacités serait unobjectif non réalisable.

Le modèle II, en introduisant de la concurrencedans le marché de gros, rend en réalité la structureindustrielle du secteur électrique plus complexe et plusdifficile à gérer, surtout lorsque les agences de régle-mentation sont tout à fait néophytes et manquentd’expérience. Il y a peu de pays africains qui ont optépour ce modèle, reconnaissant ainsi la fragilité de leursinstitutions réglementaires et le manque d’une struc-ture institutionnelle adéquate pour faire face auxproblèmes de concurrence et de pouvoir de marchéqui surgissent avec ce modèle.

Modèle IIILa structure du marché électrique peut prendre uneforme encore plus concurrentielle en introduisant dela concurrence au niveau du marché de détail. Cetteforme organisationnelle rend apparemment le marchéplus transparent et réduit les exigences réglementaires,car c’est la concurrence qui discipline le marché et nonpas l’agence de réglementation. Dans ce modèle,l’utilité publique n’est plus l’acheteur unique. Elleopère le transport et la distribution de l’électricité; elleA

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est obligée de permettre aux entreprises concurrentesde se connecter au réseau, mais elle n’a pas l’obligationde servir. Les clients achètent l’électricité d’une mul-titude de fournisseurs qu’ils choisissent eux-mêmes.Normalement, lorsque la concurrence est présente, lerôle du régulateur est réduit. Dans le cas du marchéélectrique, son organisation comme marché purementconcurrentiel devrait en principe réduire le besoind’établir une agence de réglementation. Dans lapratique, l’agence de réglementation est nécessaire,même dans cette structure de marché, surtout lors dela transition d’une structure à une autre, car le nombrede joueurs est toujours limité et les problèmes deconcurrence sont toujours présents.

L’agence de réglementation doit veiller à lacréation des institutions et des structures de marchéqui contribuent à l’intensification de la concurrenceet qui assurent un bon fonctionnement de l’industrie.Le marché ainsi créé doit être en mesure d’offrir deschoix aux consommateurs à des prix abordables et desservices d’une qualité donnée. Le marché doit aussiêtre capable d’offrir un réseau électrique fiable etsécurisé. Le régulateur, même s’il ne réglemente pas

les prix dans le segment de production électrique, estquand même obligé d’exercer ses fonctions dansplusieurs domaines, comme d’assurer un accès ouvertau réseau, de limiter l’exercice de pouvoir de marché,et d’assurer l’existence des forces du marché et leurbon fonctionnement. Étant donné les exigences de cemodèle, peu de pays l’ont choisi. Les quelques expé-riences pratiques indiquent, cependant, que cemodèle peut s’avérer utile pour certains pays. Les paysafricains n’ayant pas beaucoup d’expérience avec lefonctionnement des marchés concurrentiels peuventse heurter à des problèmes graves avec ce modèle.

Structure organisationnelle et exercice du pouvoir de marchéIl est important de souligner que peu importe lastructure organisationnelle du marché électrique,l’exercice du pouvoir de marché demeure un desproblèmes majeurs. Les agences de réglementationdoivent être vigilantes et exercer leurs fonctions avecle plus de rigueur possible afin de pouvoir protéger leconsommateur et de promouvoir le bien-être social.Les agences de réglementation doivent s’outiller

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Figure 1.3Comportement à la Cournot dans le marché électrique –

Situation d’équilibre

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adéquatement afin de pouvoir surveiller les marchésrestructurés. D’ailleurs, le pouvoir de marché prendsa forme la plus cruelle lors des heures de pointe.Pendant cette période, les prix peuvent grimper defaçon exorbitante et les utilisateurs de l’électricité sefont exploiter par les producteurs. De toute évi-dence, étant donné la nature du marché électrique,les prix ne peuvent être ceux de la concurrence. Lemieux que l’on peut anticiper est d’avoir des prix àmi-chemin entre la concurrence et le monopole. Cerésultat est connu des économistes depuis long-temps. Dans les structures industrielles semblables àcelles du marché électrique, le comportement le plusprobable qui surgit entre les firmes est celui deCournot. Le graphique ci-dessous peut illustrer untel comportement et les résultats qui s’ensuivent.

Le comportement à la Cournot est mieux illustrélorsqu’il y a deux producteurs (duopole) d’électricitédans le marché, le producteur A et le producteur B.Soit D, la demande pour l’électricité, et QA, laquantité produite par le producteur A. Lorsque leproducteur B décide combien de kWh il produira, ilassume que la quantité produite par le producteur Arestera au même niveau que la dernière fois, c’est-à-dire QA. Par conséquent, la quantité au-delà de QA estconsidérée comme le marché pour le producteur B etpar conséquent la firme B se comporte comme unmonopoleur pour ce segment de marché. Si le pro-ducteur A considère que la production du produc-teur B demeurera à son niveau actuel (QB), il produiraen fonction de cette quantité et la production totaledans le marché exercera une pression vers le basjusqu’à l’équilibre (point de maximisation de leurprofit). Le prix d’équilibre du duopole qui en résulte(PD) est plus bas que le prix de monopole (PM), maisplus élevé que le prix de concurrence (PC). La quantitéd’équilibre du duopole (QD = QA + QB), quant à elle,est plus grande que la quantité de monopole (QM),mais plus petite que la quantité de concurrence (QC)3.Le comportement à la Cournot des producteursindépendants d’électricité n’arrive pas à produire lesrésultats de la concurrence, mais les résultats sont tout

de même nettement supérieurs par rapport à ceuxobtenus par un monopole sans réglementation.

Plusieurs pays en Afrique ont un marché d’électri-cité très limité. Par conséquent, le nombre de joueursne peut être très élevé. Le meilleur comportementanticipé peut être, au mieux, celui de Cournot. Parconséquent, les prix seront plus élevés que ceux de laconcurrence et le taux de desserte électrique, quoiquemeilleur que dans le cas du monopole, sera inférieurpar rapport à la concurrence. Dans la mesure où lesfirmes s’entendent entre elles et forment un cartel(collusion), le résultat sera identique à celui dumonopole. L’agence de réglementation a alors un rôlede vigilance important à jouer.

Impacts des réformes structurellesdans les pays africainsLa performance des pays de l’Afrique dans ledomaine des réformes du secteur électrique laisse àdésirer. Malgré les efforts notables de restructuration,force est de constater que, dans l’ensemble, l’Afriquesubsaharienne est la région la plus défavorisée. À vraidire, elle a connu la pire performance pour ce qui estde l’électrification, malgré les réformes. Bien quecertains pays aient réussi à réduire le nombre depersonnes sans électricité, notamment en Asie del’Est et en Chine, en Afrique subsaharienne, le tauxde réussite est plutôt négatif. Tel qu’indiqué dans lafigure 1.4, il y a eu, en Afrique subsaharienne, unenette augmentation du nombre de personnes sansélectricité. Les projections de l’Agence internationalede l’énergie (AIE) indiquent aussi que ce nombrerestera très élevé jusqu’à l’an 2030, quoiqu’il y auraun fléchissement mineur à partir de 2020. Il fautmentionner que les réformes structurelles ont étéentreprises plus tardivement par les pays d’Afriquesubsaharienne par rapport aux autres pays.

Plusieurs spécialistes ont critiqué les réformes dusecteur électrique entreprises par des pays africains.Les critiques ont surtout trait à la polarisation qui arésulté de ces réformes. Dans les pays où les réformesfurent un succès, les disparités entre électrificationurbaine et rurale se sont accentuées. Les réformes ont

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3. On assume que le coût marginal est le même pour les deuxentreprises (CmA = CmB = Cm).

Page 28: VERS DE NOUVELLES ORGANISATIONS DU SECTEUR ÉLECTRIQUE

même contribué à augmenter la richesse de certainsau détriment de la majorité de la population. Dansd’autres pays, les réformes n’ont rien donné, car lesautorités n’ont même pas réussi la première étape dela restructuration, à savoir la privatisation del’opérateur historique. Dans certains pays, les plansde privatisation ont même été abandonnés.

Le Sénégal et la Mauritanie sont les deux paysqui ont connu le plus de difficultés au plan de laprivatisation. Le Sénégal a commencé son plan derestructuration et de privatisation de l’opérateurhistorique, Senelec, en 1998. Après avoir créé laCommission de Régulation du Secteur de l’Électri-cité, en 1999, le gouvernement a commencé leprocessus de privatisation de Senelec. Un consortiumconstitué d’intérêts français et québécois (Elyo, unefiliale de la Suez Lyonnaise des Eaux et Hydro-Québec) a acquis 34% des actions de Senelec, tandisque les employés de la compagnie recevaient 10%des actions et que 15% étaient acquises par le secteurprivé local. Le reste des actions a été acquis par legouvernement sénégalais qui devenait de facto

actionnaire majoritaire. Cependant, la gestion de lanouvelle entreprise a été déléguée au consortiumprivé. Cette privatisation n’a pas pu atteindre desobjectifs à court terme d’augmentation de la capacitéde production et d’électrification urbaine et rurale.La demande étant toujours plus grande que l’offred’électricité, les pannes électriques devenaient deplus en plus longues. La pénurie d’électricité qui s’enest suivie et la détérioration de la qualité du serviceétaient des facteurs assez importants pour inciter legouvernement à nationaliser l’industrie électrique àpeine 20 mois après sa privatisation. En 2001, legouvernement a tenté de privatiser Senelec à nou-veau, mais malheureusement il n’a pas eu beaucoupde succès, malgré que deux compagnies étrangères(Vivendi de France et AES des États-Unis) ont mani-festé un intérêt. La crise boursière a eu un impactnégatif sur la capacité des firmes privées de financerl’acquisition de Senelec et le gouvernement a décidéd’annuler la privatisation de la firme et de procéderrapidement à l’acquisition de deux génératrices de15 MW afin de pallier la pénurie d’électricité quidevenait de plus en plus aiguë.

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Figure 1.4Nombre de personnes sans électricité, 1970-2030

Source : C. Mandil,The International Energy Agency and Africa. International Energy Agency, 2003 [http://www.iea.org/dbtw-wpd/textbase/ papers/2003/african_energy.pdf ].

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Asie du Sud Asie de l’Est/Chine Amérique latineMoyen-Orient Afrique subsaharienne Afrique du Nord

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La Mauritanie a eu une expérience semblable àcelle du Sénégal. Après avoir ouvert le processus deprivatisation de Somelec4, en 2001, le gouvernementmauritanien s’est trouvé dans une situation désa-gréable, étant même obligé d’annuler la privatisation.En effet, quatre compagnies étrangères (Vivendi, EDF,Hydro-Québec et ONE) ont manifesté un intérêt àacquérir Somelec, mais toutes se sont retirées au débutde 2002, à l’exception de l’ONE du Maroc. L’offremarocaine étant jugée trop faible pour les intérêts dela Mauritanie, cette dernière a négocié, avec la Banquemondiale, l’annulation de la privatisation.

Le manque d’intérêts privés pour la privatisationde Somelec montre clairement que les systèmesélectriques en Afrique sont insuffisants et souffrentd’une carence chronique d’investissements qui acomme conséquence de les rendre moins attrayantspour les investisseurs privés, d’autant plus que le sys-tème de réglementation de ces pays et les procéduresde résolution des disputes sont très complexes etparfois arbitraires. Ces caractéristiques institution-nelles et industrielles, conjuguées avec le refus decertains pays de garantir un rendement adéquat auxinvestissements privés (le cas de la Mauritanie estéloquent), décourage les intérêts privés à faire lesinvestissements nécessaires pour combler la pénurieen électricité dans ces pays.

Dans les deux cas mentionnés plus haut, le mo-dèle de restructuration choisi était celui nommé«modèle I ». Mais, comme il a été mentionné plushaut, la restructuration de l’industrie requiert aussiune restructuration préalable des institutions. Lesmécanismes de résolution des conflits, les systèmesréglementaires à adopter et les règles de fonction-nement des marchés restructurés doivent être cohé-rents avec la philosophie de l’économie de marché etbien articulés autour d’un modèle bien examiné ettesté ailleurs. Les objectifs, tels que l’amélioration dela performance de l’industrie électrique, des prix plusbas, le choix du consommateur, la sécurité du réseau

électrique, la garantie d’approvisionnement et ledéveloppement du réseau sans répercussions envi-ronnementales négatives, peuvent être réalisés àl’intérieur d’un cadre réglementaire approprié et dela création d’un marché électrique qui fonctionneraitbien sous les nouvelles conditions des marchésconcurrentiels.

Les réformes structurelles en Afrique subsaha-rienne ne sont pas toutes des échecs. Certains pays,notamment le Cameroun et le Gabon, ont connu uncertain succès, mais encore là des problèmes majeursd’électrification et de sécurité d’approvisionnementpersistent. En effet, la privatisation de la Sonel(Société Nationale d’Électricité du Cameroun), en20015, a contribué à augmenter la capacité électriquedu pays, mais sans que les bénéfices d’investissementsadditionnels soient sentis par les consommateurs. Aucontraire, les pannes électriques se sont intensifiéeset les prix de l’électricité ont augmenté de 10 %depuis la privatisation. La compagnie américaineAES a payé 69 millions de dollars pour acquérir56 % des actions de la Sonel, en 2001, et elle aobtenu pleine responsabilité de la gestion de troissegments du marché, à savoir la production, letransport et la distribution de l’électricité pour unepériode de 20 ans. Avec un bas taux d’électrification,il n’est pas surprenant d’imaginer qu’une augmen-tation de la desserte électrique doit faire partie desclauses de son cahier de charges. En effet, l’objectifà atteindre était l’électrification d’un million d’abon-nés (le nombre total d’abonnés était de 400 000avant la privatisation). La sécheresse qui a suivi laprivatisation a fait en sorte que les réserves en eauont diminué rapidement et une pénurie électriques’en est suivie6. La privatisation n’a pas donné desincitatifs pour investir dans les sources alternativesde production électrique. La production thermiqueétant très coûteuse par rapport à la productionhydro-électrique, elle a été écartée des plans dedéveloppement des sources alternatives d’énergie.

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4. C’était la Banque mondiale qui avait exigé la privatisationde Somelec. La privatisation devenait une condition sinequa non pour que la Banque mondiale accepte uneréduction de la dette de la Mauritanie sous la clause de« l’initiative de pays hautement endettés».

5. L’agence de réglementation, ARSEL, a été créée enjuin 1999.

6. Le Cameroun dépend entièrement des réserves en eau poursa production électrique. En effet, 90% de sa productionest d’origine hydro-électrique.

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Apparemment, le Cameroun a besoin d’uninvestissement de 500 millions de dollars au coursdes cinq prochaines annés pour assurer le service auxabonnés actuels. Malgré ses efforts pour trouver dufinancement dans les marchés boursiers locaux etinternationaux, de toute évidence, l’AES sera inca-pable de mobiliser tous ces fonds. Il y a donc de plusen plus de questions concernant la capacité dusecteur privé de résoudre les problèmes de sous-investissement du secteur électrique dans les pays endéveloppement. À vrai dire, les besoins sont énormescar, d’une part, dans la plupart de ces pays, lademande pour l’électricité augmente à des rythmestrès élevés (de 5% à 9% par an) et, d’autre part, lesystème d’infrastructures laisse à désirer. Même si lesentreprises deviennent plus efficaces, diminuentleurs coûts de production et augmentent les prix, lesrevenus additionnels restent insuffisants pour investirdans le réseau. Ceci est dû au fait que les compagniesélectriques fonctionnaient, dans le régime précédent,comme un département dans la fonction publique.Les compagnies électriques comptaient trop d’em-ployés, et étaient la plupart du temps inefficaces,garantissant un travail à vie avec beaucoup decomplaisance.

Le Gabon a eu une expérience plus positive quele Cameroun, mais là aussi la situation n’est pasparfaite. Le plan de privatisation du Gabon étaitassez original. L’originalité résidait dans le fait qu’uncontrat de concession a été signé, en 1997, avec lacompagnie française Vivendi pour 51% des actionsde la SEEG (Société d’Énergie et d’Eau du Gabon).Le gouvernement vendait, du même coup, sa com-pagnie publique de distribution de l’eau et obligeaitVivendi à vendre les deux services à travers le paysdurant son contrat de concession (d’une durée de20 ans). Les subventions croisées ont été maintenueset la compagnie privée réalise la majorité de sesrevenus dans deux villes principales du Gabon(Libreville et Port-Gentil), et elle subventionne lereste du pays. La nouvelle entité est beaucoup plusproductive qu’avant, et elle est capable de réaliser deséconomies et de réduire ses coûts grâce au partagedes ressources. Cependant, les économies dans lescoûts ne se sont pas traduites nécessairement par desprix plus bas pour le consommateur et les investis-sements en infrastructure prévus dans 15 régionsisolées n’ont jamais été matérialisés, malgré qu’ilssoient écrits explicitement dans le cahier descharges7.

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Figure 1.5Évolution de la desserte en électricité au Gabon

Source : F. Ombanda, Réorganisation des sociétés de production et de distribution d’électricité en Afrique : 5 ans après la privatisation de laSociété d’énergie et d’eau du Gabon (SEEG), situation et enjeux de l’électricité au Gabon, Sommet de l’Énergie en Afrique, Dakar,5-6 novembre 2002 [http://www.ppiaf.org/Final%20Report%20Activity%20Pages/Energy%20Summit/pdf/24_Ombanda.pdf].

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7. L’échéancier pour les investissements en infrastructure était l’an2000, mais les investissements en région n’ont pas été faits.

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Néanmoins, la compagnie paie des généreuxdividendes tous les ans depuis sa privatisation. Ledividende a augmenté de 6,5% en 1998 à 20% en2000. La qualité du service a augmenté dans plu-sieurs régions urbaines. Par contre, la qualité duservice dans d’autres régions, particulièrement dansles régions rurales, a fait peu de progrès. Les régionsnon desservies avant la privatisation restent, dans lamajorité des cas, non desservies, malgré la privati-sation. Le coût pour étendre le service dans lesrégions étant très élevé, les compagnies privées,cherchant la rentabilité, ont tendance à se concentrerdans les marchés les plus lucratifs. La question poséeprécédemment, à savoir si les compagnies privéesseules sont en mesure de faire des investissements eninfrastructure, est pertinente, comme le cas duCameroun et celui du Gabon (et d’autres pays) ledémontrent clairement.

La figure 1.6 indique l’évolution tarifaire auGabon depuis la privatisation. Au moment de laprivatisation, les prix ont baissé de 17,25 %, pourcommencer ensuite à augmenter à peine un an plustard. Cette augmentation est principalement due àl’augmentation dans les prix d’intrants (augmen-tations salariales importantes, augmentations dansles prix du gaz et du mazout, etc.). Il est difficile,cependant, de savoir si la compagnie a réussi àréaliser des gains de productivité importants après saprivatisation et si elle aurait pu, grâce à ces gains,éviter les augmentations tarifaires. Il est par contrepossible de dire, sans prendre trop de risques, quel’augmentation généreuse des dividendes a pu se fairegrâce aux gains de productivité.

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Figure 1.6Évolution des prix de l’électricité basse tension

Source : F. Ombanda, Réorganisation des sociétés de production et de distribution d’électricité en Afrique : 5 ans après la privatisation de laSociété d’énergie et d’eau du Gabon (SEEG), situation et enjeux de l’électricité au Gabon, Sommet de l’Énergie en Afrique, Dakar,5-6 novembre 2002 [http://www.ppiaf.org/Final%20Report%20Activity%20Pages/Energy%20Summit/pdf/24_Ombanda.pdf].

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prix du gazole+10 %

prix du gazole+10 %

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La compagnie cherche l’équilibre entre la satis-faction des intérêts de ses clients et ceux de sesactionnaires. Cependant, pour faire une évaluationplus objective de la performance de l’entreprise, nousavons besoin de données sur une plus longuepériode. Il est trop tôt pour dire si le secteur élec-trique au Gabon pourrait échapper à ce qui s’estpassé dans les autres pays subsahariens ayant expéri-menté les réformes.

Conclusion et recommandationsÀ l’instar des pays industrialisés, les pays de l’Afriquesubsaharienne ont procédé à des réformes de leursecteur électrique relativement tard par rapport àd’autres pays en développement. Le choix du modèlejoue un rôle prépondérant dans la réussite des poli-tiques de restructuration et une réforme plus appro-fondie des institutions de chaque pays contribueradavantage au bon fonctionnement des secteursrestructurés.

L’industrie électrique de l’Afrique subsahariennesouffre d’un manque chronique de capacité. Lesproblèmes du secteur, tels que les pénuries d’élec-tricité, la mauvaise qualité du service, les faiblesniveaux de desserte, l’inadéquation des prix parrapport aux coûts de production et l’incapacité del’État de financer et de gérer ce secteur, ont contribuéà la recherche de solutions audacieuses pour l’Afrique,telles que la privatisation, les contrats de concessionet la gestion privée de l’opérateur historique. Laplupart des pays ont choisi le modèle I de restructu-ration du secteur électrique, mais cela a eu un succèsmitigé. Certains pays n’ont même pas réussi àprivatiser leur opérateur historique et d’autres, quiont fait des privatisations, se sont trouvés dans dessituations indésirables (faible taux d’électrificationmalgré la privatisation, prix plus élevés et pénuriesd’électricité persistantes).

Les entreprises privées doivent investir dessommes substantielles pour pallier les problèmesactuels du secteur, mais leur capacité de le faire estde plus en plus remise en question. Même dans le casdes pays qui ont connu un succès relatif (le Gabon,

par exemple), l’électrification rurale laisse à désireret, malgré la privatisation, l’investissement en infras-tructure promis est loin d’être réalisé. Une partici-pation de l’État ou d’une instance créée spécialementpour veiller à contrer les problèmes qui surgissentaprès la privatisation peut être nécessaire dans le casdes pays de l’Afrique subsaharienne.

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IntroductionL’objectif de ce papier est de fournir un cadre d’inter-prétation des réformes électriques qui ont émergédans les pays francophones d’Afrique subsahariennepour la période allant de 1990 à 2002. Les pays fran-cophones d’Afrique subsaharienne ont progressive-ment engagé la réforme de leur industrie électriquerespective. La première expérience a été conduite parla Côte d’Ivoire en 1990. Ces premières réformes ontcherché, d’une part, à redéfinir l’action des Étatsdans le secteur et, d’autre part, à organiser l’inter-vention des acteurs privés. Depuis quelques années,les politiques sectorielles dans cette sous-régionvisent le renforcement de la coopération énergétique.La création de pools énergétiques intégrés, qui enconstituent le support, suggère un passage à unenouvelle génération des réformes.

Si une génération de réformes peut être identifiéeà travers l’adéquation entre la logique de modifica-tion des règles et les principaux objectifs recherchés,il apparaît que deux générations de réformes élec-triques se sont succédé dans les pays francophonesd’Afrique subsaharienne. La première génération acouvert la période allant de 1990 à 2002. Les trans-formations institutionnelles envisagées dans cecontexte ont eu pour particularité d’être limitées auxespaces nationaux respectifs. La seconde générationdes réformes, qu’on peut chronologiquement situeren 2002, s’inscrit davantage dans un espace sous-régional. Elle commence avec le lancement du pool

énergétique de la CEDEAO (créé en 1999), et sepoursuit avec l’accord signé en 2003 pour la créationdu Pool Énergétique d’Afrique centrale.

L’intérêt des pools énergétiques est d’envisagerl’optimisation du fonctionnement du secteur sur unespace géographique élargi. Les pools énergétiquesorganiseront les échanges d’électricité entre des parcsde centrales de composition différente. Ils permettront,premièrement, de tirer parti des coûts de productiondifférents et, deuxièmement, d’optimiser la program-mation des investissements. Toutefois, l’efficacité despools énergétiques sera déterminée par la réorgani-sation du secteur, héritée des réformes de premièregénération, toutes choses égales d’ailleurs. Le poidsimportant des industries électriques dans les économiesde la sous-région, notamment en termes d’emploi etd’investissement, suggère que les solutions organisa-tionnelles qui ont émergé l’ont fait en raison de leurfaisabilité. Il est donc nécessaire de s’intéresser auxlogiques de définition de ces solutions. C’est l’objectifde ce papier.

Ce papier est organisé en quatre sections. Toutd’abord, les fondements de la réforme des industriesélectriques en Afrique subsaharienne sont rappelés.On verra que les difficultés de financement dumodèle traditionnel ont été la principale raison desréformes de première génération. Dans la section «Lepoids des spécificités des industries électriques de lasous-région sur l’adaptation des schémas de réforme»,nous adoptons une démarche critique des pres-criptions réformatrices s’appuyant sur la contestationde la théorie du monopole naturel pour délimiter lechamp des solutions possibles. Du point de vue d’uneréforme, une solution ne présente un intérêt que sielle peut être mise en œuvre. Par conséquent, la

Les réformes électriques de première génération en Afriquesubsaharienne francophone: entre efficacité économique et acceptabilité sociale*Flavien TCHAPGA, Ph. D.Enseignant et Directeur pédagogiqueI2M SupdeCo Caraïbes, Pointe-à-Pitre, France

* Ce papier est un extrait de la thèse de doctorat soutenue àl’Université Paris 13 par l’auteur en juin 2002. Les com-mentaires de Chantal Guertin de l’IEPF ont permis d’enaméliorer la lecture.

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section «Le poids de l’environnement institutionnelsur la délimitation des choix faisables» s’appuie sur lerôle de l’environnement institutionnel, au sens oùl’entendent les économistes néo-institutionnels, pouridentifier les solutions faisables et le processus de leurconstruction. Puisque cette construction revient àgérer les conflits redistributifs qui naissent avec l’in-troduction des réformes, la section «L’atténuation deseffets redistributifs à la base des choix organisation-nels» discute du lien entre l’hybridation des modèlesorganisationnels qui ont émergé et la nécessité denouveaux compromis sectoriels. L’opposition entre lalogique économique et la logique de compromis nouspermet de souligner, pour conclure, la nécessité d’unecohérence entre les deux générations des réformesélectriques en Afrique subsaharienne.

Les difficultés de financementcomme fondements de la réformeLes faibles performances des industries électriquesdes pays francophones d’Afrique subsaharienne ontété plusieurs fois décriées. Le manuel publié en 1993par la Banque mondiale part de ce constat pourjustifier l’inflexion de la politique de cet organismeen direction des secteurs électriques de la sous-région. Un aspect central de cette inflexion concernela prescription des réformes sectorielles dont l’objec-tif sera, premièrement, d’ouvrir le secteur auxcapitaux privés, deuxièmement, de réduire l’inter-vention de l’État et, troisièmement de confier lacoordination sectorielle aux mécanismes de marché1.C’est à cette condition, est-il alors admis, que le secteurretrouvera les niveaux d’efficacité technique et écono-mique comparables aux standards internationaux.

En effet, de nombreuses inefficacités de gestiondes entreprises publiques d’électricité ont été relevéesà partir de la fin des années 1980. Le contexte macro-économique national et international défavorable

avait alors donné du relief aux inefficacités de gestionauparavant occultées. En effet, le caractère excessif del’endettement sectoriel est apparu au grand jour, ainsique la faiblesse de la rentabilité financière et del’autofinancement. Quel que soit l’indicateur deperformance considéré, les niveaux atteints par lesentreprises de la sous-région sont faibles dans laplupart des cas. Les pertes techniques sont partoutsupérieures à la norme sectorielle. La productivité dufacteur travail est aussi inférieure au standard retenupar des organismes comme la Banque mondiale. Lesperformances non techniques (la performance com-merciale, par exemple) ne se démarquent pas de cettetendance générale (Tchapga, 2002, ch. 2). Commeon pouvait s’y attendre, ces inefficacités microécono-miques ont entraîné une détérioration de la situationfinancière des entreprises électriques de la sous-région. D’autre part, la présence de l’État est apparuede plus en plus pesante puisqu’il a continué à assigneraux entreprises publiques d’électricité des missionsnon économiques, alors que les difficultés budgétairesne lui permettaient plus de jouer complètement sonrôle d’actionnaire.

Par ailleurs, les efforts de développement réaliséspendant presque deux décennies ont été certesimportants, mais ils apparaissaient insuffisants auregard des niveaux d’accès à l’électricité encore faibleset au regard du taux de croissance anticipé de lademande. Les investissements nécessaires, toutesformes et tout segment compris en dehors desréseaux de distribution, étaient globalement évaluésen 1990 à 8 milliards de dollars en montant annuelpour l’ensemble du continent africain.

Ce sont donc, d’une part, les difficultés de finan-cement des industries électriques de la sous-régionet, d’autre part, les exigences des bailleurs de fondsqui ont été à la base de l’engagement de nouvellesréformes sectorielles.

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1. World Bank (1993), The World Bank’s role in the electricpower sector, « A world Bank policy paper », WashingtonD.C. ; ESMAP (1996), « Symposium on power sectorreform and efficiency improvement in sub-saharan Africa»,Report no 182/96, The World Bank.

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Le poids des spécificités des industries électriques de la sous-région sur l’adaptationdes schémas de réformeLa recherche de solutions pour contourner lesinefficiences opérationnelles et les difficultés definancement a été au cœur des réformes. Par consé-quent, les leviers d’action à envisager étaient lesprincipales sources d’efficacité microéconomique, àsavoir, premièrement, la redéfinition du régime depropriété par la privatisation pour rétablir les inci-tations à l’efficacité productive et, deuxièmement, lamodification de l’organisation industrielle parl’introduction de la concurrence pour l’efficacitéallocative.

Ces deux leviers d’action font partie des troisdimensions des réformes électriques identifiées delongue date par les économistes, à savoir la priva-tisation, l’introduction de la concurrence et laréforme de la réglementation. Leur mise en œuvre asubi le poids des spécificités des industries électriquesde la sous-région. Il s’agit, d’une part, de la taille dessystèmes électriques et, d’autre part, du «compromissocial » ayant caractérisé leur fonctionnement anté-rieur. Ces deux aspects sont analysés ici.

La concurrence radicale est contrainte par la taille des systèmes électriquesLes industries électriques des pays francophonesd’Afrique subsaharienne sont des systèmes de petitedimension. Les capacités installées se situent autourde 1000 MW pour les plus grands. Il s’ensuit que lepotentiel de développement du secteur est extrême-ment élevé2. Au regard de ces spécificités, il n’est passûr que l’introduction de la concurrence et donc desmarchés de gros ou de détail soit bénéfique, pourdeux raisons :

1. Le modèle de concurrence introduit une incerti-tude dans le fonctionnement du secteur, notam-ment en matière de coordination entre les seg-ments de la production et du transport. Il n’estpas sûr que les coûts de transaction qu’induitcette configuration du secteur soient inférieursaux bénéfices à en attendre.

2. Il y a peu d’incitations à investir dans des actifslourds puisque dans un cadre concurrentiel, leurrentabilisation n’est plus garantie, notamment enraison de l’incertitude sur le niveau des prix.

En définitive, dans des systèmes de petite dimen-sion et à potentiel de croissance élevé, l’introductionde réformes concurrentielles semblables à cellesqu’on observe dans certains pays industrialisés,notamment en Angleterre, ne garantit pas que lesgains d’efficacité à court terme seront supérieurs auxcoûts à long terme de ce mode d’organisation.

Le changement de régime de propriété est contraint par le compromis social antérieurDans le cas des politiques de privatisation, la théorieéconomique prescrit implicitement un transfert desdroits, en pleine propriété3, entre les deux régimespolaires de détention des droits que sont la propriétépublique et la propriété privée. Ce raisonnementrepose sur une hypothèse, elle aussi implicite, d’ab-sence de résistance au transfert des droits, ce qui resteà démontrer lorsque la propriété publique pérenniseune logique de compromis social dans les rapportséconomiques.

Pour comprendre la logique de compromissocial, il faut la situer en perspective avec l’objectifélémentaire d’une entreprise. En effet, la fonctionélémentaire d’une entreprise est de créer de larichesse pour ses propriétaires. Cet objectif nécessiteque l’entreprise maximise son profit. Cela impliquede donner une orientation d’efficacité productiveaux choix de gestion. Bien sûr, la combinaison des

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2. Initialement estimée à 3,6% en moyenne pour la période1990-2010, la croissance de la demande d’électricité a étérévisée à la hausse avec l’amélioration relative de la situationéconomique des pays de la sous-région. On considèredésormais que le taux de croissance en moyenne annuellese situera autour de 5%, sinon plus.

3. La pleine propriété renvoie à la détention de l’ensemble desprérogatives des droits de propriété sur les actifs. VoirTchapga (2002) pour une analyse de cette notion.

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ressources productives doit être optimale dans cetteperspective. Cependant, cet objectif peut perdre lapriorité au profit d’autres finalités dictées par l’envi-ronnement de l’entreprise, ou par la spécificité deson activité. C’est cet éloignement du principed’efficacité microéconomique qui caractérise lalogique du compromis social. Dans le cas desindustries électriques d’Afrique subsaharienne, lecompromis social antérieur avait ouvert la possibilitéde poursuivre de nombreux objectifs (sociaux,politiques, industriels, etc.) souvent antagonistes, etpas toujours favorables à l’efficacité microécono-mique. Deux caractéristiques des industries élec-triques paraissent renforcer la logique de compromissocial : premièrement, elles sont traditionnellementconsidérées comme des activités stratégiques, ce quiveut dire qu’elles sont source d’externalités nettespositives pour le tissu économique et social etdeuxièmement, elles sont le siège d’une quasi-renteimportante en raison du statut de monopole.

Dans la mesure où le transfert des droits enpleine propriété revient à actionner l’ensemble desleviers incitatifs à l’efficacité productive, ce type detransfert remet nécessairement en cause le compro-mis social antérieur. Donc, il n’est pas certain que cetransfert soit mis en œuvre sans résistance, étantdonné que la remise en cause du compromis socialantérieur crée nécessairement des gagnants et desperdants. Par conséquent, les schémas de réformethéoriquement les plus efficaces d’un point de vuemicroéconomique ne sont pas forcément désirés.Ainsi, il est utile, voire nécessaire, de prendre encompte le poids de l’environnement institutionnelsur les choix à mettre en œuvre.

Le poids de l’environnementinstitutionnel sur la délimitationdes choix faisablesLes réformes économiques entraînent des coûts detransition ou d’ajustement des structures. Ces coûtspeuvent être de nature diverse, et ils ne sont pasnécessairement supportés par les mêmes catégoriesd’acteurs. À titre d’illustration, l’objectif d’amélio-ration de la productivité du facteur travail a un

impact sur le bien-être des salariés des entreprisespubliques d’électricité engagées dans un processus deréforme. De même, une politique de rééquilibragetarifaire a un impact sur le bien-être de certainescatégories de consommateurs. Ce rééquilibrage peutaussi, le cas échéant, détériorer la compétitivitérelative ou le développement des industries grossesconsommatrices d’électricité, etc.

Pour ces différentes raisons, l’analyse de l’accepta-bilité des réformes est apparue au moins aussiimportante que l’analyse des réformes elles-mêmes(Libecap, 1989). L’acceptabilité des réformes renvoieà la nécessité de prendre en compte l’environnementsocial de leur mise en œuvre, et particulièrement lesconditions d’adhésion des acteurs au processus.L’acceptabilité des réformes suppose donc que leschoix à mettre en œuvre soient faisables au regard deleurs effets redistributifs immédiats sur le bien-êtredes différents acteurs. Après avoir identifié les acteursdes réformes du secteur électrique dans les paysfrancophones d’Afrique subsaharienne, leur attituderespective vis-à-vis des réformes sera analysée,notamment leur perception des effets redistributifsinduits à court terme.

Environnement institutionnel et identification des acteurs de la réformeEn s’inspirant de la démarche développée par North(1990), les acteurs d’une réforme peuvent être iden-tifiés en partant de la définition de l’environnementinstitutionnel. L’environnement institutionnel ren-voie aux dotations institutionnelles propres à un paysdonné, à savoir le pouvoir législatif et exécutif, lepouvoir judiciaire, les coutumes, les capacités admi-nistratives. C’est à travers ces dotations que les chan-gements de règles et leur mise en œuvre sont opérés.C’est pour cette raison que les développementsthéoriques ayant eu pour objet la démonstration del’importance des règles dans la coordination écono-mique ont conduit à faire de l’environnementinstitutionnel un déterminant central des réformeséconomiques (Levy et Spiller, 1994).

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Selon la conceptualisation de North (1990), lescomposantes de l’environnement institutionnel ontété traditionnellement localisées à l’intérieur desfrontières des économies nationales. Toutefois, dansle cas des pays francophones d’Afrique subsaha-rienne, les bailleurs de fonds internationaux (Banquemondiale et Fonds monétaire international) sont defait des acteurs de la réforme, en raison des plansd’ajustement structurel dont ils ont l’initiative. Lescomposantes de l’environnement institutionnel sontdonc à la fois les acteurs locaux (pouvoirs publics,syndicats, consommateurs/usagers) et les acteursexternes (bailleurs de fonds internationaux, consor-tiums d’offre de service). Ce sont donc les attitudesrespectives de ces acteurs vis-à-vis du processus deréforme qu’il convient d’analyser.

Anticipation des effets redistributifsdu processus par les acteursD’une manière générale, l’ajustement des structuresque met en œuvre une réforme modifie l’équilibresocial antérieur au sein des secteurs économiquesconcernés. Il est donc générateur de frictions qui neprédisposent pas les acteurs à une unicité de vue surle processus, et donc sur leurs comportementsrespectifs. On peut déjà observer que les réformesélectriques de première génération en Afriquesubsaharienne francophone ont été confrontées à desrésistances, ayant dans certains cas retardé l’engage-ment effectif des réformes (Tchapga, 2002). Eneffet, face à la « menace » de remise en cause ducompromis social antérieur, la perception des effetsredistributifs sur le bien-être respectif des acteurs aété un facteur déterminant de leur degré d’adhésionaux réformes.

1. Le rétablissement des équilibres financiers desentreprises électriques est un des objectifs assignésà la réforme. Cet objectif vise la diminution del’encours de la dette sectorielle. Il est donc favorisépar les bailleurs de fonds internationaux. En effet,l’amélioration des performances financières per-met aux bailleurs de fonds de rentabiliser leursengagements antérieurs. L’anticipation d’une

amélioration de leur position respective est de cepoint de vue cohérente avec leur rôle de prescrip-teur des réformes.

2. Les prescriptions de réforme concernent aussi lamise à l’écart de l’État de la gestion des entreprisesd’électricité. Cette mesure vise l’amélioration del’efficacité opérationnelle (maîtrise des pertes nontechniques, baisse des pertes commerciales ettechniques, etc.). Cela revient à mettre fin auxinterférences des pouvoirs publics dans le fonc-tionnement du secteur. La conséquence en est queles pouvoirs publics perdent le contrôle d’uninstrument de marchandage politique. Donc, cettecatégorie d’acteurs n’a pas toujours montré unempressement à mettre en œuvre les réformes.

3. L’amélioration des performances appelle la restau-ration de la qualité du signal tarifaire pour refléterles coûts réels. La tarification basée sur les coûtsautorise uniquement les subventions croisées,imposées par les obligations de service public(péréquation tarifaire, raccordement de tous à unprix abordable, etc.). Elle interdit les subventionsqui consistent à financer des prix de faveur surcertains segments de marché par des tarificationsexcessives sur des segments captifs. Le rééquilibragedes prix qui en est le corollaire a un impact sur lebien-être des consommateurs. Dans l’hypothèse oùles consommateurs sont bien organisés, ilsdevraient logiquement chercher à peser sur leprocessus afin de protéger leur bien-être.

4. L’amélioration des performances suppose aussi larationalisation des effectifs et l’alignement dessalaires sur la productivité du facteur travail.Cette perspective n’est pas favorable au bien-êtredes salariés, dont le statut antérieur était de type« fonctionnarisé »4. Cette catégorie d’acteurs,appuyée par les organisations syndicales, a par-tout montré une résistance parfois farouche auprocessus (Plane, 1998; Tchapga, 2002).

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4. Outre l’avantage de la stabilité de l’emploi, ce statut reposesur un mode de rémunération des salariés déconnecté deleur productivité, de type indiciaire et majoré de nom-breuses primes et d’indemnités forfaitaires.

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Tableau 2.1Effets redistributifs nets à court terme et attitude des acteurs vis-à-vis de la réforme

AAvvaannttaaggeess oouu iinnccoonnvvéénniieennttss aannttiicciippééss ppaarr lleess ddiifffféérreennttss aacctteeuurrss

SSttrruuccttuurree ddee EEffffeett nneett llaa mmooddiiffiiccaattiioonn àà ccoouurrtt tteerrmmee

Financements additionnels (+)PPoouuvvooiirrss ppuubblliiccss Perte de contrôle du résultat eett ddiirreeccttiioonn et du processus (–)

Grèves et risques politiques (–)

Stabilité de l’emploi (–)Identité syndicale (+)

Rééquilibrage tarifaire (–)CCoonnssoommmmaatteeuurrss Amélioration progressive

de la qualité du service (+)

Paiement de la dette (+)BBaaiilllleeuurrss ddee ffoonnddss Limitation de l’encours

de la dette sectorielle (+)

CCoonnssoorrttiiuummss pprriivvééss Conquête de nouveaux iinntteerrnnaattiioonnaauuxx marchés (+)

Source : Tchapga (2002).

AAcctteeuurrss llooccaauuxx

AAcctteeuurrss eexxtteerrnneess

Négatif

Négatif

Négatif

Positif

Positif

Opposition

Opposition

Opposition

Adhésion

Adhésion

AAttttiittuuddeess ddeess aacctteeuurrss ppaarr rraappppoorrtt aauu pprroocceessssuuss

5. La réforme ouvre la possibilité aux consortiumsinternationaux d’offre de service de renforcer leurimplantation à l’international en s’appuyant surdes engagements rentables. Le capitalisme con-temporain étant caractérisé par une logique com-portementale des entreprises accordant le primatà la création de la valeur pour les actionnaires, ilapparaît clairement que l’anticipation des gainsfuturs est la condition d’adhésion des consor-tiums internationaux d’offre de service à uneréforme électrique. Ces acteurs ont été favorablesà la mise en œuvre des réformes, au moins audébut du processus.

L’analyse ci-dessus montre que l’impact immédiatde la réforme sur le bien-être des acteurs n’est pasuniforme. Or, les promesses d’efficacité économique« à la base » des réformes se réalisent généralementdans un horizon temporel proche du long terme. Cespromesses n’ont donc aucune visibilité, contrai-rement à l’impact sur le bien-être des acteurs dont lavisibilité à court terme est claire. Pour cette raison, cesont les effets redistributifs à court terme qui sont

pertinents dans une perspective d’acceptabilité socialedes réformes. Dans le cas qui nous intéresse ici, le faitque les effets redistributifs perçus par les acteurs nesoient pas uniformes ne favorisait pas une unicité devue de ces mêmes acteurs sur le processus. Parconséquent, on ne pouvait s’attendre à une adhésionspontanée aux réformes de l’ensemble des acteurs. Letableau ci-dessous en donne les raisons.

Ce tableau appelle deux commentaires. Lepremier est que l’adhésion des acteurs aux réformesest motivée par la modification à court terme de leurbien-être respectif. Bien sûr, cette modification peutêtre positive ou négative, ce qui permet de considérerque toute réforme désigne à court terme les gagnantset les perdants de sa mise en œuvre. Les promessesd’amélioration du bien-être collectif à long termesont donc peu décisives pour l’adhésion des acteursau processus. Le second commentaire est que cetteadhésion peut être construite, notamment par desincitations prenant la forme d’une atténuation deseffets redistributifs des réformes.

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LLEESS AACCTTEEUURRSS

SSyynnddiiccaattss

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L’atténuation des effetsredistributifs à la base des choixorganisationnelsCette section examine l’atténuation des effets redistri-butifs dans les réformes électriques des pays d’Afriquesubsaharienne francophones et la traduction de cetteatténuation dans les choix organisationnels opérés.Nous montrerons que les conceptions des réformes quiont émergé ont été le reflet d’un arbitrage entrel’exigence d’adhésion des acteurs et l’objectif decontournement des inefficacités opérationnelles oucelui de contournement des difficultés de financement.

L’adhésion des acteurs auxréformes: un processus construitLes analyses précédentes suggèrent une incompati-bilité relative entre l’objectif d’efficacité économiqueà long terme et le bien-être à court terme de certainsacteurs de la réforme. Il s’agit là d’un constat qui rela-tivise la portée explicative de la logique d’efficacitééconomique dans la mise en œuvre des réformeséconomiques. L’argumentaire théorique de ce constatest fourni par les théoriciens de l’économie néo-institutionnelle5. Les propositions que ces théoriciensformulent peuvent être résumées en deux points :

• Les acteurs des réformes n’adoptent pas sponta-nément les architectures institutionnelles cohé-rentes du point de vue de la logique d’efficienceéconomique. La nécessité d’assurer l’adhésion desacteurs justifie que le jeu institutionnel qui pré-side à l’émergence des formes organisationnellesse soucie des modifications consécutives du bien-être individuel. Autrement dit, les institutionssectorielles et les arrangements organisationnelsne sont pas automatiquement modifiés dans unsens qui va à l’encontre des intérêts des organisa-tions et des acteurs en place.

• Les formes d’organisation qui promettent unemeilleure efficacité économique relative sontaussi celles qui introduisent à court terme desécarts redistributifs importants (Libecap, 1989,p. 21-22). L’arbitrage entre les effets des schémasde réforme en matière de distorsion de bien-êtreindividuel et leur efficacité respective est alors lemoyen par lequel les effets redistributifs sontatténués afin de rendre effectives les réformes.

Dans le cas des réformes du secteur électrique enAfrique subsaharienne, la « déconstruction » ducompromis social antérieur avait rendu nécessaire uneconstruction de nouveaux compromis destinés àdépasser les logiques conflictuelles des acteurs analy-sées précédemment. En effet, deux formes decompromis ont été à la base des réformes électriquesdes pays d’Afrique subsaharienne (Girod, 1997) : ils’agit, d’une part, des compromis sociaux entre lesacteurs locaux (syndicats, entreprises) et, d’autre part,des compromis internationaux avec les bailleurs defonds. Ces compromis ont inévitablement influencéla conception des réformes électriques dans la sous-région et les modèles organisationnels mis en œuvre.

L’hybridation des formesorganisationnelles par la conception des réformesDu point de vue de la conception des réformesélectriques en Afrique subsaharienne et donc deschoix organisationnels effectivement mis en œuvre,l’influence des compromis sociaux peut être déclinéeselon deux axes. Le premier axe concerne le régimede propriété et le second renvoie à l’organisationindustrielle ou, pour le dire autrement, aux modifi-cations structurelles dans l’organisation du secteur.C’est au travers de ces deux axes que l’adhésion desacteurs au processus de réforme a été recherchée.

1. Au sujet de l’axe de la répartition des droits depropriété, on observe que les choix opérés ontprivilégié les arrangements intermédiaires entrela pleine propriété publique et la pleine propriétéprivée. En effet, la théorie des droits de propriétéa depuis longtemps montré que le contenu des

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5. Voir Journal of Institutional and Theoretical Economics,156(1), mars 2000, consacrée aux réformes économiques,notamment la note introductive par D. North.

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droits de propriété est tridimensionnel : le droitde propriété sur un actif est composé du droitd’utiliser cet actif, de lui faire changer de formeou de substance, et du droit de transférer tout oupartie des droits relatifs à cet actif. Dans le cas desréformes électriques en Afrique subsaharienne,on observe que les États propriétaires des entre-prises électriques n’ont pas renoncé à la totalitédes droits de propriété. Dans la plupart des cas, ledroit d’usage des infrastructures a été transféré ausecteur privé et le droit de décision résiduelle,conservé par les États propriétaires. On observeaussi, quel que soit l’arrangement des droits depropriété retenu, que le transfert des droits auxacteurs privés a été limité dans la durée. Du pointde vue de la faisabilité des réformes, l’intérêt desformes de transfert de propriété qui ont émergé aété d’aménager un certain degré d’acceptabilitésociale des réformes, notamment parce qu’ellesont conservé certaines prérogatives des droits, ausens où l’entend la théorie des droits depropriété, dans le domaine public. En effet, cesarrangements ont permis aux pouvoirs publics demaintenir un contrôle étroit sur l’activité et derépondre à la critique de braderie des intérêtsnationaux et de « mainmise étrangère » sur leservice public d’électricité.

2. Au sujet des modifications structurelles, onobserve que les choix opérés, tant en matière deséparation verticale qu’horizontale, ont étéproches du modèle traditionnel. La séparationhorizontale revient à ouvrir les activités potentiel-lement concurrentielles aux nouveaux acteurs.Cette dimension a presque partout concernél’activité de production uniquement, notammentavec l’autorisation de la production indépen-dante. La gestion monopolistique de l’activité defourniture (commercialisation) de l’électricité aété maintenue. La séparation verticale, quant àelle, revient à établir une distinction claire entreles différentes activités du secteur (production/transport/distribution/fourniture). Sa mise enœuvre peut se faire a minima à travers une sépa-ration comptable, ou a maxima par filialisation

ou par séparation juridique dans sa forme la plusélaborée. Sur ce plan, on observe que l’exploita-tion du secteur a été partout confiée à un mono-pole privé, le plus souvent intégré en production,sans que la séparation verticale, même a minima,soit imposée6. Hormis l’introduction de laproduction indépendante, l’intégration verticalea été presque partout préservée.

La combinaison de ces deux axes a débouché surune variété de formes organisationnelles toutes baséessur une contractualisation entre l’État (ou une deses parties) et l’investisseur privé (Tchapga, 2002;Karekezi et al., 2002). Il s’agit des contrats d’affermage,des véritables contrats de concession, des contratsConstruction–Exploitation–Transfert (CET)7 et de leursvariantes, etc. D’une manière générale, les formesorganisationnelles émergentes ont plus ou moins élargiles responsabilités sectorielles confiées aux acteursprivés.

ConclusionL’objectif de ce papier était, premièrement, d’offrirune grille d’analyse des réformes électriques depremière génération dans les pays francophonesd’Afrique subsaharienne et, deuxièmement, d’ouvrirla discussion sur le degré de cohérence entre cesréformes et celles de deuxième génération engagéesdepuis plus de deux ans en Afrique de l’Ouest.

Les difficultés de financement du modèletraditionnel d’organisation des industries électriquesdans les pays francophones d’Afrique subsaharienneont été le principal fondement des réformes depremière génération. Toutefois, les mutations del’environnement économique et institutionnel enont été des facteurs décisifs, notamment en ce quiconcerne les nouvelles exigences des bailleurs defonds. La conception des réformes et leur mise enœuvre ont subi le poids, d’une part, des caracté-ristiques des systèmes de la sous-région et, d’autrepart, des compromis sociaux au cœur de leur

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6. Voir Energy Policy de septembre 2002, vol. 30 (numéroconsacré aux réformes électriques en Afrique).

7. Équivalent au BOT (Build, Operate, Transfer).

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fonctionnement antérieur. Dans ces conditions, lesréformateurs ont cherché, en accord avec les con-traintes propres à l’environnement institutionnel, àatténuer les effets redistributifs des réformes, favo-risant par ce biais l’adhésion des acteurs. La consé-quence visible de l’atténuation des effets redistri-butifs a été l’hybridation des choix organisationnels,tous basés sur une contractualisation entre l’État (ouune de ses parties) et l’investisseur privé.

Le poids de l’environnement institutionnel surl’ensemble du processus de réforme soulève unenouvelle question de recherche, qui est de savoir si leschoix organisationnels opérés favorisent une cohé-rence forte ou faible entre la première et la secondegénération des réformes dans les pays francophonesd’Afrique subsaharienne. Cette perspective derecherche consisterait, premièrement à caractériser,pour la communauté de pays actuellement engagésdans la seconde génération de réformes, les choixorganisationnels effectués par chacun de ces paysdans le cadre des réformes de première génération et,deuxièmement, à développer une démarche analy-tique permettant d’évaluer le degré de cohérenceentre les deux générations de réformes.

BibliographieECOWAS, Vision statement and action plan for West

Africa Power Pool Project, Abuja, Nigeria, janvier2002.

Girod, J., «L’évolution des industries électriques enAfrique de l’Ouest : quelles leçons ? », Communi-cation au colloque «Les entreprises électriques dansles PVD: quel avenir?» Université Paris dauphine,1997.

Karekesi, S. et Kimani, J., « Status of power sectorreform in Africa : impact on the poor », EnergyPolicy, vol. 30, 2002, p. 999-1012.

Levy, B. et Pablo, T. Spiller, «The institutional founda-tions of regulatory commitment : a comparativeanalysis of telecommunications regulation», Journalof law, economics and organization, vol. 10 (2), 1994,p. 201-246.

Libecap, « Distributionnal issues in contracting forproperty rights», Journal of Institutional and Theo-retical Economics, vol. 145, 1989.

North, C.D., Institutions, Institutionnal change andeconomic performance, Cambridge University Press,1990.

Pineau, P.-O., «Electricity sector reform in Cameroon: isprivatization the solution?», Energy Policy, vol. 30,2002, p. 999-1012.

Pineau, P.-O., «Transparency in the dark – An assess-ment of the Cameroonian electricity sector reform»,Working Paper, April 2004, www.uvic. ca/padm/.

Plane, P., «Les services publics africains à l’heure dudésengagement de l’État: changement conservateurou progressiste?», Annales des mines, n° 52, 1998.

Tchapga, F., «L’ouverture des réseaux électriques despays d’Afrique subsaharienne aux capitaux privés :Choix organisationnels et contraintes institution-nelles», thèse de doctorat en sciences économiques,Université Paris 13, juin 2002 (consultable surwww.grjm.net).

Tchapga, F., «La relance de l’investissement sectorielpar le pool électrique intégré de la CEDEAO: Étatdes lieux des appuis institutionnels », commu-nication au Second Sommet de l’Énergie enAfrique, Dakar, décembre 2003.

World Bank, «Reforming Infrastructure. Privatization,Regulation, and Competition», A World Bank PolicyResearch Report, World Bank & Oxford UniversityPress, 2004.

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L’économie néo-institutionnelle appliquée aux réformesélectriques concurrentiellesYannick PEREZMaître de conférences en Sciences ÉconomiquesGroupe Réseaux Jean-Monnet – ADISUniversité de Paris-Sud 11

From the viewpoint of standard economic theory,wholesale markets for electricity are inherently

incomplete and imperfectly competitive.Wilson (2002, p. 1300)

Par la synthèse des expériences de réformes électri-ques, il est possible de dresser un outil de compré-hension des relations entre les parties prenantes auxréformes concurrentielles qui marquent la remise encause de l’intervention publique. L’identification desformes que prennent à la fois l’incertitude etl’opportunisme permet de distinguer un triangle derelations opportunistes que la nouvelle structure degouvernance devra gérer. Cette identification permetalors la compréhension des difficultés inhérentes àtoutes les réformes des industries de réseaux.

IntroductionLes problèmes théoriques soulevés par la réforme del’industrie électrique sont multiples. Les choixdevant être réalisés par les autorités publiquesengagent un grand nombre de dimensions : lestransferts de droits de propriété vers des opérateursprivés (Graham et Prosser, 1991), l’opérationna-lisation de la segmentation des monopoles verti-calement intégrés (Joskow et Schmalensee, 1983), leniveau de dé-intégration verticale et la définition dunombre d’acteurs en production (Green et Newbery,1992) et en distribution (Joskow, 2000), les transfor-mations des anciennes structures de subventionscroisées (Surrey, 1996), les architectures de marchésélectriques et les règles de fixation des prix (Wilson,2002) et, enfin, les diverses structures de supervisionmises en place pour encadrer la production régle-mentaire après l’introduction des réformes.

L’articulation des deux dimensions du cadred’analyse de la Nouvelle Économie Institutionnelle(NEI) permettra de traiter de ce problème. D’unepart, les principaux concepts de la Théorie des Coûtsde Transaction (TCT) permettent de caractériser lesdifficultés transactionnelles particulières de l’industrieélectrique. L’enjeu est de concilier coordination tech-nique et économique dans un système électrique con-currentiel. D’autre part, les analyses des environne-ments institutionnels permettent de déterminer lespossibilités de transformation des cadres industriels etréglementaires, et de prendre la mesure de la diversitédes solutions de réforme dans un cadre unifié (Perez,2002; Chabaud, Parthenay et Perez, 2005a, 2005b).

Les objectifs de cet article sont: (1) de justifier lechoix d’utiliser une lecture des réformes par la com-plémentarité des analyses de la Nouvelle ÉconomieInstitutionnelle, (2) de caractériser les réformescomme une série de choix d’encadrement destransactions contraints à la fois par les caractéristiquesdes transactions et la nature des environnementsinstitutionnels.

L’approche néo-institutionnelle des réformes électriquesLa position de l’économie néo-institutionnelle parrapport à la nouvelle économie de la réglementationrepose sur le même type de problème. Ainsi, lestenants de la nouvelle économie de la réglementationconsidèrent que la réglementation du monopole estpossible et optimale si des mécanismes incitatifs assezefficaces sont mis en place, et s’ils sont correctementsupervisés (Laffont et Tirole, 1993, 2000). La positionde la TCT par rapport à ces travaux est de souligner

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que les seules difficultés contractuelles étudiées sontliées aux asymétries d’information. Cette limitationpermet la modélisation des travaux, mais n’autorisepas de rendre compte de la complexité des problèmesd’encadrement des transactions ni de la diversité dessolutions possibles pour y parvenir (Brousseau, 1993).De même, malgré leur intérêt dans certains autresréseaux, télécommunication, chemin de fer (Yvrande-Billon, 2000), les théories des contrats de franchisedéveloppées par Demsetz (1968) ne semblent pasadaptées au secteur électrique. Il existe dans ce secteurun tel besoin de coordination des activités, unespécificité des actifs si importante et une incertitudetelle que la portée des seuls processus d’enchères pourproduire des réformes électriques efficaces estimpossible (Crocker et Masten, 1996).

Toutefois, les études empiriques connaissent desproblèmes méthodologiques (Prosser, 1999). Lesétudes empiriques sur les structures de régulationmontrent la grande variété des acteurs influençant leprocessus de régulation. Sont en jeu un grand nombred’éléments comme les structures des agences derégulation, les structures administratives, les formesdes parlements, les compétences des pouvoirs judi-ciaires… et plus généralement encore dans les écritsde sciences politiques le rôle des groupes de pression,des entrepreneurs politiques et, encore plus générale-ment, des idées politiques. En comparaison desmodèles formels souvent décriés pour leurs tropgrandes simplifications, les études empiriques «détail-lées et plus réelles » souffrent souvent d’un indéter-minisme fondamental. Ces études de cas s’achèventsouvent sur un pluralisme a-théorique qui ne permetaucune prédiction ou capacité à généraliser1.

Pour résoudre ce problème, il faut ici appliquerles enseignements de la Théorie des Coûts de Tran-saction et de l’analyse institutionnelle composant lesdeux branches de la Nouvelle Économie Institution-nelle. Dans cette perspective, une réforme d’uneindustrie de réseau met en jeu les deux dimensions de

l’analyse néo-institutionnelle2. D’une part, uneréforme s’appuie sur l’environnement institutionnelpour le transformer ; d’autre part, elle introduit lesnouvelles structures de gouvernance devant encadrerles transactions, tout en garantissant une gestion del’opportunisme et la flexibilité face à l’incertitude. Ilconvient donc de présenter le cadre d’analyse desréformes qui apparaît le plus approprié, puis del’appliquer en distinguant les apports de la dimensiontransactionnelle et de la dimension institutionnelle.

La complémentarité des approchesen termes d’économieinstitutionnelleLa Nouvelle Économie Institutionnelle distingue deuxdimensions complémentaires dans l’analyse de laréforme des industries de réseau : la dimension descoûts de transaction et la dimension de l’analyseinstitutionnelle. Les catégories analytiques développéespar Williamson fournissent un éclairage sur la réalité,à partir d’hypothèses qui se veulent pragmatiques. Leshypothèses comportementales, de rationalité limitéeet d’opportunisme, semblent fécondes pour cerner latransformation et le fonctionnement des réformesélectriques. S’inscrivant dans la filiation d’HerbertSimon, Williamson et North développent leursanalyses à partir d’une hypothèse de rationalité limitéedes agents3. Cette hypothèse souligne la limitation deleurs capacités d’acquisition et de traitement del’information. L’hypothèse d’opportunisme permetd’éviter les lectures naïves des réformes, où la coopé-ration doit être construite et ne résulte pas d’un «ordrenaturel». Limités par ces deux hypothèses comporte-mentales, les choix des agents répondront à unerecherche d’efficacité, mais ne relèveront pas d’uneoptimisation des comportements. Il convient de cefait de caractériser les transactions électriques pour endéterminer les contraintes d’encadrement. SelonWilliamson (1996), trois dimensions caractérisent

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1. Prosser (1999) : « ending up with a sort of a-theoriticalpluralism», p. 205.

2. Voir également Finon et Perez (2005 et 2006) pour uneapplication de la NEI aux mécanismes de promotion desénergies renouvelables.

3. Voir Chabaud, Parthenay et Perez (2005c) sur l’évolutionde la pensée de North.

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l’efficacité d’un mode de gouvernance des transac-tions : la spécificité des actifs, l’incertitude et lafréquence des transactions. Les modes de gouvernancedoivent ensuite s’inscrire dans un environnementinstitutionnel qui aura pour fonction de garantir lastabilité et la flexibilité de ces modes dans le temps.

Le recours à l’internalisation des activités au seind’une entreprise verticalement intégrée, où la prise dedécision est réalisée de façon hiérarchique et centra-lisée, n’est pas sans conséquences sur la capacitéd’incitation à l’efficacité productive. De nombreusescritiques sont venues ébranler les diverses justifica-tions économiques, politiques et sociales qui garan-tissaient le mode de fonctionnement verticalementintégré (Joskow, 2000, 2003 ; Hunt, 2002). Cemodèle, permettant un développement accéléréd'actifs lourds en capital et capable de soutenir laréalisation de nombreux objectifs de politiquepublique, présente des défauts d'incitation à l'effica-cité productive et à l'adaptabilité technologique enphase de maturité des débouchés et de progrèstechnologiques rapides et variés (Joskow, 1991).

L’analyse des «coûts de transaction»L’analyse transactionnelle de Williamson et les déve-loppements qui ont vu le jour dans le secteurélectrique permettent de cerner deux problématiquesmajeures des réformes. La première correspond auproblème des limites de la firme intégrée. L’intro-duction de mécanismes concurrentiels, là où ils sontpossibles (Littlechild, 1983; Percebois, 2001; Hunt,2002), nécessite que les fonctions de l’organisationindustrielle soient considérées. Cette phase deréflexion initiale permet d’identifier les problèmestransactionnels que les nouvelles structures de gouver-nance devront chercher à résoudre. De ce fait, lalogique d’intégration des activités, ou du recours à unmarché pour faire, ou faire faire, peut s’appliquer avecprofit dans la réforme de l’industrie électrique. Laseconde dimension correspond à la réflexion sur lesstructures de gouvernance qui doivent encadrer lestransactions.

«La concurrence là où elle est possible»L’introduction de la concurrence là où elle est possibleconduit à envisager une séparation entre «infrastruc-ture4 » et « services», et renvoie à la question fonda-trice des frontières de la firme et du marché (Coase,1937), qui s'appuie sur la définition donnée parWilliamson (1985) selon lequel: «une transaction estun échange de bien ou de service entre une interfaceà technologie séparable». Cette définition s’appliqueclairement dans le cas du système électrique, dans lamesure où il est possible de caractériser chacune destransactions, et de repérer des entités qui sont «tech-nologiquement séparables». Joskow et Schmalensee(1983) montrent par ailleurs que la séparation analy-tique entre le «bien» électricité et le transport d'élec-tricité comme «service» permet de considérer l’offred’électricité comme une succession de transactions« isolables», interdépendantes5 et complémentaires6.Il est alors possible de déterminer un prix pourl’énergie, un prix pour le service du transport de cetteénergie en distinguant le traitement des congestionset des pertes, un prix pour la fourniture de servicesancillaires et l’ajustement des écarts.

Toutefois, dans un système électrique, la dé-intégration verticale ne peut être que relative. Unsystème électrique reste logiquement intégré au sensoù les interdépendances et les complémentaritéstechnico-économiques entre les différents maillons dela chaîne de production interdisent une dé-intégration

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4. Dans le secteur électrique, l’infrastructure est constituée delignes, de transformateurs, de nœuds de répartition… alorsque les services d’exploitation concernent tout ce qui a traitau dispatching et à la fourniture de services auxiliaires, à lagestion des congestions et des pertes, et enfin, à la topologiedu réseau.

5. Il s’avère plus efficace d’exploiter les unités de production,le réseau de transport et de distribution de façon conjointe,ce qui favorise l’organisation interne et la centralisation desdécisions au sein d’une même entreprise.

6. Ainsi, les économies d’échelle réalisables en production nepeuvent exister que dans la mesure où le réseau de transportassure une liaison correcte entre les diverses installations.De surcroît, celles-ci peuvent être accrues lorsque laplanification et la gestion des groupes de production sonteffectuées de façon coordonnée.

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verticale «complète» des décisions opérationnelles7.Kleindorfer (1998) analyse cette ambiguïté de la dé-intégration verticale dans le secteur électrique enremarquant que « ce qui doit être dé-intégré pourassurer la transparence et la concurrence doit êtreréintégré pour assurer des services d’exploitationefficaces».

De ce fait, le « lien » vertical entre les différentesactivités électriques est assuré par une entité centra-lisée : l’opérateur du système. Pour effectuer cettetâche, cet opérateur doit disposer d’une informationparfaite sur les caractéristiques opérationnelles desunités du parc, leur disponibilité ainsi que sur lescaractéristiques des infrastructures. Les producteursne doivent pas produire ni injecter leur électricité s’ilsn’ont pas été autorisés à le faire par l’opérateur dusystème qui, seul, a la capacité d’équilibrer le systèmeélectrique en sollicitant les producteurs (et les con-sommateurs) quand il en a besoin8. Cet accès imposéaux capacités de production ne pose pas de problèmedans une firme intégrée. Cependant, il devient plusdélicat9 à exercer lorsque l’opérateur du système et lesproducteurs sont des firmes distinctes, et que lesproducteurs sont en situation de concurrence.

Cette mise en œuvre de la concurrence passe parla mise en place d’une coordination des activitésformelles sous la forme de combinaison de méca-nismes hiérarchiques ou de mécanismes de marché

spécifiques à chaque réforme. Ces différents méca-nismes entraînent des coûts de transaction liés àl’utilisation du mécanisme de prix sur le marché(Coase, 1960), ou aux coûts de surveillance et demonitoring du processus de contractualisation. Cetteapproche élargit l'analyse des modalités de coordi-nation centrées sur le marché aux mécanismes decoordination «hors marché». Dans un système inté-gré, l’opérateur du système a une connaissance parfaitedes coûts des centrales, ce qui permet une utilisationoptimale des ressources. À l’inverse, dans un systèmedé-intégré, il ne dispose que des prix proposés par lesproducteurs, qui ne sont pas obligés de révéler les coûtsréels. Une nouvelle forme d’opportunisme apparaîtpar l’introduction de mécanismes concurrentiels.

Quelles structures de gouvernance des transactions électriques?

Il s’agit maintenant de déterminer la forme d’organi-sation la plus efficace des transactions considérées.La recherche de l’efficacité s’effectue en choisissantde façon discriminante les structures de gouvernanceen fonction des attributs des transactions. La réponseà cette question se trouve essentiellement dans leséconomies réalisées grâce à l’affectation judicieusedes transactions à une structure de gouvernanceplutôt qu’à une autre, compte tenu des coûts degouvernance liés à la planification, à l’adaptation etau contrôle qui, en présence de rationalité limitée etd’opportunisme des individus, sont incontournables.Les sources des coûts de transaction reposent sur lesattributs de ces transactions, à savoir, respectivement,le degré de spécificité des actifs, le degré d’incertitudedes transactions et la gestion de l’opportunisme, etenfin des problèmes de mesure et d’externalité.

La spécificité des actifsWilliamson identifie cinq sortes de spécificités desactifs : la spécificité de site ; la spécificité de l’actifphysique10 ; la spécificité de l’actif humain ; la

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7. Cette situation de dé-intégration complète impliqueraitque chaque activité puisse être conduite indépendammentdes autres dans le temps et dans l’espace, ou encore que lesinvestissements puissent être réalisés de façon autonome.Compte tenu des contraintes techniques, cette situation eststrictement impossible sur un réseau électrique.

8. L’attribution de la responsabilité des flux électriques quitransitent sur le réseau à un unique «centre de conduite duréseau » implique qu’il ait l’autorité sur : 1) l’appel descentrales et 2) la coupure de l’alimentation des consom-mateurs.

9. La délégation du pouvoir de décision à l’opérateur dusystème ne pose pas de problème en soi, mais une difficultéapparaît par « l’opérationnalisation » de ce pouvoir enfonction (1) de la nature de la séparation verticale choisie,(2) des problèmes et de l’existence de pouvoir de marché,(3) de la présence de comportements opportunistes et enfin(4) des conflits d’intérêts.

10. La spécificité physique peut être également neutralisée parla définition réglementaire de standards ou de normesd’interopérabilité. La spécificité physique de ces activitésest faible ou nulle, car l’électricité est un produit fortementnormalisé depuis longtemps.

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spécificité de l’actif dédié et enfin la spécificité tempo-relle. Dans le cadre des hypothèses de rationalitélimitée et d’opportunisme qui structure les réflexionsde la TCT, la constitution de ces actifs nécessite uninvestissement spécifique et induit une forme dedépendance que la structure de gouvernance doit êtreen mesure de coordonner efficacement. Théori-quement, un actif est spécifique s’il ne peut êtreredéployé sans perte de valeur productive en cas d’in-terruption ou d’achèvement prématuré du contrat(Williamson, 1996). Les investissements spécifiquescorrespondent alors à des investissements durables etnon redéployables sans coûts. Si la relation est bila-térale, ils enferment les deux parties dans une situa-tion de dépendance qui accroît les risques d’oppor-tunisme. De ce fait, la présence d’actifs spécifiquescrée une quasi-rente organisationnelle appropriablequi suscite les convoitises et pousse à des renégo-ciations entre les contractants11. Cette quasi-rentevalorise la continuité de la relation et conditionne laproductivité de ces actifs spécifiques à son articulationavec les autres facteurs de production. Néanmoins, enprésence d’actifs spécifiques, il est nécessaire de coor-donner étroitement les relations entre contractants.

Dans le secteur électrique, la spécificité des actifsprend trois formes déterminantes : la spécificité desite, la spécificité temporelle et la spécificité desactifs dédiés. D’abord, la spécificité de site reflètel’importance du choix de la localisation des unitésde production, notamment des plus capitalistiques.Compte tenu de cette caractéristique, la productiond’électricité requiert une planification optimalecherchant à réaliser des économies de localisation enfonction des possibilités d’approvisionnement encombustible et des contraintes environnementales.L’installation des centrales est déterminée par laproximité avec une source d’énergie primaire12, oude moyens de transport adaptés aux flux de cesmatières premières. Ces économies s’épuisent avecl’interconnexion des réseaux et leur densification,

mais subsistent toujours sous la forme d’une dépen-dance de la production aux contraintes de transportsoit des matières premières, soit du bien électriquesur les réseaux13. Dans le secteur électrique, laspécificité de site offre parfois aux opérateurs despouvoirs de marché locaux importants. Le pouvoirde marché est local au sens où un producteur tireson pouvoir de marché de sa localisation dans unezone géographique donnée, dont les frontièresdépendent des contraintes de réseau (essentielle-ment les congestions), et des investissements enproduction et en infrastructures de transport. Lepouvoir de marché local est sans doute la forme depouvoir de marché la plus symptomatique dusecteur électrique, car elle repose sur l'existence decontraintes de réseau de transport, et sur les pro-priétés de circulation des flux électriques dans leréseau. Elle est aussi la plus délicate à analyser, carelle implique de prendre en considération de façonexplicite la configuration du réseau d’une part, maisaussi les règles de circulation dans le réseau, ce quiintroduit une dimension technique particulièrementcomplexe. L’objectif est alors d’identifier les com-portements stratégiques qui consistent à utiliser lesexternalités de réseau pour exercer un pouvoir demarché sur le marché spot, et à pratiquer un «hold-up » sur l’opérateur du système ou sur ceux quipayent les coûts supplémentaires liés aux conges-tions ou aux externalités (Joskow, 2000). Cepen-dant, cette zone géographique est «mouvante», augré des congestions et des contraintes techniques,selon le niveau de tension entre l'offre et la demandeà l'échelle du système. Surtout, certains producteurs,du fait de leur pouvoir de marché, peuvent influersur l'étendue de la zone géographique sur laquelleils interviennent, en créant volontairement descongestions (Borenstein, Bushnell, Stoft, 1998 ;Wolfram, 1999; Stoft, 2002). Cette stratégie est uneconséquence directe de la déréglementation, et de

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11. L’objet des négociations porte alors sur l’appropriationd’une partie plus importante de la quasi-rente.

12. Comme les mines de charbon, par exemple en Espagne,aux États-Unis et en Allemagne.

13. Ces contraintes seraient moins importantes si le réseau detransport était parfaitement maillé et que la localisation desunités de production devenait anodine. Un réseau parfai-tement maillé est une entreprise extrêmement coûteuseconcrètement.

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l’introduction de la concurrence en production.Dans un monopole verticalement intégré, il n’y apas d’incitation à créer des congestions, car il n’y aaucun profit à en tirer, alors que les coûts peuventêtre très élevés. Dans le secteur électrique, la spéci-ficité de site offre aux opérateurs des pouvoirs demarché locaux importants. Ce risque de compor-tement opportuniste est très délicat à prendre encharge au niveau de la définition des règles de fonc-tionnement du nouveau système de coordinationdes activités électriques. Une structure de gouver-nance ex post doit permettre d’éviter l’abus deposition dominante au niveau local, bien que cettetâche ne soit pas évidente sur le plan analytique.

La seconde forme de spécificité présente dans lesecteur électrique concerne la spécificité temporelle.Elle résulte de l’importance de la synchronisation desactions et des réactions des opérateurs afin d’assurerla coordination technique des systèmes électriques entemps réel avec, à la fois, une confrontation des offreset des demandes, et la gestion des aléas. Compte tenude la spécificité temporelle très importante, la coopé-ration entre les maillons de production et de trans-port, par le biais du dispatching, est une exigenceabsolue pour la meilleure performance du systèmeélectrique14. La spécificité temporelle nécessite unestructure de gouvernance ex post, mais plusieursgenres de structures demeurent possibles15. Cettespécificité temporelle seule peut pousser à l’intégra-tion verticale (la «gouvernance unifiée») si les rela-tions de dépendance entre utilisateur et fournisseursont très asymétriques, car une gouvernance «bila-térale» ne serait pas, dans ce cas, une garantie ex post

suffisante. Mais la gestion des interdépendancesdécoulant de la spécificité temporelle peut aussidemeurer dans une structure bilatérale en cas desymétrie d’engagement entre les deux partenaires(Aoki, 1988), ou se placer efficacement dans lesmains d’une autorité spécialisée en cas de relationmultilatérale (Ménard, 1995 et 1997).

Enfin, la dernière forme de spécificité des actifsconcerne la spécificité de l’actif dédié. Cet actif est trèsprésent dans l’industrie électrique dont les actifs sontà la fois capitalistiques et très faiblement redéployablesvers d’autres activités économiques. Noll, Cowan etShirley (2000) montrent que, dans ce cas, l’opportu-nisme gouvernemental s’exprime plus facilement pardes possibilités d’expropriations relatives ou absolues.L’expropriation absolue consiste en la nationalisationdes actifs dédiés privés ; l’expropriation relative neporte que sur la captation par une réglementationpublique de la quasi-rente organisationnelle issue desactifs spécifiques. Ces auteurs distinguent deux typesde rentes présentes dans les industries de réseaux. Lapremière est induite par la présence d’un réseau enmonopole naturel qui permet parfois l’extraction derentes de monopoles que l’on distribue aux groupesde pression, ou aux fournisseurs de matières premièresen difficulté. La seconde découle de la nature desinvestissements et de la durée des immobilisations decapital, et de la présence de quasi-rentes potentiel-lement exploitables. En effet, la production électriqueest une énergie secondaire qui s’obtient en mobilisantplus ou moins facilement en intensité, et en coûts,plusieurs sources d’énergie primaire dans un processusde production aux investissements initiaux trèsimportants. Les actifs spécifiques et la durabilité desactifs induisent la présence de quasi-rentes qui doiventthéoriquement revenir aux investisseurs. Néanmoins,compte tenu de la nature politique qu’ont prise laproduction, le transport et la commercialisationd’électricité, cette quasi-rente a fait l’objet de bien desmanipulations. Dans les pays développés16, la litté-rature sur la capture des gouvernements par les

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14. Le dispatching central doit pouvoir bénéficier de l’effet defoisonnement lié à la loi du grand nombre. Le réseauélectrique permet un regroupement des clientèles et favoriseun effet de foisonnement. Il est défini comme un effetpositif de lissage des niveaux de consommation qui estcorrélé à l’étendue géographique du réseau et au nombrede clients aux consommations différenciées dans le tempsqui y sont reliés. En effet, plus le réseau est étendu, plus ilpermet que le niveau de demande moyenne adressée auxproducteurs reste dans l’espace de la production de base oude semi-base, production dont on a vu qu’elle est la moinscoûteuse.

