Végétation des berges -...

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81 CHAPITRE 6 Végétation des berges ripisylve I Description et fonctionnalité 1 - Fonctionnalités de la végétation des bords de l’eau (rappel) La végétation des berges entretient des relations étroites avec la rivière et remplit de multiples fonctions. Fonctions biologiques La berge est un corridor biologique et un lieu de biodiversité majeur (cf. chap. 3) par le grand nombre d’habitats et de niches écologiques qu’elle offre. De nombreux oiseaux fréquentent particulièrement les ripisylves : rousserolles, bruants, poules d’eau, phragmites, locustelles, chevaliers guignettes dans les hélophytes et la strate herbacée ; insectivores comme les troglodytes, merles noirs, martins-pêcheurs et rouges-gorges dans les lisières ; aigrettes et hérons dans les arbres de haut jet. La continuité des cordons boisés facilite les déplacements et les échanges entre les communautés. Dans les zones fortement marquées par l’agriculture et les remembrements, ces franges boisées constituent les principales voies de déplacement pour les mammifères terrestres. Au contact entre les milieux liquide et terrestre, le lacis racinaire, les branches basses, les touffes de végétaux amphibies, diversifient les conditions d’écoulement, favorisent l’alternance de zones calmes et courantes, et servent d’abris, de supports de ponte et de garde- manger pour les poissons et invertébrés. Fonctions mécaniques La végétation a un rôle capital d’ancrage et de stabilisation des berges par les racines, ainsi que des fonctions d’absorption et de dissipation de l’énergie du flot hydraulique par les parties aériennes des plantes en contact avec le milieu liquide. Les graminées et les herbacées ont un enracinement qui peut être assez dense pour le maintien du haut de berge mais pas assez profond pour tenir une berge un peu haute. La coexistence des strates herbacée, arbustive et arborescente est donc un élément essentiel pour la stabilité des berges. La berge et sa végétation sont évoquées dans les chapitres précédents : Le chapitre 3 les situe dans l’écosystème rivière comme interface entre les milieux terrestres et aquatiques, lieu d’échanges et de biodiversité. Le chapitre 4 présente la végétation du pied de berge et des atterrissements, en continuité avec la végétation aquatique. Il décrit les groupements à hélophytes et les formations herbacées plus ou moins amphibies. Le chapitre 5 est consacré à la berge, uniquement sous l’angle hydraulique. L’importance de l’arbre dans sa tenue y est évoquée. Le présent chapitre est consacré aux groupements terrestres de la berge sous l’angle de leur gestion, et plus particulièrement à la « ripisylve », c’est à dire à la végétation ligneuse du haut de berge. Ripisylve “Ripisylve“ désigne étymologique- ment une communauté forestière de rive. Ce concept a des acceptions variables et tend à comprendre toute communauté végétale bordière d’un cours d’eau y compris quand elle est dépourvue d’arbres ou n’en compte que des individus isolés. On ne par- lera ici de ripisylve que si le cours d’eau est bordé d’une frange arbo- rescente suffisamment continue.

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C H A P I T R E 6

Végétation des berges ripisylve

I Description et fonctionnalité1 - Fonctionnalités de la végétation des bords de l’eau (rappel)La végétation des berges entretient des relations étroites avec la rivière et remplit de multiples fonctions.

Fonctions biologiquesLa berge est un corridor biologique et un lieu de biodiversité majeur (cf. chap. 3) par le grand nombre d’habitats et de niches écologiques qu’elle offre. De nombreux oiseaux fréquentent particulièrement les ripisylves : rousserolles, bruants, poules d’eau, phragmites, locustelles, chevaliers guignettes dans les hélophytes et la strate herbacée ; insectivores comme les troglodytes, merles noirs, martins-pêcheurs et rouges-gorges dans les lisières ; aigrettes et hérons dans les arbres de haut jet. La continuité des cordons boisés facilite les déplacements et les échanges entre les communautés. Dans les zones fortement marquées par l’agriculture et les remembrements, ces franges boisées constituent les principales voies de déplacement pour les mammifères terrestres. Au contact entre les milieux liquide et terrestre, le lacis racinaire, les branches basses, les

touffes de végétaux amphibies, diversifient les conditions d’écoulement, favorisent l’alternance de zones calmes et courantes, et servent d’abris, de supports de ponte et de garde-manger pour les poissons et invertébrés.

Fonctions mécaniquesLa végétation a un rôle capital d’ancrage et de stabilisation des berges par les racines, ainsi que des fonctions d’absorption et de dissipation de l’énergie du flot hydraulique par les parties aériennes des plantes en contact avec le milieu liquide. Les graminées et les herbacées ont un enracinement qui peut être assez dense pour le maintien du haut de berge mais pas assez profond pour tenir une berge un peu haute. La coexistence des strates herbacée, arbustive et arborescente est donc un élément essentiel pour la stabilité des berges.

La berge et sa végétation sont évoquées dans les chapitres précédents :

Le chapitre 3 les situe dans l’écosystème rivière comme interface entre les milieux terrestres et aquatiques, lieu d’échanges et de biodiversité.

Le chapitre 4 présente la végétation du pied de berge et des atterrissements, en continuité avec la végétation aquatique. Il décrit les groupements à hélophytes et les formations herbacées plus ou moins amphibies.

Le chapitre 5 est consacré à la berge, uniquement sous l’angle hydraulique. L’importance de l’arbre dans sa tenue y est évoquée.

Le présent chapitre est consacré aux groupements terrestres de la berge sous l’angle de leur gestion, et plus particulièrement à la « ripisylve », c’est à dire à la végétation ligneuse du haut de berge.

Ripisylve“Ripisylve“ désigne étymologique-ment une communauté forestière de rive. Ce concept a des acceptions variables et tend à comprendre toute communauté végétale bordière d’un cours d’eau y compris quand elle est dépourvue d’arbres ou n’en compte que des individus isolés. On ne par-lera ici de ripisylve que si le cours d’eau est bordé d’une frange arbo-rescente suffisamment continue.

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6 - Végétation des berges - ripisylve

Ph. 104

Le système racinaire de l’aulne glutineux ou du frêne élevé stabilise l’en-semble de la berge, ce qui n’est pas le cas des peupliers de culture trop fréquemment plantés en bord de cours d’eau.

Ph. 107

Ph. 108 - La seule strate herbacée est impuissante à assurer le maintien de la berge dès que celle-ci est un peu haute et soumise à des contraintes hydrauliques.

