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WHC-99/CONF.209/INF.7 UNESCO CONVENTION DU PATRIMOINE MONDIAL COMITÉ DU PATRIMOINE MONDIAL 23ème session (29 novembre - 4 décembre 1999) Marrakech (Maroc) ÉVALUATIONS DES BIENS CULTURELS Préparées par le Conseil International des Monuments et des Sites (ICOMOS) Les évaluations de l'UICN et de l'ICOMOS sont destinées en priorité aux membres du Bureau et du Comité du patrimoine mondial. Un nombre limité de copies est à votre disposition au secrétariat. Merci. 1999

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WHC-99/CONF.209/INF.7

UNESCO

CONVENTION DU PATRIMOINE MONDIALCOMITÉ DU PATRIMOINE MONDIAL

23ème session(29 novembre - 4 décembre 1999)

Marrakech (Maroc)

ÉVALUATIONS DES BIENS CULTURELS

Préparées par leConseil International des Monuments et des Sites

(ICOMOS)

Les évaluations de l'UICN et de l'ICOMOS sont destinées en priorité aux membres du Bureau et duComité du patrimoine mondial. Un nombre limité de copies est à votre disposition au secrétariat.

Merci.

1999

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Mont Wuyi (Chine)

No 911

Identification

Bien proposé Mont Wuyi

Lieu Wuyishan, province de Fujian

État partie République populaire de Chine

Date 30 juin 1998

[Note Ce bien est proposé pour inscription en tant quesite mixte, en vertu de critères naturels et culturels. Dansla présente évaluation, seules les informations relatives àla proposition d’inscription en vertu des critèresculturels sont prises en compte.]

Justification émanant de l’État partie

Les vestiges archéologiques prouvent que le Mont Wuyiétait habité il y a déjà 4000 ans. Ses habitants ontprogressivement donné le jour à la culture Gumin et,plus tard, à la culture Minye, toutes deux uniques, danscette contrée éloignée de la Chine.

Les cercueils en forme de bateau, dans lesquels ont ététrouvés les plus anciens tissus de coton de Chine, lesplanches Hongqiao et la ville du roi de Yue, de ladynastie des Han, qui s’étend sur 48 hectares et est l’unedes mieux préservées des anciennes cités de Chine, sontles témoins d’une civilisation antique et de coutumestraditionnelles qui se sont éteintes il y a plus de 3000ans.

Le Mont Wuyi a en outre été le berceau du néo-confucianisme, tout d’abord avec Cheng Yi (1033-1107), puis avec Cheng Hao (1032-1085), avantd’atteindre son apogée avec Zhu Xi (1130-1200). Ce futla théorie intellectuelle dominante de la dynastie Song àla dynastie Qing (du Xe au XIXe siècle), qui représentaitl’esprit traditionnel universel cher à la nation chinoise.Son influence s’étendit aux pays d'Extrême-Orient etd’Asie du Sud-Est, et au-delà même, jusqu’en Europe etaux Amériques.

Zhu Xi, le personnage le plus influent de la culturechinoise après Confucius lui-même, insuffla unenouvelle vitalité au confucianisme traditionnel ;aujourd’hui encore, les érudits de nombreux pays dumonde continuent d’étudier cette école de pensée. ZhuXi écrivit et enseigna sur le Mont Wuyi pendant plus decinquante ans, hormis pendant une brève interruption deneuf ans. Ce lieu devait devenir le centre des études

néo-confucianistes du Xe au XVIIe siècle, et de nombreuxsites néo-confucianistes y survivent.

Critère culturel iii

Catégorie de bien

En termes de catégories de biens culturels, tellesqu’elles sont définies à l’article premier de laConvention du Patrimoine mondial de 1972, il s’agitd’un site.

Histoire et description

Histoire

La plus ancienne occupation du Mont Wuyi parl’homme est antérieure à la dynastie Xia (fin du IIIe

millénaire avant J.-C.). Sous les dynasties Shang etZhou (XVIe au IIIe siècle avant J.-C.), il était peuplé pardes tribus aborigènes minoritaires. Sous la dynastie Qin(fin du IIIe siècle avant J.-C.), la région accueillit deconsidérables migrations de groupes tribaux.

Avec la consolidation de l’empire chinois sous la férulede la dynastie Han (fin du IIIe siècle avant J.-C. jusqu’audébut du IIIe siècle après J.-C.), Wuyi fut totalementabsorbé par le système étatique, son souverain devenantvassal de l’empereur Han. Au Ier siècle avant J.-C., unegrande ville fut bâtie à proximité, laquelle fit office decapitale et de centre administratif de la région.

C’est à cette époque que le Mont Wuyi (Wuyishan)acquit son statut de montagne sacrée. Dans les sièclesqui suivirent, beaucoup de saints hommes et d’érudits yfurent attirés, tandis que des monastères et desacadémies s’installaient dans ses magnifiques décorsnaturels, propices à l’étude et à la contemplation. Pourassurer la préservation de la beauté de l’environnement,l’empereur Xuan Zong de la dynastie Tang décrétainterdits, en 748 après J.-C., la pêche et l’abattage desarbres, interdiction qui subsiste à ce jour.

Le Mont Wuyi fut tout d’abord un centre du taoïsme, oùfurent érigés de nombreux temples et centres d’étude,mais le bouddhisme s’y développa de concert, avant delargement supplanter le taoïsme, dès le XVIIe siècle.C’est sous la dynastie Song que Zhu Xi élabora lesdoctrines du néo-confucianisme, dans sa célèbreacadémie Wuyi Jingshe, à partir de 1183. La renomméeintellectuelle du Mont Wuyi continua d’attirer desérudits, des sages, des artistes et des écrivains dans lespériodes qui suivirent.

Description

Les éléments culturels sont concentrés dans deuxrégions situées à l’extrême est du bien proposé pourinscription.

Au bas de la rivière aux Neuf Coudes et de la régionmontagneuse au nord, les dix-huit cercueils en forme debateau de bois, dans leurs abris rocheux sur des falaisesabruptes, reposent sur des planches dites Hongqiao, ontété datées du IIe millénaire avant J.-C. et sont

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extraordinairement bien préservés. Les études réaliséessur ces objets ont mis à jour un remarquable assemblagede matériaux organiques : bambou, soie, coton, chanvre,etc.

Cette région abrite les vestiges de trente-cinq anciennesacadémies, pas moins, datant des dynasties Song duNord à Qing (Xe au XIXe siècle). De la plupart de cesacadémies, étroitement intégrées au paysage naturel, ilne subsiste que peu de vestiges. Tout ce qui reste de lagrande académie Ziyang de Zhu Xi, fondée au XIIe

siècle, ce sont, par exemple, deux pièces ajoutéesplusieurs siècles après.

De même, rares sont les temples et monastères taoïstes,dont plus de soixante ont été localisés, qui ont survécudans un état complet. Parmi eux, font figured’exception, le temple Taoyuan, le palais Wannian, lasalle Sanqing, le temple Tiancheng, le temple Baiyun etle temple Tianxin, qui ont tous subsisté à divers degrésd’authenticité. On dénombre également un certainnombre de tombes, dont les plus anciennes remontent àla dynastie Shang (fin du IIe millénaire avant J.-C.) et desinscriptions dans cette région.

Autre élément intéressant, les témoignages de la culturedu thé. Du XIe au XVIe siècle, il existait une fermeimpériale de production de thé, destiné à laconsommation de la cour de l’empereur. Certainséléments originaux subsistent, mais les structures quirestent visibles aujourd’hui sont des reconstructionsrécentes. En outre, on remarque également les vestiges,pour la plupart fragmentaires, d’anciennes usines à thé,construites à partir du XVIIe siècle.

La seconde région, détachée de la région principale,s’étendant à quelques 10 km au sud-est, est le sitearchéologique de la cité Chengcun de la dynastie Han.Découverte en 1958, il s’agit d’une cité dont lesmurailles encerclent quelques 48 hectares de terresaccidentées. Les murailles sont intactes, et font, àcertains endroits, 8 m de haut sur 4 m de large. Oncompte quatre portes situées sur la terre ferme et troissur la rivière qui traverse le site.

Le tracé de la ville est conforme aux principesd’urbanisme caractéristiques du Sud de la Chine à cetteépoque. Quatre grands complexes ont été localisés àl’intérieur : on pense qu’il pourrait s’agir de palais ou decentres administratifs. D’autres structures, telles que desmaisons, des édifices industriels, des fours et un systèmed’approvisionnement en eau, ont été découvertes àl’intérieur et à l’extérieur du périmètre des murailles.

Gestion et protection

Statut juridique

L’ensemble de la région proposée pour inscription estprotégé par une série de lois de la République populairede Chine, notamment : la loi sur la sylviculture (1982),la loi sur la protection de la faune (1988), la loi sur laprotection de l’environnement (1989), la loi sur lagestion des paysages et des zones d’intérêt historique(1985), la réglementation sur les réserves naturelles

(1994), et la loi sur la protection des reliques culturelles(1982).

Des réglementations et autres instruments juridiquesspécifiquement afférents au mont Wuyi ont étépromulgués par le gouvernement populaire de laprovince de Fujian en 1982, 1988, 1990, 1995 et 1996.

Gestion

L’intégralité de la zone couverte par la propositiond’inscription – 63.575 ha de zone principale, 36.400 hade zone intérieure protégée et 27.999 ha de zone tampon– est la propriété de la République populaire de Chine.

Deux des quatre zones qui composent le bien proposépour inscription ont des valeurs culturelles : la zoneorientale de protection du paysage naturel et culturel(7000 ha) et l’ancienne cité Chengcun de la dynastieHan (48 ha). Chacune de celles-ci, conformément à lapratique chinoise, se compose d’une zone principale,d’une zone intérieure de protection et d’une zonetampon. Aucun développement ne peut avoir lieu dansla zone principale, tandis qu’il est strictement contrôlédans les deux zones environnantes.

Le plan directeur des paysages et des zones d’intérêthistorique de Wuyi a été élaboré par le bureau d’État desReliques culturelles (aujourd’hui Administrationnationale du Patrimoine culturel) et le ministère de laConstruction urbaine et rurale et de la Protectionenvironnementale en 1986. Cet arrêté, en associationavec le règlement de gestion des paysages et zonesd’intérêt historique de la province de Fujian,promulgué par le gouvernement populaire de laprovince en 1996, stipule un programme global degestion et de protection. Il implique l’installation et lamaintenance d’équipement de prévention des incendies,de communication interne, de sites panoramiques etd’autres équipements destinés aux touristes, l’étude et laconservation des biens culturels, la création et lamaintenance de documentation et d’archivesscientifiques, ainsi que la formation de personnelscientifique, technique et autre.

Un certain nombre de structures culturelles sontindividuellement désignées comme des biens protégésau niveau étatique ou provincial.

Le plan de protection du site de la cité Chengcun de ladynastie Han a été formulé en 1995. Il stipule la fouilleet l’étude scientifique systématiques comme base depréparation d’un plan de gestion directeur. Il a étédésigné site clé sous protection de l’État en 1986.

Conservation et authenticité

Historique de la conservation

On peut considérer que la conservation systématiqueremonte au VIIIe siècle après J.-C., époque à laquellel’empereur Xuan Zong, de la dynastie Tang, a déclaréWuyishan montagne sacrée, et a délivré un éditcontrôlant les opérations forestières, et protégeant ainsil’ensemble du paysage. Le premier contrôleur de la

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région a été nommé par la cour impériale en 1121. Enoutre, l’établissement d’une plantation impériale de théen 1302 a encore renforcé la protection et le contrôle dudéveloppement dans cette zone.

Bon nombre des structures religieuses et académiquesont progressivement été abandonnées, et ont été laisséespeu à peu à l’état de ruines. D’autres ont subsisté, bienqu’elles aient été reconstruites à plus d’une occasion, àla suite de glissements de terrain ou d’incendies. Après1949, plusieurs ont vu leur usage changer : de templestaoïstes, elles sont devenues des édifices séculiers (sallesde réunion, usines à thé, bâtiments résidentiels), maisont par la suite été restaurées et ouvertes au public.

Le patrimoine culturel a fait l’objet de trois étudesmajeures, respectivement en 1973, 1982 et 1987.

Authenticité

Le paysage culturel de la zone orientale, le long de larivière aux Neuf Coudes, a conservé un remarquabledegré d’authenticité, en grande partie grâce à la stricteapplication, pendant plus d’un millénaire, del’interdiction de la pêche et des opérations forestièresédictée au VIIIe siècle. Cependant, les biens culturelsintacts de la région ont dans une large mesure perdu leurauthenticité en termes de conception, de matériaux et defonction, suite à de nombreux changements d’usage etreconstructions.

Par opposition, les sites archéologiques – l’ancienne citéde Chengcun, les cercueils en forme de bateau et lesvestiges des temples, académies et monastères démolisou effondrés – sont parfaitement authentiques.

Évaluation

Action de l’ICOMOS

Une mission d’expertise de l’ICOMOS s’est rendue aumont Wuyi en septembre 1998.

Caractéristiques

Il importe de distinguer deux éléments culturels distinctsdans cette proposition d’inscription.

Le paysage culturel qui s’étend le long de la rivière auxNeuf Coudes et sur la montagne est d’une grandebeauté, et abrite un groupe d’édifices religieux etacadémiques, la plupart en ruines, installés ici du fait dela magnificence et de la tranquillité du paysage naturel.Ses qualités ont été reconnues dès le VIIIe siècle après J.-C., et des mesures ont alors été prises pour assurer leurpérennité.

Quant au site de l’antique cité de Chengcun, il est d’uneimportance archéologique et historique considérable.Toutefois, il n’a été reconnu qu’en 1958 et les fouilles etson examen scientifique n’en sont qu’à leursbalbutiements.

Analyse comparative

Il convient d'établir la comparaison avec d’autresmontagnes sacrées de Chine, parmi lesquelles Taishan,Huangshan et Emeishan, toutes inscrites sur la Liste dupatrimoine mondial. En termes de significationreligieuse, Wuyishan doit être considéré comme étantd’une importance moindre, en dépit de son associationau néo-confucianisme.

La cité antique de Chengcun est exceptionnelle, du faitqu’il n’existe aucun autre site urbain de la dynastie Hanqui n’ait pas été recouvert, au moins en partie, parl’urbanisation ultérieure.

Observations et recommandations de l’ICOMOS

Il est nécessaire de traiter séparément le site principal deWuyishan et la cité de Chengcun, les liens culturelsentre eux étant ténus.

Le paysage de la zone orientale est d’un intérêt culturelconsidérable, en grande partie grâce à sa protectionraisonnée depuis le VIIIe siècle. Toutefois, sonimportance réside principalement dans son indéniablebeauté naturelle et, à ce titre, il correspond mieux aucritère naturel iii.

Recommandation

La première recommandation de l’ICOMOS était que cebien ne soit pas inscrit sur la Liste du Patrimoinemondial sur la base des critères culturels. A sa sessionde juillet 1999, le Bureau a renvoyé la partie culturellede cette proposition d’inscription à l’Etat partie pourréexamen. L’Etat partie a fourni une documentationcomplémentaire qui soutient l’inscription sur la base descritères culturels. Elle a été étudiée par l’ICOMOS et leComité exécutif de l’ICOMOS examinera larecommandation pour ce bien lors de sa réunion enoctobre 1999. La recommandation sera présentée à lasession extraordinaire du Bureau à Marrakech ennovembre.

ICOMOS, septembre 1999

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Iles Eoliennes (Italie)

No 908

Identification

Bien proposé Isole Eolie (Iles Eoliennes)

Lieu Mer Méditerranée - sud de la MerTyrrhénienne

Etat Partie Italie

Date 24 juin 1998

Justification émanant de l'Etat Partie

Situées dans la mer Tyrrhénienne méridionale, aularge de la côte sicilienne, les îles Éoliennesreprésentent un patrimoine exceptionnel du fait de laco-présence de biens culturels concentrés sur une airegéographique et de nature scientifique et humaniste etplus particulièrement de nature : géodynamique,volcanologique, archéologique, naturelle et ethno-antropologique configurant un système de valeurconsidérable du paysage structurel.

La valeur archéologique est due :

• A la présence de témoignages exceptionnels de lacontinuité de la vie dans les îles Éoliennes àpartir de l’époque néolithique moyen jusqu’àaujourd’hui, avec un rôle ultérieur exceptionneldans tout le monde antique, dans la période del’obsidienne ;

• Au parfait état de conservation des couchesstratigraphiques qui datent en partie de lapréhistoire, de la protohistoire et l’Antiquité de lamer méditerranée, et au fait que les vestiges detoute culture, après abandon ou destruction desétablissements, ont été préservés quasimentintacts, enfermés dans une couche de poussièrevolcanique transportée par le vent et générée parle pyroclastique produit par l’activitévolcanique ;

• A l’extraordinaire richesse et l’état depréservation des nécropoles parmi lesquelles desmasques de théâtre du culte dionysiaque enparticulier représentent un documentexceptionnel pour l’histoire du théâtre ;

• A l’Acropole de Lipari avec sa continuité de vie,son caractère de «ville protégée», sonarchitecture, ses espaces, ses musées thématiqueset multidisciplinaires en développementpermanent. Sa transformation de fonction debagne en un lieu de grande civilisation pour latransmission de la connaissance, de la culture, de

l’histoire de la science et des sciences humaines.En effet, elle est le siège du musée régionalarchéologique éolien, un des plus importants aumonde de par ses sections complémentaires devolcanologie et de paléontologie du quaternaire.

La valeur ethno-anthropologique de grand intérêt pourle paysage culturel anthropique qui s’est formé aucours des siècles et qui est parvenu jusqu’à nouscomme témoignage pratiquement intact de l’activitémillénaire de l’homme avec des spécificitésd’établissement et des particularités culturelles,relatives à :

• Aux raisons de défense et de survie dues àl’isolement des îles, pour lequel le premiersystème d’établissement est donné par une unitéautarcique productive ;

• A l’utilisation de l’obsidienne comme ressourceexceptionnelle pour la fabrication d’outils àusage domestique, pour la chasse ;

• A l’inclination du sol et donc à la particularité descônes volcaniques à pentes raides qui dessinentle territoire avec la création de terrassements enpierre ;

• Aux caractéristiques pédologiques qui influencentles différents types de cultures agricoles ;

• Aux caractéristiques urbanistiques etarchitectoniques d’établissement qui donnent lieuà une typologie urbanistique dans laquelle onreconnaît sa matrice phylogénétique dans tous lesvillages d’origine rurale particulièrement dans lesvilles de Alicudi, Filicudi et à Ginostra.

Toutes ces valeurs d’intérêt anthropique du paysage seretrouvent sur le territoire lequel est caractérisé parune végétation aujourd’hui steppique, par unevégétation endémique, par une végétation constituéed’anciennes cultures telles que l’olive et les cépagesliées à des éléments du maquis méditerranéen où l’ontrouve plus particulièrement du genêt, le lentisque,l’arbousier, le palmier nain, des plantes médicinales etle câprier. Dans les îles Éoliennes, la nature estfortement présente dans les zones habitées. Lescultures sont constituées avec des terrassements enpierre et les maisons s’insèrent dans des espacesdessinés par la végétation. L’ensemble est lié d’unetelle façon que les établissements humains et lepaysage naturel confèrent aux îles un intérêtécologique important.

[Note : dans le dossier de proposition d’inscription,l’Etat Partie n’émet aucune proposition sur les critèresmotivant selon lui l’inscription du bien sur la Liste dupatrimoine mondial. De plus, le texte proposé ici estune version abrégée du texte du dossier d’inscriptiondans la mesure où il est pris en compte seulement lesaspects culturels.]

Catégorie de bien

En termes de catégories de biens culturels, tellesqu’elles sont définies à l'article premier de la

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Convention du Patrimoine mondial de 1972, le bienproposé est un site. C'est également un paysageculturel comme défini dans les Orientations devantguider la mise en œuvre le la Convention duPatrimoine mondial (1998), paragraphe 39.

Histoire et Description

Histoire

Les premiers établissements connus remontent aunéolithique moyen sur l'île de Lipari. Le commerce del'obsidienne assura la prospérité des îles pour environ2000 ans jusqu'à la troisième moitié du deuxièmemillénaire. La diffusion du métal et de sa technique enMéditerranée, entraîna une période de décadenceéconomique et de dépeuplement jusqu'au deuxièmemillénaire. L'activité reprit à l'âge du bronze.

Les îles connurent des fortunes diverses jusqu'àl'arrivée des Grecs vers 580 avant J.C. A cette époque,l'archipel était presque dépeuplé. De cette période datesans doute un mur cyclopéen découvert lors desfouilles de l'acropole de Lipari.

Lipari resta colonie grecque jusqu'en 252 avant J.C.Elle tomba aux mains des Romains au cours de lapremière guerre Punique. Cette occupation provoquaune forte récession qui cessa avec la défaite deCarthage.

La période de l'âge impérial et du haut Moyen Age estpeu documentée. Le christianisme s'implanta très tôtautour du culte des reliques de saint Bartolomeo.

En 836, les Arabes détruisirent Lipari et déportèrentles habitants. Les îles restèrent désertes jusqu'à laconquête normande. Avec la création en 1083 dupremier monastère bénédictin sur l'Acropole de Lipari,l'activité reprit. L'agriculture fut réintroduite.

Entre le XIIIe et le XIVe siècles, Lipari fit l'objet deconflits pour le contrôle de la mer Tyrrhénienne.L'unification du royaume de Naples et de Siciledétermine une période de grande prospérité.

En 1544, l'incursion des pirates barbaresques détruisitla ville de Lipari. La ville fut reconstruite et ceinted'un rempart. Son extension se limita à cettefortification jusqu'au XVIIIe siècle. L'intensificationdes activités navales et agricoles entraîna ledépeuplement de l'acropole au profit des zonesfertiles. Le territoire de l'île de Salina fut divisé entrois communes au début de ce siècle.

De 1926 à 1950, l'acropole de Lipari et l'ancien palaisépiscopal furent utilisés comme prison politique, cettesituation contribua à isoler économiquement Liparipendant la première moitié de ce siècle.

Par ailleurs, la monoculture du raisin a été fortementperturbée par le phylloxera au XIXe siècle ce quiengendra une situation économique dont les îles ne serelevèrent pas. Une longue période de crise précéda lerenouveau essentiellement touristique qui commença àse manifester après les années 1950.

Cette activité, si elle contribue à revitaliser le pays,entraîne également la destruction de sa culture.Beaucoup de bâtiments et d'habitations traditionnelsliés aux anciennes activités agricoles sont transformésen résidences secondaires inspirés de modèlesétrangers à la culture locale.

Une action politique soutenue par le secteurscientifique et culturel tente d'inverser la tendance endéveloppant des formes de protection des monumentsles plus remarquables et une diversification desactivités.

Description

L'archipel est composé de sept îles dont la principaleest Lipari, deux îles sont fortement marquées parl'activité volcanique : Stromboli et Vulcano.

La totalité de l'archipel représente un inépuisable sujetd'études vulcanologiques en même temps qu'un lieu deressources archéologiques majeur. L'accumulation descendres volcaniques a en effet protégé de l'usure dutemps et du pillage de nombreux vestiges del'Antiquité grecque et romaine.

La morphologie actuelle des villages estcaractéristique de l'insularité méditerranéennecomparable aux îles grecques.

Le caractère dominant du paysage est la stratificationvolcanique en particulier visible sur les falaises.

Gestion et Protection

Statut juridique

L'archipel éolien fait partie de la région Sicile,province de Messine, et son territoire est organisé enquatre communes : Leni, Malfa, S. Marina Salina(toutes situées sur l'île de Salina), et Lipari. Il y a unemunicipalité unique qui comprend les îles de Lipari,Vulcano, Filicudi, Alicudi, Stromboli, et Panarea.La protection du paysage et du patrimoinearchitectonique prévue par la Loi No 1497 du29.6.1939 concernant l’archipel est appliquée par laSection des Biens du paysage, de l'architecture et del'urbanisme de la Soprintendenza per i Beni Culturalied Ambientali de Messine.

Gestion

Il y a un régime mixte : domaine et patrimoines del'état, régionaux et de la mairie, mais surtout depropriété privée.

Etant donné l'ampleur du territoire il est impossible deciter tous les propriétaires du territoire morcelé etrecensé au cadastre urbain.

En plus des zones de propriété du domaine communal,il y a des zones à usage public telles que celles del'extraction de la ponce dans le mont Pelato à Lipari etd'autres territoires du Monte della Fossa delle Felci deSalina et beaucoup d'autres.

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L'Acropole de Lipari est la propriété du DemanioRegionale Assessorato dei Beni Culturali edAmbientali et est soumise au contrôle de laSoprintendenza per i Beni Culturali ed Ambientali deMessine (Département des biens archéologiques).

Conservation et Authenticité

Historique de la conservation

Jusqu'à une date récente les îles Lipari n'ont pas connud'altérations profondes mais le développement dutourisme et la mutation des bâtiments en résidencessecondaires menacent fortement la conservation.

Authenticité

La première garantie d'authenticité et d'intégrité estdonnée par le fait que 90% des publications sur lesétudes volcaniques concerne les îles éoliennes.Dans l'île de Vulcano se trouve le siège du G.V.N.pour la surveillance continue de l'activité volcanique,géré par le C.N.R. et par le ministère de la Protectioncivile. Le château de Lipari est le siège du Muséeéolien qui contient les pièces collectées à partir de1946 jusqu'à aujourd'hui. Il forme avec le parcarchéologique annexé l'un des musées historiques etarchéologiques de la Méditerranée les plus importants.

Evaluation

Action de l'ICOMOS

Une mission d’expertise de l’ICOMOS s’est rendue àLipari en février/mars 1999.

Caractéristiques

Les îles éoliennes constituent un archipel volcaniquedans la zone d'influence de la grande Grèce (pourl'Antiquité).

Analyse comparative

Les îles éoliennes appartiennent à la famille des arcsinsulaires auxquelles ont peut les comparer pour lagéométrie, la morphologie et l'évolution des produits,mais comme on a dit, à l'intérieur de cette famille lesîles éoliennes ont des spécificités particulières(courbure, inclinaison, énergie, zone de chute, activitéstrombolienne continuelle, etc..) Pour ce qui concernele type d'activité explosive, éruption, etc. on peutcomparer les îles éoliennes à l'archipel égéen (Kos,Nysidos, Yali, Santorin, Mylos, Methana).

Certaines formes volcaniques typiques des îleséoliennes, par exemple le grand cratère de la Fossa àVulcano, Pollara à Salina, présentent des analogiesavec certains volcans des très fameuses Galápagos deDarwin, tandis que Stromboli présente des analogiesmorphologiques avec le Piton de la Fournaise del'Océan Indien.

Du point de vue archéologique les îles éoliennespeuvent être considérées comme une "Pompéi"

continue, avec des éruptions magmatiques qui n'ontpas le même caractère dramatique.

Pour les trois millénaires auxquels on se réfère, cettestratigraphie est la plus complète, précise et détailléede toute la Méditerranée centrale et occidentale et ellenous donne la clé de lecture pour les autrescivilisations de la Méditerranée.

Ce même phénomène a conservé intacte la nécropolegrecque et romaine (jusqu'à aujourd'hui 3.000 tombesenviron), presque unique parmi celles de la Sicile, dela Grèce et de l'Etrurie.

On a localisé presque une vingtaine d'épaves (dupremier âge du bronze au XVIIème siècle).

Observations de l’ICOMOS

Archipel remarquable par sa géologie volcanique, lesaléas de l'histoire et la relative aridité des îleséoliennes sont à l'origine de fréquents mouvements depopulation depuis les temps préhistoriques. Il enrésulte un patrimoine d'une grande richessearchéologique.

Néanmoins, l’ICOMOS considère que les IlesEoliennes n’ont pas la valeur universelleexceptionnelle requise pour justifier une inscriptionsur la Liste du patrimoine mondial. Il existe d’autresîles volcaniques qui ont une importance archéologiqueet historique plus grande et des paysages qui ont étémoins touchés par des intrusions modernes liées à lacroissance du tourisme.

Recommandation

Que ce bien ne soit pas inscrit sur la Liste dupatrimoine mondial sur la base des critères culturels.

ICOMOS, septembre 1999

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Ubs Nuur (Mongolie et Fédération de Russie)

No 769 rev

Identification

Bien proposé Bassin d’Ubs Nuur

Lieu Ubs Aimag, Zavhan Aimag, HuvsgulAimag (Mongolie) ; Mongun-TaigaKojuun, Ovur Kojuun, Tes-KhemKojuun, Ersin Kojuun (Touva)

État partie Mongolie et Fédération de Russie(Touva)

Date 1er juillet 1998

[Note Ce bien est proposé pour inscription en tant quesite mixte, en vertu de critères naturels et culturels. Dansla présente évaluation, seules les informations relatives àla proposition d’inscription en vertu des critèresculturels sont prises en compte.]

Justification émanant de l’État Partie

La combinaison de paysages culturels et naturels,notamment de milliers d’artefacts, est unique et d’uneimportance mondiale.

Du côté de la Mongolie comme du côté de la républiquede Touva, de nombreux sites historiques présentent dessignes de l’interaction entre l’homme et sonenvironnement naturel. Deux sites, en particulier,remontent à l’âge de la pierre moyen (40.000 avant J.-C.). Des pétroglyphes mésolithiques ont été découvertsà Sagil Soum, un mur peint avec des pigments rouges àZuunhangai Soum : les deux sites dépeignent desbovidés et des bouquetins sibériens.

À Zuungov et à Omnoguv Soums (Mongolie), des outilsde pierre, du grain et des poissons datant de la périodenéolithique ont été trouvés, ce qui montre que leshommes de l’époque pêchaient et pratiquaientl’agriculture.

Les recherches menées sur les sites de l’âge du bronzeont révélé quarante peintures et gravures rupestres dedaims, des pétroglyphes représentant des animaux et desdessins abstraits, des outils agricoles en bronze etd’autres instruments. Ceux-ci sont datés de 2000-1000avant J.-C.

La transition de l’âge du bronze à l’âge du fer estillustrée par les vestiges mis à jour à la MontagneRouge, à l’extérieur de la ville d’Ulaangom. À l’époque,

de nombreuses cultures différentes cohabitaient dans larégion. Les tombes mises à jour, datant de 700 avant J.-C. environ, contenaient du blé, preuve de l’importancede l’agriculture à cette époque ; on y a égalementdécouvert des outils de fer et des instruments agricoles.Toutes les vallées abritent des kurgans (tumulifunéraires), donnant ainsi au paysage un aspecthistorique et culturel unique.

Parmi les nombreux monuments de la zone protégéeYamaalig Uul (montagne) de Touva figurent plus dequatre cent kurgans et stèles (stelae).

[Remarque Les États parties n’avancent aucunehypothèse dans le dossier de proposition d’inscriptionquant aux critères en vertu desquels ils considèrent quele bien devrait être inscrit sur la Liste du patrimoinemondial.]

Catégorie de bien

En termes de catégories de biens culturels, tellesqu’elles sont définies à l’article premier de laConvention du Patrimoine mondial de 1972, il s’agitd’un site. Le bien peut également être considéré commeun paysage culturel, aux termes du paragraphe 39 desOrientations devant guider la mise en œuvre de laConvention du patrimoine mondial.

Histoire et description

Histoire

L’installation de l’homme dans cette région remonte aubas mot à l’ère mésolithique, quand arrivèrent deshommes probablement venus de l’Est, dont la culturereposait sur la chasse, la cueillette et surtout la pêche.Avec l’avènement du Néolithique, l’agriculture futintroduite dans les communautés humaines installées etdès le début de l’âge du bronze, l’élevage s’intégra dansl’économie régionale, pour progressivement remplacerla culture aux alentours de la fin du Ier millénaire avantJ.-C. L’élevage sur ce terrain requérant de vastespâturages, le mode de vie sédentaire céda la place à unnomadisme pastoral, qui a survécu jusqu’à ce jour.

Au cours de l’histoire ultérieure de la région, desstructures telles que monastères bouddhistes etfortifications militaires furent construites par les entitésdirigeantes successives.

Description

La zone proposée pour inscription du bassin d’UbsNuur est vaste, puisqu’elle couvre plus de 37.000 km²,dont plus de 8.000 sont des zones protégées.

C’est une région délimitée par de hautes montagnes,avec des paysages naturels d’une fabuleuse diversité :pics et glaciers, toundra montagneuse et zones alpinesenneigées, taïga montagneuse, steppes boisées oudénudées, zones semi-désertiques et déserts arides auxdunes de sables mouvants. Les rivières qui traversent le

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bassin ont en outre créé d’autres types d’habitat, commedes marais et des marécages.

L’espèce humaine n’a eu qu’un impact très limité sur cepaysage naturel. En effet, si, sur la quasi-totalité desmontagnes s’élèvent des kurgans et des stèles, ceux-cisont les seules traces significatives des peuples nomadesqui y vivent depuis des millénaires. Ce n’est qu’avec lacollectivisation socialiste de ce siècle que les troupeauxet les groupes humains ont crû en nombre au point decommencer à rendre difficile la régénération de lavégétation naturelle.

Gestion et protection

[Cet aspect est traité dans l’évaluation complémentairede l’UICN]

Conservation et authenticité

Historique de la conservation

L’histoire de la conservation du site naturel sera traitéedans l’évaluation de l’UICN.

Dans le dossier de proposition d’inscription, la seuleréférence faite à la conservation des éléments culturelsporte sur les caractéristiques naturelles telles que les lacsUbs Nuur et Tore-Holl, qui sont sacrés pour lesautochtones, ces derniers étant responsables de leurprotection.

Authenticité

Il est difficile d’évaluer l’authenticité des aspectsculturels de cette vaste région à partir des donnéesfournies dans le dossier. Toutefois, étant donné qu’ellen’est habitée depuis nombre de siècles que par despeuplades nomades et pastorales, il est certain quel’authenticité du paysage est élevée.

Évaluation

Action de l’ICOMOS

Après discussion entre les deux organes consultatifs, il aété décidé que l’UICN entreprendrait la missiond’évaluation au nom de tous deux.

Caractéristiques

Il ne peut y avoir aucun doute sur le fait qu’au moinsune partie du bassin d’Ubs Nuur est un paysage culturelsur lequel des bergers nomades vivent et font paîtreleurs troupeaux depuis plusieurs millénaires ; cettecontinuité et l’isolement de la région ont préservé sonintégrité quasi intacte. Ceci est confirmé par le rapportde la mission conjointe UICN-ICOMOS.

Analyse comparative

La proposition d’inscription souligne lescaractéristiques propres au bassin d’Ubs Nuur par

opposition à celles des autres paysages naturels d’Asiecentrale : monts de l’Altaï, lac Baïkal (tous deux enFédération de Russie) et le lac Hovsgol (Mongolie). Lesanciens sites préhistoriques et les kurgans ne sont querapidement évoqués. Il convient cependant dereconnaître que ce type de culture est extrêmementrépandu dans de nombreuses régions d’Asie centrale etde Sibérie.

Observations de l’ICOMOS

S'il évalue cette proposition d’inscription en fonctiondes seuls critères culturels, l’ICOMOS juge difficile derecommander l’inscription. Ceci tient principalement aufait que les informations relatives aux biens culturels nesont pas suffisantes pour permettre à l’ICOMOSd’exprimer une opinion. En effet, les vestigesarchéologiques, certes significatifs d’un point de vuescientifique, ne semblent cependant pas propres à ceseul bien. Ils sont en outre largement distribués sur unevaste région, et ne constituent donc pas un groupeclairement défini et compact. Leur valeur remarquableréside dans le témoignage qu’ils apportent d’unecivilisation pastorale âgée de plusieurs millénaires, etnon dans leur importance intrinsèque. De par ce statut,ils doivent être jugés par rapport au contexte d’unnomadisme pastoral préhistorique et historique dans unerégion beaucoup plus vaste. A l’exception d’une seulephrase, aucune information n’est donnée sur les vestigesappartenant aux périodes historiques (monastèresbouddhistes, fortifications militaires).

La culture similaire de l’Europe du Nord est déjàreprésentée sur la Liste du patrimoine mondial par larégion lapone du nord de la Suède (inscrite en 1996),qui a été jugée représentative du pastoralismetranshumant arctique et sub-arctique. Une études’impose pour déterminer quel est le paysage cultureld’Asie centrale ou de Sibérie le plus représentatif de cenomadisme pastoral, en vue d’une éventuelle inscriptionsur la Liste du patrimoine mondial.

Recommandation

L’ICOMOS recommande que l’examen de cetteproposition d’inscription sur la base des critèresculturels soit différé en attendant que des informationsdétaillées sur les biens culturels de la région soientfournies. L’ICOMOS est également préoccupé par lesdispositions prises pour la conservation et la gestion dece vaste paysage culturel qui ne semblent pas répondreaux exigences du Comité. Les Etats Parties devraientégalement apporter des éléments de comparaison surd’autres paysages traditionnels du nomadisme pastoralen Asie centrale.

ICOMOS, septembre 1999

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Ibiza (Espagne)

No 417rev

Identification

Bien proposé Ibiza, biodiversité et culture

Lieu Ile d'Ibiza - Baléares

Etat Partie Espagne

Date 30 juin 1998

Justification de l'Etat Partie

Tenant compte de la décision prise par le Comité duPatrimoine mondial lors de sa XIe session, à Paris, en1987, de ne pas accueillir favorablement uneproposition d'inscription limitée à la Ville haute deIbiza, l'Etat Partie entend présenter une propositiondifférente, qui incorpore de nouveaux territoires et deszones archéologiques de haute valeur, apporte denouvelles interprétations scientifiques sur la valeur desBiens et met en évidence les relations entre leséléments culturels et naturels.

Les fortifications d'Ibiza, datant du XVIe siècle, sontun témoignage unique de l'architecture, du géniemilitaires et de l'esthétique de la Renaissance. Cemodèle italo-espagnol a exercé une très largeinfluence, notamment sur la construction des villesfortifiées du Nouveau Monde. Critère ii

Les ruines phéniciennes de Sa Caleta et la nécropolephénicienne-punique de Puig des Molins apportent untémoignage exceptionnel de l'urbanisation et de la viesociale des colonies phéniciennes en Méditerranéeoccidentale. Elles constituent une ressource unique, enquantité et en importance, de découvertes enprovenance des sépultures phéniciennes etcarthaginoises. Critère iii

La Ville haute de Ibiza représente un excellentexemple d'acropole fortifiée qui conserve de manièreexceptionnelle la stratification, dans les murailles etdans le tissu urbain, des premiers établissementsphéniciens, des périodes arabes et catalanes, jusqu'auxbastions de la Renaissance. Cette dernière phase d'unlong processus de construction des murs d'enceinte n'apas détruit, mais a incorporé les phases antérieures etla trame urbaine. Critère iv

Catégorie de bien

En termes de catégorie de biens culturels, tellesqu'elles sont définies à l'article premier de laConvention du Patrimoine mondial, les biens culturels

proposés pour inscription constituent, pour partie unensemble et pour partie un site. Las Salinas (LesSalines) sont aussi un paysage culturel comme définidans les Orientations devant guider la mise en œuvrele la Convention du Patrimoine mondial (1998),paragraphe 39.

Histoire et Description

Biens proposés pour inscription

- La Ville haute (Alta Vila) de Ibiza et sesfortifications du XVIe siècle

La Ville haute de Ibiza est la zone la plus ancienne.S'élevant sur un promontoire, face à la mer, elleapparaît comme une acropole. Son architecture et saphysionomie n'en ont pas été altérées depuis lestravaux de fortifications du XVIe siècle suivant lespréceptes militaires de la Renaissance. Cesconstructions, murailles et bastions ont intégré, dansune aire plus vaste, celles qui préexistaient, ce quipermet d'étudier la stratigraphie des fortificationssuccessives.

Ebysos a été fondée par les Carthaginois en 654 av. J.-C. (la ville de Bes, dieu égyptien). Des citernespuniques peuvent encore être observées, notammentdans la zone de El Soto. Durant 2000 ans, la ville etson port fortifié ont été au centre de la navigationméditerranéenne. L'économie locale comptait surl'exploitation des salines, de la laine et des figues.

Après une période d'alliance avec Rome, l'île fut souscontrôle arabe à partir de 902. C'est de cette époqueque datent les ruines d'une puissante muraille de terrequi ont fait l'objet de fouilles, ainsi que le plan urbainde la médina, la ville arabe d'une surface intra murosde 4 ha. La médina consiste en rues étroites ferméespar des habitations dont les fenêtres donnent sur unecour intérieure et entourées de murs sur trois côtés.

En 1235, la ville est dominée par les Chrétiens, quiédifient notamment le château catalan, visible àl'intérieur de l'édifice actuel, des fortificationsmédiévales et la cathédrale gothique du XIIIe sièclequi peut encore être admirée de nos jours.

De 1530 à 1540, Philippe II développe un planstratégique pour la défense des communications entrel'Espagne et l'Italie. En 1584-1585, les nouvellesfortifications sont élevées en faisant appel auxarchitectes italiens spécialisés, Giovanni Battista Calviet Jacobo Paleazzo Fratin. Ces fortifications servirontde modèles pour les villes portuaires des Caraïbes.

- La nécropole phénicienne-punique de Puig desMolins

Cette grande nécropole est située au sud-ouest de laVille haute et couvre une surface de plusieurs hectaresentièrement protégée. Au début du VIe siècle av. J.-C.,après crémation, les cendres des défunts étaientplacées dans une grotte naturelle. Ultérieurement, ilfut procédé au creusement de puits et de chambresmortuaires, pour couvrir une surface de 5 puis 7

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hectares. Des sarcophages monolithiques étaientdescendus par des puits, dans des hypogées, sépulturesfamiliales. Cette nécropole fut en usage jusqu'à la finde la période romaine.

Cette nécropole phénicienne punique est la plusancienne qui ait été conservée et permet l'étude destombes, statues et objets de cultes les plus divers. Elleest incluse dans le périmètre urbain et contribue à labeauté du site, avec les terrasses plantées d'olivierspour exploiter l'humidité que les chambressouterraines recueillent.

Par rapport à la proposition d'inscription de 1986, lepérimètre de la nécropole s'ajoute à celui de la Villehaute dans la proposition d'inscription de 1998.

- Le site archéologique phénicien de Sa Caleta

Il s'agit du site de la première occupation phénicienne,à proximité de la saline. Vers 590 av. J.-C., il futabandonné au profit du site de Ibiza. Cet établissementcouvrait les 5 ha que comptait la péninsule, avantl'érosion de la mer.

Des fouilles ont mis à jour des murs de 45 à 60 cmd'épaisseur. Des constructions de forme carrée étaientdispersées et reliées par un système irrégulier de ruesétroites et de places triangulaires qui met en évidenceune forme archaïque d'implantation urbaine. Dans lequartier sud, les substructures d'une habitation peuventêtre visitées, comportant une grande piècerectangulaire et sept pièces, probablement desmagasins et des cuisines. La cuisson du pains'effectuait dans des fours de 2 mètres de diamètre. Lesite était occupé par une communauté de quelque 800personnes, d'une structure sociale égalitaire, dontl'économie était basée sur l'agriculture, la métallurgie,l'extraction du sel et la pêche.

Biens situés dans la zone tampon :

- Es Soto

Dans cette partie sud du promontoire, entre lesmurailles de Dalt Vila et la mer, ont été mis à jour desciternes puniques, des tombes qui se rattachent à lanécropole de Puig des Molins ainsi que l'anciencimetière musulman et les ruines d'une chapellechrétienne.

L'inclusion de cette zone d'intérêt archéologique,heureusement préservée, permet de maintenir unezone verte entre les fortifications et la mer.

- Ses Feixes

Cette zone s'étend le long de la côte, sur une surfaceplane située de l'autre côté du port, en face de la Villehaute. Elle représente une forme de culture basée surun ingénieux système hydraulique : les champs sontdivisés en parcelles rectangulaires longues et étroitespar un réseau de canaux qui ont la double fonction derecueillir les eaux et d'irriguer ensuite les champs. Cesystème permet la culture intensive équilibrée de solsarides et marécageux.

La proposition d'inscription inclut ce site dans la zonetampon comme témoignage d'une organisationagricole de valeur à la fois technique et esthétique.

- Las Salinas

Situé dans la pointe sud de l'île, en face de l'île deFormentera, ce site est proposé pour inscription entant que paysage culturel. Une activité humainemillénaire y a créé un cadre naturel favorable aumaintien de la biodiversité. L'extraction du sel y adepuis toujours joué un rôle important. L'espace a ététraité par un système de canaux, de barrages et dedigues, qui ont formé des zones humides de grandebeauté et de grand intérêt écologique, avec une flore etune faune particulières.

Gestion et protection

Statut juridique

Tous les biens culturels en question sont placés sous laprotection de diverses lois et réglementations,touchant aux monuments, aux centres historiques, auxgisements archéologiques et au milieu naturel.

Le Décret national 309/1969 confère à Dalt Vila et EsSoto la qualification de "Complexe Historique". Lessalines d'Ibiza et Formentera sont des réservesnaturelles protégées par la loi n° 26/95. Les ruinesarchéologiques sont protégées par des dispositionsnationales, régionales et locales. La Communautéautonome des Iles Baléares a adopté en 1997 un "Planrégional Partiel d'Ibiza et Formentera" en vue de lapréservation des salines. Il existe aussi un "PlanSpécial de Protection" et un "Plan de DéveloppementUrbain".

Périmètre et zone tampon

Le périmètre est précis et logique. La Ville haute estparfaitement délimitée par ses murailles. La nécropolede Puig des Molins et les ruines de Sa Caleta sontdélimitées de manière précise comme zonearchéologique.

Une importante zone tampon inclut le promontoire dela Ville haute et la nécropole et s'étend le long de lacôte, protégeant de la sorte l'autre promontoire et lazone de Ses Feixes situés de l'autre côté de la baie. Laprotection de Es Soto et de la nécropole prévient toutealtération de l'environnement de la ville fortifiée. Aunord, la zone tampon protège les quartiers urbainssitués au-delà des murs, avec leurs importantessources d'informations. Ainsi, les quartiers populaires,d'une architecture et d'un tracé urbain de caractèrearabe, sont préservés. La protection de la zone de SesFeixes et du promontoire qui domine la ville prévienttout développement spéculatif.

Gestion

Depuis dix ans, les autorités publiques de Ibiza ontmis en œuvre un programme de travaux importants,qui a marqué de manière décisive la gestion culturelle

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de l'île et la mise en valeur les monuments de DaltVila.

Le périmètre des bastions a été dégagé desconstructions annexes qui les cachaient. Les citerneset autres adjonctions qui défiguraient le sommet desfortifications ont été enlevées, pour rétablir la beautédu paysage. Les habitations situées à l'intérieur del'enceinte ont reçu les équipements de confortmoderne (adduction d'eau, égouts…). Les filsélectriques ont été enterrés. De nombreux édifices ontété restaurés sur la base d'une documentationhistorique et dans le respect des exigencesd'authenticité.

Les conservateurs et les experts sont des personneshautement qualifiées, soutenus avec détermination parles autorités administratives. La volonté municipale derésistance aux pressions spéculatives touchant la zonede Ses Feixes est déterminée.

Formation

La municipalité a organisé une école-atelier où desjeunes se forment aux métiers de la restauration,encadrés par des architectes et des archéologuesexpérimentés. Ils sont encouragés à fonder des petitesentreprises de maintenance.

Authenticité

Les fouilles archéologiques n'ont pas affectél'authenticité des nécropoles phéniciennes et puniques.Les monuments n'ont pas été reconstruits et lesstructures sont originelles. Certes, il a été procédé àdes ouvertures entre les hypogées pour permettre deles visiter les unes après les autres. Cette altération atoutefois été opérée il y a très longtemps et peut êtreconsidérée comme faisant partie de l'histoire du site.

L'authenticité de la Ville haute est une question pluscomplexe. Il y est procédé à des changementsréguliers en vue de répondre aux besoins sociaux deses habitants, dont le maintien est important pourconserver à la ville son caractère vivant. A cet égard,la hauteur et l'importance des murailles sontdéterminants pour garder la physionomie de la ville.Dans l'ensemble, on peut considérer que la structureurbaine est intacte et juger comme positive la volontéd'y promouvoir les conditions de vie.

Les matériaux et les formes des murailles du XVIe

siècle sont authentiques. Les reproductions des plansoriginaux peuvent être consultées dans les archives.

L'harmonie de l'ensemble souffre de la constructiond'un escalier en béton armé et d'une tranchée decommunication à proximité de la porte d'entrée. Cetteintervention assez laide n'est pas conforme auxnormes professionnelles de la conservation. Ilconvient d'affirmer clairement que ce typed'intervention est inacceptable, pour en éviter larépétition à l'avenir et pour recommander laréhabilitation des lieux dans leur état original.

Evaluation

Action de l'ICOMOS

Une mission d’expertise de l'ICOMOS a visité le bienproposé pour inscription en février 1999.

Analyse comparative

La ville fortifiée et les ruines phéniciennes et puniquesont un caractère exceptionnel. La maîtrise de Calvi etde Fratin dans la construction de fortificationsbastionnées a toujours été reconnue. Les gisementsarchéologiques sont d'un grand intérêt.

L'organisation des champs de Ses Feixes est unique enMéditerranée et témoigne d'une origine arabo-berbère.Dans le désert du Negev, les Nabatéens avaient unepratique similaire d'irrigation par capillarité. La miseen œuvre d'un tel système hydraulique suppose uneplanification de l'occupation des sols et une maîtrisedes ressources en eau, l'étude soigneuse desdifférences de niveaux, l'érection de barrages et demurs de retenue. Une forte organisation sociale est dèslors nécessaire, encore assurée par les paroisseschrétiennes.

Les caractéristiques de paysage culturel évoquées nese limitent pas aux sites proposés pour inscription,mais se retrouvent dans l'environnement agricoled'Ibiza et de Formentera, et cela, malgré ledéveloppement du tourisme, en général limité auxzones côtières, et grâce à l'attachement de lapopulation à ses traditions. Cet attachement se traduitaussi dans les danses, les croyances populaires et lesformes de spiritualité. Cette relation étroite entre leterritoire et les traditions culturelles est à prendre encompte dans l'évaluation des sites, car elle est à labase de la conservation de ces mêmes sites.

Observations de l’ICOMOS

L'ICOMOS considère que les biens culturels et lepaysage culturel en question sont d'un grand intérêt,heureusement mis en lumière dans le remarquabledossier, très élaboré, qui a été soumis par l'Etat Partie.On souligne l'importance historique des fortificationsde la Ville haute et leur influence sur l'architecture desvilles portuaires des Caraïbes, et de la grande richessede la nécropole phénicienne et punique, dont lepérimètre est proposé pour inscription. Néanmoins,ces valeurs historique et culturelle étaient connuesdéjà en 1986, lors de la première propositiond'inscription, quand l'ICOMOS a émis une évaluationnégative, et en 1987, quand le Comité du Patrimoinemondial a décidé de refuser cette proposition.

Au cours des dernières années, les autorités publiques,en particulier au plan régional, ont mené une politiqueactive de conservation et de réhabilitation du site quimérite des éloges. Aucune révélation nouvelle nepermet, toutefois, de modifier les appréciationsantérieures.

L’accent est mis sur la valeur culturelle du systèmed’irrigation du paysage de Ses Feixes, ainsi que surcelle des anciennes salines de Las Salinas ; il est donc

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difficile de comprendre pourquoi ceux-ci sont inclusdans la zone tampon si cette proposition a pour objetde souligner la diversité culturelle d’Ibiza.

L’ICOMOS n’est pas convaincu par la nouvelleproposition d’inscription de ce bien avancée par l’Étatpartie et dont le Comité a déjà refusé l’élément centralen 1987. Si de nouveaux éléments ont été ajoutés,certains l’ont cependant été dans la zone tampon. Pourconsidérer plus avant cette proposition d’inscription, ilest essentiel que l’État partie la révise de façon àprésenter tous les éléments actuels de façon intégrée età justifier ainsi le titre qui figure sur la couverture desdivers volumes composant la proposition d’inscription(mais non le formulaire de proposition officiel),« Ibiza – Biodiversité et Culture ».

Recommandation

Que cette proposition d’inscription soit renvoyée àl’État partie, en demandant une justification révisée del’inscription, traitant les divers éléments de laproposition d’inscription comme les composants d’unseul tout. Si cela est mis à la disposition del’ICOMOS, et ce sous une forme acceptable,l’ICOMOS recommandera l’inscription sur la base descritères ii, iii et iv.

Critère ii Les fortifications intactes d'Ibiza, datantdu XVIe siècle, sont un témoignage unique del'architecture et du génie militaires et del'esthétique de la Renaissance. Ce modèle italo-espagnol a exercé une très large influence,notamment sur la construction et les fortificationsdes villes du Nouveau Monde.

Critère iii Les ruines phéniciennes de Sa Caleta etla nécropole phénicienne-punique de Puig desMolins apportent un témoignage exceptionnel del'urbanisation et de la vie sociale des coloniesphéniciennes en Méditerranée occidentale. Ellesconstituent une ressource unique, en quantité et enimportance, de découvertes en provenance dessépultures phéniciennes et carthaginoises.

Critère iv La Ville Haute de Ibiza représente unexcellent exemple d'acropole fortifiée quiconserve de manière exceptionnelle lastratification, dans les murailles et dans le tissuurbain, des premiers établissement phéniciens, despériodes arabes et catalanes, jusqu'aux bastions dela Renaissance. Cette dernière phase d'un longprocessus de construction des murs d'enceinte n'apas détruit, mais a incorporé les phases antérieureset la trame urbaine.

Note

L’ICOMOS a reçu une justification de l’inscriptionrévisée. Elle doit être examinée par le Comité exécutifde l’ICOMOS à l’occasion de sa réunion du 16octobre 1999 et une recommandation orale sera faite àla réunion du Comité du patrimoine mondial deMarrakech.

ICOMOS, septembre 1999

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Pyrénées-Mont Perdu France/Espagne

No 773bis

Identification

Bien proposé Pyrénées-Mont Perdu - extension

Lieu France : Region Midi-Pyrénées, Département des Hautes-Pyrénées,Commune de Gèdre

Etat partie France

Date 26 août 1999

Inscription d’origine : justification

Ce vaste site mixte a été inscrit sur la Liste du patrimoinemondial en 1997 en tant que bien naturel au titre des critèresi et iii et bien culturel au titre des critères iii, iv et v.L’argumentation en faveur de l’inscription du site était lasuivante : « La région des Pyrénées-Mont Perdu située entrela France et l’Espagne est un paysage culturel exceptionnel.Elle associe la beauté panoramique à une structure socio-économique qui plonge ses racines dans le passé et illustreun mode de vie en montagne qui a presque entièrementdisparu dans le reste de l’Europe. »

Histoire et Description

La zone proposée pour l’extension couvre 550ha sur leversant français, c’est-à-dire moins de 2% de la superficietotale du site inscrit. Elle comporte le versant nord du hautde la vallée d’Héas, dont le versant sud se trouve inclus dansle site du Patrimoine mondial.