15. Comme le montre la diversité des expériences nationales.

16. En Amérique latine, le problème de la distribution de cettequasi-rente s’applique à l’ensemble des consommateurs pardes prix de fourniture très bas (Rufin, 2003).

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Figure 3.1La gestion de l’opportunisme dans les relations entre le gouvernement,

les entreprises et les groupes de pression

Limiter l’opportunismegouvernemental et le risque

d’expropriation

Le gouvernement

Les entreprisesélectriques

Les groupes de pression

Limiter les demandes de protection

Limiter l’exercice des pouvoirs de marché

opérateurs historiques est importante. La rationa-lisation des effectifs électriques (Newbery, 2005), laremise en cause des subventions accordées au secteurcharbonnier national (Arocena, 1998) et, dans unemoindre mesure, les politiques de promotion del’énergie nucléaire (Surrey, 1996) peuvent se com-prendre comme une lutte d’influence pour conserverou perdre une partie de ces rentes électriques.

L’incertitude et l’opportunismeLa capacité d’adaptation aux continences d’unestructure de gouvernance est mise à l’épreuve parl’incertitude dérivant des aléas de la mesure et descomportements non prévus des acteurs. Dans lalittérature de la Théorie des Coûts de Transaction,deux types d’incertitude sont pris en compte; l’incer-titude stratégique, qui reflète la propension à l’op-portunisme des agents, et l’incertitude innocente,qui dérive de la rationalité limitée. L’introduction dugouvernement dans cette constitution d’actifs spéci-fiques conduit à prendre en compte une troisièmeforme d’incertitude, l’incertitude institutionnelle.Cette dernière forme d’incertitude est conditionnéepar les capacités d’interventions opportunistes dontdisposent les gouvernements et nécessite un traite-ment particulier.

L’insertion des environnements institutionnelspermet d’enrichir la vision traditionnelle de l’incer-

titude dans le cadre de la TCT. En introduisant ladimension de l’environnement institutionnel, l’incer-titude peut devenir institutionnelle. Ainsi, les change-ments de rythme de croissance économique, l’intro-duction du progrès technique appliqué aux nouvellestechnologies de production, les dynamiques régle-mentaires environnementales, les modifications despréférences du gouvernement induisent une incerti-tude institutionnelle. Les structures de gouvernanceintroduites pour gérer les transactions électriquesdoivent donc faire face à trois formes d’incertitude:une incertitude stratégique, une incertitude inno-cente et enfin une incertitude institutionnelle. Cestrois formes d’incertitude contraignent les méca-nismes de coordination des activités et les structuresde gouvernance les encadrant. Dans le cadre de laTCT, le couple mécanisme de coordination – struc-ture de gouvernance doit donc être en mesure delimiter l’opportunisme causé par cette incertitude.

En introduisant la dimension des environnementsinstitutionnels, Spiller (1996), Levy et Spiller (1994)ainsi que Guasch et Spiller (1999) proposent une pré-sentation des principaux problèmes d’opportunismeque doit résoudre une structure de gouvernance. Cesproblèmes mettent en lumière les possibilités de com-portement opportuniste dans les relations trilatéralesentre (1) le gouvernement et les entreprises, (2) lesentreprises et les consommateurs, et enfin (3) les

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groupes d’intérêts17 et le gouvernement. Pour plus declarté dans le traitement de ces questions, il est utilede construire un triangle d’opportunisme dans lesindustries de réseaux.

La première dimension de l’opportunisme s’ex-prime entre le gouvernement et les entreprises élec-triques. L’enjeu est de limiter l’opportunisme gouver-nemental qui peut s’exprimer par une expropriationrelative ou absolue de la quasi-rente issue de la spéci-ficité des actifs électriques. Pour ce faire, des garantiesex ante peuvent être demandées, mais elles doiventégalement être accompagnées de mesures supplémen-taires ex post, car l’incertitude institutionnelle et lapeur de l’intervention de l’État sont des notions clefsqui ne permettent pas que de simples garantiesex ante soient suffisantes dans les industries de réseaux(Moe, 1991; Moe et Howell, 1999; Moe et Cadwell,1994). Nous préciserons les conséquences de cetopportunisme gouvernemental avant, pendant etaprès la réforme.

La deuxième dimension de l’opportunisme s’ex-prime dans les relations entre les entreprises et lesconsommateurs d’électricité. La possibilité d’utiliserdes pouvoirs de marché locaux, l’existence d’un réseauen monopole et l’absence de solutions de rechange à lafourniture électrique permettent à l’opportunisme desentreprises électriques d’être très important. Sans cadrede réglementation, publique ou privée, cette dimen-sion de l’exercice d’un pouvoir de marché des opéra-teurs électriques sur les consommateurs est cruciale.Compte tenu de la dépendance entre consommateurset producteurs, si les consommateurs subissent l’op-portunisme des opérateurs, ils peuvent s’en plaindredevant les tribunaux, ou auprès du gouvernement.Ces demandes de protection gouvernementale ne sontpas le simple fait des consommateurs; tous les groupesde pression ont, a priori, intérêt à demander ce typede protection au gouvernement. Ces demandes,soutenues par une activité de lobbying des groupes depression, constituent le dernier problème d’opportu-nisme que le couple mécanismes de coordination-structure de gouvernance doit limiter.

La dernière dimension de l’opportunisme con-cerne les demandes de protection des différentsgroupes de pression (lobbies) au gouvernement.Comme «groupe de pression» revêt une connotationpéjorative, nous lui préférerons le terme «partieprenante à la réforme» (stakeholders). La distinctionentre les deux termes porte sur la légitimité desdemandes des différents groupes sur une base histo-rique. Les parties prenantes à la réforme sont donc desgroupes de pression historiquement présents dans lafilière électrique. La liste des parties prenantes et deleurs demandes de protection illustre la complexité etl’ampleur des contraintes de transformation desanciens cadres réglementaires. Les parties prenantespeuvent demander des protections de nombreusesmanières, et l’industrie électrique a été de diversesfaçons instrumentalisée pour servir un grand nombred’objectifs politiques, sociaux et économiques assezéloignés de la seule efficacité de la fourniture (Joskow,1991; Surrey, 1996; Finon, 2001; Newbery, 2000).Les instruments économiques de ces demandes deprotection couvrent un large éventail de remèdes allantdes subventions croisées aux subventions directes, descontrats de fourniture de matières premières à des prixsupérieurs aux cours des marchés mondiaux aux choixde filières technologiques en fonction d’objectifspolitiques d’indépendance, de logique de tarificationidentique en fonction des profils de consommation àl’aide aux consommateurs en difficulté…

La seconde branche de la théorie des coûts de transations

Depuis les travaux fondateurs sur les implicationsorganisationnelles des problèmes de mesure parAlchain et Demsetz (1972), il est reconnu qu’uneorganisation économique doit satisfaire deux exigencesclefs: mesurer la productivité des imputs et les rému-nérations des facteurs de production. Lorsque, pourdiverses raisons18, il est difficile de satisfaire ces deuxexigences de mesure, l’incitation à la coopération,nécessaire à la réalisation des échanges, diminue19.

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18. Technologiques ou autres.19. Ceci, en raison du problème de la répartition des bénéfices

en fonction de la productivité marginale, est difficilementréalisable.17. Dont les consommateurs font partie.

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Dans ce cas, une rémunération planifiée et centraliséedes facteurs de production peut, mieux que le marché,faire face aux problèmes de mesure. Plus l’informationest coûteuse20, plus il est difficile de mesurer la pro-ductivité marginale des facteurs de production,comme le fait le marché. Williamson présente d’ail-leurs les problèmes d’externalités et de mesure commeconstituant la «deuxième branche» de «l’économie descoûts de transaction» (Wiliamson, 1985).

Les problèmes de mesure

Dans l’industrie électrique, ces conditions d’informa-tion coûteuse et limitée se vérifient par la présence desexternalités et des problèmes de mesure. Il est ainsitrès délicat de distinguer en tout temps qui est res-ponsable et doit couvrir les coûts de prévention et lecoût des conséquences des actions entreprises enproduction, en transport et en distribution. Dans lepassé, ces coûts ne pouvaient pas être différenciés, carmesurer et manipuler un trop grand nombre designaux générait des coûts exorbitants, ou s’avéraitstrictement impossible. Il était alors accepté qu’il étaitimpossible de réaliser la gestion des flux électriquespar l’intermédiaire de mécanismes de marché. Lanon-traçabilité de l’électricité et les lois de circulationde l’électricité dans les lignes de transport d’un réseaumaillé21 sont des caractéristiques techniques qui ontun impact fort sur l’organisation des échanges. Unréseau maillé permet d’augmenter la fiabilité de l’en-semble du système et de diminuer les coûts en casd’incident, car il existe toujours plusieurs solutionspour acheminer l’énergie d’un point A vers unpoint B. Néanmoins, cette sécurité de distribution aun inconvénient majeur pour l’opérateur du sys-tème22: elle rend la localisation et la traçabilité des fluxdans les lignes impossibles à déterminer a priori. Eneffet, l’énergie électrique peut être acheminée du

nœud d’injection au nœud de soutirage par deschemins différents en respectant les propriétés phy-siques appelées « lois de Kirchoff », qui régissentla circulation des courants selon le « chemin desélectrons»23.

Les externalités

Les contraintes de sécurité des lignes de transportsont très strictes. Les lignes à haute tension nesupportent l’énergie transportée qu’en deçà de seuilsnormés en voltage et en intensité. Le flux d'énergietransmis sur une ligne de transport ou de distributioninterconnectée à un réseau affecte instantanément lesconditions dans lesquelles le flux d’énergie transitedans les autres lignes interconnectées. Tout change-ment affectant l’offre ou la demande d’électricité sepropage sur l’ensemble du réseau sans que celui quiinjecte ou qui soutire l’électricité puisse maîtriserl’impact de son action. Un producteur qui injecte del’électricité dans le réseau modifie «involontairement»et instantanément le trajet du courant et la répartitiondes flux dans l’ensemble du réseau, positivement ounégativement. Cette modification peut avoir unimpact positif – au sens où cela génère un gaind’exploitation au niveau du système – lorsque celapermet de résoudre une congestion, de fournir les« services auxiliaires » nécessaires au maintien desniveaux de fréquence et de tension ou d’assurer unsecours en cas d’incident. Mais elle peut aussi avoirun impact négatif – au sens où cela entraîne un coûtd’exploitation pour le système – quand elle crée descongestions24, génère des pertes supplémentaires,augmente les transits de puissance réactive ou crée undéséquilibre qui affecte la qualité de l’électricité.

La coordination technique permet un contrôle dela qualité du produit-électricité (variation de fré-quence et de tension, harmoniques, coefficient de

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20. En termes de création ou de gestion.21. En Europe, les réseaux de transport à haute tension se

caractérisent par une structure maillée, ce qui signifie quepour aller d’un point à un autre, il y a plusieurs cheminsdisposés comme les mailles d’un filet.

22. Il est le «planificateur» centralisé, responsable de la sûretédu système, c’est-à-dire de l’équilibre instantané et continudes flux physiques entre l’offre et la demande.

23. Ces lois établissent que, à plan de production donné, iln’existe qu’une solution pour acheminer les puissances. Elleconsiste à suivre les lignes de moindre résistance.

24. Situation où les limites de sécurité des lignes de transportsont atteintes et qui nécessite une modification du plan deproduction ou de consommation électrique initialementprévu.

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réactivité, microcoupures) en éliminant les externa-lités négatives. Elle ouvre sur l'exploitation d'externa-lités positives par l'agrégation des offres et desdemandes, en assurant l'adaptation instantanée del'offre aux fluctuations de chaque demande indivi-duelle et en mutualisant les risques de défaillance enproduction. Elle permet également une économie surles réserves de puissance. D’autre part, la coexistenced’un potentiel important d’externalités négatives(congestions, black-out) et d’une forte spécificité tem-porelle (équilibre production-consommation en«juste à temps») a conduit au maintien de procéduresde coopération renforcée sur l’ensemble du secteur25.

Vers une identification des structures de gouvernance

Dans le secteur électrique, la spécificité des actifsélectriques prend trois formes déterminantes : laspécificité de site, la spécificité temporelle et la spé-cificité des actifs dédiés. La combinaison de ces troisformes appelle alors la mise en place de structures degouvernance qui puissent encadrer les règles de coor-dination des activités à la fois ex ante et ex post.

La coexistence d’externalités positives et négativesappelle des solutions différenciées dans la perspectivede la TCT. Comme le souligne Glachant et Finon(2003), certaines solutions reposent sur le design descomposantes ex ante de la relation contractuelle26.D’autres solutions reposent sur des mécanismesex post d’ajustement27. La plupart de ces extensions del’analyse des coûts de transaction aux externalités etaux problèmes de mesure limitent le rôle joué par les

mécanismes concurrentiels seuls. Toutefois, ce n’estpas pour en appeler directement à l’interventionpublique, mais pour stimuler différentes formes«d’ordre privé» où les agents économiques négocientvolontairement, et établissent entre eux les règles decomportement, les engagements et les sanctionsnécessaires au développement de leurs relations.

Depuis Goldberg (1976), la TCT dispose d’uncadre d’analyse des industries réglementées intro-duisant la notion de contrat administré implicite.Selon cet auteur, le contrat administré implicite est uncontrat de subordination à long terme qui nécessiteque les parties négocient régulièrement pour s’adapteraux aléas rencontrés. Selon cette interprétation, lescommissions américaines qui encadrent les industriesréglementées s’appuient sur une forme de contratadministré d’ajustement des termes du contrat. Lecontrat, entre l’agence, les consommateurs et la firmerégulée, est donc collectif. Dans le cas américain, lasupervision de ces relations est assurée par le pouvoirlégislatif. Les juges et les législateurs sont donc lesagents qui collectent l’information, édictent etmodifient les règles du jeu en fonction des aléas et del’incertitude. Dans ce schéma, l’accent est mis sur ladimension temporelle, tandis que les questions defixation des prix et de quantité sont considéréescomme des variables secondaires. Dans sa vision duproblème de la régulation, Goldberg insiste sur ladurée des relations permettant la gestion de l’incer-titude, et la complexité transactionnelle par des méca-nismes de modification et de compensation ex post.

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25. Ce sont les activités quotidiennes des « Gestionnaires deRéseaux» : le dispatching des injections d’électricité sur lesréseaux, l’approvisionnement du réseau en «services auxi-liaires» – réserves, énergie réactive –, l’équilibrage physiqueoffre-demande en temps réel et la gestion des congestions –et le règlement commercial – des déséquilibres physiques.

26. Agissant sur l’amont du contrat : ajustement ex ante desdroits de propriété et des incitations, conception de bou-quets d’incitations ou de menus d’actions autorisées(Demsetz, 1968; Lafontaine et Raynaud, 2000).

27. Centrés sur l’aval du contrat et la gestion ex post du proces-sus information-décision: attribution de droits de contrôleet de décision ex post à une des parties (Alchian et Demsetz,1972; Aoki, 1988; Brousseau et Glachant, 2002).

Incertitude

Actifs spécifiques

Marché Spot Contrat de franchise Contrats administrés

Oui

OuiNon

Non

Figure 3.2 Le choix des modes de coordination

des transactions

Klein (2000), Lafontaine et Raynaud (2000), Goldberg (1976).

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Dans la problématique de la réforme, l’approchede Goldberg est à la fois pertinente et limitée. Perti-nente quand elle souligne le besoin de coordinationet de flexibilité si l’environnement est incertain et lestransactions très spécifiques (Crocker et Masten,1996). Mais limitée par le caractère « implicite» ducontrat qu’elle adopte. Dans ce caractère se dissimuleune série de questions liées à la diversité des réformeset des dispositifs publics ou privés qui peuvent enca-drer les transactions électriques. La complémentaritéde l’analyse transactionnelle et de l’analyse institu-tionnelle est ici particulièrement sensible.

La dimension des environnementsinstitutionnelsLes nombreux coûts de transaction présents, laspécificité des actifs dédiés, la spécificité de site et laspécificité temporelle appellent des structures degouvernance ex ante et ex post publiques ou privéesqui garantissent la stabilité et la flexibilité des méca-nismes de coordination des activités, tout en limitantles trois différentes formes d’opportunisme. Cetteindétermination des structures des formes de gouver-nance est en partie résolue par l’introduction desenvironnements institutionnels dans l’analyse desréformes. De l’ensemble des choix possibles, l’intro-duction de la dimension d’analyse des environne-ments institutionnels permet de rendre compte deschoix sélectionnés.

L’intervention publique dans l’industrie électriquetrouve ses origines dans la convergence des préoc-cupations d’efficacité économique, politique, deservice public et de satisfaction des diverses demandesdes parties prenantes. Ces préoccupations se sonttraduites, à travers le temps, par une intervention plusou moins directe de la part des pouvoirs publics. Lesarguments en faveur de cette intervention réglemen-taire portent à la fois sur des raisons de protection desentreprises, des consommateurs et des objectifs poli-tiques très larges qui ont conduit à une série demesures économiques de protection28. Appuyés sur

une logique normative de réglementation, les pou-voirs publics ont ainsi produit un cadre légal defonctionnement du secteur électrique qui visaitplusieurs objectifs : la prise en compte de la dimen-sion monopole naturel (plus ou moins étendue auxactivités de production) et la prise en compte dedimensions sociales par des subventions croisées etdes objectifs de redistribution des revenus entre lesdifférentes parties prenantes du secteur électrique. Lanouvelle économie institutionnelle propose uneéconomie de la réglementation qui ne repose pas surla comparaison systématique avec la situation paréto-optimale. Elle propose d’évaluer la pertinence del’intervention publique en fonction des compétencesrespectives des organisations publiques et privées àl’aune des attributs des transactions.

La réforme de l’industrie électrique est un pro-duit institutionnel mis en œuvre par les pouvoirspublics. Ceux-ci doivent introduire, de fait, unestructure de gouvernance qui définisse ex ante etex post les modalités de fonctionnement de l’organi-sation industrielle. Les contraintes suivantes ont étéidentifiées : (1) des difficultés techniques et écono-miques de coordination, (2) la présence d’actifsspécifiques et l’existence d’une quasi-rente organisa-tionnelle, (3) la présence de diverses externalités etde problèmes de mesure, et enfin, (4) la présenced’un triangle de comportements opportunistes. Lanature et l’intensité des interventions des pouvoirspublics illustrent la complémentarité et la pertinencede l’introduction des environnements institutionnelsdans l’analyse transactionnelle.

Environnement institutionnel et dimensionstransactionnelles

Pour simplifier la présentation, dans un premiertemps, l’hypothèse que la capacité d’action des pou-voirs publics n’est pas limitée institutionnellements’impose. Le gouvernement est donc en mesure d’agirsur les cadres réglementaires, la distribution desrevenus et l’efficacité du système électrique. De cefait, la loi et le règlement publics peuvent dé-intégrerverticalement les industries par diverses formesd’«unbudling», plus ou moins contraignantes pour les

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28. Voir Finon et Staropoli (2001) pour une analyse de cesmécanismes au niveau de l’industrie nucléaire française etbritannique.

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opérateurs. Les séparations prennent différentesformes selon qu’elles se limitent à l’aspect comptableou opérationnel des différentes activités ou bienqu’elles concernent aussi la structure de la propriété.Joskow (1996) distingue trois niveaux de séparation:1) la séparation comptable29, 2) la séparation orga-nique ou structurelle (filialisation) et 3) la séparationjuridique. Ces formes de séparation rendent pluscrédibles ex ante les engagements de comportementnon discriminatoire des gestionnaires des infrastruc-tures dans le cadre des séparations verticales del’industrie électrique (Glachant et Lévêque, 1999).

Ces choix de séparation verticale et horizontalecomprennent une dimension institutionnelle indénia-ble, notamment quand ils ont pour point de départun monopole public verticalement intégré, exigeantune décision des autorités publiques concernant à lafois le degré de dé-intégration (ou de démantèlementdu monopole) et le choix de privatiser ou non. Parailleurs, quels que soient les choix qui sont faitsconcernant les modalités de séparation verticale, desinstruments de régulation adaptés doivent être mis enplace, notamment aux interfaces entre les différentssegments. Ainsi, l’accès en production, l’accès auxinfrastructures et l’accès à la clientèle restent deséléments devant faire l’objet d’une régulation. Cetravail suppose une implication forte et un suivi desautorités en charge de la régulation du secteur. Au-delàde la définition de la séparation verticale et horizontaleentre les activités, Glachant et Finon (2003) montrentqu’a priori, la loi et les règlements publics peuventégalement agir directement sur deux sources majeuresde coûts de transaction, soit la spécificité des actifs etles problèmes d’externalités et de mesure.

L’action sur la spécificité des actifs et les problèmesde mesure

La réglementation publique peut changer la natureou le degré de dépendance des utilisateurs envers les

infrastructures des réseaux qu’ils utilisent. Ainsi, laspécificité de site peut être réduite, et parfois sup-primée, par l’attribution de « droits » d’accès et deraccordement aux utilisateurs des infrastructures. Demême, la construction réglementée de connexionssupplémentaires peut transformer la spécificité desite en modifiant la topologie des réseaux30. De plus,la spécificité temporelle peut être atténuée par ladésignation d’un responsable assermenté du synchro-nisme des flux. Sur la plupart des réseaux d’électri-cité, les spécificités de site et les spécificités d’actifsdédiés peuvent être réduites à leur minimum par lenouveau cadre réglementaire ou par le maillage desréseaux entre les compagnies et entre les pays. Cesspécificités ne réapparaissent fortement que parmoments, ici ou là, notamment dans la gestion desexternalités négatives de réseau, les congestions, quideviennent un moment critique d’exercice de pou-voirs de marché.

La question de l’opportunisme gouvernementalIl est essentiel de bien comprendre que la libertéd’action dont jouissent les pouvoirs publics peutégalement leur permettre d’agir avec opportunismedans la recomposition du mode d’organisation élec-trique. Sur cette troisième source de coûts de tran-saction, l’action réformatrice du gouvernement seheurte au problème de la crédibilité des engagementsdans un univers incertain. L’étude de l’environne-ment institutionnel montre que cet opportunismegouvernemental (Moe, 1991; Levy et Spiller, 1994;Guasch et Spiller, 1999), conjugué avec les deuxautres formes d’opportunisme – les pouvoirs demarché et les demandes de protection des parties pre-nantes –, pose un problème d’arbitrage entre lastabilité des engagements et les gains permis parl’adaptation aux évolutions des conditions. La diffi-culté réside, comme le souligne Weingast (1995),dans le fait qu’un gouvernement assez fort pourprotéger les droits de propriété des contractants l’estégalement pour s’approprier les bénéfices de l’activité.

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29. Dans ce cas, des garanties doivent être apportées quant à lacontestabilité effective du marché (notamment les condi-tions d’accès aux infrastructures), la possibilité de verser dessubventions croisées détournées et les conflits d’intérêtsqu’elle peut engendrer.

30. L’accroissement des capacités d’interconnexion avec lesautres systèmes électriques est, à ce titre, particulièrementefficace.

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Environnement institutionnel et intensité des interventions publiques

En levant l’hypothèse portant sur cette capacitéd’action illimitée des pouvoirs publics, le problèmeévolue et une analyse des capacités institutionnellesde réforme est nécessaire. L’existence de diversescapacités institutionnelles de réforme pose de nou-velles difficultés dans l’analyse des réformes. D’unepart, si les pouvoirs publics ne peuvent introduire deforce une réforme, ils doivent la négocier avec lesparties prenantes. Dans ce contexte, la situationinitiale de l’industrie, les objectifs politiques, lesdemandes des parties prenantes influencent le profilde la réforme; d’autre part, la complexité, la complé-mentarité et parfois les flous des dispositifs institu-tionnels31 existants permettent parfois de bloquerl’action réformatrice des pouvoirs publics. Dans cecas, le risque est que la réforme ne puisse aboutir,faute d’un accord suffisamment large.

North (1991) fournit un éclairage intéressant parl’accent mis sur les institutions et les voies d’action desorganisations, des partis politiques, des groupes depression sur le contexte institutionnel. Ainsi, selon lui,l’environnement institutionnel est l’ensemble des règlesfondamentales politiques, sociales et légales qui établit lesbases de la production, de l’échange, et de la répartitiondes revenus. Les règles gouvernant les élections, les droitsde propriété et le droit des contrats en sont des exemples.Dans l’optique de l’analyse des réformes, il est impor-tant de souligner que les travaux de North permettentégalement de distinguer les deux possibilités majeuresde comportement pour les organisations dans laperspective de la réforme : se plier aux nouvellescontraintes ou les contourner. Ainsi, North soulignedans le cas des firmes que le comportement de maxi-misation des firmes peut prendre la forme de choixréalisés dans l’ensemble des contraintes existant ou d’unetentative de changer les contraintes. Ces activités delobbying sur la sphère politique, distinguées dans lecas des firmes, peuvent aisément être étendues àl’ensemble des groupes de pression affectés par ladistribution des coûts, des revenus et des bénéfices de

l’activité dans le cas des industries de réseaux régle-mentées. De ce fait, la réforme introduite par lespouvoirs publics est conditionnée par ces capacités denégociation, aux effets de redistribution des res-sources, et par la résistance permise par les dotationsinstitutionnelles aux activités de lobbying.

Environnement institutionnel et arbitrageentre efficacité et redistribution

Il a été souvent considéré que les réformes étaientréalisées dans une logique économique de situationPotentiellement Pareto Supérieure, «Potential ParetoSuperiority» (Sidack et Spulber, 1998, p. 219; Posner,1992). Ainsi, la règle de compensation de Kaldor(1939) et Hicks (1939), qui voudrait que les gagnantsau sens de Pareto dédommagent les perdants, est unesituation inapplicable concrètement. Les interven-tions publiques ont deux motivations : la prise encompte des défaillances du marché (market failure) etla satisfaction des demandes de redistribution entredifférents groupes de pression plus ou moins bienorganisés32. Il convient de souligner que les diffé-rentes parties prenantes disposent de capacités denégociation, d’organisation et d’influence différentes.Ces négociations pour conserver ou accroître d’an-ciens avantages33 peuvent conduire à des inefficacités(Haggard, 2000; Newbery, 2000). La définition desconditions et des rapports de force préexistant avantle changement de structure de régulation devientdonc une question importante.

Ici, nous ne faisons pas l’hypothèse que lesgroupes d’intérêts recherchent la maximisation dusurplus global en intégrant l’ensemble des effetsexternes positifs et négatifs de leur action. Nousconsidérerons que chaque partie prenante cherche àaccroître son revenu spécifique par une législation quilui soit favorable, comme les travaux fondateurs de

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31. Institutional endowment, au sens de Levy et Spiller, 1994.

32. Ces problèmes de parties prenantes à la réforme quirecherchent des protections collectives qui expliquent ledéclin des nations par l’action négative des groupes depression qui bloquent les réformes nuisibles à leur intérêt.

33. Dans cette optique, nous considérerons que ces groupes depression sont principalement déterminés par des gainsfinanciers plutôt que par une rémunération symbolique ouhonorifique.

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McCubbins, Noll et Weingast (1987, 1989) lemontrent dans le cas américain. Ces travaux sontproches des théories de la capture développées parStiglitz (1971) et Peltzman (1976), qui ont interprétéles régulations par une structure de coûts et d’avan-tages. Cette structure de réflexion coûts-avantagesdistingue les gagnants et les perdants aux réformesdans une relation limitée à deux acteurs: le régulateuret la firme régulée. Depuis les travaux de Peltzman(1976), il est admis que les gains à distribuer auxdifférentes parties prenantes proviennent des rentes demonopole34 et que la clef de distribution de ces reve-nus est influencée par les bénéfices nets des intérêtsdes groupes de pression. S’il existe un groupe domi-nant (traditionnellement, l’industrie régulée enmonopole), il «capturera» le régulateur et se protégeracontre les nouveaux entrants (Stigler, 1971). Danscette perspective, la régulation est demandée par lesfirmes régulées pour se protéger des concurrentspotentiels. Les tests empiriques de ces théories ontrapidement souligné leurs caractères trop restrictifs etopaques sur le fonctionnement institutionnel quidevient essentiel avec les processus de déréglemen-tation et les réformes concurrentielles (Eberlein,2001). Eberlein montre par exemple qu’il existe desmodes différents de répartition des coûts et des avan-tages de la régulation entre les parties prenantes auxréformes que la distribution des rentes de monopolesous-jacente aux théories de la capture. Les théoriesde la capture postulent que tous les bénéfices sontconcentrés sur un nombre limité d’acteurs, tandis queles coûts affectent dans une mesure limitée l’ensembledes consommateurs. Noll (1989) montre qu’il estaussi possible d’envisager la situation inverse. Il s’agitalors d’un cas où les rentes de monopole sont large-ment distribuées à l’ensemble de la population (pardes tarifs de fourniture d’électricité très bas) au détri-ment des intérêts de la firme régulée, celle-ci n’étant

autorisée qu’à fixer un prix qui ne couvre pas ses coûtsde fonctionnement35.

North (1990, p. 191) rappelle que cette con-trainte politique de négociation des accords n’est pasdéterminée «exclusivement» par des considérationsd’efficacité économique et des coûts de négociation(cost of bargaining36). Milgrom et Roberts (1990)présentent également des coûts d’influence politique(influence costs) qui s’intègrent dans l’analyse del’attractivité d’une réforme. Ces auteurs montrentaussi qu’il est pertinent d’adjoindre comme élémentsde réflexion au schéma traditionnel de la théorie descoûts de transaction, à l’addition des coûts de pro-duction et de transaction, les coûts de négociation37.Ces auteurs distinguent trois origines aux coûts denégociation : la première source apparaît lorsqu’ilexiste une situation d’équilibres multiples, formalisésdepuis par Aoki (2000, 2001), ou dans les cas où ilexiste plusieurs solutions à un problème de coordi-nation des activités économiques, sans que lemécanisme des prix et de la hiérarchie ne fournisse depremier choix. Dans le cas de cette défaillance desmécanismes de coordination, il existe une zonepossible de négociation qui doit être analysée parl’identification des coûts de négociation. Dans cettezone, les coûts de négociation permettent de déter-miner ex post quelle a été la forme des choix réalisés.D’après Milgrom et Roberts (1990, p. 72-77), laseconde source des coûts de négociation réside dans

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34. Les rentes de monopole existent dans les systèmes verti-calement intégrés où le réseau de transport en monopolenaturel permet de réaliser des économies d’échelle etd’envergure. Le partage de cette rente de monopole devientalors un enjeu pour les différentes parties prenantes de laréforme.

35. Ces situations sont fréquentes en Amérique du Sud, parexemple, et posent des problèmes délicats, car les réformesproduisent des accroissements des prix de la fournitured’électricité qui sont difficilement acceptables pour lesconsommateurs (Spiller et Martorell, 1996; Rufin, 2003).

36. We interpret «bargaining cost» expansively, just as we did theterm «transaction costs» to include all the cost associated withmultilateral bargaining… include not only the wages paid tothe bargainers or the opportunity cost of their time, but alsothe cost of monitoring and enforcing the agreement and anylosses from failure to reach the most efficient agreement possiblein the most efficient fashion. Page 65.

37. Ceux-ci sont définis de manière générale comme l’ensembledes coûts engendrés par le processus de négociation entretous les intervenants à l’arrangement institutionnel ainsi quetous les frais induits par le besoin de contrôle et demonitoring de l’accord ainsi obtenu par la négociation.

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les difficultés et les coûts à se procurer l’informationpertinente pour la décision. La dernière source decoûts de négociation apparaît à travers les possibilitésoffertes par la gestion active de l’information privéesur les préférences des agents détenus par lesopérateurs. Plus les préférences sont connues préci-sément par les opérateurs, plus ceux-ci disposent demarges de négociation étendues pour négocier desprotections fines et précises.

Les récents développements des travaux deNewbery (2000) ont montré que la nature de la pro-priété des entreprises électriques avait une influencesur la structure de la négociation entre les partiesprenantes. Si la propriété des actifs électriques estpublique, les groupes de pression s’exprimeront plusfacilement sur la place publique pour négocier desavantages; à l’inverse, quand l’entreprise électrique enmonopole est privée sous régulation publique, lesgroupes de pression non propriétaires des actifs élec-triques sont représentés par le régulateur38 ou par desassociations39. Plus les entreprises électriques sontconcentrées horizontalement et verticalement, plus lesgroupes de pression bien organisés sur la placepolitique réussissent à négocier des redistributions quileur sont favorables40. Les montants ou les modalitésde distribution de la rente dissipée sont alors fonctiondes conflits entre les différentes parties prenantes de laréforme, des capacités de négociation41 et des coûts detransaction nécessaires pour atteindre un accord et engarantir la pérennité et l’efficacité à long terme42.L’architecture de la future régulation a des effets consi-dérables sur les coûts et les bénéfices que vont subir les

parties prenantes et ces dimensions affectent l’intensitéet la trajectoire de la réforme concurrentielle.

Incomplétude, complémentarité et diversitéLes travaux fondateurs de North (1991) soulignentque lorsque l’on choisit un groupe d’institutions pourstructurer un pays, un ensemble d’incitations écono-miques et de protection des droits de propriétéapparaissent de manière endogène. Le choix institu-tionnel structure la forme du pouvoir politique misen place, les capacités d’action et les formes de contre-pouvoir accessibles aux perdants. Il convient ici de sedépartir de tout déterminisme excessif concernant lesinstitutions, leur origine et leur fonction. Il fautgarder en mémoire que chaque environnement insti-tutionnel est un résultat historique particulier dont lesmodes de création sont indépendants de la rationalitééconomique. Les dotations institutionnelles ne sontpas le fruit d’un calcul rationnel, mais un produithistorique qu’il faut chercher à analyser en termesd’efficacité économique. De cette origine politique,les institutions formelles ont gardé une empreinteparticulière. Selon North (1993), «Institutions are notnecessarily or even usually created to be socially efficient;rather they, or at least the formal rules, are created toserve the interests of those with the bargaining power tocreate new rules».

Aoki (2000, 2001) souligne une seconde carac-téristique de l’analyse institutionnelle43. Pour lui,l’analyse institutionnelle repose sur la diversité et lacomplémentarité des différents mécanismes compo-sant une dotation institutionnelle. Comme les dis-positifs institutionnels sont « complémentaires »,l’étude d’une seule caractéristique est toujours sujetteà caution. Cette caractéristique s’articule toujoursavec d’autres, pouvant en modifier (positivement ounégativement) l’impact. Dans les différents dispo-sitifs étudiés par Aoki (Japon, États-Unis et Europe),la transposition d’une caractéristique institutionnellen’est pas une condition suffisante du succès, sans une

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38. Dans les pays anglo-saxons.39. Comme c’est le cas en Allemagne avec l’association VIK,

ou en Espagne avec l’association UNESA.40. Le traitement de la question charbonnière est une illustra-

tion parfaite de cette capacité à négocier des avantagestarifaires sur la place publique au détriment des consom-mateurs.

41. Sur combien de caractéristiques peut-on négocier? Peut-onempêcher le processus, le ralentir ?

42. De manière générale, les réformes présentées comme étantdes améliorations parétiennes ne sont pas crédibles, car ellesne sont pas durables ou elles soulèvent de trop vives cri-tiques en faisant apparaître des transferts de revenus quiprécédemment étaient plus opaques.

43. Si le schéma d’analyse d’Aoki n’est pas strictement équi-valent à celui développé par North, son apport dans l’ana-lyse institutionnelle n’en reste pas moins éclairant.

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étude des autres facettes des dispositifs institution-nels. Cette complémentarité renforce la composante«diversité» de l’analyse institutionnelle, où plusieursmécanismes peuvent dans les différents environne-ments institutionnels jouer un rôle équivalent.

Les travaux de Moe (1991) soulignent la dimen-sion « incomplétude » de l’analyse institutionnelle.Pour lui, tous les pays possèdent une Constitutionexplicite ou implicite, et il importe de comprendreles liens entre la Constitution (à savoir quelles sontles modalités de transformation des règles de prise dedécisions publiques) et les performances écono-miques44. Moe rappelle que l’incomplétude consti-tutionnelle a deux conséquences : la première est unelutte entre les intérêts des pouvoirs en place à l’inté-rieur du système, et la seconde est le comportementdes acteurs qui va déterminer la forme concrète durésultat. L’objectif commun des différents acteurs estd’essayer d’utiliser l’autorité publique pour déter-miner l’organisation du gouvernement selon leursintérêts particuliers. Car, même si les règles sontdémocratiques, l’autorité publique est coercitive etproduit des effets de redistribution. La légitimité duprocessus induit l’acceptation par les agents desnouvelles règles et normes qui redéfinissent les fron-tières entre les perdants et les gagnants dans lesnécessaires transformations des cadres législatifs. Laconséquence de cette incomplétude est qu’elle obligeà apprécier et à interpréter les principaux dispositifsinstitutionnels, dont certains points restent volontai-rement peu précis. Pagano (2000) précise que les loissont également très incomplètes et que ce sont lesacteurs qui, en les mettant en pratique (ou non), endésignent les limites et les insuffisances. Si ces lois nesont pas investies par les différents acteurs, ellespeuvent rester lettre morte et, dans ce cas, l’incom-plétude du contrat législatif est très aiguë.

Conclusion Dans cet article, l’utilisation d’une lecture néo-institutionnelle a permis, par la complémentarité desapproches transactionnelles et institutionnelles, detraiter des différentes questions composant lesréformes électriques dans un cadre d’analyse unifié :les questions de segmentation de l’ancien monopoleverticalement et horizontalement intégré, d’exter-nalités, de problèmes de mesure, d’actifs spécifiqueset d’opportunisme conduisant à une structure degouvernance réglementée où coexistent mécanismesde marché et réglementation. Cette lecture montreégalement qu’il existe un fort problème d’oppor-tunisme bilatéral entre les firmes et les consomma-teurs, et que les formes locales de pouvoirs de marchérestent encore très délicates à éradiquer dans le cadredes réformes concurrentielles qui les ont fait naître.

Les réformes électriques impliquent de réaliser unensemble de choix de mécanismes de coordinationdes activités par le marché ou par la réglementation,dont il n’existe pas encore de forme stabilisée. Lesmarchés électriques restent incomplets pour gérerl’ensemble des problèmes de coordination techniqueet économique, et cette incomplétude réintroduitl’opportunisme gouvernemental dans les relationsélectriques. Celui-ci s’ajoute alors aux autres formesd’opportunisme déjà identifiées par la Théorie desCoûts de Transaction entre les firmes et les consom-mateurs. Cette impossibilité d’introduire ex ante desmarchés électriques complets nécessite alors unesupervision réglementaire qui, dans le cadre de laThéorie des Coûts de Transaction, doit encadrer lestransactions électriques de telle manière que l’oppor-tunisme, les externalités et l’incertitude entre lesdifférentes parties prenantes soient efficacement prisen compte.

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44. L’intérêt théorique de cette formalisation des Constitutionsporte essentiellement sur les marges de manœuvre quepermet un contrat qui ne précise que certaines procéduresde décision et un cadre très général de règles qui permetaux dirigeants de la nation de faire face aux contingenceshistoriques.

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IntroductionLa globalisation des marchés provoque dans les paysdéveloppés comme dans les pays en développementun contexte économique et financier qui évolueconstamment. Les besoins accrus de services publicsque requièrent les populations et la limitation desfinancements publics entraînent nécessairement denouvelles façons de concevoir et de structurer lesservices publics et les moyens de servir les citoyens.On peut se demander quels sont les objectifs quidevraient être encouragés et protégés en dépit detous ces changements.

Dans le développement du secteur électrique, ilest possible de résumer les grands objectifs générale-ment reconnus pour assurer des services adéquats :fournir un approvisionnement fiable, préserver unapprovisionnement sécuritaire et assurer un appro-visionnement compétitif de l’électricité. Pour obtenirun tel résultat, une réforme en profondeur des insti-tutions et une restructuration du secteur peuventêtre nécessaires dans certaines juridictions.

Déjà, depuis le 19e siècle, diverses modalités destructuration ont été expérimentées dans les servicespublics. Des services en régie offerts par l’État, noussommes passés à des services en gestion déléguée eten concession, selon l’expérience française, ou encoreaux services en franchises (BOT1) du système anglo-saxon. Il n’existe pas de modèle parfait et on assiste àdes solutions juridico-institutionnelles qui varient etévoluent dans le temps et selon les territoires.Plusieurs grandes questions se posent alors, entreautres : comment transmettre et mettre en œuvre lesprincipes de continuité de service développés par lesservices publics étatiques, les principes d’égalité de

traitement et de non-discrimination? Comment lestransmettre dans des services soit gérés, soit financéspar le secteur privé? Comment va-t-on tenir comptedes besoins des usagers et comment va-t-on admi-nistrer des biens publics de façon privée?

Il existe plusieurs modèles et il est difficile d’enprivilégier un plutôt qu’un autre ; le choix à notreavis devant être fait en fonction des institutionsnationales existantes, du contexte politique et desbuts visés. Cet exercice requiert une très grandesouplesse et une adaptabilité institutionnellesoutenues par l’État en vue d’atteindre ses objectifs.

Nous allons analyser brièvement quelques-unsdes modèles connus, afin de cibler certains choix quisont offerts lors d’une réforme du secteur électrique.Il importe d’être conscient qu’aucun de ces modèlesne devrait être transposé tel quel, d’un pays à l’autre,mais qu’ils devraient plutôt être adaptés en vertu desbesoins des usagers et des communautés locales ainsique des objectifs visés par le pouvoir public et despriorités que se donne un gouvernement. Parmi cespriorités, on peut cibler : la mise sur pied d’uneéconomie robuste, compétitive et attirante pour lesinvestisseurs, la création de nouveaux emplois,l’établissement de coûts de l’électricité les plus baspossible, la sauvegarde d’un approvisionnement sûret sécuritaire, la conformité aux règles de la protec-tion de l’environnement, la mise en place de mesuresreliées aux changements climatiques, l’ouverture dumarché de l’électricité à la concurrence ou l’instau-ration d’un monopole avec la régulation nécessaire.

Le choix exercé lors d’une réforme institution-nelle sera donc fonction d’un ou de plusieurs desobjectifs visés par le pouvoir public et des prioritésqu’il aura auparavant établies.

Les différentes formes institutionnelles et leurs fondements juridiquesPierrette SINCLAIRAvocate associée chez Lapointe RosensteinMontréal, Québec, Canada

1. BOT: Build, Operate, Transfer. En français : Construction–Exploitation–Transfert (CET).

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Les concessions et leurs variantesLa notion de concession a fait l’objet de nombreuxcommentaires et a été largement expliquée par lesauteurs. D’une façon simplifiée, on peut dire que laconcession est un contrat d’une durée déterminéeentre l’État et un tiers en vue de l’exploitation deressources naturelles nationales dans lequel la propriétéde la ressource n’est pas transférée au concessionnaire.Par contre, le concessionnaire bénéficie du fruit del’exploitation de cette ressource, que ce soit du pétrole,du gaz, de l’énergie ou toute autre ressource naturelle.La concession est généralement vue comme une expé-rience française et elle est souvent associée à la gestiondéléguée de service public. Elle est bien connue etbénéficie d’une expérience diversifiée quant à soncontenu et à son objet. La concession a été louée parcertains et critiquée par d’autres, spécialement dans lecas de la concession publique étatique.

La concession «publique étatique» traditionnellesuppose que l’on confie la gestion de services publics,en l’occurrence le service de l’électricité, à unesociété, par une loi qui constitue une société d’Étatou une société nationale d’électricité qui, danscertains cas, est également chargée de la production,de la distribution et du transport de l’électricité dansune entreprise intégrée. Dans plusieurs pays, cessociétés publiques monopolistiques et intégrées onttendance à se comporter comme le bras de l’Étatpropriétaire. L’État leur confie alors des objectifssociaux, économiques et politiques, et la préoccu-pation de gestion financière ainsi que l’efficacitéproductive risquent de se révéler déficientes. Il enrésulte alors un manque de distance entre la sociétéd’État et l’État propriétaire, ce qui ne favorise pas ledéveloppement de l’électricité et, par voie deconséquence, problème plus grave, ne favorise pasnon plus le développement économique des pays oùces sociétés d’État sont à l’œuvre. On doit doncavouer que ce mode de concession est en défaveur etque la concession dite publique étatique a besoin deréformes en profondeur.

Plusieurs variantes de la concession existent.Quelle que soit la forme de concession adoptée, l’Étatreste propriétaire du domaine concédé et se réserve

un droit de regard sur les investissements et souventsur les grandes orientations de l’entreprise. L’État etle concessionnaire adoptent un cadre contractuel plusstructuré et également un suivi plus actif du contratde concession. Le concessionnaire a la responsabilitéde l’investissement, de l’exploitation, et reçoit encontrepartie l’ensemble des recettes découlant del’exploitation.

La concession est dite globale si le secteur estconcédé dans sa totalité (production, transport etdistribution), par l’État concédant. La concession estdite par segments si elle s’adresse à une partie desactivités de l’industrie électrique, soit à la produc-tion, au transport ou à la distribution. Dans cecontexte, le secteur de l’électricité aura été restructurépar l’éclatement des trois activités et chacune desactivités peut être confiée à des opérateurs qui enprendront la responsabilité. Les deux activités qui seretrouvent le plus souvent dans le cadre de laconcession dite par segments sont les activités demonopoles naturels, à savoir le transport et ladistribution. Quant à la production, elle peut êtreouverte à plusieurs opérateurs, et plusieurs territoirespeuvent être concédés.

Les BOT: un mécanisme adaptatifLa concession, pour des raisons qui avaient trait à deséchecs répétés de sa mise en application, sembleavoir perdu de sa popularité, et une nouvelle formecontractuelle de relation avec l’État est née, à savoirle BOT et ses divers modèles. La plupart des auteursclassifient toutefois ces nouveaux contrats dans lavariante de la concession. La principale différenceavec la concession de type traditionnel nous paraîtêtre une mise à distance entre l’État hôte et lepromoteur. Le BOT oblige cet État à instaurer uncadre juridique propice à la mise en place du contratde BOT ainsi qu’à la protection des parties qui yinterviennent, soit les investisseurs, les constructeurset les opérateurs.

Depuis environ 20 ans, la structure de la conces-sion a été internationalement transformée sous uneforme qui est devenue le BOT (Build, Own, Transfer),

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le BOOT (Build, Own, Operate, Transfer)2 ou encorele BOO (Build, Own, Operate)3. Ce nouveau concepta été utilisé pour assurer le développement du secteurénergétique, notamment la construction de nouvellescentrales électriques, avec un financement provenantdu secteur privé. Le concept est également appliquépour la construction de routes, de chemins de fer, deports ou d’usines de traitement de l’eau.

Les objectifs qui ont amené le secteur public etle secteur privé à négocier de tels contrats sontévidemment différents pour chacune des parties. Laréussite de l’entreprise dans un pays donné dépendracertainement dans une large mesure du systèmejuridique déjà implanté dans le pays visé. Le pays oùl’on songera à implanter un BOT doit posséder unsystème juridique adéquat qui assure l’exécution etla pérennité des contrats intervenus, contrats quilient les différentes parties entre elles. C’est pourquoiune réforme du secteur électrique doit parfoiss’accompagner de réformes un peu plus largespermettant d’implanter de nouvelles institutionsdans le système juridique existant et d’assurer qu’iln’existe pas de vide juridique ni d’incompatibilitédans le système juridique du pays visé.

Dans l’implantation d’un contrat de type BOT,le pays hôte devrait pouvoir fournir des mécanismesadministratifs d’approbation adéquats et rapides, etdes règles non arbitraires d’obtention des autorisa-tions et des permis requis. En effet, un projet élec-trique peut nécessiter l’obtention des terrains, uneévaluation environnementale, la connaissance etl’application des règles relatives au travail, etc. C’estpourquoi un guichet unique pour l’obtention desdifférents permis est fortement à conseiller. Lespromoteurs d’un projet peuvent ainsi rapidementconnaître les exigences de l’administration et ne sevoient pas aux prises avec des délais injustifiés. Il estimportant aussi de noter que de telles règles bienénoncées et publiées facilitent grandement lefinancement des projets.

Avant de se demander si l’établissement decontrats BOT convient à une administration, cettedernière pourrait se poser un certain nombre dequestions. Permettez-nous de suggérer certaines deces interrogations :

• Le gouvernement désire-t-il garder à long termela propriété des installations?

• Permettra-t-on au promoteur de récupérer enentier ou en grande partie les montants investisau moyen de frais d’utilisation?

• Les frais qui seront imposés au public utilisateur,les clients, seront-ils acceptables d’un point devue public et politique?

• Ces frais seraient-ils faciles à percevoir ?• Quelles sont les différentes options en termes de

financement public et privé?• A-t-on analysé les diverses options techniques?• Quelles sont les incidences environnementales et

sociales du projet, de même que les avantagespour les régions visées?

• Veut-on favoriser un acheteur unique pourl’énergie produite, et cet acheteur sera-t-il lasociété d’État distributrice d’électricité?

• Le transport de cette énergie sera-t-il fait égalementpar une société monopolistique réglementée?

L’établissement d’une structure BOT ou BOOT,même très simple, requiert plusieurs intervenantsdont les principaux sont les suivants:

1. La société de concession devant être formée.2. Les prêteurs.3. Les investisseurs.4. L’entrepreneur : un contrat de construction et

l’établissement des coûts de construction sont àprévoir.

5. L’utilisateur du projet.6. L’exploitant: un contrat d’exploitation et l’établis-

sement des frais d’exploitation s’imposent.

Le pays qui établit la structure doit être prêt àtraiter avec plusieurs de ces intervenants et à régulerun certain nombre de leurs activités en vue destransactions qui auront lieu.

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2. BOOT : Build, Own, Operate, Transfer. En français :Construction–Propriété–Exploitation–Transfert.

3. BOO: Build, Own, Operate. En français : Construction–Propriété–Exploitation.

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Composantes juridiques d’une transaction BOT simpleOn peut résumer ainsi les composantes juridiquesd’une transaction BOT simple :

• élaboration de la structure du projet ;

• négociation et rédaction de lettres d’entente et dedocuments préliminaires.

1. Si un appel d’offres doit être lancé, il y a lieude préparer celui-ci ou la soumission, le caséchéant.

2. Il faut prévoir la constitution de la société deBOT et la négociation et la rédaction desconventions nécessaires, à savoir entre autres :

i. un statut de la société ;

ii. une convention entre actionnaires ;

iii. d’autres conventions régissant les apports des producteurs (soutien financier pendant la construction, transfert technologique, etc.).

3. Négociation et rédaction des conditionsd’accueil du projet : permis d’exploitation,convention d’établissement, régime fiscal etcomptable, rédaction de lois ou règlements, etc.

4. Négociation et rédaction du contrat d’achatd’électricité : acheteur unique ou autremodalité.

5. Négociation et rédaction des contrats d’appro-visionnement en combustible, le cas échéant(gaz, charbon, etc.).

6. Négociation et rédaction de contrats accessoires(convention d’assurance, par exemple).

7. Négociation et rédaction de conventionsafférentes au financement du projet.

8. Négociation et rédaction de l’appel d’offrespour la construction du projet.

Répartition des risques et contrats de BOTDans un BOT, les risques sont répartis entreplusieurs des parties intéressées. Ainsi, l’autorité

gouvernementale qui sera partie au contrat deconcession devra évaluer quelle est sa proportion departage des risques liés au projet. La société deconcession se verra aussi dans l’obligation d’assumercertains risques, tels ceux reliés aux contrats deconstruction et aux délais de mise en service. Lerisque lié à la construction sera assumé en général parl’entrepreneur (par exemple, le retard de la fin destravaux), contre lequel il devra se prémunir.

La société de concession devra également êtrepartie liée à un contrat d’exploitation avec l’exploi-tant et, de ce fait, pourra partager avec l’exploitantcertains risques liés à l’exploitation. Il est évident quel’autorité gouvernementale qui devient partie à uncontrat de BOT tend à se décharger de certains desrisques inhérents à un projet, lesquels risques serontpartagés par plus d’une partie qui espère en tirercertains bénéfices.

Le contrat de BOT peut donc prendre desformes diverses et se situer dans l’atteinte d’objectifsfort diversifiés. En général, les aspects suivants sontpris en compte dans un contrat BOT:

• les parties au contrat ;

• le terme du contrat ;

• les aspects techniques et opérationnels ;

• les lois relatives au travail ;

• le prix et la tarification;

• l’approvisionnement en combustible ou l’allo-cation des forces hydrauliques ;

• la force majeure ;

• les garanties environnementales et le soutiengouvernemental ;

• les modifications aux droits existants ;

• la responsabilité ;

• la fin du contrat ;

• la cession du contrat ;

• l’arbitrage ;

• la loi qui gouvernera le contrat ;

• les mécanismes de résolution des conflits ;

• les risques et exclusions.Ac

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On comprendra que chacune de ces rubriquesdoit être traitée en fonction des circonstances parti-culières à la transaction projetée. La complexité destransactions souligne l’importance d’y accorder uneattention soutenue. Il importe également dans cetype de convention de toujours garder à l’esprit qu’ildoit y avoir un équilibre juste entre les intérêts desinvestisseurs, les intérêts de l’autorité gouverne-mentale et ceux des consommateurs, et que cetéquilibre doit répondre aux conditions du secteurdonné et du pays hôte.

La licence d’exploitationLa plupart des juridictions qui adoptent les modalitésdu BOT pour développer leurs infrastructuresutilisent des ententes contractuelles. Par ailleurs,certains pays privilégient la licence d’autorisation. Ily a une distinction fondamentale entre la licence et leBOT. Dans le projet de type BOT, le gouvernementqui intervient devient en quelque sorte un cocontrac-tant du développeur et les règles des contrats com-merciaux s’y appliquent. Par ailleurs, l’octroi d’unelicence est régi par les règles du droit administratif dupays qui l’accorde.

En effet, la licence est par définition une auto-risation administrative permettant, pour une duréedéterminée, d’exercer une activité réglementée, engénéral un service monopolistique. C’est ainsiqu’existent, selon les différentes juridictions, leslicences de transport, les licences de pêche, les licencesd’exploration, etc. Dans le secteur énergétique, lalicence peut concerner la production, la distributionou le transport.

En termes juridiques, la licence est définiecomme une procédure permettant à l’administrationd’effectuer une surveillance particulièrement serréede certaines activités, en général des activitésréglementées. La licence impose que ces activités,examinées une à une, soient acceptées par l’autoritéà des conditions, selon les cas, plus ou moins sévères.Leurs conditions d’attribution sont également assezrigoureuses et correspondent à des normes plus oumoins précises. Dans le cas du secteur de l’énergie,

les licences qui permettent, à titre d’exemple, ladistribution du gaz ou de l’électricité sont soumisesà approbation et émises par les autorités gouverne-mentales pour des périodes plus ou moins longuesdans des territoires désignés. Lorsque les activitéssont réglementées, l’autorité gouvernementale prendavis auprès de l’organisme de régulation avantd’accorder la licence d’exploitation, que ce soit pourle gaz ou l’électricité. L’autorisation peut être accor-dée par loi spéciale ou encore par autorisationadministrative pour un territoire déterminé. Unepériode déterminée peut être octroyée avec impo-sition de conditions d’exercice. En général, l’auto-risation est révocable par l’autorité qui l’a accordée.La licence ou autorisation peut accorder un droitexclusif ou elle peut octroyer à plusieurs personnesdes droits d’exercice sur un même territoire à desconditions données.

Un exemple d’octroi de licence se trouve dans laLoi concernant les forces hydrauliques du Canada3.L’octroi de cette licence est régi par le Règlement sur lesforces hydrauliques du Canada4. La licence définitiveest accordée après un long processus : demandeformelle (application), publication et enquête, permisd’arpentage, production et approbation de plans,octroi de permis de priorité, concession intérimaire,dépôt de garantie, définitions des obligations de lapersonne à laquelle la licence est octroyée ainsi quede la période et des conditions du terme. La défi-nition de la licence définitive (final licence) se retrouveà l’article 2 du Règlement sous le vocable «concessiondéfinitive» dans le texte français, avec la référence à« final licence» de la version anglaise du Règlement:

«concession définitive» signifie une concession auto-risant la dérivation, l’utilisation ou l’emmagasinagede l’eau en vue d’exploitation d’énergie ou en vuede transporter et distribuer la force hydraulique ;(final licence).

L’octroi d’une licence d’exploitation suppose eneffet des mécanismes d’approbation et de régulation.L’autorité concédante souhaite, dans la plupart des

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3. L.R.C., 1985, c. W-4.4. C.R.C., c. 1603.

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cas, soumettre à une réglementation et à une surveil-lance sévères les entités auxquelles elle a accordé deslicences d’exploitation. Une telle approche paraîtdestinée à empêcher l’arbitraire et à donner à l’État,d’une part, l’assurance que ceux qui détiennent leslicences agiront de façon responsable et qu’ils ferontl’objet d’une surveillance adéquate et, d’autre part, àfaire en sorte que les détenteurs de ces licences soienttraités de façon juste et équitable dans l’intérêtpublic. Ainsi, un bon climat réglementaire et unestabilité économique sont favorisés.

Les licences d’exploitation seront surveillées parl’autorité réglementaire et un encadrement institu-tionnel sera mis en place. Il est idéalement préférableque les ministères soient placés à distance et quel’intervention ministérielle ne se fasse que dans desconditions précises et publiques. L’autorité régle-mentaire devra agir dans un contexte d’indépendance,de transparence, d’impartialité et de compétence. Detelles conditions sont nécessaires pour donner auxinvestisseurs l’assurance de ce climat réglementairestable et durable qui se traduit par un retour surl’investissement acceptable et des standards de qualitéde service et de sécurité d’approvisionnement.

Dans plusieurs juridictions, la production n’estpas réglementée et est laissée à la libre concurrence.Les licences d’exploitation sont alors consenties pourles activités de distribution et de transport, et il y aégalement avantage à ce qu’elles soient adéquatementsurveillées par l’organisme de régulation.

Adaptation des formes juridiquesaux spécificités des situations: le cas du QuébecÀ titre d’exemple d’adaptation de formes juridiquesaux spécificités des situations, il apparaît intéressant defaire un survol de l’expérience du Québec, expériencequi prend place dans un contexte nord-américain.

La forme juridique que prend au Québec la petiteproduction d’électricité (moins de 50 MW) par lesecteur privé est souvent citée comme un exemple soitde partenariat public-privé (PPP), soit de BOOT. Ilest dit de ce partenariat qu’il fonctionne bien, après

quelques premières difficultés de mise en application.On le cite maintenant comme exemple et on peutprévoir qu’avec l’implication progressive et laparticipation des autorités régionales5 et descollectivités autochtones, ce modèle de concessions’imposera comme une des méthodes progressives etmodernes de gérer de manière privée des bienspublics.

L’expérience du Québec s’inscrit dans un enca-drement juridique de droit civil en ce qui concerne lesarrangements contractuels. Le Québec et le Mali6 ainsique plusieurs autres pays en développement ont cecien commun: ils possèdent tous des ressourceshydrauliques importantes qui peuvent être mises àprofit. Un bref aperçu historique nous paraît nécessaireafin de comprendre l’évolution du secteur électriqueau Québec et l’encadrement juridique actuel.

Mise en situation historiqueAu début du vingtième siècle, le Québec avait vu sedévelopper plusieurs sociétés privées d’électricité quiopéraient dans différentes régions et se partageaientle territoire, encadrées par un organisme de régula-tion économique, la Régie de l’électricité et du gaznaturel.

En 1944, le gouvernement du Québec natio-nalisait quelques sociétés d’électricité privées quiexistaient depuis le début du siècle, et créait la Com-mission hydroélectrique du Québec (« Hydro-Québec»). Au début des années 1960, une nationa-lisation majeure fut entreprise et la plupart dessociétés privées d’électricité furent intégrées dans lasociété nationale. La mission de cette société était defournir l’électricité à tous les citoyens du Québec auxprix les plus bas, compatibles avec une saine admi-nistration financière.

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5. Voir la Loi sur le ministère du Développement économique etrégional et de la Recherche (2003, L.Q., c-29) entrée envigueur le 23 mars 2004 (Décret 222-2004).

6. Cet article avait été préparé dans le cadre d’une conférencedonnée à l’Atelier national de Bamako, au Mali, lors d’uncolloque organisé par l’IEPF, les 28, 29 et 30 juillet 1998.

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Hydro-Québec a évolué dans le temps et estdevenue une corporation à compter du 1er octobre1978, et une compagnie à fonds social depuis le19 décembre 1981. Les actions d’Hydro-Québecfont partie du domaine public du Québec et ellessont attribuées au ministre des Finances du Québec.Les affaires d’Hydro-Québec sont administrées parun conseil d’administration dont les membres sontnommés par le gouvernement, le sous-ministre desressources naturelles étant d’office membre duconseil d’administration de la Société sans avoir ledroit de vote. Le conseil d’administration est dirigépar un président nommé par le gouvernement, et leconseil, avec l’approbation du gouvernement,nomme pour une période qui n’excède pas cinq ansun président-directeur général qui exerce cettefonction à temps plein.

La Société est ce qui s’appelle en droit anglo-saxonun agent de la couronne, c’est-à-dire un mandatairedu gouvernement ou Crown Corporation, et ce, depuissa formation en 1944. La Société a le pouvoir deposséder des biens meubles et immeubles. Toutefois,les biens qu’elle possède sont la propriété dugouvernement avec cette modulation que l’exécutiondes obligations peut être faite sur les biens de laSociété. La mission d’Hydro-Québec a évolué avec letemps: de son objet premier qui était de fournir del’énergie, Hydro-Québec a de plus pour objetd’œuvrer dans les domaines de la recherche et de lapromotion relatives à l’énergie, de la transformationet de l’économie de l’énergie, de même que dans toutdomaine connexe ou relié à l’énergie (Loi sur Hydro-Québec, L.R.Q., c. H-5, article 22).

Hydro-Québec se voit favorisée par le législateurqui prohibe toute cession de force hydraulique dudomaine de l’État et réserve la mise à la dispositiond’Hydro-Québec des forces hydrauliques du domainepublic en vertu de l’article 32 de la loi constitutive.

Au début des années 1980, à la suite de la crisedu pétrole et de l’ouverture à la production privéeaux États-Unis, le gouvernement du Québec –s’inscrivant dans cette orientation – intervenait dansune entente avec Hydro-Québec en vertu de laquelle

Hydro-Québec s’engageait à céder au gouvernementun certain nombre de sites potentiels de dévelop-pement hydroélectrique de moins de 25 MW. Cessites lui avaient été dévolus lors de deux exercices denationalisation. Le gouvernement adoptait unepolitique relative à la production privée d’électricité,révisée en 1993, et lançait un appel d’offres pourl’octroi de contrats d’achat d’électricité à desproducteurs privés. Une limite de location des forceshydrauliques à moins de 25 MW était établie. Dansce contexte, le gouvernement du Québec créait unguichet unique, à savoir le ministère en charge desRessources naturelles, pour recevoir les demandes desproducteurs privés et octroyer à ces derniers uneconcession de forces hydrauliques et de terrainspublics nécessaires à l’aménagement des ouvrages.Depuis 1999, la limite de location des forces hydrau-liques à des producteurs privés a été élevée à unepuissance inférieure à 50 MW. Un nouvel appeld’offres a été lancé par Hydro-Québec. Quelquessites ont été octroyés, bien qu’un moratoire ait étéappliqué ultérieurement.

Après une période de moratoire sur la productionindépendante et quelques hésitations, un nouveaurégime d’octroi et d’exploitation des forces hydro-électriques du domaine de l’État fut lancé le 24 mai2001, suivi d’une liste de sites pour fins de location.D’autres appels d’offres suivirent pour la petitehydraulique, la production thermique, l’éolienne etla biomasse7.

Le gouvernement du Québec a institué, en 1996,la Régie de l’énergie, organisme chargé de surveillerles opérations de la compagnie d’électricité, et de fixerou de modifier les tarifs et les conditions de fourni-ture et de transport d’électricité au Québec. Depuis,la production d’électricité a été déréglementée.

Les producteurs privés recherchent en général lescontrats d’achat ferme d’électricité de longue durée.Ceux qui ne détiennent pas de contrat ferme avecHydro-Québec ont deux autres choix : soit vendre

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7. Entre autres, appel d’offres AOPCH-02 d’Hydro-QuébecProduction, rendu public le 29 avril 2002.

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aux municipalités distributrices d’électricité ouexporter vers les États-Unis. Toutefois, le tarif detransport de TransÉnergie les empêche d’être trèscompétitifs et les règles liées à la capacité de transportpeuvent constituer un frein.

Contrats avec l’administrationpubliqueDans le cas des appels d’offres pour la productionhydraulique privée, le contrat entre le gouvernementdu Québec et le producteur privé a ceci de parti-culier que les ouvrages et les centrales qui existent surles sites sont vendus aux producteurs avec obligationde retour à l’État à la fin du terme. L’État fait doncréaliser par le producteur une activité qui est habi-tuellement dévolue au secteur public. L’État est doncappelé à être présent tout au long de l’exécution duprojet. Les forces hydrauliques et les terrains dudomaine public requis pour l’exploitation sont louésaux producteurs généralement pour une période de20 ans après la mise en service commerciale, avecpossibilité de renouvellement pour une autre périodede 20 ans. Le producteur paie à l’État un loyer pourl’utilisation du lit du cours d’eau et des terrainsnécessaires à l’exploitation de ses ouvrages et réser-voirs, et des droits d’inondation. Il paie égalementune redevance annuelle qui correspond à chaque1 000 kW d’énergie produite pour la location etl’utilisation des forces hydrauliques, redevance dontle taux est établi par un décret gouvernemental. Deplus, le producteur a l’obligation de payer uneredevance statutaire qui est prévue dans la Loi sur lerégime des eaux (L.Q. c. R-13), loi qui établit le cadrejuridique de l’utilisation des forces hydrauliques et lecadre juridique de la mise en place et de l’exploi-tation des barrages et réservoirs. Le gouvernement segarde un droit d’accès aux livres des producteurs etun droit de surveillance des lieux loués. Le contratprévoit des restrictions quant au transfert de l’amé-nagement pendant les cinq premières années del’exploitation et relativement aux changements decontrôle. La Loi et le contrat prévoient que le pro-ducteur est responsable des dommages qu’il pourraitcauser aux biens du domaine public ou à la propriété

privée. Il doit également s’assurer contre les risqueset se voit fixer des contraintes d’exploitation. Il doiten outre accepter une utilisation à usages multiplesde la retenue artificielle créée par le barrage,notamment à des fins de loisirs, municipales, etc.

À l’expiration du terme du contrat ou lors de sonrenouvellement, le producteur s’engage à céder àl’État les installations incluant les constructions etaméliorations qu’il y aura faites, ce qui apparente cecontrat à un BOOT. Le producteur s’engage égale-ment à obtenir les permis et autorisations nécessaires,au nombre desquels on compte le certificat d’auto-risation du ministère de l’Environnement pour laconformité des installations aux critères environne-mentaux et des obligations relatives aux modalitésd’exploitation. Il doit également obtenir la per-mission de la Commission du territoire agricole si lesinstallations sont situées en milieu agricole ainsi queles permis des municipalités locales dans lesquelles setrouve situé l’aménagement.

Les propositions des producteurs déposées aprèsappel d’offres public sont évaluées en tenant comptede certains critères, à savoir expérience et compé-tence du producteur et des consultants, capacitéfinancière à réaliser le projet, qualité technique de laproposition, amélioration du site, impact du projetsur le développement socio-économique de larégion. La nouvelle politique établit des exigencessupplémentaires, entre autres les avantages écono-miques que pourront en retirer les collectivitéslocales et l’acceptation par le milieu. Le producteurfinance son projet auprès d’une institution bancaireou financière, laquelle fait une vérification diligentede tous les titres, documents et aspects techniques duprojet afin d’évaluer sa viabilité et sa conformité auxlois et règlements.

La société d’État a préparé et normalisé descontrats types d’achat d’électricité des producteursprivés. Les principales clauses de ces contrats con-cernent la durée du contrat qui est en général lamême que celle de la concession par le gouverne-ment, la livraison et le début de la livraison, laquantité, la puissance contractuelle, les facteurs

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d’utilisation, l’énergie annuelle, le prix de l’élec-tricité, les pénalités, le point de livraison ainsi que lesfrais d’intégration et d’exploitation, les modalitéstechniques de même que la responsabilité et lesassurances.

L’achat par Hydro-Québec des producteursprivés représente toutefois une infime partie del’énergie dont dispose Hydro-Québec, c’est-à-dire,en ce moment, une puissance installée de 286 MWen production hydraulique sur une puissance instal-lée pour Hydro-Québec de 33 616 MW, presqueentièrement d’origine hydraulique.

Ce qui est remarquable dans les actions prises parle gouvernement du Québec, c’est le haut degré deconsultation du milieu mis de l’avant et la préoccu-pation d’obtenir l’adhésion des groupes intermé-diaires. Quelle que soit la forme institutionnellechoisie, l’information et l’acceptation des participantsau processus semblent la clé du succès d’une réforme.La réalisation d’un projet de réforme du secteurélectrique doit chercher les adhésions des décideurs,des communautés locales, des techniciens, des cadreset employés du secteur, des acteurs sociaux, dessyndicats, des industriels et des consommateurs.

ConclusionDans une réforme institutionnelle du secteurélectrique, on peut imaginer, comme au Québec, unedé-intégration financière et administrative de lasociété d’État, avec une ouverture du réseau de trans-port qui mette sur le même pied d’égalité la sociétéd’État productrice d’électricité et le producteurindépendant ou le courtier en électricité. Le marchépeut être ouvert au commerce de gros, c’est-à-dire à larevente à des systèmes de distribution municipaux ouprivés. Par ailleurs, l’ouverture du marché de détail,dans laquelle les grands consommateurs industriels,les clients commerciaux et même les clients domes-tiques peuvent avoir le choix de leur fournisseur, estune seconde étape qui n’a pas encore été franchiedans plusieurs juridictions, incluant le Québec.

On peut concevoir la création d’un organismeréglementaire à vocation quasi judiciaire devant

prendre en compte les principes de justice naturelle,tenir des audiences publiques sur les questions impor-tantes et être assujetti aux obligations de transparence,de cohérence, d’indépendance et de l’audi alterampartem, c’est-à-dire l’obligation d’entendre toutes lesparties dans un débat contradictoire. Un tel orga-nisme peut être souhaitable dans la marche vers uneouverture complète des marchés à la concurrence,ouverture qui peut devoir être faite par étapes.

La construction de nouvelles installations peutêtre confiée au secteur privé soit sous la forme deconcession, soit sous la forme de BOT ou de BOOT.Dans ces cas, les biens patrimoniaux reviennent àl’État à la fin de l’exercice. Dans certaines juridic-tions, l’octroi d’une licence d’exploitation pour unepériode déterminée à des conditions préétablies peutêtre le moyen prévu par le législateur.

Concevoir et mettre en œuvre un projet collectifqui mobilisera toutes ses forces vives est une impor-tante étape pour une société. Parmi les choix quis’offrent, de multiples options sont ouvertes. La miseen place du cadre institutionnel doit suivre et nonprécéder la vision d’une société, et les choix serontfonction des objectifs visés. L’expérience nous a apprisqu’un secteur énergétique en bonne santé est le fer delance de tout développement économique. Unsecteur énergétique en bonne santé est un secteur oùles responsabilités sont clairement définies et où lesinstitutions choisies s’inscrivent dans la culturejuridique et institutionnelle du pays qui les reçoit.Ces institutions doivent être acceptées par le milieu,avant d’être traduites en termes juridiques et comp-tables, pour qu’elles aient toutes les chances de succès.

Il est important que les experts qui participent àun processus de restructuration travaillent avec lesjuristes du pays et que ces derniers soient vigilantspour que les principes soient traduits en conformitéau droit positif du pays qui les reçoit. Le nouveaucadre institutionnel doit s’imbriquer dans le systèmejuridique du pays pour ne pas créer de confusion nide difficulté d’application. Cet exercice paraît essen-tiel au succès d’une entreprise de restructuration. Deplus, il s’agit là d’une condition de la légitimité du

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processus et de sa compréhension et acceptation parceux qui le mettront à exécution.

Le pays dont le secteur électrique est restructurédoit être un partenaire fort et actif du concession-naire ou du cocontractant pressenti, et l’évaluationdes besoins doit se faire de façon périodique etconstante. Un organisme de régulation indépendantet efficace assurera la stabilité du climat réglemen-taire et permettra la surveillance du secteur en vue dela sauvegarde de l’intérêt public.

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Pour comprendre et assurer un suivi adéquat par lesrégulateurs et l’autorité délégante des services délé-gués à des investisseurs privés, il est essentiel demaîtriser les aspects financiers liés à la réforme et latransaction à implanter.

La définition et la mise en place d’une réformeinstitutionnelle débouchent normalement surl’introduction de nouveaux opérateurs en charge duservice public de l’électricité ou de l’eau. Cet exercicepasse par une phase de négociations qui se révèledélicate, dans la mesure où elle nécessite uneréflexion approfondie de la part des deux parties enprésence que sont l’État et les opérateurs privés :

– Du côté de l’État, il est question d’adopter uncadre réglementaire qui soit assez attrayant poursusciter la participation des opérateurs privés,tout en négociant la fourniture du serviceconcédé à des coûts socialement supportables parles populations.

– Quant au partenaire privé, de nombreux critèreslui servent de base d’évaluation et interviennentdans sa décision de s’impliquer ou non dansl’offre de fourniture du service qui lui est faite.

En tout état de cause, deux logiques s’affrontentdans cette négociation et il s’agit au fond de parvenirà une juste répartition des risques entre l’autoritépublique et les opérateurs privés. Il n’est pas dansnotre intention ici de nous substituer à l’une ou àl’autre des deux parties en présence et de prendreposition, car non seulement le processus de négo-ciation est propre à chaque pays, mais il dépend enplus de la culture d’entreprise de chaque opérateurprivé.

Réforme réglementaire et transaction de privatisation: la restructuration financière et la comptabilité des concessionsJacques CORBIN, c. a.Vice-présidentLe Groupe Conseil REGIE inc., Bromont (Québec), Canada

Le présent exposé a pour objet de clarifier lesvisées de chacune des parties en présence. Cetteclarification s’avère d’autant plus cruciale que lescontrats qui ont cours dans les services publics despays d’Afrique subsaharienne concernent des entre-prises qui se trouvent dans des situations pour lemoins délicates, comme nous le verrons plus bas, etdont les contrats de reprise présentent la particularitéde devoir courir sur des périodes considérables, soitde 15 à 25 ans. Cette longue période est souvent leprix à payer pour permettre la remise à niveau desbiens servant à l’exploitation (compte tenu de l’étatde ces biens) et également pour permettre l’extensiondes services pour faire face à la demande, et finale-ment pour améliorer rapidement la qualité ainsi quele rendement de la gestion technique et financièredes services.

Ce texte se focalise sur la préparation et la miseen œuvre de la transaction de privatisation de l’entre-prise en charge du service public de l’électricité oude l’eau. Cette transaction constitue un axe centralde la réorganisation sectorielle et doit donc êtrecernée de façon précise afin de procéder à une tran-sition qui préserve les intérêts de toutes les parties enprésence et qui assure la réussite du nouveau schémainstitutionnel envisagé.

Le fait qu’il y ait une négociation commande dese pencher sur les motivations des uns et des autres etd’essayer de saisir les critères qui motivent lesopérateurs privés. Il est essentiel de garder à l’espritque le but de l’exercice est de confier l’exploitationet la gestion du service public de l’électricité ou del’eau à des partenaires privés, tout en leur transférantsimultanément les risques associés aux activités dont

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La décision de s’impliquer ou non dans une privatisationpasse, pour l’investisseur privé, par l’analyse del’ensemble des risques qu’il encourt. Ceux-ci sontnombreux et de nature diverse, mais ils se concentrentfondamentalement sur la maîtrise du risque pays, durisque financier et du risque social, sous les objectifsaffichés d’équilibrer les comptes de l’entreprise àprivatiser et d’atteindre une rentabilité minimale ducapital investi.