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Les peupliers (salicacées)Le genre compte une trentaine d’espèces et de nombreux hybrides. Seul le tremble (Populus tremula), espèce forestière, est indigène. Le peuplier blanc ou aube ou ypréau (Populus alba), le peuplier blanchâtre ou gri-sard (Populus canescens), le peuplier noir ou liard (Populus nigra nigra et P. nigra italica) sont des essences de lumière, introduites de longue date pour leur port et leur valeur paysagère, souvent plantées en alignement, au bord des rivières. Des cultivars issus d’espèces d’Amérique du Nord à croissance très rapide font l’objet d’une culture intensive en peupleraies. Les peupliers exigent un sol très frais mais néanmoins bien drainé. De ce fait, l’enracinement dans un sol proche de la nappe est très superficiel.C’est pourquoi le peuplier est toujours planté en retrait du haut de berge et ne participe pas à son maintien. Les peupliers produisent des substances allélopathiques qui tendent à évincer les espèces concurren-tes, et leur litière, riche en phénols, se dégrade assez difficilement. Enfin, le risque de chablis sous l’effet des tempêtes est élevé. Pour reconsti-tuer une ripisylve de qualité, il est généralement préférable d’éliminer les rangées de peupliers de haute taille. Quelques spécimens taillés en têtard peuvent être maintenus.

OmbrageL’ombrage apporté par les frondaisons réduit la quantité de lumière incidente et limite le réchauffement de l’eau en période estivale, réchauffement qui peut être important sur une mouille ou un bief lentique ensoleillé, et défavorable aux salmonidés.En réduisant la photosynthèse, l’ombrage contribue à freiner très nettement le développement des herbiers aquatiques (jusqu’à 75 % pour un éclairement réduit de 50 %), facilement exubérants dans les sections ensoleillées à faciès lent.

Apport de matières organiquesLes feuilles, et les débris ligneux provenant de la végétation des berges représentent la principale source d’enrichisse-ment du cours d’eau en matière organique. En excès, ces dé-bris végétaux peuvent contribuer à l’asphyxie et à l’envasement des fonds. Il n’est donc pas souhaitable que le milieu soit trop fermé. Ce n’est généralement pas le cas en Seine-Aval, où les rivières souffrent plutôt d’un défaut de ripisylve.

Ph. 106 - Berge plate récemment plantée de peupliers en retrait. Un meilleur choix d’espèces était possible.

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PAC, MAE, bandes enherbées et ripisylve

Sauf pour les exploitants en statut de « petit producteur », la PAC impose la mise en place d’une surface en couvert environnemental égale à 3% de la surface de l’exploitation en céréales, oléoprotéagineux, lin, chanvre et gel, en premier lieu sous forme de bandes enherbées le long des cours d’eau tra-versant ou bordant la surface agricole de l’exploitation. Les cours d’eau sont ceux qui figurent sur une liste départementale, à défaut ceux qui figurent en trait plein sur la carte IGN au 1/25 000ème. La largeur minimum de la bande doit être de 5 mètres, la largeur maximum des bandes éligibles aux aides compensatrices de la PAC étant de 10 mètres ou, le cas échéant, fixée par arrêté préfectoral. Dans le cas où le cours d’eau est bordé d’une ripisylve, d’une haie, d’un chemin ou d’une friche, ces éléments sont comptés dans la largeur de la bande enherbée, les normes locales déterminant comment la bande est alors éligible au gel. En Eure-et-Loir, l’arrêté départemental prévoit que la ripisylve est éligible si elle n’excède pas une largeur de 4 m. Certains départements prennent en compte les boisements, haies et friches, à condition qu’une bande au moins égale à 5 m soit effectivement en couvert environnemental dans la largeur maximale des 10 m.

Les couverts environnementaux autorisés doivent être définis par la DDAF sur la base des couverts autorisés pour la jachère PAC, espèces non productives mentionnées à l’annexe I de l’arrêté du 12 janvier 2005 : brome cathartique, dactyle, lotier corniculé, fétuque des prés, fétuque élevée, fétuque ovine, fléole des prés, gesse commune, luzerne, minette, sainfoin, pâturin, ray-grass anglais, ray-grass hybride, trèfle blanc, trèfle incarnat, trèfle d’Alexandrie, trèfle de Perse, trèfle violet… Tous ces couverts doivent être maintenus au moins pendant la période imposée dans le cadre du gel, et entretenus par la fauche ou le broyage. L’utilisation de pesticides, d’herbicides et de fertilisants est interdite. Ces surfaces restent, par ailleurs, soumises aux conditions particulières des autres contrats ou engagements qui les affectent.

La présence d’une bande enherbée en lieu et place d’une surface labourée qui s’étend jusqu’en tête de berge est évidemment un progrès certain : rétention et piégeage au niveau superficiel et racinaire d’un part importante des substances néfastes à la rivière, engrais et pesticides. Sous l’angle de la fonctionnalité de l’écosystème rivière, l’intérêt d’une bande enherbée est par contre très réduit comparativement à une ripisylve ou une simple haie : faible tenue mécanique de la berge, peu de niches écologiques et d’habitats

pour la faune, rupture du corridor végétal, pas d’ombrage, moins bonne rétention des sédiments ruisselés et des substance en percolation.

Il est nécessaire que dans le cadre des règlements départementaux, les chambres d’agriculture et les maîtres d’ouvrage compétents pour la gestion de la rivière facilitent la recréation d’une ripisylve.

Laisser en friche (ou mettre en défens dans les herbages par la pose d’une clôture) les quelques mètres nécessaires permet l’évolution naturelle vers le boisement. Toutefois la friche n’est pas éligible aux aides PAC et, bien qu’elle ne soit soumise à aucune restriction concernant la nature de la couverture, il est obligatoire d’y interdire le développement et la montée en graines d’espèces adventices envahissantes listées par la réglementation, comme le cirse des champs. Le contrôle de ces espèces est une obligation, que l’on soit en parcelle cultivée, en gel ou en friche, et ne peut se faire, en bord de cours d’eau, par des moyens chimiques. Une solution est la mise en place d’une bande enherbée conforme aux exigences de la PAC, plantée d’espèces arbustives ou arborescentes adaptées, avec un entretien sélectif jusqu’à ce que la strate herbacée soit contrôlée par la dominance des ligneux.