Le hameau d’Héas, sur la commune de Gèdre, est situé dansun site superbe à quelque 1500m d’altitude. Sa fondationremonte au 13e siècle, au moment de la construction d’unpetit hospice pour voyageurs sur cette impressionnante routede montagne entre la France et l’Espagne. Une petitecommunauté a grandi autour de l’hospice, possédant sapropre église élevée en prieuré. La confrérie de Notre-Damede Héas, fondée en 1638, en fit un lieu de pèlerinageimportant, et la communauté prospéra.

Le village amorça son déclin à la fin du 18e siècle, lorsque semodifia la structure des échanges économiques. Il futgravement endommagé par une avalanche en 1915. L’égliseen ruine fut rebâtie et attire toujours des pèlerins ; le village aété occupé en permanence jusqu’en 1960. Depuis lors, il esthabité par huit familles, six à huit mois de l’année, quipratiquent la transhumance traditionnelle, si particulière à larégion, en utilisant les hauts pâturages de la vallée.

Gestion et protection

Statut juridique

La zone proposée pour inscription est un site protégé (siteclassé) par les dispositions du décret du 26 décembre 1941relatif à Gavarnie, Troumouse, et Estaubé. Elle est aussiincluse dans deux zones naturelles d’intérêt écologique,faunistique et floristique (ZNIEFF).

Gestion

La totalité de la zone est répartie entre plusieurs propriétésprivées, parmi lesquelles la Commission syndicale deBarèges pour les pâturages, une association indépendantequi se consacre à la réhabilitation des hauts pâturages de lavallée. Elle est située à l’intérieur de la zone tampon du Parcnational des Pyrénées, créé par décret en 1967.

Le contrôle réglementaire est exercé par le gouvernementcentral en raison du classement du site, tandis que le Pland’occupation des sols – POS, qui est appliqué parl’administration de la commune, garantit que toutes lespropositions de développement de quelque type que ce soitsont attentivement étudiées de manière à préserver la qualitédu paysage.

Le plan de gestion du bien du Patrimoine mondial, préparépar les autorités des parcs nationaux et par les collectivitéslocales en France et en Espagne, entrera en vigueur en 2000et s’appliquera à l’extension proposée.

La commune de Gèdre - avec le soutien actif des autoritéslocales, du gouvernement central et du Parc national - estactuellement engagée dans la réhabilitation des bâtimentsd’Héas et la régénération des activités pastorales dans lazone. Les prairies de Camplong sont incluses dansl’extension proposée.

Evaluation

L’ICOMOS a consulté l’expert qui a visité la zone inscritesur la Liste du patrimoine mondial en 1997, ainsi que cellequi fait l’objet de la présente proposition d’extension.L’expert donne son entier soutien à la présente proposition.

Recommandation

Que cette extension soit approuvée.

ICOMOS, novembre 1999

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Río Pinturas (Argentine)

No 936

Identification

Bien proposé La Cueva de los Manos, Río Pinturas

Lieu Patagonie, province de Santa Cruz

État partie Argentine

Date 30 juin 1998

Justification émanant de l’État partie

L’Area Arqueológica y Natural Río Pinturas - SantaCruz, qui comprend le site archéologique de la Cuevade los Manos (la grotte des mains), avec ses grottes, sesabris-sous-roche et ses murs rocheux ornés demagnifiques peintures, est une zone remarquable, carelle abrite les plus anciennes représentations artistiquesdes premiers groupes d’habitants de ce qui estaujourd’hui l’Argentine, dont la civilisation reposait surla chasse et la cueillette.

La séquence artistique, qui inclut trois grands groupesstylistiques, commence dès le Xe millénaire. C’est l’undes rares sites d’art rupestre de l’Holocène ancien enPatagonie qui reste bien préservé. La séquence estlongue : les recherches archéologiques ont démontréque le site a été habité pour la dernière fois auxalentours de 700 après J.-C., par les probables ancêtresdu premier peuple Tehuelche de Patagonie. Lacommunauté scientifique internationale considère laCueva de los Manos comme l’un des plus importantssites des premiers groupes de chasseurs-cueilleurs enAmérique du Sud.

L’Area Arqueológica y Natural Río Pinturas - SantaCruz est un exemple remarquable d’habitat humainpréhistorique. En effet, les sites archéologiquesdécouverts des deux côtés du canyon Río Pinturasprouvent l’occupation des lieux par des chasseurspréhispaniques qui vivaient des ressources du canyon etde ses alentours.

Les peintures des abris et des grottes s’inscrivent dansun paysage remarquable, avec la rivière coulant dans unprofond canyon, et offrent au visiteur une expérienceesthétique incomparable. Les scènes de chassedépeignent des animaux et des figures humaines enpleine interaction, sur un mode dynamique etnaturaliste. Différentes techniques de chasse sontillustrées : les animaux sont encerclés, pris dans despièges ou attaqués par des chasseurs à l’aide de leursarmes de jet, des pierres rondes connues sous le nom de

bolas. Certaines scènes représentent des chasseurs seuls,d’autres des groupes de dix hommes ou plus.Il ne fait aucun doute que l’Area Arqueológica y NaturalRío Pinturas - Santa Cruz possède une grande valeursymbolique. Les Argentins n’ont que peu conscience deleur passé préhispanique, car la conquête espagnole et lacolonisation importante du territoire qui s’ensuivit ontbrisé les liens avec cette période. La Cueva de losManos est l’un des témoignages le plus important de cepassé ; c’est aussi le site archéologique que lesArgentins connaissent le mieux.

[Remarque L’État partie n’avance aucune hypothèsedans la proposition d’inscription quant aux critères envertu desquels il considère que ce bien devrait êtreinscrit sur la Liste du patrimoine mondial.]

Catégorie de bien

En termes de catégories de biens culturels, tellesqu’elles sont définies à l’article premier de laConvention du Patrimoine mondial de 1972, il s’agitd’un site.

Histoire et description

L’avancée des incursions humaines en Amérique duSud fait actuellement l’objet de débats passionnés ausein de la communauté scientifique. Certaines datationsau carbone 14 effectuées au Brésil, dans le Nordeste,remettent en effet en question l’opinion généralementrépandue jusqu’à présent, selon laquelle ces incursionsauraient commencé aux alentours de 12000 ans.

Toutefois, cela n’affecte pas la datation de l’occupationde l’abri-sous-roche Río Pinturas, qui, d’après lesfouilles et l’analyse au carbone 14, remonte à 9300 ans,environ. Le premier groupe humain (dont les peinturesconstituent le groupe stylistique A) chassait sur delongues distances et principalement le guanaco.

On peut identifier aux environs de 7000 ans un secondniveau culturel, baptisé groupe stylistique B. Les scènesde chasse disparaissent, l’art rupestre est dominé par desreprésentations en négatif de mains, parfois mêmed’empreintes d’autruche américaine (le nandou, ñandú).Cette culture a duré jusqu’en 3300 ans, environ, époqueà laquelle l’art devient plus schématique, intégrant desfigures zoomorphiques et anthropomorphiques trèsstylisées.

C’est aux alentours de 1300 ans que fut entamée ladernière phase culturelle de Río Pinturas. Les peinturesde cette période (groupe stylistique C), réalisées avecdes pigments rouges vifs, se concentraient sur desfigures géométriques abstraites et des représentationstrès schématiques d’animaux et d’humains. On pensequ’il s’agit là de l’œuvre des anciens chasseurs-cueilleurs Tehuelche, qui habitaient cette vaste régionqu’est la Patagonie avant l’arrivée des premiersmarchands et colons espagnols. La création de grandsélevages de bétail (estancias) a mis fin à leur mode devie.

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L’Area Arqueológica y Natural Río Pinturas - SantaCruz est située dans la pampa de la région du fleuvePinturas. Ses plateaux peu élevés, culminant à 800-1000m, sont entrecoupés de profonds canyons bordés defalaises abruptes, dont le principal est celui du Pinturaslui-même. Ces falaises comptent nombre d’abris-sous-roche naturels. Le sol est rocheux et pauvre, mais larégion abrite une faune naturelle variée, au sein delaquelle le guanaco (Lama guanicoe) tient une placeprépondérante.

Le climat des canyons, abrités des vents qui balaient lapampa, est tempéré. Ainsi, grâce aux températureshivernales relativement douces et à l’humidité élevéepar rapport à la pampa, le bétail des estancias peut ypaître de façon saisonnière. Des étudespaléoclimatologiques basées sur les sédiments de laCueva de los Manos suggèrent que les conditionsactuelles étaient déjà présentes dès 11000 ans.

L’entrée de la Cueva de los Manos est masquée par unmur de roche couvert de nombreuses mains négatives.Dans l’abri lui-même, on compte cinq concentrationsd’art rupestre, les figures et les motifs les plus récents sesuperposant fréquemment aux plus anciens.

Ces peintures ont été exécutées à l’aide de pigmentsminéraux naturels, moulus et mélangés à un quelconqueliant, dont la nature est inconnue. Des traces depigments ont été découvertes lors de fouillesarchéologiques conduites à l’entrée de la grotte,établissant ainsi un lien contextuel entre les peintures etles matériaux culturels stratifiés. L’analyse pardiffraction des rayons X montre que les minéraux lesplus communément utilisés étaient les oxydes de fer(hématite et maghémite) pour le rouge et le violet, lekaolin pour le blanc, le natrojarosite pour le jaune, etl’oxyde de manganèse pour le noir ; du gypse étaitparfois ajouté au mélange.

Gestion et protection

Statut juridique

Le Congrès national de la République argentine a classéla Cueva de los Manos monument historique national envertu de la loi n° 24.225 du 20 juillet 1993 etconformément aux pouvoirs accordés par la loi n°12.665 de 1940 à la Commission nationale des musées,monuments et lieux historiques.

Au niveau provincial, le gouvernement de la provincede Santa Cruz a déclaré la ville de Perito Morenocapitale archéologique de Santa Cruz, du fait del’importance du site archéologique de la Cueva de losManos, par décret n° 133 du 13 mai 1981. En outre, unprojet de loi provinciale sur la protection du patrimoineculturel est actuellement en cours d’adoption.

Gestion

La loi nationale de 1993, pour sa part, assigne laresponsabilité de toutes les actions relatives à la Cuevade los Manos à la Commission nationale des musées,

monuments et lieux historiques, ainsi qu’au secrétariatde la Culture de la Présidence de la nation.

En outre, un accord pour la protection, la sécurité etl’expansion de l’infrastructure du monument historiquenational « Cueva de los Manos » a été signé endécembre 1998 entre la municipalité de Perito Moreno,les directions locales de la Culture et du Tourisme, ladirection méridionale de l’Architecture (agence dusecrétariat national des Travaux publics), et l’Institutnational de l’anthropologie et de la pensée latino-américaine (Instituto Nacional de Antropología yPensamiento Latinoamericano – INAPL), ce dernierétant chapeauté par le secrétariat de la Culture de laPrésidence. Cet accord assigne à chacun de cesorganismes la responsabilité d’activités données dans lecadre de l’accord même.

L’INAPL a commencé à travailler sur un plan degestion du site en 1995. La première phase, achevée en1997, impliquait un inventaire détaillé, une étude et unedocumentation exhaustive du site entier, l’inventaire del’état de conservation des peintures, l’analyse desraisons de la détérioration, le prélèvementd’échantillons en vue d’une analyse, et la création d’unebase de données. Elle s’accompagnait de programmesd’éducation et d’information publique, de formation despécialistes et de diffusion des résultats scientifiques.

La seconde phase est actuellement en cours. En 1998,les activités couvraient la préparation de matérielsd’information bilingues et le suivi de l’état deconservation des peintures (y compris du vandalisme).En outre, une proposition exhaustive de gestion du siteactuellement présentée aux autorités compétentes traitede la délimitation précise du site et de l’érection d’uneclôture sûre autour de celui-ci, de l’installation de deuxgardiens, en alternance, assurant une présencepermanente sur le site, d’un contrôle plus strict desvisites touristiques, de la formation de guides locaux etde l’aménagement d’infrastructures à leur intention, del’organisation d’heures régulières d’ouverture et defermeture pour les visites, d’un droit d’entrée, del’installation de panneaux signalétiques appropriés surle site, de la création d’un centre d’information, et duremplacement de la clôture par une passerelle en bois.

La zone proposée pour inscription couvre 600 hectares :sur la carte accompagnant le dossier de propositiond’inscription, elle apparaît comme un rectangleentourant la Cueva de los Manos. Cependant, la zonetampon, qui n’apparaît pas sur la carte, ne couvre que2331 hectares. Le site et la zone tampon sont tous deuxsitués dans la propriété d’une particulière, qui a signé unaccord par lequel elle consent à ce que sa terre soitinscrite sur la Liste du patrimoine mondial.

Un gardien vit sur le site, isolé de tout lieu depeuplement, pendant les quatre mois d’été ; il est assistépar son fils et sa fille. Tous trois sont responsables ducontrôle, de la sécurité et de la gestion des visiteurs. Cesderniers s’inscrivent à un guichet situé sur le site etdoivent être accompagnés d’un guide. Des visitesorganisées à partir de Perito Moreno sont accompagnéespar un guide touristique national, spécialiste de la Cuevade los Manos, tandis que des visites privées sont

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également organisées par les propriétaires des estanciaslocales, dans le cadre de randonnées équestres oupédestres.

Conservation et authenticité

Historique de la conservation

Depuis le milieu du XIXe siècle, les voyageurs visitent laCueva de los Manos et enregistrent leurs impressionsdes peintures. Ces dernières apparaissent pour lapremière fois dans la littérature scientifique au cours denotre siècle, mais ce n’est que dans les années soixantequ’elles font l’objet d’une étude sérieuse, réalisée parCarlos J. Gradin et ses collaborateurs. Leur travail surl’enregistrement et les fouilles a établi l’importance dela Cueva de los Manos comme site d’art rupestrepréhistorique d’envergure scientifique internationale.Les conditions favorables (humidité très faible, absenced’infiltrations d’eau, strates rocheuses stables) dansl’abri-sous-roche ont assuré un état de conservationexcellent pour la quasi-totalité des peintures, exceptionfaite des plus exposées.

Toutefois, l’augmentation du tourisme en Patagonie cesdernières années a entraîné des dégâts dus auvandalisme : graffiti, vols de fragments de roche peinte,contact avec les surfaces peintes, accumulation depoussière et d’ordures, etc. De 123 en 1991-1992, lenombre des visiteurs de la Cueva de los Manos est passéà 3027 en 1997-1998. La présence d’un gardien sur lesite pendant les mois d’été, où ont lieu presque toutesles visites, et l’installation d’une barrière de protectiondevant les peintures sur une longueur de 680 m ontfavorisé la réduction des dégâts de ce type, mais lerenforcement de la protection continue de s’imposer.

Authenticité

L’authenticité de l’art rupestre de la Cueva de losManos ne fait absolument aucun doute. Il est en effetresté intact pendant plusieurs millénaires, et aucunerestauration n’a été effectuée, puisqu’il n’estlargement connu de la communauté scientifique quedepuis la seconde moitié du XXe siècle. Les fouillesarchéologiques ont en outre été limitées, de façon àobtenir le maximum d’informations culturelles et àpermettre la datation des peintures en troublant lemoins possible les différentes couches archéologiqueset l’aspect de l’abri-sous-roche.

Évaluation

Action de l’ICOMOS

Une mission d’expertise de l’ICOMOS a visité l’AreaArqueológica y Natural Río Pinturas - Santa Cruz enjanvier/février 1999. L’ICOMOS a également consultéson Comité scientifique international sur l’artrupestre.

Caractéristiques

L’art rupestre de la Cueva de los Manos, dans l’AreaArqueológica y Natural Río Pinturas - Santa Cruz, estexceptionnel, tant par l’étendue de sa thématique et

par son exécution que par son état remarquable deconservation après plusieurs millénaires d’existence.

Analyse comparative

La proposition d’inscription fait référence à plusieurssites d’art rupestre comparables en Patagonie, pourfinalement parvenir à la conclusion qu’ils sont loind’égaler, en termes de signification, la Cueva de losManos.

Dans une étude comparative réalisée en 1998, le Comitéscientifique international de l’ICOMOS sur l’artrupestre identifiait six critères d’évaluation des sitesd’art rupestre : qualités esthétiques ; qualitésethnologiques ; qualités archéologiques etchronologiques ; qualités environnementales ; nombredes représentations sur une superficie bien délimitée(lieux sacrés) ; degré de protection. L’étude, enappliquant ces critères, a estimé que la Cueva de losManos les satisfaisait de manière exceptionnelle.

Recommandations de l’ICOMOS

Une certaine ambiguïté sous-tendait la propositiond’inscription sur la Liste du patrimoine mondial. Eneffet, la zone montrée sur la carte fournie semble être unrectangle quelque peu arbitraire de 600 hectares.Pourtant, la proposition d’inscription se concentraitexclusivement sur la Cueva de los Manos et son artrupestre. L’ICOMOS a recommandé que seul le site del’abri-sous-roche lui-même, avec une petite zone desécurité et d’infrastructures autour de lui, soit délimité etproposé pour inscription. La zone de 600 hectares quiapparaît dans la proposition pourrait être retenue commezone tampon adéquate, son rôle ayant déjà été reconnupar la propriétaire du terrain. Cette proposition avait étéacceptée par l’Etat partie.

L’ICOMOS était préoccupé par la gestion du site, à lalumière de l’incroyable augmentation du nombre devisiteurs ces dix dernières années, tendance que devraitconfirmer une éventuelle inscription sur la Liste dupatrimoine mondial. Toutefois, l’Etat partie a informél’ICOMOS que les propositions faites pour la secondephase du programme de l’INAPL sont maintenant misesen oeuvre et constituent un plan de gestion officiel toutà fait soutenu par les institutions responsables.

Recommandation

Que l’intitulé du bien proposé pour inscription soitchangé en « La Cueva de los Manos, Río Pinturas » etque ce bien soit inscrit sur la Liste du Patrimoinemondial sur la base du critère iii :

La Cueva de los Manos renferme un ensembleexceptionnel d’art rupestre préhistorique quitémoigne de la culture des premières sociétéshumaines en Amérique du Sud.

ICOMOS, septembre 1999

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Graz (Autriche)

No 931

Identification

Bien proposé Ville de Graz – Centre historique

Lieu Länder de Styrie

Etat Partie Autriche

Date 18 juin 1998

Justification émanant de l'Etat Partie

Avec un ensemble d'édifices datant de plusieursépoques et très bien préservé, le centre historique deGraz représente un témoignage singulier d'une villehistorique d'Europe centrale. Son authenticité n'a pasété affectée par les guerres ou par les périodesd'expansion économique subséquentes. Entre le coursd'eau et le Schlossberg, un "organisme urbain" aémergé du Moyen Age qui allait remplir un rôleimportant en Europe comme cour princière et commebastion de l'Empire contre les Ottomans.

Les étapes du développement urbain peuvent êtreclairement discernées. Chaque époque est représentéepar des constructions architecturales caractéristiques,qui forment un ensemble harmonieux. Jusqu'à ce jour,l'atmosphère de la cité réalise un mélange singulierd'influences méditerranéennes et nordiques,témoignages de la grande expansion de la monarchieaustro-hongroise, et qui s'expriment dans la structureurbaine, dans l'atmosphère de ses rues et de ses places,comme dans la richesse de l'architecture de seséglises, monastères, palais et maisons bourgeoises.

L'extension de la ville aux XIXe et XXe siècles aménagé une zone verte tout autour du centrehistorique sur l'emplacement des anciennesfortifications. La structure sociale du centre historique,avec l'accomodation des espaces de vie traditionnels,dans l'enveloppe des édifices anciens, a été conservéeà un haut degré.

Le Moyen Age a légué des églises aux vastesvaisseaux ainsi que la trame urbaine et ses maisonsbourgeoises agglutinées au pied du Schlossberg et surles deux rives de la rivière Mur. La Renaissance et lebaroque sont représentés par de nombreux édificesecclésiastiques, d'imposants hôtels de l'aristocratie,des cours fermées par d'élégantes arcades et desplendides façades. Enfin, la période classique apourvu le sud et l'est du centre historique de nombred'édifices de qualité. Ainsi le centre de Graz forme unensemble d'une valeur exceptionnelle, à la fois en tantque structure urbaine et en tant que témoignage

d'architectures traditionnelles remarquablementpréservées. Critère iv

Catégorie de bien

En termes de catégories de biens culturels, telles quedéfinies à l'article premier de la Convention duPatrimoine mondial de 1972, le centre historique deGraz constitue un ensemble.

Histoire et description

Histoire

Les premières traces d'une occupation humainecontinue du site datent du Néolithique. Le site ne futpas retenu pour un établissement romain, quoique deschaussées s'y croisent. A la chute de l'Empire romain,se produisirent des invasions : d'abord des Slavesalpins, les Avars, peuple de chevaliers nomades quifut soumis par Charlemagne ; ensuite les Hongrois,qui seront défaits à la bataille de Lechfeld, en 955 ;enfin des colons germains qui permettront d'intégrerGraz dans la Marche de Carinthie. La colline duScholssberg voit s'ériger une petite forteresse("gradec" en slave, qui donnera l'appellation Graz),tandis que s'élèvent quelques constructionsdomestiques et une église et qu'un acte officielmentionne pour la première fois le nom de Graz, en1128-1129.

Un marché ouvert va dès lors se développer, quientraînera un premier développement urbain, avecl'immigration de colons bavarois. A côté de lanoblesse locale, il s'agit d'une population decommerçants et d'artisans, avec une communautéjuive qui se maintiendra jusqu'au XVe siècle. Graz estalors dirigée par les maisons Traungau et Babenberget reçoit le statut de ville.

Après le Traité de Neuberg, en 1379, et la premièrepartition de l'héritage des Habsbourg, la ville échoit àla lignée établie par Léopold III. Graz devient lacapitale de l'Autriche Intérieure, comprenant la Styrie,la Carinthie, la Carniole, l'Istrie et Trieste. Grazdevient surtout un lieu de résidence de prédilection,notamment de Frédéric III (1453-93) qui lui octroie denombreux privilèges, y fait élever de nombreuxédifices et fait reconstruire l'église Saint-Gilles,l'actuelle cathédrale.

La ville et la région sont alors impliquées dans desérieux conflits armés avec des envahisseurs hongroiset turcs. En 1480, les Turcs menacent même les portesde la ville : cet épisode a été représenté dans la fresque"Les fléaux de Dieu" dans la cathédrale, chef d'œuvregothique, par le Maître Thomas von Villach. Le XVIe

siècle sera ainsi marqué par la constante menaceturque, de même que par des troubles religieux. Pour yfaire face, le système de fortification médiévale estcomplètement remanié et modernisé selon les règlesen vigueur à la Renaissance. En 1559, la Tour del'Horloge reçoit sa configuration caractéristique,préservée jusqu'à nos jours, qui en a fait le monumentemblématique de Graz.

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Un nouveau partage des biens des Habsbourg, en1564, rend à Graz le rôle de capitale de l'AutricheIntérieure, malgré la menace turque et les avancées dela Réforme. Les trois quarts des habitants sontprotestants et animent une rayonnante Fondationprotestante où vient enseigner Kepler, le célèbreastronome et mathématicien. Mais bientôt la ville vaconnaître la phase la plus importante de sondéveloppement, avec l'arrivée des Jésuites en 1572.L'Archiduc Charles II appuie la Contre-Réforme,installe une Université jésuite, et s'emploie à miner laFondation protestante, qui disparaîtra en 1600. Sonfils Ferdinand se fait construire un mausoléemonumental par l'artiste Pietro de Pomis. Mais il estensuite élu empereur en 1618 et transporte sa cour àVienne, ce qui va entraîner une relative récessionéconomique pour Graz.

Durant le XVIIe siècle, plusieurs hôtels particuliersfurent construits dans le style Renaissance ou baroqueinitial : palais Kollonitsch, palais des Effansd'Avernas, palais Stubenberg qui passera à la familleWelsersheim. Des façades furent remaniées dans cesstyles et des cours fermées à arcades furent ajoutéesaux édifices existants. Dans la partie occidentale de laville, le gouverneur de l'Autriche Intérieure, HansUlrich von Eggenberg, fit construire une résidenceducale de grand intérêt artistique, qui est le plusimportant palais baroque de Styrie. En 1656 naquit àGraz le grand architecte Johann Bernhard Fisher vonErlach. Après l'éloignement définitif du péril turcgrâce à deux victoires décisives, saint Gothard en1664 et Vienne en 1683, l'économie redevientflorissante. Aristocrates et bourgeois rivalisent dansleur aspiration aux honneurs et à la culture.

Graz connaît ensuite une expansion vers le sud et lesud-ouest. Des manufactures et des banques sedéveloppent. Mais le mouvement de centralisation dupouvoir autrichien, qui aboutira à la suppression del'Autriche Intérieure, a pour conséquence unaffaiblissement des institutions de Graz.Parallèlement, des lieux de pèlerinage comme MariaHilf et Maria Trost, deviennent des sanctuairesmonumentaux. La suppression des couvents entreprisepar Joseph II conduit à la fermeture de 9 monastèressur 16, tandis que la Bibliothèque universitaires'enrichit des ouvrages provenant de 40 monastères deStyrie et de Carinthie. En 1786, l'évêque de Seckautransporte sa résidence à Graz et fait une cathédrale del'église Saint-Gilles. L'ordre des Jésuites est dissous en1773 et leur université transformée en universitéd'Etat.

L'expansion économique de la ville fut gravementaffectée par les guerres entre la Coalition et la France.Les troupes françaises occupèrent Graz à troisreprises, en 1797, 1805 et 1809, lui imposant delourdes contributions de guerre. Elles mirent le siègedevant le Schlossberg, qui résista avec vaillance. Maisles dispositions du Traité de Schönbrunn imposèrentle démantèlement des fortifications. A partir de 1839,un parc public fut aménagé sur le Schlossberg, qui luidonnera son aspect actuel.

La Révolution de 1848 s'exprima avec modération. Laclasse moyenne pro-allemande gouverna la ville

jusqu'en 1918. Ce fut une période d'ouverture àl'urbanisme moderne. La ville acquis les domainesmilitaires pour créer des espaces publics verts et lesdécréter zones non aedificandi. L'extension urbainefut canalisée hors de cette ceinture verte, dans uneexpression marquée par le style Biedermeier puis parle Jugendstil, tandis que le centre historique restait lecentre social et commercial de l'agglomération.

L'assassinat de l'héritier du trône, l'archiduc François-Ferdinand, qui était né à Graz dans le palaisKhuenburg, déclencha les hostilités de la PremièreGuerre mondiale. Avec le tracé de nouvelles frontièresen 1818/19, Graz perdit son hinterland et fut quelquepeu marginalisée au plan géographique etéconomique. Les 17 municipalités alentour formèrenten 1938 l'agglomération intégrée du Greater Graz. LaDeuxième Guerre mondiale fut suivie d'une période delente normalisation, avant que Graz redevienne unecité moderne, centre culturel et industriel, villeuniversitaire et de jardins.

Description

L'inscription de la ville de Graz sur la Liste duPatrimoine mondial se justifie avant tout par lecaractère exceptionnel de l'ensemble urbain comme telet par le témoignage harmonieux de l'urbanisme et dustyle architectural des époques successives del'histoire du développement urbain.

Il convient toutefois de mentionner, parmi lescentaines d'édifices de grand intérêt historique etarchitectural, quelques constructions particulièrementremarquables.

• Le château comtal

Du château originel habité par l'empereur Frédéric IIIsubsistent la salle gothique, une chapelle du gothiquetardif et une cage d'escalier à double spirale datant de1499. L'aile construite par l'Archiduc Charles en 1570est restée largement intacte. Un monumental portailRenaissance donne accès à la cour interne ; il estl'œuvre de Domenico dell'Aglio et traduit l'influenceque Sebastiano Serlio a exercée partout en Europe.

• Le séminaire (ancien collège des Jésuites)

Cet imposant complexe entamé en 1572 n'a pas été,comme les autres collèges, transformé en stylebaroque et constitue par conséquent un exemplemajeur de la sévère architecture Renaissance desdébuts de l'implantation de l'Ordre dans la Provinceallemande.

• L'ancienne université jésuite

Après la dissolution de l'Ordre en 1773, l'Universitépassa sous contrôle public. Pour assurer la sauvegardede ses collections, sur ordre de l'impératrice MarieThérèse, sa bibliothèque fut aménagée dans l'anciennemagna aula et dans le théâtre. Par sa décoration et sonmobilier, elle est une manifestation majeure de latransition du rococo au classicisme et est aujourd'huila vitrine des archives de Styrie.

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• La cathédrale

A l'emplacement d'une église romane dédiée à saintGilles, l'empereur Frédéric III fit construire l'édificeactuel de style gothique tardif (1438-64). On peut yadmirer des fresques anciennes dont celle des "Fléauxde Dieu" (les sauterelles, les Turcs et la peste)attribuée à Thomas von Villach (1480). Suite autransfert du siège de l'évêché de Seckau à Graz,l'église Saint-Gilles, contrôlée pendant 200 anscomme centre de la Contre-Réforme, devint lacathédrale du nouveau diocèse en 1786.

• Le mausolée de l'empereur Ferdinand II

Entamée en 1614 par Giovanni de Ponis, l'édifice nefut consacré qu'en 1714 avec l'achèvement de ladécoration intérieure confiée à Johann BernhardFischer von Erlach. Il illustre, notamment dans safaçade, la transition de la Renaissance au baroque etconstitue une synthèse originale entre une architecturepuissante et la légèreté de ses dômes.

Gestion et protection

Statut juridique

Le périmètre proposé pour inscription sur la Liste duPatrimoine mondial couvre 72 ha et compte 450édifices. La majorité de ces immeubles sont despropriétés privées qui connaissent un entretienrégulier. De nombreux bâtiments d'importancemajeure appartiennent à l'Etat fédéral autrichien, à laProvince de Styrie, à diverses Eglises et autresinstitutions publiques.

Le périmètre est soumis à une protection légale etréglementaire de niveau fédéral, régional et local. Desprescriptions très strictes se fondent, notamment, surl'Acte de protection des Monuments(Denkmalschutzgesetz) de 1923, modifié en 1978 et1990, ainsi que sur l'Acte de conservation du centrehistorique de Graz (Grazer Altstadterhaltungsgesetz)de 1980.

Gestion

Le contrôle des prescriptions mentionnées plus hautest assuré par le Bundesdenkmalamt, qui assure parailleurs la gestion directe des bâtiments publics. Touttransfert de propriété et toute modification apportéeaux immeubles doivent être autorisés par ce servicegouvernemental, via le Landeskonservatorat de Styrie,qui a son siège à Graz. En compensation, dessubventions sont accordées pour les travaux derestauration.

L'Acte de conservation du centre historique définit 4zones de protection de divers degrés. La zone Icorrespond au périmètre proposé pour inscription etest soumise au degré de protection le plus exigeant,tandis que les 3 autres remplissent un rôle de zonetampon. Le Gouvernement de Styrie a pris desmesures complémentaires en 1986, relatives à laprotection du "paysage des toitures" et des fenêtrestraditionnelles. Des subventions particulières sont

accordées pour les travaux de conservation et derestauration dans les zones protégées, à charge duFonds pour la conservation du centre historique.

Deux services spécialisés veillent à la sauvegarde ducentre historique. Le premier assure un contrôlepermanent sur les travaux et les changementsd'affectation. L'autre supervise les grands projets deréhabilitation et gère un Programme de rénovationurbaine.

Parmi les mesures de protection urbaine, il convientde souligner :

- le contrôle général du trafic et du stationnement desvéhicules et la définition de zones réservées auxpiétons ;

- le contrôle du cours de la rivière Mur afin deprévenir les inondations ;

- la maîtrise de la fréquentation touristique en vue dela rendre compatible avec les aspirations des habitants.

Des dispositions complémentaires vont encores'ajouter pour les richesses naturelles, comme leSchlossberg et le Parc de la Ville.

La construction de bâtiments contemporains n'estautorisée qu'avec de grandes précautions. Dans cedomaine, l'Ecole d'Architecture de Graz jouit d'unerenommée internationale. De telles interventions fonten général l'objet d'un concours.

Plusieurs associations de sauvegarde oeuvrent à laconservation de la ville de Graz, dont la plusimportante est l'Internationales Städteforum Graz.

Conservation et authenticité

Historique de la conservation

Depuis des décennies, prévaut une pratique usuelle derespect de l'urbanisme original et de l'architecturetraditionnelle, qui a été institutionnalisée par les lois etrèglements de protection. Une documentation a étéconstituée, qui révèle le soin apporté aux travauxd'entretien et de conservation en vue de garder aucentre historique à la fois sa configuration et sesfonctions sociales, en particulier après les dernièresguerres.

Au cours des dix dernières années, les organes decontrôle ont supervisé des travaux dans plus de lamoitié des monuments historiques et la majeure partiedes espaces publics, sur base d'études historiques etarchitecturales préalables.

Authenticité

Le centre historique de la ville de Graz présente unhaut degré d'authenticité, compte tenu d'unedynamique urbaine normale. La ville n'a pas tropsouffert de destructions de guerre et les modificationsont en général été limitées et harmonisées au bâtiexistant.

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Le centre historique a gardé sa morphologie et sastructure traditionnelles. Les limites des quartiers etdes anciennes fortifications restent bien visibles. Lesdeux pôles urbains, l'ancien marché et la résidenceducale, ont gardé leur caractère. Le parcellaire a étéconservé intégralement, de même que les limites duglacis, transformé en espace vert.

Les monuments historiques majeurs ont conservétoute leur authenticité architecturale et décorative,comme l'Arsenal, avec les armes originales ou, levaste ensemble Stadtkrone qui groupe le palais,l'université, la cathédrale et le mausolée.

L'authenticité des quartiers du XIXe siècle est denature différente, mais bien réelle. Les maisons du"Gründerzeit" offrent plus de flexibilité pour deschangements d'affectation dans le temps.

Un problème d'authenticité se pose dans lestransformations des vitrines de rez-de-chaussée quifont contraste avec l'environnement architecturalhistorique. L'intégrité urbaine n'en est pas pour autantcompromise et, d'ailleurs, dans le cadre de la gestionattentive décrite plus haut, des mesures correctivessont en cours d'application.

Evaluation

Action de l'ICOMOS

Une mission d’expertise de l'ICOMOS s’est rendue àGraz en janvier 1999. L’ICOMOS a égalementconsulté son Comité scientifique international desVilles et Villages historiques.

Caractéristiques

Le centre historique de la ville de Graz est un exempleexceptionnel de développement urbain à travers lessiècles, avec intégration harmonieuse des immeublesédifiés en styles architecturaux successifs. L'ensembleainsi formé a une valeur de monument historique, touten gardant une vie sociale contemporaine dynamique.Entourée d'espaces verts, la ville ancienne a gardé saconfiguration et son échelle urbaine, ainsi qu'uneatmosphère marquée par les courants culturels etartistiques qui s'y sont rencontrés et fécondés.

Analyse comparative

La ville de Graz fait partie du réseau assez diversifiédes villes de l'Europe centrale du Sud Ouest. Sesorigines sont médiévales. Elle se distingue par lestémoignages architecturaux d'une émulation séculaireentre l'aristocratie la plus élevée et une bourgeoisiecommerçante et très active. Elle illustre aussi demanière singulière les épisodes de résistance auxinvasions venant de l'Est, les tensions historiques entrereligions et une synthèse des influences culturelles duDanube, des Balkans et de la Mer Adriatique.

Brève description

Le centre historique de la ville de Graz est unensemble urbain d'Europe centrale marqué par laprésence séculaire des Habsbourg. La ville ancienne aforgé son image singulière par l'intégrationharmonieuse des styles architecturaux et des courantsartistiques qui se sont succédés depuis le Moyen Age,ainsi que des influences culturelles variées des régionsvoisines.

Recommandation

Que ce bien soit inscrit sur la Liste du Patrimoinemondial sur base des critères ii et iv :

Critère ii Le centre historique de la ville deGraz témoigne des courants artistiques etarchitecturaux dont il a été le carrefour durantdes siècles, provenant de l'aire germanique,des Balkans et de la Méditerranée. Les plusgrands architectes et artistes de ces diversesrégions s'y sont exprimé avec force et y ontréalisé des synthèses brillantes.

Critère iv L'ensemble urbain que constitue lecentre historique de la ville de Graz offre unexemple exceptionnel d'intégrationharmonieuse des styles architecturaux desépoques successives. Chaque période estreprésentée par des édifices caractéristiquesqui sont souvent des chefs d'œuvre. Laphysionomie urbaine reflète fidèlementl'histoire de son développement historique.

ICOMOS, septembre 1999

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Diamantina (Brésil)

No 890

Identification

Bien proposé Centre historique de la ville deDiamantina

Lieu Etat de Minas Gerais

État partie Brésil

Date 18 septembre 1998

Justification émanant de l’État partie

Diamantina est l’une des six villes brésiliennes qui, en1938, furent classées monuments historiques.Diamantina est de plus la capitale de l’une des troisprincipales régions productrices de diamants, les deuxautres étant l’Inde, jusqu’au XVIIIe siècle et l’Afriquedu Sud, depuis le XIXe siècle.

La production de diamants ayant coïncidé avec leXVIIIe et le début du XIXe siècle, la ville conserve unensemble architectural et urbain d’autant plusremarquable que la décadence des activités minièresl’a protégée de toutes les rénovations urbaines duXIXe siècle. Lorsque la “modernité” est arrivée àDiamantina, ce fut grâce à la réussite politique d’unenfant du pays, Juscelino Kubitschek, gouverneur deMinas (1950-1955) et président de la République(1956-1960). Celui-ci eut l’intelligence de faire appelà Oscar Niemeyer qui y réalisa quatre œuvresremarquables.

Diamantina est si remarquablement intégrée à son site,qu’elle forme avec la Serra dos Cristais un ensembleindissociable. Le centre historique de Diamantina quiest proposé pour inscription sur la Liste du patrimoinemondial, forme avec la Serra dos Cristais un véritablepaysage culturel que viennent compléter, dans levoisinage immédiat, la Gruta do Salitre (Grotte dusalpêtre), belle curiosité géologique et la minusculecité ouvrière de Biri Biri (1873-1890), utopie inséréedans un paysage sévère et paradisiaque.

Critères d'inscription :

Diamantina montre comment, au XVIIIe siècle, lesdécouvreurs du territoire brésilien, les aventuriers dudiamant et les représentants de la Couronne surentadapter des modèles européens à une réalitéaméricaine, créant ainsi une culture à la fois fidèle àses origines et tout à fait originale. Critère ii

L'ensemble urbain et architectural de Diamantina, si

parfaitement intégré à un paysage sauvage est un belexemple de ce mélange d'esprit aventurier et de soucide raffinement, qui est l’un des éléments significatifsde l'histoire humaine. Critère iv

Diamantina est l'un des derniers exemples de lamanière dont le Brésil a conquis son territoire etélaboré sa culture. Il est d'autant plus exceptionnelqu'il est lié à un mode d'exploitation aussi rare que sonobjet : le diamant. Critère v

Catégorie de bien

En termes de catégories de biens culturels, tellesqu’elles sont définies à l'article premier de laConvention du Patrimoine mondial de 1972, le centrehistorique de la ville de Diamantina constitue unensemble. Prenant en considération l'environnementdans lequel il s'insère, on peut considérer qu'il s'agitd'un paysage culturel vivant.

Histoire et description

Histoire

La ville de Diamantina est un oasis au coeur d’unerégion de montagnes arides et rocheuses du centre-estdu Brésil. Elle est située dans l’État de Minas Gerais,à 350 kilomètres de Belo Horizonte et à 710kilomètres de Brasilia, à flanc de colline, sur undénivelé d’environ 150 mètres. Elle s’est développée àpartir du XVIIIe siècle dans la Chaîne de l’Espinhaçoméridional, à 1200 mètres d’altitude, entourée de laSerro dos Cristais, dans la vallée du fleuveJequitinhonoha. Les sols de la région de Diamantinasont constitués presque exclusivement de roches detype quartzite et schiste qui donnent à la région sonrelief montagneux et coloré mais aussi des solspauvres et perméables et une végétation rupestre. Sesformations géologiques ont été déterminantes tantpour la beauté de ses paysages que pour sondéveloppement économique.

L’une des expéditions menées depuis São Paolo en1713 pour explorer l’intérieur du territoire brésilien aconduit à l’implantation de l’une des basesd’occupation de l’Arraial do Tijuco qui deviendraplus tard Diamantina. Sur les versants des montagneset le long des cours d’eau de la région, de grandesquantités d’or ont été trouvées. Comme les meilleursfilons se concentraient dans la vallée du ruisseauTijuco, petit affluent du Rio Grande, ses rives ont étéchoisies pour y établir un petit hameau appeléBurgalhau. Mais, contrairement à ce qui s’est passédans d’autres agglomérations de l’Amériqueportugaise constituées à la suite de la découverte demines d’or, comme à Ouro Preto par exemple, lacroissance et la consolidation de l’Arraial ont résultéde la découverte, en 1720, d’une richesseinsoupçonnée : le diamant. L’histoire de Diamantinaest donc, à cet égard, différente de celle des autresvilles minières du Brésil.

Lorsque la Couronne portugaise découvre l’existence

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de cette richesse en 1731, elle installe un nouvel ordreadministratif pour gérer le territoire, le DemarcaçãoDiamantina, qui comprend l’ancien Arraial do Tijucoet d’autres hameaux miniers voisins. En 1734, ellecrée l’Intendance des Diamants qui s’installe àTijuco, déjà la plus importante agglomération de larégion. L’Intendance doit contrôler l’extraction et lacommercialisation du diamant. Il y eut d’abord lapériode dite “des contrats” instituée en 1739, lorsquel’exploitation était attribuée à des monopoles privés.Puis, en 1771, la Couronne reprend la propriété de laressource et en confie la gestion de l’exploitation à laReal Extração do Diamante qui demeureopérationnelle jusqu’en 1845. Le monopole royal estalors régi par le Regimento Diamantino qui comptait,dit-on, plus de militaires que d’administrateurs.

Le contrôle ainsi exercé par l’État fait en sorte queTijuco ne devient vila, c’est-à-dire agglomération detaille plus grande que celle du hameau mais plus petiteque celle de ville, qu’en 1832, dix ans après lacréation du Brésil. Elle a alors droit à sa propreadministration. Ce n’est qu’en 1838, enreconnaissance de son importance sur le plan régional,que Tijuco est élevée au rang de ville. En 1845, laReal Extração est dissoute et les baux miniers qui sesignent sous le contrôle de l’Inspetoria dos TerrenosDiamantinos sont annulés en 1906, avec la dissolutionde l’Inspetoria lui-même. Entre-temps, les premièrescompagnies étrangères d’exploitation minièremécanisée et les premiers ateliers de taille de pierre etd’orfèvrerie se sont installés dans la région.Malheureusement, la découverte en Afrique du Sud degisements miniers plus abondants et de meilleurequalité fait chuter dramatiquement les activitésd’exploitation à Diamantina.

À la fin du XIXe siècle, le projet utopique d’uneindustrie du textile à Diamantina donne lieu à lacréation de l’ensemble de Biri Biri, une implantationindustrielle idyllique construite dans l’intimité d’unpaysage très scénographique, à environ 12 km de laville. Créé de toute pièce pour satisfaire ce rêve, àl’instar des villages spontanés aménagés par leschercheurs de diamants près des sites de fouilles,l’ensemble de Biri Biri a compté, pendant une certainepériode, pour une partie importante de l’économielocale. L’industrie n’a pas survécu mais le site duvillage n’a rien perdu de son esprit ni de son charme.En 1914, le chemin de fer pénètre jusqu’à Diamantinaet la confirme dans son rôle de centre économique etde carrefour de la région. Le chemin de fer estabandonné en 1973.

Le peu de perturbations dont a été victime la villedepuis le déclin de l’activité minière au XIXe siècle aproduit l’heureux résultat que son tissu ancien a étébien protégé et qu’il nous est parvenu presqueintégralement.

Description

Deux séries de plans du XVIIIe montrent un tracé derues sinueux et accidenté qui a peu changé depuiscette époque. La morphologie de la ville, inspirée dela ville médiévale portugaise, a évolué dans le respect

et la continuité de la première implantation. Le bâti duXVIIIe s’est densifié sans rien perdre de son caractèred’origine. Le tracé des rues, ruelles et venelles et desplaces publiques est le résultat de l’occupationnaturelle du site, compte tenu de sa topographieexigeante, et le reflet du trafic qui s’est développé aufil des ans entre les hameaux miniers. Le centre de lavieille ville est plus dense et situé dans un secteurlégèrement plus à plat que la périphérie. Sur la placecentrale, la cathédrale néo-baroque construite en1938, de dimensions contestées, est un point de repèredans le panorama tranquille de la ville.

L’architecture de Diamantina est d’inspirationbaroque, sobre et pure comme dans la plupart desautres villages miniers du Brésil. On peut y décelertoutefois des particularités qui la distingue du modèlecolonial portugais traditionnel. Des géométries et desdétails confirment que les personnes qui ont étéchargées par la Couronne portugaise de diriger lesdestinées de cette colonie dans la Colonie, étaientcultivées et qu’elles ont cherché à transposermodestement dans ce pays d’adoption lescaractéristiques de l’architecture de la Métropole,comme cela fut également le cas pour la musique etles arts.

Les rues de la ville sont pavées de pierres grises,plates et larges, posées selon un ordre qui forme unappareil dit à la capistranas, en référence au présidentJoão Capistrano Bandeira de Melo qui l’introduisit en1877. Cet assemblage pittoresque met la rue encontraste avec le casario, cet alignement régulier etmitoyen de maisons d’habitation des XVIIIe et XIXe

siècles, à un ou deux étages, dont les façades auxcouleurs vives sur fond blanc empruntent d’une façonsystématique à une même typologie et présententcertaines filiations avec l’architecture maniéristeportugaise. Le plan est étroit et profond, les pièces deséjour étant aménagées à l’avant suivies des chambreset des dépendances qui sont accessibles via uncorridor central ou, plus souvent, latéral. Les mursextérieurs sont constitués d’une ossature de bois tresséqui est bouchée par un torchis ou pisée fait de terrebattue et travaillée à la main et à laquelle on ajouted’autres matériaux, tels que la pierre ou le gravier.L’architecture de Diamantina se distingue de celle desautres villes coloniales brésiliennes du fait que lapierre taillée n’est pas utilisée, sauf pour lesfondations. Le bois est employé pour la constructiondes éléments décoratifs, dans l’architecture civilecomme dans l’architecture religieuse.

La plupart des églises et des bâtiments religieux deDiamantina sont intégrés, ici et là, à l’intérieur del’ensemble régulier et homogène du casario, engénéral en retrait de quelques mètres à peine de sonalignement. Ceci témoigne que le pouvoir spirituelentretenait avec la population un rapport d’intimitéqui le distinguait et sans doute l’assujettissait aupouvoir temporel, vu le peu de parvis et d’espaceconsacrés aux rencontres sociales et auxmanifestations publiques. La construction des églisesest de même nature que celle des bâtiments civilsauxquels elle emprunte également les textures et lescouleurs. Les églises de Diamantina ont cette

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particularité de n’avoir, pour la plupart, qu’un seulclocher qui est généralement construit dans la partielatérale du bâtiment. Leur fronton est en bois sculpté.Certaines d’entre elles sont richement décoréesd’oeuvres remarquables réalisées par des artistesréputés, notamment par le maître de la peinture deperspective, José Soares de Araújo.

La ville recèle quelques curiosités architecturalesd’intérêt, notamment la halle du Vieux Marchéconstruite en 1835 et restaurée récemment, lePassadiço, une passerelle couverte en bois bleu etblanc qui enjambe la Rua da Glória pour joindre deuxbâtiments du Centre de Géologie Eschwege, lemuxarabi de la Bibliothèque Antônio Torres, sorte debalcon entièrement cloisonné par un treillis de bois et,enfin, la chafariz de la Rua Direita, près de laCathédrale, une sculpture-fontaine qui garantit unretour à Diamantina à quiconque boit de son eau.

Au-delà du patrimoine physique, les légendes et lestraditions habitent la ville. Les rumeurs sur la liaisonentre l’esclave nègre Chica da Silva et l’adjudicatairede diamants portugais João Fernandes de Oliveiracourent toujours et les parfums de la maîtresseembaument encore aujourd’hui les pièces vastes de lamaison magnifique que son maître lui a fait construire,vers 1770. À la nuit tombée, les rues résonnent duchant triste des serestas, parfois des musiquesorchestrées des vesperatas ou encore des rythmesendiablés des groupes de jeunes percussionnistes etdanseurs qui parcourent librement la ville pendant desheures.

Gestion et Protection

Statut juridique

Le site proposé pour inscription sur la Liste dupatrimoine mondial fait partie de l’aire protégée autitre de monument historique national en vertu duProcès no. 64-T-38, inscription no. 66 du Livre desBeaux-Arts, tel qu’adopté le 16 mai 1938 par leGouvernement brésilien, conformément au Décret-Loino. 25 du 30 novembre 1937. Comme son périmètreest sensiblement plus petit que celui du site historiquequi a été créé en vertu cette loi, la partie de l’aireprotégée qui n’est pas incluse dans la demanded’inscription est considérée comme constituant unezone tampon.

Gestion

Le territoire est depuis 1938, sous le contrôle del’Institut du patrimoine historique et artistiquenational (IPHAN) qui, en vertu de la Loi qui le régit,doit veiller à sauvegarder l’intégrité et l’authenticitédes biens classés et des monuments historiquesnationaux. Dans le contexte d’un ensemble historique,sa juridiction s’étend également aux bâtiments et auxstructures qui sont situés dans le voisinage de cetensemble afin d’en protéger la lecture et la cohérence.Les activités de l’IPHAN à Diamantina sontcoordonnées par son Bureau de coordination régionalepour le Minas Gerais et sont menées sur le terrain par

un Bureau technique qui loge dans la Casa Chica daSilva. L’IPHAN doit s’assurer que les travaux quisont entrepris sur les bâtiments et structures situés àl’intérieur du secteur sauvegardé sont réalisésconformément aux principes et aux règles établis àcette fin. La documentation, l’analyse et le suivi detoutes les opérations de restauration sont sous saresponsabilité. L’IPHAN réalise lui-même oucoordonne la réalisation des travaux qui concernentles monuments les plus importants de la ville.

En vertu de l’article 182 de la Constitution fédérale de1988, la municipalité de Diamantina est tenue de fairepréparer un Plan directeur. Ce plan est actuellementen cours d'élaboration et doit être adopté pour la mi-1999. Le Plan propose notamment l’adoption demesures de contrôle des hauteurs et des zonesd’expansion de la ville pour en protéger la silhouetteet l’intégrité urbanistique. Il recommande l’adoptiond’une législation et de mesures administratives quigarantiront une gestion participative et dynamique duprocessus de conservation et de développement de laville, y compris de son centre historique.

Dans le contexte de l’élaboration de ce Plan, l’IPHANa fait réaliser un relevé de l’ensemble des structures àcaractère historique de la région de Diamantina,incluant un inventaire de la documentation disponibleet une enquête sur le profil socio-économique de seshabitants. Ce travail a été réalisé conformément auxrègles et procédures établies pour dresser sonInventaire National des Biens Immeubles. Lesdonnées recueillies sont en voie d’être informatisées.

L’IPHAN voit la ville historique comme un organismevivant, dynamique, en situation permanente dechangement, qui doit associer sa survie à sondéveloppement, c’est-à-dire au déploiement de sesactivités sociales et économiques, et à la conservationdes valeurs qui la rendent précieuse.

Conservation et authenticité

Historique de la conservation

Le centre historique de la ville est sous la gouverne del’IPHAN depuis son classement en 1938. L’IPHANexerce un contrôle sévère et un suivi de tous lestravaux qui sont effectués à l’intérieur du périmètre del’aire classée ou qui ont une incidence sur lapréservation de son intégrité. Son Bureau technique àDiamantina assure la surveillance des projets sur leterrain mais tous doivent être approuvés par lesprofessionnels de sa coordination régionale dont lesbureaux sont situés à Belo Horizonte.

Authenticité

Le déclin des activités d’exploration minière au XIXe

siècle a protégé la ville des bouleversements souventdésastreux que les époques plus récentes ont fait subirà un très grand nombre de villes. Le tracé des rues etle schéma d’implantation des éléments du bâti sontencore aujourd’hui, pour l’essentiel, ceux qu’on peutobserver sur les plans du XVIIIe siècle.

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Le bâti ancien s’est densifié durant le XIXe siècle maistoujours en respectant les règles traditionnelles localesde l’art de bâtir. Jusque dans les années 1950, on aentretenu le parc immobilier de la ville en utilisant lesmatériaux et les techniques d’origine. Il arrive parfoisaujourd’hui que la brique creuse remplace le torchisou pisé, lors de travaux majeurs de consolidation oude reconstruction. Mais, dans le détail, dans la finitionet dans les coloris, l’architecture de Diamantina,qu’elle soit civile, institutionnelle ou religieuse, n’arien perdu de son caractère ni de son originalité.

Bien entendu, la ville contemporaine apparaît au fur età mesure que le visiteur s’éloigne du centre historique.Des constructions plus récentes et de grande qualité,comme les oeuvres de Niemeyer, ont été introduitesdans le paysage de la ville avec lequel ellescomposent, en général, agréablement.

Les traditions séculaires, comme les serestas et lesvesperatas, sont encore bien vivantes. Fait intéressant,la quête de la fortune et du bonheur qui, à Diamantina,pousse à la recherche de l’or et des diamants est uneactivité toujours en vogue, même si son intensité estincomparable à celle qu’elle était autrefois. Il suffitd’aller à l’extérieur de la ville, à quelques kilomètres àpeine, pour voir à l’oeuvre les chercheurs de diamants.

Évaluation

Action de l’ICOMOS

Une mission d’expertise de l’ICOMOS s’est rendue àDiamantina en février 1999. L’ICOMOS a égalementconsulté son Comité scientifique international sur lesvilles et villages historiques.