Le risque pays

Les industries d’infrastructures se caractérisent par desinvestissements lourds qui, une fois réalisés, ne sont pastransférables puisqu’il est impossible de les déplacerd’un pays à un autre. De plus, ces investissements pré-sentent la spécificité de ne pas pouvoir être reconvertispour un autre usage que celui pour lequel ils ont étéréalisés. Il apparaît en effet difficile, par exemple, d’affec-ter une ligne de transport d’électricité ou une stationd’épuration des eaux à un autre usage que celui pourlequel elles ont été construites. Il est donc impératif pourles investisseurs d’apprécier les risques sur la durée, etde se placer dans une perspective à moyen et à longterme.

Exemples de risques liés à des notifications de politique:

– Les services de masse (électricité, eau) ont connu unelongue tradition de prix subventionnés. L’établis-sement des tarifs est bien souvent politisé et il peutarriver que le tarif négocié par l’investisseur lors d’un«Construction–Exploitation–Transfert» (CET)1 (cons-truire le bien, l’exploiter sur une période déterminéeet remettre le bien à la fin de la période d’exploi-tation), par exemple, soit totalement remis enquestion en cours de contrat par les pouvoirs publicspour répondre à des objectifs politiques à court terme.

– Risques associés au coût et à l’approvisionnement enmatière première. Dans un projet de productionélectrique, l’investisseur peut dépendre de façoncritique de la fourniture en mazout. Si celle-ci dépendd’une société d’État, l’investisseur aura à mesurer lesrisques et à examiner la sécurité de l’approvision-nement.

Exemples de risque liés à la convertibilité – transfert desbénéfices :

– Dans les projets d’infrastructures de réseaux (électri-cité, eau, télécommunications locales, etc.), les reve-nus collectés le sont en monnaie locale. L’investisseurest donc amené à s’assurer de la convertibilité et despossibilités de transfert.

Exemples de risque liés à l’environnement politique:

– Les infrastructures sont particulièrement exposéesaux risques de destruction liés aux guerres et auxtroubles de l’ordre public. L’histoire récente del’Afrique a un impact évident sur la perception durisque politique par les investisseurs. Il apparaîtévident que les investisseurs privilégieront les paysstables, au détriment de ceux qui ont connu ouconnaissent des troubles sociaux ou des guerres.

Le risque social

Ce risque n’est que rarement mentionné. Cependant,selon nous, il s’agit d’un risque majeur à évaluer précisé-ment. Il s’agit de mesurer le degré d’acceptation par lespartenaires sociaux locaux (syndicats, membres dupersonnel, etc.) de l’idée de privatisation. L’expériencemontre que dans les sociétés où ce point a été particu-lièrement pris en compte et où le personnel et lessyndicats ont été sensibilisés à l’idée de privatisation, leprocessus s’est déroulé de façon harmonieuse. Cettesensibilisation est un gage de succès et les pouvoirspublics gagneraient à préparer et à mener la concer-tation avec l’ensemble des partenaires sociaux.

Le risque financier

Les sources de risques financiers sont considérables. Cesderniers peuvent être liés à la solvabilité des clients, auxaspects contractuels des clients ou des partenaires, autaux d’intérêt, au taux de change, à la fiscalité, etc.

En tout état de cause, ces risques font l’objet d’uneévaluation très précise par l’investisseur privé et d’unemise en cohérence avec ses objectifs qui sont d’équi-librer les comptes de la société et d’atteindre unerentabilité minimale du capital investi selon les critèrespropres à chaque groupe d’investisseurs.

La mitigation de ce risque est cruciale, car c’est d’elleque dépendent la mobilisation des fonds provenant desbanquiers pour financer les investissements et, égale-ment, l’intéressement des actionnaires locaux.

ENCADRÉ 5.1

Le point de vue d’un investisseur privé pour une transaction de privatisation

Yves Picaud – Groupe Compagnie générale des eaux – Vivendi

1. BOT: Build, Operate, Transfer. En français : Construction–Exploitation–Transfert (CET).

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ils ont alors contractuellement la responsabilité. Il estdonc essentiel de bien comprendre l’importance desaspects comptables et financiers, pierres angulairesdu processus qui va consister en une déterminationet une évaluation des risques associés aux activités àreprendre.

La section «Les BOT: un mécanisme adaptatif»traitera des aspects liés à la restructuration financièredes entreprises à privatiser. Cette première partie, quiconstitue le préalable de toute transaction de priva-tisation, comporte un diagnostic financier indispen-sable au choix de la structure juridique de l’entrepriseà privatiser.

Les éléments devant aboutir à la transactionproprement dite seront l’objet de la section «Com-posantes juridiques d’une transaction BOT simple»,où une analyse des régimes de propriété et d’exploi-tation des biens d’une entreprise de service publicsera réalisée. Les trois types de biens que l’onretrouve dans ces entreprises, à savoir les biens deretour, les biens de reprise et les biens propres, serontanalysés. Le traitement comptable de ces bienspourra alors être disséqué avant que l’on aborde laquestion de la fiscalité des concessions.

Il faut également souligner que la maîtrise del’ensemble de ces éléments est essentielle à une sainerégulation des services publics délégués. En effet,toute demande d’ajustement tarifaire prend néces-sairement en compte l’entretien, le renouvellementou l’acquisition de l’un, de deux, ou des trois typesde biens mentionnés ci-dessus. Il est donc essentield’en maîtriser le traitement comptable qui en est faitdans les états financiers du délégataire pour pouvoircorriger le tir au besoin.

Diagnostic global et structurejuridique de l’entité à privatiserLa décision d’implication d’un partenaire privé sebasera sur un diagnostic global de l’entité à privatiser,qui se décline sur plusieurs plans :

– le volet financier ;

– le volet technique;

– le volet juridique;

– le volet ressources humaines ;

– le volet environnemental.

Chacun de ces volets fera bien entendu appel àdes spécialistes pour que l’on en arrive à tirer lesbonnes conclusions sur la situation exacte de l’entitévisée. Le volet financier est cependant de premièreimportance, dans la mesure où les quatre autresvolets cités ci-dessus seront, in fine, transcrits enobligations financières.

L’accent sera donc mis sur le diagnostic de lasituation financière de l’entité qui se trouve au cœurde toute l’analyse qui mettra en lumière la nécessitéd’une indispensable restructuration financière.

Au-delà des limites de fiabilité des informationsfinancières qui sont à relever, l’analyse financièremenée sur la base du bilan comptable de l’entité àprivatiser fait généralement ressortir, en Afriquesubsaharienne, un certain nombre d’indicateurs dedysfonctionnement sérieux:

• Un bilan déséquilibré où le capital social est trèslargement, voire totalement, absorbé par lespertes cumulées, ce qui, sur un plan strictementcomptable, signifie que l’entité en question est ensituation de dépôt du bilan et devrait donc êtreliquidée ;

• Un fonds de roulement2 souvent négatif, ce quirevient à dire succinctement que le passif à courtterme est largement supérieur à la valeur de l’actifà court terme;

• Une trésorerie presque totalement grevée par lescréances dues par les clients, dont aussi bien lavaleur que le recouvrement sont aléatoires ;

• Une incapacité à investir en ouvrages de renou-vellement et d’extension sur fonds propres ou parendettement à des conditions commerciales ;

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2. Le fonds de roulement se définit comme la part de capitauxpermanents disponible pour le financement de l’actif circu-lant après le financement des emplois à long terme.

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• Une absence de réalisation des travaux de grosentretien des ouvrages, qui sont reportés d’annéeen année, abrégeant ainsi la durée de vie utile deces ouvrages ;

• Une planification à moyen et à long termes trèssouvent complètement déficiente, l’entité n’arrivantmême plus à payer les frais de développement deses ressources humaines.

De façon synthétique, on se trouve généralementdans une situation où la dette exigible des créanciersde l’entité la place dans une situation d’incapacité àhonorer ses engagements. Ce qui revient à dire qu’elleest techniquement en cessation de paiements et se re-trouve ainsi dans l’obligation de solliciter l’assistancefinancière directe de l’État pour financer les dépensescourantes ainsi que celles reliées aux investissementsavec l’appui des bailleurs de fonds internationaux.Ces derniers réalisent que malgré leur soutien aufinancement de programmes d’investissement impor-tants dans les infrastructures, les secteurs demeurentsous-performants et largement déficitaires et qu’il estdifficilement envisageable à moyen terme d’atteindrel’équilibre financier des secteurs3.

La réalisation effective des opérations de restruc-turation financière s’avère incontournable pourpermettre aux bailleurs de fonds de financer la tréso-rerie de départ et les investissements de réhabilitationdes équipements, sans courir un risque de saisievenant des anciens créanciers de l’entité. L’inves-tisseur privé ne peut pas porter la responsabilité despiètres résultats de l’ancienne équipe de gestion (etd’ailleurs n’y tient pas). In fine, il faut aboutir à unschéma institutionnel viable et attrayant pour lesinvestisseurs privés.

L’objectif étant de déléguer la gestion des secteursde l’eau et de l’électricité à un investisseur privé, ilrevient à l’État, sur la base du diagnostic financier,de décider parmi les options suivantes :

a) Maintien de l’entité juridique et de sa restructu-ration financière :

• Restructuration des capitaux propres et de ladette à long terme;

• Délégation à une structure de cantonnementétatique des créances à l’endroit des tiers ;

• Redevance pour couvrir l’ancien service de ladette.

b) Liquidation de l’ancienne entité et mise en placed’une nouvelle entité juridique.

Maintien de l’entité juridiquePour des raisons de souveraineté, l’État peut décider deconserver l’entité d’État responsable de la gestion duservice public. Sans nuire à la rentabilité de l’investis-seur privé, ce choix peut être justifié par le fait que leniveau d’endettement du secteur peut être entièrementabsorbé par les tarifs ayant cours ou qu’il y a lieu deprocéder à une légère augmentation de tarif. Il fauttoutefois garder à l’esprit que plus l’endettement d’uneentité est élevé, plus la valeur de l’action du capitalsocial (l’avoir des actionnaires) est faible.

Le choix de cette option impose alors de procé-der au «nettoyage du bilan» de l’entité juridique àprivatiser. La restructuration financière est nécessaireafin de maintenir dans l’entité délégataire un niveaud’endettement raisonnable et de présenter égalementune «mariée » qui puisse intéresser les privés à uneparticipation dans le capital de l’entité existante parla vente des actions de la société d’État ou parl’augmentation du capital.

Restructuration des capitaux propres et de la dette à long terme

La première opération de restructuration concerne lacompensation des dettes et des créances croiséesentre l’État et l’entité juridique. Les deux partiesdoivent s’entendre sur le solde de leurs créancesrespectives. Une fois cette opération de confirmationdes soldes terminée, il est alors nécessaire de procéderà la compensation des dettes et des créances à lahauteur du montant du solde le moins élevé. À partirdu solde de tout compte dû, après compensation, onA

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3. L’équilibre financier fait référence à un taux de rentabilitésuffisant sur les capitaux investis et à une capacité d’auto-financement des investissements dans les secteurs (sur fondspropres ou par endettement).

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procédera par la suite soit au règlement, à l’annu-lation ou à une augmentation du capital, dans le casoù le résultat net de la compensation ferait ressortirun solde dû à l’État par l’entité.

Il peut être également nécessaire de restructurer lecapital négatif de l’entité par une augmentation ducapital. Comme l’État ne peut injecter de l’argentfrais, n’en ayant pas les ressources, il faut alors passerà la capitalisation de toutes ou d’une partie des dettesà long et à moyen terme et, s’il en existe, à des sub-ventions d’équipements, à des surplus de réévaluationd’actifs immobilisés, après quoi on procédera àl’opération dite du «coup d’accordéon» par laquelleles pertes cumulées seront annulées par unediminution du capital. L’objectif de ces opérations surles capitaux permanents est d’avoir un capital social(l’avoir des actionnaires) qui s’avère suffisant pourune entité de service public à forte capitalisation.

Le mode de délégation choisi par l’État impliqueun certain nombre d’opérations juridiques et comp-tables pour transformer l’entité propriétaire de l’actifen délégataire du service. Le plus souvent, les entitésdes pays en développement sont des sociétés délé-gataires du service public et sont également proprié-taires des actifs industriels et commerciaux dusecteur exploité. Comme dans bien des pays oùl’État désire conserver la propriété de ses actifsd’infrastructure, il faut alors transférer de l’entité àl’État ces actifs, mais sans appauvrir l’entité, souspeine de poursuites des créanciers. Normalement, cetransfert se fait après l’évaluation des biens par desexperts qualifiés en la matière, par un acte de cessionde ces actifs en contrepartie d’une prise en charge parl’État des dettes à long et à moyen terme. Si la situa-tion nette de l’entité est négative, il faut que l’Étatprenne en charge une partie de la dette à court terme(créanciers chirographaires).

Délégation à l’État des créances vis-à-vis des tiers de l’entité

Il arrive parfois que la situation financière soit telle-ment désastreuse (le capital social est complètementabsorbé par les pertes cumulées et le niveau de tarif esttrès élevé: système de production thermique ancien,

coût élevé du carburant en raison de l’isolement, etc.)qu’il est alors difficile, voire impossible, de transférerl’endettement à l’endroit des tiers (passif à court,moyen et à long terme) à l’opérateur privé. Dans cecas, il revient à l’État de prendre ses responsabilités entant qu’actionnaire unique et d’assumer une partie oula totalité des dettes à l’endroit des tiers. Il faut alorsprocéder à une entente de délégation parfaite decréances entre l’entité, l’État et le créancier.

Le procédé exige l’établissement d’une structure decantonnement étatique qui aura pour objet d’assumerles dettes de l’entité à l’endroit des tiers et de procéderà leur règlement selon des modalités préalablementnégociées. Ces modalités font l’objet d’une conventionde remboursement entre l’État et les créanciers.L’objectif de la délégation parfaite de créances estd’obtenir de l’ensemble des créanciers la renonciationà toute poursuite contre l’entité à privatiser.

La plus grande difficulté dans cette opération estd’obtenir le consentement unanime de tous lescréanciers privilégiés et chirographaires. Pour que lescréanciers consentent au transfert de leur créance, ilfaut que l’État puisse les convaincre qu’il s’agit de lameilleure solution pour eux. Pour ce faire, l’État offregénéralement un paiement au comptant à la signa-ture des conventions et un billet à terme, avec ousans intérêt, avec un étalement du règlement dusolde sur trois à cinq ans. Il peut être avantageux,pour faire adhérer tous les créanciers à cette solution,de leur permettre d’escompter leur billet auprèsd’une institution bancaire locale. Dans ce cas, il fautque le système monétaire du pays puisse le per-mettre. Les institutions bancaires privées peuventdemander une garantie de la banque centrale pour lemontant des billets escomptés. Le taux d’escomptedes billets pratiqué par les banques privées pourraitêtre négocié par l’État pour l’ensemble des créanciersafin de maximiser la valeur de leur créance.

Il est à noter que la transparence dans le processuset l’égalité de traitement de tous les créanciers locauxou étrangers sont des aspects très importants. Il fautéviter tout recours en justice de créanciers lésés outoute plainte auprès des institutions financières inter-nationales.

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Cette délégation de créances d’une entité à l’Étatdoit normalement obtenir l’approbation des Institu-tions de Brettons Wood et du ou des bailleurs defonds qui financeront cette ligne du budget de l’État.Il faut également prévoir que la réalisation de l’actif àcourt terme, dont principalement les créances sur lesclients, après la reconstitution des avances surconsommation et sur travaux normalement exigéeslors d’un branchement du consommateur au servicepublic, soit versée par le délégataire privé à lastructure de l’État responsable des dettes cantonnées.

Redevance pour couvrir l’ancien service de la dette

L’État, sous la pression du Fonds monétaire interna-tional (FMI) et des bailleurs de fonds internationaux,peut exiger des opérateurs privés que le service de ladette rétrocédée par l’État au secteur à des conditionscommerciales soit assumé par ce dernier sous formed’une redevance couvrant le remboursement encapital et intérêt, et le coût éventuel des pertes dechange. Le coût de cette redevance est inclus dans ladétermination du tarif du service privatisé et estremboursable selon un échéancier déterminé dans laconvention signée entre l’État et le privé, sous peinede forte pénalité monétaire pouvant aller jusqu’à ladéchéance de la convention de délégation dans le casdu non-respect de cette obligation.

La liquidation de l’ancienne entité et la mise en place d’une nouvelleIl existe également une autre façon de procéder à laprivatisation de la gestion d’un service public : par lacréation d’une nouvelle entité juridique avec letransfert des actifs industriels de l’ancienne à lanouvelle entité et la liquidation de l’entité existante.Cette solution est la plus économique en ce qui atrait aux coûts de restructuration; elle est pratique ets’exécute rapidement pour la mise en place d’unnouveau schéma institutionnel.

Cependant, cette solution comporte égalementdes aléas importants pour l’État, actionnaire del’entité existante, et les consommateurs des services.Ces aléas sont : la prise en otage des consommateurs

et clients bons payeurs de l’entité, qui y perdrontleurs avances sur consommation et sur travaux, ledélai administratif occasionné par cette solution etfinalement les poursuites éventuelles des créancierstiers contre l’entité, l’État-actionnaire et les nouveauxexploitants privés.

Dans le cas de la liquidation, on retrouve égale-ment le problème de la reprise des biens industrielset commerciaux de l’entité liquidée afin que l’Étatpuisse confier ces biens à la nouvelle société délé-gataire. En effet, l’État doit reprendre possession desbiens industriels de l’entité à liquider par la repriseen contrepartie des dettes à l’endroit des tiers. Parcontre, cette appropriation des biens par l’État nedoit pas appauvrir l’ancienne entité. Il faut que lesopérations de liquidation par la réalisation de l’actifet le règlement se fassent selon les règles de l’art,conformément à la réglementation OHADA4,lorsqu’elle s’applique, afin d’éviter un recours enjustice de la part des créanciers.

Dans bien des cas, l’entité est en situation decessation de paiement depuis très longtemps et, dansun contexte normal, aurait déjà dû être liquidée. Ladécision de l’actionnaire principal, l’État, de main-tenir cette entité pour raison de service public sans ymettre de l’argent frais l’a implicitement engagé àramasser, à la fin, peu importe la solution retenue(liquidation de la société ou cantonnement desdettes), les pots cassés à l’égard des créanciers.

Régimes de propriété et d’exploitation des biensL’État peut déléguer5 le service public à une ou àplusieurs personnes morales de droit public ou dedroit privé. Il signe alors une convention qui a pour

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4. Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires enAfrique.

5. On entend par délégation les conventions telles que la conces-sion de travaux et de service, l’affermage, la régie intéressée,la gérance, la gestion. Nous ne nous attarderons pas sur lesdifférentes déclinaisons qui existent (concession, affermage,gérance, régie intéressée, contrat de gestion), CPE (Cons-truction–Propriété–Exploitation), CET (Construction–

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effet de confier, en tout ou en partie, l’exécution dela mission de service public à des personnes moralesde droit public ou de droit privé.

Dans une délégation de service public, l’Étatconserve souvent le titre de propriété des biens an-ciens et nouveaux qu’il confie au délégataire, mêmedans le cas d’une concession. En effet, les biensd’infrastructures financés par le délégataire sont desbiens qui retournent normalement à l’État dès leurmise en service. Cependant, il peut y avoir desdispositions contractuelles permettant au délégatairede conserver le titre de propriété des biens jusqu’à lafin de la concession afin de lui permettre de mobi-liser des financements de la part de prêteurs.

Le cahier des charges du contrat de délégationprécise la nature juridique des ouvrages, constructionset installations existantes et à venir. Il déterminel’assiette du droit réel du délégataire privé en tenantcompte des nécessités du service public.

Les biens nécessaires au fonctionnement duservice public de l’énergie électrique ou de l’eaupotable qui font partie du domaine public, dès qu’ilssont aménagés spécialement à cet effet, ne peuventen effet être cédés que dans les conditions prévuespour les autres dépendances du domaine public. Onretrouve trois types de biens dont il est nécessaire deconnaître la définition et les implications dans touttype de convention de concession:

– les biens de retour ;

– les biens de reprise ;

– les biens propres.

Définitions

Les biens de retourLes biens de retour sont constitués par les terrains,les équipements et les ouvrages publics du délé-guant, existants ou à construire, qui sont mis à la

disposition du concessionnaire pendant toute ladurée de la convention de concession.

Ils comprennent à la fois :

– les biens mis à la disposition du concessionnairepar le concédant à la date d’entrée en vigueur ;

– les biens nouveaux, incorporés à la concession etfinancés par le concédant, directement ou parl’intermédiaire d’organismes financiers ;

– les biens nouveaux, constitués par le concession-naire et financés par des tiers, lors de la réalisa-tion de travaux d’extension ou de renforcementet, le cas échéant ;

– les biens incorporés au domaine public et mis à ladisposition du concessionnaire par le concédant,postérieurement à la date d’entrée en vigueur,dans les conditions prévues d’un commun accordentre les deux parties.

On procède normalement à un inventaire exhaus-tif des biens de retour par le nouvel exploitant. Cetinventaire établit obligatoirement, pour chaque bien,les données suivantes : désignation, localisation géo-graphique, «renouvelabilité», date d’acquisition, coûtd’acquisition, état technique, vétusté, valeur nettecomptable, valeur de remplacement.

C’est au terme de l’inventaire contradictoire quela valeur nette comptable de chaque bien de retourest inscrite dans les comptes du concessionnaire. Unecorrection de la valeur nette comptable est éventuel-lement effectuée pour obsolescence ou mauvais étatde fonctionnement, laquelle correction est détermi-née par accord entre les parties ou, à défaut d’accord,en arbitrage par un expert indépendant en évaluationde biens industriels nommé par les parties.

Les biens de retour sont mis à la disposition del’exploitant par l’État pour une durée n’excédant pascelle du contrat de concession. Aucune mise à dispo-sition ne peut être consentie sans que l’exploitantn’ait préalablement souscrit dans le contrat deconcession des engagements de nature à garantir lebon entretien des biens.

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Exploitation–Transfert, etc.) et traiterons ici de manièregénérique de la concession. La différence entre ces notionsconcerne les risques que l’opérateur privé accepte d’assumer.

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Pendant toute la durée de la mise à disposition, lesbiens demeurent la propriété de la personne publiqueà laquelle ils appartiennent. Les biens non mis à ladisposition du concessionnaire par l’État, mais réaliséspar le concessionnaire, sont incorporés dès leurachèvement dans le domaine public et deviennentpropriété publique de l’État dès qu’ils comportent unaménagement spécial en vue de la réalisation du servicepublic faisant l’objet de la délégation. Ces ouvrages,constructions et installations ne peuvent être hypo-théqués que pour garantir les emprunts contractés parle titulaire du droit d’utilisation du domaine, en vuede financer la réalisation, la modification ou l’extensiondes ouvrages, constructions et installations de caractèreimmobilier situés sur la dépendance domaniale occu-pée. Les hypothèques sur lesdits ouvrages s’éteignentau plus tard à l’expiration du droit d’utilisation dudomaine public.

Les biens de repriseLes biens de reprise sont constitués, notamment etsans que cette liste soit limitative, des véhicules etengins spécialisés, de l’outillage, des stocks, dumatériel informatique et des logiciels spécialisés, desfichiers et des bases de données, ainsi que, le caséchéant, des immeubles à usage d’atelier, de bureau,de magasin, de laboratoire ou de logement defonction, construits sur des terrains du concédant etautres que ceux identifiés comme des biens de retour.Il est à noter que les biens mobiliers et immobiliersacquis ou constitués par le concessionnaire pendant ladurée de la convention de concession à l’effet exclusifde l’exploitation des services concédés, à l’exceptiondes biens de retour mentionnés ci-dessus, sont, au sensde la convention de concession, des biens de reprise.

Le concessionnaire dresse un inventaire descriptifdes biens de reprise existants, valorisés à leur valeurcomptable nette. Cet inventaire est annexé à laconvention de concession.

Les biens de reprise sont et restent la propriété duconcessionnaire. Le concessionnaire ne peut toute-fois aliéner les biens de reprise immobiliers, niconsentir sur eux d’hypothèque, sans l’autorisationexpresse et préalable du concédant.

Les biens propresTous les biens autres que les biens de retour et dereprise, et qui sont la propriété du concessionnaire,constituent ses biens propres. Ils restent sa propriétéà la date d’expiration de la convention de concession,sauf en cas d’accord contraire entre les parties.

Les biens propres englobent, notamment, et sansque cette liste soit limitative, certains des immeublesà usage de bureau ou de logement qui n’ont pas voca-tion, en raison de leur situation ou de leur aména-gement, à demeurer nécessaires à l’exploitation desservices concédés, ainsi que, le cas échéant, desvéhicules automobiles non spécialisés, des matérielset mobiliers de bureau, et des logiciels non spécialisés.

Les biens propres sont et restent la propriété duconcessionnaire qui peut, à tout moment, enacquérir ou les aliéner, sous réserve, bien entendu,que cette opération n’ait aucun effet défavorable surle bon fonctionnement des services concédés àl’exploitant privé.

Traitement comptableLes règles de comptabilité applicables aux conven-tions de concession présentent des spécificités :

– Lorsque le concessionnaire apporte des biensnouveaux qui retournent au délégant, onapplique alors des règles spéciales de comptabilitéportant sur l’amortissement de caducité, l’amor-tissement pour dépréciation, les provisions pourrenouvellement et les provisions pour grossesréparations.

– Le maintien du potentiel productif des instal-lations confiées en concession au niveau exigé parle service public doit être recherché par le jeu desamortissements et, éventuellement, par celui desprovisions. Afin de respecter ce principe, il y a lieud’adapter le traitement comptable afin d’aboutir àce que, à la fin de la période de concession, le con-cessionnaire ait récupéré la totalité des dépensesengagées par lui pour le compte du concédant, parun étalement de leur coût sur la durée de laconcession qui tienne compte le mieux possible

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bilan qui désigne la part du délégant dans lesimmobilisations des biens de retour. Les ajustements sefont soit par une dotation complémentaire de provisionde renouvellement, si la provision est insuffisante, avecdébit correspondant au compte de résultat, soit par unereprise du compte de provision de renouvellement, si laprovision est en excès, avec crédit correspondant aucompte de résultat.

L’insuffisance ou l’excès de provision de renouvellementsont définis comme suit :

a) pour les biens mis à disposition par le concédant oufinancés par des tiers, l’écart entre la valeur d’acqui-sition du bien issu du renouvellement et le montant dela provision accumulée au passif du bilan;

b) pour les biens financés par le concessionnaire, l’écartentre, d’une part, la différence entre la valeur d’acqui-sition du bien issu du renouvellement et celle del’ancien bien remplacé, et, d’autre part, le montant dela provision accumulée au passif du bilan.

L’évolution du coût de remplacement prévisionnel dubien de retour à renouveler est établie par l’applicationd’un indice défini par les parties. Cette méthode estproposée par le concessionnaire et approuvée par leconcédant ou par l’autorité de régulation dès sa mise enplace.

La règle de constitution de la provision de renouvel-lement est la suivante :

Dès le premier exercice comptable du concessionnaire,dans le cadre de la convention de concession, le conces-sionnaire dotera le compte de provision d’un montantannuel pendant toute la durée de la concession,conformément aux prévisions financières. Cette sommeannuelle, définie en monnaie constante, est réévaluée àl’aide d’indices professionnels adaptés (liés aux secteursde l’eau et de l’électricité), que les parties définirontultérieurement.

Les sommes ainsi constituées seront utilisées pourl’accomplissement des travaux de renouvellement, enexcluant de tout autre usage.

des obligations contractuelles spécifiques du cahierdes charges. Le traitement comptable est différentselon que les immobilisations sont remises auconcédant à la fin de la concession à titre gratuitou contre indemnité.

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L’amortissement de caducité est un amortissement àcaractère financier qui permet la reconstitution descapitaux investis (capitaux propres et emprunts). Iltraduit la disparition progressive des moyens definancement des immobilisations, plutôt que la dimi-nution de la valeur des biens qui seront remis en état auconcédant. La durée de l’amortissement de caducité estnormalement celle restant à courir de la durée ducontrat de concession. L’amortissement de caducitéconcerne tout bien de retour financé par le conces-sionnaire. Il a pour but de permettre la reconstitution descapitaux investis par le concessionnaire pour le comptedu concédant. Il s’applique uniquement lors du premierétablissement d’un bien nouveau acquis par leconcessionnaire.

La dotation annuelle est la valeur d’acquisition du bien,divisée par la durée restante de la délégation (environ 15à 25 ans). La provision de renouvellement concerne toutbien de retour renouvelable. Elle est constituée par anticipation du remplacement du bien par leconcessionnaire.

L’amortissement pour dépréciation des biens quiretournent au concédant n’a pas d’incidence sur lescomptes des résultats du concessionnaire. Cependant, lavaleur du bien mis en concession apparaît au bilan duconcessionnaire en contrepartie du droit du concédant.Les valeurs du bien et de cette contrepartie doivent doncêtre diminuées en fonction de la valeur de la vie utile dubien par l’amortissement pour dépréciation ainsi que parla diminution du droit du concédant.

L’amortissement pour dépréciation, conformément auxdispositions fiscales du droit commun, s’applique sur lavaleur d’acquisition d’un bien et se répartit sur sa duréede vie comptable. Les biens de reprise et les bienspropres font uniquement l’objet d’un amortissementpour dépréciation.

Lors du renouvellement d’un bien, la valeur d’acquisitionde ce bien est portée à l’actif du bilan et la provisionaccumulée au passif du bilan, après ajustements, esttransférée au «droit du délégant», compte de passif du

ENCADRÉ 5.2

Les amortissements et les provisions

Il faut ajouter à cela que le concessionnaire a engénéral l’obligation de tenir une comptabilité géné-rale conforme aux dispositions législatives et régle-mentaires du pays, sous réserve de la tenue descomptes spécifiques à l’objet de la convention de

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concession. Le concessionnaire a également l’obliga-tion de mettre en place une comptabilité analytiqued’exploitation pour la production, le transport et ladistribution en vue de séparer ces trois activités àmoyen terme.

Les biens faisant l’objet de la convention deconcession peuvent être remis à l’autorité concédantede deux manières :

– à titre gratuit ;

– contre paiement d’une indemnité.

Biens remis au concédant à titre gratuitLa valeur des biens qui feront l’objet d’un renouvel-lement est déterminée lors des négociations contrac-tuelles. Cette valeur est normalement amortielinéairement sur la durée de la période de concession.Elle fait l’objet d’un ajustement annuel à la hausse ouà la baisse pour tenir compte de la différence entre lavaleur prévisionnelle de remplacement à l’identiqueet la valeur estimée au départ6. Elle peut être exigiblepar le concédant à la fin de la période de concession.

Biens remis au concédant contre paiement d’une indemnité

Le traitement comptable des biens construits par leconcessionnaire et remis au concédant à la fin ducontrat contre une indemnité est celui du droitcommun applicable aux sociétés commerciales. Lemontant de l’indemnité pour ce bien est déterminécontractuellement ou par un expert. L’indemnitéétant assimilée à un prix de cession, le bien doit fairel’objet d’un amortissement pour dépréciation dontles dotations annuelles constituent une charged’exploitation. Tout emprunt pour le financementde ce bien doit être remboursé avant la fin de lapériode de concession.

Il peut arriver qu’au lieu de payer une indemnité,le concédant reprenne en charge les emprunts desbiens. Dans ce cas, le concessionnaire aura droit à

l’amortissement de caducité sur la base du montantdes capitaux propres qu’il aura investis, auquel onajoutera le montant des remboursements du prin-cipal de l’emprunt qu’il aura à effectuer entre la datede création des immobilisations et la date de la finde la concession.

Traitement comptable spécifique des biens de retour

Les biens de retour non renouvelables mis à disposition par le concédant

Les biens de retour non renouvelables mis à la dispo-sition du concessionnaire par le concédant sontinscrits en immobilisations à l’actif du bilan et en«droit du concédant » au passif du bilan ou, si cesbiens sont financés par des tiers, au compte de passif« financement par des tiers ». Ces biens font l’objetd’un amortissement pour dépréciation sur leur duréede vie technique, par prélèvement de la dotationcorrespondante sur le «droit du concédant», ou, lecas échéant, sur le compte « financement par destiers», sans affecter le compte de résultat.

Les biens de retour renouvelables mis à disposition par le concédant

Les biens de retour renouvelables mis à la dispositiondu concessionnaire par le concédant sont inscrits enimmobilisations à l’actif du bilan et en « droit duconcédant» au passif du bilan. Ils font l’objet :

– d’un amortissement pour dépréciation sur leurdurée de vie technique, par prélèvement de ladotation correspondante sur le «droit du concé-dant», ou, le cas échéant, sur le compte «finance-ment par les tiers », sans affecter le compte derésultat ;

– d’une provision de renouvellement inscrite aupassif du bilan et passée en charge au compte derésultat. La dotation annuelle correspondante estégale à la somme, d’une part, de la valeur d’acqui-sition répartie sur la durée de vie technique, et,d’autre part, de la variation annuelle de la valeurprévisionnelle de remplacement. À l’issue du re-nouvellement, le bien passe à la catégorie des biensde retour par accession (voir plus bas).

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6. Il faut noter qu’en cas de réparations majeures, une pro-vision pour la remise en bon état des biens est constituéeannuellement. Cette provision est portée en charges lorsquela remise en état a été effectuée.

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À la date d’entrée en vigueur de la convention deconcession, un montant initial de provisions derenouvellement des biens de retour est inscrit aupassif du bilan du concessionnaire par ordre de duréede vie technique résiduelle croissante.

Les biens de retour non renouvelablesfinancés par le concessionnaire

Les biens de retour non renouvelables financés par leconcessionnaire sont inscrits en immobilisations àl’actif du bilan. Ils font l’objet :

– d’un amortissement de caducité inscrit au passifdu bilan et passé en charge au compte de résultat;

– d’un amortissement pour dépréciation prélevésur le compte « amortissement de caducité » aupassif, sans affecter le compte de résultat.

Les biens de retour par accessionLe traitement comptable des biens de retour paraccession, tels que définis ci-dessus, est celui desbiens de retour financés par le concessionnaire.

Les biens de retour financés par des tiersLe traitement comptable des biens de retour financéspar des tiers est celui des biens mis à la dispositiondu concessionnaire.

Traitement comptable des biens du concessionnaire

Le traitement comptable des biens de reprise et desbiens propres est celui de droit commun applicableaux sociétés commerciales.

Fiscalité d’une concessionLa fiscalité applicable à la concession est en généralune notion nouvelle pour la direction des impôts despays en développement. Il est proposé que le délégant(l’État) s’oblige, pour le cas où les stipulations fiscalesne seraient pas expressément ou implicitement con-tenues dans le Code général des impôts en vigueur, àdévelopper une loi traitant de la fiscalité des délé-gations de service public permettant que l’exécutiondes dispositions contractuelles soit conforme au Codegénéral des impôts.

Dans le cadre de la revue annuelle, les partiesprennent les décisions appropriées en matière defiscalité lorsqu’elles anticipent que celle-ci aura uneincidence sur les tarifs de vente aux abonnés et surl’équilibre financier des services délégués. Dans cecas, il est important de noter que:

a) les amortissements de caducité sont déductiblesfiscalement et peuvent être reportés, en cas d’exer-cice déficitaire, sous la forme d’amortissementsdifférés, dans les mêmes conditions que les amor-tissements pour dépréciation;

b) les provisions pour renouvellement définies ci-dessus sont déductibles fiscalement ;

c) le concessionnaire récupère la taxe sur la valeurajoutée, notamment sur les dépenses d’investis-sement relatives aux biens de retour qu’il finance.

En tout état de cause, le concessionnaire est nor-malement assujetti aux dispositions fiscales de droitcommun. À ce titre, il doit s’acquitter des impôts,droits, taxes et redevances de toute nature, à l’excep-tion des taxes foncières afférentes aux biens immo-biliers, appartenant par nature ou par destination(biens de retour) au concédant. De plus, les stipu-lations relatives aux tarifs ont été arrêtées en consi-dération, notamment, des stipulations fiscales quisont la conséquence directe des règles comptablesapplicables à la convention de concession.

Prévisions financièresL’élaboration des prévisions financières, communé-ment appelée en langage d’affaires «plan d’affaires»,est un outil essentiel pour déterminer la valeur d’uneentreprise. Le plan d’affaires est normalement éla-boré lors des études préliminaires portant sur laprivatisation d’un secteur et il sert à confirmer quel’option stratégique de privatisation arrêtée par legouvernement est réalisable et vendable à des inves-tisseurs privés. Il est basé sur des hypothèses réalistesqui prennent en compte les gains de productivité,tant techniques que financiers, réalisés dans le temps.De plus, il doit servir lors des négociations, pour lareprise du secteur par les exploitants privés, entre legouvernement et les adjudicataires de l’appel d’offres.

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Une fois la privatisation réalisée et les opérateursprivés en place, le plan d’affaires devient alors un outilimportant pour le régulateur afin qu’il puisse suivreadéquatement l’évolution du travail des exploitantsen fonction des engagements techniques et financierspris par ces derniers et, surtout, il est un outil essen-tiel pour permettre de suivre l’évolution tarifaire.

En effet, le point sensible d’une bonne régulationdes services publics demeure la tarification des ser-vices, du producteur jusqu’au consommateur finaldu service (production, transport et distribution).Selon les principes généralement admis, la tarifi-cation d’un service public doit permettre de couvrirl’ensemble des coûts d’exploitation et d’assurer unerémunération adéquate du capital investi par l’inves-

tisseur privé. Cette tarification est également sujette àdes indexations régulières (sur une base trimestrielle,semestrielle, annuelle ou autre), à la hausse comme àla baisse, en fonction de la variation de certainescomposantes reliées au coût de la vie.

Pour arriver à une tarification juste et raisonnable,il faut que les régulateurs aient une bonne maîtrisedes coûts d’exploitation et des coûts d’investissementde réhabilitation, de renouvellement et d’extensionen fonction de la demande. L’exploitation d’unservice public exige de la part du délégataire unegestion optimale, à la fois technique et financière,permettant d’assurer une qualité et une continuité desservices au moindre coût. Comme les investissementsdans les services sont lourds, les exploitants doivents’assurer d’une planification maîtrisée en fonction desparamètres de la demande et de la capacité de payerdes consommateurs actuels et futurs.

Il faut avoir comme objectif de développer unmodèle financier simple comportant un tableau debord pour le suivi des performances techniques etfinancières des exploitants. Ce modèle comprend lesétats financiers dont le bilan, les états des résultats etceux des flux de trésorerie. De plus, un état des résul-tats pour chacun des segments (production, trans-port, distribution et commercialisation du servicepublic) doit être développé. Pour se rapprocher de lasituation prévalant dans le pays en développement,il faut construire un modèle qui comprendra uneproduction mixte (centrales hydrauliques et centralesthermiques) pouvant inclure l’importation d’énergieélectrique qui dessert les principales villes du paysdans un réseau interconnecté et la production ther-mique pour les centres secondaires.

Au cours du développement d’un modèle, il fautaccorder une importance particulière à l’évaluationet à l’interprétation des données historiques, tanttechniques que financières, permettant une analysecritique du secteur. De plus, le modèle doit com-porter l’élaboration des principales hypothèses quidevront être largement commentées, ainsi que l’ana-lyse critique des résultats obtenus.

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ENCADRÉ 5.3

Structure tarifaire (détermination et indexation des tarifs)

Souvent retenu dans la mise en place des réformes,l’objectif de la baisse des tarifs est prioritaire. Pourlouable qu’il soit, cet objectif doit pouvoir être réalisteet réalisable, compte tenu de l’état de délabrement deséquipements du service, dans lesquels il faut injecter unimportant montant en investissement d’extrêmeurgence et de réhabilitation pour retrouver un niveaude service acceptable.

La structure tarifaire mise en place doit permettred’équilibrer financièrement le service privatisé. Toutemenace à cet équilibre financier par le fait du prince(décision unilatérale du délégant – l’État) ou pour causede force majeure doit être contrée par les parties afinde rééquilibrer financièrement l’entreprise par unajustement tarifaire ou par tout autre moyen financiercompensant l’exploitant privé.

La loi sectorielle doit clairement énoncer les principesde la détermination des tarifs du service public et leurindexation. Le texte de loi couvrant ces sujets pourraitse lire comme suit :

Le tarif du service public doit couvrir l’ensemble des coûtsd’exploitation, y compris la marge bénéficiaire du délé-gataire et la redevance ou le loyer pour les biens mis endélégation, et toutes autres charges imposées par l’État.Il est modulé par région afin de tenir compte des coûtsspécifiques à chaque région du territoire national.

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Un modèle de base est généralement élaboré surune période de dix ans et plus en utilisant commemonnaie le dollar des États-Unis d’Amérique.Cependant, il doit permettre la conversion facile desrésultats ainsi obtenus en monnaie nationale.

ConclusionLa définition et la mise en place d’une réforme insti-tutionnelle et, plus spécifiquement, d’une tran-saction de privatisation, sont un exercice difficile quidemande beaucoup de réflexion et surtout du temps.Les réformes instantanées et adoptées à la va-vite nefont jamais long feu et, comme se tromper coûte trèscher (financièrement et politiquement), il y a lieu debien analyser toutes les options de désengagement del’État des entreprises œuvrant dans les servicespublics.

Le schéma à mettre en place doit être réaliste etassez attrayant pour permettre une saine compétitiondès le début du processus de sélection. Il est norma-lement accompagné d’une réglementation transpa-rente et surtout prévisible dans son application. Laconvention de délégation et son cahier des chargesdoivent contenir les dispositions relatives aux objec-tifs technico-économiques à atteindre dans la gestion

technique et financière du service concédé, et toutmanquement aux objectifs doit être clairementsanctionné.

Pour comprendre et assurer un suivi adéquat parles régulateurs et l’autorité délégante des servicesdélégués à des investisseurs privés, il est nécessaire demettre en place un plan d’affaires adapté à la situa-tion actuelle et future du secteur. Ce plan d’affairesdoit prendre en compte la structure du secteur (seg-ments intégrés ou non intégrés) ainsi que le mode dedélégation adopté par l’État. Le développement decet outil est important afin de s’assurer du réalismed’un schéma de privatisation (viabilité financière) etde la justesse de la tarification du service public. Ilpermet également, sur une base régulière, de suivreles indices de performance sur lesquels se sont enga-gés les opérateurs privés.

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Deuxième partie

Les acteurs: l’État, l’agence de réglementation et l’investisseur

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IntroductionLa coexistence dans un même secteur de missionsd’intérêt général et d’activités en situation concur-rentielle nécessite un mode d’organisation spécifique,« la régulation». Jean Bergougnoux définit la régu-lation comme « l’ensemble des interventions despouvoirs publics visant à instaurer la concurrenceautant qu’il est nécessaire dans un secteur où ellen’existait pas ou très peu, et à concilier l’exercice loyalde la concurrence avec les missions d’intérêt généraldont sont investis les services publics en réseaux»1.

L’État est toujours responsable de l’organisationdes services publics et met en place une régulationappropriée. Dans le secteur électrique, la régulationrelève, en général, de deux acteurs : l’autorité derégulation mise en place par les pouvoirs publics etles ministères compétents. Si la répartition desfonctions et le partage des pouvoirs entre ces acteurssont variables selon les pays, il est toutefois possiblede dégager des traits communs.

Les compétences des autorités de régulationportent principalement sur les relations entre les opé-rateurs, producteurs, importateurs et consomma-teurs, et le monopole naturel constitué par le réseaude transport. Avant les réformes, leurs missionsétaient généralement assurées au sein de monopolesintégrés.

Les gouvernements et les administrations placéessous leur autorité sont les deuxièmes acteurs de larégulation des marchés de l’électricité. Ils ont la

responsabilité de l’organisation du service public oud’intérêt général de l’électricité et celle de ladéfinition et de la mise en œuvre de la politiqueénergétique. Afin d’exercer leurs responsabilités, lesÉtats ont développé des moyens d’intervention surles marchés.

L’organisation du service publicAssocié, le plus souvent, dans le passé, à la situationde monopole, le service public de l’électricité doitêtre réorganisé avec l’ouverture à la concurrence quientraîne la disparition de ce monopole.

Aussi, dans l’article 1 de la loi du 10 février 2000qui a ouvert à la concurrence le marché électriquefrançais, est-il précisé que « le service public de l’élec-tricité a pour objet de garantir l’approvisionnementen électricité sur l’ensemble du territoire national,dans le respect de l’intérêt général ». L’article 2, lui,précise cette définition en déterminant les troisgrandes missions du service public : « la fournitured’électricité», «le développement et l’exploitation desréseaux publics de transport et de distribution», [et]«le développement équilibré de l’approvisionnementélectrique ». Pour chacune d’elles sont aussi déter-minés les bénéficiaires, les opérateurs et les modalitésde financement.

La fourniture d’électricitéCette mission consiste à assurer :

• la fourniture d’électricité aux clients non éligiblesen respectant la péréquation géographique natio-nale des tarifs et en instaurant une tranche detarification «produit de première nécessité» pourles ménages les plus modestes ;

Le rôle de l’État dans un marché concurrentiel de l’électricitéDavid PROULTÉconomisteCommissariat à l’Énergie Atomique, Paris, France

1. Services publics en réseau : perspectives de concurrence etnouvelles régulations, Commissariat Général du Plan ; LaDocumentation française, avril 2000.

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• la fourniture d’électricité aux clients éligibles quine trouvent aucun fournisseur ni fourniture desecours.

Cette mission est confiée à EDF.

Les charges de l’entreprise liées à la mise en placed’une tarification sociale sont financées par le biaisdu Fonds du Service Public de l’Électricité (FSPE),alimenté par des contributions des consommateursfinals d’électricité et dont le montant estproportionnel à leur consommation.

Le développement et l’exploitationdes réseaux publics de transport et de distributionCette mission consiste à assurer :

• la desserte du territoire national par les réseauxpublics de transport et de distribution del’électricité ;

• le raccordement et l’accès, dans des conditionsnon discriminatoires, aux réseaux.

Elle est confiée au gestionnaire du réseau detransport, RTE – entité intégrée à EDF, mais indé-pendante sur le plan comptable et sur celui de lagestion du reste de l’entreprise – et aux distributeursnon nationalisés.

Ces charges sont réparties entre les différentsorganismes de distribution par le Fonds de Péréqua-tion de l’Électricité (FPE).

Le développement équilibré del’approvisionnement électriqueCette mission vise :

• la réalisation des objectifs d’évolution du parc deproduction de l’électricité, arrêtés par le ministrechargé de l’énergie ;

• la garantie d’approvisionnement des zones noninterconnectées au réseau de transport métro-politain.

Les opérateurs en charge de ces objectifs sont lesproducteurs d’électricité et, notamment, EDF.

Les charges financières qui en découlent fontl’objet d’une compensation intégrale par le biais duFonds du Service Public de l’Électricité (FSPE).

Pour des raisons stratégiques, de sécurité d’appro-visionnement et de protection de l’environnement,la France et la majorité des États européens ontconservé, en passant d’un secteur électrique ensituation de monopole à un marché concurrentiel,des moyens leur permettant de guider les choixd’investissement des opérateurs en termes d’énergiesprimaires et de technologies. Ils ont à cet effet misen place des outils qui peuvent être différents selonles pays, mais qui traduisent tous un changementdans la façon dont l’État intervient.

L’ouverture à la concurrencemarque un changement de perspective pour l’État : de la planification à l’incitationL’ouverture à la concurrence des marchés de l’électri-cité entraîne la fin de la logique de planification desinvestissements en installations de production d’élec-tricité, fondée sur des prévisions de la demande àlong terme, qui a prévalu dans les situations demonopole.

Le secteur électrique sous contrôle public appli-quait les décisions de politique énergétique concer-nant les énergies primaires à utiliser. La structure desparcs de production relevait directement de choixpolitiques et l’opérateur «public » devait s’y rallier.Dans ces conditions, les États maîtrisaient à la fois lanature (choix des technologies et des énergiesprimaires) et le rythme des investissements deproduction et de transport de l’électricité.

Sur un marché ouvert, les décisions d’investis-sement ne sont plus prises à l’échelle d’un systèmeélectrique mais par des opérateurs multiples. Aussi,l’investissement n’est plus décidé pour assurer l’équi-libre à tout moment entre offre et demande, mais enfonction d’une perspective de rentabilité. De même,le choix des énergies primaires par les producteurs nerelève plus de considérations stratégiques prenant en

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compte, par exemple, la sécurité d’approvision-nement, mais d’une logique de compétitivité de lafirme. Dès lors, ce sont des considérations sur le prixdu kWh et les coûts de production qui guidentl’investissement des opérateurs.

Dans cet environnement, l’État doit reconsidérerson rôle de planificateur de la politique énergétique.Pour conserver une maîtrise de l’évolution du secteurélectrique, il cherche à produire des incitations quiinfluenceront le comportement des opérateurs. Il neles contraint plus à suivre des injonctions, maisassure la rentabilité des investissements qu’il veutpromouvoir pour réaliser des objectifs publics.

La définition des objectifs publicsLa volonté des États de conserver des moyens d’inter-vention sur le marché de l’électricité vise en parti-culier deux types d’objectifs :

• Influencer l’évolution quantitative de l’offred’électricité afin d’assurer la sécurité d’appro-visionnement du marché électrique national.

• Influencer les choix technologiques. La plupartdes pays de l’Union européenne ont mis en placedes mécanismes permettant de soutenir certainesfilières technologiques dont le manque derentabilité (les renouvelables, la cogénération,etc.) ne permet pas un développement dans lecadre d’un marché concurrentiel.

La France est un des rares pays à s’être doté à lafois de moyens d’évaluation des besoins en capacitésde production d’électricité à moyen terme et d’outilsd’intervention sur l’évolution quantitative et qualita-tive de ses capacités.

Afin d’expliciter les choix publics en matièred’énergie, le législateur français a prévu l’élaborationd’une « loi d’orientation de l’énergie». Ce texte, quine porte pas uniquement sur l’électricité, doit expri-mer une vision à long terme sur l’ensemble des ques-tions énergétiques. Il doit en particulier définir despriorités et des objectifs concernant la maîtrise de lademande énergétique et l’approvisionnement énergé-tique du pays.

La «programmation pluriannuelle des investisse-ments de production (PPI)», arrêtée par le ministrechargé de l’énergie, sera la traduction concrète dansle domaine électrique des orientations de politiqueénergétique décidées. Elle fixe des « objectifs enmatière de répartition des capacités de production parsource d’énergie primaire et, le cas échéant, par tech-nique de production et par zone géographique2».

Ainsi, l’exercice de programmation réalisé, dansla situation de monopole, par EDF (entreprise pu-blique) est devenu une prérogative que l’État exercedirectement. Il est préparé sur la base d’un bilanprévisionnel pluriannuel établi par le gestionnaire duréseau qui analyse l’évolution passée de la consom-mation et des capacités de transport et de distri-bution. Il se fonde également sur des prévisions dedemande pour définir des objectifs de création denouveaux moyens de production.

La première programmation pluriannuelle desinvestissements a été arrêtée par le ministère le7 mars 2003. Elle fournit à l’État français un guidepour son intervention sur l’évolution des capacitésde production installées.

Les instruments de l’interventionpubliqueAfin de mettre en œuvre, dans le domaine de l’élec-tricité, leurs orientations énergétiques, les pays sesont dotés d’un «frein» (le système des autorisations)et «d’accélérateurs » (les appels d’offres, les obliga-tions d’achat et les marchés complémentaires) per-mettant de ralentir, d’interrompre ou à l’inverse desoutenir le développement d’une technologie parti-culière, ou d’ajuster l’ensemble des capacités deproduction installées.

Le «frein»: les autorisationsDans l’ensemble des marchés électriques, la créationde nouvelles installations de production est sujette àl’obtention d’une «autorisation d’exploitation» déli-vrée par le ministère de l’Énergie.

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2. Article 6 de la loi du 10 février 2000.

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La délivrance de cette autorisation est condition-née, de façon explicite ou non, à la compatibilité duprojet avec les objectifs publics sur le plan del’évolution du parc électrique (capacités et combus-tibles utilisés). Dans le cas où les caractéristiques del’investissement envisagé sont conformes aux orien-tations, l’autorisation est accordée. Mais, si lescapacités installées s’écartent des objectifs de cetteprogrammation, le gouvernement pourra décider dene plus accorder, pour un temps, d’autorisation pourcertains types de projets dont la réalisation creuseraitle décalage entre le parc souhaité et le parc observé.

Ce système des autorisations constitue un «frein»que les pouvoirs publics peuvent utiliser pourralentir le développement du parc de production oud’une technologie. C’est dans cet esprit que lespouvoirs publics britanniques ont refusé, entre 1998et 2000, d’octroyer des autorisations pour toutenouvelle centrale électrique au gaz.

Les «accélérateurs»: les appelsd’offres, les obligations d’achat, les marchés complémentairesDans le cas où l’évolution spontanée des investisse-ments ne suffit pas à répondre aux objectifs publicsen matière de technologie ou d’énergies primairesutilisées, les pouvoirs publics doivent pouvoirintervenir sur le marché pour inciter, avec des outilsassimilables à des «accélérateurs», au développementd’une technologie ou de certaines énergies.

Les États membres de l’Union européenne,s’étant donné des objectifs de développement extrê-mement ambitieux de production d’électricité àpartir d’énergie renouvelable, utilisent aujourd’huides instruments de soutien aux technologies pour,par exemple, développer les énergies renouvelables.

Trois grands types d’instruments sont mis enœuvre : les appels d’offres ou enchères concurren-tielles, les obligations d’achat ou tarifs d’achatgarantis et les marchés de certificats verts.

Ces trois types d’instruments visent tous à assurerla rentabilité des investissements souhaités lorsque les

conditions du marché de l’électricité ne le per-mettent pas. Pour cela, ils garantissent à la pro-duction un débouché et à l’investisseur un revenusupérieur à celui qu’il obtiendrait sur le marché.

Avec les appels d’offres et les obligations d’achat,l’électricité produite par la technologie soutenue estachetée à un prix supérieur à celui du marché. Dansle cas des marchés de « certificats verts » (pour ledéveloppement des énergies renouvelables), l’électri-cité est vendue au prix du marché, mais le revenu duproducteur est augmenté par la vente du certificatvert.

Les appels d’offres et les obligations d’achatLes appels d’offres et les obligations d’achat sont lesinstruments traditionnels des politiques de soutienaux énergies renouvelables, mais ils peuvent aussis’appliquer au développement d’autres technologies.Ils relèvent soit d’une approche par les quantités(appels d’offres), soit d’une approche par les prix(obligations d’achat).

• Avec le système des «appels d'offres» ou «enchèresconcurrentielles », le ministère fixe le niveau decapacité installée souhaité pour une technologiechoisie et propose un contrat d’achat à long termede l’électricité produite par ces installations.Seront retenus et bénéficieront des contrats lesinvestisseurs qui auront proposé le prix de ventede l’électricité le plus bas.

• Dans les procédures de « l’obligation d’achat »,aussi appelée «tarifs d’achat garantis», le ministèreimpose aux distributeurs d’électricité d’achetertoute l’électricité produite par les installationsconcernées à un tarif qu’il fixe et qui s’applique àl’ensemble des producteurs. Les pouvoirs publicsne connaissent pas a priori le niveau de dévelop-pement de la filière concernée. Il est fonction desprojets que les opérateurs décident de mettre enœuvre dans le cadre tarifaire affiché.

Parce que ces outils doivent assurer la rentabilitéd’investissements privés non profitables dans lesconditions du marché, ils ont un coût pour lacollectivité.A

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En France, c’est EDF qui a l’obligation d’acheterà un prix supérieur à celui du marché l’électricitéproduite par les installations bénéficiant de cesprocédures. Le surcoût induit pour l’entreprise faitl’objet d’une compensation par le biais du Fonds duService Public de l’Électricité (FSPE), alimenté pardes contributions de l’ensemble des consommateursfinals d’électricité.

Pour 2003, la Commission de Régulation del’Électricité (CRE) française estime que le coût desdispositifs « d’obligations d’achat » utilisés poursoutenir la cogénération et la production d’électricitépar les énergies renouvelables s’élève à plus d’unmilliard d’euros3. Les charges induites pour lesconsommateurs sont de 0,33 centime d’euros/kWhconsommé, soit plus de 10% du prix de gros moyende l’électricité. Compte tenu du souhait dedévelopper la production d’électricité d’originerenouvelable, le coût de ces dispositifs pourraitrapidement devenir très important4.

Ces estimations ont conduit la CRE à «s’inquiéterde ces hausses non maîtrisées du prix de l’électricité,qui pourraient plus que compenser les effets bénéfiquesde la concurrence» et à recommander «au gouverne-ment de mettre en œuvre […] la procédure d’appeld’offres».

En effet, en fixant a priori le niveau des capacitésde production à mettre en place, le dispositif des« appels d’offres » ou « enchères concurrentielles »permet un meilleur contrôle de l’évolution du coût

de ces soutiens. Mais, en contrepartie d’un coût plusfaible, cet outil semble être moins efficace pourstimuler les investissements5.

Dans le système des «appels d’offres», la concur-rence entre les investisseurs les incite, pour qu’ilssoient retenus, à proposer des prix de vente del’électricité qui compriment leur marge. Si cela tendà réduire le coût global du dispositif, cela induit aussides taux de rentabilité attendus des projets inférieursà ceux que procurent les «obligations d’achat». Eneffet, avec un prix d’achat de l’électricité fixé admi-nistrativement et en l’absence de concurrence entreles investisseurs pour bénéficier de ces soutiensfinanciers, les «obligations d’achat» offrent, en règlegénérale, l’opportunité d’un investissement trèsrentable6.

Dans l’espoir de sortir du dilemme entre effica-cité et coût, certains États ont mis en place des outilsfaisant plus appel à des mécanismes de marché qu’àdes dispositifs administratifs.

Les marchés de certificats vertsPar la mise en place de marchés particuliers qui fonc-tionnent à côté des marchés électriques, les Étatspeuvent espérer valoriser économiquement des pré-occupations que le marché traditionnel ne prend pasen compte. C’est ce principe qui préside à la mise enplace des marchés d’émissions pour valoriser laréduction des rejets polluants ou des marchés decertificats verts pour inciter à la production à partird’énergies renouvelables.

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3. «Avis de la Commission de Régulation de l’Électricité endate du 5 juin sur l’arrêté fixant les conditions d’achat del’électricité produite par les installations utilisant l’énergiemécanique du vent».

4. La CRE estime que le coût cumulé du soutien au seuldéveloppement de l’énergie éolienne approchera en 201017 milliards d’euros et induira une hausse du prix de l’élec-tricité consommée en France de 3 €/MWh, soit environ15% de son prix pour les gros consommateurs industrielset 3% pour les particuliers.

5. Les pays, dont le Royaume-Uni et l’Irlande, dans lesquelsles appels d’offres ont été appliqués pour soutenir l’énergieéolienne, ont connu un développement beaucoup moinsimportant de cette énergie que ceux, comme l’Allemagneet l’Espagne, qui avaient choisi le système des prix d’achatgarantis. Voir Quels instruments économiques pour stimuler ledéveloppement de l’électricité renouvelable, cahier de GlobalChance, février 2002.

6. En France, selon la Commission de la régulation française,une installation éolienne bénéficiant de l’obligation d’achata une rentabilité de « plus de 20 % par an après impôts,garantie sur 15 ans».

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Dans les marchés de certificats verts, l’État fixeaux producteurs ou aux distributeurs une obligationd’utilisation d’électricité renouvelable. Les obliga-tions imposées par les pouvoirs publics assurent undébouché à la production d’électricité d’originerenouvelable et fixe ainsi un objectif quantitatif dedéveloppement de ces énergies.

Afin de réduire le coût de réalisation des objectifsimposés, les pouvoirs publics autorisent un degré deflexibilité dans le dispositif. Les producteurs de l’élec-tricité d’origine renouvelable reçoivent un nombre decertificats correspondant à leur production et garantis-sant son origine. Ces certificats peuvent faire l’objet detransactions. Les échanges de certificats verts accom-pagnent la livraison physique de courant, mais peuventaussi en être déconnectés. Ainsi, les pouvoirs publicsincitent à la formation d’un marché spécifique, le«marché des certificats verts», où les offreurs sont lesproducteurs de l’électricité concernée et les deman-deurs, les opérateurs soumis aux obligations.

Pour remplir leurs obligations, les opérateurspeuvent alors produire l’électricité demandée,l’acquérir ou encore acheter un certificat auprès deproducteurs. Les producteurs d’électricité d’originerenouvelable, quant à eux, peuvent vendre leur pro-duction aux opérateurs soumis à une obligation ou

bien vendre l’électricité sur le marché traditionnel etle certificat vert sur le marché spécifique. La valori-sation de la production d’origine renouvelable se faitalors de deux façons. Sur le marché physique, leproducteur est rémunéré en dessous de son coût deproduction, mais la vente du certificat vert complèteson revenu. À l’équilibre du marché, le prix descertificats verts est égal à la différence entre le coûtmarginal de production de l’électricité et le prix del’électricité sur le marché physique.

S’intégrant bien à la logique des marchés del’électricité, ces instruments de soutien aux techno-logies non rentables se développent assez rapidementen Europe.

L’intérêt de ces dispositifs tient à la flexibilitéqu’introduisent les échanges. Les promoteurs de cesystème présentent aussi la pression concurrentiellequi existe sur ces marchés comme un moyen deréduire le coût des incitations publiques. Cet argu-ment doit être nuancé. En effet, les opérateurs sou-mis aux obligations, comme les investisseurs dans lesénergies renouvelables, chercheront à se protéger desrisques de variabilité du prix du certificat. Les unspour limiter l’incertitude sur la rentabilité de leursprojets et les autres pour se garantir contre deshausses non anticipées de ce coût. Aussi, les acteurs

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Tableau 6.1Les modes opératoires des marchés de certificats verts en Europe

RRooyyaauummee--UUnnii IIttaalliiee BBeellggiiqquuee DDaanneemmaarrkk

Flandres : 5% en 200510,4% en 2011 78 TWh en 2008 Wallonie : 12%

en 2010

Producteurs et importateurs

Flandres :Unités construites Unités construites déchets exclus

après 1990 après 1999 Wallonie :déchets inclus

Flandres : 2002Wallonie : 2002

Source : Ph. Menanteau, M.L. Lamy et D. Finon, Les marchés de certificats verts pour la promotion des énergies renouvelables : entre efficacitéallocative et efficience dynamique, cahier de recherche, no 29, Institut d’Économie et de Politique de l’Énergie, Université PierreMendés France, Grenoble.

DDaattee dd’’eennttrrééee eenn vviigguueeuurr 2002 2001

OObbjjeeccttiiffss

OOppéérraatteeuurrss ccoonnttrraaiinnttss

SSoouurrcceess éélliiggiibblleess

Distributeurs Distributeurs Consommateurs

2003

Hydroélectricitéde grande capacitéet déchets exclus

20% en 200350% en 2030

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du marché privilégieront-ils l’établissement decontrats à long terme avec un prix fixé entre eux, cequi limitera la pression concurrentielle et donc latendance à la réduction du coût du dispositif.

ConclusionContrairement à ce qui est parfois avancé, l’État peutrester, dans un marché ouvert, un acteur majeur del’évolution du secteur électrique. À des degrés divers,dans l’ensemble des pays européens, les pouvoirspublics ont conservé des prérogatives d’orientationdes choix d’investissement des opérateurs. Desinstruments divers ont été développés.

L’ouverture à la concurrence en Europe dans lesecteur de l’électricité s’est faite majoritairement dansdes marchés « surcapacitaires », ce qui a permis saréussite. Les États ont développé des outils pourinfluencer à la marge l’évolution des capacités deproduction installées. Avec l’apparition dans lesprochaines années de besoins de renouvellementmassif du parc de production, les enjeux de l’inter-vention publique devraient être accrus. Il s’agira defavoriser la création de capacités de production enbase afin de sécuriser l’approvisionnement électrique,alors que la tendance du marché peut conduire lesopérateurs à retarder leurs investissements pourprofiter de l’augmentation des prix, induite parl’apparition d’une pénurie7. Les pouvoirs publicsdevront alors inciter les producteurs à anticiper lademande et à choisir les techniques de productionen base qui leur semblent préférables.

La volonté de l’État français de conserver uneplace importante au nucléaire dans un environne-ment où il serait difficile de le financer illustre cebesoin d’intervention publique. Si le coût du kilo-wattheure de cette énergie est compétitif par rapportaux autres modes de production possibles, l’engage-ment sur le très long terme et la mobilisation d’unemasse importante de capitaux qu’elle induit sont deshandicaps. Face à l’incertitude sur les prix futurs del’électricité, les producteurs d’électricité pourraientprivilégier des technologies nécessitant moins d’inves-tissements et permettant un retour sur capital plusrapide.

Dans les différents exemples présentés ci-dessus,nous avons mis en lumière le coût du passage d’unelogique de planification à une logique d’incitation.Afin d’encourager les acteurs du marché à suivre sespréférences, l’État doit, en effet, garantir la rentabi-lité de leurs investissements. Le choix des instrumentsutilisés influence le niveau de ce coût, mais il ne peutle faire disparaître. Si la contradiction entre lesintérêts publics et ceux du privé devait s’accentuer, lecoût de l’intervention publique s’en trouveraitfortement augmenté et l’État pourrait être amené àrevoir ses moyens d’intervention.

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7. « Nouvelles Formes de marchés électriques et choixd’investissement», cahier de recherche du CGEMP, no 1,Université de Paris IX Dauphine, 2002.

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Le monopole naturel et ses intérêtsLe monopole naturel représente une situation où lescoûts de production sont moindres lorsque le serviceou le produit est offert par une seule entrepriseplutôt que par plusieurs. Par incidence, les entre-preneurs qui sont dans ce secteur auront commeintérêt d’acquérir leurs concurrents afin de réduireleurs coûts de production, d’offrir un meilleur prixet donc de continuer la progression de l’acquisitionde clientèles alors détenues par d’autres concurrents.À terme, il ne restera qu’une seule entreprise1. C’estce qui explique le terme «naturel» dans l’expression«monopole naturel»: il est naturel qu’à terme chaqueindustrie soit possédée par une seule entreprise.

On retrouvera donc principalement des indus-tries de réseau dans ce type de monopole, comme letransport par rail, le transport et la distribution del’électricité, la distribution de l’eau ou encore lestélécommunications.

Ces entreprises de réseau sont caractérisées pardes coûts de production marginaux décroissants2, unfaible taux de substitution des produits offerts et desservices fondamentaux, voire essentiels, rendus parleurs produits et services.

Tout d’abord, notons l’aspect de la forte capitalis-ation requise dans ces industries. En effet, la cons-truction d’un réseau de transport ou de distributiond’électricité nécessite de grands investissements qu’ilne sera possible de rentabiliser qu’à long terme. Or,lorsque l’investissement majeur est fait, les coûtspour augmenter l’utilisation du réseau sont générale-ment très peu importants lorsque comparés à ceuxque devrait débourser une entreprise concurrentevoulant entrer dans le marché en développant sonpropre réseau.

En second lieu, notons que les produits offerts parces industries ont peu ou pas de substituts réels. Enfait, les substituts sont peu accessibles, moins pra-tiques ou tout simplement moins performants. C’estle cas par exemple de l’éclairage à la chandelle versusà l’électricité ou de l’utilisation, sur de grandesdistances de déplacement, de la voiture versus l’avion.

Enfin, ces industries offrent des services fonda-mentaux au développement humain, tels que l’accèsà l’eau, à l’électricité, au transport ou aux télécom-munications. Toute économie qui cherche à releverles défis de la croissance doit pouvoir compter sur unexcellent système de transport, de communication,d’accès à l’eau potable et à l’énergie.

La réglementation économique et financière des industries de réseauJean-Benoît TRAHANPrésident, Eneconsult, Saint-Jean-sur-Richelieu (Québec), Canada

1. À titre illustratif, prenons le cas du Québec. Au tout débutde l’apparition des sociétés d’électricité, il y avait plusieurspetits producteurs pour la ville de Montréal, certains of-frant à la ville, d’autres, à plusieurs usines. Progressivement,mais très rapidement, la compagnie Montreal Light Heatand Power (MLH&P) a racheté tous ses concurrents locauxet a ainsi détenu un monopole sur la ville. Le mêmeprocessus a été observé au niveau régional. Par exemple, laMLH&P a racheté par la suite les distributeurs et pro-ducteurs de la rive sud de Montréal. Finalement, à la suitede deux nationalisations, Hydro-Québec a repris tous lesconcurrents à l’échelle de la province de Québec, àl’exception de quelques-uns, principalement des municipa-lités et des coopératives de taille restreinte.

2. On peut également expliquer ce phénomène par le suivant:les coûts fixes sont très grands, alors que les coûts variablessont, de nature, beaucoup plus limités.

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C’est dans cette optique que la réglementationéconomique s’inscrit. Elle a pour objectif d’assurerun développement harmonieux de ces industries.

En effet, une entreprise en situation de mono-pole naturel aura tendance à utiliser son pouvoir demarché (entre autres en utilisant des stratégies decontraction de l’offre ou de prix discriminatoires)afin d’atteindre ses objectifs de maximisation derentabilité. En fait, cette situation est présente danstoutes les industries. Cependant, dans un marchéconcurrentiel, les entreprises qui proposeront desstratégies de marché afin de faire hausser les prixouvriront alors la porte à la venue de nouveauxjoueurs qui proposeront, eux, le produit ou service àun coût moindre. Or, le monopoleur naturel n’a pasde concurrents et sa position de dominance du mar-ché n’est pas remise en question, notamment parceque les barrières à l’entrée du marché sont tropgrandes (forte capitalisation nécessaire). Ainsi, l’Étatdoit intervenir afin d’assurer un développementharmonieux des secteurs.

Les réactions des gouvernementsÀ travers le temps, les gouvernements ont cherché àréduire les pouvoirs des monopoles naturels afin dehausser la «qualité de vie» des consommateurs, doncde leurs citoyens. Économiquement, on peut expli-quer cette volonté par la recherche de la maximisa-tion du bien-être social.

Le bien-être social se compose du bénéfice del’entreprise et du bénéfice des consommateurs. Il estentendu que la maximisation de ces deux bénéficesest antinomique. C’est pourquoi, lorsque la compéti-tion ne réussit pas à apporter les bénéfices de chaquepartie vers le point optimal pour la société, les gou-vernements ont tendance à chercher à agir sur lemarché pour corriger ces imperfections. Dans le casdes monopoles naturels, le gouvernement permetleur développement, tout en s’assurant que les prix,la qualité du service et l’accès à ce dernier sont jugésraisonnables par les consommateurs.

Deux approches ont donc été développées par lesgouvernements dans leur stratégie de recherche de lamaximisation du bien-être social. Ce sont la nationa-lisation et la réglementation économique.

Une stratégie courante fut la nationalisation desentités monopolistiques privées, en les mettant totale-ment sous le contrôle de l’État3. Cette tendance futd’ailleurs très forte dans les pays d’Afrique de l’Ouest,mais également dans d’autres pays, notamment pourl’électricité dans les provinces canadiennes et enFrance.

L’autre approche, la réglementation économique,cherche à minimiser le pouvoir des monopoleurs,tout en laissant les entreprises dans le secteur privé.Cette approche est principalement utilisée aux États-Unis et en Angleterre, mais également dans d’autrespays, notamment au Canada, et dans plusieurs pro-vinces ou États, comme au Québec et dans leVermont, par exemple.

Aujourd’hui, plusieurs pays en développementcherchent à remettre la gestion des entreprises mono-polistiques au secteur privé, entre autres pour causede manque de financement public, tout en conser-vant un certain contrôle sur les actions de celles-ci. Laréglementation économique, expérimentée princi-palement dans les pays anglo-saxons, se veut unesolution fort populaire pour ce faire. Celle-ci se meten place sur l’opérateur en échange d’un droit demonopole sur un secteur donné de l’économie, parexemple la distribution de l’électricité4.

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3. Dans cette approche, l’entreprise nationalisée devient unoutil d’intervention directe du gouvernement dans le déve-loppement économique.

4. La production d’électricité est un secteur qui a une tendancemonopolistique moindre. Cependant, ce secteur est souventen position de monopsone, ce qui limite également la flui-dité du marché. Par conséquent, il est normal de retrouverdes monopoles dans ce segment de l’industrie, surtout dansle cas des entreprises intégrées verticalement (production,transport et distribution). L’arrivée des producteurs d’électri-cité indépendants est toutefois de plus en plus courante,habituellement en ajout au producteur historique, afin derépondre à la croissance de la demande. Souvent, ces entre-prises auront alors des garanties d’achat de la part du distri-buteur ; par exemple, en gagnant un appel d’offres dudistributeur ou en signant un contrat d’achat-vente.

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La réglementation économiqueLa réglementation économique a pour objectifs :

• d’assurer que le service est offert à un prixraisonnable ;

• de permettre l’expansion de la desserte à un tauxjugé raisonnable (par exemple, la desserte desmilieux ruraux) ;

• d’assurer une qualité du service raisonnable ;

• d’assurer la viabilité financière de l’entreprise.

La réglementation économique atteint cesobjectifs en effectuant le suivi et la vérification desactions et de la gestion de l’opérateur.

Pour ce faire, il faudra mettre en place une entitésupérieure au conseil d’administration de l’entrepriseprivée. Cette entité, le régulateur, doit donc posséderdes pouvoirs législatifs suffisamment puissants afinque le monopoleur respecte ses décisions.

Cependant, le régulateur ne remplace pas le con-seil d’administration ni les spécialistes du monopo-leur. En effet, l’objectif ultime de la réglementationéconomique est de s’assurer que le monopoleurn’utilise pas son pouvoir de marché de manièredéraisonnable. Là s’arrête le rôle du régulateur. Ainsi,ce dernier doit se faire convaincre que l’opérateuragit correctement.

Afin d’effectuer les travaux de vérification néces-saires, la réglementation économique utilise le droit,et plus spécifiquement le droit administratif, afind’encadrer l’ensemble des échanges et des travauxpermettant au régulateur d’atteindre ses objectifs.

Le législatifLe droit sert initialement à la création du régulateur.Le régulateur se veut une entité paragouvernemen-tale, qui doit être créée par une loi constitutive.

Cette loi constitutive doit permettre la créationde l’Autorité (commission ou régie), et inscrire sesdroits et obligations. Elle devra prévoir, notamment:

• La méthode de nomination du président et desmembres de l’Autorité ;

• Les différentes obligations réglementaires del’Autorité :

– Modifications tarifaires

– Conditions de service

– Nouvel investissement de l’opérateur

– Programmes commerciaux

– Programmes d’économies d’énergie

– Plan d’approvisionnement énergétique

– etc.

• L’accès aux ressources financières pour le fonc-tionnement de l’Autorité :

– Habituellement, l’Autorité a un financementindépendant provenant d’une redevance payéepar les consommateurs et remise à l’Autoritépar l’opérateur. Cette méthode de financements’explique par le fait que les bénéficiaires directsde l’Autorité sont les consommateurs, puisquesans l’Autorité, le monopoleur pourrait user deson pouvoir monopolistique pour notammenthausser radicalement ses prix.

L’application de la loiBien que la réglementation des monopoles naturelssoit davantage de nature économique et financière, ilest nécessaire d’établir un cadre pour les échanges,débats et travaux. Pour ce faire, le droit administratifapporte une solution, puisqu’il sert à gérer l’ensembledes débats réglementaires.

La réglementation économique ne relève pas dudroit civil. À la fin des travaux, il n’y a pas de cou-pable ni de sentence de prison. L’objectif est de tenirdes débats qui permettront au régulateur d’êtreconfortable avec les décisions et agissements del’opérateur.

Or, il est régulier que les informations fourniespar l’opérateur soient incomplètes, selon le régula-teur. Dans certains cas, cela est une volonté del’opérateur qui cherche à dissimuler son information,ce que l’on appelle usuellement le problème de

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l’asymétrie d’informations5. Souvent, il s’agit davan-tage d’agissements involontaires de la part de l’opéra-teur. Ici, on peut comparer cette situation à celle dequelqu’un qui a de la difficulté à vulgariser saconnaissance.

