Vanessa Matagne - Interview éditée - Dominique Roynet
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MATAGNE Vanessa 1B14237 signes (espaces compris)
AVORTEMENT
Interview de Dominique Roynet sur les risques que peuvent engendrer
les restrictions de la loi autorisant l’avortement en Espagne.
« Empêcher les femmes à avorter dans de bonnes
conditions, c’est mettre leur vie en danger »
Pour Dominique Roynet, médecin généraliste à Schaerbeek et
fervente défenseure des droits des femmes, les restrictions
imposées au droit à l’avortement en Espagne sont un risque à bien
des niveaux.
Quelle est votre position par rapport à l’avortement ?
Je pratique les IGV, interruptions volontaires de grossesse, mais je
suis contre. Je suis contre l’avortement comme je suis contre le sida
ou le cancer du sein. L’avortement est un problème de santé publique.
Un médecin n’a pas à se poser de questions. Les problèmes de santé
publique, ce sont eux qui doivent les gérer. Je suis pour le choix des
femmes à avoir un enfant quand elles veulent, si elles veulent et
comme elles veulent. Je suis pour le fait que les femmes soient en état
de santé sexuelle et reproductive. Ce qui implique la gestion de la
fécondité avec des contraceptifs et si nécessaire, avec l’interruption
d’une grossesse accidentelle. Pratiqué dans de bonnes conditions
médicales et psychologiques, l’avortement est une bonne chose.
Quels risques court l’Espagne suite au projet de loi supprimant
quasiment le droit à l'avortement ?
Le premier des risques, c’est que les femmes recourent à la
clandestinité. Elles mettront alors leur santé en danger. En effet, dès
l’instant où l’IVG est réalisée uniquement dans un but lucratif, il y a
toujours des problèmes. Au delà de ça, la démocratie est en péril.
Quand on vote une loi de « liberté » et que l’on voit la facilité avec
laquelle un gouvernement la supprime, ça pose une vraie question de
démocratie. En Espagne, 70 à 80% des gens se disent contre le
changement de cette loi. Le gouvernement n’en tient pas compte.
L’augmentation des coûts et des enfants non désirés sera
également un problème ?
Les femmes, lorsqu’elles ne veulent pas d’enfant, elles n’ont pas
d’enfant. Depuis le début de l’espèce humaine, elles avortent. Au
risque de leur vie. Quel que soit le coût.
Pensez-vous que les Espagnoles se rendront à l’étranger pour
interrompre leur grossesse ?
Evidemment. Nous envoyons en Hollande les femmes qui sont au-delà
des délais légaux belges. On se débrouille toujours pour trouver
ailleurs ce que l’on n’a pas chez soi. Mais ça implique d’avoir un
minimum d’argent. Et si ce n’est pas le cas, on fait avec les moyens du
bord.
La restriction que subit l’Espagne pourrait-elle s’étendre au reste
de l’Europe ?
Je pense que les gens, et en particulier les jeunes, ne sont pas vigilants
quant aux discours politiques dangereux qui existent dans les
mouvements conservateurs. Ces derniers reprennent de la vigueur
depuis une ou deux décennies. D’un côté, on retrouve les
mouvements conservateurs puissants. Ils ont des moyens financiers,
des lobbyistes très efficaces auprès des partis politiques, notamment
auprès du parti populaire européen, un parti de droite, conservateur.
Ces politiques sont organisées et déterminées à ramener des lois
conservatrices. A côté de ça, il y a toute une population « analphabète
politique » qui n’a aucune conscience du danger. Les jeunes sont nés
avec le droit à la contraception et à l’avortement. Ils ont l’impression
que ce sont des droits fondamentaux et acquis. Je suis donc forcément
inquiète.
Ce retour en arrière pour l’avortement pourrait être le début
d’une longue série de retours en arrière pour d’autres domaines ?
C’est certain que si les partis conservateurs, de droite et les partis
religieux prennent plus de pouvoir, la société fera des bons en arrière.