Caractéristiques

Diamantina est un témoignage authentique et concretdes efforts incroyables que l’Homme peut déployerpour gagner la fortune, pour améliorer sa condition,pour atteindre à sa plénitude. Du haut des sommetsdes montagnes voisines, la région est aride etdésertique, aussi loin qu’on puisse voir. Le paysageest lunaire, habitat naturel des serpents et des coyotes.Et puis au coeur de cet entrelacs de collines rocheuseset de vallées infertiles dont elle est indissociable, il y aune ville, comme une oasis.

Des aventuriers fous, des chasseurs de rêve ont bâticette ville pour réaliser leurs ambitions et leurs espoirs: forts de leur détermination, ils l’ont construite pourdurer, dans la matière comme dans l’esprit. La ville estbelle d’une beauté simple mais raffinée. Les traces dece passé qui en a enrichi quelques privilégiés mais quia laissé la majorité dans la pauvreté sont encoreprofondément inscrites dans la pierre et les légendesqui donnent à cette ville son caractère unique.

Analyse comparative

À plusieurs égards, Diamantina est le reflet fidèle dumodèle des villes coloniales de l’Amériqueportugaise. Elle est l'illustration d'un développement

similaire à celui de Ouro Preto, suite à la découvertede l'or ou, de Potosí, en Bolivie, lié à la découverte degisement d'argent. Mais elle s’en distingue par sonpaysage tout à fait spectaculaire, par son histoire,puisqu’elle a été assujettie à des gouvernancesspéciales qui l’ont “encloisonnée” pour mieux senourrir de la présence abondante des diamants dans lelit de ses ruisseaux et de ses rivières, enfin par sonarchitecture, certes plus sobre que celle d'autres villesminières du Brésil, les villes de l’or, mais tout aussiraffinée.

Elle se distingue par ses rues pavées à la capistranas,ses maisons en casario et ses églises construites sansles décors de pierre de taille caractérisitiques del’architecture baroque mais avec des frontons chargésde boiseries riches en sculptures et en couleurs.Depuis l’autre côté de l’étroite vallée du Rio Grande,du sommet de la Serra dos Cristais, Diamantinaapparaît confortablement installée sur son dénivelé de150 mètres qui a produit un entrelacs de ruestortueuses et des percées visuelles sur des panoramasépoustouflants. Au milieu de la scène, la Cathédrale,construite plus récemment, marque le coeur de la villehistorique.

Dans l’étude comparative de l’ICOMOS sur lePatrimoine architectural urbain en Amérique latine,Diamantina figure sur la liste des biens auxquels ondevrait accorder une priorité.

Recommandations de l’ICOMOS pour des actionsfutures

L’ICOMOS a pris note et soutient l’intention de lamunicipalité de s’impliquer davantage, en partenariatavec l’IPHAN et avec les autres institutionsconcernées, dans la gestion de son patrimoine àtravers la mise en oeuvre d'un Plan directeur. Lavieille ville est exposée à des risques de changementqu’il faut pouvoir maîtriser. L’ICOMOS recommandeque ce Plan Directeur soit effectivement adopté avantl'inscription formelle sur la Liste du Patrimoinemondial et que l’autorité municipale soit dotée desressources compétentes et suffisantes et desinstruments légaux et techniques nécessaires pour luipermettre d’assumer les responsabilités qui endécoulent.

Par ailleurs, l’ICOMOS estime que l’appréciation desvaleurs qui distinguent Diamantina des autres villescoloniales de l’Amérique portugaise et lui confèrentson caractère universel, implique que le projet deconservation et de développement prenne en compte,non seulement le paysage de la Serra dos Cristais maiségalement les villages d’Extração, de Mendanha, deSopa et autres villages proches qui font partieintégrante de son histoire. Ces villages sont sous lajuridiction de l’administration de Diamantina.

Brève description

Diamantina est une ville coloniale insérée comme unjoyau dans un massif montagneux inhospitalier. Elleillustre l'aventure humaine des chercheurs de diamant,

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au XVIIIe siècle, et offre le témoignage d'une empriseculturelle et artistique de l'Homme sur son cadre devie.

Recommandation

Que ce bien soit inscrit sur la Liste du Patrimoinemondial sur base des critères ii et iv :

Critère ii Diamantina montre comment, au XVIIIe

siècle, les explorateurs du territoire brésilien, lesaventuriers du diamant et les représentants de laCouronne ont su adapter des modèles européens à uncontexte américain, créant ainsi une culture à la foisfidèle à ses origines et tout à fait originale.

Critère iv L'ensemble urbain et architectural deDiamantina, parfaitement intégré à un paysagesauvage est un bel exemple de ce mélange d’espritaventurier et de souci de raffinement qui caractérisel’aventure humaine.

ICOMOS, septembre 1999

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Sculptures rupestres de Dazu (Chine)

No 912

Identification

Bien proposé Les sculptures à flanc de montagnede Dazu

Lieu Comté de Dazu, municipalité deChongqing

État partie République populaire de Chine

Date 30 juin 1998

Justification émanant de l’État partie

[Note Le présent document est une version résumée etéditée de la version longue qui figure dans le dossier deproposition d’inscription.]

Les sculptures de Dazu représentent un élément majeurde l’art rupestre chinois. Les cinq sites proposés pourinscription se composent de 75 sites protégés, abritantquelques 50.000 statues et plus de 100.000 caractèreschinois, formant inscriptions et épigraphes. D’enverguremajeure, de qualité artistique extraordinaire et decontenu incroyablement riche, ils représentent un chefd’œuvre de l’art.

Ils sont en effet les plus remarquables manifestations dela dernière période de l’art rupestre chinois. Les plusanciens datent de 650 après J.-C., environ, mais leprincipal épanouissement artistique se fit entre les IXe

XIIIe siècles ; après quoi l’art rupestre chinois s’éteignitpratiquement. Les sculptures de Dazu diffèrent desexemples antérieurs en ce qu’elles synthétisent l’artsculptural du bouddhisme, du taoïsme et duconfucianisme, tout en offrant une représentationvivante de la vie spirituelle et domestique. La richessedes sculptures et des inscriptions reflète l’essorartistique et religieux de la période concernée, etexprime également des valeurs historiques, artistiques etscientifiques absentes des groupes d’art rupestreantérieurs.

Les sculptures de Dazu démontrent le renouveau dubouddhisme tantrique (Vajrayana), originaire d’Inde, etqui connut un certain déclin en Chine aux alentours duIXe siècle. Cette branche du bouddhisme se caractérisepar la transition de la pensée spéculative à l’applicationdes idéaux bouddhistes dans la vie quotidienne. Lessculptures de Dazu marquent le début d’une nouvelle etspectaculaire page dans l’histoire spirituelle de la Chine,reflétant les croyances du peuple et la simplicité de sonmode de vie. Elles témoignent d’un style qui leur estpropre, et amènent la représentation de la vie

quotidienne dans la sculpture à un niveau jamais égaléauparavant. Tant dans le choix des sujets que dans leurreprésentation, elles cherchent à transcrire aussiexactement que possible la vie quotidienne et les goûtsesthétiques ordinaires de ce peuple dans son ensemble.Les scènes de Baodingshan, en particulier, constituentune véritable galerie du folklore de la dynastie Song(XIIe – XIIIe siècle). Qu’il s’agisse de princes, depersonnages publics ou de petites gens, les figuressemblent prendre vie, et dépeignent, sous différentsangles, une société chinoise en miniature.

Les sculptures rupestres de Dazu ont beaucoup apportéà l’expression artistique chinoise, notamment unréalisme nouveau et une certaine exagération dans lescontrastes entre le bien et le mal, la beauté et la laideur.Pour ce qui est de leur teneur, les scènes reflètent lavolonté, morale et rationaliste, de punir les fauteurs detrouble, et encouragent les individus à faire le bien et àcontrôler leurs désirs ainsi que leur comportement. Leurdisposition démontre en outre une ingénieuseintégration de l’art, de la religion, de la science et de lanature. Esthétiquement parlant, elles sont mystérieuses,naturelles et élégantes, illustration parfaite de la culturechinoise traditionnelle, qui insiste sur les leçons à tirerdu passé.

En termes spirituels, les sculptures de Dazu représententle changement majeur dont la Chine a été le théâtreentre le Xe et le XIIIe siècle : la diversité des croyancescède en effet la place à la foi en un dieu unique. Ellesmontrent comment les trois grandes religions,bouddhisme, taoïsme et confucianisme, se sontrassemblées dans des formes d’expressions artistiquesproches au point de rendre difficile l’identification defrontières claires entre elles, les dieux du bouddhismeindien et les immortels du taoïsme se fondant dans lesdivinités du peuple chinois d’alors. Cette évolutionmajeure de la foi religieuse des Chinois fut à l’originedes croyances des générations qui suivirent, et lesinfluença profondément. Critères i, ii, iii, iv et vi

Catégorie de bien

En termes de catégories de biens culturels, tellesqu’elles sont définies à l’article premier de laConvention du Patrimoine mondial de 1972, il s’agitd’un ensemble de sites.

Histoire et description

Histoire

Les premières sculptures rupestres du comté de Dazuremontent à 650 après J.-C., à l’aube de la dynastieTang, mais la période majeure commença à la fin duIXe siècle. En 892, Wei Junjing, préfet de Changzhou,lança l’exécution des premières sculptures de Beishan ;à la chute de la dynastie Tang, son exemple fit desémules parmi les officiels de la préfecture et du comté,la petite noblesse locale, les moines et nonnes, et lespetites gens, entre 907-65 (période des Cinq Dynastieset des Dix Royaumes).

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La création de ces sculptures cessa pendant lespremières années de la dynastie Song, et ne reprit qu’en1078, sous le règne de l’empereur Yuan Feng de ladynastie Song du nord ; Le travail recommença àBeishan, se poursuivant jusqu’en 1146. C’est alors quefurent sculptés les groupes de Nanshan et deShimenshan. Entre 1174 et 1252, le moine ZhaoZhifeng se fit le porte-parole du bouddhisme tantrique àBaodingshan et créa le seul grand site rituel de pierreréservé à cette croyance, faisant appel pour cela à desmaîtres artisans des quatre coins du pays.

Les guerres omniprésentes interrompirent à nouveau lestravaux à la fin du XIIIe siècle, qui ne reprirent qu’à la findu XVe siècle, sous la dynastie Ming. Ils sepoursuivirent, quoique à une échelle beaucoup plusréduite, jusqu’à la fin de la dynastie Qing (fin duXIXe siècle).

Description

- Beishan

Beishan (jadis connu sous le nom de Longgangshan) estsitué à 1,5 km de Longgang, siège du comté de Dazu.La falaise qui abrite les sculptures culmine à 545 m au-dessus du niveau de la mer, dans une régionmontagneuse et boisée ; elle s’étend sur 300 m de longet s’élève entre 7 et 10 m de haut. Elle se divise en deuxsections : le nord, avec ses 100 groupes de sculptures, etle sud, qui en compte 190. On dénombre 264 nichesavec statues, une peinture en entaille et huit piliers ornésd’inscriptions ; en tout, Beishan accueille plus de10 000 sculptures.

Plus de la moitié représente le bouddhisme tantrique, etle reste porte sur les concepts de la trinité et deSukhavati, des croyances populaires entre 897 et 1162,époque à laquelle furent créées ces sculptures. La niche254 est particulièrement remarquable, de par ses539 figures sculptées dépeignant le Amitabha Soûtra.

Plus d’un tiers des sculptures de Beishan datent dumilieu du Xe siècle (période des Cinq Dynasties), et seconcentrent sur 18 sujets différents, notamment leSoûtra du Maître de la Guérison. Les sculptures de cettepériode se distinguent par la délicatesse et la beauté deleurs figures, la diversité des postures, l’aspect naturel etsans retenue des traits et la recherche des ornementsvestimentaires.

Pour leur part, les statues de la dynastie Song (fin duXe siècle au milieu du XIIe), portant sur 21 thèmes, sontplus vivantes ; les personnalités sont clairementdifférentiées, les postures gracieuses, les corps bienproportionnés et les habits splendides. La grotte du« Moulin à prières » (niche 136), 1142-1146, estl’exemple le plus typique de cette période. Autresfigures magnifiques, l’Avalokitesvara au Chapelet(niche 125) et l’Avalokitesvara aux Perles (niche 136).Les sept inscriptions qui ont survécu sont fondamentalespour l’étude de l’histoire et des croyances religieuses, ladatation et l’identification des figures historiques. Ainsi,l’inscription de Wei Junjin, datée de 895, contient desinformations uniques sur l’histoire de la dynastie Tang.Quant à la stèle de Zhao Yijian, réalisée entre 1163 et

1189, elle est de la main de Cai Jing, l’un des plusgrands calligraphes de la dynastie Song.

- Baodingshan

Il s’agit d’un site très impressionnant, à 15 km au nord-est de Longgang, sur les bords d’une gorge en forme deU à plus de 500 m au-dessus du niveau de la mer, quiprotège les sculptures et leur donne en même temps uncaractère quasiment architectural. Les sculptures,disposées en ensemble sous la direction de ZhaoZhifeng, forment une série. Elles se divisent en deuxgroupes. Le premier et le plus petit, connu sous le nomde Xiaofowan, se dresse au sommet de la montagne ; ilest étroitement lié au monastère de la Sainte Longévité,construit au même moment mais détruit ensuite par lefeu et reconstruit sous les dynasties Ming et Qing. Ilcouvre 1,6 hectares. Le second (Dafowan), couvrant unesuperficie de 500 m de long sur 8 à 25 m de haut, setrouve à l’ouest du monastère.

Les statues forment 31 groupes, dont les thèmes vont del’Avalokitesvara aux mille bras à la Roue de la loiBouddhique, en passant par les douleurs del’enfantement, la vieillesse, la maladie et la mort, unBouddha Sakyamuni, le Nirvana du Bouddha de 31 mde long, les Trois Saints de l’École Huayan (qui fontsaillie depuis le versant de la falaise), et la Fontaine auxneuf Dragons, ainsi que nombre de scènes de la viequotidienne – buffles paissant sous la garde de bergersou ivrognes ne reconnaissant plus leurs proches. Lesstatues représentent l’intégration des doctrinesfondamentales du bouddhisme, de l’éthique duconfucianisme, des dogmes du rationalisme et dutaoïsme. De bien des manières, les sculptures deBaodingshan peuvent être considérées commel’apothéose de la sculpture rupestre chinoise.

- Nanshan

Les sculptures de Nanshan s’étendent sur plus de 86 mde long. Dans leur majorité, elles dépeignent des sujetstaoïstes, et sont réputées être les mieux préservées descinq grands groupes taoïstes de Chine. Au XIIe siècle, àl’époque de l’exécution de ces sculptures, le taoïsmeavait évolué de l’adoration du Maître Suprême et desTrois Officiers à la croyance en la Pure Trinité et auxQuatre Empereurs.

- Shizhuanshan

Ces sculptures de la fin du XIe siècle s’étendent sur plusde 130 m, et offrent un rare exemple d’organisationtripartite d’images bouddhistes, taoïstes etconfucianistes.

- Shimenshan

Ces sculptures, de la première moitié du XIIe siècle,couvrent 72 m Elles réunissent sujets bouddhistes ettaoïstes, ces derniers étant les plus caractéristiques. LeDieu de la Clairvoyance, par exemple, à gauche del’entrée de la niche 2, possède des yeux énormes,« comme s’ils pouvaient voir sur mille li ». Quant aux92 statues de la grotte des Dieux et Déesses du MontTai [Taishan], elles reflètent le rôle majeur de la famille

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Taishan au sein des divinités taoïstes entre le Xe et leXIIIe siècle.

Gestion et protection

Statut juridique

En 1961, le conseil d’État de la République populairede Chine a classé les sculptures de Beishan et deBaodingshan dans le premier groupe de biens culturelssoumis à protection en vertu des dispositions de l’article4 de la loi sur la Protection des reliques, en qualité de« sites de culture ancienne, de tombes anciennes et detemples rocheux ». En 1966, à l’occasion de ladéclaration du quatrième groupe, les sculptures deNanshan, Shizhuanshan et Shimenshan furent elles aussiclassées.

En sus de cette protection élémentaire, les sites sontégalement couverts par d’autres textes législatifs : leslois de la République populaire de Chine sur laProtection de l’environnement, sur l’urbanisation et ledroit pénal de la République populaire de Chine.

Gestion

Les sites sont la propriété de la République populaire deChine.

En vertu de la Loi sur la Protection des reliques, chaquesite protégé est une « zone clef de protection », ceinted’une « zone de protection générale », entourée à sontour d’une « zone à construction contrôlée ». Celles-ciconstituent une zone tampon appropriée, telle quel’exigent les Orientations devant guider la mise enœuvre de la Convention du patrimoine mondial.

Jusqu’aux années 50, des moines bouddhistes et destaoïstes se chargeaient de la gestion des sculpturesrupestres de Dazu, le financement provenant desaumônes qu’ils collectaient. Avec la mise en place de laRépublique populaire de Chine en 1949, la maintenancedes sites passa sous la responsabilité des administrationslocales et centrales. En 1952, le comté de Dazu instaural’Office du comté pour la Protection des reliquesculturelles et en 1984, la province de Sichuan approuvala création du musée des Sculptures rupestres de Dazu(à Chongqing depuis 1990).

Actuellement, la gestion des sites protégés est basée surdes plans quinquennaux consécutifs agréés par leBureau municipal de la Culture de Chongqing, sous ladirection globale de l’Administration nationale duPatrimoine culturel (anciennement bureau d’État desReliques culturelles), à Beijing.

Conservation et authenticité

Historique de la conservation

Entre 1952 et 1966, les efforts se sont concentrés surdeux aspects de la conservation : l’investigation del’environnement naturel, de l’histoire et de l’état actuelet les problèmes particuliers. Une étude et un inventaire

complets ont été réalisés, aboutissant à la définition dezones de protection. Plus de 20 projets de sauvetage ontété menés à bien : consolidation des bases rocheuses,restauration des groupes qui s’étaient effondrés, etcréation de couloirs d’accès et de structures couvrantes.Parallèlement, des travaux de contrôle de la perméabilitéont commencé, et se poursuivent sans interruptiondepuis lors.

Cette phase a duré jusqu’au début de la Révolutionculturelle en 1966. À la fin de cette période, en 1977,des programmes de maintenance planifiée et deprotection ont été institués. Le bureau d’État auxReliques culturelles, qui portait encore ce nom àl’époque, alloua des fonds substantiels à un certainnombre de projets majeurs de restauration en sus desprogrammes de maintenance planifiée et deconservation en cours. Plusieurs études scientifiques ontété effectuées, une attention toute particulière étantaccordée au contrôle de la perméabilité (au moyen denouveaux composés étanches et du creusement detunnels derrière les statues) et aux dégâts causés par lesintempéries.

Authenticité

Le degré d’authenticité de l’art rupestre de Dazu estélevé. Les sculptures ont en effet conservé leur forme etleurs matériaux d’origine, et les interventions deconservation ont été conduites avec intelligence.L’environnement naturel est également bien préservé ;l’authenticité du cadre est donc elle aussi élevée.

Évaluation

Action de l’ICOMOS

Une mission d’expertise de l’ICOMOS a visité le bienen septembre 1998.

Caractéristiques et analyse comparative

Les sculptures de Dazu sont des exemples remarquablesde la dernière époque de l’art rupestre en Chine. D’unegrande importance artistique, elles ont marqué le débutd’une phase majeure dans l’évolution artistiquechinoise. Elles illustrent la transition de la penséespéculative à la mise en application des idéesbouddhistes dans la vie quotidienne, dans l’esprit dubouddhisme tantrique, tout en conservant l’identitépropre à cette région.

Observations et recommandations de l’ICOMOS pourdes actions futures

Globalement, les sites sont en bon état, et il ne semble yavoir aucun problème grave. Les sculptures sont en faitbien mieux préservées que celles d’autres régions de laChine, où les sites culturels ont pâti des conflits armés,de la Révolution culturelle ou des pressions dudéveloppement.

On observe toutefois certains problèmes de conservationparticuliers, notamment la perméabilité, les dégâtscausés par les intempéries et les chocs sismiques

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éventuels. C’est pourquoi les autorités réalisent des testsscientifiques, afin de déterminer des programmes deconservation et de protection adéquats. Il est primordialque ceux-ci intègrent des procédures appropriées desuivi sur le long terme.

Il convient en outre d’accorder une attention touteparticulière à la mise en place d’un accès correct auxsites, et à la construction d’installations pour lesvisiteurs. Néanmoins, il importe également de faireattention à leur emplacement, afin d’éviter les impactsvisuels négatifs.

Il semble que la région de Dazu soit incluse dans unvaste programme de la Banque mondiale, dans le cadreduquel des entreprises italiennes spécialisées sontconsultées au sujet de projets de conservation et degestion des sites culturels. Le Comité pour la protectiondu patrimoine mondial et l’ICOMOS doivent être tenusparfaitement informés de la nature et des progrès desprojets de cette sorte, qui pourraient avoir un impactnégatif sur les sculptures rupestres de Dazu et leurenvironnement.

Brève description

Les montagnes abruptes de la région de Dazu abritentune série exceptionnelle de sculptures rupestres datantdu IXe au XIIIe siècle. Ces dernières sont extraordinairespour bien des raisons : leurs qualités esthétiquesindéniables, la riche diversité de leurs sujets, tantséculiers que religieux, la lumière sous laquelle ellesprésentent la vie quotidienne en Chine à cette époque, etles preuves qu’elles apportent de la fusion dubouddhisme, du taoïsme et du confucianisme en uneharmonieuse synthèse.

Recommandation

Que ce bien soit inscrit sur la Liste du patrimoinemondial sur la base des critères i, ii et iii.

Critère i De par leur grande qualité esthétique, ladiversité de leur style et de leurs sujets, les sculptures deDazu représentent l’apogée de l’art rupestre chinois.

Critère ii Le bouddhisme tantrique originaire d’Inde etles croyances taoïstes et confucianistes chinoises se sontréunis à Dazu pour créer une manifestation hautementoriginale d’harmonie spirituelle, dont l’influence a étéénorme.

Critère iii La nature éclectique des croyances religieusesde la fin de la Chine impériale trouve son expressiondans le patrimoine artistique exceptionnel de l’artrupestre de Dazu.

ICOMOS, septembre 1999

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Litomyšl (République tchèque)

No 901

Identification

Bien proposé Château de Litomyšl

Lieu Province de Bohême, Région deBohême orientale

Etat partie République tchèque

Date 29 juin 1998

Justification émanant de l’Etat partie

Le château de Litomyšl est l’un des plus remarquablesexemples parmi les châteaux à arcades de Bohême et deMoravie construits au XVIe siècle, et dont le stylearchitectural, inspiré de la Renaissance italienne, futporté à son paroxysme en terre tchèque. L’analysearchitectonique du château de Litomyšl a conduit àl’idée nouvelle que les châteaux à arcades des terrestchèques sont un genre à part entière qui s’inscrit dans lemouvement de la Renaissance en Europe. Ces châteauxà arcades sont profondément liés à la Renaissanceitalienne mais, conçus indépendamment, ils possèdentune grande originalité de conception. Le château deLitomyšl tient une place importante dans cette catégoriede châteaux, non seulement à cause de sa haute qualitéartistique mais aussi parce que son architectureRenaissance a été largement préservée. Les façades ontgardé leur apparence presque intacte. Leurs pignonsrichement découpés et leurs sgraffites à la foisornementaux et figuratifs ne se retrouvent dans aucunautre édifice dont le style approche celui du château deLitomyšl. Sa plastique et son architecture, d’une factureexceptionnelle, ainsi que l’authenticité et l’originalité del’ensemble comme du détail placent ce château au rangdes plus remarquables exemples d’architectured’Europe centrale – et bien sûr d’Europe. Critère i

Une comparaison s’impose entre les châteaux à arcadesRenaissance d’Europe centrale, d’Allemagne, dePologne, des pays alpins et du bassin du Danube.

Les châteaux à arcades d’Allemagne, ayant unestructure architectonique différente de celle deschâteaux des terres tchèques, sont exclus de ce groupe.Les châteaux d’Autriche demeurent dans ce groupe maisles exemples intéressants construits à la même époqueatteignent rarement la qualité de réalisation des édificestchèques. Les exemples polonais sont rares. En Europecentrale, la République tchèque domine sans nul doutepar le nombre des châteaux, la diversité des réalisations,la richesse architectonique et le niveau artistique élevédes œuvres.

Reste à comparer les châteaux à arcades des terrestchèques et les exemples architectoniques de leur paysd’origine, l’Italie. A première vue, il semble que par leursupériorité quantitative, leur grande variété et leur plusgrande qualité architectonique, les palais à arcadesitaliens sont uniques et incomparables. Des étudescomparatives ont donc été menées à ce sujet et ontabouti aux conclusions suivantes : par la puretéexceptionnelle de leur style, les châteaux de Moravie etde Bohême ont un lien direct avec les exemples italienssans cependant en être de pâles copies de province. Cesœuvres architecturales puisent leur inspiration dans lepremier style de la Renaissance italienne qu’elles ontensuite développé. Les châteaux à arcades tchèquesreprésentent l’apogée des exemples architectoniquesitaliens. Les motifs d’arcades voûtées qui embrassentdeux niveaux, rares en Italie, sont très impressionnants.

Litomyšl n’est pas le seul château de Bohême et deMoravie à comporter des cours à arcades ; nombred’entre eux possèdent des caractéristiquesarchitectoniques splendides et des formes d’une grandepureté ; mais seul le château de Litomyšl a préservéintacts ses admirables pignons, dont les silhouettescompliquées, aux lointaines origines italiennes, ontreçu, par leur naissance tchèque, un renouveau dedynamisme et une grande originalité d’expression.

Le château de Litomyšl est par conséquent une œuvreunique dans le mouvement architectural de laRenaissance européenne, ce qui le met en droit derevendiquer pleinement son inscription sur la Liste duPatrimoine mondial. Ce chef d’œuvre se suffit à soi-même, mais il représente aussi l’aboutissement dudéveloppement européen d’un certain type de palais etde châteaux Renaissance. Critère ii

Le château de Litomyšl est au centre du mouvementeuropéen qui a donné naissance à un certain type depalais et châteaux Renaissance. Il est entouré desespaces et annexes qui lui étaient nécessaires pouraccomplir son rôle prestigieux et tenir son rang. Ilpossède donc un jardin et un parc contigus au château.Dans la première cour se trouvent une brasserie, unmanège, une écurie et une remise à voitures. L’ensembletémoigne de la vie de l’aristocratie du XVIe au XIXe

siècles. Critère iv

Litomyšl a joué un rôle important dans ledéveloppement culturel de l’Etat tchèque, surtout auMoyen Age mais plus récemment aussi. Jan de Streda,personnalité éminente de la cour du roi empereurCharles IV (dernière partie du XIVe siècle), fut évêquede Litomyšl et initiateur d’œuvres d’art de portéeeuropéenne. En 1567 le domaine de Litomyšl fut achetépar les Pernštejns, une des plus illustres famillesaristocratiques de l’Etat tchèque. C’est là que s’éteignitle dernier représentant de cette famille, Dame Frebonie,en 1646. Bedrich Smetana, un des plus grandscompositeurs tchèques est né à la brasserie du châteauen 1824 ; ses compositions sont toujours jouées dans lessalles de concert du monde entier. Critère vi

[Note La partie “Justification” du dossier donne le détaildes caractéristiques de la première cour du château et de

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ses bâtiments, mais ceux-ci seront traités comme faisantpartie intégrante du château dans l’évaluation.]

Catégorie de bien

En termes de catégories de bien culturel, telles qu’ellessont définies à l’article premier de la Convention duPatrimoine mondial de 1972, le bien proposé est unmonument.

Histoire et description

Histoire

Le site a été occupé depuis au moins le Xe siècle.Implanté à un carrefour important sur la route principalequi relie la Bohême à la Moravie, Litomyšl possède uncentre fortifié sur la colline d’où domine le château.

Des sources attestent l’existence d’une petite églisedédiée à saint Clément. Puis des moines prémontrésfondèrent un monastère dans la première moitié du XIIe

siècle. Celui-ci fut fermé au moment de la création del’évêché en 1344 et le bâtiment fut partagé entrel’évêque et le chapitre. Un document de 1398 qui faitétat de ce partage contient la première référence à un“vieux palais” et un château à Litomyšl. Des recherchesarchéologiques et historiques ont révélé des vestiges dela structure médiévale sous et dans le châteauRenaissance.

En 1425, la ville fut conquise après un siège mené parles Hussites qui rasèrent tous les bâtimentsecclésiastiques. Après les guerres Hussites larestauration du château fut entreprise par les nouveauxpropriétaires de Litomyšl, la famille Kostka dePostupice ; de récentes investigations ont révélécertaines caractéristiques de ce bâtiment. Il futendommagé par un incendie en 1460 puis à nouveau en1546 ; après le second incendie, le château fut confisquépar le roi, puis presque entièrement détruit par untroisième incendie en 1560.

Les ruines furent concédées à la famille des Pernštejn deBratislava en 1567 qui reçut une dotation royale pourles relever. Les travaux commencèrent en 1568 sous ladirection de Giovanni Battista Avostalli, bientôt rejointpar son frère, Ulrico. La plus grande partie des travauxétait terminée en 1580.

En 1635 un incendie causa de légers dommages àl’étage supérieur du château, qui furent rapidementréparés. L’architecte František Maximilián Kankaprocéda à d’importantes modifications à partir de 1719dans le style du premier art baroque. Un incendie sévitencore en 1775 et les réparations entraînèrent certainestransformations. Les principales modifications ont étéréalisées à l’intérieur de l’édifice en 1792-1796, selonles plans de Jan Kryštof Habich, mais il prit soin depréserver les beaux pignons Renaissance. Depuis lors, iln’y a pas eu de changements significatifs de la structure,du plan ou de la décoration.

La première cour faisait partie du premier châteaufortifié. Les bâtiments de cette cour ont tous étéconstruits ou reconstruits au cours des modificationsque subit le château et les différents remaniements setraduisent par des styles d’architecture différents.

Description

Le château est un ensemble de plan asymétrique,composé de quatre corps de bâtiment, avec uneélévation à trois niveaux. Le corps occidental est leplus grand, alors que l’aile sud est juste une galerie àarcades sur deux niveaux, servant à fermer le carré dela seconde cour (disposition originale que l’on neretrouve pas ailleurs). Les arcades composées devoûtes d’arêtes se poursuivent sur les flancs est etouest de la cour. La chapelle du château se trouve àl’angle sud-est de l’aile orientale. Une cour pluspetite, de plan oblong, est prise dans l’aile nord et unefine tour polygonale s’élève à l’angle nord-est.

Toutes les façades extérieures ont une articulationRenaissance. Elles offrent une relative homogénéité ;nous n’en donnerons donc qu’une descriptiongénérale. Des baies jumelées, avec des tableaux et deslinteaux en pierre, sont percées au-dessus del’embasement du rez-de-chaussée.

Le portail principal, sur la façade sud, est excentré. Ilest surmonté d’un arc en plein cintre et flanqué dedoubles colonnes engagées à bossages. Au-dessus dulinteau plat, on peut voir les armoiries des Pernštejn etdes Manriques de Lara.

Le premier et le deuxième étage sont également percésde baies jumelées, avec des tableaux en pierre ornés etdes larmiers portés par des modillons à volutes. Dansl’aile sud, les fenêtres du deuxième étage sontremplacées par une galerie ouverte à arcades. L’absidepolygonale de la chapelle, en saillie sur la façadeorientale, présente deux triplets en lancette. Unfragment bas d’une tourelle polygonale à toitpyramidal a été conservé à côté de la chapelle. Toutesles façades sont recouvertes de sgraffites, imitant unparement à bossages et pointes de diamant, qui noussont parvenus dans différents états de conservation.

Sur la façade sud des ailes orientale et occidentale etsur la façade ouest, une corniche cintrée a étérestaurée. Sur les autres façades, on n’en distingue quedes traces. La corniche est surmontée d’un attique,rythmé par des pilastres et des petites baies dont lasuccession ne s’interrompt qu’au-dessus de la galeriede l’aile sud. Des frontons brisés abondammentdécorés et rythmés par des pilastres gaufréscouronnent l’attique. Des épis de faîtage sont disposéssur des bases trapues, des piliers courts et au sommetde petits appendices.

La seconde cour (intérieure) s’ouvre au sud, à l’est età l’ouest par des arcades en plein cintre. Au rez-de-chaussée, celles-ci reposent sur des piliers carrés àbossages ; arcs et écoinçons sont également àbossages. Au premier et au deuxième étage, les arcssont portés par des colonnes : les colonnes à entasisreposent sur des piédestaux, des plinthes et des bases

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cubiques ; les chapiteaux sont toscans, au premierétage, et à volutes (ioniques) au deuxième. Desparapets, rythmés au centre par des bandeaux,viennent s’insérer entre les plinthes. La façade nordest ornée de sgraffites monumentaux, disposés enquatre registres entre l’appui des fenêtres du premierétage et la corniche. Ils illustrent des scènes del’Ancien Testament, de l’histoire classique, les Vertusromaines et Renaissance, ainsi que des scènes dechasse. Des bustes de guerriers et de héros sontreprésentés dans les cartouches à volutes des lunettes.

Parmi les aménagements intérieurs du château, lemagnifique théâtre néo-classique, construit en 1796-1797 dans l’aile occidentale, est particulièrementremarquable. Entièrement en bois, il peut accueillir150 spectateurs, dans ses neuf loges et la salle du rez-de-chaussée. Les peintures décoratives de la salle, lesdécors de la scène et la machinerie ont été conservésdans leur état d’origine. Le grand escalier Renaissancedu château se trouve dans cette aile, qui abriteégalement quelques pièces Renaissance bienproportionnées et décorées essentiellement en stylenéo-classique au XVIIIe siècle.

L’intérieur des deux autres ailes présente les mêmescaractéristiques : architecture Renaissance ayant reçuune somptueuse ornementation en style baroque tardifou néo-classique, avec des stucs sophistiqués et despeintures aux murs et aux plafonds. Les peinturesimitent des compositions à trois dimensionscomportant des moulures ornementales de l’Antiquitéromaine ; elles proposent un programme picturalcoordonné d’une pièce à l’autre. La décorationintérieure est d’un style très homogène, ce style detransition éphémère entre le baroque et le classicisme,qui apparaît à la fin du XVIIIe siècle et qu’on a appelé« baroque-classique tardif ».

De l’aile orientale, on accède à la chapelle par unélégant portail. L’intérieur, avec sa nef voûtée enberceau, a gardé pour l’essentiel les dispositionsRenaissance d’origine. Le décor est aujourd’hui assezsimple, en grisaille, mais on a trouvé sur les murs destraces de peintures plus anciennes.

Parmi les dépendances, le bâtiment le plus intéressantest la brasserie, au sud de la première cour. Construiteà l’origine en accord avec le château et décorée desgraffites, elle a été fortement remaniée suite àl’incendie de 1728. Mais c’est après l’incendie de1775 qu’on lui a donné son aspect actuel, un mélanged’éléments de premier baroque et de néo-classicisme,encore que l’étude de la structure même révèle descomposantes qui remontent jusqu’au style gothique.

L’écurie est contiguë à la brasserie et fait partie desannexes Renaissance du château. Elle a subi nombrede vicissitudes en raison des incendies dont le châteaua été la proie. Aujourd’hui, son aspect extérieur faitpendant à la brasserie.

L’écurie ferme la première cour à l’est. Il s’agit d’unbâtiment à un seul niveau, construit à l’origine enpremier baroque mais transformé, comme le reste desbâtiments entourant cette cour, au XVIIIe siècle. La

façade régulière est divisée en neuf travées ; le portailprincipal, au centre, est flanqué de fenêtres etd’entrées latérales. Quatre lucarnes sont disposées àintervalles réguliers sur le toit en bâtière brisée.

L’ensemble comprend en outre la maison du Maître, àl’ouest du parc, la remise à voiture, l’ancienne écurie,une petite maison ou cottage, l’ancien jardin à lafrançaise avec sa saletta (pavillon) de style baroque etle parc à l’anglaise (fin du XVIIIe siècle).

Gestion et protection

Statut juridique

Les différents biens qui composent l’ensemble duchâteau de Litomyšl sont protégés par la loi No 20relative à la conservation du patrimoine culturel national(1987). L’ensemble est enregistré comme patrimoineculturel national au titre de la Résolutiongouvernementale No 251/1962. Il fait partie de la zonede conservation urbaine de Litomyšl, qui couvre lecentre historique de la ville (y compris le château), telleque définie dans le Décret No 16417/97-VI/1 duministère de la Culture.

Toutes ces réglementations garantissent que toutes lesinterventions doivent être autorisées par les institutionscompétentes aux niveaux local et national.

Gestion

Le château est propriété publique. Il était la propriété del’Etat jusqu’en 1995, lorsqu’une partie de l’ensemblefut transférée à la municipalité de Litomyšl.Actuellement, le château, la maison du Maître, laremise à voiture, la saletta, la deuxième et la troisièmecours, le jardin et le parc sont la propriété de l’Institutde conservation de Pardubice, tandis que la brasserie, lemanège, l’écurie, la petite maison et la première courappartiennent à la municipalité.

La gestion des biens de chacune des propriétés revient àleur propriétaire respectif. Le contrôle de laconservation est exercé par le Département de laconservation du ministère tchèque de la Culture et parl’Institut d’Etat chargé des monuments historiques.

Des études approfondies portant sur différents aspectsdu complexe du château ont été effectuées pendant lesannées 1990 au niveau local et national en vue d’établirdes programmes de conservation et de gestion :réhabilitation de la zone de conservation urbaine ;préservation du patrimoine architectural ; réfection desparties délabrées (toitures) ; restauration des biensmeubles reconnus patrimoine culturel. Ces différentsprogrammes sont financés par le ministère de la Culture.

Le plan de gestion est basé sur deux études menées en1995 et vise à améliorer la présentation du château :montrer son importance en Europe et dans le monde,aménager un centre culturel et social et une galerie d’art,achever la reconstruction de la brasserie, installer unmusée d’architecture et de sculptures anciennes etmettre les bâtiments aux normes techniques.

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Le bien proposé couvre une zone de 44ha, et la zone deconservation environnante est de 209ha. Cette zone deconservation, qui est contrôlée de manière stricte,constitue une zone tampon efficace, comme l’exigent lesOrientations devant guider la mise en œuvre de laConvention du patrimoine mondial. Toutefois, en 1987le conseil d’administration du District de Svitavy adélimité une zone tampon supplémentaire de 94,9haautour de la zone de conservation de Litomyšl,conformément à la loi No 20/1987. L’environnement dubien proposé pour inscription est donc pourvu d’uneprotection très complète.

Conservation et authenticité

Historique de la conservation

Le château était la propriété de la famille Thurn undTaxis jusqu’en 1945, date à laquelle il est devenupropriété de l’Etat. Litomyšl fut l’un des 130 bienscomparables qui furent choisis pour être conservés dansleur état d’origine en raison de leur qualitéarchitecturale et de leur contenu artistique. L’ensemblefut géré par l’Institut de Pardubice jusqu’en 1995 dansle respect des normes de conservation internationales.

Authenticité

L’authenticité de l’ensemble est élevée. Chaquecomposante est physiquement intégrée aux autres dansson état d’origine, tandis que l’ensemble conserve sarelation spatiale avec l’environnement urbain historique.Les modifications et reconstructions successives dessiècles passés ont été respectées. Aucune tentative n’aété faite pour privilégier une période particulière. Aucontraire, l’évolution naturelle est présentée dans sonintégralité. On a pris soin de s’assurer que les matériauxet les techniques authentiques ont été utilisés danstoutes les interventions de restauration et deconservation.

Evaluation

Action de l’ICOMOS

Une mission d’expertise de l’ICOMOS a visité Litomyšlen janvier 1999.

Caractéristiques

Le château de Litomyšl est une œuvre exceptionnelle del’architecture Renaissance d’Europe centrale, dérivéedes modèles italiens, qui a conservé intacts tant sonaspect historique d’origine que la haute qualité et laportée historique des remaniements réalisés aux XVIIe

et XVIIIe siècles, surtout dans la décoration intérieure.

Analyse comparative

La justification émanant de l’Etat partie signale descomparaisons possibles avec d’autres ensembles, à lafois en Italie, d’où sont originaires les châteaux àarcades, et ailleurs en Europe centrale.

La comparaison avec des exemples italiens ne semblepas appropriée, car si la forme a été reprise par lesarchitectes tchèques, ceux-ci l’ont largement faitévoluer.

En Europe centrale, il existe un certain nombre dechâteaux de ce type en terres tchèques (Palais duBelvédère à Prague, Kacerov, Moravský Krumlov,Bucovice, Opocno) et en Autriche (Spital). Aucuncependant ne conserve la totalité des caractéristiquesd’origine qui distinguent Litomyšl (l’état complet del’ensemble, le plan intact du bâtiment principal), sahaute qualité artistique (la logique formelle des galeriesà arcades sur trois niveaux, le sgraffite monumental, ladécoration intérieure de style “ baroque-classiquetardif ”) et la relation de l’ensemble à sonenvironnement urbain.

Brève description

Le château de Litomyšl est à l’origine une structureRenaissance, un château à arcades du type qui fut audépart construit en Italie puis adopté et largementdéveloppé en Europe centrale au XVIe siècle. Saconception et sa décoration sont de haute qualité, ycompris les derniers éléments du premier art baroqueajoutés au XVIIIe siècle. Il conserve intacte la totalitédes bâtiments annexes qui sont associés à ce type dedemeure aristocratique.

Recommandation

Que ce bien soit inscrit sur la Liste du Patrimoinemondial sur la base des critères ii et iv :

Critère ii Le château de Litomyšl est un exempleexceptionnel et intégralement préservé de château àarcades, type d’édifice construit à l’origine en Italieet adapté aux terres tchèques pour créer une formeévoluée d’une qualité architecturale particulière.

Critère iv Le château de Litomyšl illustre demanière exceptionnelle les résidencesaristocratiques d’Europe centrale pendant laRenaissance et leur évolution ultérieure sousl’influence de nouveaux mouvements artistiques.

ICOMOS, septembre 1999

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Cuenca (Equateur)

No 863

Identification

Bien proposé Centre historique de Santa Ana delos Rios de Cuenca

Lieu Province de Azuay

Etat Partie Équateur

Date 30 juin 1998

Justification émanant de l'Etat Partie

Cuenca est un exemple exceptionnel de cité"entroterra" construite sur une surface libre de la rudegéographie des Andes, à l'écart d'une agglomérationinca, en suivant les préceptes urbanistiques édictés parCharles Quint en 1526. Critère ii

Elle est la matérialisation d'un modèle urbanistiqueidéal de ville coloniale "de l'intérieur" à vocation decentre agricole et d'administration des importantescommunautés indiennes. Critère iii

Sa valeur exceptionnelle ne tient pas tant à laconception monumentale des constructions, maisplutôt dans sa capacité d'intégrer les différentscourants architecturaux du passé tout en conservantson caractère essentiel de ville coloniale. La villecontient de nombreux immeubles en adobe, fruit d'uneadaptation d'une architecture européenne traditionnelleaux conditions locales. Critère iv

La cité fondée par les Espagnols a produit unesynthèse, dans l'aménagement de l'espace et dans lesrelations sociales, entre les Indiens et les nouveauxarrivés espagnols. Critère v

[Note Ce texte est une version abrégée du texte quifigure dans le dossier de proposition d’inscription]

Catégorie de bien

En termes de catégories de biens culturels, tellesqu’elles sont définies à l'article premier de laConvention du Patrimoine mondial de 1972, le centrehistorique de Santa Ana des Rivières de Cuencaconstitue un ensemble.

Histoire et description

Histoire

La ville est fondée en 1557, sur ordre du vice-RoiAndres Hurtado de Mendoza, sur un site choisi àproximité de Pumapungo. L'objectif est d'en faire uncentre de production agricole d'exploitation desressources et des conditions favorables des plainesalentour pour l'élevage et la culture. Il s'agit aussid'établir un centre d'administration des populationsindiennes nombreuses dans cette région andine.

La ville de Cuenca connut un développement lent,longtemps contenu dans les limites de son tracé initial,et est resté un centre de production agricole. Elle aintégré des apports architecturaux successifs, dans lerespect du tissu urbain et de son caractère de citécoloniale et cela, jusqu’à l'indépendance politique parrapport à la Couronne espagnole, en 1820.Parallèlement, les populations et les cultures se sontmélangées.

Durant la seconde moitié du XIXe siècle, la villeconnut un certain développement manufacturier,notamment pour la production de quinine et lafabrication de chapeau de paille. Cela lui permit unrelatif enrichissement, avec construction de quelquesédifices plus importants, dont l'Université de Cuenca,en 1867.

En raison de son isolement géographique, la ville deCuenca arriva aux années 1950 avec un profil urbaincohérent. Des menaces se manifestèrent ensuite, enraison d'extensions et de transformations urbainesdues à des pressions immobilières ou à une demandesociale nouvelle. En 1982, fut adopté un "Plan deDéveloppement Urbain de la Zone Métropolitaine deCuenca", qui permit de conserver l'image de la ville etentreprit la restauration de plusieurs immeubles.

Description

La ville de Cuenca est située dans une vallée entouréede complexes montagneux andins qui lui ontlongtemps permis d'entretenir une contact intime avecle milieu naturel.

La ville elle-même est organisée selon une strictegrille de rues perpendiculaires s'étendant à partir de laPlace Centrale, le Parc Abdón Calderón, pour formerun total de 200 blocs. Autour de la Place Centrale sontérigés le Gouvernement municipal, le Bureau duGouverneur, deux cathédrales et le Palais de Justice.Les rues pavées sont larges et ensoleillées. Le tissuurbain est marqué par la présence de parcs, places,cloîtres d'églises et autres espaces publics.

Les maisons coloniales simples ont souvent ététransformées en habitations plus importantes,spécialement à la période de relative expansionéconomique due à la production de quinine et dechapeaux. Il en résulte une architecture singulière, quiintègre diverses influences, locales ou européennes.

L'architecture vernaculaire se trouve aujourd'hui à lapériphérie du centre historique et dans les zones

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rurales, où elle a conservé les techniques etl'organisation de l'espace de la période coloniale.

Quelques édifices importants sont à mentionner,comme la Nouvelle Cathédrale, commencée en 1880,et l'Ancienne Cathédrale, comme le Monastère duCarmel et l'église de Santo Domingo.

Gestion et protection

Statut juridique

Les immeubles sont en majorité des propriétésprivées, avec toutefois quelques édifices importantsqui sont propriétés publiques ou propriétésecclésiastiques.

Au plan national, s’appliquent : la loi sur lePatrimoine culturel de 1979, et ses règlementsd'application de 1984, ainsi que la loi portant créationd'un Fonds de Secours pour le Patrimoine culturel de1988.

Au plan régional, s'appliquent diverses mesuresréglementaires :

• l'Acte de Déclaration du Centre historique de laville de Cuenca de 1982,

• l'Ordonnance pour le Contrôle et l'Administrationdu Centre historique de 1983,

• l'Ordonnance de Création du Directorat du Centrehistorique de 1989,

• l'Ordonnance sur les Enseignes et la Publicité de1992

• l'Ordonnance d'Exonération de la TaxeImmobilière pour les propriétaires de biensdéclarés Patrimoine culturel national.

Ces dispositions réglementaires s’appliquent dans lepérimètre du centre historique, mais laissent la zonetampon sans un contrôle analogue, zone tampon audemeurant très étroite.

Gestion

La Commission du Centre historique est un organespécial chargé du contrôle et de la gestion du centrehistorique. Pour les aspects techniques, la commissionest assistée par le Secrétariat Général de l’urbanismerelevant du Gouvernement municipal de Cuenca.

Les autorités municipales ont aussi compétence pourintervenir dans la gestion du centre historique,notamment le Conseil municipal et le Maire de la villede Cuenca.

Conservation et authenticité

Historique de la conservation

La préoccupation de conservation s'est affirmée aucours des années 1970, pour aboutir à une protectioneffective à partir de 1982.

Des inventaires ont été entrepris et les zonesconstituant le centre historique ont été étudiées dansleurs caractéristiques.

Les immeubles du centre historique sont d'une grandefragilité en raison de leur construction en matériauxpeu résistants, tout particulièrement quand il s'agitd'architecture de terre. Les autorités considèrent queleur entretien régulier par leurs propriétaires est unemesure de protection prioritaire et l'encouragent dediverses manières.

En 1995, l'aboutissement du Plan Directeur pour l'eaupotable et les égouts ont assuré un assainissementfondamental pour les habitations anciennes.

Quelques pâtés de maisons du centre historique ontsubi d'importantes altérations qui ne s'intègrent ni à laforme, ni à la typologie du tissu historique.

Authenticité

La ville de Cuenca a su conserver son image de villecoloniale et l'essentiel de son caractère originel. Soncentre historique est habité et connaît une vie socialetraditionnelle active, dans des conditions d'habitatparfois dégradées. Compte tenu de cette occupationcontinue, le ville offre un haut degré d'authenticité.

Evaluation

Action de l'ICOMOS

Une mission d’expertise de l'ICOMOS s'est rendue surles lieux en février 1999. Elle a fait observer que lazone tampon devrait être reconsidérée dans sesrèglements ou dans son extension car elle autorise desconstructions dont l'échelle perturbe les perspectivesdu centre historique. Par ailleurs, l’ICOMOS aconsulté son Comité scientifique international sur lesvilles et villages historiques.

Caractéristiques

La valeur particulière de Cuenca procède del'ensemble historique, urbain, architectural et paysagerqu'elle représente. Son évolution historique sematérialise dans les diverses phases de sondéveloppement urbain. Chacune de ces phases s'offrecomme un livre ouvert pour l'analyse, la recherche etla connaissance des civilisations successives de larégion, à travers la période Cañari, le gouvernementinca, la conquête et la colonisation par les Espagnols.

Analyse comparative

Contrairement à de nombreuses villes colonialesportuaires, Cuenca a la particularité d'être une villehistorique de l'intérieur. Elle se distingue aussi deQuito ou Cuzco par son installation sur un site libre, etnon en superposition d'une agglomération existante.

Dans l’étude comparative de l’ICOMOS sur lePatrimoine architectural urbain en Amérique latine,Cuenca figure sur la liste des biens auxquels ondevrait accorder une priorité.

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Recommandations de l'ICOMOS pour des actionsfutures

L’ICOMOS a demandé que la zone tampon fassel'objet d'un nouvel examen quant à son extension etquant aux règlements urbanistiques qui doivent luiêtre appliqués, en particulier à l'échelle desconstructions.

Pour mieux exercer son contrôle, les autoritésdevraient disposer d'un inventaire complet dupatrimoine immobilier du centre historique, enparticulier pour les zones les plus vulnérables, commecelles où s'exercent des activités d'approvisionnementet de commerce.

Une documentation supplémentaire a été remise àl’ICOMOS au moment du Bureau de juillet 1999. Ellea été étudiée et l’ICOMOS considère qu’elle répondaux exigences du Comité.

Brève description

Le centre historique de Cuenca est caractéristiqued'une cité coloniale de l'intérieur, établie dans unevallée entourée des massifs andins. Vouée à laproduction agricole, elle a permis un brassage depopulations indigènes et immigrantes.

Recommandation

Que ce bien soit inscrit sur la Liste du patrimoinemondial sur la base des critères ii, iv et v :

Critère ii Cuenca illustre la parfaiteimplantation des principes de planificationurbaine de la Renaissance aux Amériques.

Critère iv La fusion réussie des différentessociétés et cultures d’Amérique latine estsymbolisée de manière frappante par le tracéet le paysage urbain de Cuenca.

Critère v Cuenca est un exempleexceptionnel de ville coloniale espagnoleplanifiée et située à l’intérieur des terres.

ICOMOS, septembre 1999

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Sammallahdenmäki (Finlande)

No 579 rev

Identification

Bien proposé Site funéraire de l’âge du bronze deSammallahdenmäki

Lieu Lappi Tl., province de Satakunta

État partie Finlande

Date 26 juin 1998

Justification émanant de l’État partie

Le site préhistorique de Sammallahdenmäki forme lemonument le plus grand, le plus varié et le pluscomplet de l’âge du bronze scandinave que l’on puissetrouver sur la côte du golfe de Botnie. Situés dans unpaysage accidenté et rocheux, les tumuli deSammallahdenmäki représentent l’architecturemonumentale de la période à son apogée. De plus,l’ancienne ligne côtière est toujours présente sur lesfalaises de Sammallahdenmäki.

On connaît des tumuli similaires sur la côte ouest dugolfe de Botnie (Ångermanland, Uppland et Medelpaden Suède). Toutefois, les tumuli de pierre connus dansces régions côtières ne forment généralement que depetits groupes seulement, et non de vastesrassemblements comme celui de Sammallahdenmäki.Ensemble, les trente-trois tumuli de Sammallah-denmäki forment un exemple monumental uniquedans la région de la culture scandinave de l’âge dubronze, tant par le nombre et la variété des sépulturesque par la préservation de l’environnement naturel.Les tumuli de Sammallahdenmäki sont en outre destémoignages uniques des pratiques religieuses de l’âgede bronze et de l’architecture monumentale associée.Il est évident que les tombes, situées dans des endroitsextrêmement visibles des falaises côtières, faisaientégalement office de repères.

Le degré d’authenticité de l’aire du site est très élevé,que ce soit par rapport aux sépultures elles-mêmes ouau paysage naturel environnant. Grâce à sa positionisolée et au respect des habitants de la région, ce site aété préservé quasiment intact dans son environnementnaturel primitif. Il se dresse ainsi au milieu d’unpaysage principalement naturel, dénué de structuresplus tardives telles que maisons, routes ou lignesélectriques. Critères iii et iv

Catégorie de bien

En termes de catégories de biens culturels, tellesqu’elles sont définies à l’article premier de laConvention du Patrimoine mondial de 1972, il s’agitd’un site.

Histoire et description

Histoire

La culture scandinave de l’âge du bronze, de 1500avant J.-C. à 500 avant J.-C., incluait la zone côtièrede la Finlande continentale et l’archipel. Dans cetteculture, le bronze est omniprésent, mais l’on ne trouvepourtant ni cuivre ni étain dans la région, métauxqu’on obtenait principalement par le commerce etl’échange. La valeur des objets est encore accentuéepar leur association avec des sites funéraires etreligieux, tels que cairns et autres types de sépultures.