Dans tous les cas, le régulateur pourra accomplirplus facilement le travail qui lui est confié s’il peutcompter sur la collaboration des autres groupes de lasociété, particulièrement des groupes de consom-mateurs. Ces derniers permettront au régulateurd’obtenir des informations supplémentaires lesconcernant, réduisant l’asymétrie d’informationsdont bénéficie l’opérateur. Ces groupes de clientsauront tendance à apporter des preuves expliquant lesimpacts des demandes de l’opérateur sur les consom-mateurs qu’ils représentent. Par exemple, un groupede clients pourrait expliquer au régulateur que lahausse des prix demandée par l’opérateur aura desimpacts néfastes pires que s’il n’y avait pas de hausse,puisque l’ampleur de la hausse aura comme résultatde réduire de manière importante la consommationdes abonnés. Ils peuvent également éclairer lerégulateur sur les agissements de l’opérateur dans sesrelations avec les consommateurs, par exemple avecceux qui paient en retard, etc.

Le droit administratif, moins strict que le droitpénal, permettra donc des échanges constructifs sousla gouverne du régulateur. De plus, tout en garan-tissant le principe primaire du droit, soit le droitd’être entendu de manière équitable, le régulateurpourra moduler son règlement de procédure afin defavoriser au maximum l’apport d’information luipermettant de prendre des décisions éclairées.

Les ententes négociéesDans les pays où la présence de groupes de consom-mateurs bien implantés représente un réel contre-poids à l’opérateur, des procédures de négociationsplutôt que d’audiences traditionnelles deviennentgraduellement plus populaires. Ces négociations sefont entre les représentants de l’opérateur et lesgroupes de consommateurs et sont tenues sous lesindications et la méthodologie décidées par lerégulateur.

Ces négociations favorisent des débats moinsformels, qui permettent, dans certains cas, de meil-leurs résultats. Cependant, les risques de déraillementsont présents. Entre autres, il peut y avoir des échangesde bons procédés entre groupes de consommateurs ouentre consommateurs et opérateur, qui amèneront desrésultats inacceptables du point de vue de l’intérêtpublic.

Ainsi, le régulateur doit tout de même s’assurerque l’intérêt public est respecté et, pour ce faire, ildoit s’assurer que tel est le cas et non pas uniquementse fier aux résultats des négociations. La compétencede l’équipe du régulateur sera d’ailleurs la pierreangulaire de sa capacité à s’assurer que l’intérêtpublic est bien représenté.

Les disciplines de la réglementation économiqueBien que le travail soit effectué par l’opérateur régulé,le régulateur doit posséder suffisamment de compé-tences afin de s’assurer de comprendre les actions dumonopole. Ainsi, un régulateur normalement cons-titué doit reposer sur les disciplines suivantes :

• Droit

• Économie

• Finance et comptabilité

• Ingénierie

À ces quatre disciplines, d’autres peuvent égale-ment s’ajouter, notamment celles entourant lesenjeux de l’environnement et du développementdurable. À cet égard, les disciplines de la biologie, de

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5. L’information est le nerf des travaux réglementaires. Sil’opérateur limite l’offre d’information, la réglementationéconomique ne pourra être performante, puisque les déci-sions se prendront sur des impressions. À ce jeu, le régu-lateur a usuellement tendance à répondre plus favorable-ment aux demandes de l’opérateur, puisqu’il craint d’acculercelui-ci à la faillite et ainsi de faillir dans sa tâche derégulateur.

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l’écologie et des autres sciences de la terre peuventêtre d’un apport fort appréciable.

Idéalement, un régulateur doit avoir une mé-thode de travail multidisciplinaire et non pas secto-rielle (par discipline). L’opérateur est une entreprisequi intègre dans ses activités de gestion l’ensembledes disciplines. Par exemple, l’étude d’un projetd’extension du réseau d’électricité aura pour inci-dence de requérir des compétences en ingénieriepour la construction, en économie et en financepour le financement du projet et pour l’intégrationdans la vision du développement de l’entreprise, eten droit pour acquérir les autorisations nécessaires.Le régulateur qui veut être en mesure de comprendreet de saisir les actions multidisciplinaires del’opérateur doit être en mesure de travailler lui ausside manière multidisciplinaire.

Les principaux travaux du régulateurLe régulateur doit effectuer un certain nombre d’étudeset de vérifications afin de suivre et de comprendre lesactions et de la gestion de l’opérateur.

La démarche du régulateur en est une à longterme. D’une part, le rôle du régulateur est de tenterde reproduire dans le marché régulé les conditionsthéoriques d’un marché de concurrence parfaite. Cesconditions étant théoriques, il est donc impossibled’arriver à l’optimum économique en pratique.L’objectif doit être d’y tendre dans le temps. Lerégulateur doit donc développer une vision à longterme lorsqu’il mène ses travaux.

D’autre part, avec la création et la mise en placed’un régulateur en présence d’une société déjà exis-tante, le régulateur et l’opérateur doivent apprendreà travailler ensemble. Tout d’abord, l’opérateur devraapprendre à évoluer dans un environnement oùl’information est dévoilée publiquement. De soncôté, le régulateur doit amener cet opérateur àprogresser le plus rapidement possible dans la bonnedirection, surtout afin de réduire le phénomène d’asy-métrie d’informations. Par exemple, l’opérateur devradésormais expliquer sa stratégie de développement

publiquement, et la défendre tout en offrant auxautres intervenants les données financières et lesautres informations leur permettant d’évaluer cettestratégie. Ainsi, l’opérateur qui possède toutel’information et qui s’en sert pour faire passer sesidées devra accepter de partager celle-ci afin que touspuissent émettre leur opinion et que le régulateurpuisse juger au mérite l’ensemble des propositions.L’opérateur devra, de son côté, développer unestratégie et des procédures adéquates pour faireémerger ces informations.

Parmi les principaux travaux du régulateur, quiseront peaufinés au cours des années et modifiés afinde suivre l’évolution des techniques et de l’entreprise,il y a:

• Le plan de développement de l’entreprise

– L’opérateur présente la stratégie de développe-ment de l’entreprise. Par exemple, il expliqueet démontre, avec données et autres informa-tions à l’appui, ses intentions en ce qui con-cerne l’ajout de nouvelles clientèles, de nou-velles charges, l’ajout de nouvelles centrales deproduction, etc. Cela permet donc d’avoir uneidée claire où sera rendu l’opérateur à la fin dela période étudiée.

• La base de tarification

– La base de tarification comprend l’ensembledes immobilisations de l’entreprise, ainsi queses différents niveaux d’amortissement. Onretrouve donc les investissements amortis surune période de plus de 12 mois, tels quel’achat de véhicules, d’immeubles, de sys-tèmes informatiques, de poteaux et de filsélectriques, de compteurs, etc. De plus, ellecomprend le fonds de roulement de l’entre-prise ainsi que des programmes commerciauxfinancés sur plusieurs années.

• Le coût de la dette et du capital

– Le coût de la dette et du capital représente lescharges d’intérêts ou de dividendes qui serontsupportés par l’entreprise. Ce coût doit êtreprésenté en pourcentage et en valeur.

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• La structure du capital

– La structure du capital indique la part dechaque type de capital qu’utilise l’entreprise.Par exemple, on pourrait retrouver dans uneentreprise les ratios suivants : dette de courtterme, 10%, dette de long terme, 50%, capi-tal propre, 40%. Le taux pondéré du coût dela dette et du capital sur la structure de capitalnous permet alors d’établir le coût moyen derémunération du capital de l’entreprise pourune année donnée.

• Les dépenses d’exploitation

– Les dépenses d’exploitation représententl’ensemble des dépenses de l’entreprise qui nesont pas amorties sur une période de plus de12 mois. On y retrouve par exemple la pape-terie, les salaires et avantages sociaux nonreliés à des immobilisations, les frais de poste,d’énergie et de téléphone, etc.

• Les dépenses d’opération

– Les dépenses d’opération représentent l’en-semble des dépenses de l’entreprise pour uneannée donnée, soit l’amortissement du capi-tal, la rémunération du capital et les dépensesd’exploitation.

• L’allocation du coût de service

– L’allocation du coût de service a pour objectifde déterminer le coût réel d’un service à uneclasse tarifaire6 particulière. Ainsi, cela nouspermet d’établir, en comparant avec les reve-nus de la dite classe, la nature de l’interfinan-cement qui existe.

• La tarification

– La tarification est l’exercice ultime de la régle-mentation économique. Basée sur les prévi-sions de coûts et sur les prévisions de con-sommation, elle cherche à établir une grilletarifaire qui permettra à l’entreprise régle-mentée de récupérer l’ensemble de ses coûts.Il s’agit également du moment où certainesdécisions d’ordre économique, social oupolitique peuvent être prises. Par exemple,assurer un tarif social interfinancé par lesautres classes tarifaires.

• L’évaluation de la qualité du service

– L’évaluation de la qualité du service est sur-tout importante dans les systèmes réglemen-taires incitatifs. Elle sert à s’assurer quel’entreprise monopolistique n’a pas fait desgains de productivité lui permettant d’obtenirde meilleurs rendements sur son capitalpropre, au détriment de la qualité offerte auxclients.

Ainsi, lorsqu’un régulateur obtient les informa-tions demandées et nécessaires au traitement de cesdifférents dossiers, il pourra évaluer adéquatement etavec motivation toute demande de modificationtarifaire.

ConclusionLa réglementation économique est fondée sur le faitque l’opérateur d’un monopole possède un pouvoirqui lui permet de favoriser son propre bénéfice, audétriment de celui de la société. Malheureusement,l’histoire nous démontre que ce dernier a tendance àutiliser ce pouvoir, ce qui a mené au cours des annéesles gouvernements à chercher des méthodes afin dele réduire.

La réglementation économique est une méthodeavant tout pratique qui a connu du succès dans denombreux pays. Cependant, la mise en place d’unrégulateur est relativement complexe et nécessite unevolonté politique forte. Pour ce faire, l’indépendancede l’Autorité dans le traitement des dossiers est un

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6. Une classe tarifaire représente un ensemble de clients ayantdes caractéristiques communes: clients résidentiels, commer-ciaux, institutionnels, industriels. Idéalement, ces caracté-ristiques doivent être basées sur la nature de la consom-mation et non pas sur des facteurs politiques ou sociaux.

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des points les plus névralgiques. En effet, si le proces-sus est vicié par de l’ingérence, qu’elle soit politiqueou autre, la réglementation économique n’arriverajamais à atteindre ses objectifs.

Bien entendu, la mise en place d’un régulateuramène le gouvernement à se défaire d’une partie deson pouvoir dans un secteur sensible du dévelop-pement économique et du maintien de la stabilitésociale. C’est pour cette raison que la mise en placed’une loi constitutive bien adaptée à la situation dupays est la pierre angulaire du processus.

L’opérateur aura tendance à chercher à ne pass’assujettir à la réglementation économique au départ.Cela est normal, puisque la nouvelle situationl’amène à revoir son comportement dans des do-maines où il n’était pas redevable au public. En fait,on peut aisément comparer la mise en place d’unsystème de réglementation économique au dressage.Un cheval sauvage, le premier jour qu’on le montera,ruera. Il ruera jusqu’au moment où il sentira qu’ildoit composer désormais avec quelqu’un sur son doset qu’il gagnera davantage à accepter qu’à combattre.

Le temps est donc une ressource essentielle à l’évolu-tion de l’opérateur, tout comme la nature de quelquesdécisions qui lui seront défavorables l’amènera àrevoir son positionnement et sa stratégie face à laréglementation. D’ailleurs, l’opérateur s’apercevra àterme qu’une décision non éclairée par manqued’information est souvent plus dommageable pourcelui-ci que le fait d’offrir les informations nécessairesau régulateur afin qu’il puisse rendre une décisionéquitable.

Les consommateurs sont aussi une partie impor-tante de l’équation. Par leur apport et leurs inter-ventions, ils permettront au processus réglementaired’atteindre ses différents objectifs.

Enfin, la réglementation économique est baséesur le traitement de l’information détenue par l’opé-rateur. La gestion de cette information et son accessi-bilité sont des aspects fondamentaux du traitementdes dossiers réglementaires. La transparence est doncobligatoire. Il ne faut pas oublier qu’une entreprisequi se voit accorder un monopole pour un servicepublic a des obligations, et pas que des droits.

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Les réformes de l’industrie électrique, amorcées aucours des années 1980 et qui ont connu leur pleinessor à partir de la décennie 90, amènent à se pen-cher sur la définition des rôles des différents acteursde cette industrie. Les mutations qu’elle connaîtinduisent en effet une redéfinition des rapports quiprévalaient jusque-là entre l’État et les entreprises,tout particulièrement en ce qui a trait aux missionsrattachées au pouvoir de tutelle des autorités et à leurpouvoir réglementaire.

Ces réformes visent aussi une plus grande effica-cité des entreprises, au moyen d’un plus fort apportdes capitaux privés. Cette participation du secteurprivé suppose toutefois de nouvelles lois, de mêmequ’une réorganisation de la régulation publique.

Les quelques réflexions énoncées ici sur ces ques-tions traiteront d’abord des nouvelles fonctions del’État, avant de s’attarder sur la description détailléede la fonction normative ou de tutelle et la fonctionréglementaire.

Les nouvelles fonctions de l’ÉtatLa plupart des réformes de l’industrie électrique secaractérisent par le retrait, total ou partiel, de l’Étatdans son rôle de gestionnaire, ainsi que par l’adapta-tion de ses fonctions au nouveau cadre institutionnelmis en place. Ces réformes apportent généralementaussi un ou plusieurs des changements suivants :

• introduction de la concurrence dans le segmentde la production;

• dé-intégration verticale et horizontale desentreprises ;

• accès des tiers aux réseaux de transport.

Une réforme dite radicale aboutit ainsi à uneindustrie composée d’un segment de la productionqui est potentiellement concurrentiel, et des seg-ments du transport et de la distribution qui, eux,conservent des caractéristiques de monopole naturel.Il apparaît utile de souligner dès à présent que dansle cas de systèmes électriques de petite et de moyennedimensions, ce type de modèle de réforme radicaleprésente certaines limites, en particulier par rapportà une introduction de la concurrence dans le seg-ment de la productio (Cuevas et Rodriguez, 1998).

Une introduction de la concurrence en productionpermet d’avoir un segment dérégulé dans lequell’intervention de l’État se limite au contrôle du respectdu jeu concurrentiel. Il n’en va pas de même pour lessegments du transport et de la distribution où, du faitdes caractéristiques de monopole naturel, l’État se doitde mettre sur pied un mécanisme réglementaire.

Cela revient donc à énoncer que la mise en placede ces réformes de l’industrie électrique conduit à unenouvelle division du travail entre le secteur privé etl’État. Ce dernier conserve la responsabilité de définirla politique énergétique et la réglementation desmarchés monopolistiques ou oligopolistiques. Quiplus est, il est également tenu de surveiller les méca-nismes de marché par des actions directes ou desinstruments indirects, en ce qui concerne les segmentsconcurrentiels. L’amplitude exacte des nouvellesresponsabilités de l’État est significativement reliée auxcultures politique et juridique de chaque pays. Il existetoutefois un cheminement commun puisque dans lamajorité des pays, les réformes sont approuvées par lepouvoir législatif au moyen d’un texte spécifique àl’industrie électrique. Ce texte de loi définit les règlesdu jeu pour toutes les activités de la filière électrique,

Le rôle et les responsabilités d’un État régulateurFernando CUEVASChef de l’Unité «Énergie et Ressources Naturelles», Commission économique de l’Amérique latine et des Caraïbes, Mexico, Mexique

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de même que les droits et devoirs de tous les acteurs,publics et privés.

Pour ce qui est de la fonction normative ou dedéfinition de la politique énergétique, il n’est pasinutile de rappeler que même si la nouvelle structureindustrielle peut effectivement apporter de meil-leures performances du point de vue de l’efficienceéconomique, elle ne permettra pas forcémentl’atteinte des objectifs de développement humain dela société à long terme. Il revient par conséquent àl’État de jouer un rôle subsidiaire avisé, en particulierpar rapport à la soutenabilité du développement dusecteur énergétique. Ce concept de soutenabilité en-globe aussi bien la viabilité économique et financièredes entreprises que la protection de l’environnementet l’équité par rapport aux consommateurs.

La présence des monopoles naturels dans les seg-ments du transport et de la distribution de l’électricitéjustifie l’intervention de l’État par un mécanismeréglementaire1, afin d’éviter les abus de positiondominante des acteurs sur ces segments de marché. Ilfaut rappeler qu’en cas de défaillance du marché, l’Étatse doit d’intervenir pour rétablir les conditionsd’exercice du jeu concurrentiel. Cette dernière missionéchoit désormais à un nouveau type d’agence, dontl’autonomie doit être garantie par différents moyens.

Il est à noter par ailleurs que, compte tenu de la participation accrue des investisseurs privés dansles différents segments de l’industrie et de la dé-intégration de l’entreprise publique, la mise en placedes réformes nécessite l’existence de lois antitrusts etde systèmes judiciaires forts. La dérégulation desentreprises électriques implique une dépendanceplus grande à l’égard des lois antitrusts, pour être àmême de protéger les consommateurs des comporte-ments abusifs ou monopolistiques des nouveauxacteurs (Shepherd, 1994). Les barrières à l’entrée, lepouvoir de marché des entreprises dominantes ouencore la transparence de l’information sont autant

d’éléments qu’il revient à l’État de surveiller. Ce typede réforme nécessite également l’existence d’asso-ciations de défense des consommateurs afin de veillerau bon exercice de la concurrence sur les marchésrécemment dérégulés, particulièrement en ce quiconcerne les prix et la qualité des services.

Les réformes requièrent donc un ensemble demesures légales et réglementaires appropriées, maiségalement des institutions responsables de fairerespecter ce corpus. Dans ce contexte, le statut juri-dique, le degré d’autonomie, les procédures adminis-tratives de nomination et de démission du ou desdirigeants de ces institutions deviennent fondamen-taux. Il est plus que probable que l’approbation parle pouvoir législatif d’un pays de lois cadres concer-nant l’industrie électrique, sans adaptation ou créa-tion d’institutions robustes en charge de l’applicationde la réglementation, va entraîner de sérieusesdifficultés pour la mise en place de la réforme.

Le cadre réglementaire se révèle également capitaldans le cas d’une réforme qui comprend la privati-sation d’entreprises publiques2. Ce cadre acquiert eneffet une importance primordiale pour les analysescoûts-bénéfices préalables à une implication desopérateurs privés. Le défaut de cadre réglementairepeut en effet conduire à une valorisation amoindriedes entreprises à vendre, dans la mesure où cemanque est source d’incertitude pour les investis-seurs privés par rapport aux règles du jeu après letransfert de propriété. L’existence de mécanismesréglementaires en amont du démarrage du processusde privatisation permet des débats au sein de lasociété et des modifications pour l’industrie, ce quiassure une meilleure transparence de la dynamique.

Fonction normativeConformément à l’organisation institutionnelle dupays, la fonction normative, qui concerne la défini-tion des politiques fondamentales de l’industrie

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1. La notion de réglementation fait référence à toute interven-tion directe et contraignante des pouvoirs publics ou del’État dans l’activité des agents économiques en matièred’affectation des ressources.

2. R. Paredes, « Privatización y regulación : lecciones de laexperiencia chilena », in Despues de las Privatizaciones.Hacia el Estado Regulador, éd. O. Muñoz, CIEPLAN,Santiago, 1993, p. 217-248.

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électrique, est assurée soit par un ministère de tutelle,soit par une commission ad hoc. La descriptiondétaillée des principes généraux et des attributionsclassiques de la fonction normative de l’État est par-tie intégrante des lois approuvées lors du démarragedu processus de réforme de l’industrie électrique3.

Les principes normatifs générauxEn général, et indépendamment de l’option législa-tive choisie, il ressort du texte de loi entériné que les

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3. Il peut s’agir d’une loi générale d’électricité ou encore d’uneloi spécifique de création de la commission ad hoc.

a) Efficacité dans l’allocation des ressources

L’efficacité allocative signifie que la société utilise lesressources disponibles de manière efficace. Les signauxde prix sont alors supposés légitimes.

b) Équité

L’équité englobe l’universalité. Tout individu dispose dudroit d’accès au service, du moins jusqu’à un certainseuil et moyennant un prix raisonnable, transparent etnon discriminatoire. Les pouvoirs publics ont la respon-sabilité de prendre les mesures qui s’imposent pouréliminer les barrières économiques et géographiques àl’accès d’usagers potentiels au réseau de distribution.L’équité signifie aussi l’égalité de traitement, en ce sensque tous les usagers, placés dans les mêmes conditions,doivent payer un prix équivalent.

c) Protection de l’environnement

La production, le transport et la consommation d’élec-tricité nécessaires à l’amélioration des conditions de viede la population doivent se faire dans la préservation desécosystèmes.

d) Participation des citoyens

Ce principe signifie qu’il faut non seulement autoriser, maiségalement encourager la participation des citoyens etbénéficiaires à l’élaboration de la politique énergétique.

e) Transparence

Il faut garantir l’accès à l’information aux pouvoirs pu-blics, aux opérateurs et aux usagers intéressés audéveloppement des systèmes électriques et à la gestion

options relatives à l’approvisionnement, au transport,à la distribution et à l’utilisation de l’électricité re-posent sur un ensemble de principes normatifsgénéraux dont une description succincte est reprisedans l’encadré 8.1 (CEPAL, 1997). Il faut noter queles pays qui accordent une attention particulière àl’option de développement durable de leur politiqueénergétique introduisent explicitement deux principesessentiels: la promotion des économies d’énergie et laprise en compte explicite des sources d’énergiesrenouvelables.

ENCADRÉ 8.1

Principes normatifs généraux

du réseau. L’asymétrie d’informations peut donner lieuà des rentes informationnelles qui profitent en règlegénérale à la firme régulée.

f) Sécurité d’approvisionnement

Le concessionnaire du service public doit assurer lacontinuité et la qualité du service sur la base d’unprogramme adéquat d’investissements et d’un fluxsuffisant de capitaux pour développer les systèmes.

g) Indépendance énergétique et flexibilité du système

Le développement du système électrique ne doit pasconduire à une situation de dépendance énergétique quiirait à l’encontre du développement durable.

h) ATR non discriminatoire

Permettre l’accès des tiers au réseau (ATR) à des condi-tions égales pour tous. Le gestionnaire du réseau nepeut refuser l’accès que s’il ne dispose pas de la capacitéde transport et de distribution nécessaire. Le refus devratoutefois être motivé et justifié.

i) Adaptabilité technologique

Le système doit être capable d’incorporer le progrèstechnique permettant d’accroître l’efficacité productiveet allocative.

j) Neutralité

Tous les concessionnaires du service public et les usagersont droit au même traitement au regard des préceptesde la loi.

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Les attributionsLa formulation des politiques et l’élaboration duplan de référence ou indicatif de l’industrie élec-trique sont les deux grands chapitres de la fonctionnormative de l’État. Une liste complète et détailléede ces attributions est fournie dans l’encadré 8.2.

L’élaboration du plan de référence ou indicatifpasse par deux options fondamentales. La premièrede ces deux options, qui est celle adoptée par leChili, par exemple, élabore ce plan à partir des inten-tions de construction de nouveaux ouvrages deproduction par les entreprises électriques existantesou futures.

La deuxième option, qui est celle du Mexique oude la Colombie, établit le plan avec l’objectif affichéd’assurer l’approvisionnement futur en électricité dupays. Elle suppose donc la définition préalable d’op-tions technologiques, du choix des combustibles desnouvelles centrales ou encore la diversification dessources énergétiques. Il va de soi que cette dernièrevoie suppose une implication plus importante del’État quant au développement de l’industrieélectrique.

Il est important de signaler que le nombre depays qui se permettent de faire l’économie de cettefonction normative est restreint. Dans ce cas, lesgouvernements font confiance aux forces du marchépour assurer l’approvisionnement futur. Cette situa-tion est celle qui prévaut en Argentine et au Salvador.

L’organisme de tutelleLe ministère de tutelle ou la commission ad hoc estresponsable de la fonction normative de l’État. Lacommission ad hoc présente l’avantage d’offrir unediversité de possibilités quant à sa composition(ministres ou fonctionnaires nommés par le pouvoirexécutif ou législatif ou par les deux), mais égalementquant à son champ de compétence (tout le secteurénergétique ou uniquement l’industrie électrique). Lechoix ultime est bien entendu en fonction de laculture politique et des institutions des États. Toute-fois, dans le cas des pays en développement, où lescadres professionnels ne sont pas légion, une com-A

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ENCADRÉ 8.2

Formulation des politiques et élaboration du plan de référence de l’industrie électrique

a) Établir et analyser les options de politique énergé-tique dans le domaine de l’électricité.

b) Faire des recommandations sur des politiques deprix de l’énergie, en particulier sur les tarifs del’électricité.

c) Évaluer les avantages et les inconvénients du déve-loppement des sources alternatives d’énergie dupoint de vue économique, social et environnemental.

d) Effectuer des diagnostics permettant la formulation deplans et de programmes pour le secteur énergétique.

e) Proposer des programmes de maîtrise de l’énergie.

f) Coordonner les plans de développement et d’inves-tissement des projets énergétiques.

g) Veiller à l’incorporation des considérations socialeset environnementales dans le développement desactivités énergétiques.

h) Publier les politiques et les plans du gouvernement.

i) Effectuer directement des contrats ou les passer àdes services spécialisés afin de réaliser des études depréfaisabilité et même des études de faisabiliténécessaires à la formulation de la stratégie éner-gétique, ainsi que des plans et des programmessectoriels.

j) Établir les critères de choix des projets énergétiquessur la base du plan stratégique et des étudesd’impact environnemental.

k) Encourager la participation du capital privé dans lesinvestissements nécessaires au développementénergétique du pays.

l) Faire des projections de croissance de la demanded’électricité et des ressources disponibles, en tenantcompte des considérations techniques, écono-miques, sociales et environnementales.

m) Élaborer un plan national énergétique et adapter leplan de développement du secteur électrique aupremier.

n) Prendre en considération les externalités associées àla production, à la transformation et à l’utilisationde l’électricité, lors de la détermination des tarifs.

mission dont la compétence s’étend à la totalité dusecteur énergétique aurait l’avantage d’exploiter demanière optimale la faible quantité de ressourceshumaines spécialisées, tout en assurant par une

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approche exhaustive la cohérence des politiquespropres à chaque industrie du secteur. La réelle imbri-cation entre la production d’électricité et l’appro-visionnement en combustibles (gazeux, liquides ousolides) plaide plus pour une organisation sectorielleque pour des entités propres à chaque industrieénergétique.

Fonction réglementairePareillement aux propos ci-dessus énoncés, les attri-butions de la fonction réglementaire de l’État et lacréation de l’agence responsable sont partie inté-grante soit d’un texte général de la loi de l’industrieélectrique, soit d’une loi spécifique, propre à lafonction elle-même. Les nouvelles institutions quiont été créées dans la plupart des pays procèdentselon cette logique. Et dans le cas des pays quipossédaient déjà une agence (comme au Costa Rica),la réforme a permis d’en renforcer les responsabilités.

Les attributions de l’agenceLes trois grands défis auxquels fait face toute agenceréglementaire sont :

– la protection des consommateurs des abus pos-sibles de positions dominantes des entreprises ;

– la protection des investisseurs d’éventuellesactions arbitraires de l’État ;

– la promotion de l’efficience économique.

Une liste exhaustive des attributions fonda-mentales de ce type d’agence est reprise dansl’encadré 8.3.

L’insertion institutionnelle du nouvel organismeLa réussite de la nouvelle agence réglementaire dé-pendra particulièrement du positionnement institu-tionnel spécifique que lui attribue sa loi de créationdans l’enchevêtrement complexe des institutions de

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a) Protéger les droits des consommateurs.

b) Faire respecter les dispositions de la loi de l’industrieélectrique.

c) Établir les règlements relatifs aux producteurs, auxtransporteurs, aux distributeurs et aux consommateursd’électricité en matière de sécurité, de normes dequalité, de conditions d’approvisionnement et deprocédures techniques et administratives.

d) Prévenir les positions monopolistiques, dominantes oudiscriminatoires des différents acteurs de l’industrieélectrique.

e) Établir les méthodologies de calcul pour la fixation desprix aux nœuds de réseaux (coûts marginaux territoriaux).

f) Établir les méthodologies de calcul pour la fixation duniveau des péages, en raison de l’utilisation du réseaude transport et de distribution, de même que le prixde l’électricité fournie au consommateur final.

g) Publier les principes généraux à respecter par les trans-porteurs et les distributeurs afin d’assurer le libre accèsaux réseaux.

h) Surveiller le centre de dispatching.

i) Approuver les interconnexions et les échangesinternationaux.

j) Déterminer les bases et les conditions d’octroi desconcessions, licences, permis et autorisations.

k) Autoriser les servitudes de passage pour les lignes detransport.

l) Organiser les audiences publiques.

m) Veiller à la protection de la propriété, de l’environne-ment et à la sécurité.

n) Déterminer les informations que les différents acteursdoivent obligatoirement communiquer à l’agenceréglementaire.

o) Informer le public des activités de l’industrie et de cellesde l’agence réglementaire.

p) Imposer des sanctions.

q) Promouvoir, auprès des tribunaux compétents, lesactions civiles et pénales afin d’assurer le respect desdispositions de la loi, des contrats de concessions, etc.

r) Veiller à ce que les subventions, prévues dans lebudget de l’État pour les consommateurs à faiblerevenu, parviennent effectivement aux bénéficiaires,dans le cas où l’État a pris cette décision.

s) Approuver les installations et procéder à leurinspection.

ENCADRÉ 8.3

Attributions de l’agence réglementaire

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l’État. Ce positionnement est fonction de caractéris-tiques, telles que sa spécificité, son degré d’indépen-dance et d’autonomie, sa responsabilité à l’égard dela loi (accountability) ou encore ses relations avec lesautres organismes.

La spécificité de l’agence réglementaireIl y a trois options à considérer pour l’organisation dela nouvelle autorité réglementaire, en fonction dunombre d’industries sous sa responsabilité. L’agencepeut par exemple être propre à l’industrie électrique,comme c’est le cas en Angleterre. Elle peut aussi, àl’exemple du Mexique, être reliée spécifiquement ausecteur énergétique, en combinant l’électricité et legaz. Une autre possibilité qui recoupe l’option duCosta Rica consiste à disposer d’un organisme multi-sectoriel, dont le champ de compétence couvreentièrement ou une partie des secteurs d’infrastruc-ture, tels que les télécommunications, l’électricité, legaz naturel, l’eau et l’assainissement, etc.

Les avis des spécialistes convergent pour admettrequ’une agence qui s’occupe de plusieurs industries(agence multisectorielle) a plus d’avantages que dedésavantages. Ce consensus est tout particulièrementavéré pour les pays en développement, qui disposentde ressources humaines spécialisées en nombre limité(Smith, 1996). Une agence multisectorielle permet detirer parti de la coalition des économistes, avocats etfinanciers qui vont travailler sur des sujets connexes,tels que l’introduction de la concurrence, la détermi-nation des tarifs ou encore l’évaluation des positionsdominantes pour des industries différentes. Il en vabien entendu de même pour le personnel adminis-tratif. Qui plus est, l’éventualité d’une capture del’agence par le pouvoir politique, les industries ou lesgroupes de pression est réduite en raison des respon-sabilités plus étendues de ce type d’agence. Enfin, cesagences multisectorielles sont mieux outillées pourcomposer avec les zones d’incertitude qui naissent dela détermination des frontières entre les différentesindustries, du fait des processus de réintégration oude fusion des entreprises4.

Les agences multisectorielles ne présentent toute-fois pas que des avantages. L’un des désavantages lesplus symptomatiques a trait au pouvoir institutionneldont est investie l’agence multisectorielle, et enparticulier son directeur ou président, compte tenu del’envergure de son influence sur les industries, parfoisles plus importantes du pays. Cette puissance poli-tique est très mal perçue par les ministres, le pouvoirlégislatif et l’ensemble du pouvoir politique. D’autrepart, la concentration dans une agence unique de lafonction réglementaire de l’État à l’égard de plusieursindustries peut devenir un risque majeur en cas demauvaise performance de celle-ci, puisque les effetsseront ressentis par l’ensemble des industries régulées.

L’indépendance et la discrétionL’indépendance d’une agence réglementaire doit êtremesurée à sa capacité à prendre des décisions parrapport à l’industrie, en particulier quant à la défi-nition des tarifs, sans avoir à requérir l’approbationdu pouvoir politique, des entreprises régulées, desconsommateurs et des groupes de pression. Cettecaractéristique de l’agence est celle qui donne con-fiance aux investisseurs privés et aux consommateurs.Elle ne doit toutefois pas être comprise comme uneabsence de responsabilité de l’agence par rapport àses actes administratifs, puisque l’agence est tenue derespecter sa loi de création. Il faut en effet garder àl’esprit que la loi a été approuvée par le pouvoirlégislatif, dont les membres sont élus selon un pro-cessus démocratique. Les actes posés par l’agencesont également contraints par la possibilité d’uneintervention du ministère de tutelle, des autoritésantitrusts, des groupes de défense des consom-mateurs ou encore par l’éventualité d’une saisine destribunaux judiciaires.

Deux facteurs se révèlent primordiaux pour jugerde l’indépendance de l’agence. Il s’agit du niveau delatitude et du positionnement de l’agence au sein dupaysage gouvernemental. Par rapport au premier,deux extrêmes sont possibles : soit l’agence disposed’un pouvoir discrétionnaire, soit le cadre réglemen-taire lui alloue une marge de manœuvre très étroitepar rapport à l’interprétation des termes de la loi.A

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4. Une illustration de cet état de fait dans le secteur énergé-tique concerne l’entrée des entreprises gazières dans lesegment de la production d’électricité.

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L’expérience fait ressortir une certaine préférencepour une position entre les deux extrêmes, en ce sensque le cadre réglementaire définit les grands principesd’orientation de l’octroi des licences, des concessions,etc., mais, en même temps, il attribue un certainpouvoir discrétionnaire, clairement délimité. En cequi concerne le deuxième facteur, les agences qui sontdirectement rattachées aux ministères de tutelle n’ontpas le même degré de liberté que les institutionsautonomes. Une troisième option consiste en uneagence semi-autonome, dont les décisions les plusimportantes seraient révisées par une commissionministérielle.

Le degré d’autonomieL’autonomie véritable d’une agence réglementairepeut être jugée à partir d’un certain nombre d’indi-cateurs. Il faut en effet que:

1. les directeurs soient nommés après approbationdes pouvoirs exécutif et législatif, et que leur man-dat soit irrévocable, sauf en cas de faute grave;

2. les mandats de ces directeurs soient étalés sur despériodes non coïncidentes avec le cycle desélections ;

3. les ressources financières de l’agence soientgaranties5 de manière à éviter des négociationsannuelles du budget avec le gouvernement ;

4. les règles de gestion et d’administration du per-sonnel ne soient pas alignées sur celles de lafonction publique quant aux salaires, au nombred’experts, etc.

La responsabilité de l’agence à l’égard de la loi (accountability)En plus du respect par l’agence de sa loi d’habili-tation, il est primordial que cette responsabilités’applique également à la transparence du processusdécisionnel. Ce dernier aspect requiert des procé-dures simplifiées et publiques, mais un éminentjuriste n’a-t-il pas énoncé que la transparence est le

prix de l’indépendance6 ? Un autre point essentielconcerne le nombre de directeurs de l’agence. Uncomité directeur de trois à cinq personnes estpréférable à un régulateur unique, car chaque per-sonne surveille le comportement des autres parrapport à la loi7.

Les relations avec les autresinstitutionsL’agence réglementaire garde des relations trèsétroites avec les commissions antitrusts, les tribunauxet les pouvoirs législatif et exécutif. En particulier,dans le cas d’industries dont un, au moins, des seg-ments a été dérégulé, l’agence réglementaire et lacommission antitrusts doivent collaborer de manièreétroite pour apprécier, au début, la transition vers lemarché concurrentiel, et ensuite contrôler le jeu con-currentiel, cela de façon à empêcher toute positiondominante d’une entreprise. D’autre part, les tribu-naux jouent un rôle de premier plan pour ce qui estdu respect des différentes lois, et toute personnephysique ou morale affectée par une quelconquedécision de l’agence doit pouvoir saisir la justice pourdemander la révision de ladite décision. Enfin, lesrelations avec les pouvoirs exécutif et législatif per-mettent à l’agence d’avoir une vision de la politiquenationale et des préférences politiques de la sociétéen général.

Le cadre réglementaire (loi de l’industrie électrique)La loi de l’industrie électrique constitue la base deréférence du déroulement d’une réforme. Elle four-nit un cadre réglementaire pour tous les opérateursde l’industrie et, en fonction des préférences despouvoirs de l’État, elle peut non seulement inclure

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6. J.M. de la Cuetara, « Diseño de la agencia reguladora.Principales cuestiones jurídicas », présenté au Congrèsmondial de régulation économique, Séville, novembre1996.

7. Les avantages et désavantages de deux options par rapportà la constitution du comité directeur de l’agence régle-mentaire sont présentés dans l’article de W. Smith, 1996.

5. Comme c’est le cas lorsque le financement correspond à unpourcentage du chiffre d’affaires des entreprises régulées.

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les responsabilités de l’autorité de tutelle, mais égale-ment celles de l’agence réglementaire. Dans le cas oùcette loi n’englobe ni l’une ni l’autre de ces deuxfonctions de l’État, des lois spécifiques doivent alorsêtre promulguées. Habituellement, comme on leverra dans l’encadré 8.4, les points les plus impor-tants de la loi concernent la nouvelle structure del’industrie (dé-intégration verticale ou horizontale,segments régulés, marché concurrentiel, etc.), lesrègles d’exploitation du système électrique, en parti-culier du centre de dispatching, le régime tarifaire(prix libres et prix régulés), les concessions etlicences, la protection de l’environnement ainsi quela promotion des économies d’énergie et des sourcesnouvelles et renouvelables.

Trois de ces points vont être abordés ici, à savoir :le concept de service public, les concessions etlicences et les audiences publiques.

La norme de service public généralement accep-tée se base sur trois principes :

a) l’obligation de fourniture ;

b) le raccordement (principe d’universalité) ;

c) l’égalité de traitement.

L’application de cette norme varie selon les pays.Certains ne l’appliquent qu’à la distribution de l’élec-tricité (cas du Chili), d’autres y rajoutent le segmentdu transport (cas de l’Argentine) et, enfin, les derniers(qui sont les moins nombreux) considèrent tous lessegments (cas du Mexique). Il existe en revanche unconsensus sur les activités qui ne sont pas considéréescomme faisant partie du service public: la cogénéra-tion, la production indépendante, la production pourl’autoconsommation, l’exportation et l’importationd’électricité.

Il existe également une diversité de solutionspour ce qui est des concessions et des licences, et ilest à noter que dans la plupart des pays, la produc-tion hydraulique de même que le transport et ladistribution d’électricité sont des activités sujettes àl’octroi de concessions. Les autres activités par contrene requièrent que des licences ou des permis, àl’exception de quelques pays dans lesquels laA

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Chapitre I : Dispositions générales

Chapitre II : Définitions

Chapitre III : Création et attributions de la Com-mission des politiques énergétiques(fonction normative)

Chapitre IV : Création et attributions de l’agenceréglementaire (fonction réglementaire)

Chapitre V: Production

Chapitre VI : Transport

Chapitre VII : Distribution

Chapitre VIII : Grands consommateurs

Chapitre IX : Exploitation du système électriquenational et centre de dispatching

Chapitre X: Concessions et licences

Chapitre XI : Droits et obligations des concession-naires et des titulaires de licences

Chapitre XII : Annulation des concessions et deslicences

Chapitre XIII : Servitudes d’utilité publique

Chapitre XIV: Régime tarifaire

Chapitre XV: Protection de l’environnement

Chapitre XVI : Économies d’énergie et sources d’éner-gies renouvelables

Chapitre XVII : Sanctions

Chapitre XVIII : Régime fiscal

Chapitre XIX: Ressources administratives

Chapitre XX: Dispositions finales ou transitoires

ENCADRÉ 8.4

Chapitres classiques d’une loi de l’industrie électrique

production d’électricité sur base de combustiblesfossiles est libre. Même dans ce dernier cas, toutefois,toutes les installations doivent respecter la réglemen-tation du point de vue environnemental et de lasûreté industrielle.

Il est intéressant de noter l’incorporation d’unsystème d’audiences publiques dans la plupart deslois de l’électricité. Il s’agit là de toute évidence d’unetransplantation du droit anglo-saxon, qui s’appuie

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sur une tradition dans laquelle on retrouve ce typed’instance de négociation. De fait, l’audience pu-blique est un moyen intéressant de susciter la partici-pation des personnes ou des entités potentiellementaffectées par une future norme ou décision d’uneagence réglementaire. Ses objectifs sont : la connais-sance publique des actes et la participation du publicen tant que partie de la procédure administrative.Cette procédure offre un contrôle ex ante et ininter-rompu aux citoyens.

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Évolution récente dans les secteursdes infrastructuresNécessité et facteurs justificatifsfort diversifiésLa recherche d’une plus grande efficacité des entre-prises du secteur de l’énergie, alliée à une fortecroyance aux vertus de la concurrence et des forcesdu marché, a conduit à d’importants changementsinstitutionnels dans des pays industriels comme lesÉtats-unis et surtout la Grande-Bretagne.

Dans les pays de la Communauté européenne,les réformes opérées l’ont été sous l’impulsion desdirectives communautaires.

En Amérique latine, les contraintes budgétairesont pesé lourd dans la justification des réformes. EnAsie, ce sont les besoins de réhabilitation et dedéveloppement des infrastructures dans un contextede forte croissance économique qui ont imposé leschangements institutionnels en vue de donner unplus grand rôle au secteur privé.

En ce qui concerne l’Afrique au sud du Sahara,l’argumentaire en faveur de la réforme du secteur desinfrastructures, d’un point de vue économique,trouve sa justification dans l’un ou l’autre desfacteurs suivants :

– la mobilisation de ressources financières, pourfaire face à des besoins de croissance rapide etdans un contexte de tarissement progressif dessources officielles de financement ;

– la réduction des contraintes budgétaires, par ledégonflement de l’encours des dettes publiques ;

– l’amélioration de la gestion et de l’efficacité desentreprises concernées, objectif aujourd’hui cru-cial, en raison de la «globalisation» des marchés,du rythme rapide des changements dans lesdomaines de la technologie, du marketing et dumanagement ;

– les avantages économiques liés à un plus grandrôle du secteur privé dans l’économie, à savoir,entre autres, une meilleure allocation des res-sources, un accroissement de l’épargne nationaleet une accélération de la croissance.

Mais, sans aucun doute, les contraintes de finan-cement des investissements et les dysfonctionnementsdans la gestion des entreprises africaines apparaissentcomme les raisons dominantes des réformes engagéespar les gouvernements des pays concernés.

Il convient également de signaler la particularitédu secteur des télécommunications, où l’explosiondes besoins avec la percée des nouvelles technologiesest venue s’ajouter aux raisons évoquées ci-dessus.

En ce qui concerne le financement, les besoins eninfrastructures, en particulier dans le secteur énergé-tique, sont tout simplement colossaux, en raison del’énorme écart qui sépare l’Afrique des autres pays,notamment des pays développés, écart que l’Afriquedoit nécessairement combler pour participer avec demeilleures chances au nouveau contexte mondial.

Ces besoins financiers sont, d’après toutes lesestimations et analyses, sans commune mesure avecl’apport des sources officielles de financement, et c’estlà que réside l’énorme handicap des pays africains, dupoint de vue économique: leur relative dépendance

Fonction, rôle et responsabilité de l’agence de régulationLamine THIOUNESecrétaire Général de la Commission de Régulation du Secteur de l’Électricité du Sénégal

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envers les financements publics. Ainsi, en 1997, l’aideextérieure à destination de l’Afrique subsaharienneétait estimée à 27 $US per capita, et les investisse-ments directs étrangers ne dépassaient guère 3$USper capita, alors que les chiffres pour l’Amérique latineet les Caraïbes s’établissaient à 13$US et 62$US percapita pour, respectivement, l’aide publique au déve-loppement et les investissements directs étrangers. Or,depuis de nombreuses années, on assiste à unediminution de l’aide publique au développement, cequi requiert des pays en développement de trouverdes alternatives pour financer la croissance. C’est laraison d’être des réformes, notamment des réformessectorielles, dont le mouvement s’est accéléré à la findes années 1980, particulièrement dans le secteur del’énergie. Une caractéristique commune à toutes cesréformes est que tous les pays misent sur une plusgrande participation du secteur privé, aussi biennational qu’étranger. Mais, dans le cas de la plupartdes pays africains, des obstacles rendent difficilel’atteinte d’un tel objectif.

Stratégies de réformesLes stratégies varient en fonction du contexte natio-nal (et international) du secteur concerné et desobjectifs visés, notamment la recherche de l’effica-cité, le financement ainsi que de la politique dedéveloppement du gouvernement.

Dans certains pays, notamment dans le secteurélectrique en Grande-Bretagne, on a ainsi assisté à ladé-intégration de l’industrie, accompagnée de l’intro-duction de la compétition dans certains segments, enl’occurrence la production et la commercialisation.

En Europe, la stratégie tourne autour de lavolonté d’étendre aussi rapidement que possible deslogiques de marché à des secteurs dans lesquels lesorganisations en place limitaient fortement, ou inter-disaient, en pratique, le jeu de la concurrence.

Dans la plupart des pays d’Afrique subsahariennequi se sont engagés dans la voie des réformes, lastratégie comporte comme mesure phare le désen-gagement de l’État. L’un des objectifs majeurs de laréforme est la recherche d’une plus grande efficacité

à court terme (de la gestion) et à long terme (desinvestissements), à travers le développement despartenariats public-privé dans le secteur.

Mais, l’existence d’un cadre légal et réglementaireoffrant des perspectives intéressantes de développe-ment des partenariats public-privé est une conditionpréalable au succès des réformes engagées dans lesgrandes infrastructures.

Cependant, si l’on se réfère aux données dispo-nibles (cf. tableau ci-dessous) en matière de priva-tisation des entreprises, la valeur globale des opéra-tions menées en Afrique subsaharienne demeuremarginale par rapport aux autres régions.

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Tableau 9.1Valeur des opérations de privatisation

PPrriivvaattiissaattiioonn ddeess iinnffrraassttrruuccttuurreess ppuubblliiqquueess,, PPVVDD,, 11999900--11999999

Télécommunications 249 milliards $US

Énergie 192 milliards $US

Transport 106 milliards $US

Eau 31 milliards $US

PPrriivvaattiissaattiioonn ddeess iinnffrraassttrruuccttuurreess ppuubblliiqquueess,, PPVVDD,, 11999900--11999999

Asie de l’Est/Pacifique 168 milliards $US

Europe/Asie centrale 62 milliards $US

Amérique latine 285 milliards $US

Asie du Sud 15 milliards $US

Afrique subsaharienne 3 milliards $US

Les efforts importants qui ont été fournis n’ontpas permis d’atteindre les objectifs visés, et deuxraisons principales peuvent alors être évoquées :

– les formules de cession d’actifs ne semblent pasdestinées à un avenir prometteur (exemple duSénégal) ;

– le fardeau du financement que l’on fait reposersur l’État dans le schéma d’affermage; les parte-naires au développement, en grande majorité,sont peu enclins à mettre des ressources conces-sionnelles dans les secteurs d’infrastructuresconsidérés comme peu rentables.

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Apparaît donc la nécessité d’une révision desorientations des partenaires au développement :

– le soutien temporaire des bailleurs de fonds revêtun aspect critique et pourrait décider du sort dela privatisation, de son succès ou de son échec ;

– sans un engagement clair et net des partenaires audéveloppement à appuyer le partenariat public-privé dans certains secteurs des infrastructures(électricité – eau, en particulier), la probabilitéque le privé ne réponde pas à l’appel est élevée.

Adaptation du cadre institutionnelet réglementaireDans les secteurs des infrastructures, l’État peut jouerprincipalement quatre rôles, de manière complé-mentaire ou distincte:

• la définition des politiques d’orientation;

• la régulation des activités ;

• la détention du capital ;

• la conduite des opérations.

Lorsque les sociétés étaient à capitaux publics souscontrôle de l’État, les trois premières fonctionsavaient tendance à être confondues avec la dernière,attribuée à une société relativement autonome.

Avec l’introduction de la participation du secteurprivé dans les secteurs des infrastructures, de la restruc-turation et de la libéralisation des activités, il s’est avérénécessaire de distinguer les fonctions de l’État, respon-sable de la politique, de celles de l’État régulateur,pour protéger les intérêts des investisseurs ainsi queceux des consommateurs de l’arbitraire étatique, etpermettre à chacune des nouvelles institutions de seconsacrer à sa tâche de manière claire.

En particulier, l’État doit garantir une concur-rence équitable et une bonne exécution des missionsde service public par les institutions concernées. Cesont dans ces questions que se concentrent les prin-cipaux enjeux de la régulation des services publics.

C’est ainsi que la fonction de régulation devientautonome.

La déréglementationElle est définie comme « une action consistant àsupprimer des règles encadrant l’activité économiquepour favoriser le développement du marché. Il s’agitaussi de créer une nouvelle réglementation de naturedifférente de celle qui préexistait et qui pérennise laconcurrence».

La déréglementation comporte deux volets :

– une restructuration du secteur ou de l’industrie,liée à l’ouverture à la concurrence : elle peut con-sister en la dé-intégration des activités du mono-pole historique. En général, lorsqu’une seuleséparation est opérée, elle concerne toujours laséparation entre l’activité en amont de gestion del’infrastructure et l’activité en aval de gestion desservices ;

– une réforme institutionnelle, visant à modifier lesrôles préalablement assumés par l’État, notam-ment à travers la société nationale.

L’agence de régulationStatut de l’agence de régulationCompte tenu de ses différentes caractéristiques, larégulation soulève plusieurs questions quant à sasituation institutionnelle.

En général, la fonction de réglementation, quiconsiste en l’établissement du cadre législatif etréglementaire, est dévolue au pouvoir exécutif et aupouvoir législatif.

La régulation économique des secteurs présen-tant des caractéristiques de monopole naturel a pourobjectif principal de reproduire les conditions dumarché, et donc de veiller à ce que les entreprises ensituation de monopole ne puissent exploiter cetavantage pour maximiser leurs profits aux dépens desconsommateurs.

Par ailleurs, la régulation vise également à pré-server les secteurs concernés des interférences poli-tiques afin de gagner la confiance des investisseurs(privés ou publics) et de permettre le financementdes investissements à long terme.

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Des débats importants sont engagés sur le statutde l’agence chargée de la réglementation:

Sur l’indépendance ou non de l’agence

Dans beaucoup de pays, notamment dans ceux quiont adopté le modèle anglo-saxon, les tâches de régu-lation sont exercées par des régulateurs indépendants,pour isoler les décisions sur des aspects techniquesd’une possible interférence politique, et pour concen-trer les compétences techniques dans une structureautonome.

Il convient de retenir, cependant, qu’à l’évidence,une indépendance absolue du régulateur est diffici-lement réalisable.

On peut citer plusieurs exemples où le régulateur« indépendant» est obligé de prendre en compte lesprises de position des pouvoirs publics dans certainesde ses décisions.

Mais, il est évident que dans le cas où le régula-teur n’est pas indépendant, le risque «régulatoire» estélevé, c’est-à-dire que les décisions de régulation sonttrop imprévisibles. Étant donné que les réformess’inscrivent dans la logique d’un attrait des investis-seurs, ceux-ci peuvent alors se détourner des secteursoù ils envisageaient d’investir.

La mise en place d’une agence de régulation pourun secteur donné implique nécessairement une redé-finition du rôle de l’État, en séparant clairement lesresponsabilités de l’État dans la définition des poli-tiques sectorielles (une responsabilité politique, quidoit donc être assurée par les ministères) de celles dela régulation.

Un certain nombre de critères permettentd’apprécier l’indépendance de l’agence de régulationainsi que la transparence de ses décisions :

a) les régulateurs doivent jouir, dans l’accomplis-sement de leurs missions, de l’immunité et del’autonomie de décision;

b) les modalités de leur nomination doivent garantirleur inamovibilité pour une certaine période, saufen cas de faute grave ;

c) les ressources du régulateur ne doivent pasdépendre du budget de l’État ; cependant, ellesdoivent pouvoir être auditées ;

d) les lois et règlements doivent garantir la transpa-rence des rôles et des décisions du régulateur àtravers des dispositions imposant au régulateur de:

• rendre publiques les modalités de fonctionne-ment, en particulier le règlement intérieur etles procédures de régulation;

• rendre publiques ses décisions qui doiventfaire l’objet d’un recours juridictionnel, pré-sentées en demande de sursis d’exécution;

• prendre les décisions de sanction qu’après unemise en demeure ;

• présenter périodiquement un rapport qui rendcompte de son activité, de l’exécution de sonbudget, de l’application des dispositions légis-latives et réglementaires ;

• retenir le principe fondamental qu’en ce quiconcerne les procédures de révision des condi-tions tarifaires, les opérateurs sont consultés etdûment entendus; par ailleurs, ils ont la possi-bilité de contester les propositions de nou-velles conditions tarifaires ;

• s’entendre avec les opérateurs sur un méca-nisme d’arbitrage, à consigner dans les cahiersde charges.

La loi doit, par ailleurs, préciser de façon claire lesdomaines où le régulateur a un rôle de décideur etceux où il a un rôle consultatif.

En particulier pour ce qui concerne la régulationdes tarifs et l’application de sanctions, le régulateurdoit avoir une autonomie décisionnelle.

Enfin, la loi doit comporter des dispositions auxtermes desquelles la fonction de membre du collègede l’agence est incompatible avec quelque fonctionpolitique que ce soit, avec tout mandat électif ainsique toute détention directe d’intérêts dans une entre-prise du secteur, afin qu’on ne puisse pas disposer del’autorisation de devenir employé d’une entreprisedu secteur dont on a assuré la régulation.

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Quel modèle d’agence de régulation adopter?L’opportunité de la mise en place d’une agencemonosectorielle ou multisectorielle a fait l’objet dedébats dans plusieurs pays.

Le choix d’un modèle requiert l’analyse de sesavantages et inconvénients.

Régulation monosectorielle

Avantages :

• on tire profit des compétences techniques spécifi-ques ainsi que d’un professionnalisme spécialisé ;

• il y a une cohérence dans le suivi du secteur.

Inconvénients :

• il existe plusieurs interlocuteurs en ce qui concernela question des prix et de la qualité du service;

• il existe un double emploi de certaines fonctionsqui, au demeurant, sont rares pour des pays endéveloppement (par exemple, économistes etjuristes spécialisés en la matière); ceci peut être unfacteur de coûts supplémentaires (nécessitéd’assistance technique);

• faible envergure des tâches de régulation enraison de l’étroitesse du marché des secteursconcernés ;

• risque de capture des régulateurs.

Régulation multisectorielle

Avantages :

• partage du personnel qualifié souvent rare dans lespays en développement et réduction des coûts(mise en commun de spécialistes en régulationéconomique, de comptables, de juristes, de spécia-listes en gestion de personnel);

• position institutionnelle : elle permet d’augmen-ter l’indépendance de l’agence par rapport auxdifférents ministères ;

• réduction des risques potentiels liés aux pressionspolitiques qui pourraient remettre en cause leprocédé de régulation;

• différence entre secteurs et coûts de transaction:les différents secteurs ont souvent des rythmes dedéveloppement relativement différents et l’étatd’avancement du système de régulation varie. Lemodèle multisectoriel permet aux secteurs deprofiter des avantages et des avancées réalisésdans le domaine de la régulation, notamment parle transfert de leçons ou techniques appropriéesdes secteurs en avance.

Inconvénients :

• dilution des compétences techniques : les pro-fessionnels peuvent ne pas être suffisammentspécialisés ;

• divergence entre les secteurs régulés : héritagesadministratifs différents, secteurs gérés par deslois différentes, secteur des télécommunicationsévoluant plus rapidement ;

• dans certains cas, transfert de précédents d’unsecteur à un autre alors que cela ne se justifie pasou n’est pas pertinent ;

• augmentation de l’enjeu lié au risque de capture:agence forcément plus grosse et plus visible,enjeux liés à l’échec plus importants.

Structure de l’organePour la structure de l’organe, deux éventualités sontgénéralement examinées, à savoir l’option d’unecommission comprenant plusieurs membres, ou celled’un régulateur individuel (éventuellement undirecteur assisté d’un conseil d’administration).

Un seul régulateur, même s’il prend plus facile-ment des décisions rapides et tranchées, aura plus dedifficulté à faire accepter sa légitimité qu’une com-mission. De plus, une commission prend mieux encompte la variété des arguments et des intérêts.

Le tableau 9.2 recense les avantages et les incon-vénients des structures décisionnelles, selon qu’ils’agit d’un individu ou d’une commission.

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Objectifs de l’agence de régulationLa régulation économique des secteurs présentantdes caractéristiques de monopole naturel a pourobjectif principal de reproduire les conditions dumarché et donc de limiter la propension des entre-prises en situation de monopole à exploiter leuravantage pour maximiser leurs profits aux dépens desconsommateurs.

La régulation a aussi comme objectif de garantirla stabilité du secteur par la sauvegarde des intérêtsdes investisseurs et la protection des consommateurs.

Ces objectifs doivent s’inscrire dans le cadre de laloi et de la réglementation en vigueur en tant queresponsabilités premières visant à :

• veiller à la préservation des intérêts des consom-mateurs et assurer la protection de leurs droitspour ce qui concerne le prix, la fourniture et laqualité de l’énergie électrique;

• veiller à l’équilibre économique et financier dusecteur concerné et à la préservation des condi-tions économiques nécessaires à sa viabilité ;

• promouvoir la concurrence dans les segments oùles conditions économiques le permettent. Cecin’implique manifestement pas une incitation àdupliquer des infrastructures ayant un caractèrede monopole naturel, la régulation devant très

clairement et judicieusement ouvrir la voie à unedistinction de plus en plus fine entre les activitésnaturellement concurrentielles et les activités enmonopole naturel au sein des entreprises encharge des services publics ;

• assurer que les opérateurs régulés sont en mesurede s’acquitter de leurs responsabilités légales endemeurant financièrement viables.

La responsabilité d’assurer que les entreprises ré-gulées sont en mesure de s’acquitter de leurs respon-sabilités et demeurent financièrement viables offreaux investisseurs privés une garantie importante.

FonctionsLes fonctions doivent être clairement définies dansle cadre législatif et réglementaire.

L’agence de régulation aura pour fonctionsspécifiques :

• de préparer les cahiers de charges correspondantaux obligations de service public ;

• d’octroyer des concessions et des licences ;

• d’assurer le contrôle du fonctionnement vis-à-visde l’intérêt général et le respect des normes parles fournisseurs de services (suivi et contrôle desobligations contractuelles) ;

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Tableau 9.2Avantages et inconvénients des structures décisionnelles

IInnddiivviidduu CCoommmmiissssiioonn

Rapidité décisionnelle xxx

Responsabilité des décisions xxx

Besoins en ressources humaines xxx

Prévisibilité des décisions xxx

Degré de vulnérabilité aux préoccupations individuelles xxx

Degré de vulnérabilité aux influences non appropriées xxx

Possibilité de refléter plusieurs perspectives xxx

Possibilité d’échelonner les mandats de chaque membre… xxx

…pour rehausser la stabilité et l’indépendance

…vis-à-vis du GouvernementSource : Warwick Smith, «Utility Regulators : Creating Agencies In Reforming and Developing Countries», 1996.

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• de réguler le niveau et la structure des tarifs (dansle cadre de la politique tarifaire définie par legouvernement, par exemple, en ce qui concernele prix plafond et le coût du service) ;

• de jouer un rôle d’arbitre dans les litiges entreopérateurs et usagers ;

• de promouvoir le développement de la concur-rence, l’équité dans l’accès aux infrastructures etaux réseaux, et surtout d’assurer le contrôle del’opérateur dominant dans les segments demarché ouverts à la concurrence.

PouvoirsLe rôle important dévolu aux ministères de tutelle,soit celui de concevoir la politique générale, derédiger et de mettre à jour les lois et textes régle-mentaires, d’octroyer les titres pour l’exercice desactivités et de définir les principes de tarification,conduit généralement à conférer aux agences derégulation des attributions consultatives.

Les pouvoirs spécifiques de l’agence de régulationlui permettent d’assumer les responsabilités qui luisont attribuées. Ils comprennent :

• les modifications d’ordre général au cahier decharges, sous certaines contraintes ;

• un pouvoir de sanction des manquements desentreprises régulées de chaque secteur ;

• un pouvoir d’enquête, qui permet à l’agence deprocéder aux expertises, de mener les études, derecueillir les données et de mener toute actiond’information sur les secteurs qu’elle régule;

• l’application des sanctions ou des pénalités afinde faire respecter les conditions ;

• la sélection les producteurs indépendants dans lecas du secteur de l’électricité.

La régulation des tarifsLa régulation des tarifs a trois buts. Le premier est laviabilité et la durabilité de l’entreprise réglementée,qui doit pouvoir financer son activité et tous les in-vestissements nécessaires pour la poursuite de celle-ci.

L’objectif de durabilité demande que les actionnairesbénéficient d’une rentabilité pas « trop faible » etassurant la rémunération nécessaire pour la poursuitedes investissements dans le service public.

Le deuxième but est l’équité. L’équité veut que larentabilité ne soit pas « trop élevée », c’est-à-diresupérieure à la rémunération que les actionnairesobtiendraient d’autres investissements ayant undegré de risque similaire. L’équité veut égalementque les usagers ne paient pas trop cher les services quileur sont assurés (aucune catégorie d’usagers ne doitsupporter une charge disproportionnée par rapportà ce qu’elle coûte au service public).

Finalement, le troisième but est l’efficience quicomporte deux aspects, à savoir l’efficience attribu-tive, qui veut que les biens soient impartis à ceux quien tireront le plus grand avantage, et l’équité produc-tive, qui veut que les biens et services soient produitsde la façon la moins chère possible, c’est-à-dire enutilisant un minimum de ressources.

Il faut noter que l’efficience productive demandegénéralement que l’entreprise de service publicrecherche des améliorations de productivité, qu’ellerisque de n’effectuer que si elle est suffisammentincitée pour trouver que l’effort en vaut la peine.

Dans une économie de marché, l’incitationnormale est constituée par la perspective de bénéfice,ce qui veut dire que les prix doivent être supérieursaux coûts. L’incitation à l’efficience productive appa-raît ainsi en conflit avec les autres objectifs.

Principales méthodes de régulation tarifaireEn matière de régulation tarifaire, les deux procé-dures les plus usitées sont :

– la régulation par le taux de rentabilité du capital(rate of return ou ROR);

– la méthode du prix plafond (price cap).

Régulation des prix par le taux de rendementDans cette méthode, l’entreprise réglementée estautorisée à adopter des tarifs lui permettant decouvrir ses charges d’exploitation et lui assurant une

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rentabilité équitable de son investissement. Lorsqueles tarifs ne lui permettent plus de couvrir ses frais,elle peut demander leur modification. Ce type deréglementation semble garantir à l’entreprise lacouverture de ses charges et le maintien du coût ducapital à un niveau relativement bas, mais elle n’incitepas suffisamment l’entreprise à réduire ses dépenses.

Étant donné que l’entreprise est assurée d’unerente indexée sur ses coûts en capital, la régulationROR comporte le défaut de ne pas inciter aux effortsde gestion. De plus, elle pousse l’entreprise à biaiserl’allocation de ses coûts de production en faveur ducapital et à construire un réseau en surcapacité ou enavance technologique par rapport à la demande.

La procédure générale est la suivante :

1. Fixer un prix initial par rapport aux coûts del’entreprise ;

2. Surveiller la rentabilité de l’entreprise dans letemps;

3. Ajuster les tarifs lorsque la rentabilité diverge ducoût du capital fixé par le régulateur.

Régulation par prix plafond (price cap)La méthode de réglementation dite « IPD – X » aformalisé le retard réglementaire, pour inciter desentreprises à accroître leur productivité pendant lespériodes séparant les révisions de la réglementation.L’idée est la suivante : l’entreprise doit faire en sorteque l’évolution d’un panier pondéré de ses prix devente reste en deçà de celle d’un indice de prix donnémoins X pour cent, de sorte que les tarifs de l’entre-prise doivent baisser de X pour cent par an dans laréalité. À l’origine, l’indice des prix à la consom-mation choisi au Royaume-Uni a été « l’indice desprix de détail » (IPD), d’où l’appellation de cetteméthode.

Au moment où l’entreprise est privatisée, il fautfixer X, qui permet de transférer aux consommateursles gains de productivité attendus. Si l’entreprisepense que la réglementation de ses tarifs ne sera pasmodifiée dans l’avenir, ses prix sont indépendantsd’elle et elle est fortement incitée à réduire sescharges.

La méthode du price cap est théoriquementincitative. Cette propriété repose cependant sur lacrédibilité du régulateur, qui devrait idéalementpouvoir s’engager au départ à ne pas réviser unilaté-ralement le contrat avant son terme, c’est-à-dire à nepas resserrer le plafonnement des prix au fur et à me-sure que l’entreprise réalise des gains de productivité.

Par ailleurs, au contraire du cost plus (cf. ci-après),le price cap semble n’exiger aucune informationpréalable sur les coûts. Mais, dans les faits, une telleinformation s’avère nécessaire afin de calibrer leniveau du plafonnement, au moment de la négocia-tion initiale du contrat, puis à l’échéance de celui-ci :les tarifs doivent être fixés à un niveau pemettant àl’entreprise d’engranger des bénéfices raisonnables.Un contrat dans lequel les clauses contractuellesrelatives à la garantie des rendements escomptés sonttacites peut menacer la viabilité financière de l’entre-prise, alors qu’un contrat dont les clauses de l’équi-libre financier sont expresses permet à l’entreprised’espérer un taux de rendement équitable sur sesinvestissements.

Enfin, des clauses de qualité du service doiventêtre stipulées, de manière à ce que l’effort de produc-tivité exigé par le price cap ne s’effectue pas audétriment de cette qualité du service.

La procédure générale est la suivante :

1. Fixer un prix initial par rapport aux coûts del’entreprise ;

2. Déterminer les objectifs d’efficacité et d’inves-tissement permettant une projection des coûtsfuturs ;

3. Déterminer le prix maximum pour une périodedonnée;

4. Réviser le plafond de prix à la fin de la périodedonnée.

Autres aspects de la régulation des infrastructuresGénéralement, diverses obligations s’imposent auxopérateurs, notamment sur la qualité du service, surles normes et sur la communication d’informationdevant permettre au régulateur de mieux procéder

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au suivi des activités et de mieux voir au respect desobligations convenues dans les documents contrac-tuels, notamment les cahiers de charges, les licencesou les contrats de concession.

Relations entre Agence de régulation et Opérateurs

Le contrôle des subventions entre segmentscaptifs et non captifs

La réglementation des activités en monopole doitfaire face à un problème que l’on rencontre dansplusieurs pays, à savoir le contrôle des subventionsentre segments captifs et non captifs.

Du fait de l’introduction de la concurrence, lerégulateur acquiert une grande responsabilité dans lecontrôle des possibilités de transferts de coûts sur lestarifs des clients captifs.

La mesure préconisée en la matière est la sépara-tion comptable des activités, afin d’éviter ces reports.

Dans le secteur de l’électricité, par exemple, sil’opérateur historique reste intégré verticalement, ildoit tenir une comptabilité séparée entre production,transport et distribution et vente au détail.

L’asymétrie d’informationsDans la régulation d’une entreprise assurant lemonopole d’un service public ou d’un opérateur his-torique, il y a la présence d’une double asymétried’informations entre l’opérateur et l’agence derégulation:

– les technologies disponibles et leurs caractéris-tiques de coûts sont imparfaitement connues durégulateur ;

– l’effort de gestion consenti par l’entreprise ne peutêtre directement observé par le régulateur. Pourune même performance constatée a posteriori, lerégulateur est incapable de distinguer si elle estdue à un mauvais opérateur ayant accompli uneffort important ou à un bon n’ayant fourniqu’un effort modéré.

Par conséquent, l’opérateur peut utiliser les deuxtypes d’asymétrie d’informations d’une manière con-juguée, en camouflant une bonne capacité intrin-sèque derrière un comportement relâché.

L’objectif de la régulation consiste à concevoir uncontrat qui, tout à la fois, doit amener l’opérateur àrévéler des informations sur ses caractéristiques, etaussi à l’inciter à faire le plus d’efforts possible.

Relations entre Agence de régulation et PublicL’agence de régulation devant veiller à la préservationdes intérêts des consommateurs et à assurer la protec-tion de leurs droits en ce qui concerne le prix, lafourniture et la qualité de l’énergie électrique, elle doitaussi pouvoir mettre en place tout dispositif appropriépermettant de recueillir de l’information sur tous lesaspects du fonctionnement du secteur, ainsi que surles droits et obligations des consommateurs.

À cet effet, l’agence doit définir et publier lesprocédures qu’elle applique pour recevoir et traiterles plaintes des consommateurs, en vue d’un règle-ment à l’amiable ou de mener des enquêtes enarbitrage.

Également, en vue de bien informer les partiesprenantes, l’agence doit :

a) publier au moins annuellement un rapportrendant compte de ses activités, en particulier del’application des lois et règlements en vigueur ;

b) rendre publics de façon systématique ses décisions,avis et recommandations.

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Introduction1

Même si elle peut varier selon les États et les conti-nents, selon que les pays soient économiquementavancés, en émergence ou en développement, selonle type de juridiction ou de culture juridique, lacréation ou le renforcement d’agences de régulationdans le secteur de l’énergie est un fait maintenantincontournable. Certes, les formes et les typesd’agences de régulation pourront être à géométrievariable. Mais les fondements juridiques de larégulation demeurent les mêmes.

Afin de bien saisir le cadre réglementaire etjuridique dans lequel évolue l’agence de régulation ausein de l’environnement géographique qu’elle régle-mente, il est utile de comprendre les grandes struc-tures de pouvoir propres à chaque État. On constatequ’il faut parfois consulter les textes constitutionnelspour comprendre la mécanique des rapports existantentre l’État et l’agence de régulation. C’est à tout lemoins le cas dans un État fédératif comme le Canada.

Loi organique et régimes juridiquesPartage des compétencesconstitutionnelles

Au CanadaAu Canada, la Loi constitutionnelle de 18672 (laConstitution) prévoit le partage des compétencesentre l’État fédéral et les provinces3. Généralementreconnues comme relevant de l’autorité des pro-vinces4, toutes les questions reliées à l’énergie élec-trique au Canada ne seront du ressort de l’autoritéfédérale qu’en matière de construction et d’exploi-tation des lignes internationales, de transport del’électricité et, évidemment, d’exportation d’électri-cité. Ce sont en effet les provinces qui régissentl’administration, l’exploitation et la production deleurs ressources naturelles.

Le principe sous-jacent à ce choix résulte du faitque les pères de la Constitution ont laissé aux pro-vinces la propriété des ressources naturelles sur leurterritoire5.

L’Agence de régulation et son environnement réglementaire etjuridique: la réforme réglementaire telle que vécue au QuébecAndré TURMEL, B. Sc., LL. M.Associé principalGroupe Environnement, énergie et ressources naturellesFasken, Martineau, DuMoulin s.r.l.Montréal, Québec, Canada

1. Le présent texte a été préparé dans le cadre d’une séance deformation de trois heures. Il s’agit ici d’un texte souhaitantprésenter, à grands traits, certains volets de la régulation del’électricité au Canada. Le présent texte est donc forcémentsuperficiel et n’a aucune prétention scientifique. Il a commeobjectif de donner quelques pistes de réflexion au lecteur.

2. Loi constitutionnelle de 1867, (R.V.) 30 et 31 Vict., c.3 (telleque modifiée par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, c. 11(R.-U.).

3. Voir à cet effet les articles 91, 92, 92 (A) et 109 de la Loiconstitutionnelle de 1867.

4. Articles 92(5), 92(13) et 92(16) de la Loi constitutionnellede 1867.

5. Voir à cet effet l’article 109 de la Loi constitutionnelle de1867. Voir aussi Brun et Tremblay, Droit constitutionnel,Montréal, Éditions Yvon Blais inc., 3e édition, 1997,p. 521.

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Toutefois, puisque la production, le transport etla distribution de l’électricité étaient, il faut bien leconstater, peu développés au moment de l’adoption,au siècle dernier, de la Constitution canadienne,celle-ci a été modernisée en 1982 pour clarifierquelque peu le tout.

L’article 92 (A) est venu s’ajouter, en 19826, àl’article 92 de la Constitution, pour prévoir desdispositions concernant les ressources naturelles nonrenouvelables, les ressources forestières et l’énergieélectrique.

«92A.

Compétence provinciale(1) La législature de chaque province a compétence

exclusive pour légiférer dans les domaines suivants :

a) prospection des ressources naturelles non renou-velables de la province ;

b) exploitation, conservation et gestion des ressourcesnaturelles non renouvelables et des ressourcesforestières de la province, y compris leur rythme deproduction primaire ;

c) aménagement, conservation et gestion des empla-cements et des installations de la province destinés àla production d’énergie électrique.

Exportation hors des provinces(2) La législature de chaque province a compétence pour

légiférer en ce qui concerne l’exportation, hors de laprovince, à destination d’une autre partie du Canada, dela production primaire tirée des ressources naturellesnon renouvelables et des ressources forestières de laprovince, ainsi que de la production d’énergie électriquede la province, sous réserve de ne pas adopter de loiautorisant ou prévoyant des disparités de prix ou desdisparités dans les exportations destinées à une autrepartie du Canada.

Pouvoir du Parlement(3) Le paragraphe (2) ne porte pas atteinte au pouvoir du

Parlement de légiférer dans les domaines visés à ce para-graphe, les dispositions d’une loi du Parlement adoptéedans ces domaines l’emportant sur les dispositionsincompatibles d’une loi provinciale.

Taxation des ressources(4) La législature de chaque province a compétence pour

prélever des sommes d’argent par tout mode ou systèmede taxation:

a) des ressources naturelles non renouvelables et desressources forestières de la province, ainsi que de laproduction primaire qui en est tirée;

b) des emplacements et des installations de la provincedestinés à la production d’énergie électrique, ainsique de cette production même.

Cette compétence peut s’exercer indépendammentdu fait que la production en cause soit, ou non, entotalité ou en partie, exportée hors de la province,mais les lois adoptées dans ces domaines ne peuventautoriser ou prévoir une taxation qui établisse unedistinction entre la production exportée à destina-tion d’une autre partie du Canada et la productionnon exportée hors de la province.

«Production primaire»(5) L’expression «production primaire» a le sens qui lui est

donné dans la sixième annexe.

Pouvoirs ou droits existants(6) Les paragraphes (1) à (5) ne portent pas atteinte aux

pouvoirs ou droits détenus par la législature ou legouvernement d’une province lors de l’entrée en vigueurdu présent article.»

Ainsi, les questions reliées directement à l’énergieélectrique trouvèrent assez d’importance aux yeuxdes rédacteurs de la Constitution canadienne pourque ceux-ci leur réservent une place particulière dansle texte fondateur de l’État.

Même si la Constitution canadienne prévoitgénéralement que le commerce des ressources natu-relles est une compétence partagée entre le fédéral etles provinces, l’article 92 (A) de la Loi constitution-nelle de 1867 démontre bien l’ampleur des pouvoirsdes provinces canadiennes en matière d’énergieélectrique7.

Même si ce sont les provinces au Canada qui ontjuridiction exclusive à l’égard de la production, dutransport et de la distribution de l’électricité, lestransactions de nature internationale relèvent du

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6. Loi de 1982 sur le Canada (1982), c.11 (R.-V.). 7. Supra, note 4.

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fédéral. Lorsque ces dernières transactions inter-viennent, l’organisme fédéral de réglementation del’énergie, l’Office national de l’énergie (ONE), joueraun rôle, notamment en ce qui a trait à l’attributionde permis d’exportation d’électricité aux États-Unis.

L’ONE a notamment comme compétence laconstruction et l’exploitation des lignes interna-tionales d’électricité, de même que les exportationsd’électricité.

Par exemple, la partie III.1 de la Loi sur l’Officenational de l’énergie8 prévoit dans ses articles 58.1 etles suivants :

«Partie III.1 Construction et exploitation de lignes de transport d’électricité.

Lignes internationales – interdiction58.1 Il est interdit de construire ou d’exploiter une ligneinternationale sans un permis ou un certificat, respec-tivement délivré en application des articles 58.11 ou 58.16,ou en contravention avec l’un ou l’autre de ces titres.

1990, ch. 7, art. 23.

[…]

Critères[…]

58.14 (2) Pour déterminer s’il y a lieu d’effectuer unerecommandation, l’Office tente d’éviter le dédoublementdes mesures prises au sujet d’une ligne internationale parle demandeur et le gouvernement des provinces que laligne franchira et tient compte de tous les facteurs qu’ilestime pertinents et notamment:

a) des conséquences de la ligne internationale sur lesprovinces qu’elle ne franchit pas ;

b) des conséquences de la construction ou de l’exploi-tation de la ligne sur l’environnement ;

c) de tout autre facteur qui peut être prévu par règlement.