Ph. 109 - Bande enherbée en bordure de l’Andelle.

Rôle de filtreEn absorbant les éléments minéraux nécessaires à leur croissance, les végétaux de la berge piègent une part importante des substances issues de l’agriculture qui transitent vers les cours d’eau par ruissellement ou infiltration. L’efficacité de cette fonction de filtre est en relation directe avec la largeur de la ripisylve.

Fonction paysagèreet socio-économiqueLa ripisylve structure le paysage des vallées et lui donne son identité. Son utilisation économique pour la fourniture de bois de chauffage n’est plus qu’une survivance.

2 - Profil et végétation

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La végétation de la berge varie selon son profil et sa mor-phologie, ces paramètres étant eux-mêmes sous l’influence du régime hydrologique. Les remaniements de la berge par l’érosion confèrent à sa végétation un caractère changeant, même si son rajeunissement est rarement marqué.

Lorsque la dynamique sédimentaire est très active et que la rivière présente un lit avec des banquettes, on peut obser-ver sur les parties en voie d’atterrissement (intrados d’une courbe par exemple) une série floristique évolutive, depuis les groupements amphibies jusqu’au stade forestier.

Sur une grande partie du linéaire des cours d’eau de Seine-Aval, les berges sont peu mobiles, pratiquement dépourvues de talus et l’opposition est faiblement marquée entre les secteurs de berge où l’érosion l’emporte sur l’accrétion et ceux où c’est au contraire l’accrétion qui domine.

Le lit mineur, qui correspond au débit de plein bord, est souvent parfaitement bien individualisé par une rive en angle droit. Le lit majeur est occupé par l’agriculture (prairies, parfois labour) jusqu’au bord de la rivière. La ripisylve, quand elle existe, est très influencée par les pratiques agricoles.

6 - Végétation des berges - ripisylve

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Végétation d’une berge haute.

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Évolution possible de la végétation d’une berge mobile.

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Ph. 113 - Ripisylve équilibrée et diversifiée comprenant trois strates et des hé-lophytes en pied.

La ripisylve de l’Andelle (d’après étude globale 2000)

Sur 85 % du linéaire de l’Andelle où la ripisylve est présente, elle a une largeur inférieure à 2 m, ce qui correspond à un unique rang d’arbres ou d’arbustes.Fréquence d’apparition des principales essences caractéristiques sur le linéaire des berges de l’Andelle :

Ne sont pas comptabilisés les peupliers de haut jet (3 %) ni les essences d’ornement (5 %). Environ 15 % du linéaire de l’Andelle est dépourvu de ripisylve, ce taux variant de 10 à 30 % selon les tronçons.

• Aulne glutineux : 60 %• Frêne élevé : 13 %• Saule blanc : 7 %• Aubépine : 5 %• Saule marsault et saules buissonnants divers : 4 %• Noisetier : 2 %

• Charme : 2 %• Sureau noir 1.5 %• Érable champêtre et sycomore : 1.5 %• Prunellier 1 %• Bouleau blanc 1 %

Lorsqu’elle est naturellement développée, la ripisylve appartient à l’aulnaie-frênaie ou à la frênaie-érablière. La strate arborescente est dominée par le frêne commun (Fraxinus excelsior), présent dès la rive avec l’aulne glutineux (Alnus glutinosa) et le saule marsault (Salix caprea), accompagnés plus en retrait par l’érable champêtre (Acer campestre), le charme (Carpinus betulus), le chêne rouvre (Quercus robur), le hêtre (Fagus sylvatica), le tilleul à petites feuilles (Tilia cordata) et le tilleul à larges feuilles (Tilia platyphyllos), l’orme champêtre (Ulmus minor) et l’orme de montagne (Ulmus glabra), l’érable faux platane (Acer pseudoplatanus), le bouleau pubescent (Betula pubescens), le peuplier tremble (Populus tremula), le merisier (Prunus avium)…

La strate arbustive comprend le noisetier (Corylus avellana), l’aubépine à un style (Crataegus monogyna) ou l’aubépine à deux styles (Crataegus laevigata), le fusain d’Europe (Euonymus europea), le troène (Ligustrum vulgare), le houx (Ilex aquifolium), la viorne obier (Viburnum opulus), le sureau (Sambucus nigra), le prunellier (Prunus spinosa), l’églantier (Rosa canina)… Le lierre (Hedera helix) et la clématite des haies (Clematis vitalba) envahissent les troncs et les houppiers.

La strate herbacée compte de nombreuses espèces qui appartiennent à différentes associations, selon l’exposition et l’hydromorphie : Brachypodium sylvaticum, Festuca gigantea, Carex remota, Melica uniflora, Deschampsia cespitosa, Angelica sylvestris, Heracleum sphondylium, Cardamine pratensis, Athyrium filix-femina, Vicia sepium, Mercurialis perennis, Ajuga reptans, Stachys sylvatica, Stellaria holostea, Primula elatior, Adoxa moschatellina, Ranunculus ficaria, Arum maculatum, Scrophularia nodosa, Juncus effusus, Glechoma hederacea, Geranium robertianum, Paris quadrifolia, Circaea lutetiana, Listera ovata, etc…

La strate herbacée est toujours très influencée par les cultures. On y retrouve des ubiquistes, des espèces de la prairie mésohygrophile, des messicoles, quelques espèces du fond forestier potentiel décrit ci-dessus, les espèces du pied de berge les moins exigeantes en humidité et des nitratophytes souvent dominantes, comme l’ortie (cf. chap. 3).

La forêt alluviale originelle est relictuelle et ne s’observe que de place en place, notamment sur les îles non cultivées. A ce titre, les îles et îlots sont des milieux particulièrement intéressants. Favoriser leur apparition est une des raisons pour lesquelles les atterrissements ne doivent pas être retirés du lit (cf. chap. 4).

En dehors de ces bosquets, la végétation arborée des berges est :

soit réduite à un cordon discontinu étroit, un rang d’arbres dérivant des formations originelles : aulnes (souvent taillés en cépée), frênes, saules (blanc, marsault…) et quelques arbres ou arbustes d’accompagnement (aubépine, sureau…) ;

soit constituée d’alignements de saules blancs ou saules des vanniers, plantés à l’origine pour leur utilisation en vannerie, ou de peupliers ;

soit totalement anthropisée, en milieu urbain, et constituée d’essences décoratives diverses normalement étrangères à la ripisylve ;

soit absente, le plus souvent sous la pression du pâturage ou des cultures.