Les cairns funéraires de pierre, construits de blocs derochers, sans remblai, sur des cistes de pierre ou debois, ont été érigés sur les falaises donnant sur la merle long de la côte finlandaise ; plus de 3.000 ont étéidentifiés. Ils abritent des tombes dans lesquelles sontincinérées et inhumées les dépouilles des membres dela communauté, avec tous les objets funérairesassociés.

Le site de Sammallahdenmäki est lié à des rituelsd’adoration du Soleil, culte originaire de Scandinaviequi s’étendit à toute la région. C’est en outre unemanière, pour les groupes familiaux, de délimiter unterritoire, pratique introduite avec l’agriculture. Àl’époque, la colline de Sammallahdenmäki étaittotalement dénuée d’arbres ; elle a probablement étéchoisie pour sa vue parfaitement dégagée sur la mer etson exposition au soleil dans toutes les directions.

En 1891, quatre tumuli ont été mis à jour, ce qui apermis de mieux comprendre leur contenu et leurusage. Le nombre de tumuli connus est plus importantque le nombre d’habitations humaines de l’époque.Ainsi, la distribution des tombes permet de mieuxobserver la répartition de la population humaine.Nombre de tumuli sont directement associés à desinstallations humaines, probablement celles de leursconstructeurs, mais celles qui correspondent auxindividus enterrés à Sammallahdenmäki n’ont pasencore été identifiées.

Description

Le cimetière de Sammalladhenmäki comprend trente-trois tumuli funéraires ; dans toute la Finlande, c’est leplus grand et le plus beau de ces sites, dont vingt-huit tumuli peuvent sans hésitation être datés de l’âgedu bronze ancien. Ces tumuli se dressent le long de lacrête et en haut des versants sur une ligne de 700 m, etsont disposés en plusieurs groupes distincts.

Les structures ont été construites à l’aide de blocs degranit extraits du versant de la falaise au-dessous de lacrête ou trouvés sur le site lui-même. D’autres sont

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faites de maçonnerie de pierres sèches. On peut lesclasser en plusieurs groupes différents, en fonction deleur forme et de leur taille : petits tumuli circulaires etbas, grands tumuli en forme de buttes, et tumulicirculaires dotés de murs. Ils entourent des cistes faitsde dalles de pierre.

Ce site abrite également deux structures inhabituelles.L’une est ovale et allongée (24 m sur 7,5 – 8 m) etsemble avoir été agrandie en trois étapes successives.Elle ne contient que du charbon, et aucun ossementsn’y ont jamais été découverts. Quant à la seconde, ils’agit d’un grand tumulus quadrangulaire, connu sousle nom de “ plancher de l’église ” (Kirkonlaatia),unique en Finlande et extrêmement rare enScandinavie. De surface plane, il ne possède aucunmur extérieur et les strates de pierre s’amincissent versle centre. Les fouilles ont révélé, en son centre, unestructure interne faite de dalles de pierre. Il restedifficile de déterminer si cette structure était associée àdes cérémonies religieuses ou s’il s’agit d’une tombe.

Aucun des tumuli de Sammallahdenmäki n’a livréd’outils de bronze. Leur disposition et leuremplacement indiquent qu’ils appartiennent sans nuldoute à l’âge du bronze ancien.

Gestion et protection

Statut juridique

La zone des tumuli proposée pour inscription, quicouvre 35 hectares, est protégée en vertu desdispositions de la loi finlandaise sur les Antiquités(295/63), aux termes de laquelle creuser, couvrir,modifier, endommager ou enlever un monumentantique sans autorisation préalable du conseil nationaldes Antiquités (Museovirasto) est un délit. Les limitesdu site et de sa zone tampon (55 hectares) ont étédéfinies en 1993 par le gouvernement provincial, enaccord avec le conseil national.

Le site et ses alentours sont également protégés par lesystème régional de planification finlandais. Les plansrégionaux, qui doivent être approuvés par le ministèrede l’Environnement, constituent la forme la plusstricte de protection législative en Finlande. Dans lesplans régionaux successifs établis pour Satakunta de1985 à ce jour, la zone tampon est présentée commeun “ environnement à l’importance culturelle ethistorique tel que défini aux termes des critèrespaysagers, historiques, architecturo-historiques ouartistiques ”.

Gestion

Le site est une propriété privée.

Le conseil national des Antiquités est responsable dela gestion du site. Il n’existe aucun personnelpermanent spécialement chargé de la promotion ou dela maintenance du site.

L’agriculture est la seule forme de développementautorisée dans la zone. Aucune opération de

construction ou opération d’abattage ne sont permisessans l’autorisation préalable de l’instance compétente.La zone tampon se compose principalement decultures, de champs et de zones boisées ; elle estcontiguë à la réserve naturelle de Saarnijärvi, une zonenaturelle protégée.

Le plan de gestion du site élaboré par le conseilnational des Antiquités vise à le conserverparfaitement intact. La maintenance se limite àl’enlèvement des branches et des arbres tombés sur lesite et à l’entretien de ses chemins, ainsi qu’àl’élimination des jeunes pousses d’arbrisseaux sur lestumuli eux-mêmes. Selon les estimations, ce travail neprend que quelques jours par an. Les visiteurs sontguidés par des chemins marqués. La compréhension etla présentation du site ne peut se faire sans prendre enconsidération la valeur significative de son aspectnaturel.

Une centaine de personnes visitent le site chaqueannée, principalement des écoliers locaux. Lestouristes peuvent accéder à la zone par des routessignalisées partant des plus grandes autoroutes. Deplus, un panneau multilingue affiche des informationssur le site, et des visites guidées peuvent êtreorganisées par l’intermédiaire du conseil national desAntiquités.

Ce site fait partie de la route touristique des“ Empreintes des Ancêtres ”, élaborée par un office dutourisme local. Cette initiative s’inscrit dans un projetplus vaste, le Registre d’inscription des sites detourisme préhistoriques.

Conservation et authenticité

Historique de la conservation

Ce site a été pour la première fois mentionné en 1878,dans un inventaire des sites anciens de la région.Certaines fouilles sont supposées avoir eu lieu surquelques tumuli, mais il n’existe apparemment aucuncompte-rendu des résultats. Les premières fouillesscientifiques ont eu lieu en 1891, révélant la présencede dix-sept tumuli. En 1961, une étude a noté laprésence de vingt-six tumuli, et un projet decartographie de la région, en 1990, en a enregistré autotal trente-trois.

Peu de travaux de restauration ou de reconstructionont été jugés nécessaires. Les tumuli fouillés en 1891et ces dernières années ont été rendus à leur étatoriginel. D’autres, pillés au XIXe siècle, ont été laissésen l’état dans lequel ils ont été trouvés après cesinterventions illégales, car il n’existe aucuneinformation sur leur forme et leur taille originale.

Authenticité

Le degré d’authenticité du site est très élevé. En effet,les tumuli sont faits de granit, roche qui ne s’érode pasfacilement. Les environs sont restés intacts et lestumuli eux-mêmes n’ont que très peu été modifiés, àl’exception de la poignée d’entre eux qui a été pillée

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au XIXe siècle et de ceux qui ont été fouillés.L’emplacement isolé du site l’a mis à l’abri dudéveloppement ; en outre, la population locale s’estenorgueillie de le protéger elle aussi.

Évaluation

Action de l’ICOMOS

Une mission d’expertise de l’ICOMOS s’est rendue surle site en mai 1999.

Caractéristiques

Le site de Sammallahdenmäki offre une perspectived’une valeur incommensurable sur l’âge du bronzedans la région. L’état complet et l’intégrité du site enfont une ressource incomparable pour les futuresrecherches sur le comportement social des sociétés del’époque.

Analyse comparative

L’ICOMOS a consulté le professeur John Coles(anciennement de l’université de Cambridge,Royaume-Uni), reconnu comme l’expert le plusimportant de l’âge du bronze en Europeseptentrionale, quant à l’importance culturelle relativedu cimetière de Sammallahdenmäki. Dans son rapport,il souligne que “ les tumuli sont... spectaculaires depar leur emplacement,... ils n’ont pour la plupartjamais été examinés, et sont isolés ”, et par conséquent“ présentent un portrait quasi unique d’un paysage del’âge du bronze qui n’a pas été touché par les horreursmodernes telles que voitures et lignes électriques …(le site) mérite fortement d’être considéré pourinscription”.

Recommandations de l’ICOMOS pour des actionsfutures

La décision de laisser l’environnement desmonuments en l’état est bienvenue, car elle augmenteles chances d’étude du contexte environnemental.

Toutefois, l’État partie devrait être encouragé àprendre des dispositions en vue de l’impact d’uneéventuelle inscription sur la Liste du patrimoinemondial, qui augmenterait inévitablement le nombrede visiteurs. Une campagne de promotion d’envergurenationale et internationale s’impose, afin desensibiliser le public à la valeur scientifique etsymbolique de ce site.

Les éléments du plan de gestion en cours depréparation (conformément au Guide de gestion dessites du patrimoine culturel mondial de l’ICCROM-UNESCO-ICOMOS) ont été communiqués à lamission d’expert de l’ICOMOS. Les mesures sontclassées selon quatre degrés de priorité. Priorité A :relevé topographique et archéologique et protectiondes cairns ; priorité B : interprétation (signalisation,brochures, etc.) et consultation de la communautélocale ; priorité C : amélioration du site des cairns (ycompris la gestion des terrains boisés), accès

handicapés et plans d’urgence pour une augmentationlimitée du nombre des visiteurs et enfin, priorité D :plans d’urgence pour une augmentation importante dunombre des visiteurs.

L’ICOMOS approuve les mesures prises par l’Etatpartie mais recommande cependant que soit accordéeune plus grande priorité aux plans d’urgences afind’affronter l’augmentation prévisible du nombre desvisiteurs.

Brève description

La trentaine de tumuli funéraires de granit ducimetière de l’âge du bronze de Sammallahdenmäkiest un témoignage exceptionnel des structures socialeset religieuses de l’Europe du Nord il y a plus de troismillénaires.

Recommandation

Que ce bien soit inscrit sur la Liste du patrimoinemondial sur la base des critères iii et iv :

Critère iii Les cairns du cimetière deSammallahdenmäki apportent un témoignageexceptionnel sur la société de l’âge du bronze enScandinavie.

Critère iv Le cimetière de Sammallahdenmäki estun exemple remarquable des pratiques funérairesde l’âge du bronze en Scandinavie.

ICOMOS, septembre 1999

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Saint-Emilion (France)

No 932

Identification

Bien proposé La Juridiction de Saint-Emilion

Lieu Région Aquitaine, Département de laGironde

Etat partie France

Date 30 juin 1998

Justification émanant de l’Etat partie

Le site de l’ancienne juridiction de Saint-Emilion porteun témoignage exceptionnel sur une tradition culturelleet une civilisation vivante, celle de la vigne. Critère iii

Il offre un exemple éminent à la fois d’un ensemblearchitectural de grande qualité, particulièrement lesédifices religieux et civils de la commune de Saint-Emilion, et d’un paysage illustrant plusieurs périodessignificatives de l’histoire humaine – occupation desgrottes naturelles dès la Préhistoire, utilisation desressources géographiques et climatiques pour la créationd’un type particulier d’exploitation. Critère iv

Il constitue un exemple marquant d’occupation duterritoire représentatif d’une culture et est untémoignage unique de la parfaite symbiose entre unterroir, des hommes et une production. Critère v

Catégorie de bien

En terme de catégories de bien culturel telles quedéfinies à l’article premier de la Convention dupatrimoine mondial de 1972, le bien proposé est un site.C’est aussi un paysage culturel tel que défini à l’article39 des Orientations devant guider la mise en œuvre dela convention du patrimoine mondial.

Histoire et description

Histoire

Les premières traces d’établissement humain dans larégion de Saint-Emilion remontent au moins auPaléolithique supérieur (35000-10000 av. J.-C.). Lemenhir de Pierrefitte confirme la présence humaineaux Ve et IVe millénaires av. J.-C. La région étaitdensément peuplée durant la période celto-gauloisecomme l’atteste l’oppidum (ville fortifiée) construit

sur le plateau surplombant la ville actuelle de Saint-Emilion.

L’occupation romaine commença lorsque Augustecréa la province d’Aquitania en 27 av. J.-C. Avec laprospérité de Burdigala (Bordeaux), Valerius Probusutilisa ses légions pour déboiser la forêt de Cumbrisen 275 av. J.-C et planta le premier vignoble engreffant de nouvelles variétés de vignes sur la vitisbiturica qui poussait à l’état sauvage dans la région.Les traces d’occupation romaine sont nombreuses, enparticulier les riches villas, et c’est là que le poètelatin Ausone se retira lorsqu’il cessa ses activitéspubliques au IVe siècle.

Les premiers monastères chrétiens apparaissent audébut du VIIe siècle. Une légende raconte qu’aumilieu du VIIIe siècle, un moine breton, Emilian,chercha refuge dans la communauté bénédictine etmena une vie d’ermite dans une grotte. Ses nombreuxmiracles attirèrent de nombreux compagnons quivécurent selon la règle de saint Benoît. Ilscommencèrent à construire l’église monolithe qui nesera terminée que trois siècles plus tard. La région setrouvant sur le chemin du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle, elle connut à partir du XIe siècle unegrande prospérité et de nombreux monastères, égliseset autres institutions religieuses furent fondés. Laconstruction des nombreux bâtiments de pierreaccompagnant ce développement donna lieu à uneexploitation intensive des carrières de l’excellentepierre calcaire de la région jusqu’au XVIIIe siècle.

Lorsque Aliénor d’Aquitaine épousa HenriPlantagenêt, qui devint Henri II d’Angleterre, la villede Saint-Emilion, à l’époque fortifiée, fut rattachée àla couronne d'Angleterre, en même temps que laGuyenne. En 1199, Jean sans Terre accorda à la villeses premières libertés.

En 1224, lorsque cette partie de la Guyenne fut reprisepar la France, Louis VIII commença la constructiondu Château du roi qui ne devait être achevé qu’en1237 par Henri III d’Angleterre. En 1298 Edouard Iersigna un décret définissant les limites de la jurade.Cinq ans plus tard, elle repassa sous la dominationfrançaise avec Philippe Le Bel, puis elle changea demains à plusieurs reprises pendant la guerre de CentAns.

En 1453 elle devint définitivement française, et troisans plus tard, Charles VII confirma tous les privilègesaccordés par les Anglais à la ville pour aider à sonrétablissement. Elle devait souffrir à nouveau pendantles guerres de religion à la fin du XVIe siècle et,malgré les efforts de Louis XIV, elle perdit sa placedominante face à Libourne. C’est ce qui explique quela ville conserva son apparence médiévale jusqu’auXVIIIe siècle, période à laquelle ses fortificationsfurent démantelées. De profonds changements sociauxse produisirent sous la Révolution qui détruisitl’ancien ordre datant du Moyen Age, et de nombreuxanciens bâtiments furent démolis ou tombèrent enruine.

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Ces événements eurent un effet néfaste sur lesvignobles et ce ne fut pas avant 1853 que Saint-Emilion commença à se relever, grâce à ses vignobles.Pendant les XIIe et XIIe siècles, ils avaient produit ceque l’on appelait des vins honorifiques parce qu’ilsétaient présentés en cadeaux aux rois et auxpersonnages importants, ce qui donne une indicationde leur qualité. Un corps réglementaire dénommé laJurade contrôlait la qualité du vin de Saint-Emilion etaccordait cette appellation à un nombre limité de vins.

La demande des consommateurs flamands au XVIIIe

siècle entraîna un accroissement de l’activité viticole,car la qualité des vins de Saint-Emilion permettait leurtransport par bateau sans que le vin tourne au vinaigre.La qualité exceptionnelle des vins de la région futreconnue au cours de ce siècle, comme l’atteste lesarchives innombrables de cette époque. Sous leSecond Empire, la production de vins rouges segénéralisa dans la région, remplaçant les vins blancsqui étaient plus communs au Moyen Age. Leurdistribution fut grandement facilitée par l’ouverture en1853 de la ligne de chemin de fer entre Paris etBordeaux.

En 1867 les vins de Saint-Emilion obtinrent lamédaille d’or de l’Exposition universelle, suivie par laplus haute distinction, le Grand Prix Collectif del’Exposition universelle de 1889. La Jurade, qui avaitété supprimée pendant la Révolution, fut restaurée en1948, et continue d’assurer la qualité des vins deSaint-Emilion.

La première classification des vins de Saint-Emilionpar l’Institut National des Appellations d'Origine(AOC) intervint en 1954, lorsque quatre appellationsfurent définies. Leur nombre fut réduit à deux - Saint-Emilion et Saint-Emilion Grand Cru - en 1984. Parrapport à d’autres régions viticoles du Bordelais,Saint-Emilion s’est distingué par ses innovations,telles que la création du premier syndicat vinicole en1884 et les premières caves coopératives de laGironde en 1932.

Actuellement, les vignobles de Saint-Emilionproduisent annuellement en moyenne 230000hectolitres de vin (rouge), soit 10% des vins AOC dela Gironde.

Description

Les 7846ha qui sont l’objet de cette propositiond’inscription couvrent huit communes, correspondentà la juridiction établie au XIIe siècle par Jean sansTerre, roi d’Angleterre. Elle est bordée au nord par laBarbanne, un affluent de l’Isle, au sud par laDordogne, à l’ouest par le territoire de Libourne et àl’est par celui de Castillon-la-Bataille.

Le relief se caractérise par une succession de stratescalcaires qui s’entrecroisent dans le paysage. Cetteforme géologique disparaît dans le nord, en mêmetemps que le grès tendre qu’elle recouvre et fait placeà un mélange hétérogène de sables argileux et degraviers plongeant vers le sud. Deux types de pentessont clairement identifiables : celles du nord sont

douces et entrecoupées de vallées, celles du sud sontabruptes et plongent dans la vallée de la Dordogne enformant des vallées concaves (combes), dans l’unedesquelles se trouve la ville de Saint-Emilion.

Le climat convient admirablement bien à la viticulture– des hivers doux et humides qui commencent tarddans l’année, des étés chauds également tardifs et desautomnes ensoleillés qui favorisent le mûrissementdes raisins. Le paysage est celui d’une monoculture,des vignobles exclusivement qui occupent quelque5400ha, soit plus de 67.5% de la superficie totale.Hormis les établissements humains, les seules autrestraces d’exploitation sont les carrières abandonnéesqui fournissaient la pierre calcaire des bâtimentspublics et religieux de Bordeaux et de ses environsjusqu’au XVIIIe siècle.

La longue histoire viticole a marqué de manièrecaractéristique les monuments et l’architecture.Toutefois avant que la viticulture ne prédomine, desdemeures seigneuriales, des châteaux médiévaux etRenaissance, ont été construits sur des hauteurs. Parexemple, le château Laroque, du XIIIe siècle (Saint-Christophe-des-Bardes), le Château de Preyssac duXIVe siècle (Saint-Etienne-de-Lisse) et le ChâteauFerrand du XVIe siècle (Saint-Hippolyte).Les « châteaux » des vignobles sont quant à eux situésau centre de leur domaine. Ils datent du milieu duXVIIIe siècle (Château Ausone, Château Canon) audébut du XIXe (Château Cheval-Blanc, ChâteauMondot) jusqu’à la fin du XIXe et le début du XXe

siècles (Château Laroze, Château La Gaffalière). Lespremiers édifices sont de style classique relativementsobre tandis que les derniers sont plus extravagants.

Les villages sont caractérisés par des maisons depierre modestes, habitées par des ouvriers agricoles,datant de la première moitié du XIXe siècle. Ellesn’ont jamais plus de deux niveaux et sont rassembléespar petits hameaux. Les chais sont de grandesstructures rectangulaires et fonctionnelles, construitesen pierre ou pierre et briques, avec des toits de tuiles àdouble pente. On a commencé à les construire dans lesannées 1930, soit comme nouvelles constructions, soitcomme des réutilisations de structures plus anciennes.

Les villes et villages de la région renferment denombreux monuments historiques. A Saint-Emilion,les monuments religieux les plus importants sontl'ermitage ou grotte de Saint-Emilion, l’églisemonolithe surmontée de son clocher, les catacombesmonastiques du Moyen Age et l’église collégiale avecson cloître. Cet ensemble, essentiellement roman àl’origine, se regroupe autour du centre de pèlerinagedu saint ermite. Il y a également un groupe demonuments séculiers, notamment le donjon massif duChâteau du Roi et les ruines élégantes du PalaisCardinal. Il y a de jolies églises romanes dans chacundes sept autres villages. L’énorme menhir dePierrefitte est sur la commune de Saint-Sulpice-de-Faleyrens.

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Gestion et protection

Statut juridique

Depuis juin 1968 Saint-Emilion est un site protégé ; ladésignation inclut la totalité de la cité médiévale. En1986 une zone de protection, un secteur sauvegardé, aété créée au titre de la "Loi Malraux" de 1962. Denombreux monuments et sites situés dans les huitcommunes sont également protégés par la loi.

Saint-Emilion, Saint-Christophe-des-Bardes et Saint-Sulpice-de-Faleyrens ont des Plans d'Occupation desSols - POS - qui réglementent toutes les formes dedéveloppement dans leurs limites.

Les zones de production de vin sont protégées par undécret de 1980 du Ministère de l’agriculture quidésigne le groupe des communes produisant des vinsAOC comme étant d’intérêt public. D’autresinstruments juridiques de 1990 et 1998 réglemententtoute intervention sur la terre qui risquerait de porterpréjudice à son intégrité.

En 1991 les zones boisées au sommet des plateaux desterritoires de cinq des communes étaient inscrites àl’inventaire Znieff comme "zone naturelle d’intérêtécologique, faunistique et floristique". Cela n’a pas deforce réglementaire mais une influence évidente surles POS ; ils figurent déjà dans ceux de Saint-Christophe-des-Bardes et Saint-Emilion.

Gestion

La propriété de chacun des biens individuels quiconstituent cette proposition d’inscription est détenuepar des personnes privées, des institutions ou desorganismes publics à différents niveaux.

Il n’existe pas de plan de gestion global pour larégion, mais trois communes ont un POS. En 1966, leSyndicat Intercommunal à Vocation Multiple(SIVOM) de la juridiction de Saint-Emilion, couvrantles huit communes, a été créé pour coordonner "lesœuvres et services présentant un intérêt général pourtoutes les communes associées". Parmi sesprérogatives, il y a la protection et la préservation desmonuments historiques de sa juridiction. Saint-Emilion s’est servi de cette structure pour éliminertoutes les antennes de télévision de la ville.

Le SIVOM de Saint-Emilion prépare actuellement unplan global de conservation pour la protection de latotalité du paysage et du patrimoine architectural, avecle soutien du Conseil régional de l’Aquitaine et leConseil général de la Gironde.

Conservation et authenticité

Historique de la conservation

Il existe une longue tradition de conservationsystématique des principaux édifices religieux etpublics de la région, en particulier ceux qui sontprotégés par la loi sur les monuments historiques. En

conséquence, l’ensemble jouit d’un haut degré deconservation. La consolidation des édifices protégésest en cours, et le POS de Saint-Emilion est appliquéafin d’assurer le maintien du paysage des rues de laville, sans nouvelles constructions à proximité desmonuments historiques.

Authenticité

Le niveau d’authenticité est élevé dans les zonesurbaines. Cela est confirmé si l’on se reporte aux planset aux documents photographiques historiques.

Evaluation

Action de l’ICOMOS

Une mission d’expertise de l’ICOMOS a visité la zoneproposée pour inscription en janvier 1999.

Caractéristiques

La Juridiction de Saint-Emilion et ses huit communesconstituent un ensemble remarquable d’une valeurmonumentale et paysagère incontestable. Lesnombreux monuments de la région, dont certains sontd’une valeur exceptionnelle, tels que le menhir dePierrefitte ou l’église de Saint-Emilion, symbolisentadmirablement l’histoire de la région et la richesse desdifférentes cultures qui y ont laissé leur empreinte,créant un patrimoine monumental inestimable. Leshuit communes tirent un caractère spécial de lamanière dont elles ont évolué par rapport aux besoinsde l’existence humaine. Le plus important toutefois estla manière dont toutes ces activités se sont conforméesaux caractéristiques du paysage. Sans le détruire, lescommunautés humaines ont tiré le meilleur parti deses caractéristiques dans l’aménagement du paysagepour développer leurs activités et leur manière devivre. L’exploitation des carrières, l’établissement etle développement urbain, la construction des églises,des monastères et des maisons d’habitation – tout celaa créé une communauté en parfaite harmonie avec latopographie. La recherche de la qualité, le respect dusol et le développement des techniques de productionont assuré la survie et consolidé la beauté del’ensemble.

Pour cette raison, la Juridiction de Saint-Emilion estentièrement conforme à la deuxième catégorie depaysage évolutif (Orientations devant guider la mise enœuvre de la Convention du patrimoine mondial,paragraphe 39) – un paysage vivant qui conserve unrôle social actif dans la société contemporaine,étroitement associé au mode de vie traditionnel danslequel le processus évolutif se poursuit, et qui enmême temps montre des preuves manifestes de sonévolution au cours des temps.

Analyse comparative

L’ICOMOS est d’avis que Saint-Emilion estexceptionnel, réunissant comme il le fait desmonuments d’une qualité extraordinaire qui sontdemeurés intacts à travers les âges, avec un paysage

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d’une grande beauté et d’une grande stabilité quijustifient leur inscription sur la Liste du Patrimoinemondial.

Observations de l’ICOMOS

Bien que la totalité de la zone proposée pourinscription soit protégée par diverses lois, il manqueun plan d’ensemble qui définisse et évalue lescomposantes du paysage et établisse des dispositionsgénérales pour la formulation de plans de gestion plusprécisément définis.

Cette carence a été signalée pendant la visite de lamission d’expertise de l’ICOMOS aux autoritéscompétentes qui sont prêtes à commencer des travauxde planification dans un délai aussi court que possible.L’ICOMOS ne croit pas qu’il faille différer l’examende cette proposition dans l’attente de la conception etde la réalisation de ce plan, mais il est d’avis quel’Etat partie doit s’engager fermement à prendre desmesures urgentes.

Sachant que d’autres propositions d’inscription depaysages viticoles peuvent être faites dans les années àvenir, l’ICOMOS effectuera une étude comparative auniveau européen avec des biens similaires.

Recommandation

Que ce bien soit inscrit sur la Liste du Patrimoinemondial sur la base des critères iii et iv :

Critère iii La Juridiction de Saint-Emilion est unexemple remarquable d’un paysage viticolehistorique qui a survécu intact et est en activité denos jours.

Critère iv La Juridiction historique de Saint-Emilion illustre de manière exceptionnelle laculture intensive de la vigne à vin dans une régiondélimitée avec précision.

ICOMOS, septembre 1999

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Museumsinsel (Allemagne)

No 896

Identification

Bien proposé Museumsinsel (île des Musées)

Lieu Land de Berlin

État partie République fédérale d’Allemagne

Date 25 juin 1998

Justification émanant de l’État partie

La Museumsinsel de Berlin est un complexe d’édificescomposé de musées individuels d’une importancehistorique et artistique remarquable, situé au cœur de lacité, et, en tant que tel, il satisfait les critères de laConvention du patrimoine mondial pour les biensculturels.

Les édifices individuels érigés au cours du XIXe sièclepar les architectes allemands les plus renommés formentun complexe unique dont la seule raison d’être estmuséologique ; ce complexe, en forme de couronne,constitue l’un des fleurons du tissu urbain.

La Museumsinsel est une archive visible de l’évolutiondes valeurs humaines mentionnées dans les Orientationsdevant guider la mise en œuvre de la Convention dupatrimoine mondial car elle représente un témoignagearchitectural remarquable du nouveau concept de muséed’art qui vit le jour en Europe après la Révolutionfrançaise et s’adressait notamment à la classe moyenne.La Museumsinsel illustre en outre – comme le montrel’ordre chronologique de ses musées individuels –l’évolution qu’a connu le musée d’art du début du XIXe

siècle au XXe siècle : d’abord lieu central des aspirationsà l’éducation de la classe moyenne, puis lieu d’identiténationale, et enfin allié du pouvoir impérial.

Critère ii

Dans le même temps, la Museumsinsel est un exemplearchitectural remarquable d’un type de construction quiatteste une étape importante dans le développement del’histoire de l’humanité. Les différentes conceptions desbâtiments individuels de la Museumsinsel illustrentdans un espace confiné le développement typologiquedu musée d’art européen, depuis le temple del’éducation de la classe moyenne (Altes Museum,Nationalgalerie) au bâtiment d’exposition à laconception sobre qui tire tout son orgueil des œuvresexposées (intérieur du Pergamonmuseum). En outre, lesmusées individuels s’harmonisent si bien les uns avecles autres en termes de conception que la Museumsinselprésente le musée d’art comme un type d’édifice, selon

une approche architecturale et urbaniste unique.Critère iv

La Museumsinsel, avec sa collection d’œuvres d’art derenommée mondiale et ses magnifiques édifices, est unlieu d’une signification artistique exceptionnelle.

Critère vi

Catégorie de bien

En termes de catégories de biens culturels, tellesqu’elles sont définies à l’article premier de laConvention du Patrimoine mondial de 1972, il s’agitd’un ensemble.

Histoire et description

Histoire

Le développement de la partie de la Spreeinselaujourd’hui connue sous le nom de Museumsinsel acommencé avec le jardin d’agrément (Lustgarten) pourle Stadtschloß (palais) au XVIe siècle. Toutefois, elle n’apris son importance actuelle qu’avec la construction del’Altes Museum d’après les dessins de Karl FriedrichSchinkel en 1824-1828.

Un plan de développement de la partie de l’île situéederrière ce musée, jusque là utilisée à des finscommerciales, comme un « sanctuaire des arts et dessciences », fut élaboré en 1841 par l’architecte de lacour, Friedrich August Stüler, sur les ordres de Frédéric-Guillaume IV. Le premier élément de ce plan à êtreconstruit fut le Neues Museum (1843-1847). L’étapesuivante n’eut pas lieu avant 1866, quand laNationalgalerie, œuvre de Johann Heinrich Strack, futconstruite.

Vingt ans encore passèrent avant que le Kaiser-Friedrich Museum (aujourd’hui Bodemuseum) ne soitconstruit en 1897-1904 selon les plans d’Ernst vonIhne, et le plan de Stüler fut achevé en 1909-1930 avecla construction du Pergamonmuseum d’Alfred Messel.

Description

Le complexe de la Museumsinsel se compose de cinqmusées.

- Altes Museum (Ancien Musée)

Il s’agit d’une structure sur deux niveaux, de planrectangulaire et à la base haute, dont les sallesd'exposition s’organisent autour de deux coursintérieures et d’une rotonde sur deux niveaux dotéed’un lanterneau. Les élévations sur le côté et l’arrièresont relativement neutres, mais celle qui fait face ausite de l’ancien Schloß est un haut portique soutenupar dix-huit colonnes ioniques de grès et deuxpilastres d’angle. L’accès se fait au moyen d’unescalier d’une largeur de sept travées, doté de largeslimons.

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- Neues Museum (Nouveau Musée)

La disposition du Neues Museum est comparable à cellede l’Altes Museum, mais la rotonde de ce dernier estremplacée par un escalier principal monumental. Àl’encontre de l’Altes Museum, auquel un passage lereliait à l’origine, c’est une structure relativement sobre,plus dans le style de l’école Schinkel. Son articulationprovient d’un haut parapet, avec des sculptures d’angle,de fenêtres dont les meneaux sont décorés de figuresd’enfants, de corniches et de pilastres d’angle. Unegrande partie des sculptures décoratives a été détruitepar les bombardements de la guerre, mais certainséléments ont été restaurés et replacés.

L’intérieur richement décoré contraste avec la sobriétéde l’extérieur. Une grande partie de l’ornementationoriginale a été détruite, mais la décoration de la secondecour intérieure (« la cour grecque »), notamment la frisemonumentale illustrant la destruction de Pompéi, estquasiment intacte.

On note une caractéristique structurelle novatrice etintéressante. Les voûtes basses traditionnelles desplafonds, avec des poutres de bois et de la maçonnerie,sont remplacées au troisième étage par une structuredotée d’arcs de fonte et de paires de membrures de ferforgé. Cette construction légère était rendue nécessairepar des fondations médiocres.

- Nationalgalerie (Galerie nationale)

Une base haute en pierres de taille, en forme de bloc etdotée de fenêtres rectangulaires, est surmontée d’untemple corinthien pseudo-diptère de type in antis, àportique ouvert. On remarque également de hautesfenêtres rectangulaires dans le mur extérieur, derrière lescolonnes. L’arrière est en forme de conque semi-circulaire. Un escalier ouvert à deux rampes, avec cinqvolées de marches, mène au portique à frontons et à sescolonnes corinthiennes. L’édifice est revêtu de grèsNebra.

Cet immeuble à quatre niveaux présente un planrectangulaire et des caractéristiques sur la façade arrièreévoquant une abside. Une cave et un étage d’expositionse trouvent au sous-sol, et deux salles d’exposition dansla superstructure. La décoration luxuriante reprend uneimagerie symbolique, sous forme de sculptures, dereliefs et de peintures. L’étage d’exposition supérieurétait à l’origine disposé comme une salle de banquet,mais il accueille maintenant des expositions.

- Jardins

La Nationalgalerie donne sur les jardins qui occupentl’espace circonscrit par le Neues Museum, laBodestraße et la rive de la Sprée. Leur conceptionformelle et simple, remplace la disposition élaboréed’origine avec des colonnades et des pavillons.

- Bodemuseum (Musée Bode)

Cette structure néo-baroque occupe une positiondominante à la pointe nord-ouest de l’île. Revêtue de

grès, dotée d’une base de pierre peu élevée, elle sedresse sur deux niveaux, liés par des pilastrescorinthiens et couronnés d’une balustrade. Lesélévations longitudinales présentent deux projectionslatérales à frontons, avec des doubles colonnes adosséescorinthiennes. La façade arrondie de l’entrée est décoréedes mêmes colonnes et d’arcs ouverts en plein cintre.L’entrée, avec son impressionnant escalier, se trouvesous le plus petit des deux dômes. Elle donne sur deuxailes latérales et une section centrale, reliées par dessections transversales, formant ainsi cinq coursintérieures. La salle principale du musée, dite Basilique,prend modèle sur l’église à dôme de San Salvatore alMonte, à Florence, et est embellie d’œuvres d’art qui luidonnent l’apparence d’un intérieur d’église de laRenaissance.

- Le Pergamonmuseum (Musée de Pergame)

Ce musée à trois ailes a été construit pour présenter lescollections d’antiquités qui s’étaient considérablementaccrues après les fouilles allemandes à Pergame et dansd’autres sites grecs d’Asie mineure, ainsi que lesantiquités mésopotamiennes abritées précédemment parle Vorderasiatisches Museum (Musée du Proche-Orient).

De style sobre, il se conforme à la tradition de Schinkel,mais dans une optique moderne et suggérant égalementl’architecture classique. Il s'élève directement depuis laSprée, comme le Bodemuseum, avec lequel ils’harmonise en termes d’échelle et de proportions. Lecorps central et les ailes latérales, sans fenêtre, sontstructurés par de gigantesques pilastres plats et desfrontons abrupts ; on note en outre des traits archaïquestels que les demi-colonnes doriques et la superstructurecentrale à degrés. Certains changements des élémentsextérieurs ont été imposés à l’architecte, Alfred Messel,mais la modernité globale de sa conception a dépassél’augmentation de la hauteur des avant-toits,l’aplatissement des frontons et l’ajout d’une frise àmétopes et à triglyphes.

- Ponts

La zone proposée pour inscription inclut également lepont Montbijou, en face du Bodemuseum, une structureà deux arches de style baroque, et le pont de Fer àl’extrémité de la Bodestraße.

Gestion et protection

Statut juridique

La zone proposée pour inscription a été l’objet deprotection dès le début du siècle (législations de1907,1909 et 1923). En 1997 la Museumsinsel a étéinscrite à la « Liste centrale des monuments de laRDA » comme un ensemble remarquable demonuments d’importance nationale et internationale.La Loi de protection des monuments et des sites àBerlin, adoptée en 1995 prévoit trois degrés deprotection juridique de la Museumsinsel : uneprotection en tant que Monument historique classé-ensemble englobant tout son territoire avec les

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bâtiments, les espaces libres entre ces derniers et lesponts attenants ; une protection en tant quemonuments individuels classés : monumentsarchitecturaux (les bâtiments, le viaduc, le Pont de Feret le Pont de Monbijou et les jardins commemonuments paysagers) ; une protection en tantqu’abords autour de chacun de ces monuments.

Le territoire contigu du côté ouest, nord etpartiellement est de la Museumsinsel se trouve aussisous protection juridique en tant que Monumenthistorique classé - ensemble. Une partie de ceterritoire protégé est incluse dans le dossierd’inscription comme zone tampon autour de laMuseumsinsel.

Les plans d’urbanisme en vigueur - Plan d’occupationdes sols (FNP) et Plan d’aménagement- contiennentdes dispositions pour la sauvegarde du tissu urbaindes ensembles protégés de l’arrondissement Mitte.Des instruments juridiques en vigueur permettent auxautorités compétentes du Land d’intervenir lors detoute procédure en rapport avec les plans d’urbanismeet d’agir par le moyen des permis de construire.

(A propos de la zone tampon voir les« Recommandations de l’ICOMOS pour des actionsfutures »).

Gestion

La gestion d’ensemble de la Museumsinsel, de sesbâtiments et ses collections est exercée par laFondation Patrimoine culturel de Prusse (StiftungPreussicher Kulturbesitz - SPK) qui assure lamaintenance des valeurs et coopère avec d’autrespartenaires en leur confiant des activités spécialiséesde préservation. En tant qu’organismes étatiquesresponsables, le Gouvernement fédéral et tous lesLänder, participent aux travaux de la SPK, ce qui estpour la Fondation une source de grandes possibilitésfinancières, de force et de souplesse dans la gestion.

Au niveau fédéral, c’est le ministère fédéral de laPolitique régionale, du Bâtiment et de l’Urbanismequi exerce le contrôle professionnel sur les travaux deconstruction, tandis que l’Office fédéral des Travauxpublics et de l’Aménagement du territoire (Bundesamtfür Bauwesung und Raumordnung - BBR) prend soinde la planification, des interventions de conservation,des travaux de construction, des expertises, desconceptions, des propositions techniques, etc. que laFondation (SPK) doit lui confier. Au niveau du Landde Berlin, c’est le Département de l’urbanisme, del’environnement et de la technologie auprès du Sénatdu Land qui supervise la planification et les travauxdans la Museumsinsel, tandis que l’Office desmonuments du Land de Berlin (LandesdenkmalamtBerlin - LDA) définit toute les mesures de protectionet de préservation. Enfin, au niveau del’arrondissement Mitte, les autorités locales de laconservation sont compétentes pour tout ce quiconcerne les zones protégées en dehors de laMuseumsinsel.

Grâce à l’interaction constante entre les principauxpartenaires SPK – BBR- LDA et également avec laparticipation des autres acteurs, l’efficacité de lagestion du bien est garantie.

Conservation et authenticité

Historique de la conservation

Pendant la Deuxième guerre mondiale les bâtimentsde la Museumsinsel, et surtout l’Ancien musée, leNouveau musée et la Galerie nationale subirent desdommages, parfois même une destruction partielle.Après la guerre toute une série de travaux deconservation ont été réalisés (dans les années 1950,1960, 1980 et 1990) visant à éliminer lesconséquences de ces dégâts. La typologie desinterventions effectuées jusqu’à présent comprend laconservation, la restauration, la reconstruction (quirétablit des parties et des éléments de bâtiment détruitsà l’aide de matériaux anciens ou nouveaux avecréintégration d’éléments préservés, d’après unedocumentation précise), la consolidation d’élémentsde la construction, la maintenance, la réparation desubstance détériorée et, dans des cas limités,l’inclusion d’éléments nouveaux (par exemple lesvitres entre la colonnade de l’Ancien musée, dontl’élimination est prévue).

Certains travaux de conservation réalisés tôt après laguerre et accusant de mauvais matériaux ou uneexécution de qualité insuffisante ont dépassé leslimites de leur durée de vie et sont maintenant l’objetde révisions et d’actions correctives.

Actuellement toute une stratégie de conservationintégrale et de grande envergure est en voie deréalisation, avec des garanties en matière definancement, de savoir professionnel et de qualité dela gestion. Cette stratégie est conçue à partird’expertises détaillées pour chaque chantier Ellefournit le cadre des conceptions, propositions et plans,aux différents niveaux pour la préservation et la miseen valeur futures aussi bien de l’ensemble tout entier,que de chacun de ses éléments, selon l’ordre depriorité des valeurs, les critères d’authenticité, lesimpératifs en matière d’expositions de musée, etc.

Authenticité

En dépit des dommages causés par la guerre et de lalongue série d’interventions de conservation qui ontsuivi, la Museumsinsel a conservé un degréd’authenticité élevé dans ses bâtiments historiques,leurs fonctions, leur conception et leur contexte.L’authenticité des caractéristiques historiques et del’évolution des fonctions de musée a également étéconservée : le caractère, le style et le contenuthématique des collections exposées, le lien organiqueentre ces dernières et les espaces architecturaux, etc..Les interventions de conservation en voie deréalisation respectent à un degré élevé les impératifsd’authenticité.

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Evaluation

Action de l’ICOMOS

Une mission d’expertise de l’ICOMOS a visité laMuseumsinsel en février 1999.

Caractéristiques

La Museumsinsel à Berlin constitue un exempleremarquable de réalisation urbanistique etarchitecturale d’un forum public urbain remplissantpour la ville le rôle emblématique d’acropole. Il estopportun de souligner la continuité urbanistique etarchitecturale rare et la conséquence avec laquellependant près d’un siècle a été successivement réaliséetoute une conception assurant à chaque phase de laformation de l’ensemble son intégrité et sa cohérenceurbanistique et architecturale.

La valeur culturelle de la Museumsinsel est liée à sonrôle historique dans l’affirmation et le développementd’un certain type de construction et d’ensemble - celledu musée des arts. La Museumsinsel à Berlin est à cetégard un des complexes les plus importants et les plusimpressionnants dans le monde.

Enfin, les valeurs urbanistiques et architecturales de laMuseumsinsel sont inséparables de l’importance descollections muséales qu’elle abrite comme témoignagede l’évolution de la civilisation. Il s’agit d’un lien trèsdirect puisque les espaces architecturaux de chaquemusée ont été conçus en rapport organique avec lescollections exposées.

Analyse comparative

Les comparaisons entre la Museumsinsel à Berlin etd’autres complexes de musées dans le monde mettenten évidence le fait que pour la première fois ici setrouve révélée l’identité urbanistique et architecturaledu musée comme institution qui prétend à l’égalitéavec les symboles de la religion et de la couronne.Cette caractéristique de la Museumsinsel apparaîtnettement en comparaison à de nombreux muséeseuropéens installés dans d’anciens palais royaux (leLouvre à Paris) ou qui n’ont pas cette compacitéurbanistique (les musées de Londres) ou cette positioncentrale dans la structure urbaine.

La Museumsinse constitue un témoignageurbanistique et architectural unique en son genrequant aux changements dans les fonctions, latypologie, le style et l’importance du musée au XIXe -XXe siècle comme une prolongation des idéesapparues après la Révolution française quiproclamaient le droit des hommes au libre accès del’art.

Recommandations de l’ICOMOS pour des actionsfutures

La mission de l’ICOMOS a étudié attentivement leslimites de la zone tampon proposées dans le dossierd’inscription. Il a été proposé, suite à cette étuded’étendre la zone à l’ouest et au nord afin d’y inclure

des zones intégrantes et déjà protégées par leur statutde Monument historique classé-ensemble. Il aégalement été proposé de corriger la délimitation de lazone tampon à l’est et au sud. Les propositions ont étéacceptées par les autorités compétentes du Land deBerlin et un plan révisé satisfaisant entièrement lesconditions de l’ICOMOS a été fourni.

Brève description

Les cinq musées de la Museumsinsel à Berlin, construitsentre 1824 et 1930, représentent la réalisation d’unprojet visionnaire et l’évolution de l’approche de laconception des musées au cours de ce siècle fertile.

Recommandation

Que ce bien soit inscrit sur la Liste du patrimoinemondial sur la base des critères ii et iv :

Critère ii La Museumsinsel de Berlin est unensemble unique de musées illustrant l’évolution dela conception des musées modernes sur plus d’unsiècle.

Critère iv Le musée d’art est un phénomène socialqui doit ses origines à l’époque des Lumières et sonextension universelle à la Révolution française. LaMuseumsinsel est l’exemple le plus remarquable dece concept ayant pris forme matérielle dans un cadreurbain central symbolique.

ICOMOS, septembre 1999

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La Wartburg (Allemagne)

No 897

Identification

Bien proposé La Wartburg

Lieu Eisenach, Etat libre de Thuringe

Etat Partie République Fédérale d'Allemagne

Date 25 juin 1998

Justification émanant de l'Etat partie

Il n'est guère de château fort en Allemagne qui soit aussicélèbre que la Wartburg. Sa situation dans un paysagedélicieux, sur une hauteur d'environ 400m au sud de laville d'Eisenach, en Thuringe, son aspect varié etl'harmonie qui s'en dégage ne constituent toutefois quedeux des motifs de sa popularité en tant que destinationpour les excursionnistes. Ce qui fait de la Wartburg unhaut lieu du souvenir, de la tradition et de pèlerinage,c'est qu'elle est un monument de l'histoire culturelleallemande, européenne et extra européenne.

Les chrétiens de confession luthérienne du monde entierconnaissent le château comme le lieu authentique de latraduction de la Bible par Martin Luther. La vénérationde sainte Elisabeth, qui va bien au-delà des frontières del'Allemagne, inclut la Wartburg, où elle a vécu et œuvré.

Le mécénat de Hermann Ier, landgrave de Thuringe,occupe une place exceptionnelle dans la constitutiond'une littérature nationale. Dans la poésie comme dansles légendes, la Wartburg, cour médiévale des muses,demeure vivante jusqu'à son époque, avec les noms deWalther von der Vogelweide ou de Wolfram vonEschenbach.

Si ce sont là les premiers pas d'une littérature allemande,et si la traduction du Nouveau Testament par MartinLuther marque la création d'une langue écrite allemande,unitaire et à la portée de tous, les débuts de la nationbourgeoise et démocratique ont eux aussi un lien avec laWartburg, par le biais du contenu et des effets de la fêtede la Wartburg des associations d'étudiants allemands.

Depuis qu'elle existe, la forteresse des landgraves deThuringe a été à plusieurs reprises le lieu et le témoind'événements historiques et c'est donc à juste titre qu'ellejouit du renom d'un monument de l'histoire nationale etmondiale.

L'importance artistique et architectonique du palais,

érigé dans la seconde moitié du XIIe siècle, n'est pasmoindre. De par sa réalisation et son ornementation, ilest sans égal, et représente sur le sol allemand l'une desconstructions profanes le mieux conservées de la fin del'époque romane.

Grâce à ce large éventail de contenus religieux et dedonnées historiques et en raison de sa signification dansl'histoire des arts, la Wartburg reçoit chaque annéeenviron un demi-million de visiteurs venus du mondeentier.

[Note : dans le dossier de proposition d’inscription,l’Etat Partie n’émet aucune proposition sur les critèresmotivant selon lui l’inscription du bien sur la Liste dupatrimoine mondial]

Catégorie de bien

En termes de catégories de biens culturels, telles qu'ellessont définies à l'article premier de la Convention dupatrimoine mondial de 1972, le bien proposé pourinscription est un monument.

Histoire et Description

Histoire

La création légendaire de la Wartburg est attribuée aucomte Ludwig der Springer. Le début de sa constructionen 1067 est consécutif aux troubles générés par la"querelle des investitures." Ces troubles ont facilité lanaissance de la féodalité. Ce château est cité pour lapremière fois en 1080 en tant que base stratégique, l'undes points importants des débuts de la souveraineté desLudovinges. Cette souveraineté s'affirme dans le courantde la première moitié du XIIe siècle. Elevés au titre deLandgraves, les Ludovinges suivent la politique desempereurs Stauffen. La construction du palais dans laseconde moitié du XIIe siècle illustre leur condition deprinces d'Empire.

Vers la fin du XIIe siècle, se développe à la Wartburgune cour de lettrés, attirés par le landgrave Hermann Ier

qui s'entoure de poètes et de musiciens, les vers deWalther von der Vogelweide décrivent cette brillante viede société dans laquelle se développa l'épisode de lajoute des chanteurs de la Wartburg dont le récit romancédevait inspirer l'opéra de Richard Wagner Tannhäuser.

En 1221 le landgrave Louis IV, fils de Hermann épouseElisabeth de Hongrie. Devenue veuve en 1227 Elisabethdéveloppe une œuvre de charité dont la famille dulandgrave prit ombrage. Contrainte de quitter laWartburg avec ses trois enfants, elle fonde à Marburg unhôpital et vécut selon l'idéal franciscain. Elle estcanonisée en 1235 quatre années après sa mort.

Henri Raspe IV, frère de Louis IV lui succéda, prenantle parti du pape, il fut élu roi d'Allemagne sur l’initiatived'Innocent IV. Sa mort en 1247 mit fin à la dynastie des

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Ludovinges.

Le Margrave de Wettin Henri de Meissen prendpossession de la Wartburg. Pendant un siècle le sites'enrichira de nouvelles constructions. Le transfert audébut du XVe siècle du siège du pouvoir à Gotha puis àWeimar marque le déclin de la forteresse.

Protégé par le prince électeur de Saxe, Martin Lutherséjournera clandestinement à la Wartburg. Il s'yconsacra à une œuvre littéraire considérable cetteactivité est attestée par une correspondance dont denombreuses lettres sont conservées. C'est à la Wartburgqu'il traduisit en allemand le Nouveau Testament. Sonexil s'acheva en mars 1522. Dès la fin du XVIe siècle, lesouvenir de Luther attira de nombreux pèlerins.

A partir du XVIe siècle, la forteresse fut plus ou moinsmaintenue en état, abandonnée comme lieu de pouvoir,son importance stratégique est cependant plusieurs foissoulignée. Les événements qui s'y sont produits enparticulier le souvenir de sainte Elisabeth et de Lutherincitent également à sa conservation, maisprogressivement l'abandon entraîne la ruine inéluctablequi est presque complète à la fin du XVIIIe siècle.

Goethe visite l'endroit en 1777 et réalise un dessin quimontre la ruine de l'ensemble où seul subsistepartiellement le palais, le poète propose la création d'unmusée que justifie le nombre de pèlerins sans cessecroissant. Après les guerres de libération contreNapoléon, se développe un sentiment national quis'exalte dans l'image de l'ancienne Allemagne quesymbolise la Wartburg.

En 1817, les associations d'étudiants organisent unemanifestation qui concrétise cette tendance, confirméepar la révolution de mars 1848. La Wartburg restera lesiège des associations d'étudiants de toute l'Allemagne.

Dans la première moitié du XIXe siècle, sur l’initiativedu Grand duc de Saxe, l'ensemble fait l'objet d'unerestauration complète, ce qui subsistait du palais estrelevé de ses ruines, l'enceinte est restaurée, le reste desbâtiments est reconstruit sous la direction de l'architecteHugo von Ritgen. La large part d'hypothèse dans cettereconstruction rattache plus son aspect à l'imaginaireromantique qu'à la réalité historique. La participationd'artistes de renom tel Moritz von Shwind illustrantnotamment la vie de sainte Elisabeth souligne lecaractère symbolique du lieu.

Ce monument allégorique fut temporairement l'objet del'attention du régime national socialiste mais aucunemanifestation d'importance ne s'y déroula durant cettepériode à l'exception toutefois du rattachement desassociations d'étudiants aux principes du régime.

En 1945, les bombardements qui affectèrent la villed'Eisenach épargnèrent la Wartburg. Le château eutcependant à souffrir du pillage soviétique.

La République Démocratique Allemande fit de la

Wartburg un monument national, d'importants travauxde restauration y furent réalisés et de nombreusesmanifestations commémoratives s'y déroulèrent enrapport avec la religion et la valeur symbolique dumonument.

Depuis la réunification de l'Allemagne, l'effort porteprincipalement sur les restaurations intérieures et sur lesproblèmes que pose la conservation de la pierre desfaçades du palais.

Description

Le château occupe un éperon orienté nord-sud. Il estsitué dans un site de forêt qui domine la ville d'Eisenach.Au site même du château s'ajoute une hôtellerieconstruite à la fin du XIXe siècle par l'architecte BodoEbhardt mais cet élément ne fait pas partie de laproposition d'inscription.

Sur le plan archéologique, la Wartburg présente desdispositions en plan qui correspondent pour l'essentiel àcelles de la forteresse d'origine. Ceci principalementpour le Palais, le rempart, la tour sud et les ouvragesavancés aujourd'hui en partie enfouis ou en état de ruine.

Sur le plan architectural, la Wartburg est pour l'essentielune reconstitution romantique ayant fait l'objet dedifférents projets avant que ne se fixe l'état actuel. Onaccède à l'éperon par l'extrémité nord, occupée par latour avec pont-levis, à la suite se trouvent un certainnombre d'éléments de service qui constituent en quelquesorte l'avant-cour.

A la suite se situe la basse cour dont les élémentsprincipaux sont sur le côté est : le donjon et le Palaisauquel est adossé le bain des chevaliers.

La tour sud marque l'extrémité de l'éperon. Une citerneoccupe le centre de la basse cour.

La forteresse se compose des constructions suivantes :

• Les fortifications avancées : redoute; fondations duFischerturm (tour des Pêcheurs, chemin de ronde,source de sainte Elisabeth, etc.),

Les fortifications avancées n'ont pas été conservéesen tant que constructions. Il ne subsiste que desvestiges archéologiques, amorces des fondations etfossé de la tour des Pêcheurs, escarpements de larampe d'accès, le chemin, creusé sur le vif du rocheret menant à la forteresse, ainsi que la source d'eaupotable, à mi-hauteur en contrebas de la forteresse.

• Les défenses extérieures, constituées par :

la poterne et le pont-levis ; les logis des chevaliers etles bâtiments d'intendance ; les chemins de ronde deMarguerite et sainte Elisabeth et comprennent aussides constructions extérieures, dont une petiteciterne, la margelle du puits de la Wartburg, desbalustrades en pierre de taille, des escaliers,

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également en pierre de taille, des chemins pavésainsi que la surface des cours des enceintesextérieures (creusées dans le roc et parfois niveléesavec du gravier de roc).