1990, ch. 7, art. 23.»

Une récente ordonnance rendue par l’ONEillustre bien l’application de l’article 58.149. Cette

décision fit suite à une demande concernant la cons-truction et l’exploitation d’une ligne internationalede transport d’électricité par Hydro-Manitoba.L’ONE décida de ne pas faire de recommandation auministre en vertu de l’article 58.14 (1) dans le but desuspendre la délivrance du permis. Dans cette affaire,l’ONE statua premièrement que la construction dela ligne internationale n’aurait vraisemblablement pasde conséquence sur les provinces avoisinantes, étantdonné qu’aucune amélioration au réseau d’intercon-nexion provincial ne s’avérait nécessaire à la suite de laconstruction de la ligne internationale. Deuxième-ment, l’ONE décida que la construction ne représen-tait aucun danger pour l’environnement. L’évaluationdu danger reposa principalement sur un rapportd’examen environnemental.

La Loi sur l’ONE prévoit d’ailleurs que l’autoritérégulatrice d’une province peut être le gouvernementprovincial ou un organisme administratif10. De plus,l’organisme fédéral prévoit que:

«Application des lois provinciales58.2 Toute loi provinciale concernant les lignes intrapro-vinciales de transport d’électricité s’applique aux sectionsintraprovinciales des lignes internationales.

1990, ch. 7, art. 23.

Attributions de l’autorité régulatrice58.21 L’autorité régulatrice provinciale exerce, à l’égard dessections intraprovinciales des lignes internationales, lesattributions qu’elle a au titre de toute loi provincialeconcernant les lignes intraprovinciales, y compris enmatière de rejet de toute affaire assujettie à son agrément,même si le rejet entraîne l’impossibilité de construire oud’exploiter la ligne.

1990, ch. 7, art. 23

Préséance58.22 Les conditions des permis et des certificats et les loisfédérales d’intérêt général l’emportent sur toute loiprovinciale bénéficiant de l’extension d’application prévueaux articles 58.2 ou 58.21.

1990, ch. 7, art. 23.»

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8. Loi sur l’Office national de l’énergie, L.R.C., ch. N-7.9. Office national de l’énergie, dossier 2200-M020-4, 6 mars

2002. 10. Article 58.17.

Page 129: VERS DE NOUVELLES ORGANISATIONS DU SECTEUR ÉLECTRIQUE

Enfin, en ce qui a trait à la question des expor-tations, la section II de la partie VI de la Loi surl’ONE prévoit dans ses articles 119.02 et les suivantsqu’il est interdit d’exporter de l’électricité sans unpermis (ou licence) délivré par l’organisme fédéral.Toutefois, rien n’empêche les provinces d’importer.

Afin d’obtenir une telle licence, l’exportateur doitrendre son projet conforme à certaines exigences. Eneffet, l’ONE peut tenir compte de tout facteur qui luisemble pertinent11 dans l’évaluation de la demandede licence d’exportation. Dans l’arrêt Québec (P.G.)c. Canada (O.N.É.)12, la Cour suprême du Canadafut appelée à évaluer la conformité d’une décision del’ONE concernant une demande de licence formuléepar Hydro-Québec.

La demande en question portait sur l’obtentiond’une licence pour l’exportation d’électricité vers lemarché américain, plus particulièrement vers lesÉtats de New York et du Vermont. Cette demandefaisait suite à la conclusion de deux ententes avec dessociétés d’électricité américaines pour l’exportationd’une quantité totale de 1450 MW d’électricité.

L’ONE avait tenu compte notamment de larécupération des coûts et du niveau concurrentiel desprix fixés par Hydro-Québec. Il évalua de plus lesincidences du projet d’exportation sur le planenvironnemental et assujettit la licence à certainesconditions. La Cour décida dans cette affaire que lescritères d’évaluation retenus par l’ONE s’avéraientutiles pour rendre une décision éclairée.

À ce portrait fort sommaire du partage des com-pétences et des questions reliées à l’énergie électriqueau Canada, le lecteur pourra obtenir de l’informa-tion additionnelle sur différents sites Internet, dontplusieurs sont en français13.

Aux États-UnisIl est intéressant de noter qu’aux États-Unis, même siles principes peuvent différer, le commerce inter-Étatd’électricité de gros est sous juridiction fédérale.Ainsi, la vente et le transport d’électricité en grossont assujettis aux tarifs fixés par la Federal EnergyRegulatory Commission (FERC)14.

La production et la distribution au détail del’électricité, de même que le transport intra-État, sontassujettis au state utility board de chacun des États del’union. Certains équipements de production sontcependant sous juridiction fédérale comme, parexemple, la Tennessee Valley Authority qui est régle-mentée directement par le gouvernement américain,soit le Department of Energy (DOE).

D’ailleurs, l’ouverture des réseaux de transport del’électricité, amorcée au début des années 1990 parla FERC, suscite beaucoup de turbulence aux États-Unis, tout comme la déréglementation de la distri-bution au détail de l’électricité qui, elle, se fait aurythme des décisions de chaque state utility board.Des États comme la Pennsylvanie, New York et laCalifornie ont assumé un certain leadership en cedomaine15. Il faut toutefois noter que cette dérégle-mentation peut connaître de sérieux ratés. En

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11. Loi sur l’Office national de l’énergie, L.R.C., ch. N-7.,art. 119.08 (2).

12. Québec (P.G.) c. Canada (O.N.É.) [1994] 1 S.C.R.13. Pour le Québec, sites de la Régie de l’énergie (www.regie-

energie.qc.ca), d’Hydro-Québec (www.hydroquebec.com),de la Société en commandite Gaz Métro (www.gaz metro.com).

– Pour le Canada, sites de l’Office national de l’énergie(www.neb.qc.ca), de la Commission de l’énergie de

l’Ontario (www.oeb.gov.on.ca), de la British ColumbiaUtility Commission (www.bcuc.com) et de l’Alberta(www.eub.gov.ab.ca). Voir aussi les sites de l’Associationcanadienne de l’électricité (www.canelect.ca) et celui del’Association canadienne du gaz (www.cga.ca).

– Pour le Mexique (www.cre.gob.mx).– Pour l’Europe (www.europa.eu.int/en/comm/dg17), la France

(www.industrie.gouv.fr) et l’Angleterre (www.ofgas.gov.uk).– Enfin, pour la Francophonie, le site de l’Institut de l’Énergie

et de l’Environnement de la Francophonie (www.iepf.org).14. C’est le Federal Power Act (FPA) de 1935 qui donne son

assise et ses compétences à la FERC. Voir aussi le PublicUtility Regulatory Policies Act of 1978 (PURPA) et le EnergyPolicy Act.

15. Pour les États-Unis, voir notamment le site de la FederalEnergy Regulatory Commission (www.ferc.fed.us), New York(www.dps.state.ny.us), Californie (www.cpuc.ca.gov)Pennsylvanie (www.puc.paonline.com), Power MarketersAssociation (www.powermarketers.com) et le Center for theadvancement of Energy Markets (www.caem.org).

Page 130: VERS DE NOUVELLES ORGANISATIONS DU SECTEUR ÉLECTRIQUE

Californie, par exemple, l’État et le gouvernementfédéral ont dû prévoir des décrets d’exception ordon-nant aux compagnies productrices d’électricité defournir en énergie cet État16.

Afin d’assurer un accès fiable aux ressourcesénergétiques et d’améliorer l’efficacité du marchéaméricain de l’énergie, la FERC a proposé en 2002, àtravers divers documents publics, une série de me-sures visant à rectifier la situation. La FERC proposepremièrement un amendement à sa réglementationdans le but d’uniformiser la procédure et les accordsde ralliement entre les différents producteurs et trans-porteurs d’électricité. Ces modifications devraientpermettre un développement des infrastructures,limiter la possibilité pour les transporteurs defavoriser leur propre production ainsi que faciliter lavenue de nouveaux compétiteurs17.

Deuxièmement, la FERC propose de rendreobligatoires la création d’organisations régionales detransport (RTO) ainsi que l’adhésion des différentsparticipants à ces organisations. Ces organismesseraient responsables de la mise en application duNetwork Access Service, un service de transportflexible appliquant des règles uniques à chaqueintervenant. Les RTO fonctionneraient donc selondes normes transparentes relativement à la vente etle transport d’énergie de gros18.

Le cas du Québec en matière de régulation de l’électricitéLa régulation de l’électricité au Québec traverse uneprofonde période de changement, amorcée en 1996par l’adoption de la Loi sur la Régie de l’énergie.

Jusqu’à cette période, c’est le gouvernement duQuébec qui réglementait l’énergie électrique, soit parla loi, les règlements ou par des décrets. Voulantrejoindre le reste de l’Amérique du Nord sur laquestion, le gouvernement a, au milieu des années1990, amorcé un profond remaniement de diversesquestions en matière d’énergie en général et del’énergie électrique en particulier.

Peu après les échanges et le rapport de la Table deconsultation du débat public sur l’énergie et lapolitique gouvernementale en cette matière, adoptéepar le gouvernement du Québec en 1996, l’Assem-blée nationale a adopté, à l’automne 1996, la Loi surla Régie de l’énergie. Le passage suivant de la politiqueillustre la volonté du gouvernement de confier à unorganisme indépendant la réglementation del’électricité :

«Ainsi, les compagnies possédant ces réseaux sont placéesdans une situation de “monopole naturel” vis-à-vis desconsommateurs : n’étant pas soumises à la concurrencepour approvisionner les utilisateurs qui sont branchés auréseau, elles peuvent imposer aux consommateurs des tarifsinjustifiés. Les pouvoirs publics doivent donc intervenir,afin de protéger [les consommateurs] et [d’]établir l’équi-libre nécessaire au bon fonctionnement des marchés.

Aux États-Unis comme au Canada, pour régler ce pro-blème, la formule retenue est celle des régies. Les régiessont des organismes quasi judiciaires dont la raison d’êtreest d’assurer un arbitrage entre les consommateurs et lesentreprises de distribution, en utilisant à cette fin des règlesdirectement inspirées des tribunaux.

Les régies bénéficient ainsi d’une indépendance quigarantit leur crédibilité vis-à-vis des différents intervenantsengagés. Elles font appel aux approches judiciaires pours’assurer d’un examen rigoureux des questions qui leur sontconfiées. L’analyse en audiences publiques des demandesde modification tarifaire permet la participation du publicet l’intervention, dans les discussions, de toutes les partiesintéressées. En y ayant recours, le gouvernement permetainsi aux Québécois de faire partie intégrante de ceprocessus démocratique, et à toutes les parties intéresséesde présenter leur point de vue19.»

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16. Décret du 14 décembre 2000: Order Pursuant to section 202(c) of the Federal Power Act, Bill Richardson, Secretary. Ledécret a été renouvelé à plusieurs reprises, à la fin décembre2000 et en 2001, et il a été renouvelé à l’arrivée de la nou-velle administration Bush, le 23 janvier 2001. Voir le portaildu Department of Energy: www.energy.gov.

17. Standardization of Generator Interconnection Agreements andProcedures : Notice of Proposed Rulemaking, April 24, 2002,[Docket No. RM02-1-000]

18. Notice of Proposed Rulemaking [Docket No. RM01-12-000].19. L’énergie au service du Québec – une perspective de dévelop-

pement durable, 1996, «Politique énergétique», p.19.

Page 131: VERS DE NOUVELLES ORGANISATIONS DU SECTEUR ÉLECTRIQUE

En 2000, moins de quatre ans après son adoption,le gouvernement faisait, par le biais de l’Assembléenationale, des modifications majeures à la Loi sur laRégie de l’énergie. Les articles suivants constituent lacheville ouvrière de la Loi, et s’inscrivent dans l’espritde la politique énergétique du Québec:

«1. La présente loi s’applique à la fourniture, au transportet à la distribution d’électricité ainsi qu’à la fourniture, autransport, à la distribution et à l’emmagasinage du gaznaturel livré ou destiné à être livré par canalisation à unconsommateur.

Elle s’applique également à toute autre matière énergétiquedans la mesure où elle le prévoit.

L.Q. 1996, c. 61, a. 1 ; L.Q. 2000, c. 22, a. 1.

[…]

5. Dans l’exercice de ses fonctions, la Régie assure la conci-liation entre l’intérêt public, la protection des consom-mateurs et un traitement équitable du transporteur d’élec-tricité et des distributeurs. Elle favorise la satisfaction desbesoins énergétiques dans une perspective de développe-ment durable et d’équité au plan individuel comme auplan collectif.

L.Q. 1996, c. 61, a. 5 ; L.Q. 2000, c. 22, a. 4.

[…]

25. La Régie doit tenir une audience publique:

1° lorsqu’elle procède à l’étude d’une demande faite envertu des articles 48, 65, 78 et 80;

2° lorsqu’elle détermine les éléments compris dans lescoûts d’exploitation et fixe un montant en applicationde l’article 59;

3° lorsque le ministre le requiert sur toute question enmatière énergétique.

La Régie peut convoquer une audience publique sur toutequestion qui relève de sa compétence.

1996, c. 61, a. 25.

[…]

31. La Régie a compétence exclusive pour :

1° fixer ou modifier les tarifs et les conditions auxquelsl’électricité est transportée par le transporteur d’électri-cité ou distribuée par le distributeur d’électricité ouceux auxquels le gaz naturel est fourni, transporté oulivré par un distributeur de gaz naturel ou emmagasiné;

2° surveiller les opérations des titulaires d’un droit exclusifde distribution d’électricité ou de gaz naturel afin de

s’assurer que les consommateurs aient des approvision-nements suffisants ;

2.1° surveiller les opérations du transporteur d’élec-tricité, du distributeur d’électricité ainsi que cellesdes distributeurs de gaz naturel afin de s’assurerque les consommateurs paient selon un justetarif ;

[…]

4° examiner toute plainte d’un consommateur portant surl’application d’un tarif ou d’une condition de transportd’électricité par le transporteur d’électricité, dedistribution d’électricité par le distributeur d’électricité,les réseaux municipaux ou privés d’électricité ou par laCoopérative régionale d’électricité de Saint-Jean-Baptiste de Rouville et voir à ce que le consommateurpaie le tarif qui lui est applicable et soit assujetti auxconditions qui lui sont applicables ;

4.1° examiner toute plainte d’un consommateur por-tant sur l’application d’un tarif ou d’une condi-tion de fourniture, de transport, de livraison oud’emmagasinage de gaz naturel par un distribu-teur de gaz naturel et voir à ce que le consomma-teur paie le tarif qui lui est applicable et soitassujetti aux conditions qui lui sont applicables ;

5° décider de toute autre demande soumise en vertu de laprésente loi.

[…]

Elle a la même compétence pour décider d’une demandesoumise en vertu de l’article 30 de la Loi sur Hydro-Québec, du paragraphe 3° de l’article 12 et des articles 13et 16 de la Loi sur les systèmes municipaux et privésd’électricité, et des articles 2 et 10 de la Loi sur laCoopérative régionale d’électricité de Saint-Jean-Baptistede Rouville et abrogeant la Loi pour favoriser l’électri-fication rurale par l’entremise de coopératives d’électricité.

L.Q. 1996, c. 61, a. 31; L.Q. 2000, c. 22, a. 6.

[…]

32. La Régie peut de sa propre initiative ou à la demanded’une personne intéressée :

1° déterminer le taux de rendement du transporteurd’électricité, du distributeur d’électricité ou d’un distri-buteur de gaz naturel ;

2° déterminer la méthode d’allocation du coût de serviceapplicable au transporteur d’électricité ou au distribu-teur d’électricité ou à un distributeur de gaz naturel ;

3° énoncer des principes généraux pour la déterminationet l’application des tarifs qu’elle fixe ;

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3.1° déterminer, pour le transporteur d’électricité, ledistributeur d’électricité et chaque distributeur degaz naturel, les méthodes comptables et finan-cières qui leur sont applicables.

[…]

L.Q. 1996, c. 61, a. 32; L.Q. 2000, c. 22, a. 7.

[…]

36. La Régie peut ordonner au transporteur d’électricitéou à tout distributeur d’électricité ou de gaz naturel depayer tout ou partie des dépenses relatives aux questionsqui lui sont soumises et à l’exécution de ses décisions ouordonnances.

Elle peut ordonner au transporteur d’électricité ou à toutdistributeur d’électricité ou de gaz naturel de verser, toutou partie des frais, y compris des frais d’experts, auxpersonnes dont elle juge la participation utile à sesdélibérations.

Lorsque l’intérêt public le justifie, la Régie peut payer detels frais à des groupes de personnes réunis pour participeraux audiences publiques.

L.Q. 1996, c. 61, a. 36; 2000, c. 22, a. 8 ; 2001, c. 16, a.2.

[…]

40. Les décisions rendues par la Régie sont sans appel.

1996, c. 61, a. 40.

[…]

49. Lorsqu’elle fixe ou modifie un tarif de transport d’élec-tricité ou un tarif de transport, de livraison ou d’emma-gasinage de gaz naturel, la Régie doit notamment:

1° établir la base de tarification du transporteur d’électricitéou d’un distributeur de gaz naturel en tenant compte,notamment, de la juste valeur des actifs qu’elle estimeprudemment acquis et utiles pour l’exploitation duréseau de transport d’électricité ou d’un réseau de distri-bution de gaz naturel ainsi que des dépenses non amor-ties de recherche et de développement et de mise enmarché, des programmes commerciaux, des frais depremier établissement et du fonds de roulement requispour l’exploitation de ces réseaux;

2° déterminer les montants globaux des dépenses qu’ellejuge nécessaires pour assumer le coût de la prestationdu service notamment, pour tout tarif, les dépensesafférentes aux programmes commerciaux, et pour untarif de transport d’électricité, celles afférentes auxcontrats de service de transport conclus avec une autreentreprise dans le but de permettre au transporteurd’électricité d’utiliser son propre réseau de transport ;

3° permettre un rendement raisonnable sur la base detarification;

4° favoriser des mesures ou des mécanismes incitatifs afind’améliorer la performance du transporteur d’électricitéou d’un distributeur de gaz naturel et la satisfaction desbesoins des consommateurs ;

5° s’assurer du respect des ratios financiers ;

6° tenir compte des coûts de service, des risques différentsinhérents à chaque catégorie de consommateurs et,pour un tarif de gaz naturel, de la concurrence entre lesformes d’énergie et de l’équité entre les classes de tarifs ;

7° s’assurer que les tarifs et autres conditions applicables àla prestation du service sont justes et raisonnables ;

8° tenir compte des prévisions de vente ;

9° tenir compte de la qualité de la prestation du service ;

10° tenir compte des préoccupations économiques, socialeset environnementales que peut lui indiquer legouvernement par décret ;

11° maintenir, sous réserve d’un décret du gouvernement àl’effet contraire, l’uniformité territoriale de la tarifica-tion sur l’ensemble du réseau de transport d’électricité.

La Régie peut, pour un consommateur ou une catégorie deconsommateurs, fixer un tarif afin de financer leséconomies d’énergie non rentables pour un distributeur degaz naturel mais rentables pour ce consommateur ou cettecatégorie de consommateurs.

Elle peut également utiliser toute autre méthode qu’elleestime appropriée.

L.Q. 1996, c. 61, a. 49; L.Q. 2000, c. 22, a. 11.

[…]

52.1 Dans tout tarif qu’elle fixe ou modifie, applicable parle distributeur d’électricité à un consommateur ou unecatégorie de consommateurs, la Régie tient compte descoûts de fourniture d’électricité et des frais découlant dutarif de transport supportés par le distributeur d’électricité,des revenus requis pour assurer l’exploitation du réseau dedistribution d’électricité et, en y apportant les adaptationsnécessaires, des paragraphes 6° à 10° du premier alinéa del’article 49 et du deuxième alinéa de ce même article.

La Régie peut également utiliser toute autre méthode qu’elleestime appropriée lorsqu’elle fixe ou modifie un tarif degestion de la consommation ou d’énergie de secours. Un tarifde gestion de la consommation désigne un tarif applicablepar le distributeur d’électricité, à un consommateur qui ledemande, pour lequel le coût de la fourniture est établi enfonction du prix du marché ou dont le service peut êtreinterrompu par ce distributeur.

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La tarification doit être uniforme par catégorie de consom-mateurs sur l’ensemble du réseau de distribution d’élec-tricité, à l’exception toutefois des réseaux autonomes dedistribution situés au nord du 53e parallèle.

La Régie ne peut modifier le tarif d’une catégorie deconsommateurs afin d’atténuer l’interfinancement entre lestarifs applicables à des catégories de consommateurs.

Le quatrième alinéa ne s’applique pas lorsque la Régie fixeou modifie un tarif de transition pour un consommateurqui passe à une autre catégorie de consommateurs.

L.Q. 2000, c. 22, a. 15.

52.2 Les coûts de fourniture d’électricité visés à l’article52.1 sont établis par la Régie en additionnant le coût defourniture de l’électricité patrimoniale et les coûts réels descontrats d’approvisionnement conclus par le distributeurd’électricité pour satisfaire les besoins des marchésquébécois qui excèdent l’électricité patrimoniale, ou lesbesoins qui seront satisfaits par un bloc d’énergie déter-miné par règlement du gouvernement en vertu du para-graphe 2.1° du premier alinéa de l’article 112. Ces coûtssont alloués entre les catégories de consommateurs selonleurs caractéristiques de consommation, soit leurs facteursd’utilisation et leurs pertes d’électricité associées auxréseaux de transport et de distribution.

Aux fins du premier alinéa, le coût de fourniture del’électricité patrimoniale est établi par l’addition desproduits du volume de consommation patrimoniale dechaque catégorie de consommateurs par le coût allouérespectivement à ces catégories de consommateurs, enconsidérant que:

1° le volume de consommation patrimoniale annuellecorrespond aux volumes de consommation des marchésquébécois jusqu’à concurrence de 165 térawattheures. Cevolume exclut les volumes découlant d’un tarif de gestionde la consommation ou d’énergie de secours, ceux allouésaux réseaux autonomes et les volumes approvisionnés àpartir de blocs d’énergie déterminés par règlement dugouvernement;

2° le coût alloué à chaque catégorie de consommateurs estétabli à partir d’un coût moyen de fourniture del’électricité patrimoniale de 2,79 cents le kilowattheureet correspond:

i. pour l’année 2000, à celui prévu à l’annexe I ;

ii. pour les années subséquentes jusqu’à ce que levolume de consommation patrimoniale atteigne165 térawattheures, à celui déterminé par la Régiesur proposition du distributeur d’électricité en sebasant sur l’annexe I, sur l’évolution des catégories

tarifaires et sur les caractéristiques de consommationmentionnées au premier alinéa;

iii. pour les années suivantes, à celui fixé par legouvernement.

Pour les contrats spéciaux conclus en vertu de la Loi surHydro-Québec (chapitre H-5), le coût de fourniturecorrespond au tarif prévu au contrat déduction faite descoûts de transport et de distribution applicables selon leurscaractéristiques de consommation, et celui-ci n’affecte pasle coût de fourniture du distributeur d’électricité applicableaux autres catégories de consommateurs aux fins de l’article52.1.

Le coût de fourniture de l’électricité patrimoniale alloué àchaque catégorie de consommateurs ne peut être modifiéque dans les conditions prévues à l’article 24.1 de la Loi surHydro-Québec (chapitre II-5). Le cas échéant, le coût defourniture d’électricité patrimoniale ainsi modifié est celuique doit par la suite utiliser la Régie dans l’application duprésent article.

L.Q. 2000, c. 22, a. 15.

[…]

60. Un droit exclusif de distribution d’électricité confère àson titulaire, sur le territoire où il porte et à l’exclusion dequiconque, le droit d’exploiter un réseau de distributiond’électricité.

Ce droit n’empêche pas quiconque de produire et dedistribuer sur son réseau l’électricité qu’il consomme ou dedistribuer l’électricité produite à partir de biomasseforestière à un consommateur sur un emplacement adjacentau site de production.

L.Q. 1996, c. 61, a. 60; L.Q. 2000, c. 22, a. 19.

[…]

61. Nul ne peut exploiter un réseau de distributiond’électricité sur le territoire d’un titulaire d’un droit exclusifde distribution d’électricité.

1996, c. 61, a. 61.

[…]

62. Le distributeur d’électricité est titulaire d’un droitexclusif de distribution d’électricité sur l’ensemble duterritoire du Québec, à l’exclusion des territoires desservispar les réseaux municipaux ou privés d’électricité et par laCoopérative régionale d’électricité de Saint-Jean-Baptistede Rouville, le 13 mai 1997.

Les réseaux municipaux d’électricité et la Coopérativerégionale d’électricité de Saint-Jean-Baptiste de Rouvillesont également titulaires d’un droit exclusif de distribution

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d’électricité sur le territoire desservi à cette date par leurréseau de distribution.

Malgré les articles 60 et 61, les titulaires d’un droit exclusifde distribution d’électricité peuvent convenir des modalitésde desserte d’un client dans l’un ou l’autre de leursterritoires respectifs.

La présente loi n’empêche pas un titulaire d’un droitexclusif de distribution d’électricité de continuer à exploiterses installations destinées à la distribution d’électricitésituées le 13 mai 1997 dans un territoire desservi à cettedate par un autre titulaire de droit exclusif de distributiond’électricité.

L.Q. 1996, c. 61, a. 62; L.Q. 2000, c. 22, a. 20.

[…]

72. Tout titulaire d’un droit exclusif de distributiond’électricité ou de gaz naturel doit préparer et soumettre àl’approbation de la Régie, suivant la forme, la teneur et lapériodicité fixées par règlement de celle-ci, un pland’approvisionnement décrivant les caractéristiques descontrats qu’il entend conclure pour satisfaire les besoins desmarchés québécois après application des mesuresd’efficacité énergétique. Le plan doit tenir compte desrisques découlant des choix des sources d’approvision-nement propres à chacun des titulaires ainsi que, pour unesource particulière d’approvisionnement en électricité, dubloc d’énergie établi par règlement du gouvernement envertu du paragraphe 2.1° du premier alinéa de l’article 112.

Pour l’approbation des plans, la Régie tient compte despréoccupations économiques, sociales etenvironnementales que peut lui indiquer le gouvernementpar décret.

L.Q. 1996, c. 61, a. 72; L.Q. 2000, c. 22, a. 23.

[…]

73. Le transporteur d’électricité, le distributeur d’électricitéet les distributeurs de gaz naturel doivent obtenir l’auto-risation de la Régie, aux conditions et dans les cas qu’ellefixe par règlement, pour:

1° acquérir, construire ou disposer des immeubles ou desactifs destinés au transport ou à la distribution;

2° étendre, modifier ou changer l’utilisation de leur réseaude transport ou de distribution;

3° cesser ou interrompre leurs opérations ;

4° effectuer une restructuration de leurs activités ayantpour effet d’en soustraire une partie de l’application dela présente loi.

Dans l’examen d’une demande d’autorisation, la Régietient compte des préoccupations économiques, sociales et

environnementales que peut lui indiquer le gouvernementpar décret et, dans le cas d’une demande visée auparagraphe 1°, tient compte le cas échéant :

1° des prévisions de vente du distributeur d’électricité oudes distributeurs de gaz naturel et de leur obligation dedistribuer ;

2° des engagements contractuels des consommateurs duservice de transport d’électricité et, le cas échéant, deleurs contributions financières à l’acquisition ou à laconstruction d’actifs de transport et de la faisabilitééconomique de ce projet.

L’obtention d’une autorisation en application du présentarticle ne dispense pas de demander une autorisation parailleurs exigée en vertu d’une loi.

L.Q. 1996, c. 61, a. 73; L.Q. 2000, c. 22, a. 24.

[…]

94. Dans les 30 jours de la date où la décision a ététransmise par le transporteur d’électricité ou le distributeurou est réputée avoir été transmise, le plaignant peutdemander à la Régie d’examiner sa plainte, s’il est endésaccord avec la décision rendue par le transporteurd’électricité ou le distributeur.

La Régie peut toutefois procéder à l’examen d’une plaintesoumise après l’expiration du délai prévu au premier alinéasi le plaignant n’a pu, pour des motifs sérieux et légitimes,agir plus tôt et qu’il n’en résulte aucun préjudice grave pourle transporteur d’électricité ou le distributeur.

L.Q. 1996, c. 61, a. 94; L.Q. 2000, c. 22, a. 38.

[…]

102. Tout distributeur doit payer à la Régie une redevanceannuelle dont le taux et les modalités de paiement sontprévus par règlement du gouvernement.

Le présent article s’applique à Hydro-Québec malgrél’article 16 de la Loi sur Hydro-Québec (L.R.Q., chapitreH-5).

L.Q. 1996, c. 61, a. 102.

[…]

110. Le ministre peut donner à la Régie des directives surl’orientation et les objectifs généraux à poursuivre.

L.Q. 1996, c. 61, a. 110.

[…]

114. La Régie peut déterminer par règlement :

1° des normes relatives aux opérations du distributeurd’électricité ou d’un distributeur de gaz naturel ainsiqu’aux exigences techniques qu’il doit respecter ;

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2° des normes relatives au maintien d’un réseau de distri-bution d’électricité ou de gaz naturel ;

[…]

5° les documents requis pour procéder à l’étude d’unedemande;

6° les conditions et les cas où une activité visée à l’article73 requiert une autorisation;

7° la forme, la teneur et la périodicité du plan d’appro-visionnement ;

8° les conditions et les cas où la conclusion d’un contratd’approvisionnement par le distributeur d’électricitérequiert son approbation.

Les normes, documents, conditions et cas ainsi que laforme, teneur et périodicité visés aux paragraphes 1°, 2°,5°, 6° et 7° peuvent notamment varier selon le transporteurd’électricité, les distributeurs ou catégories de distributeurs.Le règlement peut aussi exclure le transporteur d’électricité,un distributeur ou une catégorie de distributeurs.

L.Q. 1996, c. 61, a. 114; L.Q. 2000, c. 22, a. 51.

[…]

ANNEXE I :

Coût de fourniture de l’électricité patrimoniale parcatégorie de consommateurs

Catégories Coûts de fournitureTarifs D et DM 3,24 ¢/kWhTarif DH 3,13 ¢/kWhTarifs G et à forfait 2,95 ¢/kWhTarif G-9 2,80 ¢/kWhTarif M 2,72 ¢/kWhTarif L 2,47 ¢/kWhTarif DT 2,67 ¢/kWhTarifs éclairage public et sentinelle 2,63 ¢/kWh

L.Q. 2000, c. 22, a. 57.»20

De manière générale, les pouvoirs de la Loi en cequi a trait à la régulation de l’énergie électriquereprenaient jusqu’à l’an 2000 ce qui se fait dans lereste du continent nord-américain et ce qui se faisaitau Québec depuis plusieurs décennies à l’égard de laréglementation du gaz naturel21. Le retrait de la

juridiction de la Régie de l’énergie sur la productionélectrique en 2000 est venu changer la donne.

Il faut assurément noter les aspects les plus origi-naux, soit l’article 5 et la référence au développementdurable ainsi que le mécanisme de traitement desplaintes des consommateurs (articles 86 à 101).

Production d’électricité : énergiepatrimoniale et approvisionnement

L’article 52.2 de la Loi sur la Régie de l’énergie fixe à165 TWh la consommation patrimoniale d’électri-cité. Ce bloc d’électricité est réservé au marché qué-bécois et Hydro-Québec Distribution doit assurerelle-même son approvisionnement futur au-delà decette énergie patrimoniale.

À la suite de la déréglementation du marché de laproduction d’électricité au Québec, il est devenuprimordial d’implanter un processus efficace degestion des appels d’offres. Ce dernier représente ladeuxième étape de trois du processus québécoisd’approvisionnement en électricité. Il fait suite àl’adoption d’un plan d’approvisionnement et précèdela mise sur pied d’un code de déontologie duprocessus d’appel d’offres. Le plan d’approvisionne-ment et ses caractéristiques sont prévus à l’article 72de la Loi sur la Régie de l’énergie. De façon globale, cedernier établit une projection des besoins futurs enélectricité au Québec sur un horizon à moyen termeet présente sommairement la teneur des contratsd’approvisionnement à conclure afin de répondre auxbesoins projetés. De plus, les appels d’offres qui fontsuite au plan d’approvisionnement se doivent d’êtreconformes aux lignes directrices de ce plan.

Hydro-Québec, en tant que distributeur d’élec-tricité, doit ainsi conclure des contrats d’approvision-nement afin d’assurer que la demande québécoise enélectricité soit comblée au meilleur prix possible.L’article 74.1 de la Loi sur la Régie de l’énergie établitquatre critères à respecter pour la procédure d’appeld’offres permettant d’octroyer les divers contratsd’approvisionnement, soit :

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20. Cette dernière annexe a été légèrement modifiée en 2002par la décision D-2002-221 de la Régie de l’énergie.

21. La Loi sur la Régie du gaz naturel a précédé la Loi sur laRégie de l’énergie.

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1. permettre la participation de toute personneintéressée ;

2. assurer un traitement égal de toutes les sourcesd’approvisionnement à moins d’exigences gou-vernementales sur certains blocs d’énergie ;

3. favoriser l’octroi des contrats sur la base du coûtle plus bas ;

4. permettre que les besoins en électricité soientcomblés par plus d’un contrat.

L’importance d’un processus d’appel d’offres effi-cace et d’un code de déontologie adapté est exacerbéepar la possibilité pour Hydro-Québec Production,comme pour tout autre producteur, de soumissionnerpour les appels d’offres de Hydro-Québec Distribution.

Ce processus peut être divisé en cinq étapesprincipales :

1. Appel des soumissions Hydro-Québec Distribution doit diffuser undocument d’appel d’offres contenant l’ensembledes informations nécessaires aux fournisseurs afinqu’ils puissent présenter une soumission. Cedocument contiendra, par exemple, une descrip-tion des produits recherchés, l’échéancier duprocessus et la grille d’analyse qui contient lesdifférents critères d’évaluation des offres et lapondération de ces critères. Notons que les critèresretenus doivent respecter le plan d’approvi-sionnement établi au préalable par le distributeur.

2. Ouverture des soumissions L’ouverture des soumissions se fait en public à ladate, à l’heure et à l’endroit indiqués sur le docu-ment de l’appel d’offres. On fait alors le tri dessoumissions suffisamment complètes.

3. SélectionHydro-Québec Distribution procède à la sélec-tion des soumissions. Pour ce faire, on recherchela combinaison des soumissions qui permet desatisfaire les besoins établis au coût le plus faible.On élimine tout d’abord les soumissions ne res-pectant pas les différents critères minimaux, tel leprix maximum pour un bloc d’énergie. Ensuite,

le distributeur classe les soumissions par catégoriesselon les caractéristiques des produits offerts etprocède à une évaluation individuelle pour déter-miner les combinaisons optimales. Finalement, ilprend en considération les critères à incidencemonétaire et l’impact des différentes combinai-sons sur ses coûts d’approvisionnement pourrendre sa décision finale.

4. Négociation et signature Hydro-Québec Distribution soumet un contratstandard d’approvisionnement dans lequel ilnégociera avec l’adjudicataire certaines conditionsde livraison, les clauses pénales, etc. Ensuite, lecontrat sera signé par les parties.

5. Approbation par la Régie de l’énergieLe contrat est soumis à la Régie pour son appro-bation. La Régie procède alors à l’étude des diffé-rentes caractéristiques du contrat afin de s’assurerque ce dernier respecte le plan d’approvisionne-ment du distributeur.

Jusqu’à présent, Hydro-Québec Distribution alancé quatre appels d’offres pour des approvision-nements à long terme pour une production totale de 2350 MW devant débuter vers l’année 2006. Les deux plus récents commandent la production de 1000 MW d’électricité éolienne ainsi que de100 MW d’électricité produite par biomasse22. Desappels d’offres de court terme ont également été lancésen 2004 pour des approvisionnements en 2005.

L’agence de régulation et les autres organisationsIl arrive fréquemment que l’agence de régulationdoive cohabiter avec d’autres organismes qui ont leurmot à dire, sous un angle différent, sur le mêmeprojet.

Par exemple, au Québec, le Bureau d’audiencespubliques sur l’environnement (BAPE) aura son motà dire quant aux impacts environnementaux d’unprojet, après que ce dernier eut reçu l’autorisationd’être construit par le gouvernement ou la Régie de

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22. http://www.hydroquebec.com/distribution/fr/

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l’énergie23. Si le même projet traverse des terresagricoles, la Commission de protection du territoireagricole (CPTA) devra donner son approbation, sansoublier non plus le ministère des Transports si uneroute est impliquée.

L’article 33 de la Loi sur la Régie de l’énergie24

prévoit que:

« 33. Avant de rendre une décision qui peut modifierl’utilisation d’un immeuble situé dans une aire retenuepour fins de contrôle ou dans une zone agricole établiesuivant la Loi sur la protection du territoire et des activitésagricoles (L.R.Q., chapitre P-41.1), la Régie doit obtenirun avis de la Commission de protection du territoireagricole du Québec.

1996, c. 61, a. 33; 1996, c. 26, a. 85.»

Au fédéral, par exemple, l’ONE pourra fournirles autorisations requises en plus de procéder àl’étude d’impact environnemental25.

Les pouvoirs des municipalitésLes municipalités, corps public souvent plus près ducitoyen, peuvent aussi avoir leur mot à dire en ce quia trait à la réglementation de l’électricité.

Par exemple, la Commission des services élec-triques de la Ville de Montréal s’est vue conférer parla Ville de Montréal divers pouvoirs, dont celui defixer les redevances annuelles des usagers des cana-lisations en fonction de leur utilisation respective.

«Article 21626

La Commission peut exiger une redevance pour l’usage deses conduits souterrains et de ses installations aériennes.

La Commission fixe le montant de ces redevances annuelle-ment, de façon à couvrir :

1º le coût de l’administration et de l’entretien de cesconduits et installations ;

2º les salaires des employés ;

3º une somme qui peut être appliquée au fonds de retraitedes employés de la Commission;

4º la part de la Commission dans le régime d’assuranceaccident-maladie de ses employés ;

5º l’intérêt et l’amortissement, sur une période d’au moins20 ans, de la dette contractée par la Ville pourl’indemnité prévue par les articles 210 et 211, et pour laconstruction ou l’achat des conduits souterrains ;

6º toute autre dépense de la Commission.

Ces redevances doivent être réparties entre les débiteursproportionnellement à la partie des conduits souterrains oudu réseau d’installations aériennes que chacun d’eux occupeou a réservée.»

Si l’utilisateur est en désaccord avec la décisionde la Commission, il peut en appeler devant laCommission municipale du Québec27.

Enfin, toutes les municipalités du Québec peuventagir de la même façon. S’il y a mésentente, le tout esttranché par la Commission municipale du Québec28.

Indépendance institutionnelle de l’agence de régulationLe gouvernement régulateur ou l’agence régulatrice?La réglementation de l’électricité peut se concevoirde deux façons. Elle sera réglementée directementpar l’État, ou alors ce dernier pourra confier ce pou-voir à un organisme indépendant. Dans un mondepurement théorique, l’État qui consentirait à laisseraller ses pouvoirs le ferait totalement et entièrement.

En réalité, l’État pourra se réserver certainspouvoirs, ou prévoir la possibilité de donner desdirectives à l’organisme réglementaire.

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23. L’art. 73 de la Loi sur la Régie de l’énergie, qui prévoit unetelle autorisation, bien qu’en vigueur, ne produit pas sespleins effets juridiques.

24. L.R.Q., c. R.-6.01.25. Voir à cet effet l’article 58.19 c) de la Loi sur l’ONE.26. Charte de la Ville de Montréal, L.R.Q. C-11.4, Annexe I.

27. Charte de la Ville de Montréal, L.R.Q. C-11.4, Annexe I,art. 205. Voir l’article 202 qui permet à la Ville deMontréal de déléguer ses pouvoirs à la Commission.

28. Code municipal du Québec, L.R.Q., c. C-27.1, a. 557, par.7. Voir aussi la Loi sur les cités et villes, L.R.Q., c. C-9, a.415, par 18. Voir aussi la Loi sur Hydro-Québec, L.R.Q., c.H-5, a. 30. La Régie de l’énergie avait juridiction sur cettequestion jusqu’en juin 2000, date à laquelle on a confié letout à la Commission municipale du Québec. Art. 68 dela Loi modifiant la Loi sur la Régie de l’énergie et d’autresdispositions législatives, L.Q., 2000, c. 22.

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Par exemple, dans la Loi sur la Régie de l’énergie,le gouvernement s’est laissé une certaine marge demanœuvre en gardant le pouvoir de donner desdirectives à l’organisme de régulation autonome etindépendant :

110. Le ministre peut donner à la Régie des directives surl’orientation et les objectifs généraux à poursuivre.

1996, c. 61, a. 110.

[…]

111. Ces directives doivent être approuvées par le gouverne-ment et entrent en vigueur le jour de leur approbation. Unefois approuvées, elles lient la Régie qui est tenue de s’yconformer.

Toute directive doit être déposée devant l’Assembléenationale dans les 15 jours de son approbation par legouvernement ou, si elle n’est pas en session, dans les 15jours de la reprise de ses travaux.

1996, c. 61, a. 111.

[…]

Ces directives, qui sont adoptées par décret,peuvent faire l’objet de contestation devant lestribunaux29.

La principale motivation d’un État à se départirde son pouvoir de réglementation direct sur l’électri-cité est celle reliée à la nécessité que des expertspuissent juger des diverses questions soumises dansun cadre qui soit transparent, public et prévisible.

En effet, la réglementation de l’électricité parl’État de façon directe pose la question de la trans-parence, surtout si l’entreprise réglementée est elle-même un monopole appartenant au même État.Comment le public en général et les consommateursen particulier peuvent mesurer le caractère juste etraisonnable de tarifs qui sont appliqués s’ils n’ont pas

un accès direct à l’information et aux documentspertinents?

Devant ces questions, la majorité des provincescanadiennes et des États américains ont vu leurs gou-vernements respectifs créer de tels organismes deréglementation.

Les garanties d’indépendanceinstitutionnelle nécessairesLorsque le gouvernement choisit l’agence de régu-lation comme mode de réglementation, certainesgaranties d’ordre institutionnel sont nécessaires afinde préserver la crédibilité de l’organisme et celle desdécisions rendues.

On qualifiera habituellement l’agence de régula-tion de « tribunal administratif », par opposition àune cour de justice ou à un tribunal judiciaire quijouit de l’indépendance judiciaire. L’indépendancedes tribunaux judiciaires se caractérise souvent parl’inamovibilité ou la sécurité d’emploi, la sécuritéfinancière, l’immunité contre les poursuites en dom-mages et l’exemption de l’obligation de témoigner enjustice quant aux motifs des décisions30.

Même si un tribunal administratif ou l’agence derégulation ne possède qu’une indépendance relative,l’agence jouit tout de même de certaines garantiesimportantes à l’égard de son indépendance face à l’État:

Indépendance fonctionnelle à l’égard des autorités politiques

Malgré l’obligation courante de se rapporter au gou-vernement sur une base annuelle, les tribunauxadministratifs ne forment pas une division exécutive.En effet, les décisions rendues par application deleurs pouvoirs délégués ne subissent aucun contrôledu gouvernement. Ce pouvoir décisionnel n’est doncen principe soumis à aucune pression ni directive dela part du gouvernement31.

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29. C’est le cas notamment de l’intervenant Action RéseauConsommateurs qui a eu gain de cause en déposant unerequête pour jugement déclaratoire devant la Coursupérieure concernant la directive 99-01, prise par ledécret 53-99; dossier 500-05-048735-999, décision renduele 6 juin 2000. Voir à cet effet A. Turmel, «Droit adminis-tratif et droit de l’énergie: lignes à haute tension, niveau desbarrages, facture énergétique et changements climatiques»,conférence présentée dans le cadre du Congrès du Barreaudu Québec, le 11 mai 2001.

30. Gilles Pépin, «La jurisprudence relative à l’indépendancejudiciaire au Canada, depuis l’arrêt Valente», (1995) 55 R.du B. 313.

31. Yves Ouellette, «Les tribunaux administratifs au Canada,Procédure et Preuve », Les Éditions Thémis, Montréal,1997, 750 pages, p. 12.

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Sécurité d’emploi moduléeLa sécurité d’emploi modulée est une garantie contrele congédiement pour une raison autre que cellesdéterminées dans la loi et dans son interprétation.Cette garantie ne bénéficie actuellement d’aucuneprotection constitutionnelle.

La Cour suprême a cependant reconnu que lespersonnes désignées pour siéger au sein d’un tribunaladministratif ne pouvaient être destituées selon lebon plaisir de l’exécutif.

Immunité en cas de poursuitesCertaines lois constitutives prévoient dans leur textel’immunité en cas de poursuite en dommages et inté-rêts aux membres siégeant au tribunal administratif.De plus, une décision de la Cour suprême sembleaccorder aux membres des tribunaux administratifsune protection équivalente à celle des tribunaux judi-ciaires en matière de poursuites en dommages, soitune immunité absolue32. Cette question demeuretoutefois controversée aujourd’hui. On admet généra-lement que les juges, peu importe leur rang, doiventpouvoir exercer leur fonction sans crainte qu’unepoursuite judiciaire découle33 des décisions renduesdans l’exercice de leur fonction.

Immunité à témoigner en justice sur les motifs de leurs décisions

L’immunité à témoigner en justice sur les motifs deleurs décisions a été maintes fois reconnue en jurispru-dence34. Il est nécessaire de noter que les tribunauxadministratifs sont soumis au contrôle de la Coursupérieure du Québec par application de l’article 33du Code de procédure civile. La jurisprudence a ainsidéterminé que cette immunité devait dans certains casêtre réduite afin de permettre un contrôle suffisam-ment étendu de la Cour supérieure35.

Toutefois, les tribunaux administratifs n’ont pasla même protection constitutionnelle que les coursde justice36 et l’ensemble des règles et guides d’inter-prétation, propres au droit administratif, restentencore à systématiser37.

La nature des pouvoirs dévolus à l’agence de régulationRappel des grandes notionsIl existe différentes façons pour une agence derégulation d’exprimer sa vision de la réglementationde l’électricité. Concrètement, dans sa pratiquequotidienne, l’organisme de régulation rend desdécisions, émet des avis ou fixe des tarifs. Toutefois,la nature des décisions rendues ainsi que le cadreprocédural ayant trait à celles-ci pourront varierselon la nature des pouvoirs exercés par l’organisme.

Règles de procédures et règlementsLa Régie de l’énergie, outre les décisions et ordon-nances qu’elle rend en vertu des articles 31, 32 et101 de la Loi ou des règles de régie interne prévuesà l’article 20, peut adopter des règles de procédures38

et des règlements39.

Par exemple, la Régie a adopté un règlement éta-blissant la procédure à respecter en ce qui concerneles demandes et requêtes de toute nature présentéesà la Régie, la preuve ainsi que l’administration desaudiences publiques40.

La présentation d’une demande doit être faite parécrit et remplir certaines exigences sur le plan infor-mationnel. Le défendeur doit comparaître dans les15 jours de la réception de la demande et disposeégalement de 15 jours pour formuler sa réponse. Ledemandeur peut répondre aux allégations du défen-deur à l’intérieur d’une période de 15 jours41.

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32. Morier c. Rivard [1985] 2 R.C.S. 717.33. R. c. Lippé, [1991] 2 R.C.S. 114.34. MacKeigan c. Nickman, [1989] 2 R.C.S. 796.35. Yves Ouellette, op. cit., note 28, p. 16.

36. Idem, p. 16.37. Idem, p. 19.38. Article 113.39. Article 114.40. Règlement sur la procédure de la Régie de l’énergie.41. Idem, art. 1, 2, 3 et 4.

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En ce qui concerne la gestion de la preuve, toutepersonne désirant invoquer un document à titre depreuve doit le déposer à la Régie et le faire parveniraux autres parties avant que le dossier ne soit portéau calendrier d’audiences42. Une partie peut égale-ment formuler une demande de renseignements àlaquelle la partie concernée devra répondre dans les15 jours43.

Dans ces derniers cas, à l’exception de ses déci-sions et ordonnances, le tout doit être approuvé parle gouvernement44.

Avis au ministre ou au gouvernementLa Régie de l’énergie peut s’exprimer par le biais d’unprocès-verbal45 et elle donne aussi des avis auministre46 ou au gouvernement47. Enfin, la Régie doitfaire rapport au ministre en vertu de l’article 169.

La nature des décisions renduesselon la nature des pouvoirs exercésLa nature de la décision est déterminée par la naturedu pouvoir que l’agence de régulation exerce.L’agence jouira d’un pouvoir administratif ou d’unpouvoir quasi judiciaire.

Bien qu’il n’existe pas de définition officielle, cer-tains auteurs définissent le pouvoir administratif ences termes :

On qualifie le pouvoir administratif de pouvoir résiduaire,en ce sens qu’est administratif le pouvoir qu’on ne peutqualifier ni de pouvoir lié, ni de pouvoir quasi judiciaire.Le pouvoir administratif est un pouvoir qui laisse à sontitulaire une grande marge de manœuvre. Le pouvoirdiscrétionnaire fait partie de cette catégorie48. […]

Le législateur manifeste son intention de confier un telpouvoir de plusieurs façons. Par exemple, le législateuraccordera un pouvoir tout en laissant le décideur libred’apprécier dans quelles circonstances ce pouvoir pourraêtre exercé49.

Quant aux pouvoirs quasi judiciaires, plus diffi-ciles à cerner, certains retiennent cette définition:

Le pouvoir quasi judiciaire est un pouvoir administratifque l’on qualifie de quasi judiciaire à cause de certains fac-teurs. Le pouvoir quasi judiciaire ne peut donc, puisqu’ilest une forme particulière de pouvoir administratif, êtredélégué50.

Tout réside dans la question de la qualification.La Cour suprême du Canada, par la voie du jugeDickson, a déjà énoncé quatre critères qui :

Sans être exhaustifs ni déterminants, doivent être soupeséset évalués pour décider si le processus en cause est denature quasi judiciaire. Ils s’exprimaient ainsi :

1. Les termes utilisés pour conférer la fonction ou lecontexte général dans lequel cette fonction est exercéedonnent-ils à entendre que l’on envisage la tenue d’uneaudience avant qu’une décision ne soit prise?

2. La décision ou l’ordonnance porte-t-elle directementou indirectement atteinte aux droits et obligations dequelqu’un?

3. S’agit-il d’une procédure contradictoire?

4. S’agit-il d’une obligation d’appliquer les règles de fondà plusieurs cas individuels plutôt que, par exemple, del’obligation d’appliquer une politique sociale et écono-mique au sens large?51

Par exemple, en matière de traitement desplaintes devant la Régie de l’énergie, ce pouvoirpourra être qualifié de quasi judiciaire. En effet, laRégie de l’énergie doit respecter la Charte des droits etlibertés de la personne52 qui garantit à toute personnele droit à une audition publique et impartiale de sa

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42. Idem, art.14.43. Idem, art. 15.44. Articles 20 et 115.45. Article 29.46. Article 42.47. Articles 67, 80 et 167.48. R. Dussault et L. Borgeat, Traité de droit administratif,

2e éd., T.1, Québec, Presses de l’Université Laval, 1989. Lespages 303 à 307 et 314 à 316 précisent que cette décisionest issue de la liberté d’action que le législateur octroie auxorganismes publics pour leur permettre de «répondre auxbesoins des administrés» (p. 309).

49. Droit public et administratif, volume 6, Collection de droit1996-97, Montréal, Éditions Yvon Blais, p. 24.

50. Ibid.51. Ministre du Revenu national c. Cooper and Lybrand, [1979]

1R.C.S. 495, 505, cité dans la collection de Droit, supranote 35, p. 26. Voir aussi Canadien Pacifique c. MatsquiIndian Band [1995] 1R.C.S.3.

52. L.R.Q., c. C-12. L’art. 56(1) s’applique à un organismeexerçant des fonctions quasi judiciaires.

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cause par un tribunal indépendant et qui ne soit paspréjugé. Par ailleurs, cette personne a le droit de sefaire représenter par un avocat ou d’en être assistéedevant tout tribunal.

La réglementation économique et financière de l’électricité : le débat n’est pas closLe passage suivant du professeur Ouellette résumebien la situation:

Une grande partie de l’industrie des communications, destransports, de l’énergie, de l’agriculture, des valeurs mobilièreset même des alcools et des jeux est assujettie au Canada à lasurveillance ou à la régulation d’organes autonomes spécia-lisés qui sont considérés comme des tribunaux administratifsau sens nord-américain. Même dans une économie demarché, l’État a voulu encadrer la liberté économique pourprévenir les abus de position de monopole, protéger lesépargnants ou les consommateurs ou assurer la primauté del’intérêt général par une participation du public à l’élabo-ration des politiques et contrebalancer ainsi les dominationspoliticiennes, économiques et technocratiques.

Il ne faut pas confondre les notions de régulation et [de]réglementation53. Celle-ci comporte essentiellement l’établis-sement en vertu d’une délégation de la loi de normes ayantforce de loi. La régulation peut certes impliquer le pouvoird’adopter des normes, des politiques, mais aussi l’exercicedans un cadre souvent quasi judiciaire de pouvoirs discrétion-naires pour procurer des avantages, comme des autorisationsadministratives ou imposer des charges. La fonction derégulation, d’abord empruntée au début du siècle à desinstitutions américaines comme le Interstate CommerceCommission pour encadrer l’industrie des chemins de fer54,inclut donc mais déborde la simple fonction quasi judiciaire55

(l’italique est de l’auteur).

Les organismes de régulation prennent, comme les minis-tères, des décisions initiales. Alors que les tribunaux derévision ou d’appel ont pour rôle d’aider à administrer desnormes juridiques objectives et préexistantes après enquête,

les organismes de régulation appliquent des normeslégislatives tantôt objectives mais souvent très subjectives,comme la notion d’intérêt général ou de « tarif juste etraisonnable », souvent après audience faisant une largeplace aux interventions du public et des groupes depression. Ces organes sont enfin souvent habilités par laLoi à se doter d’experts ou de personnel de recherche quiprocèdent à des analyses hypothétiques ou techniques.

Les compétences des organismes de régulation, réglemen-taires ou quasi réglementaires56, consultatives, administra-tives, quasi judiciaires, sont fort variées et il n’y a pas lieu detenter d’en rendre compte dans cet ouvrage57. Devant cettemosaïque de compétences, allant de la délivrance et duretrait d’autorisation administrative au contrôle dufinancement, de la cession ou de la fusion d’entreprises età l’examen des plaintes des consommateurs, l’interprètepeut relever l’existence de deux principales catégories deproblèmes : la portée des mandats législatifs libellés entermes généraux et celle des mandats libellés en termesspécifiques58.

On le constate, il faudra souvent faire du cas parcas pour déterminer si tel ou tel article de loi doitêtre qualifié d’administratif ou de quasi judiciaire.

La Common law et le droit civil en réglementation de l’électricitéLa dualité telle que vécue au Canada et au QuébecLa Common law et le droit civil, deux des grandestraditions juridiques, coexistent au Canada encoreaujourd’hui, legs des siècles d’histoire qui ontfaçonné le territoire.

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53. Raoul P. Barbe, Les organismes québécois de régulation desentreprises d’utilité publique, Montréal, Wilson et Lafleur,1980, p. 4.

54. J. Benidickson, loc. cit., note 10.55. Pierre Issalys et Denis Lemieux, L’action gouvernementale :

précis de droit des institutions administratives, Cowansville,Éditions Yvon Blais, 1997, p. 342 et suivantes.

56. Horsemen’s Benevolent & Protective Assn of Alberta c. AlbertaRacing Commision, (1990) 63 D.L.R. (4th) 609 (Alta.C.A.) ; Prospect Investments Ltd. c. New Brunswick (LiquorLicensig Board), (1991) 48 Admis L.R. 105 (N.B.Q.B.) ;Ainsley Financial Corp. c. Ontario (securities Commission),(1995) 121 D.L.R. (4th) 79 (ont. C.A.).

57. Voir les travaux de la Commission de réforme du droit duCanada consacrés à certaines grandes agences fédéralescomme le Conseil de la radiodiffusion et des télécommu-nications canadiennes (1981), l’Office national de l’énergie(1977), la Commission de contrôle de l’énergie atomique(1976), etc.

58. Supra, note 29, p. 44-45.

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Les professeurs Lemieux et Issallys ont très bienprésenté comment cette dualité s’est vécue au fil desdécennies :

Étant donné cette différence radicale d’optique entre ledroit français et le droit anglais, il est important de savoirà laquelle de ces deux traditions se rattache le droit québé-cois et canadien. La réponse à cette question se trouve dansles sources historiques de notre droit. Celles-ci ont été engrande partie déterminées par l’Acte de Québec de 1774. Engros, et abstraction faite des retouches intervenues par lasuite, cette loi a instauré une dualité de sources dans ledroit proprement québécois : le droit commun, ou droitfondamental, est la Common law d’Angleterre, sauf quantà ce qui se rattache aux property and civil rights, où l’assisedu droit est l’ancien droit français. Bien entendu, sur denombreux points, ce droit commun historique n’est plusaujourd’hui qu’une référence lointaine ; il a été supplantépar des textes plus proches de nous, à commencer par leCode civil, qui constituent ordinairement la sourcepremière dans le domaine dont ils traitent.

Le Code civil du Québec énonce d’ailleurs formellementqu’il établit le droit commun dans toutes les matièresauxquelles il a vocation à s’appliquer. En ce qui concernele droit fédéral, c’est la Common law qui forme le droitcommun fondamental, sauf dans les matières où la compé-tence fédérale constitue une enclave dans le champ de lapropriété et des droits civils.

La source fondamentale de notre droit administratif, qu’ils’agisse de droit fédéral ou de droit québécois, est donc ledroit anglais. Il convient cependant de bien distinguersource fondamentale (ou résiduelle) et source première : lasolution d’un problème de droit administratif doit d’abordêtre recherchée dans la législation et la réglementation(québécoise ou fédérale, selon le cas) et dans la jurispru-dence des pays de tradition britannique (provinces cana-diennes de Common law, Grande-Bretagne, autres pays duCommonwealth), dans la mesure où il est transposable. Etparmi la législation qui constitue la source première denotre droit administratif, il faut compter les textes de droitprivé (notamment le Code civil et le Code de procédurecivile), dans la mesure où certains actes de l’administrationsont régis par le droit privé59.

La réglementation de l’électricité, du moins auQuébec, bien qu’appliquant généralement les prin-cipes du droit administratif, pourra faire appel auCode civil et au Code de procédure civile.

Parfois, la Régie de l’énergie fera directement ouindirectement référence à des articles spécifiques duCode civil, notamment en ce qui a trait au texte destarifs60, à l’illégalité des transactions hors franchises61,à la chose jugée62, à l’obligation de renseignement63,aux inscriptions informatisées64, ou à la reprise depossession du logement65. Quant au Code deprocédure civile, plusieurs décisions y ont fait aussiréférence66.

Par exemple, dans la décision D-99-43, la Régieétablit un parallèle entre l’article 38 de la Loi sur laRégie de l’énergie et l’article 475.1 du Code deprocédure civile du Québec. Elle s’appuie sur l’état dudroit entourant la signification du terme « erreur »utilisé à l’article 475.1 pour interpréter l’article 38.Ces deux dispositions remplissent sensiblement lamême fonction, soit de permettre la révision judi-ciaire d’une décision lorsqu’une erreur se glisse dansle jugement final. La Régie reconnaît clairement lanon-application du Code de procédure civile, maisprocède par inférence en important l’interprétationsous le Code afin de clarifier la législation s’appli-quant à elle.

Dans la décision D-97-43, l’Association desconsommateurs industriels de gaz conteste les agisse-ments de la Société en commandite Gaz Métro-politain (SCGM) sur la base de l’article 1434 duCode civil du Québec, alléguant l’existence d’usagescommerciaux contraires aux pratiques de la SCGMen matière d’interruption de service et de transactionhors franchises. La Régie conclut à la pertinence del’article 1434 et à l’applicabilité de celui-ci auxcirconstances, mais décide que la nature du contrat

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59. Pierre Issalys et Denis Lemieux, L’action gouvernementale :précis de droit des institutions administratives, Cowansville,Éditions Yvon Blais, 1997, 1130 pages, aux p. 34 et 35.

60. Voir décision D-97-34.61. D-97-43; Art. 1434 du Code civil.62. D-99-117; Art. 2848, C.C.63. D-99-230; Art. 1469 et 1473, C.C.64. D-99-232; Art. 2837, C.C.65. D-99-33; Art. 1936, C.C.66. D-99-48 et D-99-117 (Art. 475, al. 1 et 754.2 C.P.C.),

D-99-177R et D-99-177 (Art. 475, al. 1, C.P.C.), D-99-36 (Art. 416 et suivants, C.P.C.), D-99-43 (Art. 475, al. 1),D-99-64 (Art. 834.1, C.P.C.).

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aussi prévu à l’article 1434 l’emporte sur les usagesqui, dans cette affaire, n’ont pu être démontrés defaçon satisfaisante par les requérants.

ConclusionCe trop court texte n’avait pas la prétention d’êtreexhaustif, car il aurait fallu multiplier par dix lenombre de pages pour présenter adéquatementcomment l’Agence de régulation interagit selonl’encadrement juridique dans laquelle elle évolue.

Il est toutefois aisé de constater que même si leslois créant des agences de régulation pourront êtredifférentes selon les États, on y retrouvera toujourscertains des principes que ce texte a voulu présentersommairement, par le biais de l’exemple du Québecet du Canada.

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L’incursion d’Hydro-Québec dans le domaine desinvestissements internationaux commence au milieudes années 1990. Face à la volonté des gouver-nements de plusieurs pays de confier au secteur privél’exploitation et la maintenance d’une partie ou dela totalité de leurs infrastructures électriques, Hydro-Québec International (HQI) y voit une opportunitéde marché permettant d’accroître et de renforcer saprésence à l’étranger, et de contribuer de manièreplus significative à un volet de ses activités tradition-nelles, qui est d’appuyer l’exportation du savoir-fairequébécois dans le domaine de l’énergie.

Un peu d’histoireComme plusieurs autres entreprises dans le monde,le succès des entreprises québécoises dans les marchésmondiaux s’appuie sur la réussite des projets qu’ellesont menés sur leur propre marché. En fait, dans lesillon de la « Révolution tranquille » du début desannées 1960, le Québec s’est engagé dans diversprojets de construction afin d’implanter les infras-tructures nécessaires à une société moderne : ponts,routes, écoles, hôpitaux, édifices commerciaux,infrastructures d’énergie. Il est reconnu que le déve-loppement des firmes d’ingénierie du Québec a étégrandement accéléré par le développement des infra-structures liées à l’énergie électrique. Le complexeManic-Outardes et, surtout, le complexe de LaGrande Rivière, dans le Grand Nord québécois, ontreprésenté de gros défis pour ces jeunes entreprises,défis qu’elles ont relevés avec succès. Le projet d’amé-nagement de La Grande Rivière fut d’ailleurs qualifiéde projet du siècle au Québec : situé au cœur de lataïga québécoise, à plus de 1 000 kilomètres deMontréal, ce projet a nécessité la mobilisation de

plus de 18000 travailleurs, la construction de routeset d’aéroports, de campements et de villages, etl’utilisation d’énormes quantités de matériaux diverspour la construction de cinq grands réservoirs, dedigues et de barrages. Grâce à ce projet d’envergure,les firmes d’ingénierie du Québec ont pu acquérir denouvelles expertises et explorer de nouveaux champsd’activités. À sa mise en service à la fin des années1970, le projet de la Grande Rivière est devenu unsymbole de dynamisme et d’innovation, suscitant lafierté des Québécois.

Agissant à titre de concepteur des projets, Hydro-Québec, à travers sa filiale, la Société d’énergie de laBaie James (SEBJ), a établi dès le départ une poli-tique visant à confier à l’entreprise privée l’ingénieriedétaillée des projets et leur construction. Cette poli-tique de partenariat est toujours en vigueur pour laréalisation des projets de la Baie James, phase 2. LaSEBJ gère des mandats de réalisation confiés à desfirmes privées.

Après la phase 1 de la Baie James, ces entreprisesse sont toutefois heurtées à une baisse marquée duvolume d’affaires au Québec. Après une période deconstruction effrénée, la majorité des projets étaitcomplétée et le volume d’affaires de ces firmes auQuébec s’en est durement ressenti. Ces entreprisesont dû ainsi se tourner vers le marché internationalafin de maintenir leur expansion. Ce sont surtout lespays en développement, avec leurs besoins im-menses, qui offraient les meilleures opportunités.

Hydro-Québec s’est donc laissé tenter par lemarché international. En 1978, elle mettait sur piedune filiale, Hydro-Québec International (HQI),

Hydro-Québec et l’investissement international: une approche prudenteYvan CLICHE, M. Sc., M.B.A.Délégué commercial à Hydro-Québec International, Montréal (Québec), Canada

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chargée d’exporter, dans le monde, le savoir-faired’Hydro-Québec.

La situation actuelle1

En octobre 2003, HQI a souligné ses 25 ans d’exis-tence. Sa mission officielle est la suivante : «HQI estchargée des activités d’investissement et de vente deservices professionnels à l’extérieur du Canada et desÉtats-Unis. HQI ayant confié un mandat de gestionde ses activités à Hydro-Québec, chacune des divi-sions de cette dernière est responsable des activités àl’étranger dans ses domaines de compétence.»

Depuis la fin des années 1990, Hydro-Québecest structurée en unités d’affaires (Production,TransÉnergie, Distribution, Équipement), ayantchacune un président. Les activités internationalessont réalisées par chacune des unités d’affaires, maisen utilisant le nom HQI.

Depuis 25 ans, HQI a ainsi réalisé quelque400 mandats, dans environ 80 pays, sur les troissegments du sous-secteur électrique: en production,en transport, en distribution, pour des études, de laformation, du transfert d’expertises ou de l’assistanceen gestion, ce que l’on regroupe sous le vocable«services professionnels». Une partie significative deces contrats a été réalisée dans des pays franco-phones, principalement en Afrique.

Une nouvelle ère: l’investissementAprès avoir mené maints projets de vente d’expertise,HQI célèbre en 1998 son 20e anniversaire en abor-dant un nouveau mandat : identifier et réaliser desinvestissements rentables sur le marché internationalde l’énergie.

Une première incursion se fait en Afrique franco-phone, notamment en Guinée. Avec des partenairesétrangers, HQI exploite, gère et développe le réseaunational d’électricité. Le mouvement s’accélère à la findes années 1990, à la faveur d’une expansion del’entreprise. Des investissements sont ainsi réalisés,

toujours avec des partenaires, en Australie (transport),au Costa Rica (centrale hydraulique), au Chili (trans-port), en Chine (production), au Maroc (concessiond’entreprise), au Panama (centrale hydraulique),au Pérou (transport), et au Sénégal (concessiond’entreprise).

Depuis, de son portefeuille original d’investis-sements, l’entreprise a mis fin à sa participation enGuinée, au Maroc et au Sénégal. La politiqueactuelle de l’entreprise est de privilégier des projetsoù elle jouit d’un avantage reconnu, c’est-à-dire dansle domaine du transport à haute tension ou en pro-duction hydraulique, et pour lesquels des actifs sontdéjà en exploitation, par opposition à des projetsnécessitant une période de construction, qui repré-sentent des risques plus élevés. Essentiellement, lastratégie cible des projets de taille moyenne etprésentant les meilleures couvertures de risquespossibles, incluant le risque-pays.

L’approche en matièred’investissementComme toutes les entreprises actives dans ledomaine, HQI procède à une vérification diligentede ses projets avant de procéder à un investissement.Ce qui distingue l’entreprise, c’est le choix des projets,qui doivent présenter le moins de risques possibletout en assurant une rentabilité raisonnable. Étantune filiale d’une société d’État, HQI favorise uneapproche prudente, où l’analyse du risque-pays et lasécurité financière de l’investissement dominent, etce, même si les projets sont officiellement dissociésdes actifs du siège social.

Une vérification diligente est un processus trèsexigeant sur le plan de l’organisation interne et surcelui des coûts. Plusieurs experts sont mobilisés, etdes consultants externes sont sollicités. Il est doncessentiel que le chef du projet, dont le mandat estd’identifier des opportunités d’investissement, ana-lyse sommairement, mais de la façon la plus justepossible, la qualité du projet-pays et de son appa-riement avec les forces de l’entreprise.

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1. [NDE] Depuis mai 2005, Hydro-Québec a décidé derecentrer ses activités sur le marché d’Amérique du Nord.

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Une fois le projet approuvé pour fins de dévelop-pement par la direction, une équipe est créée, sousla direction du chef de projet, et rassemble des exper-tises technique (ingénierie, environnement), légale(corporative et externe), fiscale et financière. Cetteéquipe procède alors à l’analyse détaillée du projet.

Tous ces efforts se concentrent sur un objectifsimple : un projet rentable, avec un minimum derisques. Les efforts visent à établir le prix d’acqui-sition le plus juste et le plus équitable possible, et quiaffiche une rentabilité adéquate à court et à moyentermes. Beaucoup d’efforts et de temps sont consa-crés à la couverture des risques inhérents au projet etaux mesures de mitigation possibles. Des mesures demitigation peu satisfaisantes entraînent l’abandon duprojet.

Voici un aperçu des éléments qui sont documentés:

Aspects généraux

– Contexte politique et réglementaire

– Lois et règlements concernant les investissementsétrangers

– Marché de l’énergie : croissance prévue, tarifs

– Réglementations applicables au secteur électrique

– Support du gouvernement local

– Partenaires locaux

Aspects techniques

– État des équipements, réhabilitation nécessaire

– Procédures/coûts d’exploitation et de maintenance

– Hydrologie : données historiques et prévisions

– Environnement: contraintes actuelles et prévisibles

– Ressources humaines : besoins actuels et futurs,compétence actuelle et requise, conventionscollectives

– Approvisionnement : pratiques actuelles, zonesd’amélioration, incluant le système informatique

Aspects légaux

– Contrats existants (lois, règlements, conventionsd’actionnaires)

– Cas en litige et solutions prévisibles

– Titres de propriété

Aspects fiscaux

– Fiscalité existante

– Taxation

– Rapatriement des profits et des dividendes

– Rapatriement des capitaux investis

Aspects financiers

– Utilisation d’un modèle financier valide et réa-liste (inflation, risque de change)

– Identification de la structure financière (dette/équité)

– Financement disponible de la transaction etcotation par les agences de crédit

– Bilans comptables et audits externes : faire lesajustements requis

L’aspect financier domine les analyses, car larentabilité du projet est essentielle. La prévision laplus exacte possible des flux de trésorerie (cash flows)du projet est donc établie, selon divers scénarios. Onutilise à cette fin un modèle financier, qui inclutmaints paramètres (inflation, risque de change,amortissement, taxation), dont la structure dette/équité.

Sur la base de cette analyse interne, l’équipe deprojet prépare une recommandation à la directionsupérieure et au conseil d’administration pour étudeet approbation. Son contenu standard est le suivant :pays et description du projet, intérêt stratégique(présence dans le pays, forces distinctives), carac-téristiques du projet, partenariat : structures et rôles,structure financière et fiscale, rendement anticipé,sources de financement, analyse des risques etmesures de mitigation, retombées économiques,échéancier du dossier, recommandation finale.

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Du point de vue du paysQuels sont donc les éléments favorisant, du point devue national, les investissements et l’efficacité duprocessus de privatisation? Ces éléments sont bienconnus, mais spécifions, entre autres :

1) qu’il faut bien traduire les objectifs d’ouvertureou de privatisation par des politiques, desrèglements, des lois, et un arbitrage équitable desdifférends ; il faut respecter ses engagements ;

2) que l’on doit établir un processus transparent,clair et ouvert, stable, homogène, pour tous lesparticipants et permettant un encadrement clairdes investissements étrangers ;

3) qu’il faut établir des mesures efficaces de traite-ment des dossiers, afin de limiter les goulotsd’étranglement qui ralentissent le projet et minentsouvent l’énergie et la confiance nécessaires à cetype de démarche.

ConclusionL’investissement étranger est une recherche de réci-procité entre l’investisseur, qui apporte ses ressourcesfinancières et son expertise, et le pays, qui apporteun environnement le plus stable et accueillant pos-sible au profit d’un développement efficace etdynamique d’un secteur névralgique.

Investissements d’HQI, 2003En production

– Panama : centrale hydroélectrique de Fortuna,300 MW (acquisition et exploitation), 1999.

– Costa Rica : Centrale hydroélectrique de RioLajas, 10 MW (construction et exploitation),1996.

– Chine: Meiya Power Co. (11 centrales, 2415 MW),1999.

– Chine: Centrale Qingshan, province du Hunan,20 MW (construction et exploitation), 1999.

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Troisième partie

Les retours d’expérience

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Le présent exposé tentera de décrire les conditionsdu processus de mise en concession privée de lagestion du secteur de l’énergie électrique et de l’eaupotable au Gabon, processus qui s’est déroulé dejanvier 1996 à juin 1997 et qui a vu la Générale deseaux devenir l’actionnaire majoritaire de la Sociétéd’énergie et d’eau du Gabon (SEEG).

Dans les deux premières parties seront exposés lecadre juridique qui régit le secteur et celui qui apermis la mise en concession privée.

Le déroulement du processus lui-même feral’objet de la troisième partie.

Dans une quatrième partie, nous présenterons lesinstruments du nouveau cadre institutionnel, notam-ment la convention de cession des actions qui aconsacré le transfert de propriété de la Républiquegabonaise à la Générale des eaux, et le contrat deconcession qui définit les conditions de gestion dusecteur.

La conclusion sera précédée d’une description desrelations entre les différents acteurs et d’un bref retourd’expérience après 54 mois de fonctionnement.

L’exposé se penchera plus particulièrement sur lesecteur de l’eau potable et de l’énergie électrique,activités régies par le même dispositif au Gabon. Il aparu intéressant, dans le cadre du présent texte, dene pas occulter l’activité «eau potable», compte tenudu fait qu’un certain nombre de pays d’Afriquesubsaharienne connaissent des situations similaires.Les motivations qui ont conduit le gouvernementgabonais à maintenir l’unicité de gestion de ces deuxactivités seront exposées afin d’alimenter la réflexionsur les réformes envisagées.

Présentation du cadre juridique du secteur de l’eau potable et de l’énergie électrique au GabonDescription du contexteLe Gabon est constitué d’un territoire de près de270000 km2 et d’une population d’un peu plus d’unmillion d’habitants (résultat du recensement de1993), dont 73% vivent en milieu urbain.

Libreville et sa périphérie immédiate comptent420000 habitants environ; cela représente un poten-tiel de moins de 80000 clients en électricité (à raisond’une moyenne de moins de 6 personnes par foyer)et de 50000 en eau (une part non négligeable des ha-bitants continuant de s’alimenter aux fontainespubliques). Avec respectivement 79000 et 31000 ha-bitants, Port-Gentil et Franceville arrivent très loinderrière.

La faible densité de population, la mauvaisepraticabilité des voies de communication ainsi quela présence d’une forêt dense et de reliefs difficilesrendent impossible l’intégration des exploitations.

Sur le plan économique, les activités génératricesde ressources sont toutes regroupées autour des pôlescités précédemment, en dehors de quelques exploita-tions forestières et agro-industrielles isolées et auto-nomes sur le plan énergétique. Le pétrole pèse trèsfortement sur les ressources de l’État.

L’ensemble de ces données met en lumière les fai-blesses du système en présence : marché très étroit etdispersé, impossibilité d’intégration des exploitationsélectriques, ressources inégalement réparties et large-ment tributaires du marché pétrolier international.

L’expérience de la mise en concession globale privée de la Société d’énergie et d’eau du GabonFrançois OMBANDAPrésident-directeur général, Société d’Énergie et d’Eau du Gabon (SEEG)Jean-Pierre LASSENI DUBOZEAdjoint au Directeur Général, Chef du Département budgets, plans et stratégies à la SEEG

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Historique de la distribution del’eau et de l’énergie électriqueLa distribution publique d’électricité fait son appa-rition à Libreville en 1935; elle est assurée, sous l’auto-rité de la commune, par une société concessionnaire:la Compagnie centrale de distribution d’énergieélectrique (CCDEE). En 1950, à Port-Gentil, se créela Société d’énergie de Port-Gentil (SEPG), chargéede fournir la vapeur et l’électricité à une usine defabrication de contreplaqués. Par la suite, elle réaliseprogressivement la distribution en ville.

Lors de l’indépendance, en 1960, alors que laCCDEE ne donne pas suite à la demande du gou-vernement d’étendre son activité hors de Libreville,la SEPG accepte de créer et d’exploiter les premièresdistributions de l’intérieur du pays, dès 1962.