Tant pour la liberté des femmes, l’égalité hommes-femmes,….
Pourquoi ne pas miser sur davantage de moyens de prévention
pour moins d’avortements ?
Aucune femme n’avorte par plaisir. Elles ne sont pas si folles. Elles
utilisent les contraceptifs mis à leur disposition. Mais il y a des
accidents, des contraintes extérieures, des faux projets. La femme peut
prendre la pilule durant des années mais un jour si elle la vomit, elle
peut tomber enceinte,… On peut donc augmenter l’accès à la
contraception, mais des femmes qui ont la diarrhée il y en aura
toujours.
2959 signes (espaces compris)
Dominique Roynet : médecin atypique et militante
féministe
Il est 13h, ses consultations se
terminent. Dans la salle d’attente,
une voix retentit « Allez, tout le
monde dehors ! ». A première
vue, Dominique Roynet est une
femme aux airs un peu « fous »,
vive et dynamique. C’est un petit
bout de femme à la cinquantaine.
Elle ne dépasse pas le mètre
soixante. Qui pourrait distinguer,
derrière cette énergie
impressionnante qu’elle dégage,
un grand médecin aux pratiques
diverses. C’est pourtant le cas.
Dominique Roynet est
généraliste mais pas uniquement.
En 1992, elle fonde le planning familial de Jemelle, surnommé
« planning Rochefort », où elle pratique depuis lors la médecine
générale et les interruptions volontaires de grossesse. Militante
féministe, elle a toujours considéré ces deux autres fonctions comme
faisant partie intégrante de son travail. Elle enseigne également la
santé sexuelle et reproductive aux jeunes médecins de l’Université
Libre de Bruxelles, depuis maintenant une dizaine d’années.
Son cabinet est installé rue Verte à Schaerbeek. A la fin de ses études
à l’ULB en 1979, elle souhaite exercer dans ce quartier. La population
y est issue de l’immigration maghrébine et est défavorisée. « J’aime
travailler avec les immigrés. Ça me permet de voyager un peu chaque
jour ». C’est ici, d’après elle, que la médecine générale prend tout son
Le téléphone de Dominique Roynet ne cesse de sonner. Très populaire à Schaerbeek, son agenda déborde de consultations. © VM
sens. « Dans les quartiers plus « traditionnels », les gens consultent
leur généraliste pour des rhumes, des renouvellements de certificats,
… c’est de la « bobologie », les médecins soignent leurs petits bobos.
Tous ces gens ont leur dermatologue, cardiologue, pneumologue,….
Ici, les personnes ont moins d’argent. Elles viennent me voir parce
qu’elles sont malades et c’est moi qui les oriente vers des spécialistes
si nécessaire ». Dominique Roynet est ainsi en première ligne,
entourée de pathologies intéressantes qui la passionnent.
A côté de cette profession, elle dirige son planning familial à
Rochefort et pratique de nombreux avortements. Pour elle, le droit des
femmes à avorter est un droit fondamental. « Empêcher les femmes
d’avorter dans de bonnes conditions, c’est les forcer à avorter dans de
mauvaises conditions et mettre leur vie en danger ». « Quand une
femme veut un enfant elle en aura un mais dans le cas contraire, elle
n’en aura pas. C’est aussi simple que ça ! ». Rochefort avait besoin de
ce centre. A l’époque, c’était une région où l’on ne pratiquait pas
d’IVG. La situation a d’ailleurs peu changé. Quand on passe au sud du
sillon Sambre et Meuse, personne n’est prêt à réaliser des
avortements. Les médecins proviennent tous de l’UCL, l’Université
Catholique de Louvain-la-Neuve et ils sont contre. « Moi aussi je suis
contre, mais je le fais quand même » affirme-t-elle. Dominique
Roynet partage donc son temps entre Schaerbeek et Jemelle. Elle
réalise plus de 40 000 kilomètres par an mais elle en ferait davantage
s’il fallait aider d’autres régions.