• Le château (Hofburg) dont les bâtiments sont lessuivants:

Bergfried (beffroi) ; Neue Kemenate (nouveauxappartements avec cheminée) ; Neues Treppenhaus(nouvel escalier monumental) ; le Palais ; Ritterbad(bain des chevaliers) ; Südturm (Tour sud) ; Gadem ;Dirnitz et Torhalle avec Dirnitzlaube (entrée descommuns avec arcade) ; murs de défense ouest et sud ;citerne ; basse-cour du château ; jardin ducommandant.

Gestion et Protection

Statut juridique

La Wartburg est couverte par une législation protectriceau niveau du Land et à l’échelle municipale. Lemonument classé comprend la totalité de la colline surlaquelle se dresse le château.

La zone protégée de la Wartburg tombe dans les limitesde la « ligne bleue » de la zone d’urbanisme deEisenach, qui restreint toutes les formes dedéveloppement autour du monument. La majorité desflancs de colline boisés en contrebas du château estclassée comme zone naturelle protégée (NSG).

Gestion

Le propriétaire du bien est la Fondation Wartburg,Eisenach fondée en 1922. La Fondation est unepersonne morale de droit public, avec son siège àEisenach.

L’administration responsable est le Stiftungsrat derWartburg-Stiftung (Conseil d'administration de laFondation Wartburg) en collaboration avec le ministèrede Thuringe pour la Science, la Recherche et la Culture(Office de protection des monuments de l'Etat deThuringe).

Les crédits proviennent des sources suivantes:Bundesministerium des Inneren (ministère del'Intérieur), Thüringer Ministerium für Wissenschaft,Forschung und Kultur (ministère de Thuringe pour laScience, la Recherche et la Culture), ThüringischesLandesamt für Denkmalpflege (Office du Land deThuringe pour la sauvegarde des monuments), et fondspropres.

Les organismes cités sont responsables de l'entretien etde la conservation du bien avec l’équipe Bauhütte derWartburg.

Conservation et Authenticité

Historique de la conservation

Hormis les ouvrages avancés restés à l'état de vestigesarchéologiques, les importantes campagnes derestauration-reconstruction se sont déroulées dans lecourant du XIXe siècle.

Des études sont en cours pour remédier à ladesquamation des pierres du palais.

La restauration des peintures décoratives historiquesdans les salles des Chanteurs et des Landgraves, et laremise en état de la salle des Fêtes du palais, qui a étésimultanément dotée d'un chauffage par le sol et d'unparquet ont été entreprises à partir de 1978.

En outre, on a inséré, de 1979 à 1981, une chape debéton armé entre les premier et deuxième étages. Lespoutres et les solives défectueuses, qui selon unedatation dendrochronologique, remonteraient à 1160-1170, ont été conservées et doublées, et n'ont plusdésormais de fonction porteuse. Dans la salle desChevaliers et la salle à manger, on a reconstitué, sur labase des découvertes originales, l'état médiéval, avecjoints rainurés et cadres peints, et l'on a reconstruit leshottes des cheminées.

En 1989, le bain néo-romain des Chevaliers a été remisen état et ouvert au public. Des travaux d'entretien ontpu être effectués au cours des années quatre-vingt-dixsur le beffroi, le chemin de ronde, les passages défensifset sur l'installation du pont-levis.

Les efforts permanents visant à la conservation desfresques de Moritz von Schwindt se sont intensifiésdepuis 1990 grâce à un projet exhaustif et généreux dela Fondation allemande pour la conservation desmonuments historiques et ont pu être provisoirementmenés à bien en 1995.

Le principal projet actuel de sauvegarde des monumentsconcerne la conservation des pierres des façadesmédiévales du palais, qui sont encore pour une partimportante les pierres de taille en grès d'origine. Lesprincipaux travaux à ce titre sont la déminéralisation despierres de taille, le remplacement soigneux dessuperficies érodées par les intempéries, et la restitutionde l'ancien aspect de jointoyage. De même que laméthodologie et les résultats du programme deconservation des fresques de Moritz von Schwindtdoivent se révéler utiles aux fins d'entreprisescomparables, la conservation de la pierre fait l'objet d'unprojet pilote qui dès le stade de la réalisation en cours,trouvera son utilisation en vue de la conservationd'autres constructions.

Authenticité

Le Palais construit en pierre est au moins pour sesparties basses un exemple important d'architecture civilede l'époque romane. Le même jugement peut être porté

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sur les parties du rempart en maçonnerie et sur la toursud.

Le reste de cet ensemble est une reconstitutionentreprise sous l'influence des idées romantiques avecdans ce cas précis, une tentative de résurrection desformes qui pouvaient porter témoignage de la présencedes illustres occupant du lieu : sainte Elisabeth, Luther,etc. et illustrer une pensée politique à la recherche d'uneunité nationale.

Le critère d'authenticité peut se définir ici selon deuxprincipes :

1. l'authenticité archéologique n'est pas dominante àl'exception principalement du palais et desfortifications ;

2. l'authenticité symbolique ou la forme importe moinsque l'idée qu'elle porte. Il ne s'agit pas d'un décormais d'une architecture, au demeurant de grandequalité, révélatrice d'un véritable idéal.

Evaluation

Action de l'ICOMOS

La mission d’expertise de l'ICOMOS s'est rendue sur lesite en janvier 1999. Un grand spécialiste britanniquedes fortifications médiévales a été consulté sur lasignification culturelle du bien.

Caractéristiques

Le bien est un château occupant une crête qui futautrefois un point stratégique.

Ayant perdu son intérêt militaire, il tombaprogressivement en ruines jusqu'à une importantecampagne de restauration qui débuta au début du XIXe

siècle. Cet intérêt était justifié par le caractèresymbolique du peuple allemand qui reste aujourd'huisymbolique du passé et du présent de la nation.

Analyse comparative

La reconstitution romantique, bien que remarquable,n'est pas une exception, il en existe plusieurs en Europeconcernant des édifices civils. Le palais est par contre unbâtiment exceptionnel, peu de logis civils de cetteépoque nous étant parvenus. Il peut être comparé auxpalais Goslar et Gelnhausen mais les plus importantstravaux de restauration-reconstitution entrepris à laWartburg permettent une lecture complète, même si elleest archéologiquement confuse, du palais d'un grandprince de l'époque romane.

Commentaires de l'ICOMOS

L'état d'entretien des bâtiments du château est variable,de correct à médiocre. La vétusté de l'ensembleconditionne un certain retard d'entretien.

Le bien présente un intérêt archéologique qui n'est pasdominant mais compensé par une fervente reconstitutionhistorique qui tout en inventant des formes ascrupuleusement respecté les vestiges authentiques.

Du point de vue de l'histoire et du rayonnement desidées, la Wartburg est incontestablement un haut lieu del'histoire universelle.

Brève description

La Wartburg est un ensemble superbement intégrédans un paysage de forêt, il est en quelque sorte le"château idéal". Bien que comportant des parties fortanciennes, sa silhouette établie lors des reconstitutionsdu XIXe siècle est une très bonne évocation de ce quepouvait être cette forteresse à l'époque de sa puissancemilitaire et seigneuriale.

Recommandation

Que ce bien soit inscrit sur la Liste du patrimoinemondial sur la base des critères iii et vi :

Critère iii La Wartburg est un exceptionnel exemplede monument de la période féodale en Europecentrale.

Critère vi La Wartburg est riche en associationsculturelles, notamment de par son rôle en tant queretraite de Martin Luther en exil, qui y composa satraduction allemande du Nouveau Testament. C’est enoutre un puissant symbole de l’intégration et de l’unitéallemande.

ICOMOS, septembre 1999

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Mycènes et Tirynthe (Grèce)

No 941

Identification

Bien proposé Sites archéologiques deMycènes et de Tirynthe

Lieu Région du Péloponnèse,province d’Argolide

État partie Grèce

Date 1er juillet 1998

Justification émanant de l’État partie

[Note de l’ICOMOS : Bien que les deux sites neforment qu’un seul et même bien proposé pourinscription, l’État partie a fourni des dossiers séparés.Les justifications sont données ci-dessous pour chacund’entre eux, précédées d’une section relative à laproposition d’inscription conjointe, qui ne contientaucune proposition de critère.]

Il est proposé que les sites archéologiques de Mycèneset de Tirynthe soient inclus dans la Liste du patrimoinemondial en tant qu’unité représentative des exemples lesplus caractéristiques des citadelles mycéniennes.Mycènes et Tirynthe sont toutes deux des chefs d’œuvredu génie créateur de l’humanité. Elles présententsimilitudes et différences, et constituent une entitécontinue en ce qu’elles sont complémentaires.

Mycènes

Le site de Mycènes, chef d’œuvre du génie créateur del’humanité, abrite des monuments architecturaux et dessculptures remarquables, uniques au monde : lesimposantes murailles de la citadelle, avec la porte desLions et le relief des Lions, le trésor d’Atrée, le cerclede tombeaux A et la citerne souterraine. Critère i

Mycènes, le plus célèbre centre du monde mycénien, futdécrite par Homère dans son légendaire poème épique,l’Iliade, qui transmit ainsi l’esprit de la civilisationmycénienne depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours.Depuis l’époque d’Homère, un échange permanent devaleurs humaines, dans cette zone culturelle dontl’envergure s’est faite de plus en plus mondiale, a exercéune influence notable sur l’évolution des civilisations.

La religion, l’écriture et l’architecture des Grecs de l’èreclassique trouvent toutes leurs racines dans la culturemycénienne. De plus, le mégaron anticipe le planadopté par les temples grecs, tandis que le relief desLions est le premier exemple d’une sculpture

monumentale qui devait par la suite avoir un grandavenir. Critère ii

Mycènes, non contente d’être le principal sitearchéologique de la civilisation mycénienne, quis’épanouit aux alentours de la mer Égée avant de serépandre dans toute la région méditerranéenne entre1600 et 1100 avant J.-C., représente aussi untémoignage exceptionnel des accomplissements tantartistiques que technologiques de cette civilisation, ainsique d’une économie et d’une organisation sociale trèsavancées pour l’époque.

L’architecture monumentale a connu une étape décisiveavec la construction des massives murailles défensivesde Mycènes et des tombes en forme de ruches, tholos.Pour leur part, les cercles des tombeaux A et B ont livrédes objets remarquables (objets métalliques, joyaux).

Le site de Mycènes présente en outre certains élémentscaractéristiques de l’organisation économique et socialepropre à la civilisation mycénienne, dotée d’un réseauélaboré d’échanges fondé sur des centres dirigés par unwanax, axe de toutes choses – palais, ateliers, entrepôtset lieux de culte. Il comprend également une ramped’accès monumentale unique, destinée à mettre envaleur la puissance du Palais, et le cercle des tombeauxA, construit pour vénérer les ancêtres.

Critères iii et iv

Mycènes fut découverte en 1876 par HeinrichSchliemann ; c’est alors que le théâtre légendaire desépopées homériques et foyer d’Agamemnon, l’un deshéros les plus populaires de celles-ci, sortit du mythepour entrer dans l’Histoire. Les Grecs de l’Antiquitéconsidéraient ses légendaires souverains, les Atrides,comme leurs ancêtres. Tout au long des siècles, nombred’œuvres artistiques et littéraires remarquables ypuisèrent leur inspiration. Critère vi

Tirynthe

Tirynthe représente une étape majeure dans l’histoire denotre planète, puisqu’elle remonte à la civilisationmycénienne, la première civilisation palatiale dotée decaractéristiques urbaines et d’un système administratifcentralisé en Europe.

Là aussi, son architecture est un hommage au géniecréateur de l’humanité. Les murailles peuvent êtredécrites comme une création qui dépasse l’entendement,comme en témoigne l’attribut “ cyclopéen ” qui lesqualifie dans les poèmes homériques, adjectif tiré dunom des Cyclopes, ces géants légendaires de Lycie à quion en attribuait la construction. L’ensemble architecturalque forment les enceintes cyclopéennes et le complexedu palais est un témoignage majeur de l’èrepréhistorique la plus importante de la civilisationgrecque. Critère i

Le système administratif du palais mycénien, avec sastructure centralisée, fonctionna pendant cinq siècles. Àl’apogée de sa prospérité (1300-1200 avant J.-C.), larégion mycénienne abritait une société homogène,connue sous le nom de Koinê mycénien. Cette vastehomogénéité est évidente dans la religion, le langage et

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l’art. En outre, c’est là que s’épanouit le concept deconscience ethnique commune. Critère ii

La ville en dehors de la forteresse de Tirynthe était elleaussi très étendue et bien organisée. Le systèmeadministratif du palais contrôlait la production agricole,l’élevage de bétail et le commerce. Ce systèmepolitique, social et économique complexe de l’èremycénienne représente un témoignage exceptionnel despremiers stades de la civilisation grecque. Critère iii

Les citadelles mycéniennes sont des exemples uniquesde fortifications. Les murailles cyclopéennes abritent lesédifices publics, les ateliers, les entrepôts et les lieux deculte. La réalisation de cette construction massiveexigea une planification architecturale précise, de mêmeque le contrôle d’architectes hautement qualifiés.L’architecture des citadelles fortifiées, qui ont été bienpréservées jusqu’à ce jour, représente un exempleremarquable d’une forme unique d’expressionarchitecturale. Critère iv

La civilisation mycénienne est l’un des temps forts del’histoire de l’humanité. Le système administratiffortement centralisé, l’architecture monumentale, lesobjets d’art et les premières traces de la langue grecquepréservées sur les tablettes à écriture linéaire Binspirèrent Homère, qui décrivit ce mondeimpressionnant dans ses poèmes – particulièrement dansl’Odyssée. L’esprit de la civilisation mycéniennesubsiste à ce jour grâce aux épopées homériques, quifirent partie de la tradition orale et de l’enseignementscolaire jusqu’à la fin du monde classique. C’estd’ailleurs la tradition homérique qui conduisitSchliemann à rechercher et à révéler les plus importantscentres de cette civilisation. Des milliers de visiteursinfluencés par cette tradition écrite continuentaujourd’hui de rechercher à Mycènes et à Tirynthe lestraces des légendaires royaumes d’Agamemnon et deProetos. La civilisation mycénienne en général, et lesdeux centres majeurs de Mycènes et de Tirynthe, enparticulier, ont une signification universelleexceptionnelle, en leur qualité de temps forts de lacivilisation humaine. Critère vi

Catégorie de bien

En termes de catégories de biens culturels, tellesqu’elles sont définies à l’article premier de laConvention du Patrimoine mondial de 1972, Mycèneset Tirynthe sont des sites.

Histoire et description

Histoire

La civilisation mycénienne s’est développée sur lecontinent hellénique à l’âge du Bronze récent(XVIe siècle avant J.-C.) Il s’agissait essentiellement dela continuation de la culture de l’Helladique moyen,transformée par les influences minoennes venues deCrête.

Les connaissances de ses deux périodes plus anciennes,les périodes I (vers 1580-1500 avant J.-C.) et II (vers

1500-1400 avant J.-C.) viennent principalement destombes, et particulièrement des tombes à fosse deMycènes. Vers la fin de la période II, des types detombe plus élaborés se développèrent – grandes tombesà chambres funéraires pour les familles et sépulturesroyales en forme de ruche (tholos).

Mais c’est à la période III que la civilisationmycénienne connut son apogée (vers 1400-1120 avantJ.-C.), à l’époque de la construction de fortificationsimposantes et de palais élaborés. Vers la fin de cettepériode, une écriture connue sous le nom de linéaire Bfit son apparition ; il fut prouvé que le langage utiliséétait une forme ancienne de grec, ce qui confirma queles Mycéniens parlaient un dialecte grec d’origine indo-européenne.

La structure politique était une monarchie autocratique,dont le souverain était connu sous le nom de wanax ; cedernier administrait son territoire à l’aide d’unestructure hiérarchique de représentants officiels. Onobservait en outre une classe à part composée de prêtreset de prêtresses. Le peuple était organisé selon unsystème complexe de classes, et l’esclavage étaitmonnaie courante.

Des fouilles ont montré que le site de Mycènes étaitoccupé depuis le néolithique (vers 4000 avant J.-C.). Aucours de la période de l’Helladique moyen, un cimetièrefut établi sur le versant sud de la colline naturelle, lequelincluait le cercle des tombeaux B (daté du XVIIe siècleavant J.-C.) et le cercle des tombeaux A (XVIe siècleavant J.-C.). Le palais fut érigé au sommet de la collineet entouré de massives murailles cyclopéennes, en troisphases (vers 1350, 1250 et 1225 avant J.-C.,respectivement). Pendant la dernière étape, la citernesouterraine fut elle aussi fortifiée.

Une série de sépultures à tholos fut construite sur lesversants sud et sud-ouest de la colline à l’époquemycénienne : la tombe dite tombe d’Égisthe (vers 1500avant J.-C.), la tombe à tholos des Lions (vers 1350avant J.-C.), la tombe de Clytemnestre (vers 1220 avantJ.-C.) et, enfin, le trésor d’Atrée, à une certaine distancedes autres sépultures. Quatre grands édifices, dont onpense qu’ils étaient les ateliers royaux, furent construitsau XIIIe siècle avant J.-C. à proximité du cercle destombeaux B.

Le palais fut pour sa part abandonné à la fin duXIIe siècle avant J.-C. et certains édifices furentendommagés par le feu. Toutefois, le site resta occupéjusqu’en 498 avant J.-C., date à laquelle il fut conquispar Argos, qui expulsa ses habitants. Le sommet de lacolline fut alors nivelé afin de permettre la constructiond’un temple archaïque. Le site fut brièvement occupé ànouveau pendant la période hellénistique, qui vit laconstruction d’un autre temple et d’un théâtre, érigé surla tombe de Clytemnestre. Lorsque le voyageur grecPausanias visita Mycènes, au IIe siècle après J.-C., elleétait totalement désertée depuis déjà de nombreusesannées.

À l’instar de Mycènes, la première occupation humaineconnue à Tirynthe remonte au néolithique. Les plusanciens vestiges architecturaux, dans l’enceinte

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supérieure, datent du début de l’âge du Bronze (vers3000 avant J.-C.). Cette zone accueillit de nouveauxédifices à l’âge du Bronze moyen (1900-1600 avant J.-C.).

Tirynthe connut la prospérité sous l’ère mycénienne. Unnouveau palais fortifié fut construit au XIVe siècle avantJ.-C. Les ouvrages défensifs furent agrandis au début duXIIIe siècle avant J.-C, et l’enceinte inférieure fut elleaussi fortifiée. À la suite d’un tremblement de terre etd’un incendie, le site fut reconstruit, les nouvellesfortifications clôturant une zone de 20 hectares ; quant àla ville extra-muros, elle couvrait plus de 25 hectares.

Avec le déclin de la civilisation mycénienne, Tirynthe etMycènes connurent un sort identique. Tirynthe ne futabandonnée qu’à l’expulsion du Ve siècle avant J.-C.,mais elle avait déjà, à cette époque, dû renoncer à sonpouvoir et à son influence.

Description - Mycènes

Le site se dresse sur une petite colline, sur les versantsdu mont Eubée, au croisement des routes qui mènent dugolfe d’Argolide à Corinthe et à Athènes.

La zone de la citadelle ou Acropole est entourée demurailles massives, de 6 à 8 m d’épaisseur, quis’élevaient probablement à une hauteur de 18 m àl’origine. Trois phases de construction peuvent êtreidentifiées, les deux premières de la périodemycénienne, utilisant des blocs massifs de calcaired’abord non taillés puis équarris, et la troisième durantla période hellénistique (petits blocs taillés).

Les murailles sont percées de deux portes. La porte desLions se compose de quatre grands blocs, un linteau etdeux jambages ; le triangle de décharge au-dessus dulinteau est un bloc de calcaire portant le fameux reliefdes Lions. La porte du Nord est une réplique légèrementplus petite de la porte des Lions, avec un triangle dedécharge sans motif.

Le grenier, construit contre la face intérieure de lamuraille, était une structure de briques à deux étages.

Dans l’axe de la porte des Lions se trouve la granderampe monumentale, construction gigantesque et raidefaite de blocs de pierre cyclopéens et flanquée demurets, qui mène au sommet de la colline et au palais.

Le palais, d’environ 170 m sur 50-80 m, est construitsur plusieurs niveaux, sur un sol égalisé, et doté demurailles cyclopéennes. Sa forme actuelle est celle qu’ilavait à la fin de la période mycénienne. Parmi sescaractéristiques figurent le propylée rectangulaire,constitué de deux portiques monostyles, la courprincipale, et le mégaron, le principal édifice du palais,qui était un complexe de pièces, de portiques,d’escaliers et de corridors construit sur plusieursniveaux obtenus grâce à des travaux de terrassement.

La citerne souterraine fut construite au XIIe siècle avantJ.-C., par une profonde entaille dans la roche. Unescalier descend jusqu’à une porte cyclopéenne, puis

ensuite jusqu’à la citerne proprement dite, dont lesmurailles sont revêtus de ciment hydraulique.

La région au sud-est de l’Acropole est connue sous lenom de centre du culte, les édifices fouillés ayantpermis de trouver de nombreux autels, sanctuaires etfresques dépeignant des rituels religieux.

Le cercle des tombeaux A a été créé au XVIe siècle avantJ.-C., lorsqu’une muraille circulaire basse fut construiteautour d’un groupe de grandes tombes à fosses royales(ainsi qu’autour d’un certain nombre de sépultures demoindre importance, détruites par les fouilles deSchliemann). Les tombes présentaient généralement desmurs en blocaille, soutenant les poutres horizontales desmurs d’ardoise ou de roseau. Au XIIIe siècle avant J.-C.,des murailles plus importantes furent construites pourramener le cimetière au niveau de l’entrée de lacitadelle.

Un groupe d’édifices du XIIIe siècle avant J.-C., dont lafonction est inconnue, s’étend en dehors des murailles.On trouve également en dehors des murailles le cercledes tombeaux B, qui contenait quatorze tombes royalesà fosses et quelques-unes plus petites. Comme le cercledes tombeaux A, il était encerclé par des muraillesbasses.

Le tombeau d’Égisthe (toutes ces attributions à despersonnages historiques sont fantaisistes et aucunepreuve ne vient les étayer) possède un dromos long etétroit (entrée) menant à une tholos (chambre en formede ruche), dont la partie supérieure s’est effondrée. C’estle plus ancien de ce groupe (vers 1500 avant J.-C.). Letombeau des Lions, légèrement postérieur, estcomparable en forme et en taille, comme le tombeau deClytemnestre du XIIIe siècle.

La structure monumentale la plus splendide à Mycènesest le trésor d’Atrée (également connu sous le nom detombeau d’Agamemnon). Construite aux alentours de1250 avant J.-C., elle a été creusée dans le flanc de lacolline. Le dromos et le tholos sont bordés de blocssoigneusement taillés. Il possède une façademonumentale de 10,50 m de haut, dont la décorationétait à l’origine élaborée, percée au milieu d’une porte.Le tholos fait 14,60 m de diamètre et 13,50 m de haut.

Description – Tirynthe

Tirynthe est situé à 20 km au nord-est de Mycènes, surune colline rocheuse et isolée qui culmine à 26 m au-dessus de la fertile plaine d’Argolide. Sa positionstratégique lui permet de contrôler les routes qui mènentà Argos, Mycènes, Nauplie et Épidaure.

Les murailles cyclopéennes, construites en pierres plusgrandes encore que celles de Mycènes, atteignent encertains endroits 8 m d’épaisseur et 13 m de haut, etencerclent une zone de 20 hectares. L’accès à l’entrée, àl’est, se fait par une large rampe. La porte extérieure,similaire en taille à la porte des Lions de Mycènes,s’ouvre sur un espace compris entre les muraillesextérieures et intérieures par une seconde porte.

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Au nord s’étend une zone fortifiée dégagée, dont onpense qu’elle servait de refuge, pendant les périodes detroubles, à la population de la région environnante. Unescalier caché donne accès aux sources souterraines,comme à Mycènes.On accède à la partie principale de l’enceinte supérieurepar une avant-cour, dotée d’une colonnade d’un côté, etpar le grand propylée, qui se compose de deux porchesà colonnes. La colonnade est en face d’une série degaleries (d’autres se trouvent au sud) construites dans unstyle remarquable, avec des murs en encorbellement seterminant au sommet par un angle aigu.

Ensuite vient la cour extérieure du palais, qui mène àson tour à la cour centrale à travers une autre portefortifiée, version réduite du grand propylée. Cet espaceouvert délimité par des colonnades et au milieu duquelse dresse un autel s’ouvre sur le mégaron, dont les mursont jadis dû porter des décorations somptueuses, si l’onen juge d’après les fragments subsistants. D’autresparties du palais se regroupent autour de la cour ; onnote tout particulièrement les bains, dont le sol estconstitué d’une seule et même dalle de calcaire pesantplus de 20 tonnes.

Le complexe tout entier s’ouvre sur l’ouest, en directionde la mer. On y accédait par une impressionnante voléed’escaliers, à travers une petite poterne.

Gestion et protection

Statut juridique

Les deux sites sont protégés en vertu des dispositions dela loi sur les Antiquités grecques N° 5351 de 1932,amendée en 1981 (lois N° 1126 et 1127), qui déclaretous les biens culturels propriété de l’État. Pour touteforme d’intervention sur les sites protégés, il fautobtenir un permis auprès des autorités compétentes.

Les limites du site archéologique de Mycènes et de sazone tampon ont été définies par décret ministériel N°2160 en 1964. La protection s’étend à l’Acropole, auxzones en dehors des murailles, et à la zoneenvironnante, y compris l’environnement naturel dusite. Pour Tirynthe, il s’agit des décrets 241 de 1956 et379 de 1991.

Gestion

Les deux sites sont la propriété de l’État grec. Quant à lazone protégée (zone tampon) autour de Mycènes, elle afait soit l’objet d’une expropriation par l’État, soit elleappartient à la municipalité de Mycènes ou à desparticuliers. Dans le dernier cas, l’usage de la terre esttrès strictement contrôlé. Des considérations similairess’appliquent à Tirynthe.

La gestion globale incombe au ministère de la Culture,qui la délègue à la direction des Antiquitéspréhistoriques et classiques. La gestion directe(maintenance, administration, investigation, restaurationet conservation) des sites est sous la responsabilité du4ème Éphorat des Antiquités préhistoriques et classiques,basé à Nauplie.

Chaque site a son propre conservateur, un archéologuedu 4ème Éphorat. Ces conservateurs et les gardiens dusite (dix à Tirynthe et douze à Mycènes) effectuentchaque jour une inspection du site. Le 4ème Éphorat deNauplie, proche des deux sites, fournit des servicesprofessionnels et l’assistance technique.

- Mycènes

Le programme de restauration et de conservation deMycènes, qui a commencé en 1997, est combiné depuismars 1998 à celui de l’équipe de travail pour laConservation des monuments de l’Asclepiond’Épidaure. Le travail de restauration a été achevé surcertaines sections du site. En outre, une étude surl’environnement et la mise en place d’unedocumentation architecturale y seront ajoutées dans lecadre d’une extension du programme sur cinq ans. Lefinancement de ce programme est assuré par le ministèrede la Culture, par les Crédits pour l’Exécution du Fondsde distribution des travaux archéologiques, et par lescrédits UE Delors II.

Un plan directeur détaillé sur un an et demi a étéélaboré ; parmi ses aspects importants figurent lacréation d’un nouveau système d’entrée et un vasteréseau de voies d’accès menant à des plates-formesoffrant une vue sur le site. Des panneaux d’informationsen grec et en anglais, totalement absents jusqu’à présent,sont en cours d’installation. Les travaux ont été achevéssur le nouveau musée du site, qui abritera du matérield’interprétation et des découvertes effectuées sur le site,ainsi que des entrepôts et un laboratoire. Sonemplacement, près de la porte du Nord, aidera à réduirela pression qu’exercent les visiteurs sur la porte desLions.

Le nombre des visiteurs s’élève actuellement entre500.000 et 700.000 par an. Une nouvelle zone deparking, bien plus grande, avec des navettes desservantle site, doit être construite dans la ville moderneavoisinante.

- Tirynthe

Un programme de restauration et de conservation est encours, sous la direction du 4ème Éphorat, depuisplusieurs années ; il se concentre sur la restauration desmurailles entourant l’acropole. Celles-ci sont en effet enmauvais état depuis plusieurs années, ce qui a motivé larestriction de l’accès au site.

En outre, l’Institut allemand d’archéologie a réalisé uneétude détaillée des besoins futurs de l’acropole elle-même, étude actuellement mise en œuvre.

Un programme supplémentaire porte sur la gestion desvisiteurs et les installations touristiques sur le site. Ilcouvre la création de voies d’accès, de plus grandsparkings, de restaurants et autres installations, et laréhabilitation d’un vieil édifice sur le site, qui deviendraun centre d’information.

Le nombre des visiteurs s’élève actuellement entre20.000 et 50.000 par an.

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Conservation et authenticité

Historique de la conservation

Mycènes a été mise à jour en 1874-1876 par HeinrichSchliemann. Par la suite, des archéologues grecs etbritanniques ont réalisé un certain nombre de fouilles,quoique limitées. Ces dernières années, un relevétopographique a été réalisé sur les édifices (par l’Écolebritannique d’archéologie d’Athènes), deux étudesaériennes ont été conduites sur le site dans son ensembleet ses alentours, et la totalité de l’acropole et lesstructures en dehors des murailles ont été inventoriées.

Schliemann a également effectué des fouilles à Tirynthe(en 1884), et son assistant, Wilhelm Dörpfeld, apoursuivi ses recherches. Plus tard, des travaux plusintensifs ont été réalisés sur l’Acropole par l’Institutallemand d’archéologie. L’étude architecturale ettopographique la plus récente a eu lieu en 1980.

Des travaux considérables de restauration et deconservation ont été effectués à Mycènes, mais ils n’ontcommencé que récemment à Tirynthe, qui a connu detrès graves problèmes liés à la stabilité des murs.

Sur les deux sites, tous les travaux ont été conduitsconformément aux rigoureuses pratiques grecques. ÀTirynthe cependant, elles ont dû être plus drastiques, dufait de la nécessité de stabiliser des murailles devenuesdangereuses en certains endroits.

Authenticité

Le degré d’authenticité des deux sites est très élevé. Eneffet, aucun d’eux n’a fait l’objet d’interventions, dequelque sorte que ce soit, depuis leur évacuation forcéeau Ve siècle avant J.-C. En effet, les deux sites ont étéabandonnés et oubliés jusqu’à leur redécouverte au XIXe

siècle.

Évaluation

Action de l’ICOMOS

Une mission d’expertise de l’ICOMOS s’est rendue àMycènes et à Tirynthe en 1999.

Caractéristiques

La civilisation mycénienne a marqué un grand pas enavant dans le développement culturel européen. Lesdeux magnifiques sites archéologiques de Mycènes et deTirynthe illustrent, ensemble, l’esprit et lesaccomplissements de cette civilisation vieille de plus detrois millénaires.

Analyse comparative

Le rôle de la civilisation mycénienne dans l’évolutionde la culture européenne est unique en termes designification et d’influence. Mycènes et Tirynthe sontles sites les plus remarquables de cette culture, etdonnent des preuves complémentaires de la civilisation

mycénienne. Pour ces raisons, par conséquent, il estimpossible de trouver des sites comparables.

Recommandations de l’ICOMOS pour des actionsfutures

En ce qui concerne Mycènes, il est important que lenouveau plan de gestion soit mis en œuvre dans les plusbrefs délais. Un plan d’inspection et de maintenancerégulière devrait venir le compléter. Il serait égalementsouhaitable d’accorder une plus grande attention à lamise en évidence des niveaux post-mycéniens sur le site.

À Tirynthe comme à Mycènes, il est recommandé que leplan de gestion bien formulé soit complété par un pland’inspection et de maintenance régulière.

La zone de l’ancien Tirynthe proposée pour inscriptionsur la Liste du patrimoine mondial est limitée à la zoneappartenant à l’État. Certes, la partie appartenant à desparticuliers est protégée par la loi ; l’ICOMOS estimecependant qu’il serait plus logique d’inclure toute lazone de l’ancienne cité dans le bien proposé pourinscription. L’ICOMOS ne souhaite pas faire de la miseen œuvre de ces recommandations une conditiond’inscription, l’importance culturelle des deux sitesétant indéniable et leur gestion actuelle excellente.

En ce qui concerne l’éventuelle extension du siteproposé pour inscription à Tirynthe, il est reconnuqu’elle pourrait bien présenter des problèmes juridiquesqui nécessiteront un temps de négociation considérable.L’État partie est encouragé à entamer dès à présent cetteprocédure, en vue de proposer ultérieurement uneextension.

Brève description

Mycènes et Tirynthe sont les ruines imposantes desdeux plus grandes cités de la civilisation mycénienne,qui domina le monde de la Méditerranée orientale duXVe au XIIe siècle avant J.-C. et qui joua un rôle vitaldans le développement de la culture de la Grèceclassique.

Recommandation

Que ces biens soient inscrits comme un seul site sur laListe du patrimoine mondial, sur la base des critères i,ii, iii, iv et vi :

Critère i L’architecture et la conception de Mycèneset Tirynthe, avec, par exemple, la porte des Lions, letrésor d’Atrée à Mycènes et les murailles deTirynthe, sont des exemples remarquables du géniecréateur de l’homme.

Critère ii La civilisation mycénienne, telle quel’illustrent Mycènes et Tirynthe, a eu un profondimpact sur le développement de l’architecturegrecque classique et de l’urbanisme, et parconséquent également sur les formes culturellescontemporaines.

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Critères iii et iv Mycènes et Tirynthe représententl’apogée de la civilisation mycénienne, qui a poséles fondations de l’évolution des cultureseuropéennes ultérieures.

Critère vi Mycènes et Tirynthe sontindissolublement liées aux épopées homériquesl’Iliade et l’Odyssée, dont la profonde influence surla littérature européenne et les arts perdure depuisplus de trois millénaires.

ICOMOS, septembre 1999

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Pátmos (Grèce)

No 942

Identification

Bien proposé Le centre historique (Chorá) avec lemonastère de Saint-Jean « lethéologien » et la grotte del’Apocalypse sur l’île de Pátmos

Lieu Préfecture du Dodécanèse, provincede Kálymnos, municipalité de l’île dePátmos

État partie Grèce

Date 1er juillet 1998

Justification émanant de l’État partie

- Monastère de Hagios Ioannis Theologos

Le monastère de Hagios Ioannis Theologos offrepléthore d’attraits scientifiques et de plaisirs esthétiques,à l’érudit comme au simple visiteur. Le monastère, quiest à proprement parler une forteresse, est l’un desensembles monastiques fortifiés les mieux préservés duMoyen Âge. Sa caractéristique la plus impressionnante,hormis son harmonieuse relation avec l’environnementnaturel et bâti, réside dans sa continuité parfaite et sonlien étroit avec l’histoire : au cours de ses neuf sièclesd’existence, le monastère s’est créé une physionomiearchitecturale unique par la construction, lamodification et la restauration des bâtiments ou par lechangement de l’usage de la terre, toutes cesmodifications ayant pour but de satisfaire des besoinsquotidiens ou artistiques. Les vastes programmes deconstruction, qui vont de l’époque du fondateur dumonastère, saint Christodule (Hosios Christodoulos) en1088-1099 jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, révèlent uneexpression architecturale extrêmement variée. Seulsquelques rares monuments en Grèce peuvent prétendre àla richesse morphologique, stylistique et artistique dumonastère de Hagios Ioannis Theologos, ainsi qu’aucaractère complet et continu de son existence. Cecomplexe monastique, qui abrite un trésor inestimabled’œuvres d’art et de littérature, possède une valeurfonctionnelle spécifique en sus de sa valeur artistique ethistorique évidente. Tous ces faits, ainsi que sonrayonnement spirituel, prêtent au monastère de HagiosIoannis Theologos une signification unique. Centrereligieux majeur de l’archipel égéen, c’est une arche dela tradition byzantine et orthodoxe néo-héllénique, quireste d’actualité même à ce jour.

- Le rituel du lavement des pieds

Les services et rituels de la Semaine sainte sont célébrésà Pátmos avec toute la grandeur d’une cérémoniebyzantine, selon les règles de l’ancien typikonmonastique, que le monastère a strictement préservées.Les événements dramatiques de la Passion du Christsont revécus au travers des passages des Évangiles etdes hymnes appropriés que les moines récitent ouchantent avec une émotion et une dévotion profondes.

La mystagogie la plus impressionnante et la plusémouvante est le rituel du lavement des pieds, instauré àByzance et toujours exécuté à ce jour, le mercredi de laSemaine sainte, à midi. Il s’agit de la représentation dulavement des pieds donné aux Apôtres par le Seigneur,l’un des épisodes dramatiques du cycle de la Passion duChrist ; l’abbé et les moines du monastère l’exécutentdevant un large public, sur la place centrale du villagede Chorá.

- L’Apocalypse

En 95 après J.-C., saint Jean l’Évangéliste fut exilé àPátmos pour avoir témoigné de la gloire du Christ. C’estau cours de ce long séjour sur l’île qu’il écrivitl’Apocalypse (le Livre de la Révélation), dernier livredu Nouveau Testament. Ce texte offrit aux ancienneséglises persécutées d’Asie mineure un message d’espoiret d’encouragement, donna son œuvre fondamentale à lalittérature eschatologique, et fut une source inépuisabled’inspiration artistique. Comme le note l’érudit françaisGuérin, « l’Apocalypse de saint Jean l’Évangéliste, cechef d’œuvre de poésie, est l’œuvre suprême de lalittérature chrétienne. »

L’Apocalypse, traduite dans toutes les langues dumonde, n’a pas seulement inspiré aux plus grandsartistes de Byzance et de la Renaissance des œuvrespeintes, sculptées et décoratives magnifiques ; elle aaussi amené les compositeurs de musique sacrée les pluscélébrés à tenter de surpasser le « chœur des anges »pour exprimer la vision extatique de saint Jean le Divin,faisant ainsi cadeau à l’humanité de superbes oratoriosreligieux.

Le bien proposé pour inscription possède une évidentevaleur archéologique, artistique et esthétique, et satisfaitdonc les critères d’inscription sur la Liste du patrimoinemondial. L’ensemble que forment le monastère deHagios Ioannis Theologos, la grotte de l’Apocalypse etle village de Chorá, harmonieusement intégrés dans unenvironnement à la beauté naturelle toute particulière,acquiert automatiquement la valeur et l’importance quelui confère son caractère unique. La relation entre cecentre majeur du culte orthodoxe naissant (le monastèrede Hagios Ioannis Theologos et la grotte del’Apocalypse) et un établissement historiqueparfaitement préservé (Chorá) fait office de parfait pointde référence créative pour ceux qui cherchent àentrapercevoir les signes et les valeurs d’une vie au-delàdes confins étroits du rationalisme.

[Remarque : L’État partie n’avance aucuneproposition quant aux critères en vertu desquels il

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considère que le bien devrait être inscrit sur la Listedu patrimoine mondial.]

Catégorie de bien

En termes de catégories de biens culturels, tellesqu’elles sont définies à l’article premier de laConvention du Patrimoine mondial de 1972, il s’agitd’un ensemble.

Histoire et description

Histoire

Pátmos a été colonisée en premier lieu par les Grecsdoriens, puis par les Ioniens. Rattachée à l’Empireromain, elle servit, comme d’autres îles de la mer Égée,de lieu d’exil des prisonniers politiques. Parmi euxfigure l’Évangéliste saint Jean le théologien (égalementconnu sous le nom de saint Jean le Divin), qui fut amenésur l’île en 95 après J.-C. sous le règne de Domitien etécrivit, pendant son long séjour sur Pátmos,l’Apocalypse et son Évangile.

Comme tant d’autres îles égéennes, Pátmos fut dévastéepar des pillards sarrasins au VIIe siècle, et fut quasimentinhabitée pendant les deux siècles qui suivirent. En1088, Hosios Christodoulos (saint Christodule), abbébithynien fondateur de monastères à Léros et à Kos,obtint de l’empereur byzantin Alexis Ier Comnène lapermission de fonder sur l’île un monastère dédié à saintJean. À cette époque, l’État impérial encourageait larepopulation des îles et des côtes de la mer Égée,politique qui incluait l’établissement de monastèresfortifiés (tels que Néa Moni sur l’île de Chios et lesmonastères du mont Áthos).

L’île tomba aux mains des Vénitiens en 1208, et c’estaux alentours de cette période que le plus ancienpeuplement de Pátmos, celui de Chorá, fut fondé,lorsque des frères lais mariés et d’autres personnestravaillant pour la communauté monastiques’installèrent autour du monastère. Après la chute deConstantinople, en 1453, une centaine de familles seréinstallèrent à Chorá, à l’ouest du monastère, etcréèrent la riche zone connue sous le nom d’Alloteina.À cette époque, cet établissement, de natureessentiellement rurale, était constitué de maisonsdispersées.

Au début du XVIe siècle, Pátmos passa sous ladomination turque. Paradoxalement, ce fut le débutd’une ère de prospérité pour les insulaires, qui se virentoffrir certains privilèges fiscaux en échange de leursoumission. Les habitants de Chorá en tirèrent parti et selancèrent dans la navigation et le commerce, comme entémoignent les magnifiques demeures construites par lesriches marchands fin XVIe – début XVIIe, dont plusieurssubsistent à ce jour.

Cette période de prospérité prit brutalement fin avec lamise à sac de l’île par les Vénitiens, sous FrancescoMorosini, en 1659. Après la chute de Candie aux mainsdes Turcs en 1669, des réfugiés vénitiens s’installèrent

sur l’île. Ils y créent une nouvelle zone résidentielle,connue sous le nom de Cretika, dont la place principale,dédiée à une sainte crétoise, était nommée Agialesvia.Le tissu urbain commença à se modifier, les nouvellesbâtisses étant beaucoup plus petites et plus densémentréparties. Il fallut longtemps à l’île pour recouvrer sonancien rôle commercial, mais à la fin du XVIIIe siècle etpendant tout le XIXe siècle, Pátmos redevint unimportant centre marchand. Vers le milieu duXVIIIe siècle, le quartier d’Aporthiana se forma, alors quela ville s’étendait. Beaucoup des anciennes maisonsfurent restaurées, et de nouvelles demeures construites.

Description

Pátmos est la plus septentrionale des îles duDodécanèse ; elle couvre environ 34 km2, et compteenviron 2500 habitants. En grande partie aride, elle estformée de trois masses volcaniques reliées par desisthmes étroits. On compte trois centres de peuplement :Chorá la médiévale, le port de Skála, du XIXe siècle, etKampos, petite zone rurale.

Le site choisi par Christodule pour son monastère deHagios Ioannis Theologos (saint Jean le Divin) dominetoute l’île. Le complexe actuel a été construitprogressivement, au fil des siècles, depuis la fondationdu monastère en 1088, à l’aide de la roche volcaniquequi compose l’île. Il possède l’aspect extérieur d’uneforteresse polygonale, dotée de tours et de créneaux, etreprésente l’un des plus beaux exemples existants d’uncomplexe monastique médiéval fortifié. Ses rempartsoffrent un panorama magnifique de l’île tout entière.

Le complexe a évolué de manière non planifiée autourd’une cour centrale, et ce sur plusieurs siècles. Lespremiers éléments, du XIe siècle, sont le Katholikón (lagrande église) du monastère, la chapelle de la Panagía etle réfectoire. Au nord et à l’ouest, la cour est délimitéepar les murs blancs des cellules monastiques, tandisqu’au sud se dresse la tzafara, une arcade de 1698, surdeux niveaux, en pierre taillée. Le narthex extérieur duKatholikón forme le côté est.

Le Katholikón, achevé aux alentours de 1090, présentele dôme central couvrant un plan en croix grecqueinscrite, supporté par quatre colonnes, typique de lapériode. Le sol élaboré, de marbre blanc et gris en opussectile, est original, de même que les poutres de boissculpté de la nef de l’église byzantine. Les peinturesmurales originales ont été recouvertes de fresques datantde 1600 environ, mais certaines parties en ont étérévélées au cours de récents travaux de restauration surles fresques ultérieures. Quant à l’iconostase de boissculpté, elle fut offerte par le métropolite de Pátmos en1820, mais les icônes qui l’ornent datent de diversespériodes. La tombe du fondateur, saint Christodule, fitpartie d’un don de la Russie en 1796, lequel incluaitégalement des lampes, des chandeliers et des stalles duchœur.

Au sud du Katholikón s’élève la chapelle de laPanagía, adjacente, qui fut ajoutée au milieu duXIIe siècle. Il s’agit d’une petite structure à une seuletravée, dotée de voûtes en berceau et d’une voûted’arête. Elle abrite des fresques peintes entre 1176 et

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1180, mises à jour pendant les travaux de restaurationde 1958, et qui dépeignent la Mère de Dieu (Theotokos),les archanges Michel et Gabriel et d’autres scènesbibliques. L’iconostase de bois sculpté (1607) estdécorée d’icônes de style crétois contemporain.

Le réfectoire, auquel on accède par la cour intérieure,date lui aussi de 1080, et abrite des fresques de troispériodes : 1176-1180, fin du XIIe siècle et troisièmequart du XIIIe siècle. Elles dépeignent la Passion etdivers Conciles de l'Eglise. Les tables et les bancs demarbre sont d’origine.

Des escaliers mènent du réfectoire à la bibliothèque, quicontient environ deux mille livres imprimés et plus d’unmillier de manuscrits, dont beaucoup sont très anciens etd’une rare beauté. C’est saint Christodule lui-même quien posa les fondations, en apportant avec lui, dumonastère qu’il avait fondé à Milet, de nombreuxmanuscrits qu’il avait sauvé des Turcs. Grâce à cettecollection, Pátmos devint pendant plusieurs siècles uncentre spirituel et intellectuel majeur dans la région. Enoutre, les archives exhaustives du monastère fournissentdes informations d’une valeur incommensurable sur sonévolution depuis le XIe siècle.

La sacristie du monastère abrite de fabuleux trésorsreligieux, parmi lesquels des reliques saintes et desfragments de la Croix, des icônes portatives, de richesvêtements sacerdotaux brodés, et de magnifiquesexemples d’orfèvrerie d'or et d'argent.

D’autres zones du monastère illustrent de façon vivantela vie quotidienne des moines, et fournissent desinformations précieuses sur l’architecture domestiquedes établissements monastiques. On compte entreautres, la cuisine, construite avant 1091, l’oreton(grenier), les pithones dans lesquels on stockait del’huile dans de grandes jarres de terre (pithoi), et lemagiperon (fournil).

À mi-chemin de la route abrupte qui monte de Skála àChorá se trouve la grotte de l’Apocalypse (SpilaionApokalypseos), où, selon la tradition, saint Jean a dictéle Livre de la Révélation et son Évangile à son discipleProchoros. Ce lieu saint a attiré un certain nombre depetites églises, de chapelles et de cellules monastiques,donnant ainsi naissance à un intéressant ensemblearchitectural.

Le point focal est l’église Sainte-Anne (Hagia Anna) etsaint Jean le théologien (Hagios Ioannis Theologos) :l’aile nord est dédiée à la sainte et l’aile sud, danslaquelle se trouve la grotte de l’Apocalypse elle-même,à saint Jean. Seule une fraction des peintures muralesqui couvraient à l’origine les murs de la grotte subsiste,mais l’une d’entre elles, qui représente le saint dictant àson disciple et qui a été datée du XIIe siècle, est toujoursintacte. Elle contient également une remarquableiconostase sculptée (1600) et deux icônes crétoisesexceptionnelles (1596).

Deux autres chapelles ont été ajoutées au milieu duXVIIe siècle, et en 1713 le nombre des cellules futaugmenté, dans le cadre du complexe, aujourd’hui enruines, de l’école théologique de Pátmos.

La ville de Chorá abrite pour sa part un certain nombrede charmantes petites églises. Parmi celles-ci figurentHagioi Apostoloi (1609), Hagia Lesvia, l’église à deuxdômes de Hagioi Vaileios et Thalaleos, HagiosSpyridon, Hagios Dimitrios et Eleimontra. Datant pourla plupart des XVIIe et XVIIIe siècles, elles abritentd’importantes peintures murales et icônes, ainsi que dumobilier ecclésiastique.

La ville elle-même compte un certain nombre de bellesbâtisses résidentielles (les « Maisons des Capitaines »),dont la plupart se tiennent à une certaine distance dumonastère et furent construites pendant l’ère deprospérité de la fin XVIe – début XVIIe siècle : la maisonde Sopholis et Natalis (1599), Pagostas (1606),Moussoudakis (1625), Simirantis (1625), Syphantos(1636) et Skrinis (1640) en sont des exemples.

La pierre, taillée ou non, était le principal matériau deconstruction. Il s’agit soit d’une roche granitique griseextraite de la carrière de Manolakas, soit de calcaireextrait de la carrière de Megalo. L’un des traitscaractéristiques des édifices de Pátmos est la mantoma,ouverture formée par des poutres soutenues par despiliers. Les toits sont généralement plats et faits de longsrondins de cyprès (fites), couverts de roseaux oud’algues et d’argile. D’un point de vue architectural, lasalle à manger et les chambres sont les plusintéressantes. En effet, la salle à manger estgénéralement décorée de portraits d’ancêtres, debroderies, d’icônes et d’objets d’art ramenés del’étranger par les membres de la famille partis envoyage.

Il existe également un petit groupe de maisonsnéoclassiques datant du XIXe siècle. Les maisons desfamilles Kalligas, Themelis, Konsolis et Leousis sont lesplus représentatives de cette période.

Gestion et protection

Statut juridique

Un certain nombre de textes légaux complémentaires, àl’échelon national, offrent une protection juridique ausite proposé pour inscription.

La ville de Chorá tout entière, monastère de HagiosIoannis Theologos compris, est une « communautéhistorique de référence » ; aucun changement ne peutêtre apporté aux structures ou aux espaces de la zonesans l’approbation du 4ème Éphorat des antiquitésbyzantines du ministère de la Culture, aux termesd’une législation entrée en vigueur en 1960. Quant àla grotte de l’Apocalypse, c’est un monument classéen vertu de la législation de 1932 concernant laprotection des monuments à valeur architecturale etarchéologique. La grotte de l’Apocalypse etl’environnement immédiat de Chorá (essentiellementune zone tampon adjacente) sont une zone de non-développement totalement protégée, et toujours placéesous l’autorité du 4ème Éphorat, aux termes de lalégislation de 1995. Le « versant montagneux dePátmos, défini par l’extrémité de Skála etl'établissement de Chorá », est reconnu « d’une beauté

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naturelle particulière » sous l’égide du 4ème Éphorat,aux termes de la législation de 1968. Les changementsou développements proposés pour « le versantmontagneux de Pátmos » nécessitent l’autorisation du4ème Éphorat.

L’île de Pátmos tout entière a été reconnue « référenceet paysage urbain historique » sous la pleine protectiondu ministère de l’Environnement, de l'Aménagement duTerritoire et des Travaux publics, en vertu d’unelégislation entrée en vigueur en 1971 ; du fait de ladésignation parallèle de l’île en tant que « référencehistorique et lieu d’une beauté naturelle particulière »sous l’égide du 4ème Éphorat en 1972, le ministère de laCulture a apporté ses conseils au ministèresusmentionné, dont la responsabilité porteprincipalement sur l’occupation des sols, la densité, lesformes de construction générale et leur concentration, etl’impact environnemental. En outre, l’opinion en faveurde la poursuite de l’agriculture sur des terres agricolesprécises de Pátmos limite les possibilités dedéveloppement pour, approximativement, deux tiers dela surface de l’île.

L’approbation des projets de réparation dans la zoneproposée pour inscription doit également être obtenueauprès du ministère de l’Environnement, del'Aménagement du Territoire et des Travaux publics etde la municipalité de Pátmos, afin d’assurer que lespropositions avancées respectent la sûreté publique, lasécurité, l’hygiène et les objectifs environnementauxgénéraux, au niveau national comme municipal. En casde litiges dans la zone proposée pour inscription, lesobjectifs du ministère prévalent.

Une protection significative est également apportée aumoyen d’un mécanisme de propriété « publique ». Ensus du complexe monastique lui-même et de la grotte, lemonastère possède deux couvents (Zoodochos Pegi,Evangelismos) et de nombreuses églises et maisons deChorá. Le Gouvernement grec et la municipalité dePátmos sont également les propriétaires d’un nombresignificatif de biens immobiliers de Chorá. Beaucoup degrandes maisons individuelles appartiennent à de richespropriétaires le plus souvent absents. Ils ne reviennent laplupart du temps que pour les vacances, mais assurenten permanence des normes élevées d’entretien et demaintenance.

Gestion

Étant donné la complexité des juridictions et desschémas de propriété de Chorá et de ses complexesreligieux, il n’existe aucun plan de gestion uniquerégissant le processus décisionnel. Toutefois, unensemble complémentaire de mécanismes etd’initiatives de coordination, dont les racines, pourbeaucoup, plongent dans les schémas traditionnels decoopération de l’île, permet une gestion efficace du site.Le Comité pour le caractère sacré de l’île de Pátmos,fondé en 1980, qui reflète l’interdépendance historiquede la communauté religieuse et de l’établissementadjacent, dont venaient les moines, représente un forumoù le monastère et la municipalité discutent ensembledes propositions de développement, dans l’optique del’intérêt public. Grâce à ses efforts, bon nombre des

abus touristiques courants dans d’autres régions de lamer Égée ont été évités ; Ainsi, il a été possible depréserver dans une grande mesure la tranquillitéconvenant aux valeurs sacrées de Pátmos, et d’instaurerune communication franche et positive entre lesautorités séculières et ecclésiastiques dans tous lesdomaines d’intérêt commun. Pátmos possède égalementde nombreux clubs d’entretien communautaires etinstitutions publiques dont les objectifs sont axés sur lapréservation du patrimoine culturel de l’île.