Par la suite, le 13 août 1963, à l’occasion d’uneassemblée générale extraordinaire, la SEPG devientla Société d’énergie et d’eau du Gabon (SEEG). Lerachat, en 1964, de la concession de Libreville con-firme le caractère national de l’activité de la SEEG,qui se voit conférer un monopole de fait sur ladistribution de l’énergie électrique et de l’eau potablesur l’ensemble du territoire national.

L’État est l’actionnaire majoritaire de la SEEG,avec 64 % des parts, aux côtés d’industriels et debanquiers.

Cadre juridiqueLe secteur de l’eau potable et de l’énergie électriqueest régi par une loi de 1993 qui crée un service publicdétenant le monopole de ces activités sur le territoirenational.

Selon les termes de cette loi, l’État peut en con-fier la gestion à une ou à plusieurs personnes de droitprivé gabonais, sous la forme d’une ou de plusieursconcessions.

Les concessionnaires désignés par voie régle-mentaire bénéficient de la délégation d’un certainnombre de prérogatives de puissance publique, tels

le droit d’occuper le domaine public, celui de pré-lever les eaux ou d’expropriation pour cause d’utilitépublique.

Cette loi a permis de mettre de l’ordre dans unsecteur où préexistaient deux concessions munici-pales issues de la période coloniale et plusieursconcessions d’État (autant que de nouvelles localitésalimentées depuis l’indépendance). En légiférantdans ce domaine, l’État a cherché à mettre de lacohérence dans un secteur sensible, compte tenu deson impact sur le développement économique etsocial, et où son implication demeurait prépon-dérante, y compris dans les concessions municipales(approbation des tarifs, participation au financementdes investissements).

La SEEG, déjà concessionnaire dans le dispositifde pluriconcessions précédent, a été désignée conces-sionnaire exclusif en application de cette loi surl’ensemble du territoire national et pour une duréede 30 ans.

Le contrat de concession, conclu le 10 août 1993,est de type classique, avec des cahiers des chargesprécisant les conditions techniques de gestion desservices. Seule particularité, toute implantationnouvelle est financée par l’État, le concessionnaireassurant, avec ses ressources, les autres charges de laconcession (exploitation courante, entretien, renou-vellement, renforcement et extensions).

Présentation du cadre de la privatisation des sociétés publiquesL’idée du désengagement de l’État de la gestion dusecteur productif, dans lequel il s’est largementinvesti après l’indépendance, remonte au milieu desannées 1980. La crise économique que connaît leGabon en 1986, les recettes de l’État étant diviséespar deux (le prix du pétrole, principale source derevenus de l’État, est passé de près de 34 US$ parbaril en 1982 à 12,5 en 1986, en même temps que ledollar chutait de 450 à 346 francs CFA1), fait

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1. 1 euro = 655,957 francs CFA.

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apparaître la nécessité d’une plus grande rigueur dansla gestion des finances publiques. Ces dernières sontalourdies par les déficits des sociétés parapubliquesque l’État est amené à combler par des subventionsde plus en plus importantes.

À cette époque, il n’est pas encore question deprivatisation, sauf pour deux secteurs particulière-ment sinistrés (assurances et distribution de produitspétroliers). Le maître mot est la restructuration desentreprises ; l’instrument utilisé est le contrat-programme avec l’État, fixant des objectifs auxgestionnaires, en contrepartie du respect par l’Étatde l’autonomie des conseils d’administration et deses obligations en tant que client.

Après la chute du mur de Berlin et la consé-cration de la pensée économique libérale, et devantles résultats peu probants des contrats-programmes,l’idée de la privatisation fait son chemin petit à petit ;toutefois, elle a du mal à déboucher véritablement,essentiellement pour des raisons dogmatiques etparce que les risques politiques, en contexte depluralisme, sont réels.

À la suite de la dévaluation du franc CFA, en1994, le concept de privatisation n’est plus un tabou;il en est de plus en plus question, notamment avec laBanque mondiale et le Fonds monétaire interna-tional, compte tenu des difficultés grandissantes queconnaissent les finances publiques, qui nécessitent,plus que jamais, le concours des bailleurs de fonds.

Après plusieurs tentatives, une loi fixant les con-ditions de privatisation des entreprises du secteurpublic est votée en janvier 1996.

Le cadre juridique de la privatisationAux termes de la Constitution gabonaise, le désenga-gement de l’État de la gestion d’une activité est dudomaine de la loi.

C’est ainsi qu’une loi fixant les règles de privatisa-tion des entreprises du secteur public est promulguéele 13 février 1996.

Elle définit le champ d’application de la privati-sation en ce qui a trait aux modalités de transfert,désigne les entreprises visées, crée les organes chargésde la privatisation et instaure le principe d’une actionordinaire détenue de plein droit par l’État.

Parmi les modalités de privatisation est prévue lamise en concession privée, sans transfert de lapropriété des actifs.

En ce qui a trait aux entreprises concernées, aucunerestriction particulière n’est faite. Le gouvernementdétermine, chaque année, dans le cadre de la loi desfinances, le programme de privatisation fixant lesopérations prévues, les modalités retenues, l’évaluationdes entreprises, les recettes attendues ainsi que lesmesures d’accompagnement, notamment sociales.

Deux organes sont créés par la loi pour gérer lesprocessus de privatisation: une commission intermi-nistérielle et un comité technique dont les attribu-tions sont fixées par voie réglementaire.

L’action détenue par l’État peut être transformée,par décret, en action spécifique, pour assurer laprotection des intérêts nationaux, chaque fois quecela est nécessaire. Enfin, dans toute opération deprivatisation, des titres doivent être réservés auxporteurs gabonais et, en priorité, aux salariés desentreprises visées.

Déroulement de la mise enconcession des services de l’eaupotable et de l’énergie électriqueAprès la promulgation, en février 1996, de la loi surla privatisation, le gouvernement a procédé au lance-ment de la première étape de son programme deprivatisation qui concerne, entre autres, la mise enconcession privée des services de l’eau potable et del’électricité.

C’est par un communiqué daté du 11 avril 1996que le public a été informé de cette décision. Il y estfait mention des objectifs poursuivis et, également,du choix de la Société Financière Internationale(SFI) en qualité de conseiller du gouvernement danscette opération. Ce communiqué indique que la SFI

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va l’assister « en qualité de conseiller, aux fins deréaliser cette mise en concession par un appel d’offresinternational qui respecte les principes de trans-parence et de concurrence». Les objectifs recherchéspar cette mise en concession privée sont indiquésdans le communiqué. Ils sont repris ci-après, dans leparagraphe présentant la stratégie.

Le calendrier prévisionnelLe communiqué fait état du calendrier prévisionnelsuivant :

• Diffusion du mémoire d’information : débutseptembre 1996;

• Appel d’offres : début octobre 1996;

• Ouverture des plis : fin décembre 1996.

Détermination de la stratégieL’étape essentielle, après le lancement et avec l’appeld’offres lui-même, a été la détermination de la straté-gie de la privatisation. Cette étape s’est réalisée entrele mois de mars, date de désignation de la SFI, etjuin 1996, et a également fait l’objet d’un commu-niqué dans la presse. Elle a été mise à profit par legouvernement pour rappeler et préciser ses objectifs,qui se subdivisent en objectifs politiques et sociauxd’une part et en objectifs économiques et financiersd’autre part.

Objectifs politiques et sociaux

• Étendre et améliorer l’accès à l’eau potable et àl’électricité pour l’ensemble des citoyens.

• Désengager l’État de la gestion directe du secteur.

• Limiter le rôle de l’État à la définition des poli-tiques sectorielles et au contrôle du secteur.

• Promouvoir la participation des salariés et descitoyens gabonais à l’actionnariat de l’entreprise.

• Éviter un accroissement du chômage directementlié à la privatisation.

• Organiser la privatisation dans la transparence etla concurrence.

Objectifs économiques et financiers

• Désengager au maximum l’État de sa participationfinancière au développement des infrastructures.

• Attirer des investisseurs stratégiques internatio-naux capables d’assurer et d’améliorer le servicepublic.

• Réduire le coût du service public.

• Mettre en place une structure tarifaire assurant larentabilité de l’entreprise et du secteur tout enpartageant avec les usagers les gains deproductivité.

Un certain nombre de possibilités sont offertespour atteindre ces objectifs, en ce qui a trait à l’orga-nisation du secteur, au renforcement de la concur-rence, aux modalités de gestion, à l’organisation dela tutelle et à l’actionnariat de la société privatisée.

En ce qui concerne l’organisation du secteur, leparti retenu est celui du système intégré en vigueur(activités eau et électricité réunies) en distinguantdeux périmètres distincts : («urbain» et «villageois»).Cette option est préférée à une séparation des acti-vités, un découpage par région (Libreville, Port-Gentil, Franceville et centres isolés) ou un découpagepar fonctions techniques (production, transport,distribution). Les motivations principales de ce choixsont la taille modeste du marché et le fait que lesystème intégré, précédemment en vigueur, a fait sespreuves.

Le périmètre de la concession est constitué par leslocalités urbaines comprenant toutes les villesd’environ 1000 habitants et plus, la responsabilitédes villages incombant à l’État. En effet, ce dernierpeut, en marge de la convention relative aux zonesurbaines, passer des contrats spécifiques avec leconcessionnaire pour les villages.

La production d’énergie électrique ne fait paspartie de l’exclusivité accordée au concessionnairedans le périmètre concédé. En effet, l’État prévoit lerecours à la concurrence sur ce segment dès lors qu’ildevient nécessaire de mettre en place des capacitésnouvelles au-delà d’un certain seuil (10 MW). Parcontre, le concessionnaire demeure l’acheteur unique.A

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En matière de modalités de gestion, la concessionest préférée à l’affermage, ce dernier allant à l’encontrede l’objectif majeur de désengagement de l’État dufinancement des infrastructures. À la différence ducontrat précédent, la durée est réduite (20 ans au lieude 30) et l’obligation de résultats dans un certainnombre de domaines sera prescrite au concessionnaire.

Parallèlement, le rôle et l’organisation de la tu-telle sont renforcés. Elle est en charge de la définitiondes règles et des textes à appliquer dans le secteur etassure la maîtrise d’ouvrage des investissementsréalisés par l’État (en principe, hors du périmètre dela concession). Ses moyens seront renforcés afind’assurer un contrôle efficace de la concession sur lesplans technique, économique et financier.

En outre, le capital de la société concessionnairedevra être détenu par un actionnaire de référencechoisi après appel d’offres, à 51 % au moins. Lepersonnel participera à hauteur minimale de 5%, lereste étant proposé aux investisseurs gabonais.

Enfin, le choix est fait de maintenir la SEEG,plutôt que de procéder à sa liquidation et à la créa-tion d’une nouvelle société. Cette option présentel’avantage de la simplicité de mise en œuvre et estcelle qui, du point de vue du personnel de la société,tout en facilitant la continuité, est susceptible depréserver sa motivation et la sérénité du climat social.Le repreneur rachètera les actions de l’État au sein dela SEEG, avant de procéder à l’augmentation ducapital au niveau souhaité.

Préqualification des candidatsSur la base de ces options, des critères sont définis pourle choix des candidats, principalement fondés sur leurcapacité à assurer le service et à apporter les capitauxnécessaires au financement du développement. Plus de60 entreprises sont approchées dans le monde par laSFI en vue de les intéresser à l’opération. Quatorzed’entre elles demandent et reçoivent le mémoired’information. Et seulement quatre entreprises ont faitpart de leur intérêt. Il s’agit de:

– Le groupe CGE, en association avec ESB2 Inter-national ;

– ELYO, filiale de la Compagnie Lyonnaise deseaux;

– SAUR International, filiale du groupe Bouygues;

– TRACTEBEL, distributeur d’électricité enBelgique.

Toutes les quatre sont préqualifiées pour prendrepart à l’appel d’offres.

Déroulement de l’appel d’offresL’appel d’offres a été lancé le 30 septembre 1996. Ledocument de base de cet appel d’offres est un projetde contrat de concession définissant les conditionséconomiques, techniques et financières de la con-cession et sur lequel réagit chacun des candidats.

Des discussions ont eu lieu pendant plus dequatre mois et c’est en février 1997 que le contrat,dans sa version définitive, est remis aux trois candi-dats restés en lice3. Les offres des candidats compor-taient deux parties : une offre technique décrivant leprojet industriel des candidats et une offre financièreproposant un rabais tarifaire cohérent avec le projetindustriel.

Choix du repreneurLa remise des offres a eu lieu le 20 mars 1997 et a étéimmédiatement suivie de l’ouverture des offrestechniques. Le dépouillement des offres techniquess’est déroulé jusqu’au 24 mars, date à laquelle, aprèsqu’on eut déclaré les offres techniques des troiscandidats recevables, les offres financières ont étéouvertes.

C’est l’offre du groupe CGE (aujourd’hui filiale deVEOLIA Environnement) qui est retenue, le rabaisproposé (17,25%) étant le plus important, contre11,5% et 5,8% pour les deux autres candidats.

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2. Electricity Supply Board of Ireland, producteur nationald’électricité en Irlande.

3. Le candidat belge TRACTEBEL s’étant, dans l’intervalle,désisté.

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NNoommbbrree VVaalleeuurr VVaalleeuurr dd’’ooppéérraattiioonnss CCaattééggoorriieess TTiittrreess ooffffeerrttss TTiittrreess ddeemmaannddééss ((MMFF CCFFAA)) TTiittrreess aattttrriibbuuééss ((MMFF CCFFAA))

2443 C 359999 310915 3109,150 310915 3109,150

1323 C’ 75000 135523 1354,300 124084 1240,840

70 D 300000 653205 6532,050 300000 3000,000

33883366 TTOOTTAALL 773344999999 11009999664433 1100999955,,550000 773344999999 77334499,,999900N.B. : La valeur de chaque titre est de 10000 francs CFA.

Réalisation de la privatisationUne fois le repreneur choisi, les conditions de laréalisation de la privatisation sont mises en place.Tout d’abord, on a défini les actes réglementaires,soit :

a) le décret autorisant la cession des actions del’État ;

b) le décret désignant la SEEG en qualité deconcessionnaire.

Cette étape se réalise dans l’intervalle entre ladésignation du groupe CGE et la date retenue pourla réalisation de la privatisation. Le 13 juin 1997, lesorganes sociaux de la SEEG (assemblée générale etconseil d’administration) se réunissent pour, d’unepart, procéder à la restructuration financière (apure-ment des pertes cumulées et des dettes croisées État/SEEG) et consacrer le changement d’actionnairemajoritaire et, d’autre part, décider de l’augmen-tation de capital, qui passe de 7 millions (valeur rési-duelle après restructuration du bilan) à 15 milliardsde francs CFA.

La convention de cession des actions de l’État ausein de la SEEG est signée le même jour, entre l’Étatet le groupe CGE, ainsi que la convention de con-cession liant l’État à la SEEG pour une durée de20 ans, à compter du 1er juillet 1997.

Finalisation de la privatisationLe 1er juillet 1997, le nouveau contrat entre envigueur et, de façon simultanée, les tarifs des servicesofferts par la SEEG baissent de 17,25%.

Le 28 juillet, le groupe CGE, après les formalitésd’usage, libère sa part de capital, 51%, soit un peumoins de 7,65 milliards de francs CFA Un appelpublic à l’épargne, réservé aux investisseurs gabonais,est lancé le 31 octobre, en vue de l’augmentation decapital représentant les 49% qui leur sont réservés,soit environ 7,35 milliards de francs CFA.

Cette souscription se répartit comme suit :

• 5% réservés au personnel de la SEEG (actions decatégorie C’) ; les actions seront réparties équita-blement entre tous les candidats. Un prêtplafonné à 400 000 francs CFA, remboursableentre 12 et 48 mois selon les catégories, estconsenti à ceux qui le souhaitent ;

• 24 % aux personnes physiques gabonaises ourésidant au Gabon (actions de catégorie C) ;

• 20 % aux personnes morales de droit gabonais(actions de catégorie D).

Au terme de cette opération, les résultats suivantssont enregistrés (tableau 12.1).

Ces résultats font apparaître que:

• globalement, les demandes excèdent largementl’offre, près d’une fois et demie ;

• la demande des personnes physiques, hormis lepersonnel de la SEEG, représente plus de 86%de l’offre et toutes ces demandes sont satisfaites ;

• la demande du personnel de la SEEG excèdel’offre de plus de 80%; l’excédent de l’offre auxautres personnes physiques leur est concédé, per-mettant de limiter le coefficient de réductionappliqué à cette catégorie ;

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Tableau 12.1Bilan de l’appel public à l’épargne

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• la demande des personnes morales excède l’offrede plus du double ; les faibles demandes (jusqu’à5000 titres, soit 50 millions de francs CFA) sontservies en totalité, ce qui permet de satisfaire plusde 80 % des candidats de cette catégorie ; uneréduction au prorata des demandes est ensuiteappliquée sur le solde.

La jouissance des actions est effective depuis le1er janvier 1998.

Présentation des instruments du nouveau cadre institutionnel de la gestion du secteur de l’eaupotable et de l’énergie électriqueDepuis le 1er juillet 1997, un nouveau cadre juri-dique régit la gestion du secteur de l’eau potable etde l’énergie électrique au Gabon. Outre les texteslégislatifs et réglementaires existants (la loi de 1993qui fixe le régime juridique et ses décrets d’appli-cation) ou rendus nécessaires pour cette opération (ledécret désignant le concessionnaire et celui autori-sant la cession des actions de l’État au sein de laSEEG), deux documents contractuels constituent lesinstruments essentiels de gestion du secteur :

– La convention de cession des actions de l’État ausein de la SEEG, liant la République gabonaiseau groupe CGE-VIVENDI;

– La convention de concession de service public dela production, du transport et de la distributionde l’eau potable et de l’énergie électrique entre laRépublique gabonaise et la SEEG.

La convention de cession des actionsIl s’agit de l’acte qui consacre le désengagement del’État de la gestion de la SEEG. Il convient de rappe-ler que le parti retenu est le maintien de la SEEGcomme exploitant du service, au lieu de la créationd’une nouvelle société. Avant le 13 juin 1997, lecapital de la SEEG est détenu à 64% par l’État, lereste étant réparti entre des industriels et des banquesgabonaises. Pour faciliter le transfert ultérieur, l’État

a racheté aux actionnaires minoritaires leurs actionsau sein de la SEEG. Cette acquisition s’est opéréeavant le 13 juin 1997, date de la signature de laconvention entre l’État et le groupe CGE à la valeurnominale, soit de 10000 francs CFA par action.

Outre qu’elle fixe les modalités de cession desactions, la convention définit les obligations desparties dans le cadre d’opérations ultérieures à laditecession. Parmi ces opérations figurent :

• le traitement des emprunts de la SEEG;

• l’action spécifique;

• l’augmentation de capital ;

• la participation des salariés au capital ;

• la participation du public gabonais au capital.

Les emprunts antérieurement contractés par laSEEG pour le financement des biens de retour sonttransférés à la République gabonaise dans le cadre dela compensation globale opérée entre l’État et laSEEG. Cette compensation prend en considération,outre lesdits emprunts, les dettes respectives courantes(impôts et taxes non acquittés et consommationsd’électricité et d’eau non payées) et celles nées de larésiliation à l’amiable de la convention de concessionde 1993 (solde des provisions de renouvellement etcaducité non amortie).

En préalable à cette cession d’actions, le capitalde la SEEG a été restructuré par une augmentationde capital réalisée par incorporation d’une avancefaite par l’État pour le financement de biens deretour, celle de réserves de retraitement et d’un écartde réévaluation. Ces opérations ont été immédia-tement suivies d’une réduction du capital parapurement d’une partie du report à nouveau négatif(plus de 60 milliards). Au bout du compte, le capitalrestructuré passe de 196 500 à 700 actions de10000 francs CFA chacune.

La cession porte alors sur ces 700 actions, moinsune qui continue d’être détenue par l’État. Cetteaction est transformée par décret en action spécifiquequi confère à l’État des droits particuliers :

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• Désignation de deux représentants au conseild’administration de la SEEG, sans voixdélibérative ;

• Agrément de modifications substantielles de lagéographie du capital et de celles tendant à ôterla majorité au groupe CGE;

• Droit éventuel de veto en cas de cession decertains biens de reprise.

C’est dans cette convention que sont définies lesmodalités de l’augmentation du capital de 7 millionsà 15 milliards décidée par l’assemblée générale desactionnaires. Le groupe CGE s’engage à souscrire,dans des délais convenus, environ 51% du capital4 età renoncer à son droit préférentiel pour permettre auxinvestisseurs gabonais de souscrire 734999 actions.

La participation des salariés de la SEEG est fixéeà au moins 5% du capital. Des conditions de prêtsans intérêt leur seront consenties pour favoriser lasouscription.

Le public gabonais, de son côté, pourra participerà un appel public à l’épargne pour l’acquisition de659999 actions, dans les conditions fixées dans laconvention de cession des actions. Trois cent milleactions sont réservées aux personnes morales de droitgabonais, et le reste aux personnes physiques autresque le personnel.

Le groupe CGE s’engage également à racheter lesactions qui ne seraient pas souscrites par le publicgabonais au terme de l’appel public à l’épargne.

De son côté, la République gabonaise prend uncertain nombre d’engagements, notamment en vuede l’aboutissement de l’opération, et assure la garan-tie du passif (fiscal, douanier et social) qui pourraitse révéler après la conclusion de l’opération.

Convention de concession de service publicElle constitue le document principal de la gestion desservices d’électricité et d’eau. Il s’agit d’un instru-ment de portée permanente qui, avec les cahiers des

charges qui lui sont annexés, définit les élémentsd’organisation et de fonctionnement du servicepublic concédé.

Ce document traduit, autant que possible, lesobjectifs poursuivis par la République gabonaisedans sa volonté de désengagement de la gestion duservice public. Il est le résultat des discussions quiont eu lieu, préalablement à la remise des offres, avecles différents candidats à la privatisation de la SEEG.

À la convention proprement dite sont annexéstrois cahiers des charges – un commun à l’électricitéet à l’eau, un autre pour l’électricité et un dernierpour l’eau – qui précisent les conditions techniquesd’exploitation des services.

Avant d’examiner les points originaux de chacunde ces documents, il est intéressant de préciser uneparticularité de la convention qui a été signée entre laRépublique gabonaise et la SEEG: il s’agit de l’obli-gation de résultats au regard d’un certain nombre depoints :

• Augmentation de la desserte ;

• Qualité du service ;

• Montant des opérations de renouvellement.

Habituellement, les conventions de concessioncomportent des obligations de moyens à mettre enœuvre pour assurer le bon fonctionnement des ser-vices, comme c’était le cas dans la convention d’août1993. Dans la présente, non seulement des objectifssont fixés sur la base d’une batterie d’indicateurs,mais des sanctions sont prévues, y compris pécu-niaires en cas de non-atteinte des objectifs.

La convention de concessionCe document contient, d’une manière classique, desdispositions sur les éléments généraux de la conces-sion, la définition des différents biens concourant àla concession, le régime financier et comptable appli-cable, notamment les tarifs et la fiscalité, le contrôledes services concédés et la fin de la concession. Nousproposons de nous arrêter sur les aspects liés au péri-mètre de la concession, à la production indépen-dante d’électricité, à la tarification et au contrôle.A

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4. Cela représente exactement 764301 actions de 10000 francsCFA chacune.

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Le périmètre de la concession est constitué par leszones géographiques où la SEEG gère les servicesconcédés au début du contrat, auxquelles a étéajoutée une liste de localités figurant dans le cahierdes charges partie commune (21 en électricité et 30en eau). Ce choix permet d’assurer l’extension de ladesserte à l’intérieur du pays vers des localités defaible importance.

La production d’énergie électrique ne fait paspartie des services concédés à titre exclusif sur lepérimètre de la concession. On peut faire appel à laproduction indépendante chaque fois que les besoinsde capacité additionnelle nécessitent un ouvrage depuissance égale ou supérieure à 10 MW. Les condi-tions de définition, de construction et d’exploitationd’un tel ouvrage sont fixées dans la convention. Enparticulier, il est précisé que la SEEG est l’acheteurunique et qu’elle doit répercuter les incidences duprix d’achat obtenu sur les tarifs des clients desservices concédés.

Les tarifs sont fixés dans le cahier des charges,ainsi que les formules de révision trimestrielle. Lesindices résultant de cette révision sont soumis àl’autorité concédante, 15 jours avant l’applicationdes nouveaux tarifs. Par ailleurs, le principe d’unemodulation tarifaire est fixé au contrat. Cettemodulation permet, en fonction de l’évolution desmodes de production, notamment, d’apporter desmodifications aux tarifs appliqués. Ces modificationsne sont pas limitées en cas de baisse. Par contre, encas d’augmentation, des limites sont fixées en fonc-tion des zones géographiques et de la nature desclients, étant entendu que de telles modifications nedoivent pas entraîner une augmentation des recettesdu concessionnaire, à volume vendu donné. Desclauses prévoient les cas de bouleversement des con-ditions économiques ou des conséquences d’unevolonté de l’autorité concédante tendant à modifierl’économie de la concession: dans ces cas, les partiesconviennent de se rapprocher pour examiner lessolutions à apporter.

L’autorité concédante assure le contrôle écono-mique, financier et technique de la concession, dans

des conditions fixées au contrat, soit par elle-même,soit par toute personne de son choix. Ce contrôles’applique également aux comptes de la société. Unrapport annuel est produit selon un format définidans la convention, contenant des éléments finan-ciers, techniques et de gestion. De plus, tous les cinqans, les parties conviennent de se revoir pour évaluerles conditions de fonctionnement de la concession etexaminer, le cas échéant, les modifications à apporterau contrat, y compris dans le domaine tarifaire.

Le cahier des charges partie communeIl s’agit du cahier des charges qui traite des aspectscommuns aux deux activités, eau et électricité. Ilcontient les principes généraux de l’exploitation desservices (continuité et adaptabilité des services,égalité de traitement des usagers) et définit le régimedes travaux, les critères de qualité des services con-cédés ainsi que les rapports avec les usagers. Nousexaminerons plus particulièrement les aspects liésaux objectifs de desserte et au règlement des servicesconcédés.

L’augmentation du taux de desserte est un souciconstant de l’autorité concédante. Un taux a été fixépour chacune des zones géographiques principales(Libreville, Port-Gentil, Franceville et les centresisolés) dans le but de ne pas diluer les petits centresdans les résultats des plus grands. Le taux de desserteest défini, pour chaque zone géographique donnée,comme le rapport du nombre des usagers desservisdirectement à la population de la zone. Sont exclusde l’assiette les usagers indirects (alimentés par lesvoisins ou s’alimentant aux fontaines publiques pourl’eau). Sa détermination nécessite de connaître leschiffres de population des zones géographiques. Il aété prévu à cet effet de procéder à des enquêtesdémographiques, en dehors des périodes de recen-sement. À la signature du contrat, des objectifs ontété fixés, d’abord pour l’an 2000, puis par périodequinquennale. Des ajustements sont possibles lorsdes étapes intermédiaires en fonction des résultatsobservés, sans qu’il soit possible de remettre en causel’objectif pour la dernière année. Un suivi annuel aété prévu en l’an 2000 et au-delà, ainsi que des

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sanctions en cas de non-réalisation des objectifsquinquennaux fixés ou convenus.

Le règlement des services concédés rassemble,pour les usagers et les abonnés, les règles adminis-tratives, techniques et juridiques de la fourniture del’eau et de l’énergie électrique. Il décrit notammentle régime des abonnements, les dispositions tech-niques relatives aux branchements et aux systèmes decomptage et de contrôle, les conditions de paiementpar les abonnés, les pénalités et toute autre stipu-lation qui s’applique aux abonnés. Un extrait durèglement, remis à chaque abonné au moment de lasignature de l’abonnement, explicite les droits etobligations réciproques des usagers, des abonnés etdu concessionnaire en matière de services concédés.Le règlement doit pouvoir être consulté à toutmoment par les abonnés ou les usagers dans lesbureaux du concessionnaire.

Les cahiers des charges partie électricité et partie eau

Chacun de ces deux documents précise les aspectspropres aux activités électricité et eau. Il définitnotamment les notions de périmètre d’électrificationou d’adduction d’eau de chaque zone géographiqueainsi que les normes de fourniture propres à chaqueactivité.

Relations entre l’autoritéconcédante et le concessionnaire

Parties au contratLes parties signataires de la convention de concessionsont l’autorité concédante et le concessionnaire.

L’autorité concédante est représentée par leministre chargé de l’eau potable et de l’énergie élec-trique et le ministre chargé des finances et del’économie. Cette double représentation est motivéepar le processus de privatisation, dont la respon-sabilité incombe au ministre chargé des finances etde l’économie.

Au cours de la phase de fixation des optionsstratégiques, la création d’un organe de contrôle de la

concession, indépendant de l’Administration, avaitété envisagée. Cette solution n’a pas été retenue,compte tenu du contexte et des pratiques anté-rieures. Le ministre chargé de l’eau potable et del’énergie électrique est amené à s’impliquer dans lesuivi de l’activité, en raison des problèmes, essen-tiellement politiques, que continuent de poserl’électrification et l’adduction d’eau dans les localitésde l’intérieur. Par ailleurs, les services techniques duministère chargé de l’eau potable et de l’énergieélectrique, qui assuraient la tutelle technique de laSEEG avant la privatisation, disposent de ressourcesà cet effet dont la réorientation n’était pas évidente.Ajoutée aux services du ministère des Finances, lacréation d’une entité nouvelle ne pouvait qu’aug-menter le nombre des interlocuteurs dans uncontexte d’abondance relative.

À l’heure actuelle, la représentation courante del’autorité concédante est assurée par la Directiongénérale de l’énergie et des ressources hydrauliques.C’est elle qui reçoit l’ensemble de la correspondanceliée aux relations contractuelles et est habilitée à saisir leconcessionnaire. Dans le contexte qui prévaut, d’autresinterventions demeurent cependant possibles, de lapart du cabinet du ministre chargé de l’eau potable etde l’énergie électrique ou de celui du ministre desFinances, voire du comité de privatisation.

La représentation du concessionnaire, elle, estassurée par la direction générale de la SEEG.

Nature des engagementsLa convention de concession et ses annexes contien-nent les sujets qui constituent la substance desrelations entre l’autorité concédante et la SEEG. Cesrelations sont fondées sur les engagements desparties, des engagements à réaliser dans des délaisconvenus, des engagements périodiques – en généralà l’année – et, enfin, des engagements à réaliser enpermanence.

Parmi les engagements à réaliser dans des délaisconvenus, on peut citer des documents à produire àla suite de la signature du contrat en vue de le finaliser,tels les procédures internes de passation des marchésA

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(3 mois), le projet de règlement des services (6 mois),l’inventaire des biens de retour (12 mois), etc.

Les engagements périodiques sont constituésessentiellement des comptes rendus annuels des pro-grammes prévisionnels et de la gestion. De la mêmemanière, les révisions trimestrielles des tarifs fontl’objet d’échanges réguliers. Viendra ultérieurementle suivi de l’évolution des taux de desserte. Parmi lesengagements à réaliser en permanence se trouventl’obligation en matière d’assurances des biens de laconcession, le respect des normes de service et laréalisation des investissements de renouvellement5.

En plus des échanges sur la gestion du contrat,les deux parties se rencontrent périodiquement pourharmoniser leurs points de vue sur les divers sujets.Des groupes homogènes vont être constitués de partet d’autre pour faciliter et accélérer les contacts, enfonction des sujets à traiter. Il est également projetéd’organiser, au bénéfice des agents de l’autoritéconcédante et du concessionnaire, des séminaires deformation sur le régime de concession.

Financement du contrôleLes frais de fonctionnement des services de l’autoritéconcédante qui assurent le contrôle de la concessionsont financés par le budget de l’État, dans le cadrede la Loi de finances. En complément de ce finan-cement normal, la convention prévoit que soit miseà la disposition de l’autorité concédante une fractiondu chiffre d’affaires réalisé par la SEEG. Cettefraction est de 0,2% pour une année normale et de0,5% pour les années qui nécessitent une revue detype quinquennal.

Quelques éléments, après quatre ans et demi d’activité du concessionnaireActionnariat et gestionÀ la date du 31 décembre 2002, la géographie del’actionnariat est conforme aux objectifs qui avaientété fixés au départ, comme l’indiquent les donnéessuivantes :

• CGE: 51% des actions ;

• Investisseurs gabonais : 49% des actions, dont :

– Personnes morales : 26,3%;

– Personnel SEEG: 4,3%;

– Autres personnes physiques : 18,3%.

La répartition de cet actionnariat se traduitcomme suit au sein du conseil d’administration:

• CGE: six administrateurs ;

• Autres investisseurs : trois administrateurs ;

• Représentants de l’État avec voix consultative :deux personnes.

Il est à noter que l’activité exercée par le conces-sionnaire a donné lieu à des versements de divi-dendes qui se sont élevés à 650 francs CFA bruts paraction au titre des résultats de 1998, et qui ontévolué régulièrement pour atteindre 3 000 francsCFA par action pour l’exercice 2002.

Services aux clientsLes services aux clients ont été sensiblement améliorés,comme l’indiquent les indicateurs suivants:

• évolution du taux de desserte en électricité (bran-chements neufs et abonnés actifs) (figure 12.1) ;

• évolution du taux de desserte en eau (branche-ments neufs et abonnés actifs) (figure 12.2) ;

• évolution des prix de l’électricité en basse tension(figure 12.3) ;

• évolution des prix de l’eau potable (figure 12.4).

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5. Il est prévu que le concessionnaire réalise des investis-sements d’au moins 100 milliards de francs CFA constantssur 20 ans.

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Branchements neufs Abonnés

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Branchements neufs Abonnés

Évolution de la desserte en eau

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Figure 12.1

Figure 12.3

Figure 12.2

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InvestissementsLe concessionnaire a réalisé et autofinancé au coursdes années 1997 à 2002 des investissements quis’élèvent à plus de 115 milliards de francs CFA. Cesopérations ont concerné l’extension et le renforcementdes capacités, ainsi que la fiabilisation et la remise àniveau technique des installations. Les principalesréalisations ont été la construction d’une centralethermique et d’une nouvelle station de traitementd’eau potable à Libreville, ainsi que l’électrification etl’adduction d’eau potable au profit de nouveauxcentres isolés.

ConclusionLa mise en concession privée du secteur de l’eaupotable et de l’énergie électrique au Gabon est quali-fiée de réussite dans son ensemble par les obser-vateurs, tant pour sa phase de préparation que pourson aboutissement.

Un certain nombre de facteurs ont permis cetteréussite :

• Tout d’abord, la volonté clairement affichée despouvoirs publics pour le désengagement de l’Étatde la gestion du secteur. Tout au long du processus,

les décisions qui devaient être prises l’ont été dansles délais requis. De plus, le souci de transparence amené à informer le public régulièrement des choixopérés, ce qui a grandement facilité l’acceptationde l’opération.

• Ensuite, le recours à la SFI, dont les compétencessont admises et les qualités de neutralité et derigueur reconnues, a permis un déroulement sansdifficultés particulières. Par son implication, laSFI a apporté sa caution à cette opération,notamment sur le plan de la transparence.

• Enfin, l’adhésion sans faille de la société au change-ment a été un facteur déterminant. La préparationpréalable, relativement aux actions de restructu-ration, à la sensibilisation et à l’information dupersonnel, a permis l’aboutissement final duprocessus sans traumatismes ni difficultés majeurs.

L’intérêt suscité par l’opération auprès d’impor-tants investisseurs internationaux du secteur a appor-té la confiance et sécurisé l’ensemble des acteurs, aupremier rang desquels figure le gouvernement. Lecorollaire de tout ce qui précède a été l’adhésion dupublic gabonais, qui a massivement souscrit à l’appelpublic à l’épargne en vue de l’augmentation de

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Figure 12.4

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capital, faisant de la SEEG la première entreprise dupays qui comporte un actionnariat aussi diversifié.

Il reste que, pendant les 20 années du contrat, lesengagements pris par les parties doivent être res-pectés, autant pour le bénéfice des usagers des servicesde l’eau potable et de l’énergie électrique du pays quepour celui des actionnaires de la SEEG.

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Aperçu du MaliLa République du Mali est un pays continental etintertropical situé entre 11° et 14° de latitude Nord,au Sahel, en plein cœur de l’Afrique de l’Ouest. LeMali partage ses frontières avec sept autres pays :l’Algérie, la Mauritanie, le Sénégal, la Guinée, laCôte d’Ivoire, le Burkina Faso et le Niger.

Le Mali a une superficie de 1241000 km2 et unepopulation estimée à 12 millions d’habitants en2002. Près de 80% de cette population vit de l’agri-culture dans le milieu rural.

La mise en valeur des ressources naturelles et latransformation des potentialités de développementconstituent les défis majeurs à relever pour l’amorced’un véritable développement durable du Mali.

Le pays s’est engagé sur la voie de la démocratieet de la décentralisation, depuis 1991 et 1995 respec-tivement.

Le gouvernement s’est engagé dans un pro-gramme global de réforme économique visant àatteindre une croissance accélérée avec la participa-tion du secteur privé.

Le gouvernement a également adopté une Stra-tégie Nationale de Lutte Contre la Pauvreté qui fixele cadre de référence pour tous les programmessectoriels et multisectoriels.

Situation du secteur de l’énergieLe secteur de l’énergie au Mali se caractérise essen-tiellement par :

1. La faiblesse des consommations moyennes parhabitant (l’équivalent de 350 kg de pétrole/habitant/an);

2. La forte dépendance vis-à-vis des produits pétro-liers importés (près de 9% de la consommationfinale du bilan énergétique) ;

3. L’importance excessive de la consommation descombustibles ligneux dans le bilan énergétiquenational (90 %), avec son corollaire dedéforestation;

4. La faiblesse de la consommation d’électricitédans le bilan énergétique national (1%) avec untaux de desserte d’environ 10%;

5. La faible utilisation des potentialités des sourcesd’énergies nationales, notamment en hydroélec-tricité (250 MW sur un potentiel d’environ1050 MW), en énergie solaire (3,5 à 5 kWh/m2),tout comme en énergie éolienne (3 à 6 m/s devent);

6. Le gaspillage énergétique dans un contexte derareté et de cherté des ressources.

La restructuration du secteur électrique au MaliAmadou TANDIAPrésident-directeur général, Agence Maritime pour le Développement de l’ÉnergieDomestique et de l’Électrification Rurale (AMADER), Bamako, Mali

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Organisation actuelle du secteur de l’énergieAu Mali, le secteur de l’énergie est géré par troisdépartements ministériels.

1. Le secteur est principalement géré par le Minis-tère des Mines, de l’Énergie et de l’Eau (MMEE),par l’intermédiaire de la Direction Nationale del’Énergie (DNE), du Centre National del’Énergie Solaire et des Énergies Renouvelables(CNESOLER), un service rattaché à la DNE, del’Agence Malienne pour le Développement del’Énergie Domestique et de l’ÉlectrificationRurale (AMADER), et de l’Agence Malienne deRadioprotection (AMARAP).

Le MMEE est chargé de la définition et de lamise en œuvre de la politique énergétique natio-nale, ainsi que de la planification, du contrôle etde la coordination des activités du secteur. Il gèreprécisément les sous-secteurs de l’électricité, desénergies renouvelables, des énergies domestiqueset de l’électrification rurale.

2. Le Ministère de l’Économie et des Finances(MEF) est chargé, par l’intermédiaire de l’OfficeNational des produits Pétroliers (ONAP), de la

politique d’approvisionnement et de stockage desproduits pétroliers. Il assure également la régle-mentation, le contrôle et la fixation des tarifs desproduits pétroliers.

3. Le Ministère de l’Environnement est chargé, àtravers la Direction Nationale de la Conservationde la Nature (DNCN), de la définition et de lamise en œuvre de la politique environnementalenationale du contrôle et de la réglementation dela production du bois de feu et du charbon debois. Le suivi technique et la coordination del’ensemble des activités du sous-secteur descombustibles ligneux relèvent toutefois de lacompétence de l’AMADER.

La Commission de Régulation de l’Électricité etde l’Eau (CREE), organe indépendant placéauprès de la Primature, est chargée de la régula-tion du secteur de l’électricité et du service publicde l’eau potable dans les centres urbains. Lasociété Énergie du Mali (EDM-SA) est le conces-sionnaire du service public de l’électricité et del’eau potable.

Il n’existe donc pas au Mali, à l’heure actuelle,d’instance administrative unique chapeautantl’ensemble du secteur de l’énergie.

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Figure 13.1Schéma organisationnel du secteur de l’énergie au Mali

PRIMATURE CREE

AMADERDNE AMARAP EDM-SADNCNONAP

MEMEF MMEE

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Historique des réformes du sous-secteur de l’électricitéAprès son accession à l’indépendance, le 22 sep-tembre 1960, l’État malien a accordé, le 17 janvier1961, une convention de concession de la produc-tion et de la distribution d’énergie électrique et d’eausur le territoire de la République à une sociétédénommée «Énergie du Mali» (EDM), dont l’Étatdétenait 55 % du capital social, part qui serasuccessivement portée à 94%, à 97,2% puis à 100%et, actuellement, à 40%.

L’État a par la suite adopté le décret no 128 du30 mars 1961 portant sur l’organisation du Service del’Hydraulique et de l’Électricité chargé, entre autres,d’assurer le contrôle technique des travaux ou services,concédés ou non, et gérés par les collectivités localesou par des sociétés d’économie mixte ou d’État. Outreses compétences dans le secteur de l’eau, ce service estchargé également des études et travaux relatifs à laproduction, au transport et à la distribution del’énergie électrique. Il prendra plus tard l’appellationde «Direction Nationale de l’Hydraulique et del’Énergie» (DNHE), avec l’extension de ses compé-tences aux autres sous-secteurs de l’énergie, notam-ment les énergies renouvelables.

Rapidement, ces dernières années, le cadre légis-latif, réglementaire et contractuel des deux secteurs del’électricité et de l’eau va cependant notablementévoluer pour s’adapter, certes, à la nouvelle politiquede développement décidée par l’État, mais égalementpour pallier les carences de gestion de nombre d’acteurset l’imprécision de certains textes qui les régissent.

À la suite de la rupture du contrat de la Déléga-tion Globale et Temporaire de la Gestion (DGG) del’EDM, décidée lors de son conseil d’administrationdu 11 février 1998 (deux ans seulement après saconclusion), le Conseil des Ministres en sa sessionordinaire du 25 mars 1998, après analyse de lasituation de la société Énergie du Mali et celle dusecteur de l’électricité en particulier, a adopté unesérie de mesures visant à réformer le secteur de l’élec-tricité et à procéder au redressement financier del’EDM.

La série de mesures s’inscrit dans le cadre d’unprogramme global de réforme économique dugouvernement visant à atteindre une croissanceaccélérée avec la participation du secteur privé. Ceprogramme est basé sur :

– le désengagement de l’État des activités produc-tives et la privatisation des entreprises publiques ;

– l’amélioration de l’environnement pour les affaires;

– la modernisation des procédures administrativesdu secteur public et la mise en place de nouveauxcadres législatifs et réglementaires dans les secteurssocio-économiques du pays, en vue de créer lesconditions favorables à la participation du secteurprivé.

Les grands principes à la base de la réforme secto-rielle de l’électricité et de l’eau visent effectivement à:

– recentrer le rôle de l’État sur les fonctions dedéfinition des politiques sectorielles d’électricitéet d’eau;

– créer un organe de régulation;

– transférer les activités opérationnelles au secteurprivé, en créant les conditions pour que cetransfert soit possible et attractif.

Le gouvernement du Mali, dans sa Lettre dePolitique Sectorielle de l’Électricité et de l’Eau Potable,datée du 10 novembre 1999, définit les actions àmener pour l’atteinte des objectifs qu’il s’est fixés, àsavoir :

a) l’ouverture à la compétition des secteurs électri-cité et eau;

b) la privatisation de la société EDM;

c) la restructuration des secteurs électricité et eau,incluant notamment la dislocation de la Direc-tion Nationale de l’Hydraulique et de l’Énergieen deux nouvelles directions ainsi que la mise enplace d’un organe national de régulationmultisectoriel ;

d) la mise en œuvre d’un Programme d’Électri-fication Rurale et d’un Programme d’Adductiond’Eau Potable dans les centres secondaires.

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Cadre législatif et réglementaire du sous-secteur de l’électricitéLe nouveau cadre législatif et réglementaire mis enplace a porté sur les textes suivants :

– Loi no 99-009 du 22 mars 1999 autorisant lacession d’une part du capital détenu par l’Étatdans la société Énergie du Mali (EDM-SA);

– Ordonnance no 00-019/P-RM du 15 mars 2000portant sur l’organisation du secteur de l’électri-cité et son décret no 00-184/P-RM du 14 avril2000 fixant ses modalités d’application;

– Ordonnance no 00-020/P-RM du 15 mars 2000portant sur l’organisation du service public del’eau potable et son décret no 00-183/P-RM du14 avril 2000 fixant ses modalités d’application;

– Ordonnance no 00-021/P-RM du 15 mars 2000portant sur la création et l’organisation de laCommission de Régulation de l’Électricité et del’Eau (CREE) et son décret no 00-185/P-RM du14 avril 2000 fixant ses modalités d’application.

Au sujet de la privatisation de la société Énergiedu Mali (il conviendrait de parler plutôt «d’ouver-ture de son capital » à un Partenaire Stratégique àhauteur de 60%), en plus de la modification de sesstatuts pour leur mise en conformité avec l’ActeUniforme de l’Organisation pour l’Harmonisationen Afrique du Droit des Affaires (OHADA) et fautede la création de deux sociétés distinctes pour lesactivités d’eau potable et d’électricité, on peut retenirles principaux textes suivants :

– Le décret no 00-576/P-RM du 22 novembre2000 portant sur l’approbation du contrat decession de 60% des actions de la société EDM-SA au groupe SAUR International/IPS-WA,signé à Bamako, le 15 novembre 2000;

– Le décret no 00-580/P-RM du 22 novembre2000 portant sur l’approbation du contrat deconcession du service public de l’électricité ;

– Le décret no 00-581/P-RM du 22 novembre2000 portant sur l’approbation du contrat deconcession du service public de l’eau potable.

L’opération de privatisation de l’EDM-SA aconsisté en:

• l’inventaire et en la réévaluation des installationsd’électricité et d’eau existantes ;

• le retraitement du bilan et sa réévaluation;

• la définition des périmètres des concessions ;

• l’établissement d’un plan d’affaires pour 20 ans ;

• la mise en place d’un organe national de régu-lation multisectoriel (eau et électricité), la Com-mission de Régulation de l’Électricité et de l’Eau(CREE);

• la création de la Direction Nationale de l’Énergie.

Le dernier acte posé dans le cadre de la réformeporte sur la création récente de l’Agence Maliennepour le Développement de l’Énergie Domestique etde l’Électrification Rurale (AMADER), par la loino 03-006 du 21 mai 2003 et le décret no 03-226/P-RM du 30 mai 2003, qui fixent son organisation etdéfinissent ses modalités de fonctionnement.

La mission de l’AMADER porte sur la maîtrisede la consommation de l’énergie domestique et ledéveloppement de l’accès à l’électricité des popu-lations en milieu rural et périurbain. Elle assureégalement le rôle de régulateur dans son domained’intervention.

L’exécution et l’exploitation des systèmes d’élec-trification rurale, à l’exclusion des projets pilotes,seront entièrement la responsabilité du secteur privé.À ce sujet, il existe actuellement en activité deuxSociétés de Services Décentralisés d’Électricité (SSD)et plusieurs petits opérateurs privés disséminés çà etlà dans le pays.

La création de l’AMADER permet aussi de pour-suivre le projet « Stratégie Énergie Domestique »lancé en 1996.

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Libéralisation du sous-secteurélectriqueL’organisation actuelle du sous-secteur de l’électricitéest notamment caractérisée par :

La suppression immédiate de toute forme demonopole pour la fourniture de l’électricité

« Les activités de production, de transport, dedistribution, d’importation, d’exportation et devente d’électricité sur le territoire du Mali peuventêtre assurées sans discrimination par toute personnephysique ou morale, de droit privé ou public, denationalité malienne ou étrangère, selon les moda-lités fixées par l’ordonnance et les textes pris pourson application1.

L’ouverture du capital de EDM au privéLa répartition du capital social de EDM-SA est de60% pour le Partenaire Stratégique (groupe SAUR-INTERNATIONAL et IPS-WA) et de 40% pourl’État du Mali.

EDM privatisée (EDM-SA) est responsable de lafourniture du service public de l’électricité dans les34 localités qu’elle couvrait déjà dans le cadre de laconcession antérieure ; elle devrait couvrir 73 autreslocalités dans 20 ans.

Elle mène cette activité ainsi que celle de l’eaudans 16 villes auxquelles pourraient s’ajouter deuxautres localités avec, toutefois, une séparation nettede leur gestion sur les plans technique, comptable etbudgétaire à travers deux contrats de concessiondistincts d’une durée de 20 ans chacun.

EDM-SA a la propriété totale des ouvrages deproduction, de transport, de distribution ainsi quedes autres actifs appartenant à l’État, à l’exclusion desbarrages et des équipements de production hydro-électrique, dont la propriété juridique relève del’État.

L’État, porteur de 40% du capital de la société,en cédera une partie, au moment qu’il jugera oppor-tun, au personnel et aux privés nationaux et sous-régionaux.

La totalité des agents en activité à EDM a ététransférée à EDM-SA, d’où l’absence d’un plansocial d’accompagnement.

L’ouverture à la concurrence du sous-secteurde l’électricité

L’ordonnance portant sur l’organisation du secteurde l’électricité a déterminé trois catégories de délé-gation de gestion du service public (déclaration,autorisation, concession), selon l’usage et le niveaude puissance installée.

L’autoproduction ne constitue pas un servicepublic. Toute personne souhaitant exercer desactivités d’autoproduction doit, au préalable, soitdisposer d’une déclaration d’autoproduction (pourune puissance supérieure à 50 kW mais inférieure à250 kW), soit obtenir une autorisation d’autopro-duction, pour une puissance supérieure à 250 kW.

L’établissement et l’exploitation d’installations deproduction thermique d’une puissance installéesupérieure à 50 kW et inférieure ou égale à 250 kWou d’installations de distribution basse tension àpartir d’un ou de plusieurs points de transformationmoyenne tension – basse tension à des fins de servicepublic sont placés sous le régime de l’autorisation.

Le ministre chargé de l’énergie délivre lesautorisations.

L’établissement et l’exploitation de toute installa-tion de production hydroélectrique ou des installa-tions de production thermique d’une puissancesupérieure à 250 kW ainsi que de toutes installationsde transport ou de distribution dès que celles-cinécessitent des installations moyenne tension sontplacés sous le régime de la concession. Ces conces-sions sont attribuées par décret pris en Conseil desministres à l’issue d’une procédure d’appel d’offresdont les modalités sont précisées par une directive dela Commission de Régulation.

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1. Lettre de politique sectorielle de l’Électricité et de l’Eaupotable, approuvée le 10 novembre 1999.

Page 169: VERS DE NOUVELLES ORGANISATIONS DU SECTEUR ÉLECTRIQUE

L’Agence Malienne pour le Développement del’Énergie Domestique et de l’Électrification Rurale(AMADER) a vocation à être seule compétente pourgérer l’électrification de toutes les zones dont lapuissance n’excède pas 250 kW.

Dans les zones qui ne font pas partie du périmètreconcédé à EDM-SA, les collectivités décentralisées etles opérateurs privés (y compris EDM-SA) peuventainsi établir des systèmes d’électrification rurale avecl’assistance technique, financière et juridique del’AMADER, et ce, en conformité avec son manuel deprocédures.

Régulation du sous-secteur de l’électricitéPar la Commission de Régulationde l’Électricité et de l’Eau (CREE)La Commission de Régulation de l’Électricité et del’Eau (CREE) est une structure indépendante placéeauprès du premier ministre, dotée de la personnalitéjuridique et de l’autonomie financière.

La CREE est composée de cinq membres titu-laires d’un diplôme d’études supérieures, à savoir :

– un ingénieur électricien,

– un ingénieur hydraulicien;

– un juriste ;

– un économiste spécialisé en matière de tarification;

– un financier.

Ces membres sont nommés pour un mandat decinq ou six ans renouvelable une fois. La CREE estdirigée par un président élu parmi ses membres pourun mandat de cinq ans.

Dans l’exercice de ses missions, la Commissionest assistée par un Secrétariat exécutif composé depersonnel technique permanent.

Le Secrétariat exécutif est dirigé par un Secrétaireexécutif, qui assure, entre autres, le secrétariat de laCommission et participe aux réunions de la Commis-sion avec voix consultative. Il dirige et gère le per-sonnel du Secrétariat conformément aux instructionsde la Commission et au cadre organique.

Missions de la CommissionLa Commission de Régulation de l’Électricité et del’Eau est chargée de la régulation du secteur del’électricité et du service public de l’eau potable dansles centres urbains. Elle a pour missions de :

– soutenir le développement du service public del’électricité et de l’eau;

– défendre les intérêts des usagers et la qualité duservice public ;

– promouvoir et organiser la concurrence entre lesopérateurs ;

– veiller à l’application de la politique tarifaire.

Concernant cependant les opérateurs et exploi-tants, le champ d’intervention de la CREE s’étendexclusivement aux:

– concessionnaires d’électricité, et ce, y compris lestransactions passées par ceux-ci avec les permis-sionnaires et autoproducteurs d’électricité ;

– gestionnaires délégués du service public de l’eaupotable dans les centres urbains.

De façon plus spécifique, la CREE est chargée :

– de l’assistance à l’élaboration de la politique dedéveloppement sectoriel ;

– du contrôle des appels d’offres et de l’octroi desconcessions et des délégations de gestion;

– de l’approbation et du contrôle des tarifs ;

– du suivi des transactions entre opérateurs dans lesecteur de l’électricité ;

– de l’arbitrage des conflits entre opérateurs etentre opérateurs et maîtres d’ouvrages ;

– de la défense des intérêts des usagers ;

– du contrôle et du suivi des conventions.

Pouvoirs de la CREE

Pouvoirs d’enquête et d’investigation

– Enquêtes auprès des administrateurs, des per-sonnes physiques ou morales opératrices dusecteur.

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Page 170: VERS DE NOUVELLES ORGANISATIONS DU SECTEUR ÉLECTRIQUE

– Enquête annuelle auprès des usagers pourévaluer la qualité des services.

– Investigations plus larges auprès des adminis-trations, des usagers, des personnes physiquesou morales opératrices du secteur dans lecadre de ses missions de contrôle.

Pouvoirs d’injonction et de sanction des opérateurs

Pour assurer le bon fonctionnement et la trans-parence du secteur, la CREE peut procéder àl’identification des contrevenants et à l’applica-tion des sanctions prévues par les règlementsspécifiques, sanctions prononcées d’office ou à lademande des :

– organisations professionnelles ;

– associations d’usagers ;

– personnes physiques ou morales opératricesdu secteur ;

après une mise en demeure adressée à l’auteur dumanquement pour qu’il se conforme à la régle-mentation dans un délai déterminé.

Les décisions ont les caractéristiques suivantes :

• Les décisions prises dans le cadre de ses missionset pouvoirs ne sont susceptibles d’aucune tutelletechnique de la part des ministres compétents.

• Les décisions administratives de la CREE sontapplicables au plan national et s’imposent auxmaîtres d’ouvrages, aux opérateurs et aux usagersdès leur publication dans le Journal officiel.

• Les actes, décisions, injonctions et sanctions dela CREE ont le caractère d’actes administratifs etsont susceptibles en tant que tels de recoursjuridictionnel.

Ressources de la CommissionLes ressources de la Commission ont été classées enressources ordinaires et en ressources extraordinaires.

Les ressources ordinaires de la CREE permettentde financer ses charges de fonctionnement constituésde redevances facturées et versées régulièrement à laCREE par les concessionnaires (en l’occurrence

EDM-SA actuellement). Ces redevances sont défi-nies comme suit :

• La redevance électricité est de 0,6 franc CFA parkWh facturé hors catégories sociales par leconcessionnaire, et ce, jusqu’à la fin de lapremière période quinquennale (31 décembre2005).

• La redevance eau est de 1,8 franc CFA par m3

facturé hors catégories sociales pour toute ladurée de la période quinquennale.

Les ressources extraordinaires sont :

– les subventions de l’État, des collectivités territo-riales décentralisées et d’organismes publics ouprivés, nationaux ou internationaux;

– le produit des emprunts ;

– les dons et legs.

La CREE bénéficiera, dans le cadre du Projet«Énergie Domestique et Accès aux Services de Base»(PEDASB), par l’intermédiaire de l’AMADER,d’une subvention de l’État d’un montant de708600 dollars américains pendant une période de5 ans grâce à un crédit accordé par l’InternationalDevelopment Association (IDA).

Par l’Agence Malienne pour le Développement de l’ÉnergieDomestique et de l’ÉlectrificationRuraleDans le cadre des services publics de l’électricité etde l’eau, les ministres compétents exercent les mis-sions, pouvoirs, droits et obligations de la Com-mission de Régulation à l’égard des opérateurs dusecteur concernant :

1. les permissionnaires d’électricité (opérateurstitulaires d’une autorisation.)

2. les gestionnaires délégués de l’eau dans les centresruraux et périurbains.

L’AMADER est un Établissement Public nationalà caractère Administratif (EPA) doté de la person-nalité morale et de l’autonomie financière, et placésous la tutelle du ministre chargé de l’Énergie. Elle a

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pour mission la maîtrise de la consommation del’énergie domestique et le développement de l’accès àl’électricité en milieu rural et périurbain.

C’est pourquoi, dans le cadre de la mise enœuvre de sa mission, elle est dotée, tout comme laCREE, d’un pouvoir de sanction aux manquementsdes personnes morales ou physiques opératrices dansles secteurs de l’énergie domestique et de l’électri-fication rurale.

À ce titre, elle procède à l’identification des con-trevenants aux contrats d’autorisation, de déclarationou de convention de financement en vigueur, et àl’application des sanctions prévues par les règlementsspécifiques aux deux secteurs.

Les sanctions prononcées par l’Agence ont lecaractère d’actes administratifs et sont aussi suscep-tibles en tant que tels de recours juridictionnel.

Elle a reçu, en dotation initiale, des biens meubleset immeubles qui lui sont affectés par l’État.

Ses ressources sont constituées par :

– les subventions de l’État ou les contributions descollectivités territoriales et des organismes natio-naux ou internationaux;

– les frais de dépôt de demande d’autorisation;– les redevances annuelles fondées sur le nombre de

clients, la puissance installée, l’énergie produitepar les déclarants et les permissionnaires ;

– les produits des placements, les dons et legs ;– toute autre ressource mise à la disposition de

l’Agence.

L’AMADER recevra, dans le cadre de la mise enœuvre du PESASB, un financement sous forme dedon de l’État d’un montant de 37,5 millions de dol-lars américains, dont 9,4 millions en appui institu-tionnel et 28,1 millions pour la fourniture deservices d’énergie.

Bilan: facteurs de réussite et pièges à éviterPar « facteurs de réussite », nous entendons tous lesatouts nécessaires à la réussite d’un processus deréforme dans le cadre des expériences de privatisationqui sont en cours dans nos pays.

Cependant, nous pensons qu’il serait prématuréde dresser un bilan ou de tirer des leçons sur lesfacteurs de réussite ou sur les pièges à éviter d’uneopération de privatisation qui date d’à peine trois ans.De plus, certains organismes (comme la CREE oul’AMADER) ne fonctionnent pas encore à pleinrégime.

L’exercice ici opéré visera à donner un aperçu desforces et des faiblesses du processus qui a conduit à laprivatisation de la Société EDM-SA, ainsi que de lasituation des secteurs de l’Électricité et de l’Eau aucours de la période écoulée.

Ce sont sur ces différents points et sur quelquesautres que l’attention des participants sera attiréedans le développement qui suit.

Contexte de la réforme du secteurde l’électricité et de l’eauLa réforme du secteur électrique est intervenue à unmoment où les conditions (la crise énergétique mon-diale au niveau national, les séquelles des années desécheresse, devenues presque endémiques, pour l’éco-nomie malienne, ainsi que les annonces répétées d’unearrivée d’énergie provenant de la centrale hydro-électrique de Manantali – événement devenu sembla-ble à un serpent de mer pour les trois pays del’OMVS) étaient telles que la réalisation de tout pro-gramme d’investissement en matière de production,de transport et de distribution dans les secteurs del’électricité et de l’eau était compromise. La prioritéétait plutôt donnée au maintien en état de fonc-tionnement des équipements déjà en place, à lafourniture continue de l’électricité et à la recherche del’équilibre financier au sein de la société EDM-SA.

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Par ailleurs, force aussi était de constater de nom-breuses carences de gestion des différents interve-nants ainsi que des imprécisions dans les textesorganisant leur fonctionnement.

Sont ici en cause :

– l’irrégularité des hausses tarifaires, même quandcela s’avérait fondé, tant pour le concessionnaireque pour le concédant ;

– la non-incorporation des ouvrages d’adductionsnouvelles d’eau dans le domaine concédé par destextes spécifiques, alors qu’ils ont été réalisés parle concédant et transférés au concessionnaire ;

– la non-séparation stricte (technique, comptableet financière) des deux conventions de concessiondistinctes (électricité et eau) ;

– le montant de plus en plus élevé et pénalisantpour le concessionnaire des impayés du concé-dant (État et démembrements, communes, socié-tés d’économie mixte ou d’État) ;

– l’échec de la Délégation Globale de Gestion Tem-poraire, marquée par des années de délestagesrépétitifs et l’acquisition d’équipements deproduction inappropriés et inadaptés.

Facteurs de réussiteLe ministre chargé de l’Énergie, responsable de lacoordination des activités entrant dans le cadre de laréforme des secteurs, a mis en place plusieurs struc-tures de concertation et d’aide à la décision.

Un Groupe Technique d’Appui (GTA) sera ainsicréé ; outre des responsables directs du département,il comprend des représentants :

• de la Présidence ;

• de la Primature ;

• du Secrétariat Général du Gouvernement (pourl’appréciation des projets de textes législatifs etréglementaires) ;

• du ministère de l’Économie et des Finances(pour les incidences financières de certainesmesures) ;

• du ministère des Domaines de l’État (pour ladétermination de la part du capital, ainsi que desbiens privés ou du domaine public de l’État àcéder dans le cadre de l’ouverture du capital de lasociété de production, de transport et de distri-bution publique d’électricité) ;

• du ministère des Industries, du Commerce et de l’Artisanat (pour les problèmes tarifaires,notamment) ;

• du Bureau des Entreprises Publiques (comptetenu du volet privatisation) ;

• des salariés de EDM (réticents au départ, carpour eux privatisation équivalait à suppressiond’emplois).

Par ailleurs, il a été instauré le principe d’uneréunion de concertation avec les principaux bailleursde fonds (Banque mondiale, Agence française de déve-loppement, KFW, Agence canadienne pour le dévelop-pement international, Banque africaine de développe-ment) afin de pouvoir prendre en compte leurs avis surcertains sujets avant leur soumission au gouvernement,et où il sera question des points d’accord et de diver-gence, notamment.

Enfin, sous la tutelle du ministère, il seraprocédé:

a) à la mise en place d’une cellule technique depilotage de la restructuration du secteur et de laprivatisation de EDM (composée d’un coor-donnateur, d’un ingénieur électricité/eau, d’unfinancier/économiste et d’un personnel d’appuipour assister le GTA);

b) au recrutement d’une banque d’affaires (chargéed’élaborer différents documents, rapports, texteslégislatifs et réglementaires, etc. pour le comptedu GTA);

c) au recrutement d’un consultant indépendant,expert en restructuration des sociétés d’électricitéet d’eau (pour donner avis et recommandationssur les propositions de la banque d’affaires avantleur discussion au sein du GTA);

d) au recrutement d’un consultant juridique malienpar un contrat à durée déterminée.

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Avant et après chaque étape du processus deréforme, une campagne d’information était menée,à travers soit un atelier, soit une séance de travail,auprès des députés, des associations de consomma-teurs et plus particulièrement des différents parte-naires nationaux (patronat et syndicats notamment).

Toute cette organisation constitue un des facteursde succès car, à chaque étape, l’explication d’unemesure a souvent permis son approbation consen-suelle à tous les niveaux, chacun s’étant senti impli-qué dans le processus tout en ayant pu connaître lestenants et aboutissants de la mesure.

Pièges à éviterAu sujet des pièges à éviter, il peut s’agir essentiel-lement des contraintes liées à l’exigence pour lasatisfaction des conditions préétablies en vue de l’exé-cution des programmes et des projets avec certainspartenaires au développement, et aux facteurs socio-économiques ou politiques internes du processus dela privatisation dans un délai prédéterminé.

Le processus de réforme peut, par conséquent,être entravé en raison:

– des prises de décisions à la hâte ;

– d’un délai court ;

– de textes élaborés manquant de clarté et deprécision;

– de programmes de développement mal définis etpar conséquent imprécis ;

– de la définition des nouvelles formules d’indexationdes tarifs d’électricité souvent inappropriée et nonmaîtrisable par le concédant;

– des actifs de la société mal identifiés et par consé-uents sous-évalués ;

– du niveau du capital social qui est non maîtriséet dont la répartition est inadéquate entre leconcédant et le Partenaire Stratégique.

Les contrats qui sont conclus dans ces conditionsconduisent généralement à des conflits sociaux entrel’État et les travailleurs, d’une part, et, d’autre part,entre l’État et le nouveau Partenaire Stratégique.

Au nombre des difficultés pour l’application desnouvelles formules d’indexation des tarifs de l’électri-cité et de l’eau, il peut être cité, notamment:

– la définition du prix plafond et du prix moyen;

– les valeurs du prix plafond et de certains indicesde la formule d’indexation;

– les valeurs des indices et coefficients à prendre encompte lors de l’application de la formuled’indexation.

Ainsi donc, malgré l’implication de plusieursintervenants nationaux ou étrangers pour conduirele processus de privatisation, il y a eu des piègesqu’on n’a pas pu éviter.

Un autre point important qu’on a cependant puéviter est la mise en place d’un plan social. L’enga-gement de ne renvoyer aucun employé de EDM aété respecté. La totalité des agents en activité a étémaintenue, avec tous les droits déjà acquis ; cela apermis de ne pas avoir de troubles sociaux avec lessyndicats.

Mention doit être faite de l’importance à accor-der à l’inventaire des installations d’exploitation etsurtout à la réévaluation du bilan. La prise encompte de ces aspects a permis de proposer un mon-tant de capital social de 20 milliards de francs CFApour l’ouverture du capital de EDM-SA au Parte-naire Stratégique lors de l’appel d’offres. La banqued’affaires et certains partenaires au développementavaient cependant estimé ce montant à 4 milliardsde francs CFA.

Enfin, l’État, en décidant d’être porteur de 40%de ce capital, pourra toujours en céder, au momentqu’il jugera opportun, au personnel, aux privésnationaux et sous-régionaux, et ce, totalement ou enpartie.

Le Mali n’a pas en effet d’expérience de personnelactionnaire et la société EDM n’est toujours pascotée à une Bourse des valeurs.

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ConstatationsAu cours des deux premières années de la concession,les dispositions contractuelles définissant les principesde gestion et d’exploitation des secteurs de l’électricitéet de l’eau potable au Mali ont soulevé un certainnombre de difficultés dans leur application.

Ces difficultés résultent essentiellement descontradictions et du manque de clarté des articles descontrats de concession traitant de l’indexationtarifaire.

Aussi est-il aujourd’hui envisagé de procéder àune relecture des textes de contrats de concession etde leurs annexes en vue de leur amélioration.

Les actions suivantes sont à retenir dans le cadrede la privatisation:

Avant l’arrivée de l’énergie hydroélectriquemoins coûteuse de Manantali en janvier 2002

– le renforcement de la capacité thermique dansle réseau interconnecté, avec une puissance de8,1 MW pour des investissements d’environ3 milliards de francs CFA;

– l’amélioration de la desserte en eau danscertaines localités de l’intérieur ;

– la réhabilitation des groupes des centresextérieurs isolés et la révision des groupes duréseau interconnecté ;

– la réalisation d’environ 15 000 nouveauxbranchements à Bamako sur des réseaux dedistribution déjà existants dans les quartierspériphériques ;

– la détérioration des niveaux de rendement enélectricité et en eau, qui étaient déjà bas dansle réseau interconnecté ;

– la hausse des tarifs d’électricité de 26,5% etdes tarifs d’eau de 15,7% en 2001, ramenésrespectivement à 5% et à 10% pour le con-sommateur après le paiement d’une com-pensation de 10 645 milliards de francs CFAen faveur de EDM-SA par l’État pour les21,5% et les 5,7% de l’électricité et de l’eaurespectivement.

Après l’arrivée de l’énergie hydroélectrique de Manantali

– la réduction significative des dépenses en car-burant dans le réseau interconnecté à la suitede l’arrêt de la turbine à combustion qui con-sommait en régime de marche normalejusqu’à 160000 litres de DDO par jour ;

– l’amélioration des résultats de la société auxplans technique et financier ;

– l’augmentation des tarifs d’électricité en 2002de 4,35 % et des tarifs d’eau de 13,16 %,consécutivement à l’application mécaniquedes formules d’indexation tarifaire ;

– la non-concrétisation du programme d’inves-tissement prévu, faute de mobilisation desfinancements nécessaires. Il transparaît dudernier plan quinquennal, préparé par EDM-SA, que la société souhaiterait un engagementde l’État dans le financement des investis-sements lourds de transport de l’électricité etdes infrastructures de l’eau;

– les augmentations des tarifs d’électricité en2003 de 7,59% et de 0,26%, respectivementpour l’électricité et l’eau, calculées par EDM-SA, ne seront pas appliquées. La Commissionde Régulation a décidé, à la demande duMaître d’Ouvrage qui souhaitait voir les tarifsbaisser, de ramener la grille tarifaire del’électricité à son niveau du 1er janvier 2000,soit une baisse moyenne d’environ 10% destarifs en vigueur le 31 décembre 2002. Demême, une baisse de 10 % des tarifs envigueur le 31 décembre 2002 pour l’eau a étéopérée. Le Maître d’Ouvrage s’est engagé àcompenser ces baisses tarifaires avec un mon-tant de 5,15 milliards de francs CFA à la suitede l’évaluation de la Commission deRégulation.

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Conclusion et recommandationsNous concluons cet exposé en attirant l’attention desparticipants sur certains enseignements tirés del’expérience des réformes des secteurs de l’électricitéet de l’eau au Mali.

Il s’agit de :

• La faiblesse des capacités pour le contrôle tech-nique et l’analyse financière en l’absence de per-sonnel qualifié, en ce qui concerne le Maîtred’Ouvrage et la Commission de Régulation, sontdes facteurs qui incitent le Partenaire Stratégiqueà violer les contrats sans que les obligations etsanctions qui en découlent ne soient appliquées.

• L’absence d’implication suffisante ou le faibleintérêt des plus hautes autorités dans le suivi et labonne application des dispositions contractuellessont de nature à créer des frustrations chez lescadres qui s’engagent pour la bonne exécution descontrats. Le Partenaire Stratégique aura tendanceà se comporter comme s’il était en territoireconquis.

• La non-maîtrise ou non-clarification des prin-cipes de tarification en amont de la réformepeuvent conduire à des trop-perçus au profit duPartenaire Stratégique.

• La capacité supposée de financement ou de mo-bilisation des financements du Partenaire Straté-gique pour la réalisation des investissementsn’existe en fait pas, d’où l’absence de programmed’investissement consistant. Le Partenaire Stra-tégique cherche à se détourner de ses obligationscontractuelles et à se servir de l’État commegarant auprès des partenaires financiers pourobtenir les financements à des taux concession-nels dont il pourrait tirer bénéfice.

• L’absence de capacités suffisantes de productionélectrique à long terme induit des risques élevésde dysfonctionnement en matière de fourniturecontinue en électricité.

• Les crises de trésorerie entretenues conduisent aureport des programmes de développement et lasimple maintenance des équipements se trouvecompromise.

Face à ces situations se pose alors la question de larelecture des contrats, d’où la naissance des conflitsentre les parties.

Les contrats de concession d’ouvrages, commecelui du Mali, avec le désengagement total de l’Étatdes investissements dans les segments de production,de transport et de distribution, semblent avoirmontré leurs limites.

Les réflexions devraient porter à notre avis sur lesnouvelles formes de partenariat entre l’État, les par-tenaires privés et les partenaires au développement,dans le cadre de contrats de délégation de gestionrelatifs aux aspects techniques ou commerciaux.

Dans un tel schéma, l’État devra assurer le déve-loppement des infrastructures en bénéficiant desfinancements concessionnels. Le Partenaire Straté-gique s’occupera d’apporter son expertise dans lesdomaines de l’exploitation, de la maintenance et enmatière de gestion financière d’entreprise.

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Au Maroc, le développement de l’électricité a étéréalisé durant la première partie du XXe siècle parl’initiative privée, tant en ce qui concerne la pro-duction, le transport que la distribution.

Au lendemain de son indépendance, à l’imagedes autres pays qui avaient été colonies, protectoratsou mandats, le gouvernement marocain a substituéla nationalisation à la concession: il créait en 1963l’Office National de l’Électricité (ONE), un établis-sement public à caractère industriel et commercial,chargé des services publics de la production, dutransport et de la distribution de l’énergie électrique.

Cependant, en 1994, 31 ans après la constitutionde l’Office National de l’Électricité, le décret du23 septembre 1994 mettait fin au monopole deproduction de l’établissement public.

Le Maroc devenait le premier pays d’Afrique duNord à introduire la production indépendanted’électricité avec le développement du complexethermique de Jorf Lasfar par un consortium d’opéra-teurs privés sous forme d’un contrat de BOT*(construction, exploitation, transfert). En parallèle,les autorités marocaines responsables entamaient desnégociations avec les entreprises privées pourremettre en concession la distribution de l’eau et del’électricité des deux capitales – économique etadministrative – du pays.

Cette évolution s’est faite dans un contexte géné-ral de mondialisation et de libéralisation du secteurénergétique, tant dans les économies développéesque dans les pays en développement. Il faut rappeler,en outre, que le Maroc ne dispose que de très peu deressources énergétiques nationales. Ainsi, pour faire

face à la croissance de ses besoins, le gouvernement afait appel à l’apport de capitaux étrangers pour ledéveloppement de son secteur électrique.

L’Office National de l’Électricité,«clef de voûte» du systèmeélectriqueL’Office National de l’Électricité (ONE) a été créépar Dahir (Loi) en août 1963. Il reprend les activitésde la Société Énergie Électrique du Maroc – de statutprivé –, à qui étaient confiés depuis 1924, parcontrat de concession d’une durée de 75 ans, laproduction, le transport et la distribution (hors desgrandes villes) de l’énergie électrique. À cette époque,les centrales de la Société Énergie Électrique duMaroc assuraient 90% de la production nationale.

Pour ce qui est de la zone au nord et des provincessahariennes au sud – sous administration espagnole –,les activités électriques de différentes sociétés, dont laplus importante était Electras Marroquies (EM), crééeen 1913 et bénéficiant de plusieurs concessions àperpétuité, ont également été reprises par l’ONE.

L’Office National de l’Électricité est un établisse-ment public à caractère industriel et commercial,doté de la personnalité civile et de l’autonomiefinancière. Il est placé sous la tutelle du ministère del’Énergie et des Mines.

Les droits et obligations de l’ONE sont définisdans un cahier des charges approuvé par décret en1974, et qui définit les conditions techniques,administratives et financières relatives à l’exploitationdes ouvrages de production, de transport et dedistribution de l’électricité.

Libéralisation du secteur énergétique au Maroc: le cas de l’électricitéDenis LEVYConsultant, France

* BOT : traduction du français Construction, Exploitation,Transfert (CET).

Page 177: VERS DE NOUVELLES ORGANISATIONS DU SECTEUR ÉLECTRIQUE

L’Office National de l’Électricité était chargédepuis sa création de la production, du transport etde la distribution de l’énergie électrique. Il avaitl’exclusivité de l’aménagement des moyens de pro-duction de l’énergie électrique d’une puissancesupérieure à 300 KW.

Mais depuis, le décret de 1994 a introduit l’ouver-ture à la production indépendante d’électricité, avecgarantie d’achat, pour des puissances supérieures à10 MW, et a conféré à l’ONE le statut d’acheteurunique. Ainsi, l’ONE a été habilité à passer, aprèsappel à la concurrence, des conventions avec despersonnes morales de droit privé, pour la productionpar ces dernières de l’énergie électrique d’une puis-sance supérieure à 10 MW, et ce, selon les modalitéssuivantes:

• La totalité de la production doit être destinéeexclusivement à la satisfaction des besoins del’Office ;

• Les conditions d’équilibre économique prévuespar la convention doivent être maintenues pen-dant la durée d’exécution de ladite convention.