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Ph.114 - Ripisylve réduite à un rang d’aulnes. Bonne tenue de la berge souvent sous-cavée faute d’une végétation pérenne en pied. Encoches d’érosions possibles. Vieillissement des sujets. Cette situation est fréquente.

Ph. 115 - Un beau spécimen de saule blanc poussé naturelle-ment, au bord de l’Andelle.

Ph. 118 -Saules têtards, tout à fait à leur place, et à conserver. Leur succession devrait tou-tefois être pensée dés à présent, en intercalant de nouveaux plants.

Ph. 116 - Berge « paysagée » : plantation clairsemée d’essences diverses.

Taille en têtard

Sont couramment traités en têtards les saules (saule des vanniers, saule blanc et parfois le saule fragile), moins fréquemment, le frêne et le peuplier noir. On peut rencontrer également quelques rares exemplaires d’aulne glutineux, d’érables et de tilleuls ainsi gérés. Les alignements de saules têtards en fonds de vallées constituent un patrimoine paysager qui mérite d’être préservé.Les vieux têtards abritent dans leurs cavités des larves d’insectes en voie de disparition, comme le pique-prune. Ils doivent être maintenus tant qu’il ne constituent pas une menace pour la tenue de la berge. La protection des alignements les plus remarquables serait souhaitable.

La taille en têtard permet un grand vieillissement des arbres tout en éliminant les contraintes liées à leur sénescence (déchaussement, éclatement…). Les vieux têtards, avec leurs nombreuses cavités et la densité élevée de branches, offrent de multiples possibilités d’abris, de nourrissage et de repos pour la faune. Cette taille, qui rend les rejets inaccessibles au bétail, est particulièrement bien adaptée à des arbres isolés dans des pâtures. En outre, ce mode de gestion diminue les apports de bois mort au cours d’eau, donc les risques d’embâcles et, en limitant la hauteur, minimise également les risques de chablis. En revanche, l’ombrage assuré est faible. La taille en têtard se conduit avec une fréquence de 5 à 7 ans pour les saules et de 10 à 15 ans pour le frêne. Il est important de procéder à cette coupe périodique de rajeunissement, faute de quoi le trop grand épaississement des branches de la tête provoque l’éclatement du tronc.

Ph. 119 - La pression de pâturage jusqu’au bord (absence de clôture) favorise les espèces prairiales et interdit le déve-loppement spontané d’une ripisylve.

Ph. 120 - Ripisylve totalement artificielle et sans intérêt fonctionnel.

Ph. 117 - Vieux têtard présentant une grande diversité de niches écologiques.

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La ripisylve peut être globalement fonctionnelle et équilibrée sur un tronçon de rivière même si elle y est discontinue et très éloignée des formations naturelles, pour autant qu’elle y soit suffisamment diversifiée, que la berge soit stable

et que l’ensoleillement important n’ait pas de conséquence négative directe en rivière. Le diagnostic de la végétation doit donc se faire au niveau du tronçon et être nuancé.

Une attention particulière sera portée aux éventuels foyers d’espèces invasives ayant tendance à évincer les autres espèces du même biotope.

La première phase du diagnostic consiste à décrire la végétation en chaque point, avant d’identifier ses faiblesses, leurs causes et conséquences et les améliorations possibles.

Les faiblesses de la végétation de la berge peuvent être :

- l’absence de ligneux,- l’absence d’hélophytes en pied de berge lorsque le profil du lit leur est favorable,- une fonction mécanique insuffisante,- un mauvais état structurel ou phytosanitaire, - une végétation dégradée ou inadaptée,- la présence d’espèces invasives.

II Diagnostic de la végétation de la berge

1 - Références et typologieIdéalement, on devrait identifier une zonation transversale avec :

en pied de berge, une formation herbacée dominée par des hélophytes ou par la mégaphorbiaie ;

en haut de berge, une bande boisée plus ou moins large et structurée dérivant de l’aulnaie-frênaie alluviale, avec les trois strates, arborescente, arbustive et herbacée, et identification possible d’un faciès de lisière et d’un faciès plus interne.

En pratique, pour des raisons tant historiques et culturelles qu’hydromorphologiques, la végétation rencontrée sur les berges n’est pas conforme à ce schéma. On sera donc amené à définir une typologie adaptée, prenant en compte à la fois le type de végétation, la morphologie de la berge, l’hydrodynamique locale et les activités humaines.

Elle pourra être par exemple :

Berge haute dont le talus présente une formation herbacée plus ou moins développée.

Berge verticale basse bordée d’un cordon d’arbres dominés par l’aulne ; ce type de ripisylve, très répandue, assure une bonne tenue de la berge avec des sous-cavements intéressants pour la faune piscicole lorsque les souches atteignent leur plein développement.

Berge verticale basse présentant un alignement assez continu de saules et de peupliers indigènes taillés en têtard sur un fond herbacé.

Berge en milieu rural présentant des alignements de peupliers de haut jet sur un fond herbacé.

Berge très basse dépourvue d’arbres mais présentant une banquette d’hélophytes assez large.

Berge cultivée jusqu’en tête de berge avec une végétation rivulaire d’emprise très réduite.

Berge en milieu urbanisé.

Les étapesdu diagnostic• Décrire• Identifi er les causes • Défi nir les enjeux et les objectifs• Programmer• Organiser le suivi et l’évaluation

Exemple d’une typologie permettant de caractériser localement la végétation de la berge et application à un tronçon de rivière.

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En mettant en balance les éléments positifs et négatifs, on choisira des orientations de gestion et des niveaux de priorité. Par exemple, seront prioritaires la nécessité de replanter s’il y a conjointement érosion de la berge et défaut d’arbres, la nécessité d’intervenir si la présence du phytophtora de l’aulne est suspectée…

Au niveau du tronçon, l’agrégation des observations ponctuelles permet de formuler un diagnostic global portant sur la qualité de la ripisylve et sa fonctionnalité et sa fonctionalité : ombrage, tenue des berges, biodiversité…

Un programme de gestion peut être défini et proposé aux propriétaires riverains, en complément des actions de gestion et d’entretien plus globales conduites par le technicien de rivière en place.