Beaucoup des principaux partenaires des efforts depréservation adoptent une approche de plus en plusactive des besoins de gestion et de développement àlong terme au sein de la communauté. Le monastère arécemment installé dans ses murs un centre deconservation des matériaux haut de gamme, afin d’être àmême d’entreprendre in situ des travaux de restaurationet de réparation. À l’heure actuelle, le monastère exploreégalement les différents moyens pour développer unpetit centre de séminaires et de conférences à Chorá oudans les environs, ainsi qu’un centre de formationrégional à la restauration des peintures. La municipalité,pour sa part, se penche sur des projets d’amélioration dela qualité de la vie dans la communauté et derenforcement des engagements envers son patrimoine etses valeurs. Ceux-ci incluent la remise sur pied, aumoins symbolique, de l’ancienne école de Pátmosadjacente à la grotte de l’Apocalypse, afin de renforcerla position de l’École Patmiada. La priorité est donnée àdes questions environnementales et sociales crucialesdans le contexte du Plan de développement régional2000-2006 (SANTER) de l’Union Européenne. Le4ème Éphorat a quant à lui entrepris un certain nombrede projets financés par l’Union, parmi lesquels larestauration du couvent Zoodochos Pegi. D’autresprojets de restauration devraient voir le jour dans unfutur très proche pour le monastère, la grotte et lagrande demeure Nikolaidi Archontiki.

Ces initiatives et approches reflètent la grande qualité del’implication personnelle dans les questions liées à laconservation au sein du monastère et de la municipalité.L’engagement tout particulier du 4ème Éphorat enversle traitement et la gestion des questions de conservationà Pátmos mérite également d’être noté. Les visitesrégulières des professionnels de l’Éphorat sont en effetefficacement appuyées par la présence d’un inspecteurrésident sur l’île, poste maintenu en permanence surPátmos depuis plus de trente-quatre ans.

La combinaison d’une propriété responsable, d’unelégislation de protection, du suivi permanent del’activité de construction et de mécanismes decoordination et de relations traditionnels mais évolutifs,assure efficacement la survie des caractéristiquespropres au site proposé pour inscription. À Chorá etautour du village, toutefois, on observe quelquesexemples mineurs d’abus du système : des constructionsnon autorisées, des litiges non résolus entre l’Éphorat etles propriétaires locaux, ainsi que quelquesdéveloppements laids et mal situés dans la zone tamponentourant le site proposé pour inscription (où lesautorités supérieures ont outrepassé les conseils del’Éphorat). Toutefois, ces problèmes sont loin demenacer le caractère du site proposé pour inscription.

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Seule exception : la croissance relativement incontrôléede Skála (le port de Chorá) ces vingt dernières années,qui a diminué la qualité et l’intégrité de l’expérience dePátmos et qui, si on la laisse se poursuivre, pourraitaffecter la valeur du site proposé pour inscription. Lecontrôle du développement de Skála a été transféré duministère de la Culture à celui de l’Environnement en1982. La ville ayant depuis triplé en taille, beaucoup deschangements apportés ont détruit ou diminué unegrande part de son caractère architectural intrinsèque.Ce fait est regrettable puisque Skála, en sa qualité deport de Chorá et du monastère, a grandement contribuéà leur développement au fil du temps.

Autre menace potentielle pour les valeurs sacrées dePátmos, les stratégies touristiques obsolètes. Ainsi, letourisme actuel est régi par le texte de 1979, Pátmos :Étude des effets du tourisme sur l’environnement, quiétablissait des directives pour le développementapproprié de ce secteur sur l’île. Toutefois, la basestatistique de cette étude n’étant plus d’actualité, et leministère ne semblant plus jouer le rôle d’appui solidedu développement touristique des établissementstraditionnels qui était le sien dans les années quatre-vingt, les autorités devraient prévoir des dispositionsactualisées de gestion des flux touristiques. Lemonastère, par exemple, a mis au point des mécanismeset des procédures longuement pensés en vue decontrôler le nombre et les mouvements des visiteursdans les sites qu’il possède.

L’efficacité des mécanismes actuels de gestion àPátmos repose pour beaucoup sur l’engagement etl’intelligence d’un petit nombre d’individus clés. Ilserait utile, en tirant parti de l’actuel climat trèsfavorable à la conservation, d’envisager laconstruction d’une base institutionnelle permanente envue de la gestion intégrée des ressources patrimonialesde l’île. Le développement d’un plan de gestion, laconstruction sur les points forts, passés et actuels, enmatière de gestion, et l’intégration d’une optique deconservation dans les plans de développement, enpassant par la mise à jour des stratégies touristiques etla préparation aux risques (Pátmos se trouve en effetdans une zone très exposée aux tremblements de terre)apporterait un mécanisme permanent de maintien desvaleurs sacrées de l’île, indépendamment des futurschangements au sein du personnel qui s’y consacre.

Conservation et authenticité

Historique de la conservation

Le monastère, le village de Chorá et la grotte del’Apocalypse ont continuellement évolué au fil dutemps, en réaction aux guerres, aux occupations et auxschémas migratoires dans la région de la mer Égée. Leschangements parallèles de la disposition et des formesdes constructions ont été introduits d’une manière quin’occulte pas les origines de l’installation, et qui permetla lecture très claire, aujourd’hui encore, des chapitressignificatifs de l’histoire de ce site. La survie descaractéristiques et des valeurs de l’installation religieuseet séculière est pour beaucoup due aux pratiquesintrinsèquement conservatrices et respectueuses, en

matière d’occupation des sols, de ceux qui ont occupé lesite au fil des siècles.

La conservation moderne de Pátmos recoupe largementla croissance de la capacité dédiée, au sein duGouvernement, à la conservation en Grèce. Sousl’occupation italienne du Dodécanèse (1912-1948), laconservation recevait un appui fort, et l’entretien desinstallations traditionnelles, notamment le village dePátmos, Chorá, et son monastère, faisait l’objet d’uneattention considérable. Quand la Grèce assuma laresponsabilité du Dodécanèse, la législation de 1932 surles monuments grecs fut immédiatement appliquée, etles efforts se concentrèrent de toute urgence sur laréalisation d’un inventaire, afin de documenter lesdéprédations de la guerre et de mettre à jour la liste desmonuments. Le Gouvernement grec a en permanenceconstruit et renforcé sa capacité à contrôler et à assisterle processus de conservation. Dans les années soixante,les dispositions protectrices de la loi archéologiquegrecque s’appliquèrent d’abord aux établissements, cequi avantageait les communautés comme Pátmos. En1977, un Éphorat pour les antiquités byzantines, sous latutelle du ministère de la Culture, fut établi à Rhodes etse vit confier la responsabilité des établissementsantérieurs à 1830, ce qui mis plus encore en exergue lesbesoins de conservation à Pátmos. Depuis, l’Éphorat n’acessé de croître, en termes de ressources, de capacitéprofessionnelle (ses effectifs sont aujourd’hui supérieursà 100 personnes, dont 20 professionnels) et decomplexité de son approche de la conservation.

Aujourd’hui, il garantit que les travaux de restaurationmajeurs sont conformes à des normes strictes, que desmodèles sains de pratiques de conservation sont fournislocalement, qu’un soutien permanent est apporté audéveloppement et à l’entretien de compétencesartisanales spécialisées, ainsi qu’à la production dematériaux traditionnels, et qu’une orientation est donnéeaux travaux réalisés sur le plan privé. Ainsi, l’Éphoratmaintient et promeut les normes les plus strictes depratiques de conservation contemporaines, à l’aide demodèles consensuels qui impliquent tous ses partenairesdans le processus décisionnel, en assurant toujours queles travaux reposent sur des recherches, des enquêtes etdes documentations exhaustives.

Tous les monuments majeurs sont soumis à uneconservation régulière. Certains ont fait l’objet deprojets de restauration majeurs ; d’autres reçoiventactuellement une assistance, tandis que de vastes projetssont en cours de développement pour d’autres. Parmi lesmonuments majeurs, seul la Palia Patmida est en ruineset même dans ce cas, différents concepts sontactuellement débattus, au niveau local, en vue de sonéventuelle restauration.

Certains travaux de conservation de l’Éphorat ontrécemment été qualifiés « d’excessifs » (par exemple aucouvent Zoodochos Pegi), mais un processus consultatifhomogène est scrupuleusement respecté. Il seraitpossible d’améliorer encore l’efficacité de l’Éphorat enapportant, en contrepoids des modèles traditionnels deprotection par « l’inspection et le contrôle », une plusample utilisation des modèles de « soutien » : en mettantdavantage l’accent sur le développement de mécanismes

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formateurs des propriétaires privés (par exemple enutilisant des orientations de conception), en fournissantdes conseils en la matière aux propriétaires à un stadeprécoce de leurs projets, et en récompensant ceuxd’entre eux qui réalisent des travaux de conservationsensibles. Ces mesures pourraient réduire les conflitsinhérents au modèle d’inspection et, sur le long terme,encourager un plus grand soutien du public, unemeilleure compréhension des travaux de conservation,et un plus grand intérêt pour la qualité de ces derniers.

Authenticité

Le monastère, Chorá et la grotte de l’Apocalypse offrentun reflet hautement authentique des valeurssignificatives du site, à de nombreux niveaux.

Les matériaux et la conception des élémentssignificatifs, ainsi que leurs schémas d’organisation, ontété bien entretenus et fournissent une expressionauthentique et crédible des modèles stylistiques ettypologiques du site (par exemple, le monastère fortifiéau sein d’un chorá égéen concentrique) ; Les quartiersenvironnants de Chorá, y compris ceux construits parles réfugiés de Constantinople (Alloteina), à l'aide deformes et de technologies de construction byzantines duXVe siècle ; Kretika, construit par des immigrants crétoisen 1669 à la suite de la chute de Candie (aujourd’huiHéraklion), qui introduisit de nouveaux stylesd’archontika (grandes demeures) et le style agraireadopté pour le Zoodochos Pegi, etc.

L’authenticité du cadre et de la facture a étécompromise, mais de manière mineure. Le cadre dumonastère, de Chorá et de la grotte doit être considérécomme incluant la région égéenne environnante, et larapide et brutale croissance touristique du port de Skálasape l'authenticité de l’expérience de l’arrivée despèlerins sur l’île, qui avait pourtant conservé un trèshaut degré d’intégrité, tout au long des siècles, jusqu’àrécemment. Bien qu’une route moderne relie Skála à lagrotte et enfin à Chorá, le réseau de sentiers et lepaysage traditionnel associé restent les éléments clésd’un cadre à l’authenticité incontestable. Si une grandepartie de la facture traditionnelle a été perdue au profitde la modernisation de l’industrie du bâtiment, chaqueprojet de conservation intègre désormais des efforts envue de faire revivre ces artisanats et de former etsoutenir les artisans les pratiquant. Des effortsconsidérables se dirigent sur le rétablissement dessources d’approvisionnement en matériaux locauxtraditionnels, tels que les carreaux de céramique(patiniotiko plakai) utilisés pour couvrir les terrassesextérieures et les sols des rez-de-chaussée.

En ce qui concerne la continuité des traditions et del’usage, l’authenticité est extraordinaire. On en comptebeaucoup d’exemples remarquables : la conservation denombre d’anciennes traditions chrétiennes, telles lacérémonie du lavement des pieds pendant la semaine dePâques, l’école Patmiada moderne, continuation del’institution de 1713, qui a continué d’assurer lesenseignements de l’Église orthodoxe grecque pendant lapériode ottomane, fait quasi unique en Grèce, et lareconnaissance, par l’établissement, en 1980, du Comitépour le caractère sacré de l’île de Pátmos, des efforts du

koino pour établir une institution communautaireséculière, dès 1659, afin d’aider le monastère à remplirsa mission spéciale au sein de l’Église orthodoxe.

Évaluation

Action de l’ICOMOS

Une mission d’expertise de l’ICOMOS s’est rendue àPátmos en mars 1999.

Caractéristiques

Le monastère de saint Jean le théologien est unecréation unique, intégrant des valeurs monastiques à uneenceinte fortifiée, qui s’est développée continuellementet harmonieusement en réaction à un contexte politiqueet économique changeant, et ce pendant plus de neufsiècles. Il abrite également une remarquable collectionde manuscrits, d’icônes et d’objets et d’œuvres d’artliturgiques.

L’École Palia Patmiada, qui a maintenu la culturegrecque orthodoxe pendant deux siècles de dominationottomane, unissait grâce à ses enseignements desétudiants venus d’Asie mineure, de Russie, des Balkans,d’Afrique du Nord et d’Éthiopie.

On peut dire de Pátmos qu’elle est le dernier foyervivant de la civilisation byzantine qui a quittéConstantinople en 1453. Alloteina fut en effet construitepar des réfugiés de la ville après sa chute ; il reste encoreaujourd’hui de nombreux descendants de ces familles,ainsi que les structures qu’elles ont construites.

Chorá lui-même est l’un des chorá égéens plus ancienset les mieux préservés, ses origines remontant à plus deneuf siècles. À l’encontre de la plupart de ceux-ci, crééspour soutenir l’activité agraire au XVIIe siècle, lemonastère supportait dans ce cas une installation agrairepeu de temps après sa fondation, en 1132. Le monastèreest le seul complexe monastique fortifié du monde grecorthodoxe. L’archontiki de Chorá présente unecombinaison unique de traits et de caractéristiquestypologiques bourgeois continentaux et agrairesinsulaires.

Le monastère est l’un des plus importants centres depèlerinage du monde chrétien. L’importance dusanctuaire de saint Jean a stimulé la génération par lemonastère de programmes éducatifs efficaces, qui ontparticipé tant à la survie qu’à l’extension desenseignements de l’Église orthodoxe et ont entraîné lacréation d’une bibliothèque et d’archives incomparablesde la foi chrétienne orthodoxe, pour étayer lesinterrogations académiques et philosophiques.

Analyse comparative

Si la Grèce et le monde orthodoxe comptent unemultitude d’autres complexes monastiques de qualité etd’importance significatives, les éléments du site proposépour inscription sont à de nombreux égards uniques,qu’ils soient considérés dans leur ensemble ouindividuellement.

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Pátmos est le seul exemple de monastère orthodoxeintégrant depuis ses origines une communauté, le Chorá,bâti autour des fortifications qui se dressent au sommetde la colline. De plus, si l’on trouve d’autres monastèresfortifiés dans d’autres régions du monde orthodoxe,celui de saint Jean le théologien en est le seul exempleen Grèce.

Recommandations de l’ICOMOS pour des actionsfutures

Il convient d’envisager certaines mesures quirenforceraient le contrôle de gestion sur plusieurscomposantes du site proposé pour inscription et duterritoire adjacent :

• inclusion de Skála dans la zone tampon, tout enassurant que des moyens appropriés de contrôle dudéveloppement à Skála soient remis en vigueurafin d’empêcher que se poursuive la détériorationde son caractère ;

• renforcement des mesures de protection del’environnement naturel de l’île, afin de limiterdéfinitivement les possibilités de construction etleur envergure dans le paysage, y compris en ce quiconcerne le développement et le déploiementd’installations aéroportuaires et de tours decommunication ;

• développement d’un plan de gestion intégré pourl’île tout entière, établissant la place de laconservation parmi tous les intérêts de l’île, enaccordant une attention toute particulière audéveloppement touristique approprié et auxmesures de préparation aux risques.

L’Etat partie a fourni une documentation à l’ICOMOSqui indique que tous ces points sont actuellement pris enconsidération.

Brève description

La petite île de Pátmos, dans le Dodécanèse, estréputée être l’endroit où saint Jean le théologien aécrit son Évangile et l’Apocalypse. Un monastèredédié au « disciple bien aimé » y a été fondé à la findu Xe siècle, et est un lieu de pèlerinage etd’enseignement orthodoxe grec permanent depuiscette époque. Ce magnifique complexe monastiquedomine l’île et l’ancien établissement de Chorá qui luiest associé, lequel abrite de nombreux édificesreligieux et séculiers.

Recommandation

Que ce bien soit inscrit sur la Liste du patrimoinemondial sur la base des critères iv et vi :

Critère iv Le monastère de saint Jean lethéologien et la grotte de l’Apocalypse de l’île dePátmos, ainsi que l’ancien établissement médiévalassocié de Chorá, constituent un exemple

exceptionnel de lieu de pèlerinage orthodoxe grectraditionnel, d’un intérêt architectural remarquable.

Critère vi Le monastère de saint Jean lethéologien et la grotte de l’Apocalypsecommémorent le site où saint Jean le théologien, le« disciple bien aimé », a composé deux des œuvreschrétiennes les plus sacrées, son Évangile etl’Apocalypse.

ICOMOS, septembre 1999

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Hortobágy (Hongrie)

No 474rev

Identification

Bien proposé Parc national de l’Hortobágy

Lieu Comitats de Hajdú-Bihar, Jász-Nagyun-Szolnok, Heves et Borsod-Abaúj-Zemplén

Etat partie République de Hongrie

Date 25 juin 1998

Justification émanant de l’Etat partie

L’Hortobágy est un exemple remarquable del’interaction harmonieuse entre l’homme et la nature,basée sur une utilisation durable des sols qui préserve ladiversité des espèces et les biotopes. La Puszta offre despanoramas extraordinaires, une succession de paysagesvariés, originaux et saisissants de beauté. La zone estépargnée de toute urbanisation ou industries polluantes,intempestives ou inesthétiques, et des infrastructures quiles accompagnent. Elle se caractérise par une unitévisuelle et topographique originale. Son intégrité estsoulignée par des monuments, des bâtiments et autresstructures d’un grand intérêt architectural et historique.Ce paysage et ses habitants, de l’avis des experts et dupublic, est une source d’inspiration d’œuvres picturaleset littéraires et sans nul doute une ressourced’importance mondiale en termes de rareté et dereprésentativité.

Le Parc national de l’Hortobágy, qui s’étend sur unvaste territoire, représente la continuité, sur plusieursmilliers d’années, dans l’utilisation traditionnelle dessols, et conserve le plus haut degré de biodiversité.

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Le Parc national de l’Hortobágy porte un témoignageunique sur les traditions culturelles des bergers desXVIIIe et XIXe siècles.

Le parc est entouré de villages sur trois côtés, etl’environnement façonné par l’homme est enrichi par ladiversité historique. Les différentes nations et culturesqui se sont succédées ont laissé des traces de leursmigrations. Parmi les monuments il y a les kurgans(tumulus) constructions funéraires qui remontent à 2000ans av. J.-C., les villages dévastés de la Hongriemédiévale et les nombreux bâtiments des XVIIIe etXIXe siècles, encore utilisés de nos jours et d’une valeurarchitecturale exceptionnelle.

L’actuel environnement aménagé par l’homme estdiversifié mais ce qui fait l’originalité de cette région dela Hongrie, ce qui fait qu’elle est inhabituelle et uniqueen Europe, c’est principalement l’élevage destroupeaux. Cette activité était d’une importance majeureaux XVIIIe et XIXe siècles. Le processus dedésertification, amorcé au XIVe siècle, s’est terminé auXVIIe siècle après la série de guerres contre l’Empireottoman. Critères iii et iv

Le parc national de l’Hortobágy est un exempleexceptionnel de survivance de l’utilisation durabled’une terre de pâturages.

L’activité principale du peuple nomade qui occupaitcette région aux Ve et IVe millénaires av. J.-C. était déjàl’élevage extensif sur de vastes pâturages. C’était aussicelle des conquérants hongrois à la fin du 1er millénairede notre ère, puis pendant tout le Moyen Age - une cartedatant de la fin du XVIe siècle montre que cette régionétait déjà vouée à l’élevage. Cette dernière époque deprospérité marqua définitivement cette région façonnéepar l’homme. L’élevage n’altère pas le paysage naturelmais utilise les ressources naturelles sans leur causer dedommages. Le paysage est composé de vastes pâturageset de peu ou pas, de bâtiments. La zone proposée pourinscription ne comporte presque pas de constructions :des puits pour abreuver le bétail, des abris au toit dechaume pour passer l’hiver, des ponts pour traverser lesrivières et des csárdas (auberges provinciales) quijalonnent la route à intervalles d’une ou une demiejordana. Tout cela représente la mémoire inestimable dela vie pastorale d’autrefois. C’est aussi la preuve vivantede la coexistence harmonieuse de l’homme et de lanature. Critère v

Catégorie de bien

En termes de catégories de biens culturels, tellesqu’elles sont définies à l’article premier de laConvention du Patrimoine mondial de 1972, le bienproposé est un site. C’est aussi un paysage culturel telque défini au paragraphe 39 des Orientations devantguider la mise en œuvre de la Convention de patrimoinemondial.

Histoire et description

Histoire

De nombreux peuples ont migré de l’est vers le Bassindes Carpates pendant la préhistoire. Le groupe nomadequi est arrivé autour de 2000 av. J.-C. à la fin de l’Agedu bronze fut le premier à laisser son empreinte sur lepaysage naturel, sous la forme de nombreux tumuli(kurgans). La région est en marge de l’Empire romainet, à l’époque, occupée par les Sarmates, un peuplecavalier venu d’Asie. Les Avars sont arrivés au milieudu VIe siècle, suivis par des colons slaves.

Les Hongrois s’installèrent dans ce que l’on appelleaujourd’hui la Hongrie à la fin du IXe siècle, menés parleur chef, Arpád. Comme la région se prêtait à merveilleà l’élevage, ils occupèrent les terres autour de la Tisza

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aux Xe et XIe siècles. Au début du XIIIe siècle, unréseau dense d’établissements, dont l’économie reposaitsur l’activité pastorale, s’était développé dansl’Hortobágy. L’axe commercial principal reliant Buda àla Transylvanie passait par Tiszafúred et Debrecen. Unetribu Cuman venue du sud de la Russie s’installapacifiquement près de Nagykunság au sud-ouest del’Hortobágy au début du XIIIe siècle.

La région fut cependant dévastée par la horde mongolequi déferla sur cette partie de l’Europe en 1241-1242 etde nombreux villages ne furent jamais relevés après ledépart soudain des Mongols à la mort de leur Grandkhân. Pendant la grande peste, au milieu du XIVe siècle,de nombreux villages se vidèrent de leur population etfurent abandonnés. Simultanément, Debrecen sedéveloppa et attira les habitants des autres villages.

La région tomba entre les mains des Ottomans lorsqueDebrecen fut prise en 1543. D’autres villages furentabandonnés durant les guerres qui dévastèrent la régionentre 1593 et 1608, après l’incursion des Tatars deCrimée en 1594 et la guerre de quinze ans qui refoulales Turcs hors de Hongrie en 1711.

Les 150 ans de gouvernement turc ont renforcél’économie pastorale qui devait dès lors dominerl’Hortobágy. De grands troupeaux de moutons et debœufs étaient gardés sur les prairies ouvertes du débutdu printemps jusqu’à l’automne, puis conduits vers lesabris d’hiver à proximité des sources d'eau. Au début duXIXe siècle, ce système prit fin, ruiné par la dévastationéconomique causée par les guerres napoléoniennes etles changements d’habitude alimentaire. Simultanément,des systèmes de régulation des eaux ont été mis enplace. La domestication des eaux du fleuve Tiszaélimina les crues et les inondations et draina lesmarécages qui furent transformés en terres arables,tandis que les prairies naturelles, privées d’eau,perdirent leur fertilité. Les maigres ressources nesuffisaient plus à nourrir les troupeaux et la régionconnut une grave surexploitation au début du XXe

siècle.

On s’efforça de diversifier les activités dansl’Hortobágy, dont la plus réussie fut la création desétangs à poissons entre 1914 et 1918 et à nouveau dansles années 1950. Les étangs et les lacs couvrentactuellement une superficie de 65km2. L’introduction dela culture du riz dans les années 1950 fut un échec, demême que les projets de reboisement dans les anciensmarais asséchés au sol alcalin.

Description

Le Parc national de l’Hortobágy s’inscrit dans la plainede la Tisza dans l’est de la Hongrie. Il est entouré dedéveloppements urbains au sud, à l’est et à l’ouest. Lesdeux principaux foyers urbains sont Tiszafúred sur laTisza et la ville de Debrecen. Ces deux villes sontreliées par la grande route de crêtes historique.

Les plus anciens éléments dus à l’homme sont lestombes de l’Age du bronze ancien (kurgans). Leursdimensions sont variables – 5 à 10m de haut et 20 à50m de diamètre – ils sont en général coniques ou

hémisphériques. On les trouve toujours sur des solssecs mais à proximité d’une source. Ils ont souvent étéréutilisés comme tombeau et dans certains cas, lesHongrois ont construit des églises chrétiennes à leuremplacement. On trouve aussi dans le Parc des tellscorrespondant à d’anciens villages maintenantdisparus.

Au Moyen Age, les villages bordaient la route deDebrecen à Tiszafúred. Le groupe principal se trouvaitdans le voisinage des villages actuels de l’Hortobágy -Naghegyes, Náduvdar et Nagyiván. Des documentsd'archives prouvent que nombre de ces villagespossédaient une église. Avec le dépeuplementprogressif à partir du XIVe siècle, les villages ontdisparu. Dans les grandes plaines de la Puszta, lesseules marques d’établissement des hommes selimitaient à des structures légères et temporaires, faitesde roseaux et de branchages, pour abriter les hommeset les animaux durant l’hiver.

Les seules structures qui soient parvenues jusqu’ànous sont les constructions publiques en pierre : lesponts et les csárdas. Le pont à neuf arches à Hortobágyest le plus long pont de pierre de Hongrie. Desdocuments attestent la présence d’un pont en bois à cetendroit dès le XIVe siècle, remplacé en 1827-1833 parl’ouvrage existant de style classique. Le pont Zádordans la partie sud du parc national a été construit en1809 avec neuf arches, mais les deux piles ont étéemportés par une crue du Zádor en 1830 et ne furentjamais remplacés.

Les csárdas étaient des auberges provincialesconstruites aux XVIIIe et XIXe siècles pour permettred'héberger et de nourrir les voyageurs. Les csárdastypiques comportent deux bâtiments l’un en face del’autre, tous deux d’un seul niveau et couverts d’un toitde chaume ou parfois de bardeaux ou de tuiles. Unetaverne s’ouvrait en principe sur la route, avec uncomptoir et un accès à la cave à vin. Quelques-unesdisposaient d’une ou deux chambres à louer. De l’autrecôté de la route, en face de la csárda se trouvait lesécuries et le hangar à voitures. Les meilleures csárdasconnues sont celles de Balmazújváros (XVIIIe siècle),Hortobágy (construite en 1699 et reconstruite plusieursfois), Nagyhegyes (début du XIXe siècle), Nagyiván(milieu du XVIIIe siècle), et Tiszafúred (vers 1770).

Gestion et protection

Statut juridique

Le parc national de l’Hortobágy fut créé en 1972 par leDécret présidentiel national pour la conservation de lanature N° 1850. Les 52000ha d’origine furent complétéspar 11422ha en 1993. La superficie actuelle estinchangée depuis 1996.

Le parc est régi par les articles 31-41 de la loi No LIIIde 1996 sur la conservation de la nature. Ils réprimenttoute activité qui risquerait d’avoir un impact négatif surle caractère et la qualité des zones protégées, y comprisle défrichage, toute forme de construction ou deterrassement, et l’utilisation non autorisée de véhicules.

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Gestion

Sur la superficie totale du parc (74820ha), 68196haappartiennent à l’Etat - principalement à la Directiondes Parcs nationaux, mais aussi à l’entreprise publiquede gestion des eaux, à l’armée hongroise et à d’autresinstitutions d’Etat. Pour le reste, 5069ha appartiennentaux fermes collectives, 1263ha à des propriétairesindividuels, 254ha à des municipalités et 38ha à desorganisations non gouvernementales.

L’article 36 de la loi de 1996 sur la conservation de lanature, exige un plan de gestion pour chaque zone deprotection de la nature, révisé tous les dix ans. Le planactuellement en vigueur pour le parc national del’Hortobágy, préparé en 1997, couvre les pointssuivants :

• Achat des parcelles encore détenues par les fermescollectives ;

• Soutien à la création de sociétés d’élevage dans lesvillages environnants afin d’éviter unmorcellement de la gestion des terres ;

• Obtention des droits pour la conservation de lanature dans des zones destinées à être rattachées auParc.

• Application des règlements relatifs à la chasse, àl’utilisation de produits chimiques, etc. , dans lazone tampon ;

• Systématisation et meilleure diffusion desinformations et des résultats de recherches ;

• Poursuite et extension des recherches portant sur lesnouvelles espèces ;

• Désignation des valeurs naturelles découvertes parla recherche sur la protection ;

• Développement d’une stratégie de rechercheglobale.

L’article 30 de la loi de 1996 sur la conservation de lanature requiert la protection des espaces naturels “en casde nécessité” par des zones tampon. La zone tampon duParc national de l’Hortobágy est définie ; elle couvreune superficie 199380ha.

Le personnel de la Direction des Parcs nationaux estcomposé de 42 personnes : 20 administrateurs etspécialistes, 13 gardiens, 6 membres du servicetechnique et 3 chauffeurs. La Direction est placée sousl’autorité du ministère de l’Environnement et de laPolitique Régionale. C’est l’autorité de premièreinstance pour les parcelles qui n’appartiennent pas àl’Etat au sein du Parc.

Les kurgans, csárdas et autres biens historiques du parcsont protégés en tant que monuments historiques dans lecadre de la loi No LIV de 1997 sur les Monumentsanciens. Les bureaux régionaux de l’Office national desmonuments anciens à Debrecen, Eger et Szolnok sont

responsables du suivi de l’état de conservation etdoivent prendre les mesures nécessaires.

Conservation et authenticité

Historique de la conservationLa conservation des valeurs naturelles de la zoneproposée pour inscription est un processus continuentrepris depuis la création du Parc national del’Hortobágy en 1972. Une série de lois votées depuis1995 ont renforcé les contrôles obligatoires sur la zonedésignée, encouragé la préservation des environnementscréés par la main de l’homme et attribué desresponsabilités relatives à la protection aux conseilslocaux, conseils municipaux et administrations descomitats.

Le bien proposé pour inscription est une réserve de labiosphère dans le cadre du programme "L’homme et labiosphère" (MAB) de l’UNESCO. Plus de 23000hasont protégés dans le cadre de la Convention de Ramsarrelative aux zones humides d’importance internationale.

Authenticité

La trajectoire historique de la Puszta est telle que sacroissance et son déclin culturels sont inscrits à toutjamais dans son paysage. Le paysage actuel est commeun palimpseste qui n’aurait pas été recouvert par lesplus récents développement technologiques ou sociaux.Son authenticité en tant que paysage culturel est doncabsolue.

Evaluation

Action de l’ICOMOS

Un expert proposé par l’ICOMOS après délibérationavec l’UICN a visité le bien à la fin du mois d’avril1999.

Caractéristiques

Le paysage de la Puszta hongroise, illustré par le Parcnational de l’Hortobágy, porte un témoignageexceptionnel sur son évolution dans le temps. Laressource naturelle des vastes étendues d’herbages etautres plantes fourragères ont attiré depuis les premierstemps les nomades ou semi-nomades menant une viepastorale. Des traces abondantes de leur présence depuisla préhistoire jusqu’à un passé récent survivent intactesou sous forme de vestiges. Le déclin économique de larégion a contribué à figer le paysage tel qu’il était etempêche son altération par de plus récentsdéveloppements.

Analyse comparative

La Puszta est une plaine marécageuse périodiquementinondée, un vaste cône alluvial que les eaux érodentcontinuellement depuis la fin de la période glaciaire.Morphologiquement, le parc national de l’Hortobágy secaractérise par une alternance de dépressions inondableset de formations de lœss. En Europe ce type de paysage

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est caractéristique du Bassin des Carpates et ne seretrouve ailleurs, sur des étendues comparables, qu’àl’Est de l’Oural.

Observations et recommandations de l’ICOMOS

Ce bien a été proposé une première fois pour inscriptionsur la Liste du Patrimoine mondial en 1988, commepatrimoine naturel. Sur recommandation de l’UICN, laproposition n'a pas été inscrite, mais les qualitésnaturelles de l’Hortobágy en tant que réserve de labiosphère et site Ramsar ont été reconnues. Depuis lors,le Comité a précisé sa définition des catégories depaysages culturels, et l’actuelle demande est présentée,au titre du critère culturel, implicitement en tant quepaysage culturel.

Le dossier de proposition d’inscription contient unegrande quantité de données sur les caractéristiquesnaturelles de la zone proposée, avec une place presqueaussi importante accordée à la “Description du Bien”consacrée aux habitats naturels, aux biotopes et à lafaune des oiseaux qu’au patrimoine culturel. Les liensimportants entre les caractéristiques naturelles de larégion et son développement culturel ne sont pasclairement formulés, bien qu’une lecture attentive decertaines parties révèle les faits essentiels.

Dans la description du patrimoine culturel, les csárdasles plus importantes et les deux ponts historiques sontabondamment décrits tandis que les tumuli (kurgans)ainsi que les vestiges d’anciens villages ne le sont quesuccinctement. Aucune information n’est donnée sur lessites des villages médiévaux abandonnés.

Le rapport de mission émet un avis favorable sur leniveau de protection assuré aux éléments culturelsappartenant au bien mais suggère qu’il soit demandé àl’Etat partie de fournir une liste complète du patrimoineculturel du Parc national de l’Hortobágy, assortie de ladescription de tout programme d’inventaire, derecherche et de fouilles en cours. Si aucun programmede ce type n’existe actuellement, il est fortementrecommandé à l’Etat partie de les concevoir et de lesmettre en place sans délai.

Le rapport signale également le manque d’informationconcernant l’interaction et la coordination entre lesagences chargées respectivement de la protection dupatrimoine culturel et du patrimoine naturel. Il estdemandé à l’Etat partie de fournir des renseignements àce sujet. Ni cette demande ni celle visée au paragrapheprécédent ne justifient cependant pour l’ICOMOS lanécessité de retarder l’inscription de ce paysage culturelexceptionnel sur la liste du Patrimoine mondial.

Les informations fournies dans le dossier d’inscriptiondu bien proposé sur les valeurs naturelles du Parcnational de l’Hortobágy sont très complètes. Sur labase du rapport de mission, l’ICOMOS estime qu’ilpourrait être demandé à l’UICN de reconsidérer sesrecommandations de 1988, avec pour conséquence lapossibilité d’inscrire le bien au titre du critère iiirelatif aux biens naturels.

Brève description

L’Hortobágy est une vaste étendue de plaines et demarécages qui a été utilisée par l'homme commepâturages pour les animaux domestiques pendant plusde deux mille ans.

Recommandation

Que ce bien soit inscrit sur la liste du patrimoinemondial sur la base des critères culturels iv et v :

Critère iv La Puszta hongroise est un exempleexceptionnel de paysage culturel constitué par unesociété pastorale.

Critère v Le paysage du Parc national del’Hortobágy conserve intactes et visibles les tracesde son utilisation traditionnelle sur une durée deplus de deux mille ans et illustre l’interactionharmonieuse entre l’homme et la nature.

ICOMOS, septembre 1999

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Darjeeling Himalayan Railway (Inde)

No 944

Identification

Bien proposé Darjeeling Himalayan Railway

Lieu District de Darjeeling, Etat duBengale-Occidental

Etat Partie Union indienne

Date 3 juillet 1998

Justification émanant de l’Etat partie

Le Darjeeling Himalayan Railway (ci-après dénomméDHR) est un exemple exceptionnel du génie desingénieurs des chemins de fer de la deuxième moitié duXIXe siècle. La voie ferrée gagne en altitude de façonremarquable par l’utilisation de boucles et de garespermettant l’alternance du sens de la marche du train.La ligne se distingue aussi par le fait qu’elle passe par ladeuxième gare la plus haute du monde. Critère i

Le DHR témoigne d’un échange considérable de valeurshumaines car il a eu un impact sur la vie des habitantsde la région. Ainsi, par exemple, la notion du temps achangé, car le chemin de fer a mis Calcutta à moins de24 heures de Darjeeling alors qu’il fallait auparavantcinq à six jours de voyage pour aller d’une ville àl’autre. Critère ii

Le DHR apporte un témoignage unique sur la traditionculturelle des plantations de thé qui demeurent leprincipal moyen d’existence des habitants de la région,qu’ils soient propriétaires terriens, ouvriers agricoles oucommerçants. Critère iii

Plusieurs caractéristiques de la ligne - les innovationstechniques utilisées pour gagner de l’altitude et franchirles obstacles, les ateliers de Tindharia qui utilisentencore de nombreuses machines d’origine, les voiturespour voyageurs et les locomotives à vapeur d’origine,comme l’Everest, construite en 1914, les gares datant duXIXe siècle qui ont conservé leur aspect d’origine -témoignent des savoir-faire technologiques d’uneépoque révolue, illustrent de manière éminente leurfonction et représentent un stade important de l’histoirede l’humanité. Critère iv

Catégorie de bien

En termes de catégories de biens culturels, tellesqu’elles sont définies à l’article premier de la

Convention du Patrimoine mondial de 1972, le bienproposé est un site.

Histoire et description

Histoire

Le DHR est intimement lié au développement deDarjeeling, reine des stations de montagne et l’une desprincipales régions productrices de thé en Inde au débutdu XIXe siècle.

Le contrefort couvert de forêts épaisses auquels’accroche la ville de Darjeeling faisait autrefois partiedu royaume du Sikkim. Ce lieu fut choisi en 1835 par laCompagnie britannique des Indes Orientales pour servirde station de repos et de convalescence à ses soldats.C’est alors que la région fut achetée au Sikkim et quecommença la construction de la station reliée à la plainepar une route. La région fut annexée par l’Empirebritannique des Indes en 1858.

Dès 1878, Calcutta était reliée par le chemin de fer àSiliguri, sur les contreforts de l’Himalaya. A l’époque,l’industrie du thé avait pris un bel essor dans la régionde Darjeeling, et le réseau de transport routier existantne suffisait plus face à l’accroissement du trafic.Franklin Prestage, agent des chemins de fer du Bengale-Oriental, soumit une proposition détaillée pour laconstruction d’une ligne de chemin de fer à vapeurreliant Siliguri à Darjeeling. La proposition fut acceptéeofficiellement et les travaux de construction débutèrentimmédiatement. En 1881 les trois phases de laconstruction étaient achevées.

La société privée Darjeeling Himalayan Railway a étérachetée par le Gouvernement de l’Union indienne enoctobre 1948. Depuis 1958 elle est gérée par la sociéténationale Northeast Frontier Railway.

Description

Le DHR comporte une voie ferrée de 88,48km d’unécartement de 2 pieds (0.610m) qui relie les garesterminus de New Jalpaiguri et Darjeeling en passant paronze gares intermédiaires. L’une d’elles, Ghoom,construite à 2258m d’altitude, est la deuxième plushaute gare du monde.

Du fait que la ligne traverse une région montagneuse,son tracé est constitué à 73% de courbes, dont la plusserrée, entre Sukna et Rongtong, suit un arc de cercle de120°. La ligne comporte également six gares permettantl’alternance du sens de la marche et trois boucles, dontla plus connue est celle de Batasia, entre Ghoom etDarjeeling. La pente la plus raide est de 1 pour 18 (dansles inversions de sens de la marche du train).

Le bien proposé pour inscription comprend l’empriseferroviaire, sur une largeur qui varie de 3 à 50m, et tousles bâtiments annexes – gares et installations, ateliers,dépôts de locomotives et matériels roulants ethabitations des cheminots. La voie traverseconstamment Hill Cart Road, rendant indispensablel’aménagement de 170 passages à niveau. Les

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glissements de terrains causés par la mousson (juillet etaoût) exigent la reconstruction de beaucoup de cespassages.

Le petit train ("Toy Train"), comme on l’appelleaffectueusement, offre des vues prodigieuses sur deschutes d’eau vertigineuses, des vallées vertes souventembrumées et, au bout du voyage, le splendidepanorama de la chaîne du Kanchenjunga couronnée deneige. La ligne se divise en quatre parties : 10km enplaine entre Siliguri et Sukna (en partie urbanisée et enpartie agricole), 11km de jungle épaisse entre Sukna etau-delà de Rongtong, 38km dans une région de collinesen grande partie déboisées et couvertes de plantations dethé jusqu’à Kurseong et enfin 30km en milieu alpinjusqu’à Darjeeling, dominée par des terrasses plantéesde pins de l’Himalaya et de thé.

Gestion et protection

Statut juridique

La seule protection dont bénéficie le chemin de fers’applique à l’emprise ferroviaire qui est en principeprotégée en vertu des mesures générales relatives auxbiens du gouvernement central et des dispositionsspécifiques de la Loi sur les chemins de fer de 1989.

Gestion

Le DHR est la propriété du gouvernement de l’Unionindienne. Il est placé sous la tutelle du ministère deschemins de fer. L’administration du chemin de ferincombe à la Northeast Frontier Railway dont le siègesocial est situé à Guwahati, capitale de l’Etat del’Assam.

Les équipements fixes et roulants de la ligne sontrépertoriés par la Northeast Frontier Railway et lesbâtiments sont inscrits dans un registre détaillé.

Conservation et authenticité

Historique de la conservation

Cette ligne de chemin de fer étant en service, elle estrégulièrement entretenue suivant des programmesdéfinis. Le financement des travaux d’entretien estvariable car il répond aux besoins courants et dépend duniveau du trafic généré.

Des programmes d’investissement sont prévus pour laréhabilitation des bâtiments des gares de Darjeeling,Ghoom, Kurseong et Tindharia. Un programme destabilisation de la voie est en cours pour la sectioncomprise entre Sukna et Mahanadi, qui est une des plussensibles aux glissements de terrain pendant lamousson.

Le développement touristique de Darjeeling dépendlargement de l’efficacité du service du chemin de ferhimalayen. Des programmes destinés à l’améliorer sontpar conséquent à l’étude. Sont envisagés des travauxd’amélioration de la voie et l’acquisition de nouvelles

locomotives et de nouveaux matériels roulants.Actuellement, le ministère des chemins de fer financeune étude complète de la ligne par des conseillersspécialistes des transports.

Les contacts avec la Darjeeling Himalayan RailwayHeritage Foundation basée au Royaume-Uni sontpermanents. Des études sont en cours sur des réseauxferroviaires semblables qui existent ailleurs dans lemonde, comme le Festiniog Railway au Pays de Galles(Royaume-Uni), dont la conception a inspiré celle duDHR.

Authenticité

L’authenticité du tracé, tel qu’il a été construit àl’origine en 1881, a été fidèlement préservée, et necompte que des modifications mineures, liées à undéveloppement progressif et normal. Toutes les gares - àl’exception de Siliguri Junction et de Darjeeling qui ontété reconstruites après avoir été détruites par unincendie - ont conservé leur aspect d’origine.

Evaluation

Action de l’ICOMOS

Une mission d’expertise de l’ICOMOS a visité le bienen janvier 1999. L’ICOMOS a également examinél’étude comparative des chemins de fer historiquescoordonnée par le Musée national du chemin de fer deYork (Royaume-Uni) en 1998 (voir ci-après).

Caractéristiques

Le DHR est un ouvrage de génie civil exceptionnel quiest parvenu jusqu’à nous presque intact. Il est égalementremarquable pour la qualité de nombreux bâtiments quis’y rattachent, en particulier les gares intermédiaires, lesmaisons d’habitations et les maisons de reposappartenant à la ligne ainsi que les ateliers de Tindharia.

Analyse comparative

L’étude comparative de 1998 Railways as WorldHeritage Sites définit des critères d’évaluationspécifiques des lignes de chemin de fer historiques.Pour que leur proposition d’inscription sur la liste dupatrimoine mondial soit prise en considération, ces sitesdoivent répondre à l’un ou plusieurs des critèressuivants :

• être un ouvrage révélateur du génie créateurhumain ;

• démontrer l’influence des innovationstechnologiques sur l’ouvrage et, inversement,l’influence de l’ouvrage sur la technologie ;

• être un exemple éminent ou typique ;

• illustrer l’évolution économique ou sociale.

Le DHR a été choisi comme étude de cas. Il a étédéclaré « ligne de chemin de fer exceptionnelle à

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plusieurs titres, mais plus particulièrement pour ce quiconcerne ses implications sociales, économiques etpolitiques et pour sa relation au paysage. »

Le rapport insiste sur la modestie des infrastructures etdes installations du DHR ; en effet, dès sa conception,l’investissement en capital a été minimal. Néanmoins,les solutions techniques adoptées pour vaincre les fortespentes et les distances relativement courtes sontexceptionnelles.

Il souligne également l’importance économique etsociale de la ligne. Le choix du chemin de fer à voieétroite, admirablement adapté au terrain, a permis letransport des passagers et des marchandises et aprofondément marqué l’évolution économique et socialede la région de Darjeeling.Enfin, le rapport qualifie d’exceptionnelle l’étroiterelation qui existe entre le chemin de fer et les diverstypes de terrains qu’il traverse.

A la lumière de ces commentaires, l’éminente qualité duDHR ne fait pas de doute. L’association du chemin defer à voie étroite et des gares qui permettent l’alternancedu sens de la marche est le premier exemple de ce typejamais réalisé et représente à ce titre un intérêttechnologique exceptionnel. C’est le premier chemin defer de montagne au monde et, en tant que tel, il a servide modèle à de nombreuses lignes construitesultérieurement en Inde, au Vietnam, à Burma, àSumatra, à Java et ailleurs.

A noter enfin que le DHR ne relie pas seulement lesplaines aux montagnes de l’Himalaya, il réunit aussideux traditions culturelles – la culture hindoue duBengale et la culture boudhiste de la régionmontagneuse. En conséquence, Darjeeling, qui se situeen un point de rencontre important, reflète la fusion deces deux cultures (sans oublier également l’influencebritannique).

Observations et recommandations de l’ICOMOS pourles actions futures

L’ICOMOS est impressionné par la qualité du DHR,par le dévouement des personnes responsables de sagestion et de son entretien eu égard à sa conservationcomme témoin de l’histoire du chemin de fer tant enInde que dans d’autres pays. Il s’inquiète cependant dene trouver aucune compétence particulière relative à laconservation du patrimoine parmi le personnel de laNortheast Frontier Railway Il suggère que les cheminsde fer indiens envisagent de confier la responsabilité dela conservation du DHR à une unité spéciale quipossède des connaissances en matière de patrimoineainsi que des compétences en gestion des chemins defer. Cette unité aurait comme une de ses priorités degestion et d’action, la préservation des valeurspatrimoniales tout en tenant compte du développementharmonieux de la ligne dans le cadre d’un pland’expansion du tourisme dans la région de Darjeeling.

Il n’existe pas de zone tampon le long du DHR. Etantdonné la complexité des rouages de la planification enInde, l’ICOMOS enjoint l’Etat Partie à préparer un plande gestion environnementale avec le concours de toutes

les autorités responsables de la protection du paysagetout au long de la voie ferrée.

L’ICOMOS est conscient que ces deux propositionsexigeront une période assez longue avant de pouvoirêtre développées et appliquées. Il est conscient del’importance du DHR, du niveau actuel de préservationet de l’engagement pris par toutes les parties concernéesen faveur de sa pérennité. Il ne propose donc pas quel’inscription sur la Liste du patrimoine mondial soitsoumise à la condition de leur application. Il suggèreque le Comité envisage de demander à l’Etat Partie desoumettre des rapports périodiques dans le but d’établirdes structures appropriées au cours des cinq années àvenir.

La signification de ce bien repose sur son utilisationininterrompue. Son abandon remettrait nécessairementen question sa valeur de patrimoine mondial.

Brève description

Le Darjeeling Himalayan Railway est le premier et leplus extraordinaire exemple de chemin de fer demontagne destiné aux voyageurs. Mis en service en1881, il a appliqué des solutions d’ingénierieaudacieuses et ingénieuses au problème de laconstruction d’une ligne de chemin de fer à travers unerégion montagneuse d’une grande beauté. Cette ligne estencore en service et la plupart de ses caractéristiquesd’origine sont intactes.

Recommandation

Que ce bien soit inscrit sur la liste du patrimoinemondial sur la base des critères ii et iv :

Critère ii Le Darjeeling Himalayan Railwayest un exemple éminent de l’influence quepeut avoir un système de transport novateursur le développement économique et sociald’une région multiculturelle et qui a servi demodèle à de nombreux autres développementsde ce type à travers le monde.

Critère iv Le développement du chemin defer au XIXe siècle a eu une profondeinfluence sur le développement économiqueet social dans de nombreuses partie dumonde. Ce processus est illustré de manièreexceptionnelle, riche et exemplaire par leDarjeeling Himalayan Railway.

ICOMOS, septembre 1999

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Villa Adriana (Italie)

No 907

Identification

Bien proposé Villa Adriana

Lieu Province de Latium

État partie Italie

Date 29 juin 1998

Justification émanant de l’État partie

La villa Adriana possède une valeur universelle etexceptionnelle. Elle est unique par son type deconception, elle est dotée d’une immense valeurintrinsèque et elle abrite les exemples les plus completsde l’architecture romaine. Critère i

La villa Adriana ne peut être comparée directement àaucune des autres grandes résidences aristocratiques desempereurs romains, car il ne s’agit pas d’une villa ausens strict du terme. Elle a en effet été conçue commeune « cité idéale », élaborée à cette fin par l’empereurHadrien.

La villa a exercé une influence considérable surl’architecture de la Renaissance (Giuliano et AntonioSan Gallo, Pirro Ligorio, Dosio et beaucoup d’autres),mais par-dessus tout sur l’architecture baroque. LeBernin, Borromini, Le Brun et Hildebrand se sontinspirés de l’alternance d’espaces concaves et convexesde la « Piazza d’Oro » et des Petits Thermes pourl’intérieur de nombreuses églises et édifices publics. Larelation entre la villa Adriana et l’architecture modernesemble elle aussi fondamentale. Des architectes tels queJohn Ruskin, Frank Lloyd Wright, Le Corbusier, LouisKahn et John Johansen ont réinterprété la dispositiondes organisations ouvertes de la villa tiburtined’Hadrien pour des structures architecturales de diverstypes. Par exemple, les similitudes entre le FloridaSouthern College de Wright et le Mummer’s Theatre deJohansen d’une part et la villa Adriana de l’autre sontextraordinaires – dans les liaisons de distributioncirculaires entre les divers corps inspirés par le « théâtrenaval » et les Trois Exèdres et, en général, dans ladistribution globale assez libre des parties au-delà de lazone construite, qui rappelle intellectuellement etconceptuellement la composition architecturale de lavilla Adriana.

Celle-ci est un exemple exceptionnel de la civilisationromaine. Il convient en particulier de souligner la naturemultiethnique et universelle de la culture romaine, et lavilla Adriana représente une synthèse de ses valeurs les

plus fondamentales. L’empereur Hadrien, d’origineromaine et ibérique mais de culture grecque, amoureuxde l’Orient, philosophe, poète et grand voyageur, est leprototype même de l’intellectuel européen autantconscient des valeurs de la tradition que de celles descultures locales. Critère ii

La villa Adriana est l’ensemble architectural le pluscomplet et le mieux conservé du monde romain ; elleillustre la période la plus significative de l’histoireromaine au sein d’un écrin naturel incomparable.Puisqu’il s’agit d’une « cité / villa », elle se composed’un complexe d’édifices publics et privés, de pavillons,de voies, de passages souterrains et de bassins qui,ensemble, dessinent l’un des ensembles les plusnovateurs de l’architecture romaine. Critère iii

La villa Adriana est un exemple typique et original dugénie des Romains en matière d’architecture etd’ingénierie ; son importance historique estincommensurable. Critère iv

Elle est en outre un exemple inimitable d’anciennesinstallations humaines intégrées, à partir du XVIIIe siècle,dans certains espaces restés vides à côté d’édificestypiques du paysage rural romain et qui ont aujourd’huidisparu. Ces édifices datés du XVIIIe siècle sont desfermes, des granges, des citernes, des lavoirs et desécuries, tous construits pour doter la région d’uneactivité agricole qui perdura jusqu’en 1870. Critère v

Ce type de paysage est resté intact depuis le XVIIIe siècle,offrant ainsi aux yeux du visiteur les vues fascinantesqui enchantaient déjà les voyageurs faisant le GrandTour. En ce sens, la villa Adriana reste un exemple dece « paysage avec ruines » typique qui inspira les artisteset les peintres du monde entier (particulièrement lesvedutisti, les peintres paysagistes). Pour ces raisons, lavilla Adriana reste une source d’inspiration pour leshommes de lettres et les artistes de notre siècle, deMarguerite Yourcenar aux peintres contemporains.

Critère vi

Catégorie de bien

En termes de catégories de biens culturels, tellesqu’elles sont définies à l’article premier de laConvention du Patrimoine mondial de 1972, il s’agitd’un site.

Histoire et description

Histoire

Sur cette zone se dressait à l’origine une villa de la finde la République, présumée propriété de l’époused’Hadrien, Vibia Sabina. La résidence impériale futconstruite au même endroit en deux étapes, 118-125 et125-138, symbole d’un pouvoir qui devenaitprogressivement absolu et qui s’éloignait de la capitale :c’est pourquoi on l’a comparée au Versailles de LouisXIV.

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Après la mort d’Hadrien en 138, ses successeurspréférèrent faire de Rome leur résidence permanente,mais la villa continua cependant de s’agrandir et d’êtreembellie. On dit que Constantin Ier le Grand auraitemporté certaines de ses plus belles pièces dans sanouvelle capitale, Byzance.

La villa fut ensuite mise à sac et pillée par des hordessuccessives d’envahisseurs barbares, et elle finit partomber à l’abandon. Ainsi, dans les siècles qui suivirent,les constructeurs et les chaufourniers l’utilisèrentcomme carrière.

Ce n’est qu’au XVe siècle que l’intérêt pour ces ruinesrenaquit, sous l’influence du pape Pie II (ÆneasSilvius). Au début du XVIe siècle, Alexandre VI ordonnades fouilles pour récupérer des objets d’art. Quand lecardinal Hippolyte II d’Este commença la constructionde sa villa d’Este, toute proche, il poursuivit les fouilles,sous la direction de son architecte Pirro Ligorio,espérant orner sa nouvelle demeure des œuvres d’artdécouvertes. Par la suite, les fouilles se poursuivirentsporadiquement jusqu’à ce que la villa Adrianadevienne la propriété du tout jeune État italien, en 1870.

Description

Le complexe connu sous le nom de villa Adriana couvreune zone de plus de 120 hectares, sur les versants descollines tiburtines.

Les nombreuses structures sont organisées sans planglobal dans cette zone. Elles se divisent en quatregroupes spécifiques.

1 Le théâtre grec et le temple d’Aphrodite Cnidia

Le théâtre, en bon état de conservation, bien queconservé partiellement, est d’une conceptionconventionnelle. Ses gradins (cavea) sont creusés dansle flanc de la colline et font approximativement 36 m dediamètre. Le petit temple circulaire s’inscrit dans unegrande exèdre semi-circulaire, dans une zone qui futmarécageuse jusqu’à son assèchement, au XVIe siècle.

2 Le « théâtre naval », la cour des Bibliothèques, lesBibliothèques latine et grecque, le Palais impérial et la« Piazza d’Oro ».