« Le recours à la production concessionnellepermet de réduire les investissements publics enmobilisant les financements privés et assure, parailleurs, l’accès à un prix concurrentiel de cession dukWh à travers les appels d’offres internationaux. »(ministère de l’Énergie et des Mines du Maroc)

La production électrique assuréemajoritairement par le privéLes ouvrages de production, dont dispose l’ONE,sont constitués de 24 centrales hydroélectriquestotalisant une puissance installée de 1265 MW, de5 centrales thermiques vapeur totalisant 2505 MW,de 6 centrales à turbines à gaz totalisant 615 MW,d’une production thermique diesel de 69 MW etd’un parc éolien de 53,9 MW, soit une puissanceinstallée globale de 4507,9 MW.

Parmi ces ouvrages de production, la centralethermique au charbon de Jorf Lasfar de 1370 MWainsi que le parc éolien d’Al Koudia Al Baida de53,9 MW, sur le site Abdelkhalek Torrès, sontexploités en gestion déléguée par des producteursprivés, et représentent plus de 50% de l’électricitéproduite. Le prix d’achat, par l’ONE, de l’énergieélectrique produite est fixé contractuellement.L’ONE garantit l’enlèvement de toute l’énergieproduite par la centrale de Jorf Lasfar et par le parcéolien d’Al Koudia Al Baida ainsi que de la puissancedéclarée disponible de la centrale de Jorf Lasfar(contrat d’enlèvement minimum).

Un projet de centrale est actuellement en coursde réalisation à Tahaddart, utilisant la technologie ducycle combiné et fonctionnant au gaz naturel livré àpartir du gazoduc Maghreb-Europe. Cette centrale,d’une puissance de 385 MW et dotée d’une turbineà gaz, verra sa construction portée par une société dedroit privé réunissant l’ONE (48 %), ENDESA(32 %) et SIEMENS PG (20 %) et représente desinvestissements de l’ordre de 230 millions $US. Ellesera ensuite exploitée par SIEMENS PG. Cettecentrale sera réalisée sous « le régime de productionconcessionnelle d’électricité », conformément audécret du 23 septembre 1994. L’ONE s’engage àacheter la totalité de l’électricité produite pendanttoute la période de validité du droit de jouissance,fixée à 20 ans.

Pour répondre aux besoins du réseau national, lamise en service de cette centrale est prévue pour ledébut de 2005.

Ce sera la première centrale, au Maroc, à utiliserla technologie du cycle combiné qui présente demultiples avantages: coût d’investissement réduit parrapport à celui d’une centrale classique, meilleurrendement énergétique, besoins en eau de réfrigé-ration réduits de moitié et meilleur respect del’environnement.

Le parc de production de l’ONE, à la fin dedécembre 2003, est donné au tableau 14.1.

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Page 178: VERS DE NOUVELLES ORGANISATIONS DU SECTEUR ÉLECTRIQUE

L’année 2003 a aussi vu la mise en service desusines hydrauliques d’Al Hansali (92 MW) et d’AïtMessaoud (6 MW).

Le transport de l’énergie électriqueest du ressort exclusif de l’ONELe réseau de transport reliant les moyens de produc-tion aux centres de consommation, qui couvre unetrès grande partie du territoire national, est constituéde 727 km de lignes de 400 kV, de 6349,3 km delignes de 225 kV, de 316,4 km de lignes de 150 kVet de 9363,3 km de lignes de 60 kV.

Il est, par ailleurs, interconnecté avec le réseaualgérien au moyen de deux lignes de 225 kV (pourune puissance de 300 MW) et avec le réseau espa-gnol au moyen de deux câbles sous-marins de400 kV (pour une puissance de 700 MW).

À la fin de décembre 2002, le réseau de transportétait constitué de 16756 km de lignes.

La distribution de l’électricité: une fonction essentielle assuréepar plusieurs acteursAvant la constitution de l’ONE, l’essentiel du servicepublic de la distribution (eau et électricité) était con-fié par le biais de contrats de délégation de gestion àla Société Marocaine de Distribution d’Eau, de Gazet d’Électricité – SMD, filiale de la Société lyonnaised’eau et d’éclairage – pour les villes suivantes6 :

– En 1914, concession pour l’eau potable àCasablanca (en association avec Schneider et laBanque de Paris et des Pays-Bas).

– En 1915, première mission de travaux et d’exploi-tation pour l’électricité de Casablanca,transformée en concession en 1920.

– En 1915, contrat pour l’eau et l’électricité àRabat.

– En 1917, électricité à Fès.

– En 1918, contrat pour l’eau et l’électricité à Salé.

– En 1919, eau à Tanger.

– En 1922, électricité à Marrakech, à Safi et àMazagan, dénommée maintenant El Jadida(association de la SMD et de la Banque de Pariset des Pays-Bas).

– En 1925, électricité à Meknès.

À la SMD s’ajoutaient la Société Chérifienned’Énergie (SCE) pour les petites localités et l’élec-trification rurale, l’Entreprise Électrique de Zenâta –Mohammedia (EEZM) pour les zones suburbaines deCasablanca et l’Entreprise Électrique de la banlieue deMarrakech (EEBM) pour la ville de Marrakech.

En parallèle à la constitution de l’ONE, le gou-vernement marocain transférait à des régies muni-cipales la charge de la distribution de l’eau et del’électricité pour les villes importantes, mais laissaitle soin à l’ONE d’assurer la distribution dans le restedu territoire.

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Tableau 14.1Parc de production de l’ONE à la fin de 2003

PPuuiissssaannccee iinnssttaallllééee ((MMWW))

2266 cceennttrraalleess hhyyddrraauulliiqquueess 11226655

TThheerrmmiiqquuee 33118899

5 centrales thermiques vapeur dont 2505

charbon 1785

mazout 720

6 centrales à turbines à gaz 615

Thermique diesel 69

ÉÉoolliieenn (dont 50 MW de la CED*) 5533,,99

TToottaall OONNEE 44550077,,99

* CED: Compagnie Éolienne de Détroit

Source : ONE.

6. D’après François Henriot, Au fil de l’eau, Impr. de la Valléed’Eure, 27-Pacy-sur-Eure, 1995, p. 19 et suivantes.

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Depuis le retour à la concession pour les villes deCasablanca et de Rabat, et plus récemment pourTanger et Tétouan, la distribution d’électricité serépartit entre les acteurs suivants :

• L’ONE, notamment en zone rurale et dansplusieurs centres urbains (50% du secteur).

• Des régies municipales (eau et électricité) ouintercommunales, placées sous la tutelle duministère de l’Intérieur pour les grands centresurbains (14%).

Le prix de l’énergie électrique distribuée est fixépar décret du premier ministre dans ces deux cas.

• Des opérateurs privés délégataires pour la distri-bution de l’énergie électrique et de l’eau (36%)dans les villes de Casablanca, de Rabat, de Tangeret de Tétouan. Le prix de l’énergie électrique dis-tribuée est fixé dans ce cas par voie contractuelle.

Les prix d’achat de l’électricité à l’ONE sontuniformisés sur tout le territoire; ils sont fonction dela tension (tarifs THT-HT, MT et BT) et des plageshoraires. Il existe cependant des redevances de puis-sance pour les régies (en fait, ce sont des ristournesaccordées à certaines régies à titre exceptionnel).

Décennie 90: Les limites du systèmeélectrique marocain amènent le gouvernement à repenserl’organisation du secteurLe système électrique marocain, au lendemain del’indépendance du pays, était organisé autour d’unmonopole public verticalement intégré ; la distri-bution dans les villes et agglomérations étant assuréepar des régies municipales ou intercommunales.

Si ce système a fonctionné de manière, sommetoute, satisfaisante jusqu’au début des années 1980,des défaillances significatives sont apparues, particu-lièrement durant les années de grandes sécheresses(1983 à 1985, 1992 et 1993).

Ces défaillances ont été accentuées par une de-mande en électricité croissante ainsi que des retardsdans la mise en service de certains moyens de

production, dus au manque de ressources financièresainsi qu’aux délais de mise en place des financementspublics.

Par ailleurs, le réseau d’électrification se concen-trait essentiellement autour des villes et des agglomé-rations. Le taux d’électrification rurale, en 1995, nedépassait pas 18%; à comparer avec celui de l’Algérieoù il était de 86 %, ou celui de la Tunisie quiatteignait 70% à la même époque.

D’autres facteurs explicatifs de cette impasserésidaient dans :

• la répartition des ressources énergétiquesexploitées : La part de la production hydrauliqueinstallée prenait le pas sur les installations deproduction thermique. Si l’on ne peut contesterles avantages de la production hydraulique parrapport à une production thermique – mobilisa-tion des ressources nationales, flexibilité dans sonutilisation, coût de production faible – on nepeut pas ne pas prendre en considération les aléasclimatiques du pays ;

• la structure tarifaire de l’électricité vendue : Àl’image des autres pays en développement, celle-ci privilégiait une tarification sociale de l’électri-cité, et n’intégrait aucune mesure visant à unequelconque maîtrise de la demande d’électricité ;

• la nécessité de satisfaire une demande toujourscroissante impliquant, pour la collectivité, desinvestissements colossaux : Compte tenu deslimites structurelles de l’autofinancement del’ONE et du niveau d’endettement du Maroc, onavait atteint les limites de l’épure en ce qui con-cerne le financement public des investissementsnécessaires à la satisfaction des besoins de lapopulation marocaine en énergie électrique.

Pour faire face à cette situation, le gouvernementa demandé à l’ONE, en concertation avec ses admi-nistrations de tutelle, de proposer les modificationslégales permettant de trouver une solution à cetteimpasse.

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Cela conférait à l’ONE une position particulièredans le domaine de l’électrification rurale, lui don-nant le rôle d’opérateur stratégique en coordinationavec le ministère de l’Intérieur – ayant en chargel’aménagement du territoire – et les collectivitéslocales.

Électrification rurale: un effortsignificatif qui ouvre l’accès aux services essentiels pour tousLe gouvernement marocain, conscient de l’effort àréaliser dans le domaine de l’électrification rurale, aconsacré, durant les années 1975 à 1995, ses moyensau renforcement des installations de production et àl’extension du réseau électrique de l’ONE.

Il mettait en place, à la fin des années 1970, le Pro-gramme National d’Électrification Rurale (PNER I,puis PNER II), financé par l’État et les collectivitéslocales. Ce programme était assorti de la création d’unfonds spécial dédié à l’électrification rurale, alimentépar un prélèvement de 4,5% sur les recettes de ventede l’ONE.

Conformément à la décision de la CommissionInterministérielle d’Électrification Rurale en 1978, lapremière phase du PNER a été réalisée entre 1982 et1986 et a permis d’électrifier 287 villages ruraux,totalisant 80000 foyers. Le PNER I a été financé à50% par l’État et à 50% par les collectivités locales. Ila bénéficié d’un prêt de la Banque internationale dereconstruction et de développement (BIRD) de30 millions $US. La deuxième phase du PNER (réali-sation prévue entre 1991 et 1999) visait le raccor-dement de 600 villages, totalisant environ 84000foyers. Le PNER II, financé à 100% par les collec-tivités locales, a bénéficié d’un prêt de la BanqueEuropéenne d’Investissement (BEI) de 30 millionsd’ECU et d’un prêt de la BIRD de 114 millions $US.

Ces programmes visaient l’électrification parsimple extension du réseau du territoire national enpartant du réseau des grandes agglomérations pourl’agrandir, peu à peu, afin de couvrir le territoirenational. En raison de l’objectif poursuivi, ces pro-grammes ne pouvaient assurer l’électrification de la

totalité des foyers ruraux du pays à brève échéance etpermettre ainsi de résorber le retard accumulé dans ledomaine.

Ce constat a amené l’ONE à proposer un nou-veau programme appelé « Programme d’Électrifi-cation Rurale Global » (PERG), approuvé en août1995 et piloté par l’ONE depuis. «Le PERG permetd’accélérer l’électrification rurale et d’engager l’ONEjusqu’à l’an 2006 dans cette mission d’assurer l’uni-versalité du service public d’électricité » (Benhima,2000).

Le PERG est un programme participatif, dont lefinancement tripartite est assuré par les collectivitéslocales, les foyers bénéficiaires et l’ONE.

Le schéma général de cette répartition est le sui-vant, pour ce qui est de l’électrification par réseau:

• Les collectivités locales participent à hauteur de2085 Dh par foyer bénéficiaire, montant réglé aucomptant ou à hauteur de 500 Dh par foyerbénéficiaire par an pendant 5 ans.

• Les foyers bénéficiaires participent pour le com-plément de 2252 Dh par foyer, à régler comptantlors de l’abonnement ou à hauteur de 40 Dh parfoyer et par mois pendant 7 ans.

• L’ONE finance le reliquat, soit 55% du montantglobal de l’investissement.

D’autres partenaires peuvent également partici-per au financement du PERG : des associations,l’Agence de Développement du Nord, les ConseilsProvinciaux, la Direction Générale des CollectivitésLocales, etc.

La recherche constante du meilleur rapportqualité/prix à l’égard de la mise en œuvre des diffé-rentes solutions techniques et du moindre coûtd’électrification par foyer a été maintenue depuis ledébut du PERG en 1996.

Cette recherche d’efficacité a vu son prolonge-ment naturel dans une diversification progressive desoptions techniques à travers le développement del’électrification rurale décentralisée – concernant lesvillages éloignés du réseau – par la mise en œuvre de

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systèmes d’électrification basés sur les énergiesrenouvelables. Ces développements sont le fruitd’une coopération entre l’ONE et le Centre de Déve-loppement des Énergies Renouvelables (CDER).

Dans le domaine de l’électrification rurale décen-tralisée par systèmes photovoltaïques, L’ONE adéfini plusieurs types de prestation de la part desopérateurs privés :

• La prestation de services : L’ONE confie l’instal-lation, le service après vente et le recouvrementdes échéances auprès des bénéficiaires (clients del’ONE), pour son compte, à une société privée :1 500 kits ont été ainsi mis en œuvre dans laprovince de Khouribga. Le matériel installé, àsavoir le module, la batterie et le régulateur, restela propriété de l’ONE jusqu’au règlement par leclient de l’ensemble de ses échéances.

• L’action en partenariat : L’ONE fournit les pan-neaux photovoltaïques et les batteries à desentreprises qui se chargent de les installer et quis’engagent à compléter à leurs frais l’équipementet à en assurer l’installation, l’entretien et le ser-vice après vente. Les entreprises se font rému-nérer directement par leurs clients, les foyersbénéficiaires : un projet de 7000 kits est en coursde mise en œuvre dans la province de Taroudant,dont 4490 ont déjà été installés à la fin de 2003.Le panneau et la batterie installés chez le clientbénéficiaire restent la propriété de l’ONEjusqu’au règlement par le client de l’ensemble deses échéances. Le choix des entreprises se fait sys-tématiquement par voie d’appels d’offres.

Les deux approches se basent sur une offre uniqueà la clientèle. Le financement est assuré par l’ONE etles foyers bénéficiaires ; il dépend de la formuleretenue. En principe, la participation des foyersbénéficiaires comprend une avance (de 1 500 à2 000 Dh) et une mensualité (entre 40 et 60 Dh)pendant 7 ans. Le panneau et le régulateur sontgarantis 7 ans par l’ONE; le remplacement du restedu matériel est au frais du bénéficiaire.

• L’approche «Fee for Service » : Toujours dans lesouci d’améliorer le service offert à la clientèle,une nouvelle approche vient d’être introduite parl’ONE, basée sur un concept de fourniture d’unservice complet au client. Les prestations qui sontconfiées à un opérateur privé couvrent, en plusde la fourniture et de l’installation des kits photo-voltaïques, la réalisation de l’installation élec-trique intérieure des foyers avec la fourniture deslampes et des accessoires, ainsi qu’un serviced’entretien incluant le renouvellement du maté-riel pendant dix ans. Cette approche, qui assureaux clients une garantie de service et une conti-nuité de fourniture d’électricité, trouve un échofavorable auprès de la clientèle et se généralisemaintenant dans toutes les provinces disposantd’un potentiel solaire.

En 2003, le PERG a permis d’électrifier 2564 vil-lages par réseaux interconnectés et 581 villages parsystèmes photovoltaïques (électrification ruraledécentralisée), ce qui a permis à 161049 foyers debénéficier du service de l’électricité.

À la fin de 2003, 13 235 villages avaient étéélectrifiés depuis le lancement du PERG en 1996, cequi a ouvert l’accès à l’électricité à 989946 foyers,soit à 6434000 habitants.

Ce programme permettra d’atteindre un tauxd’électrification rurale par connexion au réseaunational de 91 % en 2007. L’intégration de l’élec-trification par systèmes photovoltaïques pour150000 foyers environ permettra la généralisation del’électrification rurale à l’horizon 2007.

La situation géographique du Maroc, élément stratégique desa politique d’approvisionnementénergétiqueLe Maroc est tributaire, pour 90% de son énergieprimaire, de l’extérieur. Ainsi, pour améliorerl’approvisionnement électrique du pays, le systèmeélectrique est interconnecté avec le réseau algérien aumoyen de deux lignes de 225 kV (pour une

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puissance de 300 MW) et avec le réseau espagnol aumoyen de deux câbles sous-marins de 400 kV (pourune puissance de 700 MW).

Une deuxième interconnexion sous-marine avecl’Espagne, visant à doubler la capacité physique detransit entre les deux pays, a été lancée à l’été 2003.Sa mise en service est prévue pour décembre 2005.D’après l’ONE, cette seconde interconnexion sous-marine entraînera à terme pour les entreprises maro-caines une réduction du prix de l’électricité compriseentre 10 et 15%, suivant la tension (haute ou nor-male). Outre la réduction de la facture énergétiquedu pays, cette interconnexion vise également àsécuriser l’alimentation du Maroc.

Par ailleurs, le gazoduc Maghreb-Europe, mis enservice en 1996, permet au Maroc de percevoir uneredevance de transit au titre du droit de passage surles quantités transitant par le Maroc vers l’Espagneet le Portugal. Cette redevance est valorisée en natureet est de l’ordre de 600 à 700 millions de m3 de gaznaturel qui alimente la récente centrale à cyclecombiné de Tahaddart (cf. plus haut). La réserve decapacité du gazoduc, prévue pour le Maroc, est de1,4 milliard de m3.

Entre service public et libreconcurrence, la libéralisationprogressive du secteur électriqueau MarocLa ligne de partage, entre ce que l’État doit conti-nuer à garantir aux usagers et ce qui est du domainede la libre concurrence, est au cœur de la politiqueengagée par le gouvernement marocain pour libéra-liser son secteur électrique. L’objectif à terme est delibéraliser 60% de la consommation nationale.

Les principes de cette modernisation retenus sont:

• l’affirmation d’une politique énergétique forte etla définition de missions de service public ;

• l’ouverture partielle et progressive du marché à laconcurrence ;

• la mise en place d’un mécanisme de régulationcompatible avec l’organisation administrative auMaroc;

• le désengagement de l’État des activités indus-trielles et une nouvelle organisation de l’ONE.

Les départements de l’Énergie, de l’Économie,des Finances et de l’Intérieur, l’Office National del’Électricité ainsi que le Conseil national de la con-currence sont chargés, chacun en ce qui le concerne,de veiller à l’accomplissement des missions du servicepublic de l’électricité et au bon fonctionnement dumarché électrique.

L’organisation envisagée du secteur électriquemarocain aurait les caractéristiques suivantes :

• Le service public de l’électricité doit garantir ladisponibilité de l’énergie électrique par la plani-fication des infrastructures de production enadéquation avec l’évolution du secteur et lesbesoins nationaux, ainsi que l’alimentation deszones du territoire non interconnectées au réseaunational.

• Le réseau de transport d’électricité est considérécomme un monopole naturel, placé au cœur dusecteur et devant être mis à disposition de tousdans des conditions non discriminatoires.

• La mission de service public de la distribution del’électricité est assurée par les régies municipalesde distribution de l’électricité, par les distribu-teurs privés dans le cadre des contrats de gestiondéléguée passés avec les autorités concédantes oupar l’ONE, chacun à l’intérieur de son périmètred’intervention.

Avec l’électrification du pays, le service publicgarantit le droit d’accès de tous les citoyens à l’élec-tricité, un produit de première nécessité.

Cette mission est prise en charge par l’ONE,chargé d’assurer l’électrification du pays par ledéveloppement du réseau de distribution rural oupar le recours à l’électrification décentralisée, et ce,dans le cadre du Programme d’Électrification Rurale

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Global (PERG) et périurbain par la réalisation desconventions passées avec les autorités chargées del’aménagement du territoire.

Le service public doit assurer la fourniture del’électricité, avec une bonne qualité de service et aumeilleur coût possible, aux clients non éligibles, aumarché libre ainsi que le secours aux clients éligiblesen cas de défaillance imprévue du marché libre.Cette mission est assurée par l’ONE.

La nouvelle organisation du secteur doit permettreune ouverture partielle et progressive du marché à laconcurrence. Seule une partie des consommateurs,dits «éligibles», sera libre de s’approvisionner auprèsdu fournisseur de son choix ; le reste des consom-mateurs, dits «non éligibles », continuera à êtreapprovisionné par l’ONE. La frontière entre les deuxcatégories de consommateurs, dite «seuil d’éligibilité», doit évoluer dans le temps. Pour l’instant, ce «seuil» est fixé à la charnière HT/MT; les régies municipaleset délégataires des municipalités sont considéréescomme non éligibles, la raison avancée étant qu’ellessont alimentées par de la moyenne tension.

Dans cette nouvelle organisation coexistent :

1. un «marché libre » dans lequel des producteursen concurrence approvisionnent les clients éli-gibles, à travers une «bourse de l’électricité» oudes contrats bilatéraux directs ;

2. un marché « réglementé » dans lequel l’ONEassure exclusivement l’approvisionnement desclients non éligibles ;

3. un cadre réglementé d’accès non discriminatoiredes opérateurs des deux marchés aux réseaux detransport et de distribution gérés par les opéra-teurs des missions de service public.

Le marché réglementé

Le marché réglementé est destiné à satisfaire laconsommation de la clientèle alimentée en bassetension, pour laquelle l’électricité constitue unservice de base devant être assuré et protégé par lacollectivité nationale.

Dans ce marché, les tarifs de vente aux distribu-teurs et aux clients finals sont réglementés et définispar un arrêté du premier ministre, et tiennentcompte des contrats existants pour la production etla distribution privées de l’électricité.

Le marché libre de production

Le marché libre de production est destiné auxopérateurs économiques éligibles, « pour lesquelsl’électricité est un intrant commercial pouvant êtresoumis aux lois de la concurrence, afin de leurpermettre d’accéder à des tarifs qui améliorent leurcompétitivité» (ministère de l’Énergie et des Mines).

Ce marché sera structuré en deux parties :

– Une bourse de l’électricité, obéissant aux règles dela concurrence et basée sur le système de l’offre etde la demande, à laquelle ont accès les produc-teurs autorisés à opérer sur le marché libre et lesconsommateurs éligibles.

– Une autre partie où les clients éligibles pourrontconclure un contrat d’achat d’électricité avec unproducteur ou un fournisseur de leur choix,installé sur le territoire marocain ou dans le cadredes échanges à travers les interconnexions avec lespays voisins.

La gestion du marché libre de production élec-trique sera assurée par deux opérateurs indépendants:

– Le gestionnaire de la bourse de l’électricité, dé-nommé «opérateur marché», qui est chargé de larégulation économique du système de l’offre et dela demande et qui veille au respect des règles detransparence, d’objectivité et de confidentialité.

– Le gestionnaire du réseau public de transport,dénommé «dispatching national», responsable dela gestion technique du système en vue d’assurerà tout instant l’équilibre des flux d’électricité surle réseau, sa sécurité et son efficacité, en tenantcompte des contraintes pesant sur celui-ci, touten préservant la confidentialité des informa-tions pouvant porter atteinte aux règles de laconcurrence.

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Le système, tel que décrit, est en beaucoup depoints semblable à celui qui a été mis en place enEspagne conformément aux directives européennesconcernant la dérégulation du secteur électrique.

La bourse du marché libre de production élec-trique a pour objet d’organiser quotidiennement lestransactions de vente et d’achat d’énergie électriqueet de définir pour le jour suivant les prix du marchéet le programme de placement et de fonctionnementdes centrales de production.

Pour garantir la continuité d’alimentation de laclientèle éligible, il existera une autre partie dumarché, appelée «marché de secours et de garantiede puissance», ayant pour objectif de pallier les écartset défaillances du marché libre. Cette partie dumarché sera réglementée et exclusivement assurée parl’ONE dans un premier temps, et gérée par ledispatching national.

Le service de garantie de puissance consiste àgarantir une réserve de puissance disponible etsusceptible d’être appelée à tout moment pourcorriger les écarts de programmation. Le tarif relatifà ce service, dénommé «TGP», tarif de garantie depuissance, serait réglementé et payé par l’ensembledes clients éligibles.

Le service de secours consiste à fournir del’énergie électrique, à un tarif réglementé dénommé« TFS », tarif de fourniture de secours, à un clientéligible quand ce dernier ne trouve aucun fournisseursur le marché libre.

Le cadre réglementaire et la tarification

Les dispositions de la loi no 06-99 relative à la libertédes prix et de la concurrence, promulguée par le dahirno 1-00-225 du 5 juin 2000, s’appliqueront aux tarifsde vente de l’électricité aux clients éligibles et non éli-gibles, aux tarifs de cession de l’électricité aux distri-buteurs, aux tarifs de secours et de garantie de puis-sance et aux tarifs d’utilisation des réseaux publics detransport et de distribution. Ces mêmes dispositionss’appliqueront aux plafonds de prix qui peuvent êtrefixés pour la fourniture d’électricité aux clientséligibles.

Matérialisant le principe de gestion du servicepublic aux meilleures conditions de coûts et de prix,les tarifs réglementés couvriront l’ensemble des coûtssupportés à ce titre par l’Office National de l’Électri-cité et les gestionnaires des services de distributiondans les villes.

Les différents tarifs réglementés sont les suivants:

– Les tarifs d’utilisation des réseaux de transport etde distribution, applicables aux utilisateurs, dé-nommés respectivement «TT», timbre de trans-port, «TDMT», timbre de distribution moyennetension et «TDBT», timbre de distribution bassetension. Ces timbres sont calculés de manièrenon discriminatoire à partir de l’ensemble descoûts de ces réseaux, y compris les surcoûts derecherche et de développement nécessaires àl’accroissement des capacités de transport deslignes électriques, en particulier de celles desti-nées à l’interconnexion avec les pays voisins.

– Le coût relatif au montant des dépenses impu-tables aux missions de service public assignées àl’ONE, dénommé «CTC», coût de transition àla concurrence. Ce coût représente les frais quedoit supporter, pendant une période transitoire,le client éligible pour participer à la prise encharge des coûts échoués et au maintien de l’équi-libre financier du secteur. Il sera déterminé de tellesorte que le financement du PERG soit pris encharge par l’ONE (mais pas par sa filiale dedistribution) et que le tarif domestique, notam-ment la tranche sociale, ne soit pas augmenté.

– Le tarif de fourniture d’électricité aux clients nonéligibles, «TPP», tarif public de production.

– Les TGP et TFS, service et produit qui assurentla continuité de fourniture au marché libre enpalliant toute défaillance imprévue.

Les décisions sur les tarifs mentionnés ci-dessussont prises par :

– le premier ministre, sur proposition de la Com-mission des prix, pour le CTC, le TPP et lestarifs publics de vente de l’électricité aux clientsfinals et aux distributeurs ;

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– le premier ministre, sur proposition de la Com-mission des prix et après consultation du Conseilde la concurrence, pour le tarif d’utilisation duréseau public de transport, le TT, le tarif d’utilisa-tion du réseau de distribution, le TDMT et leTDBT, en zones de distribution publiques(ONE et régies), le TGP et le TFS;

– les collectivités locales et les autorités de tutelle,après consultation du Conseil de la concurrence,pour les tarifs TDMT et TDBT dans les zones dedistribution concédées aux privés.

Dispositions complémentairesDans cette nouvelle organisation, il faut mentionner,en outre, les dispositions complémentaires qui suivent.

Investissements de productionIl appartient à l’État de définir et de mettre en œuvrela programmation pluriannuelle des investissementsde production, conformément aux objectifs et à lastratégie énergétique définis par les pouvoirs publics.

Cette programmation se fera sur la base de laplanification de l’ONE qui tient compte des objec-tifs de répartition des capacités en fonction dessources d’énergie primaire et des techniques de pro-duction à mettre en œuvre, tout en laissant une placeaux productions décentralisées, à la cogénération etaux technologies nouvelles. Dans un souci detransparence, cette planification fera l’objet d’unrapport annuel au gouvernement.

L’autorisation de construire et d’exploiter lesnouvelles installations de production est délivrée parle ministre chargé du secteur, selon des critèresd’octroi portant sur la sécurité et la sûreté des réseauxpublics d’électricité, la nature des sources d’énergieprimaire, l’efficacité énergétique, le respect de l’envi-ronnement et les capacités techniques, économiqueset financières du candidat ou du demandeur. Les pro-ducteurs privés qui investiraient dans la productionpour le marché libre seront soumis aux servitudes duservice public.

L’autorisation de construire et d’exploiter estnominative et incessible et, en cas de changement

d’exploitant, cette autorisation ne peut être trans-férée au nouvel exploitant que par décision duministre chargé du secteur.

En cas d’insuffisance d’offres spontanées de lapart des producteurs privés, l’État, à travers le mi-nistre chargé du secteur, chargera l’ONE de réaliserl’ouvrage relatif à la capacité requise, conformémentà ses prérogatives de garant du développementéquilibré de l’approvisionnement et dans le respectdes objectifs de la programmation pluriannuelle desinvestissements de production. Cet ouvrage seraautorisé à opérer sur le marché libre.

Éligibilité des clients au marché libre de l’électricité

Dans un premier temps, l’éligibilité concernera lesplus grands consommateurs finals de l’électricité,pour lesquels le prix de l’électricité constitue unélément notable de compétitivité et, par conséquent,un critère important dans les décisions d’investisse-ments et de création d’emplois. L’ouverture toucheraprogressivement le reste des gros consommateurs,pour in fine permettre à l’ensemble des clientsnationaux alimentés en THT, en HT et en MT, àl’exception des distributeurs, d’accéder au marchélibre de l’électricité.

Une loi mentionnera l’étape finale du processusde libéralisation quant à la définition de l’éligibilité,c’est-à-dire tous les clients THT, HT et MT.

Le ministre chargé de l’Énergie assure la régle-mentation de l’éligibilité, met à jour et publie dansle Bulletin officiel la liste des clients éligibles. Toutconsommateur répondant aux critères peut fairevaloir son éligibilité.

Compte tenu de l’évolution de l’offre et de lademande telle qu’elle se présente dans la planifica-tion de l’ONE, l’ouverture du marché est envisagéecomme suit :

– En 2004, tous les clients industriels alimentés enTHT et en HT, ce qui représente 83 clients et18% de la demande nationale ;

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– En 2005, tous les clients alimentés en THT, enHT et en MT et dont la consommation estsupérieure ou égale à 5 GWh, ce qui représente290 clients et 30% de la demande nationale ;

– En 2007, tous les clients alimentés en THT, enHT et en MT et dont la consommation estsupérieure ou égale à 2 GWh, ce qui représente780 clients et 38% de la demande nationale ;

– En 2009, tous les clients alimentés en THT, enHT et en MT et dont la consommation estsupérieure ou égale à 1 GWh, ce qui représente1460 clients et 43% de la demande nationale;

– En 2011, tous les clients alimentés en THT, enHT et en MT, ce qui représente 11750 clients et53% de la demande nationale.

Un client éligible est libre d’acheter sa consom-mation directement sur le marché ou par l’intermé-diaire des sociétés exerçant l’activité d’achat et derevente de l’électricité. Les sociétés souhaitant exercerl’activité d’achat et de revente aux clients éligibles(trading) devront obtenir une autorisation renou-velable délivrée pour une durée déterminée par leministre chargé du secteur.

Des contrats portant sur les conditions d’accès auréseau et les modalités d’application de la tarificationd’utilisation seront conclus entre les gestionnaires etles utilisateurs de ces réseaux que sont les pro-ducteurs, les distributeurs et les clients éligibles. Lescontrats doivent être transmis au Conseil de laconcurrence. Tout refus d’accès aux réseaux publicsdoit être motivé et notifié au demandeur et auConseil de la concurrence, chargé de l’arbitrage deslitiges. Les critères de refus doivent être objectifs, nondiscriminatoires et fondés sur des impératifs de bonaccomplissement des missions de service public etdes motifs techniques liés à la sécurité, à la sûreté desréseaux et à la qualité de leur fonctionnement.

Un décret précisera les modalités d’application deces dispositions ainsi que les procédures d’établis-sement des contrats.

Mécanismes de régulationDes mécanismes de régulation devront garantir queservice public et concurrence se conjugueront aumieux, au bénéfice de tous les consommateursd’électricité.

L’État conserve ainsi la responsabilité de définiret d’appliquer des choix de politique énergétique, degarantir les missions de service public et de veiller àleur bon accomplissement, de définir la réglemen-tation technique générale de l’électricité et de veillerà la sécurité et au bon fonctionnement du secteur. Ilmet en place les mécanismes de régulation compa-tibles avec l’organisation des pouvoirs au Maroc.

Les mécanismes de régulation seront confiés :

– au premier ministre pour la fixation des tarifsréglementés des services en monopole et la fixa-tion du seuil d’éligibilité ;

– au ministre chargé du secteur pour l’attributiondes licences aux producteurs privés et l’attri-bution des autorisations d’achat et de revente del’électricité (trading) ;

– à l’ONE pour la planification et la program-mation des infrastructures de production;

– au Conseil de la concurrence, conformément auxdispositions de la loi no 06-99 relative à la libertédes prix et de la concurrence, avec commeobjectifs de :

• veiller au bon fonctionnement des méca-nismes de la concurrence: libre formation desprix par le jeu de la concurrence, libre accèsau marché, transparence et loyauté dans lesrelations commerciales, renforcement desrègles d’information du consommateur ;

• arbitrer et régler les litiges ;

• diligenter les enquêtes et les propositions desanctions.

Pour accomplir cette mission, le Conseil désigneune commission spécialisée qui se réunit au moinsdeux fois par an, sans qu’elle soit érigée en unestructure administrative permanente.

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Adaptation de l’ONE au nouveau contexteL’objet légal de l’établissement public de l’ONE doitêtre adapté au nouveau contexte économique et audéveloppement attendu de ses activités. Cette adap-tation concerne l’évolution des missions principalesde l’ONE ainsi que le développement de missionsnouvelles, en tenant compte des contraintes particu-lières s’imposant à l’établissement public pour assurerle traitement équitable des acteurs en présence.

L’ONE garde le statut d’établissement public etcontinue à assurer les missions du service public del’électricité sous le contrôle de l’État. Il doit restruc-turer son activité industrielle par la création de filialesayant un statut de sociétés anonymes qui, chacunedans son domaine d’activité et dans le marché où elleest appelée à opérer, doivent fonctionner selon lesrègles et les dispositions en vigueur.

Les réseaux actuels de transport et de distributionde l’ONE resteront sa propriété et continueront àfigurer dans ses actifs. Compte tenu de l’organisationproposée du marché, l’ONE doit créer les filialessuivantes :

– Une filiale «ONE Production Privée », exclusi-vement dédiée au marché libre. Cette filiale com-portera les centrales thermiques de Mohammedia(600 MW), de Kenitra (300 MW) et de Jerada(165 MW).

– Une filiale « ONE Production Publique », des-tinée surtout au marché réglementé et autoriséeà opérer sur le marché de secours et de garantiede puissance du marché libre de l’électricité.Cette filiale comportera les centrales hydroélec-triques, les turbines à gaz et la STEP d’Afourer.

– Une filiale «ONE Distribution».

– Une filiale «ONE Transport», gestionnaire du ré-seau public de transport et du dispatching national.

– Une filiale «ONE Services», chargée du dévelop-pement de missions nouvelles, comme les télé-communications et le trading.

– Une filiale «ONE International», qui permettra àl’ONE d’intervenir dans d’autres marchés en parte-nariat avec des sociétés africaines ou internationales.

ConclusionLe système électrique marocain est, comme on l’a vu,dominé par un établissement public, l’Officenational de l’électricité (ONE). Si, par son statutd’acheteur unique, il détient le monopole du trans-port de l’électricité, il n’est pas moins présent, pourne pas dire omniprésent, dans la production et dansla distribution de l’énergie électrique aux côtésd’opérateurs privés d’envergure internationale –cantonnés en amont de la production et en aval dela distribution.

Cette organisation n’est pas sans poser des ques-tions aux orthodoxes de la libéralisation des servicescollectifs, qui remarquent, outre la préférence dusystème d’acheteur unique à celui de l’accès des tiersau réseau, le manque de concurrence et la faiblessedes organes de régulation mis en place par le gouver-nement marocain.

Les choses doivent, à nos yeux, être considéréesde manière différente à l’aune des situations préoccu-pantes d’autres pays africains pour ce qui concernela réorganisation de leur secteur électrique et laprivatisation de leur société nationale d’électricité.

Le Maroc, dans la droite ligne des tenants duservice public, a su faire la part des choses entrecollectivité publique organisatrice et opérateurs –publics ou privés – chargés de gérer le servicecollectif. L’introduction du partenariat public-privé,dans ses différentes modalités – seul moyen dedévelopper le système électrique dans des délaiscompatibles avec l’évolution du pays – a répondupleinement aux autres objectifs de « fiabilisation» dela fourniture d’électricité et de baisse de son coût.

Par ailleurs, dans le domaine de l’électrificationrurale, talon d’Achille de beaucoup de pays africains,le Maroc a su concilier l’intervention du secteur pri-vé avec une contribution de la collectivité publique àce type d’infrastructure – mesure nécessaire et indis-pensable pour réussir l’aménagement du territoireafin de freiner l’exode rural et de favoriser l’accèspour tous aux services essentiels.

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Dans cette réorganisation, l’architecture du sys-tème de régulation fait pour l’instant l’impasse sur lacréation d’une autorité administrative indépendante,répartissant les tâches entre l’État et l’ONE, d’unepart, et le Conseil de la concurrence comme gen-darme des prix et de la libre concurrence entreopérateurs, d’autre part. Ce rôle du Conseil de laconcurrence est bien le sien dans un marché où laconcurrence, sans être «pure et parfaite» est, de fait,patente. Il en est tout autrement en ce qui concernele domaine des services collectifs, où le poids del’opérateur historique est aussi prégnant.

À l’image des économies anglo-saxonnes, d’autrespays européens – fervents défenseurs du servicepublic et de la prééminence de l’État sur l’écono-mique – ont été convaincus de la pertinence de lacréation de commissions indépendantes de régu-lation sectorielles. Ces instances de régulation ontpour rôle de stimuler la concurrence lorsque lemarché est dominé par un opérateur historique – laplupart du temps issu d’un monopole public – afinde permettre l’arrivée de nouveaux entrants sur lemarché.

N’oublions pas de mentionner, en revanche, quel’ONE est considéré, au regard des standards interna-tionaux, comme une entreprise très efficace. Il figureparmi les entreprises d’électricité les mieux gérées despays du continent africain et est en mesure de devenirun acteur international de l’électricité.

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Présentation générale de la RoumanieLa Roumanie est située au sud-ouest de l’Europecentrale, dans l’espace géographique délimité par lesmontagnes Carpates, le Danube et la mer Noire. Ellea une superficie de 238391 km2 (92043 mi2), ce quifait de la Roumanie le 12e pays en Europe en super-ficie. Sa population est de 22430500 habitants. Sacapitale est Bucarest.

La Roumanie est bordée au nord et au nord-estpar la Moldavie et l’Ukraine, au nord et au nord-ouest par la Hongrie, à l’ouest et au sud-ouest par laSerbie, au sud par la Bulgarie et au sud-est par la merNoire.

Le secteur électrique européen à la fin du XXe siècle – Situation,évolution et perspectivesAu cours de la dernière décennie du XXe siècle, lemonde entier a traversé un processus de libéralisationdes marchés énergétiques. Il est clair que des méca-nismes spécifiques du marché sont nécessaires pourassurer une allocation efficace des ressources.

Le mouvement de globalisation de l’économiemondiale, très rapide, s’est bien sûr répercuté sur lesecteur de l’industrie énergétique. Cela a constituéune menace directe aux marchés protégés etinefficaces.

Les forces motrices du marché global d’électricitésont l’efficience, la concurrence, la propriété privéeet le flux international de capital.

L’Union Européenne, par son Livre blanc2 nom-mé «Développement, compétitivité et l’embauche dela main-d’œuvre – Les défis et les voies pour entrerdans le 21e siècle », concentre sa politique énergé-tique sur l’intégration du marché, la concurrence(décentralisation) – surtout dans les secteurs deproduction de l’énergie – et sur la réduction del’intervention de l’État. La politique énergétique acréé le fondement pour la protection des intérêts dupublic et du consommateur, ainsi que pour la forma-tion d’un système de développement autosoutenu.On a identifié aussi les principales contraintes : unnationalisme économique malsain, les subventionsgouvernementales, l’opposition des syndicats, unecertaine inquiétude relativement à la sécurité de lafourniture et l’évolution des prix.

La réforme du secteur électrique en Roumanie1

Cristina CREMENESCUChef du service de la réglementation et du marché concurrentielENEL Servicii SRLBucarest, Roumanie

1. L’article a été écrit en 2003 et présente la réforme du sec-teur électrique en Roumanie à cette date. Depuis, les chosesont évolué, mais pas toutes dans le sens prévu.

Figure 15.1La Roumanie

2. COM (93) 700, décembre 1993.

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La naissance de l’Europe «électrique» remonte àla création de l’UNIPEDE (Union Internationaledes Producteurs et Distributeurs d’Énergie Élec-trique) en 1925, puis aux nombreuses initiatives decoopération dont la plus spectaculaire reste sansdoute la réalisation du plus grand réseau électriqueinterconnecté du monde, celui de l’Union pour laCoordination du Transport de l’Électricité (UCTE).

L’UCTE a été fondée en 1951. Une adaptationde ses statuts en a fait, depuis le 1er janvier 1997,l’organisation opérationnelle où se définissent lesrègles du jeu à caractère technique qui sont néces-saires au fonctionnement correct de l’interconnexionentre les réseaux de ses membres. Ses membres sontdes entreprises partenaires de l’interconnexionélectrique en fréquence synchrone qui touche unevingtaine de pays.

L’UCTE a pour objet la coordination des sys-tèmes électriques de ses membres, notamment en cequi concerne la fiabilité des interconnexions ; elleétablit des conditions techniques et organisation-nelles facilitant les échanges d’énergie au sein de sonsystème électrique, elle favorise les échanges d’expé-riences entre ses membres et elle coordonne lesrelations avec les autres grands systèmes électriquesvoisins.

En ce qui concerne les institutions de l’UnionEuropéenne, les premières directives sur les prix, letransit et la coordination des investissements énergé-tiques sont apparues en 1989 et en 1990. Depuis, ledébat s’est concentré sur l’introduction de la concur-rence en tenant compte de la nature spécifique du«produit électricité ». Le 1er juin 19953, le Conseildes ministres de l’Énergie des 15 pays de l’UnionEuropéenne a adopté un texte qui réaffirmait que« l’un des objectifs de la directive sur le marchéintérieur de l’électricité est le renforcement de la con-currence pour le bénéfice de tous les consommateurset qu’à cette fin, les systèmes électriques européensdoivent progressivement intégrer les mécanismes dumarché».

Juin 1996 a marqué une nouvelle étape impor-tante et sans doute décisive dans la construction dumarché unique européen de l’énergie : réunis auLuxembourg, les ministres de l’Énergie des pays del’Union Européenne ont adopté à l’unanimité «uneposition commune » instituant la libéralisationpartielle et progressive du marché de l’électricité enEurope4.

En 1996, le Parlement européen et le Conseil del’Union Européenne ont arrêté la Directive96/92/CE5 concernant les règles communes pour lemarché intérieur de l’électricité. Cette directive aapporté d’importantes contributions à la créationd’un marché intérieur de l’électricité.

Le secteur électrique européen présente deuxcaractéristiques majeures : il évolue rapidement et ilreste complexe, c’est-à-dire qu’il est « raplex ». Sonouverture à la concurrence ne peut se réaliser sansprécautions spéciales ni sans respecter les spécificités,souvent historiques, de l’organisation adoptée parchaque pays.

Les principaux obstacles à l’achèvement du mar-ché sont liés à des questions d’accès au réseau, detarification et de degré d’ouverture6 des marchésentre les États membres.

En juin 2003, une nouvelle directive a été adop-tée afin d’établir un marché intérieur pleinementopérationnel. La Directive 2003/54/CE7 établit des

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3. COM (95) 682, décembre 1995 – Livre blanc – « Unepolitique de l’énergie pour l’Union Européenne».

4. Décision no 1254/96/CE du Parlement européen et duConseil du 5 juin 1996 établissant un ensemble d’orien-tations relatif aux réseaux transeuropéens dans le secteur del’énergie, JO no L 161 du 29 juin 1996.

5. JO no L 161 du 29 juin 1996.6. Le degré d’ouverture représente le pourcentage de la con-

sommation des consommateurs éligibles (qui ont le droitde changer le fournisseur d’électricité) dans la consom-mation totale. Par exemple, en Roumanie, initialement,seuls les consommateurs qui avaient une consommationd’au moins 100 GWh/an ont reçu le droit de changer defournisseur d’électricité, ce qui correspondait à 10 % de laconsommation finale d’électricité.

7. JO C 176 E du 15 juillet 2003, p. 37 – Directive 2003/54/CE concernant des règles communes pour le marchéintérieur de l’électricité.

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règles communes concernant la production, letransport, la distribution et la fourniture d’électricité.Elle définit les modalités d’organisation et de fonc-tionnement du secteur électrique, l’accès au marché,les critères et les procédures applicables en ce qui con-cerne les appels d’offres et l’octroi des autorisations,ainsi que l’exploitation des réseaux [article 1].

On note en particulier les règles suivantes :

1. Les autorités de régulation nationales doiventgarantir l’existence de conditions d’accès auréseau non discriminatoires.

2. Les gestionnaires indépendants des réseaux detransport (GRT) et de distribution (GRD)doivent disposer de droits effectifs de prise dedécision en ce qui concerne leur entretien, leurexploitation et leur développement.

3. Les tarifs de transport et de distribution sontapprouvés par les autorités de régulation, sur labase d’une proposition du gestionnaire du réseau.Les tarifs sont non discriminatoires et reflètentles coûts de façon juste et raisonnable.

Un autre aspect important de la nouvelle direc-tive concerne le respect des obligations de servicepublic, qui peuvent porter sur la sécurité, la sécuritéd’approvisionnement, la régularité, la qualité et leprix de la fourniture, la protection de l’environne-ment, y compris l’efficacité énergétique et la protec-tion du climat [article 3].

Le secteur électrique en Roumanieavant la restructurationL’évolution du secteur électrique en Roumanie estmarquée par les grandes étapes suivantes: l’émergencedu secteur jusqu’à l’avènement (ou la révolution)communiste, le régime communiste, la chute ducommunisme en 1989 et la restructuration du secteuren 1998.

L’émergence du secteur électrique:jusqu’en 1947Le secteur de l’énergie électrique en Roumanie était,à ses débuts, libéral, avec un développement concur-

rentiel de systèmes techniques locaux (courant con-tinu ou alternatif, éclairage électrique ou au gaz). Lesinstallations de production et de distribution del’électricité provenaient de plusieurs initiatives: cellesde l’État, des mairies, ou celles des investisseurs privés.Ces activités ont été concentrées en unités techniqueset commerciales de plus en plus grandes, le but prin-cipal étant celui de réduire les coûts de production.Par exemple, en 1939, 229 entreprises étaientengagées dans le domaine de la fourniture d’électri-cité, dont 113 sociétés privées et concessionnaires,85 services et sociétés des mairies, 10 régies commer-ciales publiques et 7 administrations étatiques.

Sous le régime communiste: de 1945 à 1989L’avènement du régime communiste après laDeuxième Guerre mondiale a marqué un tournantdans l’organisation du secteur électrique. Toutd’abord, l’ensemble du système électrique de laRoumanie, de la production jusqu’à la fournitured’électricité, a été nationalisé.

Entre 1948 et 1950 existaient trois systèmesélectriques de petite dimension et un grand nombrede réseaux de distribution (figure 15.2).

À partir des études et des recherches effectuéesentre les deux guerres mondiales, on a élaboré le«Plan de l’électrification et de l’utilisation de l’eau»,qui a été mis en œuvre entre 1950 et 1960.

L’objectif de ce plan était la réalisation du Sys-tème Électrique National. Des interconnexions ontété réalisées à l’intérieur du pays. En 1960, le réseaude transport et de distribution de l’électricité acouvert l’ensemble de la Roumanie.

La configuration du secteur électrique roumainen 1970 est présentée dans la figure 15.2.

Le régime communiste a centralisé la politiqueéconomique de la Roumanie sur le développementindustriel, particulièrement sur des technologiesayant une grande intensité énergétique et matérielle.Le secteur énergétique s’est développé sur un fondassez confus et désorienté, et sous un fort contrôle

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Figure 15.3La structure du système électrique en 1965

Figure 15.2La structure du système électrique en 1950

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central de l’État qui accordait peu de considérationau marché. Les activités dans le secteur de l’énergieélectrique et de la chaleur étaient sous la coordi-nation du ministère de l’Énergie électrique.

Le système a été conçu afin qu’il fonctionne ensynchronisation à l’interconnexion de la Commissiond’Aide Économique Réciproque (CAER) et de SEI –Systèmes Électriques Interconnectés, par l’inter-médiaire de quelques lignes électriques interna-tionales : 2 de 110 kV, 1 de 220 kV, 3 de 400 kV, et1 de 750 kV. Toutefois, après 1983, le réseau nationalroumain a été pratiquement isolé. Les importationsd’électricité à base contractuelle de l’ex-Unionsoviétique, totalisant 10 % de la consommationtotale, alimentaient seulement quelques « poches »isolées par rapport au réseau, connectées aux réseauxélectriques internationaux.

En l’absence de réserve, le système fonctionnaitavec des valeurs de fréquence réduites, entre 47,0 Hzet 48,5 Hz, et cela a eu de très graves conséquencessur les installations du système électrique (de laproduction à la fourniture), mais également sur lesinstallations industrielles. De graves dommagesétaient provoqués chaque année, chez les consom-mateurs d’électricité, à cause de certains débranche-ments manuels ou accidentels. C’est grâce auxingénieurs en charge du système énergétique que laRoumanie n’a pas connu de longues interruptions defourniture de service pendant cette période-là.

En conséquence de cette politique économiqueartificielle, la Roumanie enregistrait, en 1989 (datede la chute du régime communiste), une consom-mation d’énergie primaire par habitant plus grandeque les valeurs de l’Italie et de la France à cause del’inefficience du système, car les services, le transportet même l’agriculture étaient peu développés. La con-sommation d’énergie de la population était très basseen raison d’un système de rationnement très sévère.

Chute du communisme – 1989La Régie Nationale de l’Électricité (RENEL), crééeaprès 1989, intégrait les activités de production, detransport et de distribution de l’électricité et de lachaleur.

La RENEL détenait dans son portefeuille de pro-duction des centrales hydroélectriques et thermo-électriques8.

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Tableau 15.1Puissance installée et production réelle

de la RENEL en 1994

PPuuiissssaannccee PPrroodduuccttiioonniinnssttaallllééee eenn 11999944((MMWW)) ((%%))

Centrales hydroélectriques 5840 28,21

Centrales thermoélectriques 14863 71,79

Charbon 8588 41,48

Hydrocarbures 6275 30,31

8. Le contexte roumain nous oblige à utiliser l’expression«centrales thermoélectriques » pour désigner la productiond’électricité ou la production de l’électricité en cogéné-ration à partir du thermique, et surtout pour les différencierdes « centrales thermiques » qui produisent seulement dela chaleur.

En 1993, la RENEL détenait 59 centrales thermo-électriques à base de combustibles fossiles. Les groupesde condensation représentaient 80% de la capacitétotale à base de charbon et 45% de celle à based’hydrocarbures. Les autres groupes fonctionnaient encogénération. Seulement 20% de la puissance installéedu système énergétique avait moins de 15 ans; plusd’un tiers dépassait l’âge de 25 ans.

Les différences de performances économiques desgroupes énergétiques individuels se reflètent dans lagrande dispersion des coûts moyens pour l’énergieélectrique : de 0,9 cent US/kWh dans la princi-pale centrale hydroélectrique à approximativement15 cents US/kWh dans le cas de quelques groupesthermoélectriques obsolètes, dans les centralesalimentées par combustible impropre ou dans cellesayant de grandes indisponibilités.

La construction de la centrale nucléaire Cernavodaa été initiée en 1990 afin d’augmenter la puissanceinstallée de 3500 MW (5 � 700 MW). La techno-logie CANDU, qui utilise l’uranium naturel commecombustible et l’eau lourde en tant que modérateur et

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agent de refroidissement, a été choisie. La construc-tion a connu plusieurs retards. Le Groupe no 1 a fina-lement été mis en service (commercial) le 2 décembre1996. Le Groupe no 2 est complété à 35%, et sonachèvement nécessitera 750 millions $US.

Par ailleurs, entre les années 1990 et 1996, laRoumanie a connu une grande diminution de laconsommation d’électricité. En 1996, la consom-mation d’électricité était de 52,1 TWh, c’est-à-dire30% de moins qu’en 1990. La pointe hivernale dusystème énergétique a été de 9,2 GW, par rapport àune puissance réellement disponible de 14 GW. Lapuissance réellement disponible représentait seule-ment 70 % de la capacité totale du pays, qui étaitalors de 20 GW (14 GW thermoélectriques, 6 GWhydroélectriques). La diminution de la consomma-tion d’électricité et d’énergie thermique a continuépendant la période 1997-1998, à cause des effets duprogramme de la restructuration de l’économie.Cette décroissance a d’ailleurs accru la crise écono-mique et financière du pays.

La RENEL a fonctionné dans un environnementprotégé, fort contrôlé par l’État, et en se préoccupantpeu des mécanismes du marché. En conséquence, lesdécisions ont été prises en considérant les aspectspolitiques et techniques et non sur une base écono-mique ou commerciale ; les effets ont été négatifs,autant pour les consommateurs que pour le secteurénergétique en général.

Notamment, la tarification de l’électricité et de lachaleur subventionnée a généré un flux de trésorerie(cash-flow, en anglais) insuffisant pour assurer l’exploi-tation et la maintenance des installations ainsi quepour assurer le développement du secteur. Cela aégalement engendré une utilisation inefficace del’énergie électrique. La Roumanie était alors parmi lespays présentant la plus grande intensité énergétique.

Ces décisions ont eu comme résultat un secteurde l’énergie électrique caractérisé par des équipe-ments obsolètes, par un grand besoin d’investis-sements, par une culture non commerciale et parpeu de considération pour le client (consommateur).

On peut synthétiser quelques particularités dusecteur électrique roumain avant la restructuration:

Particularités techniques et géographiques

• Un réseau de transport largement dimensionné,assurant l’interconnexion des principales cen-trales du pays.

• Un patrimoine existant en surcapacité, dont lamajeure partie est en mauvais état (environ20 000 MW de puissance installée, pour unedemande limitée à 7000 MW).

• Des ressources naturelles concentrées dans lapartie sud-est (80% du lignite et de l’hydrauliqueau fil de l’eau).

• Une production en cogénération significative(37% de la puissance thermique installée).

Particularités culturelles et institutionnelles

• Une culture marchande affaiblie par 40 annéesd’économie centralisée et la persistance d’unesituation de crise depuis 10 ans.

• Un pouvoir central fort face à des pouvoirs lo-caux historiques (régions et municipalités) enpleine mutation (les municipalités commencentseulement à prendre une certaine légitimité).

Particularités de la demande

• Une demande essentiellement industrielle (80%de l’énergie est vendue au secteur industriel, quiprésente également une très forte intensité éner-gétique; les 30 plus gros clients représentent unquart de l’énergie vendue dans le pays).

• Une part significative des dysfonctionnements dela RENEL résulte de l’absence de toute référenceaux principes d’économie de marché.

• Une absence de pression de la clientèle due auxhabitudes héritées du passé (quotas, politiqueénergétique, pilotage par les flux physiques).

• Une politique d’élaboration des tarifs qui ne faitpas assez référence aux coûts et qui peut générerdes pertes, les recettes étant plus faibles que lescoûts, car les tarifs sont trop subventionnés.

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• Des décisions d’investissement prises sans réfé-rences économiques et financières fiables (lesengagements de travaux de capacité de produc-tion engloutissent toutes les ressources financièresde la RENEL).

• Un management qui ne fait pas référence àl’efficacité économique et qui induit une culturemanagériale déresponsabilisante.

La réforme du secteur électrique en RoumanieLa restructuration du secteur électrique enRoumanie a pour finalité l’intégration du marché del’électricité roumain à celui de l’Union Européenne.Ainsi, les changements de structure doivent induireune transformation des comportements des acteurs ;les décisions autrefois basées sur des considérationstechniques devront maintenant être induites selonun comportement économique. Pour ce faire, denouveaux modes de relations fondés sur des méca-nismes contractuels qui font référence à des systèmesprix/qualité devront être introduits.

La réforme institutionnelle et la réorganisationdu secteur qui en découle ne pourront se faire queprogressivement. Après 40 ans d’économie centra-lisée, le pays n’avait ni les ressources humaines, ni les

moyens nécessaires pour créer du jour au lendemainun marché concurrentiel.

Ainsi, les grandes étapes de la réforme institu-tionnelle sont les suivantes :

1) Restructuration du secteur (1998).

2) Création de l’Autorité nationale de réglemen-tation de l’énergie9 (opérationnelle en 1999).

3) Libéralisation du secteur électrique (à partir de2000).

La restructuration du secteurLa réforme en Roumanie a commencé en 1998 avecla restructuration de la RENEL en plusieurs entités.

La Compagnie Nationale de l’Électricité (CONEL)a été créée par la Décision du Gouvernementno 365/3.07.1998 (figure 15.4).

La CONEL comprend trois filiales :

– Electrica – distribution et commercialisation del’électricité ;

– Termoelectrica – production d’électricité et dechaleur par les centrales thermoélectriques ;

– Hidroelectrica – production d’électricité dans lescentrales hydroélectriques.

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Figure 15.4La restructuration de la Régie Nationale de l’Électricité (RENEL)

R E N E L

N u c l e a r e l e c t r i c a

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C O N E L E l e c t r i c a

H i d r o e l e c t r i c a

T e r m o e l e c t r i c a

R E N E L R E N E L

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G o v o r a R o m a g

C O N E L E l e c t r i c a

H i d r o e l e c t r i c a

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N u c l e a r e l e c t r i c a

G o v o r a R o m a g

C O N E L E l e c t r i c a

H i d r o e l e c t r i c a

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9. Traduction du roumain : Autoritatea Nationala de Regle-mentare in domeniul Energiei.

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La production nucléaire de l’électricité a été aussiséparée par la création de la société NuclearelectricaSA.

À l’occasion de cette restructuration, les deuxpremiers producteurs indépendants, Govora etRomag, sont apparus. Il est à noter que le capital deces deux producteurs est entièrement détenu parl’État. La centrale thermoélectrique de Govorafonctionne à base de lignite ; elle a une puissanceinstallée de 200 MW (2 turbines à vapeur à contre-pression de 50 MW chacune et 2 turbines d’extrac-tion également de 50 MW chacune). Elle assure lachaleur pour la ville de Rm. Vâlcea et pour les con-sommateurs industriels. La centrale thermoélectriqueRomag fonctionne aussi à base de lignite ; elle a unepuissance installée de 200 MW (1 turbine à vapeurà contre-pression de 50 MW et 3 turbines d’extrac-tion aussi de 50 MW chacune). Elle assure la chaleurpour la ville de Drobeta Tr. Severin et aussi la vapeurpour la préparation de l’eau lourde (nécessaire à lacentrale nucléaire).

La CONEL avait aussi l’obligation d’organiserl’activité des Opérateurs de Transport, du Système(la conduite du réseau) et du Marché (opérateurcommercial). Alors, pour la première fois, on aséparé le transport, la conduite du réseau (l’opérateurdu système électrique) et l’opérateur du marché. Les

Figure 15.5La restructuration de la Compagnie Nationale de l’Électricité (CONEL)

activités de transport de l’électricité et la conduite dusystème électrique ont été organisées, au sein de laCONEL, en huit succursales territoriales.

En 2000, la restructuration du secteur a continué;par la Décision du Gouvernement no 138/2000, on aréorganisé la CONEL pour faire apparaître la con-currence dans les segments de la production et de ladistribution de l’électricité. En 2001, les filiales et lessuccursales de la compagnie nationale étaient organi-sées comme des sociétés commerciales (figure 15.5).

L’Autorité Nationale deRéglementation de l’ÉnergieDeux ordonnances ont vu à la création de l’Autoriténationale de réglementation de l’énergie (ANRE).

En 1998, l’Ordonnance d’Urgence no 63/28.12.199810 concernant l’électricité et la chaleur a étépubliée. Le but de cette ordonnance était d’assurer lasécurité énergétique du pays et, en même temps, decréer un environnement institutionnel concurrentieldans le secteur énergétique. Elle établissait la défi-nition de l’autorité compétente devant assurer le cadreinstitutionnel nécessaire à la mise en œuvre des direc-tives européennes. Finalement, cette ordonnance défi-nissait également l’orientation générale de la politiqueénergétique, soit celle d’assurer la croissance del’efficacité énergétique.

N u c l e a r e l e c t r i c a

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10. Elle a été approuvée en juillet 2003 par la loi no 318 del’électricité.

Page 198: VERS DE NOUVELLES ORGANISATIONS DU SECTEUR ÉLECTRIQUE

La même année, l’Ordonnance d’Urgence no 29/22.10.199811 créait l’Autorité Nationale de Régle-mentation de l’Énergie (ANRE), qui est devenueopérationnelle au printemps 1999. La mission del’ANRE est la définition et la mise en œuvre du sys-tème des régulations nécessaire au fonctionnementdu marché sur les plans de l’efficience, de la concur-rence, de la transparence et de la protection desconsommateurs.

La réglementation d’intérêt général est publiéedans la Gazette nationale et, pour assurer le déploie-ment de l’information, toute la réglementation estpubliée sur le site Internet de l’ANRE, à l’adressewww.anre.ro.

L’allocation des revenusLa règle pour l’allocation des revenus par entité aégalement été établie (figure 15.5). Pour la premièrefois, les revenus étaient répartis selon des critèresobjectifs et non pas selon des priorités subjectives.

Le portefeuille de contrats : les distributeurs/fournisseurs achètent l’électricité de différents pro-ducteurs et gèrent donc un portefeuille de contrats.

La procédure pour la détermination des prix etdes quantités d’électricité des contrats de portefeuillea établi également les modalités d’allocation, à chacundes opérateurs du marché, des revenus totaux pro-venant de la vente d’électricité aux consommateursfinals. Cette procédure tient compte des restrictionsprévues dans le Code commercial (par exemple, pourla production, la consommation de charbon, lefonctionnement des groupes de cogénération et des

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DEMANDE ESTIMÉE ET REVENUS

PRODUCT EURS INDE PENDANTS

EXPORT / IMPORT

NUCLEARELECT RICA

DISTRIBU TIO N / COMM ERCIALISAT IO N

TRANSPORT / DISPATCHER

PRODUCTIO N- TERMOELECT RICA S.A.- HIDROELECTRICA S.A .- NUCLEARELECTRICA S.A .- PRODUCTEURS INDÉPENDANTS - IMPORT / E XPORT

CONSOMM ATEURS

DÉPENSES < RE VENUSNON

SION POLITIQUE

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ALLOCATION DES REVENUS

HIDROELECTRICAMOELECTRICA TRANSPORT /DISPATCHING

DISTRIBUTION /COMMERCIALISATION

FONCTIONNEMENT DUSYSTÈME ÉLECTRIQUE

PRIX ET QUANTITÉSPORTEFEUILLE DE CONTRATS

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TARIF DE TRANSPORT ETDES SERVICES AUXILIAIRES

TARIF DE DISTRIBUTION

Décision politique

DÉPENSES REVENUS

Figure 15.6Allocation des revenus

11. Approuvée avec des modifications et des compléments parles lois no 99/8.06.2000 et no 789/29.12.2001.

Page 199: VERS DE NOUVELLES ORGANISATIONS DU SECTEUR ÉLECTRIQUE

centrales hydroélectriques au fil de l’eau. L’électriciténe pouvant pas être stockée, elle est utilisée en prioritédans le marché).

Marché de gros de l’électricitéLe Code commercial du marché de gros de l’élec-tricité, approuvé en juillet 1999, établit les relationscommerciales sur ce marché. Il définit l’organisationgénérale, les mécanismes de fonctionnement dumarché (notamment une procédure de répartition dela production par ordre de mérite) et les critèresd’éligibilité de participation au marché pour lesconsommateurs et les producteurs. Le Code établitégalement le rôle de l’Opérateur du Marché en tantqu’administrateur du marché. Finalement, il préciseles droits et les responsabilités des agents écono-miques concernés :

– l’accès au marché;– les contrats ;– les paiements ;– les règlements techniques obligatoires du système

électrique;– les disputes ;– le partage du risque.

Le marché de gros a été structuré en deuxcomposantes:

– le marché réglementé – il couvrait initialement90% de la demande finale et était réglementé parles contrats-cadres: de portefeuille12, de type CAE13,de transport14, pour les services auxiliaires15;

– le marché concurrentiel – des contrats bilatérauxavec des quantités et des prix négociés, habituel-lement entre les producteurs et les consommateurséligibles16, et le marché au comptant (la bourse).

En même temps, les codes techniques pour lesréseaux électriques de transport et de distributionont été préparés. Les demandes techniques pourassurer le fonctionnement économique du systèmesur les plans de la sûreté, de la fiabilité et de la stabi-lité ont alors été établies.

La figure 15.7 présente les arrangements com-merciaux à la fin de 1999.

Délivrance des licences et des autorisationsL’ANRE a rédigé le projet «Règlement pour la déli-vrance des licences et des autorisations » qui a étéapprouvé par la Décision du Gouvernement no 567/1999. Les licences précisent les activités et respon-sabilités des entités. Seules les licences pour l’activitéde commercialisation de l’électricité et de la chaleuront été délivrées pour huit années ; les autres ont25 années de validité. La remise des licences acommencé en 1999 et, en 2002 plus de 550 licenceset autorisations avaient été délivrées (tableau 15.2).

Les agents sous licence ont l’obligation deprésenter à l’ANRE un rapport financier annuel enconformité à la procédure émise par l’ANRE.

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12. Contrat conclu entre un producteur (qui détient plusieursunités de production: SC Hidroelectrica SA et SC Termo-electrica SA) et le fournisseur (en même temps distribu-teur – SC Electrica SA), qui décrit, pour chaque intervallede temps prédéfini, les quantités totales (Q) et les prixd’achat/vente (p) de l’électricité. Les quantités étaient déter-minées avec le logiciel Powrsym, qui assurait l’optimisationéconomique du fonctionnement du système. Les contrats,de long terme, sont définis sur cinq années, pour l’électricitévendue sur le marché réglementé. Les prix et les quantitéssont déterminés et fixés au début de chaque année.

13. Contrat d’achat d’électricité (Power Purchase Agreement, enanglais) – contrat de long terme, conclu pour six années,entre SC Electrica SA et SN Nuclearelectrica.

14. Conclus entre les producteurs et l’Opérateur de Transport(GRT), pour le service de transport de l’électricité.

15. Conclus entre les producteurs et l’Opérateur de Systèmepour assurer (a) la compensation des pertes dans lesréseaux, (b) la réserve, (c) le contrôle de fréquence et (d) lapuissance réactive.

16. Le consommateur éligible (initialement les grands consom-mateurs – voir le tableau 2), a le droit de choisir le four-nisseur et de contracter directement l’électricité, ayant accèsaux réseaux de transport et de distribution.

Page 200: VERS DE NOUVELLES ORGANISATIONS DU SECTEUR ÉLECTRIQUE

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Tableau 15.2Licences délivrées par l’ANRE entre 2000 et 2002

22000000//22000011//22000022 ÉÉlleeccttrriicciittéé CChhaalleeuurr TToottaall

Production 10 48 584 95 9919 37 56

Transport 1 6 70 1 10 1 1

Conduite du réseau (1999) 1 10 00 0

Services auxiliaires 0 01 10 0

Administration du marché 0 01 10 0

Distribution 4 23 271 33 3410 14 24

Commercialisation 14 49 6313 91 10430 31 61

TToottaall ppaarrttiieell 30 126 15620 220 2405599 8833 114422

Autorisations de mise en chantier 0 0 02 1 30 1 (cogénération) 1

Mises en service 0 0 01 0 11 1 (cogénération) 2

Autorisations d’exploitation 0 0 02 16 1826 3+2 (cogénération) 31

TToottaall ppaarrttiieell 30 126 15625 237 2628866 9900 117766

TToottaall ((ffiinn 22000022)) 114411 445533 559944

Page 202: VERS DE NOUVELLES ORGANISATIONS DU SECTEUR ÉLECTRIQUE

Figure 15.8Le degré d’ouverture des marchés de l’électricité

dans les pays en cours d’adhésion à l’UE (2002)

La consommation minimum d’électricité pour être un client éligible y est également présentée.

Source : Commission européenne, «Second benchmarking report on the implementation of internal electricity»17.

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Consommation minimum d’électricité (GWh)Degré d’ouverture (%)

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Tableau 15.3L’ouverture du marché de l’électricité en Roumanie

DDéécciissiioonn dduu ggoouuvveerrnneemmeenntt DDeeggrréé dd’’oouuvveerrttuurree CCoonnssoommmmaattiioonn mmiinniimmuumm ((LLeess DDéécciissiioonnss dduu GGoouuvveerrnneemmeenntt eennttrreenntt eenn vviigguueeuurr ((ppoouurrcceennttaaggee ddee llaa ccoonnssoommmmaattiioonn dd’’éélleeccttrriicciittéé ((ppoouurr êêttrree àà llaa ddaattee ddee ppuubblliiccaattiioonn ddaannss llaa GGaazzeettttee nnaattiioonnaallee)) ffiinnaallee dd’’éélleeccttrriicciittéé)) ccoonnssoommmmaatteeuurr éélliiggiibbllee))

No 122/2000, JO 77/21.02.2000 10% 100 GWh

No 982/2000, JO 529/27.10.2000 15% 100 GWh

No 1272/2001, JO 832/21.12.2001 25% 40 GWh

No 48/2002, JO 71/31.01.2002 33% 40 GWh

L’accréditation des clients éligiblesL’ANRE a continué à élaborer le cadre réglementairenécessaire pour favoriser l’ouverture à la concurrencedu marché de l’électricité. Elle a ainsi défini en 1999le « Règlement pour l’accréditation des clientséligibles».

Depuis 2000, par la Décision du Gouvernementno 122/2000, le marché de gros de l’électricité estouvert à la concurrence et n’a cessé d’évoluerjusqu’en 2002 (tableau 15.3).

En 2002, parmi les pays en cours d’adhésion àl’Union Européenne, on a remarqué que le marchéde l’électricité de la Roumanie figurait parmi les plusouverts (figure 15.8).

17. SEC (2003) 448, Bruxelles, 7.4.2003.

Page 203: VERS DE NOUVELLES ORGANISATIONS DU SECTEUR ÉLECTRIQUE

Tarification et prix de l’électricité et de la chaleurAprès 1999, de nouvelles méthodologies tarifairesont été mises en œuvre. Elles spécifient le mode decalcul des prix/tarifs en précisant les charges accep-tées et les procédures d’ajustement. La tarification estbasée sur le prix coûtant majoré18 :

– la production d’électricité et de chaleur – pour laproduction en cogénération, l’ANRE a établi larègle de l’allocation des coûts entre l’électricité etla chaleur ;

– les tarifs de transport – les coûts du service sontrépartis entre les principaux points d’intercon-nexion du réseau ; cette modalité de répartitiontransmet des signaux corrects en ce qui concerne ledéveloppement du réseau, l’emplacement de nou-veaux producteurs ou de grands consommateurs;

– les services auxiliaires – pour le contrôle de lafréquence, pour la réserve de puissance et pour lapuissance réactive ;

– la distribution – tarifs monômes (110 kV, postes110 kV-moyenne tension, lignes de moyennetension, postes moyenne-basse tension, lignes debasse tension) ;

– la production nucléaire ;

– le service de l’opérateur du marché – le tarif estétabli en tenant compte du nombre d’unitésparticipantes au marché et de la valeur destransactions ;

– le service de l’opérateur du système – le tarif estétabli en tenant compte du nombre d’unités quifournissent le réseau en électricité et de laquantité d’électricité transportée sur le réseau.

Le coût de l’électricité fournie au consommateurfinal représente la somme des coûts de production,de transport, de distribution et de commercia-lisation. À la fin de l’année 1999, le prix pour lesconsommateurs résidentiels était de 50USD/MWhet, pour les industriels, de 37USD/MWh.

Le système de tarification en vigueur entre 1990et 1998 a permis deux types de subventions croiséesdans un objectif de protection sociale: des industrielsau bénéfice du consommateur résidentiel (20% pourl’électricité et 40% pour la chaleur) et, entre les deuxproduits, de l’électricité au profit de la chaleur.

Malgré tout, les subventions ont eu des effetsnégatifs sur les familles pauvres et les industriels. Lesfamilles pauvres ont peu bénéficié du prix réduit del’électricité, car elles consomment peu d’électricité.Les industriels, en payant plus cher l’électricité,connaissent une compétitivité réduite. Les prix et lestarifs étaient ajustés seulement par rapport au tauxde change ROL/USD.

Le nouveau système tarifaire de l’électricité apermis l’élimination des subventions croisées et il atenté de respecter le profil de la consommation (lavaleur de la puissance consommée aux heures depointe, la durée et la période de consommation).

Pour la population (défavorisée) consommantmoins de 60 kWh par mois, un tarif social a été intro-duit (39,5% de la population bénéficie de ce tarif ).

Pour les consommateurs industriels, un nouveautarif a été introduit, basé sur trois facteurs d’utili-sation de la puissance contractée, différenciés surtrois plages horaires.

La situation actuelleEn 2000, la production d’électricité était de51,9 TWh, soit 31 % de moins qu’en 1989, mais2,4% de plus qu’en 1999. En 2002, la production aaugmenté à 55,2 TWh (tableau 15.4).

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Tableau 15.4La structure de la production

d’électricité (en %)

PPrroodduuccttiioonn 22000000 22000011 22000022

SC Termoelectrica SA 57 58,4 45,5

SC Hidroelectrica SA 28,3 26,9 28,8

SC Nuclearelectrica SA 10,5 10,1 10

Autres producteurs 4,2 4,6 15,7

Total 51,9 TWh 53,9 TWh 55,2 TWh18. Équivalent françcais de cost plus margin.

Page 204: VERS DE NOUVELLES ORGANISATIONS DU SECTEUR ÉLECTRIQUE

La concurrence sur le marché n’était pas élevéeen 2001 alors que l’index Hirschman-Herfindahl(HHI)19 était d’environ 4000 ; cela représente2,5 sociétés équivalentes au niveau national.

À partir du début de 2003, la concurrence s’estaccrue sur le marché de l’électricité (figure 15.9),en conséquence de l’apparition des producteursindépendants.