Bien que la ripisylve de l’Andelle ne soit pas particulièrement dégradée, sa densité pourrait être améliorée. La densité optimale à rechercher sur chaque tronçon dépend des objectifs de gestion (cf. chap. 1)

Ph. 123 - Ces arbres penchés au bord de l’Eure ne manquent pas d’intérêt, mais leur caractère vieillissant, leur tendance systématique au basculement, leur faible diversité et densité sont des faiblesses. Il faut sans tarder planter de jeunes individus.

2 - Description et jugement sur l’état de la ripisylve

Pour chaque portion de berge correspondant à une des catégories identifiées on notera :

la longueur concernée,

la nature et la géométrie de la berge (hauteur, verticalité, friabilité…),

l’hydrodynamique et l’action des courants sur la berge,

les encoches d’érosion, les zones piétinées et la présence de rongeurs,

la largeur soustraite au pacage ou au labour,

la végétation herbacée du talus si elle existe et les principales espèces facilement identifiables intéressantes pour la fixation des berges,

le type de végétation ligneuse en précisant les essences et leur abondance-dominance, les diverses classes d’âge, l’état de vieillissement et l’état sanitaire,

les essences qui sont directement en contact avec l’eau (l’aulne en général) ou occupent la tête de la berge (aulne, frêne…) et leur densité linéaire,

les arbres penchés, en crosse ou en surplomb qui demanderont une surveillance plus poussée,

les sujets à recéper ou éliminer,

les espèces inadaptées (peupliers de culture, résineux…) ou à caractère invasif (renouée du japon, buddleia…),

la présence éventuelle d’espèces patrimoniales,

les pratiques de gestion,

l’ombrage porté sur le lit, en relation avec les éventuels points de prolifération de végétaux aquatiques,

les usages (accès, pêche…).

La proximité immédiate de cultures amendées et le dépôt en haut de berge de produits de curage ou de débris organiques (tontes de gazon) favorisent la pro-lifération et la dominance de plantes nitrophiles. L’utilisation d’herbicides est à proscrire absolument pour cause de risques graves de contamination de la faune terrestre et aquatique, et parce qu’elle favorise les rudérales les plus résistantes (ronces, orties…) voire même des invasives comme les renouées exotiques.Pour remédier à une trop forte présence de ces végétaux, qui témoignent de conditions trophiques excessives, il faut pratiquer des fauches répétées avec ex-portation des produits de coupe, et éventuellement procéder à une expertise.

Ces pratiques sont à l’origine d’une végétation perturbée, peu diversifiée, de médiocre valeur environnementale et paysagère et sans intérêt hydraulique.

Ph. 121 - Dépôt de tontes. Ph. 122 - Traitement aux herbicides.

Les arbres et arbustesOn s’intéressera à leur présence, espèces, densité, âges, état sanitaire, fonctionnalités et mode de gestion.

L’absence d’arbres en bord de berge facilite l’érosion par le courant et l’effondrement des berges. C’est également un fac-teur favorable à l’installation des rongeurs. L’abroutissement par le bétail favorise les graminées et bloque l’évolution natu-relle de la flore vers le boisement. Les racines des graminées prairiales tiennent bien le sol sur une vingtaine de centimètres mais ne peuvent empêcher le sapement par le courant, qui se fait généralement plus bas.

L’aulne et le frêne sont particulièrement intéressants pour la te-nue des berges, le frêne préférant le sommet de berge, l’aulne s’accommodant du contact quasi permanent avec l’eau. Quel-ques espèces exotiques sont tout à fait adaptées aux sols hy-dromorphes, comme le taxodium.

Les arbres penchés ou en surplomb optimisent la fonctionnalité biologique du milieu. Des coupes et recépages ne sont à prévoir que pour anticiper des chutes prévisibles ou sur des secteurs sensibles, à proximité d’un ouvrage par exemple.

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Sont inadaptées les essences :

qui craignent les sols gorgés d’eau, ont un enracinement superficiel et risquent d’être emportées par les crues ou les tempêtes (c’est le cas notamment des peupliers de culture et des peupliers des souches naturalisées traités en haute tige) ;

dont l’intérêt paysager est contestable et réservé à d’autres contextes (thuyas, laurier-cerise…) ;

non indigènes et dont on maîtrise mal l’écologie (caractère invasif comme le buddleia, pathologies…) ;

dont la litière est peu biodégradable ou apporte en rivière des substances toxiques, cas de nombreux conifères.

Les conifères ne sont pas présents naturellement en bordure des rivières de plaine. Outre leur mauvaise tenue, ils acidifient l’eau avec leurs aiguilles. Leur présence, toujours anthropogène, n’est pas souhaitable.

Les formations arbustives et arborescentes des berges peuvent souffrir de pathologies comme le phytophtora de l’aulne,

la graphiose de l’orme, le feu bactérien de l’aubépine.Les sujets vieillissants sont plus facilement sujets aux attaques d’agents pathogènes. Les peuplements monospécifiques ou paucispécifiques favorisent la propagation des pathologies.

Les peuplements équiennes présentent l’inconvénient de devoir être renouvelés globalement pour cause de vieillissement. C’est souvent le cas des vieux alignements de têtards. Pour éviter des coupes à blanc sur des linéaires importants et que la rive soit dépourvue d’arbres trop longtemps, le remplacement des vieux sujets doit être étalé sur plusieurs années. Un bon principe de gestion est de s’orienter vers une ripisylve présentant des classes d’âges variées. On conservera quelques très vieux arbres creux pour la diversification des niches écologiques.

Les herbacées en pied de bergesLa présence d’un cordon d’hélophytes en pied de berge est particulièrement intéressante, tant sur le plan biologique que mécanique. La morphologie de la berge ne permettant pas cette présence en continu, le diagnostic analysera les possibilités locales d’implantation ou de réimplantation d’hélophytes en fonction notamment des contraintes hydrauliques.

Le piétinement par le bétail est une cause importante de dégradation de la végétation herbacée et de la berge elle-même (cf. chap. 5).

Ph. 124 - Le cyprès chauve (Taxodium distichum, taxodiacées), arbre des marécages de Louisiane, est une essence étrangère parfois introduite. Ses pneumatophores lui permettent de se maintenir dans des sols constamment gorgés d’eau.

L’aulne glutineux ou verne (Alnus glutinosa, bétulacées) est par excellence l’espèce du bord des eaux vives, au plus près de l’eau. Ses racines maintiennent efficacement les berges et, pour les vieux sujets, procurent des abris aux poissons. Il exige un sol bien fourni en eau, a une grande amplitude trophique, mais craint les eaux polluées. Ses racines peuvent pénétrer les sols à gley et descendre jusqu’à 4 m. Elles portent des nodosités bactériennes fixatrices de l’azote. L’aulne rejette facilement de souche, ce qui permet de le traiter en taillis. Il représente la principale espèce des ripisylves sur le secteur.