Il s’agit du cœur du complexe, aligné sur la vallée deTempe. Les divers éléments sont regroupés autour dequatre péristyles. Le « théâtre naval » est une structurecirculaire de 43 m de diamètre ; le péristyle ionique demarbre enferme des douves circulaires autour d’une îlecentrale sur laquelle se dresse une villa miniature. Lacour des Bibliothèques, la plus ancienne partie del’ensemble, est un portique à colonnades, avec unnymphée du côté nord. Des passages situés de chaquecôté du nymphée permettent d’accéder aux deux« bibliothèques ».

Le Palais se compose d’un complexe de pièces autourd’une cour spacieuse. La « Piazza d’Oro » est l’un desédifices les plus impressionnants du complexe. Le vastepéristyle est entouré d’un portique à deux travées, avecdes colonnes qui alternent marbre cipolin et granit

égyptien. Au centre figure un grand bassin, entouré d’unjardin.

3 Le Poecile, le Stade et ses édifices associés, lesPetits Thermes et les Grands Thermes, le Canope, leSerapeum, et le Cento Camerelle.

Le Poecile (ou Poikile) est une reproduction d’unestructure imposante d’Athènes célèbre pour sespeintures et ses références aux philosophes stoïciens.Elle consiste en un péristyle rectangulaire de 232 m sur97 m. Une partie de ses murs massifs subsiste ; ilsétaient flanqués de colonnades de chaque côté. Aumilieu de l’enceinte se trouve un bassin rectangulaire,délimité par un espace vide qui a peut-être été un champde courses.

Les deux ensembles de thermes sont d’une formeconventionnelle. Le plus petit aurait été exclusivementréservé aux femmes.

Le Canope est un canal oblong, imitant le fameuxsanctuaire de Sérapis, près d’Alexandrie. L’exèdre semi-circulaire du Serapeum se dresse à son extrémité sud.

4 Le bassin aux Lys, la tour Roccabruna etl’Académie

On pense que la tour Roccabruna, qui est un belvédère,ou pharos, est une copie de la tour de Timon à Athènes.Quant à l’Académie, il s’agit d’un complexe d’édificesdont la fonction n’a pas été clairement établie.

En sus de ces structures, on observe un ensembled’éléments souterrains, notamment des cryptoportiqueset des galeries, qui servaient de voies de communicationinterne et d’entrepôts.

A l’emplacement de plusieurs structures anciennes sedressent des fermes et autres bâtiments, remontant pourla plupart au XVIIIe siècle. Elles furent directementconstruites sur les fondations antérieures, et il estdifficile de les dissocier des anciennes structures.

Gestion et protection

Statut juridique

Le bien tout entier est protégé en vertu des dispositionsde la loi italienne N° 1089 de 1939, qui interditl’exécution de travaux susceptibles d’affecter lemonument sans autorisation.

L’ensemble de la zone (incluant la zone tampon) estcouvert par les réglementations de contrôle surl’environnement énoncées dans la loi N° 431 de 1985.

Gestion

La villa Adriana couvre 120 hectares environ, dont 80appartiennent au Gouvernement italien et les 40 restantsà des particuliers. Les deux zones sont protégées par laloi de 1939. Toutefois, les zones appartenant à desparticuliers sont exclues de celle du bien proposé pour

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inscription (quoiqu’elles fassent partie de la zonetampon).

La gestion de la villa Adriana incombe au ministère desBiens culturels (Ministerio per i Beni Culturali). LaDirection archéologique du Latium (SoprintendenzaArcheologica per il Lazio) est pour sa part responsablede la gestion au niveau régional. Le personnel actuel secompose de trois archéologues (l’un d’entre eux étantdirecteur de la Villa), d’un architecte, de troisrestaurateurs, de trois artisans qualifiés, et de quarante-trois gardiens.

La villa fait l’objet de vastes recherches archéologiqueset scientifiques dans divers domaines d’étude.Actuellement, des universitaires italiens et étrangersréalisent des projets à son sujet.

Le monument accueille quelques 350.000 visiteurs paran, ce qui en fait l’un des dix sites les plus visitésd’Italie. La gestion était encore récemment relativementmineure, couvrant des programmes de maintenancerégulière et des projets de restauration choisis.

Toutefois, depuis 1996, elle bénéficie de sourcesmajeures de financement provenant de la CommunautéEuropéenne, de la Loterie Nationale et d’ailleurs, ce quia permis la préparation et la mise en œuvre d’un vasteprogramme d’investigation, de restauration, deconservation, de récupération des espaces verts, deréhabilitation des structures ultérieures sur les anciennesfondations et, en particulier, d’amélioration desinstallations destinées aux visiteurs (centre d’accueil,parking supplémentaire et extension des muséesexistants sur le site). Une nouvelle zone d’entrée etd’accueil est en cours de préparation, sur un site plusétroitement lié à la communauté moderne de Tivoli. Laclôture a récemment été reconstruite, et est maintenantilluminée la nuit.

Depuis 1997, un plan de gestion relatif auxinfrastructures du site – drainage, eau,approvisionnement et distribution électrique, servicesd’hygiène, sorties de secours, etc. – est en vigueur.

Conservation et authenticité

Historique de la conservation

Des travaux scientifiques de conservation ont étéeffectués à la villa Adriana depuis la seconde moitié duXIXe siècle, qui étaient conformes aux techniques etprincipes de l’époque. Ils ont commencé par laconstruction de contreforts pour la consolidation deplusieurs des anciennes structures, suivant l’approcheprescrite par les Commissions papales et appliquée avecsuccès à d’autres structures anciennes telles le Colisée àRome. Les données des fouilles scientifiques autournant du siècle furent utilisées pour quelques projetslimités de restauration.

Des mesures de consolidation et de reconstructionpartielle à l’aide de matériaux nouveaux et clairementdifférentiés ont été appliquées à partir de 1913. Cettetechnique a été affinée à partir du milieu du XXe siècle.

Parallèlement, une analyse précise a rendu possible uneanastylose partielle de certaines des structures, dont leSerapeum, le «théâtre naval» et la salle des colonnesdoriques. Ce travail a d’ailleurs suscité l’admiration àl’échelle internationale.

Récemment, des projets de conservation majeurs sur lecomplexe des Cento Camerelle et le nymphée deRoccabruna sont arrivés à terme. Actuellement, destravaux sont exécutés non seulement sur un certainnombre des structures elles-mêmes, mais aussi sur leurséléments décoratifs (stucs, peintures murales,mosaïques).

Authenticité

Le degré d’authenticité global de la villa Adriana estélevé. La disposition globale des structures lacomposant est parfaitement préservée, de même que leurrelation au paysage environnement. Ainsi, en dépit desiècles de pillage et de destruction, la qualitémonumentale a été dans une très grande mesurepréservée. Les projets de restauration et de conservationau cours des 150 dernières années ont été menés à bienavec sensibilité, et toujours en stricte conformité avecles normes contemporaines les plus exigeantes.

Évaluation

Action de l’ICOMOS

Une mission d’expertise de l’ICOMOS a visité la villaAdriana en février 1999.

Caractéristiques

La villa Adriana est un vestige exceptionnel du HautEmpire romain. L’ensemble des édifices et des autresstructures qu’elle abrite illustre en outre le goût etl’érudition de l’un des plus grands empereurs romains.De fait, Hadrien était un homme à la culture immense,sans cesse sur les routes de son empire, rapportant dansson complexe palatial le meilleur des diverses culturesque cet empire réunissait.

Analyse comparative

On peut déclarer sans crainte d’erreur que la villaAdriana est unique. Il ne s’agit pas d’une villa romaineau sens strict du terme, comme par exemple la villaromaine du Casale à Piazza Armerina (en Sicile). Cen’est pas non plus un seul palais intégré, comme celuide Dioclétien à Split (en Croatie) : c’est l’illustrationparfaite et absolue des cultures méditerranéennes à leurapogée, et en tant que telle, elle est sui generis.

Observations de l’ICOMOS

La mission d’expertise de l’ICOMOS a eu l’impressionqu’il y avait peu de contacts, voire aucun, entrel’instance étatique responsable de la gestion de la villa(la Soprintendenza) et les autorités municipales deTivoli. Il serait souhaitable que des liens plus solidess’instaurent lorsque le nouveau centre d’entrée et

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d’accueil sera opérationnel et que l’actuelle situationintérimaire du gouvernement local aura pris fin.

L’ICOMOS considère également qu’un plan de gestionglobal est nécessaire. Il intégrera et coordonnera le pland’entretien existant ainsi que les nombreux projets derestauration et de réhabilitation.

Brève description

La villa Adriana est un complexe exceptionneld’édifices classiques, créé au IIe siècle après J.-C. parl’empereur romain Hadrien, et qui reproduit lesmeilleurs éléments des cultures matérielles d’Égypte, deGrèce et de Rome sous la forme d’une « cité idéale ».

Recommandation

Que ce bien soit inscrit sur la Liste du patrimoinemondial sur la base des critères i, ii et iii :

Critères i et iii La villa Adriana est un chef d’œuvrequi réunit de façon unique les plus hautes formesd’expression des cultures matérielles de l’ancienmonde méditerranéen.

Critère ii L’étude des monuments qui composent lavilla Adriana a joué un rôle crucial dans laredécouverte des éléments de l’architectureclassique par les architectes de la Renaissance et dela période baroque. Elle a en outre profondémentinfluencé nombre des architectes et dessinateurs duXIXe et du XXe siècle.

ICOMOS, septembre 1999

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Nikko (Japon)

No 913

Identification

Bien proposé Sanctuaires et temples deNikko

Lieu Préfecture de Tochigi

Etat Partie Japon

Date 30 juin 1998

Justification émanant de l'Etat Partie

Les sanctuaires et temples de Nikko ont une valeurartistique exceptionnelle et représentent autant de chefd'œuvres dus au génie des premiers architectesjaponais. Critère i

Les deux mausolées inclus dans la propositiond'inscription – le Tôshôgû et le Taiyû-in Reibyô – sontune illustration parfaite du style architectural connucomme "Gongen-zukuri", forme la plus aboutie del'architecture religieuse de l'époque. Ce style devaitexercer une grande influence sur les bâtisseurs desanctuaires et de mausolées des générations suivantes.Ces édifices démontrent l'ingéniosité et la créativitédes architectes qui ont réalisé ce paysagearchitectural ; la décoration exubérante introduite iciétait inconnue jusque là dans l'histoire du Japon et lesédifices étaient disposés et colorés à dessein et avecefficacité pour s’intégrer parfaitement dans lepaysage. Ils offrent aussi une parfaite représentationdu style architectural de la période Edo appliqué auxsanctuaires shintoïstes et aux temples bouddhistes,style qui se caractérise par ses mausolées. Lesbâtiments du Tôshôgû en particulier constituent unesource d’information importante et éloquente sur cetancien style architectural japonais. Le bien proposépour inscription illustre une étape significative del'’istoire de l'architecture au Japon. Critère iv

Les édifices religieux et leur environnement quicomposent cette proposition d’inscription constituentun exemple typique d'espace religieux traditionneljaponais, directement associé à la perception shintoïstedes rapports avec la nature, où les montagnes et lesforêts ont une charge religieuse et sont objets devénération.

Nikko est d'ailleurs un lieu de culte toujours enactivité, où se déroulent souvent des manifestationstraditionnelles bien vivantes dans l'esprit et la viequotidienne du peuple. Critère vi

Catégorie de bien

En termes de catégories de biens culturels, tellesqu’elles sont définies à l'article premier de laConvention du patrimoine mondial de 1972, lessanctuaires et temples de Nikko constituent unensemble qui s'inscrit dans un cadre naturel aménagépar l'homme pour former un site ayant valeur depaysage culturel associatif comme décrit auparagraphe 39 des Orientations devant guider la miseen œuvre de la Convention du patrimoine mondial(1998).

Histoire et description

Histoire

Le bien culturel proposé à l'inscription a unedestination liée au culte qui remonte à la fin du VIIIesiècle, quand un moine bouddhiste, Shôdô, érigea lespremiers édifices au flanc de la montagne de Nikko,laquelle était vénérée comme montagne sacrée depuisles temps les plus anciens. Certains édifices des deuxensembles Futarasan-jinja et Rinnô-ji remontent àcette période.

A la fin du XIIe siècle, le shogunat Kamakura s'établitdans la région du Kanto. Nikko s'affirma davantageencore, tant par son site montagneux que par lesédifices religieux, comme un lieu sacré majeur duKanto. Mais les troubles de la période Muromachi, auXVIe siècle, entraînèrent un relatif délaissement dusite.

Au début du XVIIe siècle, il fut procédé à uneréhabilitation des temples. Nikko fut choisi commesite pour la construction du Tôshôgû, un sanctuaireavec plusieurs édifices destiné à accueillir le mausoléede Tokugawa Ieyasu, le fondateur du shogunatTokugawa. Ce régime devait exercer le pouvoir durantplus de 250 ans de l'histoire japonaise. Depuis cetteépoque, Nikko a rempli un rôle politique trèsimportant en symbolisant la souveraineté nationale,aussi bien aux yeux des autorités locales qu'à l'égarddes dirigeants des pays voisins, dont les émissairesvenaient rendre hommage à Ieyasu, personnage déifié.

En 1871, le gouvernement Meiji décida de répartir lesite et les édifices religieux qui relevaient d'une seuleentité religieuse, en trois ensembles, confiés à troisorganisations religieuses distinctes : Futarasan -jinja etTôshôgu au culte shintoïste, et Rinnô-ji au cultebouddhiste. Cette réorganisation entraîna ledéplacement et la restauration de certains édifices. Lecaractère sacré et prestigieux du site permit de garantirla sauvegarde de Nikko qui, dès 1897, fut placé sousune protection légale renforcée ensuite à plusieursreprises.

Description

• Le Futarasan-jinja

Consacré à trois divinités du mont Nantai, il forme unensemble d'édifices dont 23 sont inscrits comme"Biens culturels importants" selon la Loi de protection

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des biens culturels. La plupart ont été restaurés ouconstruits au XVIIe siècle, selon les traditionsanciennes, exerçant une influence générale à travers leJapon dans l'aménagement des sanctuaires.

Parmi les édifices les plus remarquables, il faut citer leHonden et le Haiden, coeur du sanctuaire, le BestugûTakino-o-jinja Honden, dont le plan de constructionremonterait à l'an 825, et le Shin-yosha, le plus ancientémoignage du style architectural qui allait inspirer lespremières phases de construction du Tôshôgû.

Le Sinkyô relève aussi du Futarasan-jinja. Ce pontsacré enjambe la rivière Daiya et daterait de la périodeMuromachi. C’est en 1636 qu'il a reçu saconfiguration actuelle : un pont de bois laqué auvermillon, reposant sur des piliers de pierre massifs.Le tablier du Sinkyô a été emporté par une inondationcatastrophique, en 1902 ; il a été restauré à l'identiqueen 1904 et fait l'objet d'une restauration importantedont le terme est prévu en l'an 2001.

• Le Tôshôgû

Ce sanctuaire, fondé dans la première moitié du XVIIesiècle, comporte un grand nombre d'édifices, dont 37sont inscrits comme "Biens culturels importants",tandis que les édifices suivants sont inscrits comme"Trésors nationaux".

Un ensemble de trois chambres sacrées illustreparfaitement le dispositif architectural en forme de Hdénommé "Gongen-zukuri" dans lequel le Honden,chambre principale, est reliée au Haiden, oratoire, parun corridor pavé de pierres, appelé Ishinoma.

Le Shômen Karamon et le Haimen Karamon, chefd'œuvre d'artisanat et de décoration, inspiré d'un styleétranger qui lui a donné le nom courant de "portechinoise".

Le Yômeimon, érigé en 1636, probablement l'œuvrearchitecturale la plus connue de Nikko, est un édificechargé d'une décoration d'une infinie variété.

Le Tôzai Sukibê est un mur de quelque 160m, datantaussi de 1636, qui entoure l'ensemble Honden,Ishinoma et Haiden.

Le Tôzai Kairô, corridor de 220m, dont la partie sudest formée de 25 panneaux sculptés, entoure sur troiscôtés le même ensemble Honden, Ishinoma et Haiden.

• Le Rinnô-ji

Ce temple bouddhiste, dont les origines remontent auVIIIe siècle, est resté en permanence un lieu de culte.Des constructions importantes ont été ajoutées audébut de la période Edo, notamment en 1653, pouraménager le mausolée du troisième shogun TogukawaIemitsu. Il comporte de nombreux édifices, dont 37sont inscrits comme "Biens culturels importants"

L'ensemble de forme et de style "Gongen-zukuri"formé par le Taiyû-in Reibyô Honden, Ainoma etHaiden est inscrit comme "Trésor national". Il

constitue un pur chef d'œuvre d'architecture et dedécoration.

• Le site

Un aménagement paysager séculaire a produit uneinsertion remarquable des temples et sanctuaires dansle cadre naturel. Au flanc des pentes montagneuses,les édifices sont disposés de manière à ménager diverseffets visuels. La perception des perspectives et del'échelle des constructions est conditionnée par lesproportions étudiées des escaliers, des murs desoutènement et des parois qui cloisonnent l'espace. Ils'en dégage une impression saisissante d'harmonie etde recueillement.

Au moment de l'aménagement du Tôshôgû, au débutdu XVIIe siècle, des milliers de cèdres ont été plantés.Ils ont aujourd'hui atteint leur plein développement.Cette forêt de cryptomeria offre un écrin naturelextraordinaire pour les sanctuaires et les temples,contribuant, de manière déterminante, à la beauté et aucaractère sacré du site.

Gestion et protection

Statut juridique

Les édifices inscrits comme "Trésors nationaux" (9)ou comme "Biens culturels importants" (94) en vertude l'article 27 de la Loi de protection des biensculturels font l'objet d'une protection juridique et demesures de gestion et de conservation strictes

L'ensemble du site, en particulier dans ses valeurs depatrimoine naturel, comporte diverses zones deprotection. Certaines sont fixées depuis très longtemps: depuis le XVIIe siècle, dans des mesuresréglementaires et, antérieurement, dans desdispositions coutumières. Des régimes spécialiséscouvrent ces diverses zones, parfois de manièreconcomitante : outre la Loi de protection des biensculturels de 1950, qui protège à la fois les édifices etle périmètre dans lequel ils sont situés, il convient dementionner la Loi sur les forêts, la Loi sur les rivières,la Loi sur le contrôle des sables, la Loi sur les parcsnaturels de 1957 (laquelle distingue 4 catégories avecun niveau de protection spécifique), ainsi que diversesprescriptions municipales qui portent sur des zonesd'affectation spéciale. Le tout forme un arsenal demesures de protection complet, fondement d'un plande gestion très élaboré.

Gestion

Le périmètre du site proposé à l'inscription sur la Listedu Patrimoine mondial correspond aux limites despropriétés foncières des moines en charge de lagestion journalière. Il fait l'objet d'une réglementationparticulière, qui se combine, suivant les zones, avecles diverses mesures de protection mentionnées plushaut. Sa forme est irrégulière, notamment parl'excroissance étroite du sud-est autour du pont sacré(Skinkyô). Un minuscule terrain séparé sur lequels'élève un très ancien édifice religieux est ajouté aupérimètre. La logique de définition du périmètre

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relève du caractère religieux du site ainsi que du soucide clarté dans les responsabilités de gestion courante,précisément assumées par les autorités religieuses.

La zone tampon, elle aussi, comprend diverses airesrelevant de plans de protection spécifiques. Sadélimitation suit les lignes de crête des collinesentourant le site historique, sauf au sud-ouest, où ellesuit les limites de parcelles cadastrales et de zonesprotégées par la Loi sur les parcs naturels.

La sauvegarde de l'ensemble du site et de la zonetampon fait l'objet d'une définition précise desresponsabilités, depuis les autorités religieuses,chargées de la gestion courante et de l'entretienrégulier, jusqu'au Bureau national des affairesculturelles qui assure une supervision générale et lefinancement des opérations les plus onéreuses selonune planification pluriannuelle. Aux niveauxintermédiaires, des responsabilités particulières sontassumées par la Municipalité de Nikko, en matièred'urbanisme, de circulation et de contrôle sur la zonetampon, et par la Préfecture de Tochigi, en matièred'éducation et de sensibilisation du public, avecnotamment le contrôle des flux touristiques.

De nombreux visiteurs fréquentent les sanctuaires ettemples de Nikko. En 1996, sur un total de quelque1,7 millions de visiteurs, 550.000 étaient des étudiantsen voyage scolaire et 20.000 des visiteurs étrangers.Des mesures strictes sont d'application, notammentpour le stationnement des voitures et des autocars.Compte tenu de la grande affluence enregistrée lors dejours fériés nationaux ou au début de l'automne, lesautorités religieuses prennent des mesuresd'encadrement des visiteurs qui peuvent aller jusqu'aucontingentement, dans le souci de préserver nonseulement l'intégrité physique des édifices et du sitenaturel, mais aussi le caractère sacré des lieux.

Conservation et authenticité

Historique de la conservation

La conservation des sanctuaires et temples de Nikkos'inscrit dans un contexte de respect des traditionsséculaires de conservation et de restauration ainsi quede maintien des pratiques religieuses liées à un siteconsidéré comme sacré.

Très tôt, une approche méthodique est adoptée. C'estainsi qu'un remarquable manuscrit, daté de 1753,contient de nombreux commentaires sur les travaux duXVIIe siècle que les moines ont consignés par écrit.Des indications très précises y sont données, enrapport avec les structures architecturales et lestravaux de décoration, pour former un document deréférence très précieux régulièrement consulté de nosjours. Ce manuscrit indique, par exemple, lesprescriptions traditionnelles pour les couleurs, avecréférences précises sur les pigments et leur lieu deprovenance.

Cette pratique de tenue minutieuse des archives a étérespectée jusqu'à nos jours.

Sous la Restauration Meiji fut adopté le Décret de1871 relatif à séparation des cultes shintoïste etbouddhiste. A Nikko, deux sanctuaires shintoïstes etun temple bouddhiste furent confiés à troisorganisations religieuses distinctes. Dans ce cadre,quelques édifices, en nombre heureusement limité,furent supprimés, transformés ou déplacés. Un termefut mis à ces atteintes à l'intégrité du site historiquepar la constitution, en 1879, d'une "Association pourla conservation des sanctuaires et des temples deNikko", appelée Hokôkai, encore active aujourd'hui etpar l'adoption, en 1897, d'une Loi pour la préservationdes sanctuaires et des temples.

Authenticité

Au cours des siècles, le site historique a certes connubien des vicissitudes. Des édifices ont été incendiés ouendommagés par des chutes d'arbre ou destremblements de terre. Chaque fois, il a été procédé àune restauration à l'identique, dans le respect strict desplans et des techniques d'origine, en utilisant le pluspossible les matériaux d'origine et en gardant unedocumentation détaillée sur ces opérations. Cette fidélité au modèle initial et à la significationmême des édifices religieux témoignent d'uneexigence véritable de respect de leur authenticité. Demanière plus générale, la gestion du site vise àmaintenir dans toute sa richesse l'harmonie du paysageculturel qui allie les éléments naturels et les édificesconstruits.

Prévention des risques

Depuis les origines, des mesures préventives et desplans d'intervention d'urgence ont été adoptées pourfaire face aux dangers d'incendie ou de tremblementde terre. Cette préoccupation est restée constante. Aucours de ce siècle, en particulier, toute nouvelletechnique de prévention a rapidement été adoptée.Ainsi, un système perfectionné de jets d'eau, alimentéspar de vastes citernes souterraines, a été installé dansles années cinquante. Les techniques les plus récentesde télédétection, intégrées avec grande discrétion,permettent de contrôler, depuis un observatoirecentral, tout signe suspect.

La forêt de cryptomeria fait aussi l'objet d'examens decontrôle régulier et de mesures de consolidation desarbres pour prévenir leur chute sur les édifices.

Formation

La maintenance générale et les travaux de restaurationsont considérés comme une "école d'application"permettant à des artistes et à des artisans de se former.Des cours de perfectionnement de haut niveau sontorganisés à Nikko, sous forme de séminairesrésidentiels de plusieurs mois, accueillant unequinzaine d'artisans sélectionnés à travers tout le pays.Les spécialités les plus pratiquées portent sur lestechniques de décoration qui ont reçu à Nikko le plushaut degré d'application : couleurs, laques, vernis. Cesprogrammes de formation sont placés sous la hautesupervision du Maître Hokusai Yoshihara, un desdeux artistes reconnus, dans cette discipline, comme"Trésors culturels vivants".

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Evaluation

Action de l'ICOMOS

Une mission d'expertise de l'ICOMOS a visité Nikkoen décembre 1998.

Caractéristiques

Les sanctuaires et temples de Nikko forment unensemble d'édifices religieux, témoins d'une traditionséculaire, dans un cadre naturel exceptionnel. Depuisdes siècles, il constitue un lieu sacré et, aujourd'huiencore, connaît une pratique religieuse régulière. Lesite évoque aussi des heures glorieuses de l'histoire duJapon, en particulier autour de la figure emblématiquedu grand shogun Tokugawa Ieyasu.

Analyse comparative

Le caractère singulier des sanctuaires et temples deNikko tient à la conjonction de valeurs très fortes : unelongue tradition cultuelle, un très haut niveau deréalisation artistique, une alliance saisissante entrel'architecture et l'aménagement du cadre naturel, unlieu de mémoire national. D'autres sites peuventrefléter telle ou telle de ces valeurs, mais cetteconjonction fait de Nikko un "bien culturel"exceptionnel.

Recommandations de l'ICOMOS pour des actionsfutures

Malgré une protection et une gestion du site historiqueà bien des égards exemplaires, trois suggestions sont àformuler :

Concernant le Tôshôgû, la documentation présentée àl'appui de la demande d'inscription devrait comblerl'absence d'informations relatives à deux édifices :d'une part, le Kyôzô, avec sa bibliothèque tournantecomprenant des milliers de volumes de soûtras, dontcertains datent du début du XVIIe siècle ; d'autre part,le Honkidô, bien connu pour son "Dragon pleureur",dessin remarquable peint au plafond. Ces deuxédifices sont placés sous la garde de l'Association pourla conservation des sanctuaires et temples de Nikko.

La signalisation mérite des soins plus attentifs pourêtre à la hauteur de l'importance culturelle du site.Cela, tant dans le choix de matériaux plus discrets quedans le graphisme des indications, l'emploi de l'une oul'autre langue étrangère et la localisation des panneauxd'information. Les prescriptions du "Plan de gestiondu Parc National de Nikko" adopté en 1996 indiquentla voie à suivre.

Le contrôle de la zone tampon demande une attentionparticulière : d'une part, la limite sud-ouest ne suit pasune ligne de crête et traverse une zone susceptible deconnaître des pressions immobilières ; d'autre part, lamaîtrise des flux croissants de visiteurs restera un défipermanent.

Brève description

Les sanctuaires et temples de Nikko et le cadre naturelqui les entoure constituent, depuis des siècles, un lieusacré où se sont élevés des chefs d'œuvred'architecture et de décoration artistique. Ils sontétroitement liés à la mémoire des shoguns Tokugawa.

Recommandation

Que ce bien soit inscrit sur la Liste du patrimoinemondial sur base des critères i, iv et vi :

Critère i : les sanctuaires et temples de Nikkoportent la marque du génie architectural etartistique ; ce caractère est renforcé par laparfaite intégration des édifices dans une forêt etun site naturel aménagés par l'homme.

Critère iv : Nikko offre une parfaitereprésentation du style architectural de lapériode Edo appliqué aux sanctuaires shintoïsteset aux temples bouddhistes. Le style "Gongen-zukuri" des deux mausolées, le Tôshôgû et leTaiyû-in Reibyô, connaît à Nikko sonillustration la plus aboutie, qui allait exercerdans la suite une influence déterminante.L'ingéniosité et la créativité des architectes etdes artistes décorateurs s'y révèlent d'unemanière singulière et éminente.

Critère vi : les sanctuaires et temples de Nikkoet leur environnement évoquent un espacereligieux traditionnel japonais, associé à laperception shintoïste des rapports avec la nature,où les montagnes et les forêts ont une chargesacrée et sont objets de vénération, dans unepratique religieuse encore vivante aujourd'hui.

ICOMOS, septembre 1999

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Campeche (Mexique)

No 895

Identification

Bien proposé Zone de monuments historiques dela ville de Campeche et sonsystème de fortifications

Lieu Etat de Campeche

Etat Partie: Mexique

Date 23 juin 1998

Justification émanant de l'Etat Partie

La ville de Campeche est un modèle d'urbanisationd'une cité baroque (1686-1704), selon un plan endamiers, entouré d'un hexagone irrégulier quicorrespond à la ceinture de défense qui entourait laville et la protégeait des attaques des pirates. Pourcette raison, son système de fortifications fait partied'un plan global de défense qui, traductionarchitecturale de son histoire, existe encoreaujourd'hui dans les caractéristiques urbanistiques.

Critère ii

La zone des monuments historiques de la ville deCampeche avec sa partie emmurée est un exemple decité portuaire coloniale qui a joué un important rôleéconomique et stratégique à travers le temps. Elleconserve les traces de son plan urbain et de sesédifices historiques, qui sont les témoins silencieux duhaut degré de conservation et d'intégrité de la ville.

Les fortifications de Campeche offrent un exempleéminent de l'architecture militaire des XVIIe et XVIIIe

siècles faisant partie du système de défense intégréedes ports implantés par l'Espagne dans les Caraïbespour se défendre contre les invasions de pirates. Laville de Campeche est l'une des deux villes fortifiéesde la côte mexicaine des Caraïbes, et la seule à avoirlargement conservé cet important patrimoine culturel.

Critère iv

Catégorie de bien

En termes de catégories de bien culturel, tellesqu’elles sont définies à l'article premier de laConvention du Patrimoine mondial de 1972, la zonede monuments historiques de la ville de Campeche etson système de fortifications constituent un ensemble.

Histoire et description

Histoire

Campeche a été fondée en 1540 par FranciscoMontejo El Mozo au sud ouest du territoire Maya deAh Kin Pech qui venait d'être explorée et occupée parles conquérants espagnols à partir de 1517. Dèsl'origine, son port joua un rôle majeur comme point dedépart des expéditions vers la péninsule du Yucatan etla région de Peten au Guatemala et son importancecommerciale et militaire en firent la seconde ville duGolfe du Mexique, après Mérida.

Durant la seconde moitié du XVIe siècle, Campeche,comme d'autres villes des Caraïbes, futsystématiquement attaquée par des pirates et descorsaires à la solde des ennemis de l'Espagne. C’est laraison pour laquelle un système défensif à grandeéchelle fut établi. Au début du XVIIIe siècle, la villeétait ainsi entourée d'une impressionnante muraillehexagonale d'un périmètre de 2536 mètres, d'unehauteur de 6 à 8 mètres et d'une épaisseur de 2.50mètres. Le plan urbain en damier fut conservé, avecune Plaza mayor faisant face à la mer et entouréed'édifices gouvernementaux et religieux.

Au XIXe siècle, la ville se dota d'un beau théâtre,harmonieusement inséré dans le tissu urbain. Pourménager une vue sur la mer, une portion de la muraillefut abattue en 1893 et la place centrale fut transforméeen jardin public.

Au XXe siècle, un relatif ralentissement de l'activitééconomique fit en sorte que les espaces traditionnelsdu centre urbain furent peu affectés par le courant demodernisation.

Description

La zone des monuments historiques présente unpolygone irrégulier de 181 hectares, comprenant les45 hectares entourés de murs de part et d'autredesquels la ville s'étendit en suivant les configurationsde la côte et du relief. L'ensemble protégé comportedeux sous-ensembles : une zone A, avec une grandedensité d'édifices de grande valeur patrimoniale, etune zone B de moindre densité et de valeur moindre,qui constitue une zone de transition et de protection.Parmi les quelque 1000 édifices de valeur historique,peuvent être mentionnés : la cathédrale del'Immaculée Conception, plusieurs églises, le théâtreToro, les archives municipales.

Le système des fortifications se trouve en grandepartie dans la zone des monuments historiques et à sesdeux extrémités, face à la mer, avec les redoutes deSan José et San Miguel, et les batteries de San Lucas,San Matías et San Luis.

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Gestion et protection

Statut juridique

Les édifices de la zone des monuments historiquessont, en grande majorité, des propriétés privées, avecquelques immeubles de propriété publique.

Une protection juridique est assurée par la loi fédéralesur les Monuments et les Zones archéologiques de1972 et par son règlement d'application de 1975 quisoumet toutes modifications des immeubles à uneautorisation préalable. Un Décret fédéral de 1986classe la zone des monuments historiques deCampeche et la soumet au contrôle de l'InstitutNational d'Anthropologie et d'Histoire.

Au niveau municipal, différents textes normatifsréglementent les conditions d'intervention sur lesmonuments, le respect de l'image urbaine etdifférentes mesures de protection. Un importantinstrument juridique est le "Programme partiel pour laConservation et l'Amélioration de la Zone desMonuments Historiques" qui vient d'être adopté. Ceplan de gestion se veut un instrument dynamique deprotection et de ré-affectation des immeubles à desactivités économiques et culturelles nouvelles.

Gestion

La responsabilité première de la gestion relève duBureau de l'Etat (Campeche) pour la coordination desmonuments et sites et de la Direction dudéveloppement urbain de la Municipalité. Ces deuxbureaux sont dirigés par des professionnelscompétents et motivés, sous l'autorité directe duGouverneur ou du Président de la Municipalité.

Le "Programme partiel pour la Conservation" évoquéplus haut a été élaboré par la Direction duDéveloppement urbain. Il couvre les 42 hectaresentourés de murs et définit des orientations pour laconservation, le contrôle de l'affectation des sols, et lapromotion d'activités touristiques, commerciales etsociales. Il vise aussi la promotion du logement et desconditions de vie dans le centre historique.

Au plan fédéral, un contrôle général sur les conditionsde conservation du patrimoine culturel est exercé parl'Institut National d'Anthropologie et d'Histoire.

Conservation et authenticité

Historique de la conservation

Les conditions de conservation sont excellentes.Avant même l'adoption de mesures légales deprotection, la population de la ville veillait à laconservation du centre historique, et cette consciencepublique est encore vive aujourd'hui.

Un programme à grande échelle de restauration desfaçades a été mis en œuvre. Il ne s'agit pas de simple"façadisme" car la plupart des immeubles sont encoredans un bon état de conservation. Quand cela s’avèrenécessaire, les interventions portent aussi sur les

intérieurs. Plusieurs édifices de qualité sont en coursde réhabilitation : le n°6 de la place principale doitaccueillir une institution sociale et culturelle ; leRenacimiento Circus de 1910, avec sa structuremétallique originelle, va accueillir un hall polyvalent.

Les travaux entrepris sur les diverses parties dusystème des fortifications sont exemplaires. Lesespaces verts sont traités avec soin. La ville est propreet paisible.

Authenticité

La zone des monuments historiques et le système desfortifications présentent un haut degré d'authenticité,compte tenu du nombre réduit de transformations etd'interventions. Les travaux de restauration ontrecours à des techniques et à des matériauxtraditionnels.

L'authenticité du centre historique est, dans une largemesure, due à la permanence d'une vie familialetraditionnelle, avec des manifestations d'un richepatrimoine intangible qu'illustrent la musique, ladanse, la cuisine, l'artisanat, les vêtements ou lacuisine locale.

Evaluation

Action de l'ICOMOS

Une mission d’expertise de l'ICOMOS a visité lecentre historique de Campeche et le système desfortifications en février 1999. Par ailleurs, l’ICOMOSa consulté son Comité scientifique international sur lesvilles et villages historiques.

Caractéristiques

La zone des monuments historiques présente untémoignage cohérent de l'architecture coloniale.Le système des fortifications, très bien conservé, estune illustration des travaux de génie militaire dutemps des colonies espagnoles dans les Caraïbes.

Analyse comparative

Le centre historique de Campeche entouré demurailles et son système de fortifications sont d'unequalité exceptionnelle, comparable à celle deCartagena de Indias et de San Juan de Puerto Rico. Laville portuaire s'inscrit dans un système défensif etd'itinéraires de transport qui couvre toute la Mer desCaraïbes, ainsi que l'ont mis en évidence les expertsréunis à Cartagena de Indias en 1996, sous lesauspices de l'UNESCO.

Recommandations de l'ICOMOS pour des actionsfutures

La zone tampon est définie de manière cohérente maisdevrait pouvoir couvrir une plus large étendue pourassurer la préservation des valeurs patrimoniales dupérimètre du centre historique et devrait entourer aussiles forteresses.

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Il y a lieu de promouvoir avec détermination lapolitique actuelle d'amélioration des conditions de viedes habitants du centre historique, et d'investissementstouristiques pour un développement endogène :logement chez l'habitant, artisanat local etmanifestations culturelles.

Au-delà du centre historique et de la zone tampon, il ya lieu de prendre en considération l'ensemble duterritoire de la municipalité de Campeche, considérécomme un immense complexe de valeursarchitecturales, archéologiques, naturelles etculturelles.

Brève description

Le Centre historique de Campeche est une villeportuaire de l'époque coloniale espagnole dans leNouveau Monde qui a gardé sa muraille d'enceinte etson système global de fortifications.

Recommandation

Que ce bien soit inscrit sur la Liste du Patrimoinemondial sur base des critères ii et iv :

Critère ii : La cité portuaire de Campeche est unmodèle d'urbanisme d'une ville baroquecoloniale, avec son plan de voirie en damier ; lesmurailles qui entourent son centre historiquetraduisent l'influence de l'architecture militairedes Caraïbes.

Critères iv : Le système des fortifications deCampeche, exemple éminent de l'architecturemilitaire des XVIIe et XVIIIe siècles, fait partiedu système défensif intégral mis en place par lesEspagnols pour protéger les ports donnant sur laMer des Caraïbes contre les attaques de pirates.

ICOMOS, septembre 1999

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Xochicalco (Mexique)

No 939

Identification

Bien proposé La zone de monuments archéologiquesde Xochicalco

Lieu Municipalités de Temixco et Miacatlan,État de Morelos

État partie Mexique

Date 1 juillet 1998

Justification émanant de l’État partie

La période épiclassique en Mésoamérique (vers 650-900 après J.-C.) se caractérise par le déclin et finalementla chute des grands centres classiques dominants telsque Teotihuacan. L’ère épiclassique fut une période detransition pendant laquelle la population étaitextrêmement mobile, ce qui permit l’essor et laprospérité d’autres centres régionaux. Ces nouvellescités constituaient des sociétés généralement plusmilitarisées et habituellement situées en hauteur, dansune optique de défense. Xochicalco est la plusimportante manifestation de ce nouveau type de citémésoaméricaine fortifiée. Critère ii

Xochicalco présente, en termes d’urbanisme, descaractéristiques exceptionnelles. La colline a étéartificiellement modifiée, tronquée et comblée, afin decréer des plates-formes sur différents niveaux quiaccueillaient les structures principales, chaque partie dela cité ayant une fonction spécifique. Critère iii

La présence de sculptures d’une extraordinaire qualitésur les murs de la pyramide du Serpent à plumes,présentant une iconographie complexe et une richecombinaison d’influences stylistiques, indique descontacts importants avec diverses cultures d’autresrégions mésoaméricaines. Critères ii et iii

L’usage exceptionnel d’un réseau complexe de voiesd’accès à des grandes places, à travers des portiques,ainsi que des bastions aux entrées de la cité, représenteune innovation dans l’architecture mésoaméricaine. Cesite est unique de par la présence des portiques, quiconstituent des édifices indépendants dont le seul but estde contrôler l’accès au centre urbain et la circulationdans ce dernier. Critère iv

Autres traits extraordinaires : un observatoire souterrain,dont le sol est, à des dates particulières,spectaculairement illuminé par les rayons du soleil, uneintéressante rampe pavée de dalles sculptées de figures

animales, un magnifique temazcal (bain de vapeur),situé près du terrain de jeu et utilisé pour la purificationdans le rituel du jeu de pelote, sans compter la parfaiteintégration à l’environnement naturel et au paysageenvironnant. Critère iv

Catégorie de bien

En termes de catégories de biens culturels, tellesqu’elles sont définies à l’article premier de laConvention du Patrimoine mondial de 1972, il s’agitd’un site.

Histoire et description

Histoire

Le déclin de la primauté politique et économique desvilles téotihuacanes aux VIIe et VIIIe siècles après J.-C. amarqué la fin de la période classique mésoaméricaine etle début d’un âge qui a duré environ deux siècles et a étéle témoin de la chute d’autres grandes capitalesclassiques, telles Monte Alban, Palenque, La Quemadaet Tikal, qui dominaient jadis de vastes territoires. Il ena résulté la diminution des populations urbaines, voirel’abandon total des cités.

Les mouvements de migration furent considérables, etde nouvelles relations s’instaurèrent entre différentesrégions telles les hauts plateaux du centre, la côte dugolfe du Mexique, le Yucatan, le Chiapas et leGuatemala. Cette ère, qui s’étend de 650 à 900 environ,est connue sous le nom de période épiclassique. Denouvelles sociétés expansionnistes se développèrent,bien qu’aucune n’ait atteint le statut dominant etl’ampleur de Teotihuacan, de Monte Alban ou de Tikal.L’intégration entre elles était mineure, lesconfédérations disparaissant aussitôt formées. Elles nedevaient leur survie qu’à leur succès dans le contrôle deleurs maigres ressources, le développement deproductions spécialisées et la domination des routescommerciales.

Dans une telle époque d’instabilité politique et deconcurrence commerciale, l’infrastructure militaire étaitdevenue cruciale, et de nouveaux sites, équipés deremparts, de fossés, de palissades, de bastions et decitadelles, voyaient le jour en des endroits faciles àdéfendre. Xochicalco est l’illustration parfaite de ce typede cité fortifiée épiclassique. Elle semble avoir été àl’origine de la création d’une confédérationd’établissements dans la vaste région que se partagentaujourd’hui les États de Guerrero, de Mexico et l’ouestde Morelos.

Nombre d’impressionnantes structures publiques etreligieuses ont été érigées en un très bref laps de temps,et celles-ci dénotent des influences culturelles des hautsplateaux du centre, de la côte du golfe et de la régionmaya. La ville fut fondée pendant la seconde moitié duVIIe siècle, puis brutalement abandonnée après avoir étémise à sac, à la fin du IXe siècle.

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Description

Xochicalco fut construite sur une série de collinesnaturelles, dont la plus haute constituait le cœur de lacité. Elle accueillait de nombreux bâtiments publics,mais des preuves d’occupation ont été découvertes sursix des collines plus petites qui l’entouraient. Un travaild’ingénierie important, sous forme de terrassements etd’épais murs de soutènement, a permis la créationd’espaces ouverts, délimités par des plates-formes et desstructures pyramidales, et reliés par un systèmecomplexe d’escaliers, de terrasses et de rampes, qui créeun axe de communication principal nord-sud.

On distingue trois différents niveaux d’organisationdans Xochicalco : social, politique et religieux. Ainsi, lapartie inférieure est entourée de fossés et de murs percésd’entrées défensives, et abrite principalement desédifices résidentiels. Ensuite vient le niveauintermédiaire, dit « Ensemble du marché », avec la placede la Stèle aux deux glyphes, un terrain de jeu de peloteet des structures plus résidentielles. Quant au niveausupérieur, il se compose d’un groupe de temples etautres édifices monumentaux destinés à la classedirigeante, entourant la place principale. Au sommet dela colline se trouve « l’Acropole ».

- Niveau inférieur

La voie d’accès part du pied de la colline située la plusau sud ; on entre dans la cité par l’entrée principale,flanquée de deux bastions. La chaussée est pavée dedalles irrégulières, et des deux côtés s’élèvent des murspeu élevés qui donnent sur les zones résidentielles.

- Niveau intermédiaire

L’Ensemble du marché est une place de 40 x 70 m, quisemble avoir servi, d’après les témoignagesarchéologiques, de marché.

Au-delà se trouve une autre place, sur une plate-formedont part un escalier de plus de 30 m de large, qui mènejusqu’à la place de la Stèle aux deux glyphes. Cetteplace carrée de 40 m2 est fermée à l’est et à l’ouest pardeux édifices similaires de forme et de taille, et au nordpar la Grande Pyramide, la plus grande structure dusite. Elle se compose de sept niveaux, les vestiges d’untemple s’élevant au sommet. La stèle dont la place tireson nom se dresse sur un piédestal carré en son centre.Sa forme et son emplacement suggèrent qu’il s’agissaitdu centre de la vie civique et cérémonielle de lacommunauté, principalement parce qu’on y accèdefacilement.

L’accès au terrain de jeu de balle méridional, le plusgrand de Xochicalco, se fait par une large chaussée. Au-dessus se dresse un groupe de structures connu sous lenom de Palais, où des pièces résidentielles, descuisines, des ateliers, des réserves et un temazcal (bainde vapeur) sont disposés autour d’une série de patios.Vingt et un autels calendriers bordent la chaussée,indiquant les mois (et, dans l’un des cas, les jours) del’année cérémonielle. En dessous se trouve un tertre de70 x 45 m, connu sous le nom de la Malinche

(inexploré à ce jour), auquel l’accès a été rendu possiblepar le comblement d’une gorge de 15 m de profondeur.- Niveau supérieur

Une grande plate-forme entoure les côtés nord, sud etouest du niveau supérieur, tandis qu’à l’est s’élève uncomplexe composé de trois structures. La première estde plan rectangulaire et s’ouvre sur un patio de 15 x 8 msitué à 3,7 m en deçà du niveau externe ; on ne peut yaccéder que par les toits des pièces.

La seconde unité est un vaste patio (35 x 25 m) fermésur trois côtés par d’étroites galeries, et dont lequatrième côté est délimité par trois plates-formespyramidales. Le troisième élément se dresse à côté : ils’agit du terrain de jeu oriental, délimité par une rampemonumentale de 15 x 6 m, pavée de dalles de pierreornées d’images d’oiseaux, de reptiles, d’insectes et demammifères, connue sous le nom de rampe auxAnimaux.

Au nord, on remarque une série de grandes structures,prenant appui sur un mur de soutènement de 15 m dehaut. Elles comportent des éléments imposants defonction incertaine, ainsi qu’un temazcal formé dequatre piliers rectangulaires surmontés d’un toit plat ; ils’agit là de l’un des plus beaux exemples de ce type destructure en Mésoamérique. Le terrain de jeu de balleseptentrional, d’une longueur de 90 m, est exceptionnelen ce que l’un de ses côtés présente la pente normale,tandis que l’autre consiste en un mur massif, de 9 m dehaut, faisant office de mur de soutènement pour la plate-forme qui le surplombe.

Ce secteur comprend également une grande citerned’eau de pluie, qui s’intégrait dans un système complexeapprovisionnant en eau toute la cité. On trouve souscette plate-forme l’entrée de souterrains utilisés pendantles premières phases d’occupation pour l’extraction desmatériaux de construction, et qui devinrent ensuite unobservatoire d’étude des cieux et un lieu de cérémonie.

La place principale est un énorme tertre artificiel,accessible uniquement via deux portiques fortifiés, à100 m au-delà de l’entrée principale et à quelques 600m de distance. Deux complexes architecturaux lasurplombent. Au nord, le premier se compose de quatretrès grandes pièces entourant un patio. Quant aucomplexe situé à l’est, il est de plan plus compliqué,avec quatre patios ; l’accès y est strictement contrôlé.

Dans l’angle au sud-est de la place principale, on trouvela pyramide de la Stèle aux deux glyphes, une basepyramidale étagée, dotée au sommet d’une structure secomposant d’un patio délimité par deux pièces latérales,et d’un temple à l’extrémité.

Deux structures pyramidales s’élèvent au milieu de laplace. L’une est la remarquable pyramide au Serpent àplumes. Les extraordinaires proportions de sa baseinclinée et de son panneau vertical lui-même couronnépar une corniche évasée donnent à cette structure unaspect très particulier. Les quatre façades sont sculptéesen haut-relief qui représentent d’énormes serpents àplumes, le Quetzalcoatl de Teotihuacan. Leurs corpsdélimitent un espace où des figures assises dotées de

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caractéristiques mayas, peuvent être interprétées commeétant des prêtres, des souverains et des astronomes. Surle panneau saillant apparaissent d’autres figures assisessimilaires, aux atours cependant moins élaborés,accompagnées de symboles temporels. Quant à lacorniche, elle est décorée d’une frise de coquillages. Lesmurs supérieurs du temple portent des figures dont onpense qu’il s’agit de guerriers.

La pyramide dite pyramide Jumelle est similaire enforme et en taille, mais ne présente pas de reliefs ornés.Toutefois, d’après les traces découvertes, il est évidentqu’elle était à l’origine agrémentée de peinturesmurales.

L’Acropole, pour sa part, est érigée sur une plate-formede 6 m de haut, à l’ouest de la place principale. Elle secompose d’une série d’édifices, dont la dispositionévoque un patio central entouré de pièces latérales.

Gestion et protection

Statut juridique

Le bien est protégé en vertu des dispositions de la loifédérale de 1972 sur les monuments et zonesarchéologiques, artistiques et historiques, qui définit uneréglementation stricte pour la protection et laconservation des sites archéologiques classés.Xochicalco a été classé Zone de monumentsarchéologiques par décret fédéral du 18 février 1994.

Gestion

La majorité de la zone archéologique est propriéténationale. Toutes les formes de développement au seinde la zone ou de l’aire substantiellement protégée (quiconstitue une zone tampon adéquate aux termes desOrientations devant guider la mise en œuvre de laConvention du patrimoine mondial) sont trèsstrictement contrôlées.

La gestion du site incombe à l’Institut nationald’anthropologie et d’histoire (Instituto Nacional deAntropología e História – INAH), par le biais de sonCentre régional de Morelos. L’INAH est une branche duConseil national pour la culture et les arts (CNCA) et duministère de l’Éducation publique (SEP). Dans le cas deXochicalco, il travaille en collaboration avec l’État deMorelos et les municipalités de Miacatlan et Temixco.

Le site de Xochicalco s’élève au sommet de collines,dans une région sauvage et difficile d’accès. Il n’existequ’une seule route qui y mène, longue de 8 km depuisl’autoroute fédérale 55 et qui va jusqu’aux municipalitésde Xochitepec et Miacatlan, toutes deux situées 24 kmplus loin. Cet isolement a grandement contribué jusqu’àprésent à son excellent état de conservation, et a favoriséune gestion efficace, mais cette situation pourraitchanger dans le future.

Depuis 1978, l’INAH élabore pour Xochicalco descritères de protection et de gestion, en collaborationavec d’autres autorités. Le plan de développementurbain de 1980 pour Miacatlan a défini la zone tampon

au sein de laquelle l’usage urbain a été interdit, ce qui aempêché l’incursion aux alentours du site aux fins de laconstruction d’un complexe touristique, proposé par lesinstances étatiques et fédérales au début des annéesquatre-vingt.

En 1982, le ministère des Travaux publics (SAHOP) etla Direction générale pour l’Organisation et les Travauxdans les parcs nationaux ont préparé un plan deprotection du parc pour la zone archéologique deXochicalco, qui prescrit des propositions dedéveloppement relatives à la protection et aufonctionnement de la zone et des critères afférents à sagestion.

Le programme de 1995 de développement urbain pourla municipalité et l’État de Morelos a établi desréglementations contrôlant les établissements nonautorisés dans les zones écologiques protégées, dont faitpartie la zone archéologique de Xochicalco.

Le Centre régional de Morelos de l’INAH dispose d’unplan de gestion général pour la protection et la gestionefficaces du site.

Conservation et authenticité

Historique de la conservation

Les premières fouilles archéologiques de Xochicalcoont eu lieu en 1909, époque à laquelle des travaux derestauration de la pyramide au Serpent à plumes ont étéeffectués. La zone centrale a fait l’objet d’une étude en1923 et a été inscrite à l’Inventaire archéologiquenational en 1927.

Par la suite, d’autres fouilles ont été réalisées entre 1934et 1939, 1941 et 1951, 1960 et 1970, et 1984 et 1986 ;dans chaque cas, les structures découvertes ont subi destravaux de conservation et de consolidation.

Entre 1992 et 1994, l’INAH a financé une campagnemajeure, le Projet archéologique spécial Xochicalco.Celui-ci s’inscrivait dans un ensemble de douze projetsportant sur des sites susceptibles de faire partie duPatrimoine mondial, ou déjà inscrits sur la liste. Cetravail se poursuit depuis dans le cadre du programmede gestion normal.

Le Projet spécial a englobé la conservation et laconsolidation des structures fouillées antérieurement etde celles révélées par les fouilles en cours. Desrecherches scientifiques considérables ont été conduitesafin de trouver les matériaux et les techniques deconservation appropriés au site, ainsi qu’un meilleurdrainage. Un programme de réhabilitation forestière a enoutre abouti au reboisement d’une grande partie du siteà l’aide d’authentiques espèces indigènes.

Authenticité

L’authenticité de Xochicalco peut être jugée très élevée.De fait, une politique d’anastylose conforme auxpréceptes de la Charte de Venise de 1965 est appliquéedepuis de nombreuses années. Dans l’optique actuelle,

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on peut remettre en question une partie des travaux dereconstruction antérieurs, notamment pour ce qui est dela pyramide au Serpent à plumes, qui ont eu lieu audébut du siècle, mais ils peuvent toutefois êtreconsidérés comme ayant leur propre historicité.

Évaluation

Action de l’ICOMOS

Une mission d’experts de l’ICOMOS s’est rendue àXochicalco en août 1998.

Caractéristiques

Xochicalco est l’exemple le mieux préservé et le pluscomplet d’un centre urbain fortifié datant de cespériodes troubles de l’archéologie mésoaméricaine quesont les périodes classique tardive et épiclassique.

Analyse comparative

Parmi les cités contemporaines de celle-ci, on dénombreEl Tajín, Uxmal (toutes deux inscrites sur la Liste dupatrimoine mondial) et Cacaxtla. Toutefois, Xochicalcodiffère grandement de ces sites du fait de la façonexceptionnelle dont divers éléments culturels issus deshauts plateaux du centre, de la côte du golfe et duYucatán ont été réunis et ont fusionné pour donnernaissance à un style nouveau et caractéristique.

Recommandations de l’ICOMOS en vue d’une actionfuture

L’inscription sur la Liste du patrimoine mondialentraînerait inévitablement une hausse considérable dunombre de visiteurs, d’autant plus que Xochicalco estproche de Mexico par la route. L’INAH devrait doncprendre les mesures nécessaires à l’accueil du nombrecroissant de visiteurs. En effet, les installationsexistantes demeurent pour l’instant appropriées au fluxactuel des visiteurs, mais seraient inévitablementdépassées en cas d’augmentation significative.