ConclusionsDepuis 1999, des pas importants ont été faits dansle cadre de la restructuration du secteur énergétique,et maintenant on s’affaire à la mise en œuvre de lastratégie de privatisation. Les prochaines actionsconcernent :

– la réglementation des prix de l’électricité et de lachaleur ;

– l’ouverture totale, mais progressive, du marchépour assurer un mécanisme de formation desprix concurrentiels (selon un calendrier d’ouver-ture du marché présenté au tableau 15.5) ;

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Figure 15.9Évolution de l’index Hirschman-Herfindahl de janvier 2002 à juillet 2003

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Tableau 15.5L’évolution prévue de l’ouverture du marché

DDeeggrréé CCoonnssoommmmaattiioonn dd’’oouuvveerrttuurree DDaattee mmiinniimmuumm dd’’éélleeccttrriicciittéé

40% 31 décembre 2003 20 GWh

55% 31 décembre 2004 1 GWh

100% 30 juin 2005 pour les industriels

19. L’index Hirschman-Herfindahl (HHI) mesure le degré deconcentration du marché. Une valeur près de 0 représente

– la privatisation des opérateurs du marché – larécente «Feuille de route dans le domaine éner-gétique», approuvée par la Décision du Gouver-nement no 890/29.07.2003, prévoit la privati-sation de la distribution de l’électricité et de saproduction. La privatisation des deux premièressociétés de distribution (SC Electrica Banat et SCElectrica Dobrogea) doit être complétée au débutde 2004. La privatisation de la production vacommencer avec les plus grandes centralesthermoélectriques au charbon. La privatisationdes centrales hydroélectriques est égalementprévue et concerne 21 projets d’investissementqui sont en cours.

un marché concurrentiel et une valeur près de 10 000signifie un monopole.

Page 205: VERS DE NOUVELLES ORGANISATIONS DU SECTEUR ÉLECTRIQUE

La Roumanie semble maintenant préparée pouratteindre l’objectif final qui est l’achèvement del’ouverture totale du marché de l’électricité en vue deson intégration au futur marché régional (Europe duSud-Est) et, en bout de ligne, au marché européen.

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Page 206: VERS DE NOUVELLES ORGANISATIONS DU SECTEUR ÉLECTRIQUE

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Dès le début de la décennie 1980, le Sénégal a définiet s’est efforcé de mettre en œuvre des politiquesd’ajustement de son économie qui n’ont cependantpas permis, du moins jusqu’en 1993, de maîtrisersignificativement la détérioration des indicateursmacroéconomiques.

C’est en 1994, après la dévaluation du francCFA, qu’est finalement formulée une stratégied’ajustement globale de l’économie visant à créer lesconditions d’une croissance économique forte etdurable et d’une réduction de la pauvreté, et dont lesprincipaux objectifs sont :

• l’approfondissement de la politique de libérali-sation économique;

• la création de conditions d’une saine concurrencepar l’amélioration du cadre réglementaire etinstitutionnel ;

• l’amélioration de la compétitivité des entreprises;

• la promotion des investissements par la révisionde la législation et de la réglementation;

• le recentrage du rôle de l’État ;

• la promotion du secteur privé ;

• la mise en place d’un dispositif d’incitation et desécurisation de l’investissement privé ;

• la lutte contre la pauvreté.

Contexte macroéconomiqueJusque dans le début des années 1980, l’essentiel dufinancement des infrastructures, en particulier cellesdu secteur de l’électricité, était assuré par des sourcespubliques de financement ainsi que par les parte-naires au développement bilatéraux et multilatéraux.Mais dans le contexte actuel marqué par un accrois-sement important des besoins d’investissement àcaractère social (éducation, santé et lutte contre lapauvreté) au détriment du financement des activitésproductives, on note une réduction majeure desfinancements provenant, d’une part, des organismesofficiels de financement, agences d’aide bilatérale etmultilatérale et, d’autre part, du budget de l’État.

La réforme du secteur électrique du Sénégal opé-rée en 1998 s’inscrivait dans le cadre de la réformedu secteur de l’énergie, qui elle-même participe à lastratégie plus globale d’ajustement de l’économie.Cette stratégie d’ajustement globale visait la stabilitéfiscale et monétaire, la libéralisation de l’économie,la réduction de la taille du secteur public et lapromotion du développement du secteur privé. Samise en œuvre avait contribué à la restauration del’activité économique et de la position financière duSénégal avec :

• un redressement du taux de croissance qui, aprèstrois années de stagnation, voit le PIB croître de3% en 1994 et de près de 5% de 1995 à 1997;

• un déficit de la balance des paiements qui, de10% en 1994, s’établit à 6% en 1997;

• un taux d’inflation qui chute de 32% en 1994,année de la dévaluation, à moins de 3% en 1997;

• un déficit budgétaire (hors dons) qui décroît de6% du PIB en 1994 à 1,5% en 1997.

Le nouveau cadre institutionnel et l’organisation du secteur électrique du Sénégal*Alioune FALLLamine THIOUNE

* Note des auteurs : La rupture de contrat qui est intervenueentre l’État du Sénégal et le consortium Hydro-Québec–ELYO n’est pas de nature à remettre en cause le cadreinstitutionnel et l’organisation du secteur électrique duSénégal qui sont exposés, et c’est la raison pour laquellenous avons pris le parti de les livrer tels quels.

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Dans le cadre de la politique économique, la«Lettre de politique de développement du secteurprivé » (PASCO) prévoyait, pour le secteur del’énergie, l’objectif de réduction du coût des facteurstechniques de production en vue du renforcementde la compétitivité des entreprises. Il s’agissait defaçon concrète d’éliminer les inefficacités, dediminuer le coût d’approvisionnement assumé parles consommateurs et de favoriser le financement dudéveloppement du secteur.

À cette fin, il avait été convenu de redéfinir lesmissions de l’État, de promouvoir une plus grandeparticipation du secteur privé, de libéraliser et decréer les conditions d’une croissance saine de cesecteur. Dès lors s’était imposée la nécessité de révisercomplètement le cadre légal et réglementaire dusecteur de l’énergie en vue d’accroître la productivitéet la compétitivité du secteur.

La politique énergétique de 1997 a ainsi misl’accent sur trois dimensions fondamentales :

• Sur le plan économique, il s’agit de rationaliser lesconditions d’approvisionnement, de production,de distribution et de consommation d’énergie,dans le respect des intérêts à long terme du pays.

• Sur le plan environnemental, le respect des équi-libres écologiques fondamentaux et l’encourage-ment d’une gestion rationnelle des espaces rurauxdans les zones d’exploitation forestière à usageénergétique sont prônés.

• Sur le plan social, il est question d’élargir l’accèsdes populations aux formes modernes d’énergie,condition sine qua non de réussite de la luttecontre la pauvreté, de l’amélioration de la santédes populations, de succès dans les efforts deréduction de l’analphabétisme, du développe-ment de l’agriculture, de la promotion de lafemme, etc.

La stratégie devait se traduire par l’adoption demesures qui englobent tous les sous-secteurs de lasphère énergétique, avec en particulier :

• la libéralisation des importations, du transport etde la distribution des produits pétroliers, ainsique l’abolition de la convention spéciale de laSociété africaine de raffinage (SAR) et son rem-placement par une surtaxe temporaire et dégres-sive sur les importations de produits finis ;

• l’ajustement trimestriel automatique des prix desproduits pétroliers en liaison avec l’évolution descours internationaux;

• la modification du cadre légal et réglementaireafin de permettre un niveau élevé de concurrenceet d’encourager l’implication du secteur privédans l’investissement et la gestion du secteur del’électricité ;

• la privatisation et la restructuration de Senelec ;

• le transfert aux collectivités locales de la gestionet de l’exploitation des ressources ligneuses.

Pour la mise en œuvre de la stratégie, le gouver-nement a mis en place :

• un Comité interministériel de pilotage des ré-formes du secteur de l’énergie (CIPRES) compre-nant l’ensemble des départements ministérielsconcernés et ayant la responsabilité de coordonneret de diriger la mise en œuvre des réformes;

• une Cellule de préparation et de suivi des ré-formes du secteur de l’énergie (CPRSE), com-posée de spécialistes, qui est chargée de menertous les travaux nécessaires à la conduite de cesréformes ainsi que de la préparation et del’exécution du projet Énergie II.

L’approche participative adoptée par le gouverne-ment autant pour la définition de la stratégie quepour sa mise en œuvre, ainsi que le pari pour uneréflexion autonome et collective est à remarquer et àsouligner.

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La réforme du secteur électriqueBref historiqueL’année 1998 est celle de la restructuration complètedu secteur de l’énergie avec la mise en vigueur de loisvisant la refonte du cadre légal et réglementairerégissant chacun des sous-secteurs :

• le sous-secteur des hydrocarbures ;

• le sous-secteur électrique;

• le sous-secteur des combustibles domestiques.

– À compter de l’année 1983

La Loi 83-72 portant sur la création de laSociété nationale d’électricité est adoptée et lanouvelle Senelec, désormais monopole ver-ticalement intégré, se substitue aux deuxentités qui étaient jusque-là en charge dusecteur électrique.

Diverses expériences d’amélioration du fonction-nement du secteur dans le cadre du statu quoinstitutionnel sont mises en œuvre :a) Contrat-plan;b) Programme de redressement du secteur

électrique;c) Jumelage.

L’année 1992L’ère des conditionnalités institutionnelles débute(l’économie du pays connaît de graves difficultés:croissance négative, profonds déficits des financespubliques, etc.).

Dévaluation du franc CFA en 1994

À la suite de la dévaluation du franc CFA en1994, une nouvelle politique économique estmise en œuvre, en prolongement du programmed’urgence qui avait été arrêté en 1993.

Fin 1996

Dans ce nouveau contexte, le gouvernementinstaure, fin 1996, un ensemble de mesuresvisant la réforme complète du secteur, détailléesdans la «Lettre de politique de développementdu secteur de l’énergie » (LPDSE) signée enjanvier 1997.

Les justificatifs de la réforme de 1998Le service public de l’électricité fonctionne commeun monopole intégré verticalement. La Sociéténationale d’électricité du Sénégal (Senelec), sociéténationale à capital social détenu à 100% par l’État,est le seul opérateur du secteur. Elle agit sous ladouble tutelle du ministère chargé de l’Énergie pourle volet technique et du ministère des Finances pourles aspects financiers.

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Loi 98-03 du 8 janvier, portant sur le Code forestier.

Loi 98-05 du 8 janvier, portant sur le Code pétrolier.

Loi 98-31 relative aux activités d’importation,de raffinage, de stockage, de transport et de distribution d’hydrocarbures et ses décrets d’application.

Loi 98-29 du 14 avril 1998 dite « loi d’orientation du secteur de l’électricité» et ses décretsd’application.

Loi 98-06 du 28 janvier 1998 autorisant la transformationde la Société nationale d’électricité en sociétéanonyme.

Pour le secteur électrique, cette restructurationconstitue l’instant opportun d’un processus de chan-gements institutionnels remontant loin dans le passé:

Jusqu’à la fin des années 1960Le secteur a fonctionné à travers des sociétésprivées.

À partir de 1969Débute un processus de «nationalisation» com-prenant deux périodes :

– 1972-1983: une phase d’affermage avec :

a) Électricité du Sénégal (EDS), société(d’État) de patrimoine;

b) Société nationale d’électricité du Sénégal(Senelec), société (anonyme) d’exploitationavec les attributions de société fermière.

Tableau 16.1Lois promulguées dans le cadre

de la réforme du secteur électrique en 1998

Page 209: VERS DE NOUVELLES ORGANISATIONS DU SECTEUR ÉLECTRIQUE

Malgré l’intégration verticale des trois segmentsdu secteur, un opérateur privé peut néanmoinsmener des activités de production pour la satisfactionde ses besoins propres (autoproduction). Une auto-risation du ministère chargé de l’Énergie est toutefoisrequise à cet effet.

Le total de la puissance installée à des fins d’auto-production s’élève à 90 MW, pour une productionannuelle de 100 GWh. Cette puissance concernenotamment:

• les industries chimiques du Sénégal (engrais etphosphates) ;

• la Compagnie sucrière sénégalaise ;

• les huileries de la SONACOS.

Les segments du transport et de la distributionrestent par contre des monopoles dévolus à laSenelec.

Le système électrique sénégalais se caractérise pardes capacités de production exclusivement ther-miques utilisant des produits pétroliers importés(mazout lourd et diesel) sans tenir compte des faiblesconsommations de gaz naturel local. Le tableau 15.1donne une image synthétique du secteur de l’élec-tricité avant la réforme de 1998.

Ainsi, l’électrification rurale était très peudéveloppée puisqu’on ne recense que 300 villagesélectrifiés sur les 13 000 recensés dans le pays. Letaux de raccordement, estimé à 2 % par an, étaitinférieur au taux de croissance démographique quis’élève, lui, à 2,7 % par an. L’État avait cependantconsenti des efforts financiers importants pour remé-dier à cette situation; le budget de l’État consacrait9 milliards pour le financement des travaux.

Malgré de nombreux points forts, tels que dupersonnel compétent, des tarifs adéquats en niveau,une bonne gestion des réseaux de transport et dedistribution, favorisée par la réhabilitation et lerenforcement opérés durant la fin des années 1980,ou encore de bonnes performances en matière derecouvrement (exclusion faite de l’État et del’ancienne SONEES avant le changement institu-tionnel intervenu dans le secteur de l’eau), la Senelecaffiche des contre-performances qu’il convient degarder à l’esprit pour saisir pleinement la dynamiquede réforme du secteur. Au nombre de ces insuffi-sances figurent les points suivants :

• Le faible accès des populations à l’électricité,même en milieu urbain, où de nombreux quar-tiers des villes électrifiées ne sont pas desservis.

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Tableau 16.2Données du système électrique du Sénégal

Puissance installée 300 MW

Production (1996) 1154 GWh

Énergie facturée (1996) 922 GWh

Puissance de pointe (1996) 180,5 MW

Nombre d’abonnés (1996) 311853(dont 271500 «usagers domestiques»)

Chiffre d’affaires (1996) 66257 millions de francs CFA(prix moyen de 72 francs CFA/kWh)

Résultat avant le fonds de renouvellement 8114 millions de francs CFA

Effectif 2184 (dont 266 cadres)

Taux d’électrification Ensemble du pays : 25%

Milieu urbain : 50%

Milieu rural : 5%

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• En milieu rural, où le nombre d’abonnés estactuellement de 27000, on estime pouvoir aug-menter de 25000 le nombre de raccordementspar une politique de densification pour un coûtcompris entre 2,7 et 3 millions de dollarsaméricains.

• Face à une croissance de la demande de 3,5% paran, les retards d’investissement en moyens deproduction sont sources de délestages, ou d’inter-ruptions fréquentes et parfois longues du service.En outre, il s’ensuit une utilisation excessive desgroupes existants, et cela, au détriment des pro-grammes d’entretien.

• La maintenance des groupes de production laisseà désirer, avec des taux de disponibilité médiocreset leurs effets négatifs sur les dépenses de com-bustibles, sur les coûts d’entretien et sur la qualitéde service. Il est à noter que l’âge moyen desgroupes tourne autour de 19 ans (23 ans pour lesgroupes vapeur de Cap-des-Biches et 39 ans pourceux de Bel-Air).

• Les pertes commerciales, avec un rendementglobal de 80% (abonnés non facturés, compteursdéfectueux, fraude, etc.), obèrent les revenus dela Société.

• Sur le plan comptable, la Senelec affiche de graveslacunes avec comme conséquence des incertitudesen ce qui concerne de nombreux postes du bilan:immobilisations, comptes clients, prêts aupersonnel, etc.

Avec moins de 150 kWh de production d’électri-cité par habitant (contre 650 kWh de consom-mation moyenne dans les pays en développement) etun taux d’électrification de 25 % (contre unemoyenne mondiale de 60%), les efforts à fournir parle Sénégal pour la satisfaction des besoins futurs enénergie électrique du pays apparaissent extrêmementimportants.

Ainsi, la réalisation de l’objectif du gouverne-ment visant à hisser le taux d’électrification rurale à15% sur une période de 5 ans requerra une enve-loppe de 100 milliards de francs CFA. Cette somme

ne tient pas compte des investissements dans lesdomaines de la production et du transport. Plus de200 milliards de francs CFA devraient donc êtremobilisés au cours de ces 5 années au profit dusecteur électrique, sans tenir compte du coût derenouvellement des centrales électriques devenuesobsolètes.

Ces montants considérables doivent être mis enrelation avec le fait que pratiquement aucun finance-ment concessionnel n’est enregistré depuis quelquesannées, particulièrement des bailleurs de fonds tradi-tionnels, même si l’Agence française pour le dévelop-pement (AFD) a apporté son soutien à la réhabili-tation de la centrale de Bel-Air pour un montant de3,5 milliards de francs CFA, et à l’exception égale-ment des autres financements suivants :

• troisième groupe diesel de la centrale CIV deCap-des-Biches (fonds saoudien) ;

• électrification de la basse vallée du fleuve Sénégal(KFW/Allemagne) ;

• interventions de la Banque Ouest Africaine deDéveloppement (BOAD) mais avec des moyenslimités.

Le sevrage du secteur en financement tradition-nel s’est traduit par le recours à l’épargne locale pourle financement de la turbine à gaz no 3 de 25 MWet également par l’adoption de l’option de produc-tion indépendante avec un premier contrat signépour une centrale de 50 MW avec une filiale de lacompagnie américaine General Electric.

Le processus préparatoireLa réforme du secteur de l’énergie du Sénégal a misdu temps à se dessiner. Pas moins de cinq années sesont écoulées entre le moment où la question a com-mencé à figurer explicitement à l’ordre du jour desdiscussions entre le gouvernement du Sénégal et sespartenaires au développement (1991) et le momentoù l’État a effectivement pris la décision de réformerle secteur (1996).

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Durant cette période, diverses actions ont étéconduites par le gouvernement, entre autres :

• un important effort de réflexion interne, alimen-té par diverses études, parmi lesquelles on citeral’étude du cabinet GRADIAN, celle du groupe-ment HQI-SOGEMA et les contributionsd’experts sénégalais et des bailleurs de fonds ;

• la participation des hauts fonctionnaires del’Administration et de responsables des sociétésd’énergie à de nombreux forums pour s’impré-gner de l’expérience des autres pays (forum duConseil mondial de l’énergie, séminaires ousymposiums de l’IEPF, de l’UPDEA, de laBanque mondiale, etc.) ;

• une concertation nationale sur les enjeux et lescontours de la réforme du secteur de l’énergie duSénégal, concertation qui a culminé en 1996avec, successivement, les journées organisées surle thème précédent par le Groupe de réflexionpour la croissance et la compétitivité (GRCC) etl’atelier de haut niveau organisé par le ministèrechargé de l’Énergie, juste à la veille d’une réuniond’arbitrage entre le ministère de l’Économie, desFinances et du Plan et le ministère de l’Énergie,des Mines et de l’Industrie ;

• c’est ex post, c’est-à-dire une fois les décisions deréforme prises et alors que s’ouvrait la bataille del’opinion, que l’on a pu apprécier la pertinence dela démarche adoptée par le gouvernement, privi-légiant une réflexion autonome et la participationde toutes les parties intéressées, notamment lessyndicats, les associations de consommateurs, lesorganisations professionnelles, à côté d’expertsnationaux et étrangers. Le cas particulier du sous-secteur de l’électricité, avec une forte présencesyndicale opposée au changement, a confirméque, dans ce genre d’exercice, la démarche estautant importante que le contenu de la réforme.

Le secteur électrique dans la LPDSE de 1997Tels qu’ils ressortent de la « Lettre de politique dedéveloppement du secteur de l’énergie» (LPDSE), lesobjectifs principaux poursuivis par le gouvernementdans le sous-secteur de l’électricité consistent à:

• assurer la garantie de l’approvisionnement enélectricité à la population et aux autres consom-mateurs, dans les meilleures conditions de sûretéet de prix compatibles avec la situation écono-mique du pays ;

• accélérer l’électrification rurale (15 % en l’an2000) et urbaine (60% en l’an 2000).

À cette fin, le gouvernement retient le principed’une plus large implication du privé dans le sous-secteur, autant pour consolider et améliorer substan-tiellement l’efficacité et la productivité que pourpromouvoir le développement du sous-secteur. Laréforme du sous-secteur comporte ainsi un impor-tant volet de restructuration de l’industrie et dechangement du régime de propriété.

Les principes de restructuration et de changement du régime de propriété

Sans nier l’intérêt des formules de gestion déléguée,d’affermage, etc., il semble que ce soit surtout dansdes situations critiques – service public très dégradé,faible maîtrise des ventes, performances de recouvre-ment médiocres avec prépondérance des causesinternes de dysfonctionnement sur les causesexternes – que le recours à ces formules se justifie.En tout état de cause, celles-ci ne déchargent pasl’État de la responsabilité financière du développe-ment du secteur, comme le montre l’exemple despays voisins.

Aussi, pour atteindre l’objectif visant le dévelop-pement du sous-secteur dans des conditions compé-titives, le gouvernement a-t-il décidé des mesuressuivantes :

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• Ouvrir toute nouvelle production au secteurprivé, notamment selon la formule BOO1.

• Dans les localités déjà électrifiées et à l’expirationdes concessions pour la distribution, l’octroi deces dernières fait l’objet d’une procédure d’appelsd’offres à des opérateurs privés, à des collectivitéslocales ou à des coopératives.

• Dans les localités non électrifiées, ce processussera, autant que possible, également retenu.

• L’État, à court terme, se désengage du sous-secteur par l’ouverture du capital de la Senelec,dont une majorité des parts est transférée à unPartenaire Stratégique, au secteur privé sénégalaiset au personnel. Dans le souci d’améliorer l’effi-cience de la nouvelle société, le Partenaire Straté-gique se verra confier d’importantes respon-sabilités en matière de gestion, moyennant lasouscription d’une part minimale du capital etdes engagements en matière d’électrification.

Un organe de régulation est créé pour veiller àl’application de la nouvelle loi qui régit le sous-secteur à la suite des changements induits par lesmesures qui précèdent.

La mise en œuvre de la réformeGrâce aux ressources financières apportées par lespartenaires au développement, en l’occurrence laBanque mondiale et le Japon, la CPRSE a pu recru-ter des consultants spécialisés pour l’appuyer dans lesétudes de restructuration du secteur de l’énergie etdans la privatisation de la Senelec.

La refonte du cadre légal et réglementaire dusecteur électrique a donné lieu à des concertationsamorcées par la CPRSE avec toutes les parties inté-ressées, à savoir la direction de la Senelec, les syndi-cats de travailleurs de l’entreprise, les organisationspatronales et les associations de consommateurs.

Un atelier élargi a clos ce cycle d’échanges autourde la restructuration du cadre légal et réglementaire.

Structure de l’industrie électriquedans la réforme de 1998La Senelec a le monopole du transport sur tout leterritoire national et le principe de l’accès des tiers auréseau de transport est retenu dans la loi.

En vue d’introduire la concurrence, la Senelecdevra, dans un premier temps, séparer, sur le plancomptable, ses principales activités de production,de transport et de distribution avant de les filialiser.

La Senelec devra faire appel à des producteursindépendants pour la mise en œuvre de toutenouvelle capacité de production.

L’exercice de toute activité dans le secteur estsoumis à l’obtention:

• d’une licence pour les activités de production etde vente ;

• d’une concession pour les activités de transportet de distribution. Les conditions de délivrancesont relativement simplifiées. Par exemple, laproduction pour consommation propre estsoumise à une simple déclaration préalable.

Régime de propriété des ouvragesLors de la création de la Société nationale d’électri-cité (Senelec), l’État avait transféré à cette dernière lapropriété des ouvrages de son domaine privé, lescentrales, mais lui avait seulement confié la gestiondes ouvrages du domaine public et les lignesélectriques.

Afin d’attirer et de sécuriser les investissementsprivés et de rassurer les investisseurs ainsi que lesprêteurs potentiels, la nouvelle loi 98-29 transfère lapropriété des lignes électriques à la Senelec et recon-naît à tout concessionnaire le droit de propriété surles lignes qu’il aura construites.

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1. BOT: Build, Own, Operate. En français : Construction–Exploitation–Transfert (CET).

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L’organe de régulation et la régulation des tarifsLa loi 98-29 crée un organe indépendant chargé dela régulation du secteur. Avant la conclusion, nousreviendrons en détail sur cet organe ainsi que sur larégulation des tarifs.

L’Agence sénégalaised’électrification ruraleLa mission principale de l’Agence sénégalaise d’élec-trification rurale (ASER) est de promouvoir l’électri-fication rurale en accordant aux entreprises dusecteur de l’électricité et aux particuliers l’assistancetechnique et financière nécessaire pour soutenir lesinitiatives dans le domaine.

L’ASER développe les programmes d’électri-fication rurale établis sur la base d’un plan défini parle ministère chargé de l’Énergie.

Chaque année, l’ASER organise des appelsd’offres pour l’octroi de nouvelles concessions dedistribution en milieu rural.

L’ASER encourage aussi la soumission de projetsd’électrification rurale par des opérateurs privés dontelle examinera les demandes de financement.

Le modèle structurel retenuLe modèle structurel retenu par le cadre législatif estle modèle de l’acheteur unique pour une période dedix ans.

Cette structure du secteur et le cadre retenu pourson évolution future au Sénégal se justifient par lefait que les nouveaux modèles dans le secteur del’électricité permettent de distinguer :

• les services compétitifs : production et vente (lavente comporte l’achat de l’électricité auprès desproducteurs et sa vente aux consommateurs) ;

• les services monopolistiques (transport et distri-bution).

La Senelec est tenue d’introduire une séparationcomptable entre ses activités principales dans undélai de trois ans à compter de la date de signaturede son contrat de concession et, dans chacun dessegments, elle dispose des prérogatives suivantes :

• Pour la production, la Senelec peut continuer àproduire dans la limite des capacités de pro-duction existantes au moment de la privatisation.Au-delà, elle doit faire appel à des producteursindépendants au moyen d’appels d’offres.

• Dans le segment du transport, elle détient unmonopole sur le territoire national.

• Pour la distribution et la vente, la Senelec al’exclusivité de la vente en gros (pendant unepériode de dix ans), de la distribution et de lavente au détail dans son périmètre de concession.

Au terme de la période d’exclusivité de dix ans,le marché des «gros consommateurs» sera libéralisé.Ces derniers pourront alors choisir leur sourced’approvisionnement, qui pourra être la Senelec oudes producteurs indépendants, moyennant le paie-ment d’un droit d’accès au réseau de transport de laSenelec.

La privatisation de la SenelecUne première expérience de privatisation de laSenelec a été mise en œuvre en 1999 et s’est traduitepar une rupture, au bout de 18 mois, du contratentre l’État et le Partenaire Stratégique, les objectifsvisés n’ayant pas été atteints. Un second processuslancé en juillet 2001 a été déclaré infructueux par legouvernement en juillet 2002, autant pour desraisons de transparence, liées au souci de l’État de nepas déroger aux dispositions du Règlement de l’appeld’offres, que pour la sauvegarde de l’intérêt national.

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La première opération de privatisation de 1999

Géographie du capitalLa géographie du capital de la Senelec n’a pas étéfixée avant le lancement de l’opération de privati-sation. Cependant, le pourcentage d’actions réservéesau secteur privé est encadré par la loi.

En ce qui concerne la géographie du capital, laLPDSE a retenu que la majorité du capital sera déte-nue par le Partenaire Stratégique (PS), les travailleurset le secteur privé national réunis. La LPDSE a aussiprévu que le niveau de participation du PartenaireStratégique soit donné dans son offre.

Aux termes de la loi 98-06 «autorisant la trans-formation de la Société Nationale d’Électricité(Senelec) en Société Anonyme à participationpublique majoritaire », les précisions suivantes ontété apportées sur la géographie du capital :

• tranche stratégique: le Partenaire Stratégique doitsouscrire au moins 33,33 % du capital de laSenelec,

• tranche salariée : les parts réservées aux travail-leurs se montent à 10%. Ceux-ci disposent d’undélai d’option se terminant le 31 décembre 1998.

La décision d’acheter ou non des actions et l’ac-quisition elle-même seront faites sur une baseindividuelle.

• Offre publique de vente (OPV) : le nombre departs réservées au public n’est pas fixé. De plus,il n’est pas exclu que soit organisée une OPV enrecourant éventuellement à la Bourse Régionaledes Valeurs Mobilières (BRVM) de l’UEMDA.

• L’État, in fine, va se retrouver avec au maximum41% du capital, mais selon les termes de la loi98-06, il devra disposer initialement de 51 %dont 10% font l’objet de portage au profit destravailleurs. On trouve là l’explication de l’inti-tulé de la loi 98-06.Dans l’optique de conforter les moyens juridiques

nécessaires à la mise en œuvre de cette responsabilitéde gestion, les nouveaux statuts de la société réservent

au Partenaire Stratégique, jusqu’au 31 décembre2003, sept sièges sur les douze que compte le conseild’administration (C.A.). Dans le même ordre d’idées,le directeur général est nommé par le C.A. sur pro-position des administrateurs représentant le Parte-naire Stratégique. Il convient de signaler que l’optionlui est aussi offerte, dans un délai d’un an, d’aug-menter sa part au capital par la cession d’actionsdétenues par l’État ou par l’augmentation de capital àlaquelle l’État ne participerait pas.

La mise en œuvre du processus de privatisation

L’opération de privatisation a comporté deux phases,à savoir une phase de préqualification et une phasede sélection. La sélection a été opérée, sous réservede l’acceptation de la version finale des documentsde transaction, sur la base du prix d’acquisition paraction libellé en euros (€). Le candidat devait aussipréciser le nombre de titres qu’il se proposed’acquérir.

Le consortium Hydro-Québec International –ELYO a été retenu comme Partenaire Stratégique dela Senelec avec un écart de prix de l’ordre de 0,33%par rapport au second classé et un bloc d’actions de34%.

Le Partenaire Stratégique est entré en fonction le31 mars 1999.

Pour la tranche des salariés, le «Regroupement desagents et des ex-agents de la Senelec», qui a transmisà l’État, avant la fin de décembre 1998, l’option destravailleurs à souscrire les 10 % qui leur étaientréservés, a commencé des concertations avec legouvernement.

À la suite des concertations avec les travailleurs,le ministère de l’Économie, des Finances et du Plana officiellement transmis à ces derniers une offre devente définissant le niveau de décote de l’action et lesmodalités de règlement des actions cédées. Il s’agitdes conditions offertes aux travailleurs de laSONATEL, à savoir un niveau de décote de 45% etle remboursement de l’emprunt qui sera accordé parl’État sur une durée de 7 ans, dont 2 ans de différé.

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Par ailleurs, la séquence de l’Offre Publique deVente s’est révélée impossible en raison de la non-satisfaction, par la Senelec, de la condition préalablefixée par le Conseil Régional de l’Épargne Publiqueet des marchés financiers de l’UEMOA, à savoir lacertification des comptes des trois derniers exercicesde la Senelec.

C’est ainsi que, pour satisfaire la condition deréduction des parts de l’État, une convention deportage d’actions, à hauteur de 25% du capital de laSenelec (10 % réservés aux travailleurs et 15 % àl’Offre Publique de Vente), a été signée entre l’Étatet la BICIS. Cette opération a permis de ramener à41% la part de l’État du capital social de la Senelec,où elle se situe toujours.

Les factures de rupturesDans la pratique, l’expérience de partenariat public-privé ne s’est pas déroulée comme prévu et n’a pasproduit les résultats escomptés, faute, en partie, de nepas avoir duré assez longtemps. En effet, en raison dela persistance des délestages qui ont causé d’énormespréjudices à l’économie et aux abonnés, le PartenaireStratégique et l’État ont décidé, le 3 janvier 2001, derésilier à l’amiable le contrat qui les liait.

À l’analyse, il apparaît clairement que, entreautres, la stratégie de privatisation retenue et lestermes du partenariat tels que reflétés par lesdocuments de transaction ont amené l’échec dupartenariat :

– L’opération de privatisation a été lancée sansqu’ait été fixée la géographie du capital, notam-ment la part de capital devant être souscrite par lePartenaire Stratégique. En effet, le principe a étéaccepté de lui confier le contrôle total de laSenelec, quel que soit le niveau de souscriptionde celui-ci dans le capital de la Société, ce niveauétant laissé à l’appréciation de l’investisseur, à laseule condition que ce dernier souscrive au moinsle tiers du capital.

– Il n’avait pas été demandé d’offre technique,encore moins de plan d’affaires (business plan), etaucun programme minimum n’avait été fixé.

Tout juste avait-il été défini des obligations deraccordement de nouveaux abonnés ainsi que desnormes de qualité de service donnant lieu à unepénalisation en cas de non-respect (« incitationscontractuelles»).

L’absence de programme d’investissements mini-mums et la liberté laissée au Partenaire Stratégiquepour remettre à niveau la capacité d’offre d’énergieélectrique, ajoutées aux tiraillements au sein duconsortium et à la relative imprécision qui a entouréla formulation, dans les documents contractuels, desobligations de la Senelec et du Partenaire Stratégique(conséquence de l’indétermination qui a caractériséla géographie du capital), devaient avoir pour résultatun développement quasi nul de l’infrastructureélectrique durant le temps de présence du PartenaireStratégique à la Senelec.

Quelques leçons tirées de la premièreopération de privatisation

L’échec du partenariat devait mettre en relief certainsaspects contractuels, notamment la distorsion entrela part minoritaire du capital détenue par le Parte-naire Stratégique (34%) et le pouvoir de contrôle del’entreprise qui lui est dévolu. Par ailleurs, le fait demiser sur des incitations contractuelles plutôt qued’engager la responsabilité directe du PartenaireStratégique dans l’atteinte d’objectifs précis, quan-tifiés et datés semblerait mieux adapté.

La seconde opération de privatisationÀ la suite de la rupture du premier partenariat, legouvernement du Sénégal a réitéré son intérêt pourune libéralisation et une implication accrue du privédans le secteur de l’électricité. Une formule différentes’apparentant à la concession a été retenue.

Principales orientationsLa mise en œuvre du schéma adopté pour la secondeprivatisation, fondée sur le régime de concession, anécessité la modification du régime de propriété desinstallations existantes et à construire, mais également

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celle des dispositions législatives concernant le déve-loppement de la production.

L’article 19, alinéas 4 et 5, de la loi 98-29, ainsique son chapitre IV ont été abrogés et remplacés parla loi 2002-01 du 10 janvier 2002 pour instaurer lesnouveautés suivantes :

– Régime de propriété des installations : Les lignesélectriques qui avaient été extirpées du domainepublic artificiel de l’État ainsi que les centrales deproduction seront désormais la propriété del’État. L’État les met à la disposition du conces-sionnaire, à savoir la Senelec, et les reprendra à lafin de la concession si le contrat n’est pasrenouvelé. Les conditions de mise à dispositiondes installations par l’État sont précisées dans leContrat de concession de la Senelec.

– Développement de la production: Il est égalementretenu dans les modifications de la loi no 2002-01,à la différence de la loi 98-29, que la Senelec peutdésormais développer de nouvelles centralesélectriques en concurrence avec des producteursindépendants. Ainsi, la Senelec peut aller encompétition avec des producteurs indépendantspour le développement des installations nouvellesde production. Dans ce cas, la Commission meten œuvre le processus d’appel d’offres.

Le souci du gouvernement est de responsabiliserla Senelec et, au-delà, le Partenaire Stratégique.

a) Dans le but de clarifier les rôles et les respon-sabilités des différents acteurs, le gouvernementa opté pour une nouvelle géographie du capital,en décidant de céder 51 % des actions de laSenelec au Partenaire Stratégique.

b) Il est apparu impératif, pour sécuriser l’opérationde privatisation, de modifier la structure de latransaction en combinant cession d’actions etaugmentation de capital, c’est-à-dire accepterqu’une partie des fonds versés par le PartenaireStratégique reste dans l’entreprise par le biaisd’une augmentation de capital (souscrite par leseul Partenaire Stratégique) pour servir au finan-cement des investissements, tout en améliorant

les fonds propres et donc la capacité d’endette-ment de la Société. Ainsi, la prise de participationdu Partenaire Stratégique de 51 % du capitalsocial de la Senelec comprend, d’une part, uneaugmentation de capital égale à 30% du mon-tant total à payer par le Partenaire Stratégique et,d’autre part, une cession d’actions d’un montantégal à 70% de ce montant.

c) L’opération prévoit que le Partenaire Stratégiques’engage à réaliser un programme d’investisse-ments minimums qui sera contractuel et à mobi-liser, à cet effet, les financements requis.

d) L’État a décidé de la mise en concession des actifsde la Senelec. Les options retenues dans le cadrede la concession se traduisent par la modificationdu régime de propriété des biens. Par ailleurs,l’option de la production indépendante généra-lisée ne sera plus envisagée à court ni à moyenterme, ce qui implique la suppression de l’inter-diction faite à Senestre de construire de nouvellesinstallations de production.

Résultat de la seconde opération de privatisation

La seconde opération de privatisation de la Seneleca été lancée le 10 juillet 2001 avec la publication del’appel d’offres international. Deux candidats ontsoumis des offres, à savoir AES Frontier Interna-tional et le groupement Vivendi Environnement/ONE.

Au terme du processus, Vivendi Environnement/ONE a été classé premier devant AES FrontierInternational.

Les négociations entre le gouvernement duSénégal et le groupement Vivendi Environnement/ONE ont par la suite été suspendues le 22 février2002 à la suite de difficultés dans le processus. Eneffet, le gouvernement du Sénégal a estimé entreautres que la proposition de paiement de ce groupe-ment ainsi que les modalités de paiement de l’offrefinancière n’étaient pas conformes au dossier d’appeld’offres.

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Des négociations ont par la suite été engagéesavec le soumissionnaire classé second au processusd’appel d’offres, à savoir AES Frontier International.Mais ces négociations n’ont pas abouti non plus.

Il convient de signaler que les négociations avecAES Frontier International, qui n’avait pas manquéde manifester son souhait de conclure une ententeavec le gouvernement du Sénégal, ont été entaméesau moment où le prix de son action s’est effondrédans le contexte de la faillite du courtier en énergieENRON. Ce marasme boursier a eu un impact cer-tain sur la capacité d’investissement sur de nouveauxprojets des grands groupes opérant à l’international.

Les perspectives actuellesLe ministère des Mines, de l’Énergie et de l’Hydrau-lique a mis en place une «Task Force» chargée de ladéfinition de la politique énergétique.

Les travaux de la «Task Force» s’articulent autourdu volet financement des investissements et du voletévolution institutionnelle de la Senelec.

Au sujet du premier volet, les représentants dugouvernement (les membres du groupe techniquead hoc créé par l’arrêté no 6263 du 24 septembre2002) et ceux des bailleurs de fonds ont analysé etfixé le programme d’urgence ainsi que les autresinvestissements de la Senelec pour la période 2003-2008. Ils se sont accordés sur le recours à la formule« BOO » (Build, Own, Operate)2 pour la mise enplace d’une centrale diesel de 60 MW à l’horizon2005.

L’appel d’offres pour cette nouvelle centrale deproduction indépendante a été lancé sans délai, laphase de préqualification étant terminée.

La Banque mondiale poursuit ses travaux d’évalua-tion du projet d’investissements qu’elle comptefinancer au profit de la Senelec (Objectif : passer auconseil d’administration de la Banque en fin d’année2003).

En ce qui concerne le deuxième volet des travauxde la «Task Force », c’est-à-dire l’évolution institu-tionnelle de la Senelec, un bilan des deux précé-dentes opérations de privatisation a été dressé etd’autres expériences furent analysées (secteur de l’eauau Sénégal, secteur électrique au Maroc et auGabon).

Sur la base des recommandations de la « TaskForce», le gouvernement envisage une analyse détail-lée de la formule de la concession, sans exigence derachat des actifs existants par le Partenaire Stratégiquequi nécessiterait un accompagnement de la Senelecpar l’État et les bailleurs de fonds pour le financementdu programme quinquennal d’investissements.

Globalement, le schéma d’évolution institution-nelle de la Senelec présenté ci-dessus va faire l’objet,avant son adoption définitive, d’un approfondis-sement avec l’appui d’un consultant.

Dans ces conditions, le gouvernement a signé, le9 avril 2003, une nouvelle «Lettre de politique dedéveloppement du secteur de l’énergie», qui détaillel’ensemble des mesures que le gouvernement entendmettre en œuvre pour parachever la réforme dusecteur.

La structure intégrée de l’industrie électriquedevrait faire place à des activités dégroupées avec,d’un côté, des producteurs et, de l’autre, des distri-buteurs (Senelec et les distributeurs indépendants enmilieu rural).

Dans l’optique de cette stratégie :

– le gouvernement entend promouvoir le dévelop-pement de pôles de production d’énergie élec-trique dans des régions autres que celle de Dakarpour des raisons liées à la raréfaction des sites età un besoin de plus grande sécurité, incompatibleavec une très forte concentration des ouvrages deproduction;

– tout projet de nouvelle centrale sera réalisé enpriorité, comme celui d’une entreprise privée deproduction d’électricité ;

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2. En français : Construction–Propriété–Exploitation.

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– les centrales de production existantes pourraientêtre cédées au secteur privé dans la mesure du possible, compte tenu de leur potentield’extension;

– Senelec a le monopole du transport de l’élec-tricité sur l’ensemble du territoire, ainsi quel’exclusivité de la distribution dans son péri-mètre; elle continuera à exploiter les centrales quin’auront pas été cédées au secteur privé.

Au sujet du financement des investissements,après la session spéciale consacrée à l’énergie lors dela réunion du Groupe Consultatif (du 11 au 13 juin2003), le principe de la tenue d’une réunionsectorielle sur l’énergie à laquelle seront conviés tousles bailleurs de fonds potentiels du secteur est retenu.Il reste à mener les actions préparatoires nécessaires.

Enfin, en ce qui concerne les délais, la nouvelle«Lettre de politique de développement» mentionnequ’un Partenaire Stratégique devrait être sélectionnéau plus tard à la fin de décembre 2004.

La régulation du secteur de l’électricitéLa Commission de régulation du secteur de l’électri-cité, créée par la loi 98-029, vise les objectifs suivants:

• Promouvoir le développement rationnel de l’offred’énergie électrique.

• Veiller à l’équilibre économique et financier dusecteur électrique et à la préservation des condi-tions économiques nécessaires à sa viabilité.

• Veiller à la préservation des intérêts des consom-mateurs et à assurer la protection de leurs droitsen ce qui concerne le prix, la fourniture et laqualité de l’énergie électrique.

• Promouvoir la concurrence et la participation du secteur privé en matière de production, detransport, de distribution et de vente d’énergieélectrique.

• Assurer les conditions de viabilité financière desentreprises du secteur de l’électricité.

Le choix fait au Sénégal, lors de la création de laCommission, a été de mettre en place un organedédié au secteur de l’électricité, ceci probablementen raison des disparités institutionnelles des secteursqui pourraient être concernés (électricité, eau,téléphone, etc.).

De même, l’option d’une Commission a été rete-nue au détriment de celle d’un régulateur, la raisonprincipale étant qu’un seul régulateur aura plus dedifficulté à faire accepter sa légitimité que plusieurs.

La Commission de régulation du secteur del’électricité est composée d’un président et de deuxautres membres, nommés par décret en raison deleur intégrité morale, de leur honnêteté intellectuelle,de leur neutralité, de leurs compétences dans lesdomaines juridique, technique et économique, et deleur expertise dans le secteur de l’électricité. Ilsjouissent, dans l’accomplissement de leurs missions,de l’immunité : ils ne peuvent être poursuivis,recherchés, arrêtés ou jugés pour des opinions ou desdécisions exprimées, des votes émis ou des actescommis dans l’exercice de leurs fonctions.

La fonction de membre de la Commission derégulation du secteur de l’électricité est incompatibleavec quelque fonction rémunérée que ce soit, toutmandat électif, tout emploi public, ainsi que toutedétention directe ou indirecte d’intérêts dans uneentreprise du secteur de l’énergie. En outre, lesmembres de la Commission de régulation du secteurde l’électricité ne peuvent exercer aucune activité àtitre consultatif ou autre, rémunérée ou non, si celle-ci concerne les domaines de la production, dutransport, de la distribution ou de la vente d’énergieélectrique.

La Commission dispose d’attributions consulta-tives et en matière de décisions individuelles.

Les attributions consultativesLa Commission peut être informée par le ministrechargé de l’Énergie sur tous les projets de textesrelatifs au secteur de l’électricité. À ce titre, elle peutproposer au ministre tout projet d’arrêté concernant:

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• les droits et obligations des entreprises titulairesd’une licence ou d’une concession;

• l’accès des tiers au réseau de transport ;

• les relations des entreprises avec leurs clients.

Les attributions en matière de décisionsindividuelles

La Commission:

• instruit les demandes de licence ou de concession;

• veille au respect des termes des licences et desconcessions, en particulier ceux relatifs à l’obliga-tion de continuité du service ;

• apporte toute modification d’ordre général auxlicences, aux concessions ou à leur cahier descharges ;

• assure le respect des normes techniques appli-cables aux entreprises du secteur ;

• assure le respect de la concurrence dans lesecteur ;

• détermine la structure et la composition destarifs ;

• applique, le cas échéant, des sanctions aux opéra-teurs pour manquement à leurs obligations.

La Commission ne délibère valablement que si aumoins deux de ses membres sont présents. Lesdécisions sont prises à la majorité. En cas de partageégal des voix, celle du président est prépondérante. LaCommission, pour mener à bien les tâches dont ellea la responsabilité, s’appuie sur un certain nombre dedocuments, dont un recueil de procédures derégulation portées à la connaissance des opérateurs etdu public par le biais de règlements d’application.Elle s’appuie de même sur un manuel des procéduresinternes dont la finalisation est en cours.

Les procédures de régulationCes procédures concernent :

• le contrôle de l’exécution annuelle du contrat deconcession et du cahier des charges de la Senelec(y compris l’obtention d’information, le contrôlede l’application des incitations contractuelles

relatives à l’énergie non servie, le contrôle del’application du régime tarifaire, les obligationsgénérales de bonne conduite de la Senelec relativesà la production, au transport et à la distribution);

• l’approbation du plan quinquennal de produc-tion proposé par la Senelec ;

• la révision intérimaire des dispositions du contratde concession de la Senelec ;

• la révision quinquennale de la formule de con-trôle des revenus de la Senelec ; une de ses prin-cipales attributions dans ce domaine est decontrôler la bonne application des principesd’établissement des tarifs ;

• l’octroi des licences de production (notammentles appels d’offres organisés par la Senelec), desconcessions de distribution et des licences devente à l’extérieur du périmètre ;

• le contrôle ponctuel du contrat de concession etdu cahier des charges de la Senelec (ex.: l’applica-tion ponctuelle des incitations contractuellesrelatives aux droits d’accès au réseau, aux normesde qualité du courant, de sécurité et de disponi-bilité) ;

• la réception des plaintes des consommateurs ;

• l’application de sanctions et de pénalitéséventuelles ;

• les procédures d’arbitrage ;

• l’approbation de plusieurs systèmes et principes(tarification, détermination des frais de raccor-dement, critères d’évaluation de la qualité duservice et ainsi de suite) proposés par la Senelec.

La régulation des tarifsSeuls sont régulés les tarifs s’appliquant à des activitésà caractère monopolistique. Le transport et la distri-bution d’électricité étant des activités à caractèremonopolistique, la régulation des tarifs applicablesaux clients raccordés à ces réseaux est une mesurenécessaire pour éviter que les entreprises n’abusent deleur position pour extraire des rentes. La modulationdes tarifs est réalisée automatiquement selon lesfluctuations d’une série d’indices d’inflation exogènes.

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La régulation des tarifs est basée sur des plafondsde prix et les conditions tarifaires sont définies dansles cahiers des charges annexés aux licences ou auxconcessions. Ces conditions restent en vigueurpendant une période déterminée, définie au préalabledans lesdits cahiers des charges. Au Sénégal, uneapproche basée sur des plafonds de prix selon uneformule du type « IPC – X », où X représente unfacteur de gain d’efficacité et IPC, un facteurd’inflation, a été retenue à la place de la méthode derégulation du coût du service. En effet, la premièresolution est plus facile à mettre en œuvre, la périodedans laquelle les tarifs sont fixés étant plus longue quedans la régulation en fonction du coût du service. Parailleurs, elle comporte des incitations pour quel’opérateur adopte une gestion efficace en s’attachantnotamment à la minimisation de ses coûts.

La formule qui a été retenue pour la Senelecpermet de refléter la relation qui existe entre lesvariations de demande et les variations de coûts del’entreprise. À court terme, les coûts évoluent essen-tiellement en proportion des coûts variables, et nonpas de la totalité des coûts. Cette réalité se reflètedans la formule de contrôle des revenus en deuxparties qui a été adoptée (un élément fixe et unélément qui varie en fonction de la demande).

La formule adoptée détermine, pour une périodede cinq ans, les revenus annuels maximaux que laSenelec est autorisée à percevoir pour la vente audétail d’énergie électrique. La Senelec doit calculerles revenus autorisés dans le respect de la formuledéfinie dans son cahier des charges.

La formule, telle que définie à l’article 10 ducahier des charges, se présente comme suit :

MRt = (1 - �) * At + �*Bt + RTSt – Pt-1 + Kt + RRt + RIt

dans laquelle :

• t désigne l’année de référence, et t = 1 dans lapremière année de la concession;

• t-1 désigne l’année immédiatement antérieure àl’année t ;

• � est un paramètre fixé à 0,80 durant les cinqpremières années de la concession;

• At est un montant en francs CFA déterminé parla formule suivante :

At = At-1 * ∏t

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∏t = –

dans laquelle :

• At-1 est égal à 76000000000 francs CFA dansla première année de la concession;

CIt est déterminé selon la formule suivante :

CIt = α * IHPCt + β * (IPCt * TCt/TC0) + γ * IPFt

dans laquelle :

• IHPCt est la moyenne arithmétique del’indice harmonisé des prix à la consommationpublié au Sénégal par la Direction de laprévision et de la statistique du ministère del’Économie, des Finances et du Plan, recalibrépour que IHPCt soit égal à 1 à l’année pré-cédant le début de la concession.

• IPCt est la moyenne arithmétique de l’indicedes prix à la consommation pour tous lesménages, excluant le prix du tabac, publiémensuellement par l’Institut national de lastatistique et des études économiques(INSEE) en France, recalibré pour que IPCtsoit égal à 1 à l’année précédant le début de laconcession.

• TCt est la valeur moyenne annuelle arith-métique du franc CFA contre l’euro (en francsCFA par euro), telle que publiée par la BanqueCentrale des États de l’Afrique de l’Ouest(BCEAO).

• TC0 est la valeur du franc CFA contre l’euro(en francs CFA par euro) au 1er janvier 1999, àsavoir 1 euro = 655,957 francs CFA.

• IPFt est un indice du prix du fuel oil, ce der-nier étant la moyenne annuelle arithmétiquede la somme (i) du prix parité internationaledu fuel oil 380 tel que déterminé par l’article 3du décret no 98-342 du 21 avril 1998 et

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(ii) des droits de douane afférents tels que fixéspar l’article 5-1 dudit décret, recalibré pourque IPFt soit égal à 1 à l’année précédant ledébut de la concession.

• t-2 désigne l’année antérieure à l’année t-1.

• Xt est un facteur de gain d’efficacité. Il est égalà 0 pendant les cinq premières années de laconcession.

• α est un paramètre fixé à 0,5 pendant les cinqpremières années de la concession.

• β est un paramètre fixé à 0,3 pendant les cinqpremières années de la concession.

• γ est un paramètre fixé à 0,2 pendant les cinqpremières années de la concession.

• Bt est un montant en francs CFA déterminé parla formule suivante :

Bt = Bt-1 *∏t * Dt/Dt-1

dans laquelle :

• Bt-1 est égal à 76000000000 francs CFA dansla première année de la concession.

• Dt est la quantité d’énergie électrique en kWhvendue au détail (c’est-à-dire comptée et fac-turée) par la Senelec pendant l’année t.

• Dt-1 est la quantité d’énergie électrique enkWh vendue au détail (c’est-à-dire comptée etfacturée) par la Senelec pendant l’année t-1.

• RTSt est la redevance de la radiotélévisionsénégalaise payable par la Senelec à l’année t.

• Pt-1 est l’incitation contractuelle exigible pourmanquement pendant l’année t-1 aux normes dequalité et de disponibilité du présent article. Pt-1est égal à 0 franc CFA dans la première année dela concession.

• Kt est un facteur de correction des différencesentre les revenus perçus par la Senelec à partir dela vente au détail d’énergie électrique dansl’année t-1 (Rt-1) et le revenu maximum autorisépour l’année t-1 (MRt-1). Kt est défini selon laformule suivante :

Kt = (MRt-1 – Rt-1) * (1+ It-1/100)

dans laquelle :

• It-1 est un taux d’intérêt égal au taux d’es-compte normal de la Banque centrale desÉtats de l’Afrique de l’Ouest à l’année t-1, plusmarge bancaire, plus 2%.

• RRt est la redevance annuelle due à la Commis-sion et visée à l’article 9 de la Loi et à l’article 39du contrat, dont le montant est notifié par laCommission à la Senelec.

• RIt est une valeur égale à zéro la première annéeet dont le montant peut varier à l’issue de laprocédure de révision intérimaire de la formulede contrôle des revenus.

ConclusionL’analyse effectuée ci-haut montre qu’il est apparunécessaire avant d’entamer un nouveau partenariatpublic-privé dans le secteur de l’électricité d’avoirune vision claire de la stratégie des ajustements àopérer sur la politique sectorielle ainsi que desmodifications nécessaires au cadre législatif et régle-mentaire pour favoriser les conditions de réalisationdes objectifs du Gouvernement.

Légalement, un souci majeur est de ne pass’enfermer dans une seule option.

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Yvan CLICHEChef, projets internationauxHydro-Québec International75, boul. René-Lévesque Ouest, 9e étage Montréal (Québec) H2Z 1A4CANADATéléphone: 1 514 289-3512Télécopieur : 1 514 289-3749Courriel : [email protected]

Jacques CORBIN, c. a.Vice-présidentLe Groupe Conseil en Redressement

et Gestion Intérimaire d’Entreprises (REGIE) inc.104, rue ChamplainBromont (Québec) J2L 3A7CANADATéléphone: 1 450 534-5151 ou 1 418 658-9977Télécopieur : 1 450 534-0742 ou 1 418 658-9954Courriel : [email protected] ou

[email protected]

Cristina CREMENESCUChef du service de la réglementation et du marchéconcurrentielENEL Servicii SRLStr. Buzesti 66-68, et. 6, sector 1 BucarestROUMANIETéléphone: +40 21 314 00 58Télécopieur : +40 21 314 00 59Courriel : [email protected]

Fernando CUEVASChef de l’Unité «Énergie et Ressources Naturelles»Commission économique de l’Amérique latine

et des CaraïbesBureau régional MexiqueNations UniesAv. Presidente Masaryk 29Col. Chapultepec Morales 11570 Mexico D.F.MEXIQUETéléphone: (5255) 5263-9648Télécopieur : (5255) 5531-1151Courriel : [email protected]

Alioune FALLEx. Camp Lat DiorB.P. 11 701, DakarSÉNÉGALTéléphone: (221) 639 44 55Courriel : [email protected]

Anastassios GENTZOGLANIS, Ph. D.Professeur titulaire, Département de financeDirecteur, Centre d’études en réglementation

économique et financière (CEREF)Université de Sherbrooke2500, boul. de l’UniversitéSherbrooke (Québec) J1K 2R1CANADATéléphone: 1 819 821-8000 poste 2958Télécopieur : 1 819 821-7934Courriel : [email protected]

Liste des auteurs

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Jean-Pierre LASSENI-DUBOZEAdjoint au Directeur GénéralChef du Département budgets, plans et stratégiesSociété d’Énergie et d’Eau du Gabon (SEEG)B.P. 2187, LibrevilleGABONTéléphone: (241) 767 804Télécopieur : (241) 767 830Courriel : [email protected]

Denis LEVYConsultant5, avenue SOYER78400 ChatouFRANCETéléphone/télécopieur : +33 1 3952 6946Courriel : [email protected]

François OMBANDAPrésident Directeur GénéralSociété d’Énergie et d’Eau du GabonAvenue Félix-ÉboueB.P. 2187, LibrevilleGABONTéléphone: (241) 76 78 01 ou 76 78 13Courriel : [email protected]

Yannick PEREZMaître de Conférences en Sciences ÉconomiquesGroupe Réseaux Jean-Monnet – ADIS Université de Paris-Sud 1154, boul. Desgranges, bureau D10292331 Sceaux CedexFRANCETéléphone: +33 (0) 1 40 91 18 65Télécopieur : +33 (0) 1 40 91 18 56Courriel : [email protected] Internet : www.grjm.net

David PROULTService des Études Économiques et des SynthèsesCommissariat à l’Énergie Atomique31-33 rue de la Fédération75752 Paris cedex 15FRANCETéléphone: +33 (0) 1 40 56 22 83Télécopieur : +33 (0) 1 40 56 23 05Courriel : [email protected]

Pierrette SINCLAIRAvocate AssociéeLapointe Rosenstein1250, boul. René-Lévesque Ouest, bureau 1400Montréal (Québec) H3B 5E9CANADATéléphone: 1 514 925-6351Télécopieur : 1 514 925-5051Courriel : [email protected] Internet : www.lapointerosenstein.com

Amadou TANDIAPrésident Directeur GénéralAgence Malienne pour le Développement

de l’Énergie Domestique et de l’Électrification Rurale (AMADER)

Colline de BadalabouB.P. E715, BamakoMALITéléphone: (223) 223 85 67 ou (223) 223 82 78Télécopieur : (223) 223 82 39Courriels : [email protected]

[email protected][email protected]

Flavien TCHAPGADocteur en sciences économiquesEnseignant et Directeur pédagogique4Bis, Faubourg Alexandre Isaac97110 Pointe-à-PitreFRANCETéléphone: +33 (0) 590 480 790Télécopieur : +33 (0) 590 480 791Courriel : [email protected]

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Lamine THIOUNESecrétaire généralCommission de Régulation du Secteur

de l’Électricité (CRSE)Ex. Camp Lat DiorB.P. 11701DakarSÉNÉGALTéléphone: (221) 849 04 66Courriel : [email protected]/ ou [email protected]

Jean-Benoît TRAHANPrésident, Eneconsult inc.120, rue GuySaint-Jean-sur-Richelieu (Québec) J2X 4W4CANADATéléphone: 1 450 347-5590Courriel : [email protected]

Me André TURMELAssocié principalGroupe de pratique en environnement, énergie

et ressources naturellesFasken, Martineau, DuMoulin s.r.l.AvocatsTour de la Bourse800, Place-Victoria, bureau 3400, C.P. 242Montréal (Québec) H4Z 1E9CANADATéléphone: 1 514 397-5141Télécopieur : 1 514 397-7600Courriel : [email protected] Site Internet : http://www.fasken.com

Liste des auteurs

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Yvan CLICHE

1. Formation sur la réforme du secteur électrique,23 au 26 septembre 2003, Niamey, Niger.

2. Séminaire régional sur la programmation desinvestissements énergétiques dans un contexted’ouverture à la concurrence, 25 au 27 février2003, Bucarest, Roumanie.

Jacques CORBIN

1. Formation intensive de haut niveau sur la régle-mentation économique et financière dans l’indus-trie électrique, 20 au 30 mai 2003, Longueuil,Canada.

2. Formation intensive de haut niveau sur la régle-mentation économique et financière dans l’indus-trie électrique, 19 au 25 mai 2002, Longueuil,Canada.

3. Atelier régional sur la régulation économique etles modalités d’exercice du contrôle réglementairedans l’industrie électrique, 9 au 12 octobre 2001,Antananarivo, Madagascar.

4. Atelier régional sur la réforme institutionnelle etles modalités d’exercice du contrôle réglemen-taire, 4 au 6 décembre 2000, Antananarivo,Madagascar.

5. Atelier national sur le statut et les responsabilitésd’un organe de régulation et les modalités d’exer-cice du contrôle réglementaire, 20 au 22 juin2000, Conakry, République de Guinée.

6. Atelier national sur la restructuration du secteurélectrique et les modalités d’exercice du contrôleréglementaire, 14 au 16 juin 2000, Ouagadougou,Burkina Faso.

7. Atelier international sur la réforme de la régle-mentation et les modalités d’organisation et degestion des secteurs de l’électricité et de l’eau,23 au 25 novembre 1999, Cotonou, Bénin.

8. Assistance sur le programme de développementdes compétences pour accompagner la restructu-ration du secteur électrique, 2 au 9 mars 1999,Yaoundé, Cameroun.

Fernando CUEVAS

1. Formation intensive de haut niveau sur la régle-mentation économique et financière dans l’indus-trie électrique, 17 au 22 mai 2004, Longueuil,Canada.

2. Formation intensive de haut niveau sur la régle-mentation économique et financière dans l’indus-trie électrique, 19 au 25 mai 2002, Longueuil,Canada.

3. Formation intensive de haut niveau sur la régle-mentation économique et financière dans l’indus-trie électrique, 20 au 26 mai 2001, Bromont(Québec), Canada.

4. Formation intensive de haut niveau sur la régle-mentation économique et financière dans l’indus-trie électrique, 15 au 20 mai 2000, Saint-Jean-sur-Richelieu, Canada.

5. Assistance sur le programme de développementdes compétences pour accompagner la restructu-ration du secteur électrique, 2 au 9 mars 1999,Yaoundé, Cameroun.

6. Atelier national sur les réformes institutionnelleset la privatisation dans le secteur électrique, 28 au30 juillet 1998, Bamako, Mali.

Liste des activités

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Cristina CREMENESCU

1. Séminaire régional sur la programmation desinvestissements énergétiques dans un contexted’ouverture à la concurrence, 25 au 27 février2003, Bucarest, Roumanie.

Alioune FALL

1. Formation professionnelle sur la Politique del’énergie, 15 mars au 7 mai 2004, Dakar, Sénégal.

2. Participation à la «Table ronde francophone enmarge du Forum mondial sur la régulation del’énergie», 9 octobre 2003, Italie.

3. Séminaire préparatoire à la formation en poli-tique énergétique, 14 et 15 octobre 2002,Burkina Faso.

4. Séminaire régional sur l’énergie et le dévelop-pement durable en Afrique subsaharienne: quellespolitiques, quelles réformes?, 11 au 13 décembre2000, Cotonou, Bénin.

5. Atelier régional sur la réforme institutionnelle etles modalités d’exercice du contrôle réglemen-taire, 4 au 6 décembre 2000, Antananarivo,Madagascar.

6. Atelier national sur le statut et les responsabilitésd’un organe de régulation et les modalités d’exer-cice du contrôle réglementaire, 20 au 22 juin2000, Conakry, République de Guinée.

7. Atelier national sur la restructuration du secteurélectrique et les modalités d’exercice du contrôleréglementaire, 14 au 16 juin 2000, Ouagadougou,Burkina Faso.

8. Formation intensive de haut niveau sur la régle-mentation économique et financière de l’indus-trie électrique, 15 au 20 mai 2000, Saint-Jean-sur-Richelieu, Canada.

9. Atelier international sur la réforme de la régle-mentation et les modalités d’organisation et degestion des secteurs de l’électricité et de l’eau,23 au 25 novembre 1999, Cotonou, Bénin.

10.Atelier national sur la réforme réglementaire et laprivatisation dans le secteur électrique, 8 au10 décembre 1998, Yaoundé, Cameroun.

11. Atelier national sur les réformes institutionnelleset la privatisation dans le secteur électrique,28 au 30 juillet 1998, Bamako, Mali.

Anastassios GENTZOGLANIS, Ph. D.

1. Formation intensive de haut niveau sur la régle-mentation économique et financière dans l’indus-trie électrique, 23 au 29 octobre 2005, Longueuil,Canada.

2. Formation intensive de haut niveau sur la régle-mentation économique et financière dans l’indus-trie électrique, 17 au 22 mai 2004, Longueuil,Canada.

3. Forum sur la réforme du secteur électrique, 23 au26 septembre 2003, Niamey, Niger.

4. Formation intensive de haut niveau sur la régle-mentation économique et financière dans l’indus-trie électrique, 20 au 30 mai 2003, Longueuil,Canada.

5. Formation spécialisée sur la réglementation tari-faire, 31 mars au 4 avril 2003, Togo.

6. Formation intensive de haut niveau sur la régle-mentation économique et financière dans l’indus-trie électrique, 19 au 25 mai 2002, Longueuil,Canada.

7. Formation intensive de haut niveau sur la régle-mentation économique et financière dans l’indus-trie électrique, 20 au 26 mai 2001, Bromont(Québec), Canada.

8. Formation intensive de haut niveau sur la régle-mentation économique et financière de l’indus-trie électrique, 15 au 20 mai 2000, Saint-Jean-sur-Richelieu, Canada.

Jean-Pierre LASSENI-DUBOZE

1. Forum sur la réforme du secteur électrique, 23 au26 septembre 2003, Niamey, Niger.

2. Formation spécialisée sur la réglementation tari-faire, 31 mai au 4 avril 2003, Togo.

3. Atelier national sur la réforme réglementaire et laprivatisation dans le secteur électrique, 8 au10 décembre 1998, Yaoundé, Cameroun.

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Ve r s de nouve l l e s o rgan i sa t i ons du se c t eu r é l e c t r i que : l e s r é f o rmes , l e s a c t eu r s e t l e s e xpé r i enc es

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Denis LEVY

1. Formation-action sur les contrats et conventionsdans le secteur énergétique, octobre 2004 àdécembre 2005.

François OMBANDA

1. Atelier régional sur la régulation économique etles modalités d’exercice du contrôle réglementairedans l’industrie électrique, 9 au 12 octobre 2001,Antananarivo, Madagascar.

2. Atelier régional sur la réforme institutionnelle etles modalités d’exercice du contrôle réglemen-taire, 4 au 6 décembre 2000, Antananarivo,Madagascar.

3. Atelier national sur le statut et les responsabilitésd’un organe de régulation et les modalités d’exer-cice du contrôle réglementaire, 20 au 22 juin2000, Conakry, République de Guinée.

4. Atelier national sur la restructuration du secteurélectrique et les modalités d’exercice du contrôleréglementaire, 14 au 16 juin 2000, Ouagadougou,Burkina Faso.

5. Atelier international sur la réforme de la régle-mentation et les modalités d’organisation et degestion des secteurs de l’électricité et de l’eau,23 au 25 novembre 1999, Cotonou, Bénin.

Yannick PEREZ

1. Formation intensive de haut niveau sur la régle-mentation économique et financière dans l’indus-trie électrique, 17 au 22 mai 2004, Longueuil,Canada.

David PROULT

1. Forum sur la réforme du secteur électrique, 23 au26 septembre 2003, Niamey, Niger.

Pierrette SINCLAIR

1. Atelier national sur les réformes institutionnelleset la privatisation dans le secteur électrique, 28 au30 juillet 1998, Bamako, Mali.

Amadou TANDIA

1. Forum sur la réforme du secteur électrique, 23 au26 septembre 2003, Niamey, Niger.

2. Séminaire «Quels financements pour l’électrifi-cation rurale décentralisée?», 15 au 17 novembre1999, Yaoundé, Cameroun.

Flavien TCHAPGA

1. Formation sur les contrats et conventions dans lesecteur énergétique, 25 au 30 octobre 2004,Cotonou, Bénin.

Lamine THIOUNE

1. Formation intensive de haut niveau sur la régle-mentation économique et financière dans l’indus-trie électrique, 17 au 22 mai 2004, Longueuil,Canada.

2. Formation professionnelle sur la politique del’énergie, 15 mars au 7 mai 2004, Dakar,Sénégal.

3. Forum sur la réforme du secteur électrique, 23 au26 septembre 2003, Niamey, Niger.

4. Participation à la «Table ronde francophone enmarge du Forum mondial sur la régulation del’énergie», 9 octobre 2003, Italie.

Jean-Benoît TRAHAN

1. Formation intensive de haut niveau sur la régle-mentation économique et financière dans l’indus-trie électrique, 23 au 29 octobre 2005, Longueuil,Canada.

2. Formation intensive de haut niveau sur la régle-mentation économique et financière dans l’indus-trie électrique, 17 au 22 mai 2004, Longueuil,Canada.

3. Forum sur la réforme du secteur électrique, 23 au26 septembre 2003, Niamey, Niger.

4. Formation intensive de haut niveau sur la régle-mentation économique et financière dans l’indus-trie électrique, 20 au 30 mai 2003, Longueuil,Canada.

5. Formation spécialisée sur la réglementationtarifaire, 31 mai au 4 avril 2003, Togo.

Liste des activités

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6. Formation intensive de haut niveau sur la régle-mentation économique et financière dans l’indus-trie électrique, 19 au 25 mai 2002, Longueuil,Canada.

7. Formation intensive de haut niveau sur la régle-mentation économique et financière dans l’indus-trie électrique, 20 au 26 mai 2001, Bromont(Québec), Canada.

8. Formation intensive de haut niveau sur la régle-mentation économique et financière dans l’indus-trie électrique, 15 au 20 mai 2000, Saint-Jean-sur-Richelieu, Canada.

André TURMEL

1. Formation intensive de haut niveau sur la régle-mentation économique et financière dans l’indus-trie électrique, 23 au 29 octobre 2005, Longueuil,Canada.

2. Formation intensive de haut niveau sur la régle-mentation économique et financière dans l’indus-trie électrique, 17 au 22 mai 2004, Longueuil,Canada.

3. Formation intensive de haut niveau sur la régle-mentation économique et financière dans l’indus-trie électrique, 20 au 30 mai 2003, Longueuil,Canada.

4. Formation intensive de haut niveau sur la régle-mentation économique et financière dans l’indus-trie électrique, 19 au 25 mai 2002, Longueuil,Canada.

5. Formation intensive de haut niveau sur la régle-mentation économique et financière dans l’indus-trie électrique, 20 au 26 mai 2001, Bromont(Québec), Canada.

6. Atelier régional sur la réforme institutionnelle etles modalités d’exercice du contrôle réglemen-taire, 4 au 6 décembre 2000, Antananarivo,Madagascar.

7. Atelier national sur le statut et les responsabilitésd’un organe de régulation et les modalités d’exer-cice du contrôle réglementaire, 20 au 22 juin2000, Conakry, République de Guinée.

8. Atelier national sur la restructuration du secteurélectrique et les modalités d’exercice du contrôleréglementaire, 14 au 16 juin 2000, Ouagadougou,Burkina Faso.

9. Formation intensive de haut niveau sur la régle-mentation économique et financière dans l’indus-trie électrique, 15 au 20 mai 2000, Saint-Jean-sur-Richelieu, Canada.

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Ve r s de nouve l l e s o rgan i sa t i ons du se c t eu r é l e c t r i que : l e s r é f o rmes , l e s a c t eu r s e t l e s e xpé r i enc es

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www.francophonie.org

L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) est une institution fondée sur le partage d’unelangue, le français, et de valeurs communes. Elle compte à ce jour cinquante-trois États et gouvernementsmembres et dix observateurs. Présente sur les cinq continents, elle rassemble une population de plus de500 millions de femmes et d’hommes, et représente plus du quart des États membres de l’Organisation desNations unies.

Elle conduit des actions dans les domaines de la prévention et du règlement des conflits, des droits de l’Homme,de la démocratie, de l’éducation, de la culture et du développement. Elle s’appuie pour cela sur quatre opérateursdirects : l’Agence universitaire de la Francophonie, l’Université Senghor d’Alexandrie, l’Associationinternationale des maires francophones et TV5. L’Assemblée parlementaire de la Francophonie en estl’assemblée consultative. Le Secrétaire général, clé de voûte du système institutionnel, est chargé de la mise enœuvre de la politique internationale, ainsi que de l’animation et de la coordination de la politique decoopération. La Conférence des chefs d’État et de gouvernement des pays ayant le français en partage, appelée«Sommet de la Francophonie», se tient tous les deux ans, depuis 1986.

55 États et gouvernements membres

Albanie, Principauté d’Andorre, Royaume de Belgique, Bénin, Bulgarie, Burkina Faso, Burundi, Cambodge,Cameroun, Canada, Canada-Nouveau-Brunswick, Canada-Québec, Cap-Vert, Centrafrique, Communautéfrançaise de Belgique, Comores, Congo, R.D. Congo, Côte d’Ivoire, Djibouti, Dominique, Égypte, France, Gabon,Grèce, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée équatoriale, Haïti, Laos, Liban, Luxembourg, Macédoine (ARY),Madagascar, Mali, Maroc, Maurice, Mauritanie, Moldavie, Monaco, Niger, Roumanie, Rwanda, Sainte-Lucie,São Tomé e Príncipe, Sénégal, Seychelles, Suisse, Tchad, Togo, Tunisie, Vanuatu, Vietnam.

10 Observateurs

Arménie, Autriche, Croatie, Géorgie, Hongrie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Slovénie et Slovaquie.

Secrétaire général : M. Abdou DIOUF

L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF)Secrétariat général28, rue de Bourgogne75007 ParisFRANCETéléphone : (33) 1 44 11 12 50Télécopie : (33) 1 44 11 12 80Courriel : [email protected] Internet : http://www.francophonie.org

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La Francophonie au service du développement durable

L’Institut de l’énergie et de l’environnement de la Francophonie (IEPF), organe subsidiaire de l’Organisationinternationale de la Francophonie, est né en 1988 de la volonté des chefs d’État et de gouvernement des paysfrancophones de conduire une action concertée visant le développement du secteur de l’énergie dans les paysmembres. En 1996 cette action a été élargie à l’Environnement.

Basé à Québec, l’Institut a aujourd’hui pour mission de contribuer au renforcement des capacités nationaleset au développement de partenariats dans les domaines de l’énergie et de l’environnement.

Meilleure gestion et utilisation des ressources énergétiques, intégration de l’environnement dans les politiquesnationales dans une perspective durable et équitable, tels sont les buts des interventions spécifiques de l’IEPF –formation, information, actions de terrain et concertation – menées en synergie avec les autres programmesde l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie et notamment ceux issus du chantier «Développementet solidarité ».

La programmation mise en œuvre par l’équipe des collaborateurs de l’IEPF s’exprime dans 6 projets quifondent ses activités.

Appui aux stratégies et politiques nationales de développement durable en énergie et environnement

• Prospective et mobilisation de l’expertise pour le développement durable,

• Politiques environnementales et mise en œuvre des Conventions,

• Politiques énergétiques,

Appui à la maîtrise des instruments du développement durable en énergie et environnement

• Maîtrise des outils de gestion de l’environnement et du développement (MOGED),

• Maîtrise de l’énergie,

• Information pour la décision.

L’Institut de l’énergie et de l’environnement de la Francophonie56, rue Saint-Pierre, 3e étageQuébec (QC) G1K 4A1CANADATéléphone : (1-418) 692-5727Télécopie : (1-418) 692-5644Courriel : [email protected] Web: http://www.iepf.org

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5COLLECTION ACTES

Les publications de l’IEPF

VERS DE NOUVELLES ORGANISATIONSDU SECTEUR ÉLECTRIQUE:LES RÉFORMES, LES ACTEURS ET LES EXPÉRIENCES

C’est sur la base d’une démarche multiforme que les grandes muta-tions technologiques et organisationnelles qu’ont connues le sec-

teur électrique et le jeu des acteurs dans l’industrie électrique ont étéanticipées, examinées et accompagnées, avec nos partenaires, durantles dix dernières années.

Ce sont, ainsi, au cours de cette période, presque 500 cadres franco-phones qui ont été, d’une manière ou d’une autre, mobilisés dans desactivités d’information ou de sensibilisation, de formation ou de ré-flexion collective ainsi que d’échanges d’expériences. Ces activitésont été organisées autour des enjeux, des contenus et des modalitésvariées de mise en œuvre, voire d’évaluation des réformes des sec-teurs électriques dans l’espace francophone ou ailleurs.

Et c’est dans le suivi de ces nombreuses activités que se situe la publi-cation du présent ouvrage, comme somme d’une quinzaine de contri-butions émanant d’auteurs des quatre coins de notre espace etcomme synthèse riche de la diversité des points de vue tant géogra-phiques que thématiques et «disciplinaires».

En effet, cet ouvrage traite non seulement de la caractérisation desréformes au plan conceptuel et au plan pratique et opérationnel, maisanalyse également les rôles des acteurs et les mécanismes de régula-risation de ces différents rôles. Il présente aussi l’avantage d’illustrerde telles analyses par des études de cas et des retours d’expériences,en général, par ceux-là mêmes qui ont eu à conduire ou à «suivre»au plus près ces expériences.

C’est ainsi le fruit d’un travail collectif et multidisciplinaire «exem-plaire», car mené à bon port par celles et ceux qui ont accompagnél’Institut dans la conception et l’animation des activités du renfor-cement de capacités et d’échanges sur les réformes, soit en tant quechercheurs universitaires ou experts intéressés, soit en tant qu’acteursou opérateurs directs.

INSTITUT DE L’ÉNERGIE ET DE L’ENVIRONNEMENT DE LA FRANCOPHONIE (IEPF)56, RUE SAINT-PIERRE, 3e ÉTAGE, QUÉBEC (QUÉBEC) G1K 4A1 CANADA

L’IEPF est un organe subsidiaire de l’Agence intergouvernementale de la Francophonie, opérateur principal de l’Organisation internationale de la Francophonie.

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Colloques 1998-2005

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