L’aulne glutineux est atteint par une maladie cryptogamique causée par un Phytophtora qui provoque son dépérissement rapide en le coupant de son alimentation hydrique. Ce dépérissement, signalé pour la pre-mière fois en 1994, se propage rapidement et atteint de nombreux individus, notamment en Eure-et-Loir. La menace qui pèse sur cet arbre clé pour la bonne tenue des berges pourrait être lourde de conséquences.

La maladie se manifeste par un houppier plus clair, des feuilles petites, jaunâtres et moins nombreuses, des tâches noires sur le tronc entre la base et les trois premiers mètres de l’arbre et, en fin de dépérisse-ment, par des branches mortes. Une grande vigilance est nécessaire partout où les aulnes sont abondants. Actuellement, aucune méthode de lutte efficace ne peut être conseillée. Il faut diagnostiquer les sujets atteints puis adapter la gestion de la ripisylve : éliminer les sujets morts et dangereux, les brûler sur place, uti-liser des outils non contaminés, diversifier les espèces en place, replanter préférentiellement des plants issus de graines et non de boutures.

L’aulne blanc (Alnus incana) espèce montagnarde a été introduit en plaine et peut se rencontrer dans les mêmes stations. L’aulne de Corse, Alnus cordata, affectionne également les bords des cours d’eau. Sa végétation rapide l’a fait introduire avec succès au nord de son aire d’origine. L’aulne glutineux s’hybride facilement avec ces deux espèces.

Ph. 125

Strobiles de l’aulne.

Ph. 126 Ph. 127

Les coupes

La coupe de sujets sains ayant mis des décennies pour atteindre une taille importante entraîne un appauvrissement environnemental et paysager. La coupe à blanc de grands linéaires est à éviter absolument. Des coupes d’éclaircie ou de régénération permettent de diversifi er les classes d’âges, les strates et les espèces. L’élagage des branches char-pentières permet de rééquilibrer la ramure. Les coupes se font hors période de végétation et de nidifi cation de l’avifaune, de novembre à mars, hormis la taille en vert favorisant la cicatrisation des coupes pour la taille douce, en août et septembre. Elles font appel à du matériel et à du personnel spécialisés.

Aulne victime du phytophtora.

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6 - Végétation des berges - ripisylve

3 - Contrôle des espèces végétales invasivesLes invasions par des espèces étrangères aux biocénoses indigènes, introduites volontairement ou accidentellement, deviennent un problème environnemental important. Quel-ques espèces qui se rencontrent sur les berges doivent être connues et leur présence surveillée. Le caractère invasif d’une espèce est souvent accentué par le mauvais état de fonctionnement de l’écosystème. Pour une des-cription plus précise des espèces signalées ci-dessous, on se reportera aux ouvrages spécialisés (cf. bibliographie).

La renouée du Japon, Fallopia (ou Reynoutria) japonica, Fallopia x bohe-mica ainsi que la renouée de Sachaline, Fallopia sachalinensis, sont des polygo-nacées introduites au XIXème

s. comme plantes ornementales et mellifères, facilement identifiables à leurs feuilles cordées. Elles ont des rhizomes souter-rains très développés, de biomasse com-parable à la biomasse aérienne, qui pro-duisent des tiges annuelles de plusieurs mètres. Elles se multiplient par graines ou boutures et colonisent les milieux meubles. Elles sont bien présentes sur

le secteur Seine-Aval avec quelques foyers sur la plupart des cours d’eau. Ces renouées sont, de loin, les espèces invasives qui posent le plus de problème de gestion sur le secteur, leur tendance à former des buissons monospécifiques touffus con-trariant l’implantation d’une ripisylve diversifiée.

Lorsque la plante est bien installée, ses rhizomes peuvent at-teindre 10 m de longueur et explorer le sol sur une profondeur de 3 mètres, rendant l’arrachage d’autant plus illusoire que tout fragment de rhizome peut régénérer un individu complet. La fauche répétée épuise les réserves de la plante mais doit être associée à d’autres mesures, comme le reboisement. Après une fauche et un ratissage minutieux, on plante des arbres et arbustes au sein du massif de renouées (plantation dense de 2 à 3 plants au m2). Un paillage par un feutre géotextile bio-dégradable de la surface plantée est recommandé. Pendant trois ans on fauchera les renouées à raison de deux à trois fois par saison végétative, afin d’assurer la reprise des ligneux. A terme, la plantation prendra le dessus et assurera naturellement sa régénération au détriment de l’espèce invasive. L’utilisation de phytocides est fortement déconseillée : peu sélectifs, ils lais-sent le sol nu et favorisent la réinstallation, sans concurrence, de plantes invasives ; de plus, ils sont facilement lessivés vers la rivière et ont des impacts préjudiciables sur le milieu aquatique. Pour éviter la dissémination de la renouée, la terre provenant de terrains infestés par cette espèce ne doit pas être déplacée. La prévention passe par la reconstitution de berges boisées, peu favorables à l’expansion des renouées.

Autres espèces invasives en voie d’expansion au bord des cours d’eau, signalées dans le secteur d’étude.

Espèces herbacées :La balsamine géante (Impatiens glandulifera) et la balsamine à petites fleurs (Impatiens parviflora) sont signalées depuis peu en Haute-Normandie. Ce sont des thérophytes hélio-

philes qui affectionnent les bords des cours d’eau. Elles se propagent par graines et par boutures. Impatiens capensis est également une envahissante potentielle. Des asters améri-cains (Aster lanceolatus, Aster novi-belgii, Aster salignus ) sont en voie d’expansion le long des berges des cours d’eau, dans les mégaphorbiaies et les prairies humides abandonnées. Le bident à fruits noirs (Bidens frondosa, astéracées), thérophyte nord-américaine pionnière, colonise les sédiments exondés. La berce du Caucase (Heracleum mantegazzianum, apiacées), dont le contact provoque des dermatoses, est signalée sur des berges humides, riches en azote. Les paspales (Paspalum dila-tatum et Paspalum distichum, chiendent d’eau, poacées) sont des espèces rudérales du bord des rivières, originaires d’Amé-rique et envahissantes dans le midi. P. dilatatum a été signalé en Île-de-France. Les solidages originaires d’Amérique du Nord (Solidago canadensis et S. gigantea) sont des espèces rudé-rales non spécifiques des milieux rivulaires, bien implantées sur le secteur, de même que l’ambroisie à feuilles d’armoise (Ambrosia artemisiifolia).

Espèces ligneuses : Sur les hauts de berge remaniés et en terrain sec, on note une tendance à l’envahissement par le buddleia de David ou arbre aux papillons (Buddleja davidii, buddléacées), espèce hélio-phile anémochore qui colonise les friches, et forme rapidement des peuplements monospécifiques.

Le robinier faux-acacia (Robinia pseudoacacia, fabacées), espèce arborescente originaire des États-Unis, colonise éga-lement des terrains secs et bien aérés. Ces deux espèces au système racinaire superficiel, sensibles à l’hygrométrie du sol, sont mal adaptées à la tenue des berges et risquent d’être em-portées lors des crues.

Le faux vernis du Japon (Ailanthus altissima, simaroubacées) est recensé en situation sèche sur sols pauvres où il constitue rapidement des peuplements purs par émission de substances allélopathiques.

L’érable negundo (Acer negundo, acéracées), en provenance du sud, se naturalise le long des cours d’eau, dans les forêts alluviales. Il n’est pas encore signalé sur le secteur Seine-Aval.

Pour des informations complémentaires sur les espèces inva-sives, contacter le Conservatoire botanique national (hameau Haendries, 59270 Bailleul).

Ph. 128 Renouée du Japon.

Ph. 129 - Impatiens glandulifera.

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Reconstituer une ripisylve de qualité permet d’améliorer la fonctionnalité du lit et de la berge, tant au niveau de la biodiversité que de la prévention de l’érosion.

Le reboisement comme remède à un problème d’érosion n’est efficace que plusieurs années après sa mise en œuvre. Si les contraintes érosives sont importantes, il faudra associer une protection - au moins temporaire - du pied de berge par les techniques du génie végétal (cf. chap. 5).

1 - Adapter les plantations au site et aux objectifs de gestion

Des arbustes conduits en cépée constituent une protection efficace contre l’érosion des berges et des talus à forte pente. Le recépage redynamise en effet le système racinaire, augmentant ainsi l’ancrage dans la berge. On retiendra des essences aux bonnes capacités de rejet : aulne, saules, charme, noisetier… Un recépage sera effectué tous les 3 à 7 ans, de préférence entre février et mars de façon à maintenir un couvert le plus tard possible en hiver.

Les branches basses des arbustes augmentent la rugosité des berges, atténuant ainsi les phénomènes d’érosion. Elles offrent également des zones de refuges pour les poissons, hors de portée

des prédateurs (hérons, cormorans), ou des zones d’alimentation pour l’avifaune (martins-pêcheurs).

Il est souhaitable d’optimiser l’ombrage futur du lit pour améliorer la gestion de la végétation aquatique (cf. chap. 4). Lors de la plantation, il est donc nécessaire de :

prendre en compte l’orientation du cours d’eau (l’ombrage optimum est assuré par la végétation de la rive sud) ;

adapter le boisement à la largeur du cours d’eau pour ménager une alternance de zones d’ombre et de lumière sur le lit.

Fiche action

RECONSTITUTION DE LA RIPISYLVE

Les strates, les essences, et les classes d’âge doivent être diversifiées dès la plantation.

Largeur du lit Type de plantation

inférieure à 3 mètres Herbacées hautes entrecoupées d’arbustes en bosquets.

de 3 à 5 mètres

Strate arbustive clairsemée d’essences arborescentes traitées en cépées (aulnes,saules), têtards (saules) ou haut jet (frênes, merisiers). Délai d’efficacité de 5 à 7 ans.Les arbustes seront conduits en massifs plus ou moins denses selon la déclivité des berges et la présence de talus.

supérieure à 7 mètres Essences de haut jet (saules, frênes, aulnes) à implanter de préférence sur des berges platesou faiblement pentues. Délai d’efficacité de 8 à 10 ans.

Alignement de saules têtards

Les plants sont disposés prioritairement sur la rive ombrageante à raison d’un plant tous les 8 à 12 mètres.

Taille de formation : 1 et 3 ans après la plan-tation.

Taille d’entretien : fréquence variant en fonction du contexte et des objectifs. 4 à 5 ans en zone urbanisée avec une approche paysagère, ou 10 à 15 ans en secteur rural.

Formations arbustives en bosquets

Les arbustes sont à planter en bosquets de 30 à 60 m2 (longueur 15 à 20 m x épaisseur 2 à 3 m) sur la base d’un plant par m2. Ces bosquets sont espacés les uns de autres de 30 à 50 m.

Formations arborescentes complétées d’arbustes

Les arbres de haut jet seront intercalés légèrement en retrait de la crête de la berge, isolément ou par groupes de 4 à 5 sujets espacés de quelques mètres. Les aulnes, les saules et les frênes seront préférentiellement disposés en pied de berge.

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6 - Fiche action

RECONSTITUTION DE LA RIPISYLVE

De nombreuses essences sont utilisables. Préférer des espèces indigènes et vérifier leur adaptation au type de sol et au degré d’humidité. Le frêne commun, bien que théoriquement associé aux espèces de haut de talus, se maintient bien en pied de berge. Il trouve parfaitement sa place au contact de l’eau sur les berges plates des cours d’eau et, de même que l’aulne, un sujet adulte peut assurer à lui seul le maintien de plus de 6 m de berge par son système racinaire. Le tableau ci-dessous présente les principales essences de la flore locale et quelques espèces introduites d’intérêt particulier.

Les prix varient selon les espèces et l’âge des sujets. Compter de 0.8 à 1.4 € pour un plant de 60 cm racines nues en pépinière, et 3 à 6 € en intégrant les coûts de plantation, tuteurage et protection contre les rongeurs.Pour le bouturage, on utilise les espèces de saule à forte capacité de rejet (voir p.75 la fiche consacrée aux techniques du génie végétal). Le saule blanc doit parfois être évité en raison de son grand développement et de son bois cassant à l’âge adulte.

2 - Choix des essences

Quelques arbres et arbustes aptes à reconstituer une ripisylve

espèce nom vernaculaire type position sur la berge préférences, particularités

Acer campestre érable champêtre A H

Acer pseudoplatanus sycomore A, C H

Alnus cordata * aulne de Corse A, C < 20 m M

Alnus glutinosa aulne glutineux, a. noir, verne A, C < 25 m P

Alnus incana * aulne blanc a, A, C < 10 m P

Betula pubescens bouleau pubescent A adapté aux milieux tourbeux, acides, oligotrophes

Betula pendula bouleau verruqueux, b. blanc A racines traçantes, ne rejette pas

Carpinus betulus charme A, C < 20 m M, croissance lente, rejette

Cornus sanguinea cornouiller sanguin a M

Corylus avellana noisetier, coudrier a, C < 10 m talus et H, drageonne, rejette

Crataegus laevigata épine blanche a M, sol pas trop humide

Crataegus monogyna aubépine à un style a sol pas trop humide, en haie

Euonymus europea fusain d’Europe, bonnet de prêtre a < 7 m H

Fraxinus excelsior frêne élevé A, C, T P et H, fort enracinement en plateau

Fraxinus ornus * orne A M

Juglans regia * noyer commun A < 25 m H, sols riches en eau mais bien drainés

Prunus avium merisier A H

Prunus padus * merisier à grappes A racines traçantes, drageonne, se bouture

Prunus spinosa prunellier, épine noire a < 4 m H, drageonne, envahissant, craint les sols trop humides

Quercus robur chêne pédonculé A, C < 35 m H

Ribes rubrum groseillier à grappes a M, drageonne, se marcotte, se bouture

Rosa canina églantier a H

Salix alba saule blanc A, C, T < 25 m P, toute la berge, croissance rapide

Salix caprea saule marsault A < 12 m talus

Salix sp. saules buissonnants divers a P (voir aussi p. 75)

Sambucus nigra sureau noir a P, toute la berge, se bouture

Sorbus aucuparia sorbier des oiseleurs A, C M, préférence sol sec

Tilia cordata tilleul à petites feuilles A < 25 m M, aime les sols frais

Tilia intermedia tilleul commun A < 35 m H, drageonne fortement

Ulmus laevis * orme lisse A, C H et talus, rejette

Ulmus minor orme champêtre A, C H et talus, rejette

Viburnum opulus viorne obier, boule de neige a < 3 m M, aime les sols frais

* = espèce non indigène dans l’aire de l’étude A = arbre ; a = arbuste ; C = rejette de souche, traitement possible en cépée ; T = peut être conduit en têtardP = plantation possible en pied de berge ; M en position moyenne ; H à réserver au sommet de berge. Les saules sont présentés dans la fiche consacrée aux techniques végétales (cf. p.75)

3 - Techniques de plantation et entretien Préparer le terrain

Il est nécessaire de préparer le terrain (débroussaillage, désherbage) afin de faciliter la reprise des jeunes plants et boutures. Un ameublissement du sol est généralement conseillé.

Stocker et préparer des plants en racines nuesLes plants en racines nues doivent être, dès leur réception, maintenus à l’abri de l’humidité et de la lumière. Le stockage se fait en jauge. Lors de la mise en terre, les racines trop longues peuvent être taillées, mais le chevelu racinaire doit être maintenu intact.

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6 - Fiche action

RECONSTITUTION DE LA RIPISYLVE

Respecter la période de plantation

Les boutures et les plants à racines nues doivent être mis en terre de septembre à mi-mai en évitant les périodes de gel. Les sujets en motte ou en godet peuvent être plantés toute l’année. En pratique il vaut mieux planter ou bouturer au printemps pour limiter les dégâts causés par les crues hivernales.

Prévoir un entretien adapté

Une fois en terre, les plants doivent être protégés d’éventuelles agressions. Un paillage du sol (paille, géotextile, coco-jute, écor-ces) permet de limiter le développement d’espèces concurrentielles (proscrire les films plastiques). Un grillage de protection contre les rongeurs peut être nécessaire.

Durant les trois premières années qui suivent la plantation, l’entretien consistera à s’assurer de la bonne reprise des plants. Les arbres défectueux seront remplacés. Un recépage sélectif est possible dès la première année si la plantation est serrée.

Au-delà des quelques années qui suivent la plantation et qui requièrent une vigilance particulière, les sujets seront entretenus comme le reste de la ripisylve en place, selon les principes rappelés notamment dans les pages 87-88. On cherchera à favoriser la biodiversité sans perdre de vue les contraintes hydrauliques, sanitaires ou d’usage : élagage, recépage, élimination des branches et des sujets posant problème, dans les règles de l’art, sur la base d’une reconnaissance par le technicien, avec une rotation de trois à cinq ans définie par le programme pluriannuel en fonction des spécificités du tronçon.

Coût de l’entretien

Coupe d’arbre diamètre de 20-50 cm : 50 à 150 € par sujet ; diamètre > 50 cm, 150 à 350 € par sujet.Entretien d’un têtard : 50 à 200 € selon la période de retour.Recépage : 25 € par sujet.Débroussaillage : 0.60 €/m2.Fauche : 0.30 €/m2.

4 - Reconstitution d’un cordon d’hélophytesCes formations sont souvent très altérées par le cloisonnement longitudinal, le pâturage ou les cultures jusqu’à l’eau, l’arasement des banquettes lors des opérations de faucardage et de curage, l’utilisation d’herbicides, l’envahissement par des rudérales…

On reconstituera une ceinture d’hélophytes partout où le diagnostic a montré que c’était possible, directement si les contraintes hydrauliques le permettent ou par des boudins et fascines d’hélophytes.

L’installation de clôtures interdisant l’accès du bétail et le maintien en pied de berge d’un ourlet non fauché d’au moins un mètre faciliteront la pérennisation de ces groupements.

Voir fiche p.75.

5 - Friche et reconstitution spontanée de la ripisylveLa mise en friche ou en défens par une clôture d’une bande de quelques mètres permet la régénération spontanée mais très lente d’une formation boisée après un stade d’embroussaillement plus ou moins long. L’obligation de contrôler le développement de

certaines adventices, la non éligibilité de la friche aux aides PAC et la médiocre accessibilité pour les pêcheurs ne sont pas en faveur de ce mode de gestion naturelle et lui feront souvent préférer la replantation (cf. p. 83).

6 - Évaluation des actionsElle dépend des objectifs poursuivis : tenue de berge, ombrage, biodiversité (se reporter au chapitre 1 page 13).

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