Brève description

Xochicalco est l’exemple exceptionnellement intact etbien préservé d’un centre politique, religieux etcommercial fortifié de la période trouble qui va de 650 à900 après J.-C. et qui a suivi l’effondrement des grandsÉtats mésoaméricains tels Teotihuacan, Monte Alban,Palenque et Tikal.

Recommandation

Que ce bien soit inscrit sur la Liste du patrimoinemondial sur la base des critères iii et iv :

Critère iii Xochicalco est l’exempleexceptionnellement bien préservé et complet d’uncentre fortifié de la période épiclassiquemésoaméricaine.

Critère iv L’architecture et l’art de Xochicalcoreprésentent la fusion d’éléments culturels issus dedifférentes régions de Mésoamérique, à une époqueoù l’effondrement des structures politiquesantérieures a engendré un intense regroupementculturel.

ICOMOS, septembre 1999

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Polder de Beemster (Pays-Bas)

No 899

Identification

Bien proposé Droogmakerij de Beemster (Le polderde Beemster)

Lieu Province de Hollande-Septentrionale

Etat Partie Pays-Bas

Date 26 juin 1998

Justification émanant de l’Etat partie

Beemster, terre conquise sur les eaux, clairementdéfinie et planifiée systématiquement, paysage culturelcomplexe, conçu et créé volontairement par l’homme,est un site d’une valeur universelle exceptionnelle dupoint de vue de l’histoire, de l’art, de l’architecture(landscape), des sciences et de la connaissance ainsiqu’un monument à part entière. Il représente un chef-d’œuvre unique du génie créateur humain. Critère i

C’est aussi un exemple remarquable d’ensemblearchitectural et d’environnement physique qui illustreun stade important de l’histoire de la colonisation desterres aux Pays-Bas et dans d’autre partie du monde,depuis le XVIIe siècle. L’environnement physique ethistorique des Pays-Bas a été conçu et a évolué avec leperfectionnement des techniques de gestion des eauxet des terres humides. Beemster est un paysagefaçonné par l’homme. Il constitue un site dans le deltad’une rivière qui comporte de vastes zonesmarécageuses. Critère ii

Beemster a été drainé, mis en culture et colonisé –mise en valeur voulue par l’homme d’une zonejusqu’alors inexploitée – en même temps que la villed’Amsterdam prenait son premier essor au XVIIe

siècle. La réalisation du polder Beemster en 1613 futsoutenue par les élus et la riche bourgeoisiecommerçante de la ville d’Amsterdam. Elle estl’œuvre des ingénieurs hydrographes, architectes,géomètres et gestionnaires qui prirent part dans lemême temps à l’expansion d’Amsterdam. Lesprincipes d’urbanisme et d’architecture quidominaient à l’époque, et qui transparaissent encoreaujourd’hui, s’inspiraient largement des théories ettraités classiques et italiens, développés par Vitruve etrepris par Palladio et d’autres architectes, quipréconisaient des villes à plan radial ou à damier - lacittà ideale - ordonnées par des voies droites, sûres,pavées et plantées d’arbres. Critère iv

Deux objectifs principaux présidèrent à la création dupolder de Beemster : la lutte contre les inondationsrépétées et la conquête de nouvelles terres cultivables.C’était par ailleurs un moyen sûr et rentable de fairefructifier les richesses produites par la ville. Dès 1611,il fut décidé que la région refléterait une naturepastorale classique et deviendrait un modèle agricolepar sa conception spatiale, avec ses routes rectilignes,ses compartiments verts (chambres), ses cultures et sesjardins d’agréments pour les riches marchandsd’Amsterdam.

Le tracé rationnel et géométrique de Beemster en fait,dès l’origine, un paysage architectural. Les théoriesd’urbanisme et les techniques de conquête des terresagricoles, telles qu’elles étaient pratiquées au XVIIe

siècle, étaient fondées sur « l’idéal de la ligne droite »et reposaient sur des principes anciens tels que lastructure (géométrique), la monumentalité planifiée etlinéaire, la symétrie, l’harmonie et l’ordre – unpaysage dans lequel le carré, figure de base desthéories de Scamozzi, induit équilibre et diffusion.

Critère vi

Catégorie de bien

En termes de catégories de biens culturels, tellesqu’elles sont définies à l’article premier de laconvention du Patrimoine mondial de 1972, le polder deBeemster est un site. C’est aussi un paysage culturel telque défini au paragraphe 39 des Orientations devantguider la mise en œuvre de la Convention dupatrimoine mondial.

Histoire et description

Histoire

Lagunes et deltas occupent la plus grande partie desPays-Bas. Au cours des siècles, ces terres basses ontété rendues habitables grâce à la conquête deterritoires et la protection contre les eaux. Un tiers des3,4 millions d’hectares qui composent actuellementles Pays-Bas est situé en dessous du niveau de la mer.Sans la construction de digues et le drainage de l’eauexcédentaire, 65% de la superficie des Pays-Basseraient aujourd’hui immergés.

La région littorale nord de la péninsule de laHollande-Septentrionale et de la mer des Wadden étaitautrefois constituée d’une succession de terres basseset marécageuses qui s’étendaient jusqu’au sud-ouestdu Danemark. Les premières habitations furentconstruites sur des tertres qui offraient une protectioncontre les eaux, et cela avant que soient construits desmurs et des digues. La « création » de nouveauxterritoires résulte de la nécessité de lutter contre lesinondations incessantes et fournit de surcroîtd’excellentes terres agricoles.

Les facteurs ayant influencé le processus de laconquête de territoires sont au nombre de cinq : ladisponibilité de capitaux à investir, un climat politiqueet économique stable, l’existence de moyens

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techniques, l’esprit d’entreprise et le bon prix desterres arables.

La lutte contre les eaux a commencé dans le nord de laHollande-Septentrionale, dans la zone située au-delàdes eaux autrefois libres de l’IJ, en l’isolant de la mer.A partir du XVIe siècle, tous les efforts tendent àéliminer l’eau des lacs et des marais situés à l’intérieurde cette limite. La conquête des terres a été réaliséepar le drainage des grands lacs, en particulier dans lenord de la Hollande. Ce processus a été rendu possiblepar l’amélioration radicale des techniques de pompageet de drainage qui utilisaient le moulin à vent et laroue hydraulique. A partir de la fin du Moyen Age,toute la partie nord de l’IJ (HollandsNoorderkwartier) était fermée par un ensemble dedigues. Toutefois, de vastes étendues d’eausubsistaient à l’intérieur de chacun des polders et lecentre de la région était encore occupé par les grandslacs de Schermer, Purmer et Beemster. Il devintpossible de conquérir davantage de terres avec la miseau point de digues comportant des vannes derégulation et des écluses. Ces aménagements sontparfois appelés les travaux du delta des XVIIe etXVIIIe siècles.

Dès le XVe siècle on utilisa la force du vent pourdrainer les polders à l’aide des moulins à vent quiactionnent les pompe à eau. Au XVIe siècle, lesaméliorations techniques apportées aux moulinspermirent le drainage de lacs plus grands. A partir dudébut du XVIIe siècle, il devint possible de drainer degrandes étendues d’eau comme le Beemster, enutilisant trois ou quatre moulins à vent en chaîne.L’invention de ce procédé est attribuée à SimonStevin (1548-1620).

L’initiative de drainer l’eau du Beemster revient àplusieurs administrateurs prospères et richesmarchands de la ville d’Amsterdam et à un certainnombre de hauts fonctionnaires de La Haye. En 1607un droit d’exploitation fut accordé par legouvernement des Provinces-Unies à seize personnesqui fondèrent la Beemstercompagnie chargée de réunirle capital nécessaire. Le droit d’exploitation faitmention de "travailler de manière à transformer desétendues d’eau en terres (arables)" Au total, 123investisseurs bénéficièrent d’un retour surinvestissement de 17% à l’achèvement du polder en1612.

Avant le début les travaux, une carte du Beemster etde ses environs fut dressée par l’ingénieur PieterCornelisz Cort de Alkmaar, afin de déterminer lespossibles conséquences de la construction de digues etde définir la manière de drainer le Beemster lui-même.Cort décéda en 1608 et son successeur, Lucas Jansz.Sinck, géomètre à Amsterdam, dessina la premièrepartie de la digue du polder de Beemster. En 1608, laconstruction de la digue entre Purmerend et Neck futconfiée à une entreprise, de même que le creusementdu canal de drainage jusqu’au Zuiderzee.

En 1611 Sinck fut chargé de tracer les routes et lescanaux. La même année, les travaux de constructionde ces derniers commencèrent et on délimita les

parcelles. Sur chacune d’elles, les propriétairesauraient le droit de creuser autant de canaux et defossés qu’ils jugeraient nécessaire. Les terrainscompris entre chaque route devaient avoir unesuperficie de 400 morgen, être divisés par des canauxen quatre unités de 100 morgen (1 morgen = 0.85ha).Il fut finalement décidé de diviser la terre en cinqparcelles qui, réunies, constitueraient des unités devaleur équivalente, car les sols pauvres seraientcompensés par d’autres plus riches.

Les travaux de gros œuvre furent effectués à la pelle età la pioche. Les pieux des fondations destinées àrecevoir les écluses et les moulins à vents étaientenfoncés à l’aide de dispositifs manuels manœuvréspar 30 à 40 personnes. L’assèchement des terres sefaisait au moyen des moulins à vent. Celui duBeemster nécessita la construction d’une série dequinze moulins à vent.Le polder devint une réalité le 19 mai 1612 et en août1612 les parcelles de terres étaient attribuées. Unarrêté municipal de 1616 précise les conditions deplantation des arbres et haies. Ainsi était créé à partirde 1620 un paysage « idéal » avec des routes bordéesd’arbres. Au début, seuls les côtés nord et ouestdevaient être plantés afin de permettre au soleil desécher les routes encore détrempées.

Vers la fin du XIXe siècle, les pompes à vapeurremplacent les moulins à vent et l’eau est refoulée versle canal périphérique par trois stations de pompage.Au XXe siècle, la vapeur fait place au diesel. LeBeemster est maintenant drainé par la station depompage électrique entièrement automatique deWouter Sluis sur le Westdijk (Middensloot) et par lastation de pompage au diesel Jacobus Bouman surl’Oostdijk (Oosthuizersloot).

Description

Le polder de Beemster est situé au nord d’Amsterdamet à l’ouest de Purmerend. Le Beemster était autrefoisconstitué d’un ensemble de tourbières entourées dedigues et protégées de la mer sur le flanc ouest par lesdunes du Kennemerland. Le Zeevang à l’est deBeemster et les Waterlant et Zaanstreek au sud étaientencerclés de digues. Entre ces polders demeuraient desétendues d’eau comme le Beemster et le Schermer etle bras de mer Ye.

A marée haute, l’eau du Zuiderzee remontaitlibrement dans le Beemster via le Korsloot. LeBeemster à son tour se déversait dans le Purmer via leWeere, et dans le Schermer par le Zwet au niveau deSchermerhoorn, et enfin dans le Starnmeer via leSpijkerboor. Pendant quelques temps au début duXIVe siècle, le Beemster fut fermé sur le côté nord-estet était coupé du Zuiderzee à cet endroit-là.

L’ancien Beemstermeer, qui fut autrefois la plusgrande étendue d’eau de mer du Noorderkwartier desPays-Bas, fut créé par les inondations répétées etl’effritement des tourbières basses après que leZuiderzee eut fait irruption dans les terres. Leprocessus d’envahissement de la terre par la mer prit

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fin vers 1100. Les dimensions actuelles du polder deBeemster correspondent à celles de l’ancien lac.

La terre fut attribuée par parcelles rectangulaires de180m sur 900m. Les côtés les plus courts des parcellessont reliés par un canal de drainage et une routed’accès. Cinq de ces parcelles forment une unité, unmodule de 900m carrés, et quatre de ces unitésforment un grand carré de 400 morgen. L’orientationdes parcelles correspondait autant que possible à celledes rives de l’ancien lac de manière à éviter la créationde parcelles inutilisables le long de cette anciennerive.

- Les constructions dans le polder de Beemster

La ferme à toit en cloche (stolpboederij), avec sonplan carré caractéristique, convient particulièrementbien au dessin géométrique du polder. La ferme enelle-même est une unité modulaire géométriqueflanquée d’étables, de silos à grains, de granges à foin,d’écuries et d’autres dépendances.

Il existe aussi des maisons de campagne avec leurjardin à la française conçues comme des fermesd’agrément (lusthoven) et des maisons rurales quiservent de résidences d’été pour des habitants desvilles, essentiellement d’Amsterdam. Les fonctionsdécoratives et utilitaires des jardins guidaient de lamême façon la création de vergers, de charmilles, dejardins aromatiques et de chemins. La plupart desconstructions et des jardins disparurent cependant auXVIIIe siècle et il ne reste qu’un certain nombred’entrées et de grilles monumentales menant à desfermes construites ultérieurement.

- Agriculture dans le Beemster

Les terrains drainés furent au départ consacrés à laproduction de céréales, mais ces cultures furentabandonnées au profit de pâturages, car le niveauélevé de l’eau et l’état du sol ne permettaient pasl’exploitation d’une terre arable. Jusque vers 1880, leBeemster fut essentiellement consacré à l’élevagebovin. Grâce à l’introduction des stations de pompageà vapeur, il fut possible de drainer l’eau plusprofondément et de l’éliminer davantage, ce quipermit une grande extension de l’horticulture.

Actuellement, le Beemster est partagé entrel’exploitation de terres arables, les prairies pour laproduction laitière, l’horticulture sous serre, laproduction fruitière, 200ha étant consacrés à la culturede la tulipe.

- Villages et routes du Beemster

Sur les cinq centres résidentiels prévus dès l’origineau XVIIe siècle, seuls Midden-, West-, etNoordbeemster ont été effectivement construits. Zuid-et Oostbeemster sont devenus Zuidoostbeemster. Deplus, un certain nombre d’autres centres se sontdéveloppés.

Les principaux canaux, orientés nord sud, et creusésparallèlement les uns aux autres sont le

Schermerhornersloot, l’Oosthuizersloot, leMiddensloot, Draaioordersloot, et le Zuidersloot.D’est en ouest on trouve l’Oostersloot, leBeetstersloot, le Jispersloot et le Vrouwsloot, dont letracé est également parallèle.

Le réseau routier est parfaitement rectiligne, conformeau dessin géométrique du polder. Au milieu se trouvele Middenweg, orienté nord-est sud-ouest.Parallèlement à celui-ci sont tracés lePurmerenderweg, le Nekkerweg et le Jisperweg. AMiddenbeemster, le Middenweg croise le Rijperwegdont le tracé suit l’axe nord-ouest sud-est.Parallèlement au Rijperweg se trouve le Mijzerweg (laroute la plus au nord), le Vrouwenweg (autrefoisappelé le Westmyserpad), l’Oosthuizerweg, leHobrederweg, le Rijperweg, et le Zuiderweg (la routela plus au sud).

Parmi les routes du polder, le Wormerweg a conservéson aspect ancien. Les arbres qui le bordent offrentune vision particulièrement frappante. Aucun arbren’est planté à proximité des digues le long du canalcollecteur ni du canal périphérique longeant leBeemsterringvaart à cause de leur fonction de barrage.Après la Deuxième Guerre mondiale, la digue futplantée de peupliers. Ils forment un écran proéminentet dessinent nettement les limites du polder dans lepaysage ouvert du Noorderkwartier.

Middenbeemster, situé à l’intersection du Middenweget du Rijperweg, est la principale ville du Beemster.L’ancien marché aux bestiaux, correspondant à unespace ouvert de forme rectangulaire, se trouve àl’intersection de ces routes. L’église réformée,construite après 1621, s’élève dans l’angle sud-est.Une ancienne forge, une école et le manoir (Heerenhuis) sont également disposés autour de cetteplace. Les fermes monumentales à toit en clocheconstruites en bordure du Middenweg, dénomméesLepelaar, Eenhoorn, et Volgerweg, sont des élémentsoriginaux situés en dehors du centre historique duvillage.

Westbeemster fut dès l’origine conçu comme hameauagricole situé à l’intersection du Jisperweg et duHobrederweg. L’église et le cimetière furent implantésau nord du croisement des routes. Les bâtiments sontessentiellement des maisons d’habitation construitesde façon linéaire en bordure du Jisperweg. Lacommunauté catholique romaine de Beemster s’estinstallée dans ce village et une grande églisenéogothique, un couvent et quelques écolesreligieuses catholiques furent construits aux XIXe etXXe siècle.

Noordbeemster, également conçu comme un hameauagricole, est situé au nord de Middenbeemster, sur leMiddenweg. Les maisons des agriculteurs comportentun seul niveau et un toit pentu ou mansardé.

Zuidoostbeemster, qui a toujours été une régiond’horticulture destinée à approvisionner Amsterdam,s’est considérablement développé. Le village est situéà l’intersection du Purmerenderweg et du Zuiderweg.A partir du milieu du XIXe siècle, les fermiers du

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Beemster s’installait ici pour prendre leur retraite, cedont témoignent leurs maisons à un seul niveau(rentenierswoningen) construites en bordure duPurmerenderweg et du Zuiderweg.

Klaterbuurt était à l’origine une région destinée à laclasse ouvrière. Les habitations des ouvriers agricoless’appellent parfois des "cuisines." Quelques fermesanciennes à toit en cloche et les étables d’un anciendomaine agricole transformé en ferme, Rijperweg 17,sont des caractéristiques remarquables de la région.

Halfweg, situé sur le Volgerweg et à l’intersection duNekkerweg, est également un ancien village ouvrier.Les maisons des ouvriers agricoles, construitesparallèlement à la route, sont constituées de deuxhabitations réunies sous un toit en pente.

Cinq forts, une écluse d’inondation et deux vannes derégulation appartenant à la ligne de défensed’Amsterdam (Stelling van Amsterdam) se trouventdans la partie sud du Beemster.

- Gestion de l’eau du polder Beemster

Le polder de Beemster produit de l’eau sur unesuperficie de 7220ha. Il existe des différences deniveaux à l’intérieur du polder. Une bande de terreorientée est ouest et passant par le milieu du polder està 50cm en dessous des zones adjacentes. L’altitudemoyenne est de 3,80m sous le niveau de la mer, degrandes étendues se trouvant à moins 4m ; les zonesles plus élevées sont à 3m en dessous du niveau de lamer. Le polder est entouré d’une digue qui elle-mêmeest surélevée par rapport aux digues situées de l’autrecôté du canal périphérique. Ce type de construction aété réalisé afin de protéger les importantsinvestissements réalisés dans le polder au cas où ladigue du Zuiderzee céderait.

L’actuel Beemsterringvaart (canal périphérique duBeemster) et une partie du Groot NoordhollandschKanaal (1819-24) appartiennent au Schermerboezem(réservoir du Schermer). Le réservoir se déverse à lafois via des cours d’eau naturel et des canauxartificiels dans la mer des Wadden (près de DenHelder), dans l’IJsselmeer (via le Naamsloot à LutjeSchardam), et le Noordzeekanaal (le Canal). L’eauprovient essentiellement de l’IJsselmeer.

Le Beemster est divisé en trois parties, chacune ayantson propre niveau d’eau : le Bovenpolder, leMiddenpolder et l’Arenbergerpolder. Il existe deuxzones plus basses dans le Middenpolder - le HogeKilpolder et le Lage Kilpolder. Le niveau des eaux enété et en hiver varie entre 10cm and 30cm. Lesprincipaux cours d’eau des différentes parties dupolder sont reliés par des caniveaux qui permettentl’écoulement de l’eau des zones les plus hautes dansles zones plus basses qui sont drainées.

Six écluses pratiquées dans les 45km de digue laissentpénétrer l’eau pendant l’été. Les canaux autour desforts sont alimentés par quatre de ces écluses, en plusdes vannes d’inondation. Il existe une écluse

d’admission d’eau pour Kruisoord ou Hoogland dansla partie nord-est.

Gestion et protection

Statut juridique

Au niveau de l’Etat, la loi de 1988 sur les monumentsdéfinit comme monument d’Etat "tout ce qui estconstruit depuis plus de cinquante ans et qui présente unintérêt général en raison de son esthétique, de sonimportance pour la science ou de sa valeur historico-culturelle." Le Registre des monuments d’Etat comporteles paysages urbains pour lesquels il doit exister desplans réalisés par les autorités locales dans le cadre de laloi de 1985 sur le développement rural. Actuellement,60 monuments de la municipalité de Beemster, dont leslimites sont calquées sur celles du polder, sont desmonuments protégés et une liste complémentaire de 17autres bâtiments a été soumise à examen.

Des dispositions sont prises au niveau régional,provincial et municipal en faveur de la préparation et dela mise en œuvre de plans de zonage et d’utilisation dessols qui sont régulièrement mis à jour. La protection dupatrimoine culturel fait partie intégrante de ces plans. Lepolder de Beemster est un élément constitutif dupaysage national de Hollande Septentrionale tel qu’il estdéfini dans le plan régional des terres humides de 1991.

Le décret de 1996 de la Province de la Hollande-Septentrionale concerne les monuments, les bâtiments etles paysages urbains et s’applique directement au polderde Beemster. En 1991, la municipalité de Beemster aadopté son propre décret portant sur les monuments ; ila été mis à jour en 1994.

Gestion

Conformément aux plans de zonage et d’utilisation dessols, la gestion est partagée à différents niveaux par laMunicipalité de Beemster, l’administration Provincialede Hollande-Septentrionale et le Waterschap DeWaterlanden.

Ce dernier organisme est une agence de l’eau de typeparticulier aux Pays-Bas. Il a été créé en 1981 à lasuite de la fusion de plusieurs services et s’occupe dela gestion de l’eau sur un territoire d’environ 35000haqui comporte le Beemster. Il est entre autreresponsable des plantations d’arbres le long des routesdu domaine public dans le Beemster.

Les monuments d’Etat protégés sont placés sous latutelle de la direction de la Conservation des Pays-Bas(Rijksdienst voor de Monumentenzorg) qui dépend duMinistère de l’Education, de la Culture et desSciences. L’Association pour la Conservation de lanature des Pays-Bas (Vereniging tot Behoud vanNatuurmonumenten in Nederland) gère les forts de laLigne de défense d’Amsterdam.

Tous ces organismes ont des programmes deconservation systématiques et prennent des mesures

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de protection et de conservation dans leur domaine decompétence.

Les limites de la zone proposée pour inscription sontclairement délimitées et logiques, du fait qu’ellessuivent le tracé des digues et des canaux qui furentcréés au début du XVIIe siècle au moment de laréalisation du projet du Beemster et qui ne subitaucune modification ultérieure. Il existe une zonetampon logique et appropriée, comprenant le canal deHollande-Septentrionale et d’autres polders (et la villehistorique de Rijp), à laquelle s’applique uneprotection découlant de la loi néerlandaise précitée.

Conservation et authenticité

Le polder de Beemster est un paysage organique vivantqui évolue depuis plus de quatre siècles et continue dejouer un rôle important dans la vie économique desPays-Bas. Avec l’évolution des conditions économiqueset sociales, certains éléments tels que les fermesd’agrément et les moulins à vent ont disparu tandis qued’autres ont changé de fonction. L’économie de la zone,à l’origine essentiellement fondée sur l’agriculture, estactuellement diversifiée, l’accent étant mis sur laproduction laitière et l’horticulture, ce qui a modifiécertains aspects du paysage.

Toutefois, la structure de base des digues, des canaux,des routes et de la colonisation définie au début duXVIIe siècle demeure intacte et authentique, car toutemodification fondamentale mettrait l’intégrité physiquede la région en péril.

Evaluation

Action de l’ICOMOS

Une mission d’expertise de l’ICOMOS a visité le polderde Beemster en janvier 1999. L’ICOMOS a égalementbénéficié de l’expertise de son Comité scientifiqueinternational sur les jardins et sites historiques.

Caractéristiques

Le polder de Beemster représente un événement trèsimportant dans l’histoire de la conquête de terres. Il alliele génie des ingénieurs hydrographes néerlandais, quidevaient mener des projets similaires dans d’autresparties du monde, et un concept intellectuel, celui dupaysage architectonique entièrement dessiné, issu del’idéal classique et Renaissance, à savoir la « villeidéale », qui impose au paysage à la fois l’ordre social etspatial et qui opère la fusion des éléments naturels etceux créés par la main de l’homme en un tout intégré etordonné. Le polder de Beemster a exercé une profondeinfluence sur les entreprises d’assèchement ultérieures etsur les projets de façonnage du paysage en Europe etdans le monde.

Analyse Comparative

L’exemple du polder de Beemster fut rapidement suivipar d’autres projets réalisés aux Pays-Bas au XVIIe

siècle, sous la pression d’une démographie en expansionrapide. Il devait servir de modèle à l’ambitieux projet dudrainage du Zuiderzee, actuel Ijsselmeer, entrepris auXXe siècle. Aucun de ces projets ne peut cependant luiêtre comparé, car il représentait à l’époque uneinnovation et une audace technologique et intellectuelleincomparables.

Brève description

Datant du début du XVIIe siècle, le polder de Beemsterest la plus ancienne région conquise sur l’eau aux Pays-Bas. Il a conservé intact son paysage régulier dechamps, de routes, de canaux, de digues et de villagesdessinés selon les principes urbanistiques de l’antiquitéet de la Renaissance.

Recommandation

Que ce bien soit inscrit sur la Liste du Patrimoinemondial sur la base des critères i, ii, et iv :

Critère i Le polder de Beemster est un chef-d’œuvre de planification créatrice dans lequel lesidéaux de l’antiquité et de la Renaissance furentappliqués à la conquête d’une terre.

Critère ii Le paysage innovateur et imaginatif dupolder de Beemster a eu un impact profond etdurable sur les projets de reconquête des terres enEurope et au-delà de ses frontières.

Critère iv La création du polder de Beemstermarque une étape majeure dans la relation entrel’homme et l’eau à une période cruciale d’expansionéconomique et sociale.

ICOMOS, septembre 1999

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Sukur (Nigeria)

No 938

Identification

Bien proposé Paysage culturel de Sukur

Lieu Gouvernement local de Madagali,État de l’Adamaoua

Etat partie Nigeria

Date 30 juin 1998

Justification émanant de l’Etat partie

Le paysage culturel de Sukur présente un immensepotentiel pour la recherche qui aurait des répercussionssur la compréhension d’autres sites africains. Le mystèrenon résolu des terrasses Nyanga au Mozambique et auZimbabwe ainsi que les questions relatives aux terrassesdu Kenya pourraient trouver des réponses dans lesrecherches futures sur le site de Sukur. Le paysagedomestiqué de Sukur, qui se caractérise par uneagriculture en terrasses, est comparable au paysage desrizières en terrasses des Philippines. Son architectureunique, ses murs de pierre rappellent les murs de pierrede Ziea au Zimbabwe qui ont des structures en creux,comme celles de Sukur. Sukur représente un patrimoinevivant ainsi qu’un effort unique d’innovation etd’ingénierie indigènes sans équivalent en Afrique del’Ouest. Critère i

Le paysage culturel de Sukur est également unique dansses composantes culturelles bâties qui n’existent ni dansles terrasses construites aux Philippines, ni à un telniveau de complexité dans les collines Kofyar duplateau de Jos. Les composantes sont entre autres destombes, des fours, des sanctuaires, des murs de pierre etdes chemins pavés. Ces caractéristiques font du paysagede Sukur une interaction inhabituelle entre la nature etla culture, les morts et les vivants, le passé et le présent,chargeant le paysage de sens, au contraire du paysagedes Philippines, silencieux et esthétique.

Critères ii et iii

Les aires de battage, des puits coniques maçonnés danslesquels on descend à pied et les fours de fusion du fersont adaptés avec génie aux conditions écologiquesdifficiles et soulignent l’exemplaire adaptabilité et larésistance physique et spirituelle africaine, affirmantl’identité africaine sur la face de la terre, encourageantde manière unique le processus de développement localdans le contexte de la mondialisation. Critères v et vi

Catégorie de bien

En termes de catégories de biens culturels telles qu’ellessont définies à l’article premier de la Convention dupatrimoine mondial de 1972, le bien proposé est un site.C’est aussi un paysage culturel tel que défini auparagraphe 39 des Orientations devant guider la miseen œuvre de la Convention du patrimoine mondial.

Histoire et description

Histoire

Les preuves de l’occupation humaine de Sukur aunéolithique sont rares mais des traces de fours, deminerais et de meules attestent l’existence d’un âge dufer qui aurait précédé la civilisation de Sukur.

L’actuelle dynastie des chefs Dur s’est établie au XVIIe

siècle. A cette époque, Sukur est devenu une régionvouée à la métallurgie du fer, fournissant au Nord-Estdu Nigeria cette matière première vitale. Cette phase sepoursuivit jusqu’à la première décennie du XXe siècle.Toutefois, entre 1912 et 1922 Sukur fut soumis à desattaques et des dévastations par Hamman Yaje, leLamido Fulbe (chef) de Madagali.

La métallurgie du fer continua de décliner durant lapériode coloniale et après l’indépendance pours’éteindre vers 1960, entraînant des migrationsimportantes du peuple de Sukur du plateau vers lesplaines qui s’étendent au Nord et au Sud.

Description

Le paysage culturel de Sukur est situé sur un plateau aunord-est du Nigeria, près de la frontière avec leCameroun. C’est une région qui est habitée depuis dessiècles, et ses habitants ont laissé d’abondantes tracessur le paysage actuel. La zone proposée pour inscriptiona une superficie de 76440ha.

Le Palais du Hidi, un ensemble de maisons réservées auHidi (chef), dont le harem est maintenant en ruine, a uneimportance politique et religieuse considérable pour lepeuple de Sukur. D’une superficie totale de près de 1ha,sa disposition et son emprise en haut de la colline,dominant les habitations des gens ordinaires,symbolisent l’autorité et le pouvoir du chef. Lesbâtiments qui composent le pourtour de l’enceintecirculaire du palais sont de conception relativementsimple et construits en granit local. Quelques grandespierres, comme les grands monolithes qui flanquentl’une des portes proviennent de lieux d’extractionlointains.

Deux chaussées, pavées de dalles du même granit quecelui utilisé pour le palais lui-même, de 5 à 7m de large,conduisent au Palais l’une par le nord et l’autre par l’est.Dans le Palais et ses environs, d’autres chaussées pavéessont composées de dalles bien plus grandes.

Le paysage domestiqué du plateau de Sukur secaractérise par la quantité de terrasses d’un type connuailleurs au Nigeria (par exemple les terres de Koma des

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Monts Atlantica dans la zone frontalière du Nigeria etcelles du Cameroun et des fermiers des collines Kofyardu plateau de Jos). Mais les terrasses de Sukur ont unedimension sacrée qui manque dans ces paysages àterrasses purement fonctionnelles. Produit d'uneorganisation sociale, elles sont soigneusemententretenues et progressivement étendues. Tout enfournissant des surfaces planes pour l’agriculture, ellessont aussi investies d’une signification spirituelle,comme l’indiquent les nombreux arbres sacrés, lesportes et les sites rituels.

Les villages intégrés dans le paysage culturel de Sukur,situés en contrebas des collines sous le Palais du Hidi,ont leur propre architecture domestique. Parmi cescaractéristiques, il faut citer les murs de pierre sèche,servant de marqueurs sociaux et d’enclos défensifs, desenclos creusés pour les animaux (essentiellement desbuffles), des silos à grain et des aires de battage. Làencore, le granit local est la principale source dematériaux de construction. Les cases d’habitation sontde simples structures circulaires faites en argile avec toitde chaume et nattes tressées. Les groupes de maisonssont entourés de murs de pierre sèche.

Les cimetières traditionnels se trouvent dans lescollines. Les tombes sont de simples structures enpierre. Les groupes sociaux et les clans ont chacun leurcimetière. Les seules exceptions concernent les Hididont les dépouilles sont enterrées dans leur palais, et lesenfants qui sont enterrés à proximité du village.

Les puits ont une importance économique et socialeconsidérable. Ce sont des structures enterréessurmontées de structures coniques en pierre et entouréesd’un mur de clôture. A l’intérieur, les animaux – bœufset moutons – sont engraissés soit pour la consommationde la famille, soit comme signe de prestige et symbolede statut, utilisés en cadeau et pour les mariages.

On trouve les vestiges de nombreux fours de fonderieabandonnés. Ces fours enterrés, alimentés par unsoufflet, étaient habituellement situés à proximité de lamaison de leur propriétaire. La production du ferentraînait des relations socio-économiques complexes etelle s’accompagnait d’un rituel important.

Des sanctuaires et des autels, très souvent en céramique,ponctuent le paysage culturel de Sukur. Il y en a ungrand nombre à l’intérieur et aux environs du Palais duHidi.

Le paysage forme un tout qui symbolise la structurepolitique et économique du peuple de Sukur. L’autorité,représentée par le Hidi, domine la masse des gens dansleur village au pied des collines. Des relations socialescomplexes peuvent être observées dans la dispositiondes cimetières, tandis que les relations entre les fours,les villages et les terrasses cultivées illustrent un modèleéconomique élaboré de production et de distribution.

Gestion et protection

Statut juridique

Des accords locaux ont été passés avec le « Hidi-en-Conseil » pour que le paysage culturel de Sukur - c’est-à-dire le bien proposé pour inscription - soit déclaréMonument d’Etat. Ils ont fait l’objet d’une publicationofficielle par le Gouvernement de l’Etat d’Adamaoua.

Cela a pour effet de donner à la Commission nationalepour les musées et les monuments (CNMM), au titre duDécret n° 77 de 1979, le pouvoir de protéger le site entant que Patrimoine national et de participer à sagestion.

Gestion

La propriété du paysage culturel de Sukur revient au« Hidi-en-Conseil » et au chef du District de Sukur, sousles auspices du Gouvernement local de Madagali del’Etat d’Adamaoua.

En vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par le DécretNo 77 de 1979, la responsabilité globale de la gestionincombe conjointement à la CNMM et au Comité dupatrimoine mondial de la Commission nationalenigériane pour l’UNESCO. La CNMM a nommé unarchéologue résident sur le site, avec du personnel pourl’assister. Elle collabore étroitement avec le Conseilnational d’Adamaoua pour l’Art et la Culture, le Conseildu gouvernement Local de Madagali et l’Associationpour le développement de Sukur.

La NCMM est sur le point de créer un Département desmonuments et des sites qui sera chargé de la gestion deSukur. Il appliquera le plan de gestion provisoireactuellement en vigueur qui vise essentiellement audéveloppement et à la conservation du site et prévoit desmesures destinées à palier l’érosion, la réalisation d’uninventaire du patrimoine culturel, la restauration desbâtiments les plus menacés et l’identification desbesoins de signalisation. La communauté locale estétroitement associée à toutes ces activités au travers del’Association de développement des Sukur.

Conservation et authenticité

Historique de la conservation

La pose d'enduit sur certaines parties du palais du Hidi aété abandonnée il y a cinquante ans. La structure s’estdonc désintégrée par endroit et requiert des réparationscirconscrites à l’aide de techniques traditionnelles. Lapartie occupée est cependant bien entretenue.

La prison traditionnelle et l’ancien lieu des exécutionsqui ne sont plus ni l’un ni l’autre utilisés, sont en partiedétruits et ont besoin d'être restaurés et peut-êtrereconstruits. L’entretien des voies pavées est pris encharge chaque année par les habitants, mais certainstronçons ont besoin de réparations plus importantes.

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Un four de fusion du fer a été reconstruit et utilisé pourdes fusions expérimentales. La communauté locale deSukur, avec l’aide du Conseil national des Artsd’Adamaoua, a créé un petit musée sur place.

Le classement du paysage culturel de Sukur commepatrimoine national signifie qu’il bénéficie maintenantde mesures de protection et de conservation par laCNMM. Toutefois, celles-ci resteront le fait despropriétaires traditionnels et utilisateurs du bien.Authenticité

Les caractéristiques de ce paysage culturel n’ont pasbeaucoup changé au cours des âges. Les techniquesd’entretien et les matériaux traditionnels sont toujoursutilisés. On peut donc affirmer que le paysage culturelde Sukur possède un degré exceptionnellement élevéd’authenticité et d’intégrité.

Evaluation

Action de l’ ICOMOS

Une mission d’expertise de l’ICOMOS s’est rendue àSukur au mois de mai 1999.

Caractéristiques

Le paysage culturel de Sukur est un paysageessentiellement évolutif (tel que défini au paragraphe39.ii des Orientations devant guider la mise en œuvrede la Convention du patrimoine mondial) qui reflètefidèlement la structure sociale, les croyances religieuseset la base économique de la société qui l’a créé il y a dessiècles et qui continue d’y vivre. L’établissementhumain et le paysage de Sukur sont représentatifs dessociétés traditionnelles de cette région d’Afrique del’Ouest. Sukur n’a pas connu d’influence externe hostiledepuis sa fondation et son maintien devrait être assurépar la continuation des pratiques traditionnellesassociées à une protection légale.

Analyse comparative

Le paysage en terrasses de Sukur, avec sa structurehiérarchique et ses pratiques agricoles intensives etextensives, n’est pas unique. Ce type de paysage seretrouve ailleurs au Nigeria, pratiqué par les fermiersdes collines Kofyar du plateau de Jos et des systèmescomparables existent dans les terres de Nubie, auSoudan et plus loin encore, chez les peuplesamérindiens des Amériques. Toutefois, le paysage deSukur possède certaines caractéristiques exceptionnellesqui ne se trouvent pas ailleurs, notamment l’utilisationde voies pavées et la signification spirituelle desterrasses, avec leurs caractéristiques rituelles.

Recommandations de l’ICOMOS pour des actionsfutures

La mission de l’ICOMOS a été conduite par un expertd’un pays voisin d’Afrique subsaharienne qui soulignel’importance et l’efficacité de la protection assurée à ce

paysage culturel par les coutumes traditionnelles etancestrales de la communauté sukur.

Le rapport de mission émet les propositions suivantes :

- organisation d’une table ronde sur le devenir deSukur, à laquelle devraient être associés lesagences gouvernementales, la communauté locale,les organes de tourisme et d’autres partenairespotentiels ;

- adoption d’un plan de gestion culturel et touristiquequi prévoit la création d’un organe responsable desa mise en œuvre, la production de matérielsauthentiques destinés au tourisme, l’intégration delieux d’accueil et d’hébergement pour le tourismeet le développement de moyens de transportintégrés au paysage et à l’environnement. Unepartie des recettes dérivées de ces activités seraréinvestie dans la gestion des ressources naturelleset culturelles de Sukur.

Brève description

Le paysage historique en terrasses de Sukur, avec lepalais de son chef sur une colline dominant le village encontrebas, ses champs en terrasses et leurs symbolessacrés, ainsi que les vestiges omniprésents de l’ancienneindustrie florissante du fer est une expression physiqueremarquablement intacte d’une société et de sa culturespirituelle et matérielle.

Recommandation

Que ce bien soit inscrit sur la liste du Patrimoinemondial sur la base des critères iii, v et vi :

Critère iii Sukur est un paysage exceptionnel quiillustre graphiquement une forme d’occupation duterritoire qui caractérise un stade critique del’établissement humain et sa relation àl’environnement.

Critère v Le paysage culturel de Sukur est restéinchangé pendant des siècles et demeure tel à uneépoque où cette forme d’établissement humaintraditionnel est menacée dans de nombreusesrégions du monde.

Critère vi Le paysage culturel de Sukur est letémoignage éloquent d’une tradition spirituelle etculturelle forte et continue qui perdure depuis denombreux siècles.

ICOMOS, septembre 1999

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Forteresses daces (Roumanie)

No 906

Identification

Bien proposé Forteresses daces des monts d’Orastie

Lieu 1 Sarmizegetusa : village de Gradisteade Munte, commune d’Orastioarade Sus, département de Hunedoara

2 Costesti-Cetatuie : village deCostesti, commune d’Orastioara deSus, département de Hunedoara

3 Costesti-Blidaru : village deCostesti, commune d’Orastioara,département de Hunedoara

4 Luncani-Piatra Rosie : village deLuncani, commune de Bosorod,département de Hunedoara

5 Banita : village de Banita,commune de Banita, municipalitéde Petrosana, département deHunedoara

6 Capalna : village de Capalna,commune de Sasciori, départementd’Alba

État partie Roumanie

Date 29 juin 1998

Justification émanant de l’Etat partie

Le système défensif des citadelles daces des montsd’Orastie représente un chef d’œuvre du génie créateurde l’homme, par l’unicité et l’exemplarité duphénomène développé en dehors du monde gréco-romain, par le concept de montagne fortifiée, par lastructure planifiée de l’ensemble, la vision architecturaleà l’échelle d’un vaste territoire, l’emploi ingénieux dumilieu naturel. Le site de Gradistea de Munte-Sarmizegetusa, dans son intégralité mais surtout la zonesacrée représente une des plus impressionnantesréussites humaines par la suggestion remarquable del’espace sacré et impénétrable des Dieux, par laproportion et la spiritualité qui s’en dégage.

Critère i

Le système défensif des forteresses daces des montsd’Orastie apporte un témoignage unique etexceptionnel sur la civilisation aujourd’hui disparuedes Géto-Daces, un des derniers peuples à avoir étéintégré au monde romain ; la texture et la structureraisonnée de l’ensemble, les solutions particulièrespropres à l’exécution technique de chaque élément del’ensemble, la parfaite intégration au milieu naturel

confèrent aux sites situés autour de la capitaleSarmizegetusa Regia une valeur exceptionnelle.

Critère iiiL’ensemble des citadelles daces de la zonemontagneuse d’Orastie représente le plus bel exempled’un programme architectural cohérent d’un pouvoirpolitique et religieux, capable de briser les anciennesstructures tribales et d’unifier son ethnos autour duconcept d’Etat, fait unique en son temps. Critère iv

Les citadelles daces des monts d’Orastie sont unexemple nullement préservé ailleurs qui témoigned’une conception originale de l’habitat basé sur unsite modelé avec des objectifs précis, traditionnels etspécifiques à cette civilisation. Critère v

L’ensemble dace des monts d’Orastie est un repèreexceptionnel dans l’imaginaire collectif lié à l’histoireromaine, puis latine du peuple roumain. Pour lesroumains, les scènes historiques représentées sur lacolonne Trajane est le symbole de leur histoireeuropéenne. Critère vi

Catégorie de bien

En termes de catégories de biens culturels, tellesqu’elles sont définies à l’article premier de laConvention du Patrimoine mondial de 1972, il s’agitd’un ensemble de sites.

Histoire et description

Histoire

La civilisation des Gètes (Getae) et des Daces apparaîtdans le monde thrace bien avant qu’Hérodote ne lesmentionne pour la première fois, au VIIe siècle avant J.-C. Les Gètes habitaient la plaine du Danube, et lesDaces la partie centrale et occidentale de la régions’étendant entre les Carpates et le Danube. Plusieursauteurs anciens soulignent leurs étroites relationsculturelles et linguistiques.

Leur culture était typique de l’âge du Fer : ilspratiquaient l’agriculture, l’élevage, la pêche et le travaildu métal, ainsi que le commerce avec le monde gréco-romain, comme en attestent les produits de luxe et lesmonnaies retrouvés. Lorsque des colonies grecquescomme Istros, Tomis, Odessos, etc. s’établirent le longdes côtes septentrionales de la mer Noire au VIIe siècleavant J.-C., les dirigeants géto-daces instaurèrent avecelles des liens étroits, et leur offrirent leur protection.Cet échange culturel eut un profond impact sur lessociétés de la région. Quant aux autres influencesculturelles majeures, adoptées par l’aristocratieguerrière, elles venaient des Scythes, qui habitaient lesrégions situées au nord et à l’est.

Pendant leur expansion, qui commença au IVe siècle, lespeuples celtes s’établirent dans ce qui est aujourd’hui laTransylvanie, et établirent une hégémonie sur la région,grâce à la supériorité de leurs armes. Cependant, à partirdu milieu du IIIe siècle avant J.-C., leur influencecommença à s’étioler. Une nouvelle forme géto-dace

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d’organisation territoriale fit son apparition au début duIIe siècle avant J.-C., parallèlement à d’importantesavancées technologiques (poterie au tour, socs de fer,construction en pierre). Celle-ci s’organisait autour de ladava, centre d’un territoire tribal, qui accueillait denombreux sites sacrés (temenoi) et autres lieux de culte.

On ignore par quel processus la structure tribale etfragmentée antérieure devint une structure centralisée,mais il existe de nombreuses preuves attestant que lacivilisation géto-dace s’épanouit à partir du Ier siècleavant J.-C., grâce à l’intelligence et au pragmatisme deses souverains et de ses prêtres. Burebista (82-44 avantJ.-C.) instaura un royaume de type hellénique, soutenupar une aristocratie guerrière, dont le cœur se trouvaitdans les monts d’Orastie, autour de la montagne sacréeKogaionon, où fut construite la cité sacrée,Sarmizegetusa Regia. Ce royaume devint le maître detoute la côte de la mer Noire, absorbant les coloniesgrecques.

Après la mort de Burebista, son royaume fut morcelé enterritoires plus petits, mais Sarmizegetusa conserva saplace prépondérante ; elle devint de fait la première (etla seule) véritable ville de Dacie. Les souverains dacess’impliquèrent de plus en plus dans la politique internede l’empire romain, et subirent en conséquence desexpéditions punitives. La frontière inférieure du Danube(limes) était le théâtre constant d’incursionstransfrontalières et de campagnes mineures. Unenouvelle phase commença en 86 après J.C., avec ledébut d’une série de guerres entre Romains et Daces.

Au printemps de l’an 101, l’empereur romain Trajan,ayant sécurisé la frontière du Rhin, entama uneoffensive contre les Daces. C’est alors que Décébaleunifia les royaumes daces et concentra ses forces dansles monts d’Orastie, où il finit par se rendre à Trajan.S’ensuivit une division houleuse du territoire, à laquelleDécébale mit un terme en 105 en capturant legouverneur romain Longinus. Cette fois cependant, il neput maintenir l’union des Daces contre la puissantearmée romaine. Son trésor et ses forteresses furentconquis, et Décébale se suicida pour ne pas être faitprisonnier. Cette campagne est illustrée par les reliefsornant la colonne Trajane à Rome.

La Dacie devint une province impériale romaine, et sesforteresses furent délaissées. De nouvelles citésromaines furent créées, mais aucune ne le fut sur lessites daces, à l’exception de Sarmizegetusa, qui reçut lenom ronflant de Colonia Ulpia Traiana AugustaDacica Sarmizegetusa. La Dacie devait rester partieintégrante de l’empire romain jusqu’en 274, époque àlaquelle l’empereur Aurélien l’abandonna sousl’irrésistible pression des Goths.

Description

Le système élaboré par les Daces pour défendre leurcapitale, Sarmizegetusa Regia, se composait de troiséléments fortifiés distincts. Tous étaient placés à unpoint stratégique, afin de contrôler d’importantes artèresmilitaires et/ou de communications : passagesmontagneux, rivières ou routes commerciales.

Le plus ancien est représenté par les sites fortifiésperchés sur des hauteurs (pics ou promontoires). Cesouvrages consistaient en remparts à palissades et enfossés, d’un style répandu dans l’Antiquité (les oppidaceltes, par exemple). La plupart étaient d’importantscentres économiques et commerciaux, où les habitantss’installaient à la fois à l’intérieur et à l’extérieur.

Le deuxième groupe est constitué de forteresses,complexes militaires invariablement établis sur descollines et exclusivement occupés par des garnisons.Cependant, elles comptaient parfois une populationcivile très réduite, installée extra-muros. Mais ellesprésentaient souvent une grave lacune : en effet, ellesmanquaient de sources d’eau et ne pouvaient doncsoutenir un siège prolongé.

Enfin, la dernière catégorie est celle des ouvrages dedéfense linéaires, qui bloquaient l’accès depuis certainesroutes et reliaient plusieurs forteresses.

- Sarmizegetusa

Ce site, capitale de la Dacie, couvrant 17,83 ha, réunittrois composantes : la forteresse, la zone sacrée et lequartier civil.

Des terrassements du plateau de Gradistea permirentd’accueillir cette installation. Le site est dominé par laforteresse, centre du gouvernement séculier et spirituel.Une zone d’à peine plus d’un hectare était entouréed’un imposant mur de pierre et de bois, construit selonla technique dite murus dacicus. Rares sont les vestigesdes divisions internes, démolies quand Sarmizegetusatomba aux mains des Romains.

La zone sacrée est située à l’est de la forteresse. L’accèsse fait au moyen d’un chemin pavé à l’ouest, et d’unescalier monumental de pierre à l’est. Au centresubsistent un certain nombre de sanctuaires circulairesou rectangulaires. Les premiers, construits en blocsd’andésite volcanique avec des piliers de bois,présentaient en leur centre des foyers sacrificiels. Quantaux seconds, ils étaient faits d’andésite ou de calcaire, etétaient dotés de colonnes de pierre ou de bois.

Le quartier civil s’étendait sur plus d’une centaine deterrasses artificielles, dont une poignée seulement ontdéjà été fouillées. Les maisons de plan circulaire étaientfaites de pierre et de bois. Un certain nombre d’ateliers(travail du métal, poterie, verre, frappage des monnaies,etc.) ont été découverts. Des thermes romains ontégalement été mis à jour le long de l’une des routesd’accès à ce quartier ; Ils disposaient de trois sources,qui alimentaient des citernes et des canaux.

Le bien proposé pour inscription comprend égalementle site dace voisin de Fetele Albe, associé au siteprincipal. Il s’agit d’un site en terrasse, où des fouillesont révélé des habitations et des sanctuaires en pierre.Les matériaux céramiques et métalliques découvertspendant les fouilles étaient de grande qualité, certainsimportés de l’empire Romain, attestant du niveauculturel et économique avancé des Daces aux Iers sièclesavant et après J.-C.

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- Costesti-Cetatuie

Ce petit plateau ellipsoïdal, sur une colline surplombantla rive gauche de la rivière Apa Orasului, a été terrassépour former une puissante forteresse. Ses fortificationsont été posées en trois remparts concentriques, érigéslors d’étapes successives de la vie de la forteresse. Lesremparts sont faits de pierre, de bois et de remblais deterre, chaque enceinte faisant appel à une techniquedifférente.

L’entrée, très protégée, se trouvait au sud. Un certainnombre de tours subsistent : certaines d’entre ellesétaient des bastions, les autres étant utilisées comme deshabitations. L’architecture religieuse est représentée parquatre sanctuaires rectangulaires, érigés sur des soclesde calcaire, avec des colonnes de bois. Deux citernesont également été découvertes.

- Costesti-Blidaru

Blidaru est la plus puissante et la plus spectaculaire desforteresses érigées pour défendre la capitale deSarmizegetusa. De plan rectiligne, elle est située ausommet nivelé d’une petite colline.

Il y a deux enceintes, couvrant 0,5 ha La première, laplus haute, est trapézoïdale. Les murs (de style murusdacicus) sont dotés de bastions d’angle, l’un d’entre euxpermettant d’accéder à l’intérieur, où se trouvent lesvestiges d’un bâtiment carré, qui devait abriter lagarnison.

Une seconde enceinte fut ajoutée plus tard, la forteresses’étendant désormais sur tout le sommet de la colline.De plan rectangulaire elle aussi, elle est dotée de mursqui ont été renforcés par une série de contreforts ; surdeux des murailles, ceux-ci ont par la suite ététransformés en une série de casemates, avec des étagessupérieurs probablement utilisés comme entrepôts.

- Luncani Piatra Rosie

Cette forteresse consiste en deux enceintes fortifiéessituées sur le versant oriental d’un massif rocheux,couvrant 1,2 ha La plus ancienne et la plus petite desdeux, de plan rectangulaire, possède des bastionsd’angle, un cinquième couvrant l’approche moinsabrupte de l’est. À l’intérieur, on trouve un bâtimentabsidal à charpente de bois, avec deux pièces. Au nord,et à l’extérieur des enceintes, se dressent deux édifices,sur le site d’un sanctuaire antérieur.

La seconde enceinte date de la fin du Ier siècle après J.-C.Ses fortifications ont été construites en pierre concasséeet en terre battue, et encerclent une zone bien plus vaste.Il y a deux grands bastions semi-circulaires aux angles,et trois autres en dehors de l’enceinte.

- Banita

Cette forteresse a été construite sur une colline coniqueet escarpée, dans la vallée de Jiu. Le sommet n’étaitaccessible que par le nord, et était défendu par un fortmur de pierre, de style murus dacicus. On entre dans laforteresse elle-même par une porte menant à un escalier

monumental de calcaire, flanqué de balustradesd’andésite.

Le plateau qui se trouve au-dessus possède troisterrasses de niveaux différents. Sur la deuxième, aucentre du plateau, s’élevait un baraquement militaire àcharpente de bois. Quant à la troisième, elle est de plantrapézoïdal, et délimitée par un imposant mur de pierre.

- Capalna

La forteresse de Capalna a été construite au sommetd’une colline escarpée, qui a été terrassée et entourée deremparts suivant ses contours naturels. Une imposantestructure carrée fut construite selon la technique murusdacicus, laquelle était occupée par la garnison ; elle étaitdotée à l’origine d’un étage supérieur. Elle est flanquéede plusieurs structures plus petites. En outre, desfouilles ont révélé les traces de plusieurs baraquements àcharpente de bois dans l’enceinte.

La muraille fortifiée part du bâtiment militaire, et servaitégalement de soutènement aux terrasses. On entrait dansl’enceinte par une porte fortifiée au sud-est, proche dubâtiment militaire. À l’origine, une autre entrée setrouvait au nord-est, mais elle fut condamnée entre laconstruction de la forteresse et la conquête romaine en106 après J.-C.

Gestion et protection

Statut juridique

Les biens proposés pour inscription font partie de laRéserve préhistorique et historique des monts d’Orastie,créée en vertu de la loi fondamentale sur la Protectiondu patrimoine n° 41/1994, telle qu’étendue et complétéepar des lois et décrets ultérieurs. Celle-ci exige quetoutes les interventions sur des sites et des monumentsprotégés soient soumises à l’agrément des autoritéscompétentes. Il existe deux niveaux de protection autourde chaque bien. Aucune construction n’est autoriséedans les zones intérieures, et un contrôle est exercé surles travaux dans les zones extérieures.

Gestion

Les sites proposés pour inscription sont tous la propriétéde l’État. Les biens situés dans les zones tamponappartiennent en partie à l’État et en partie à desparticuliers.

La responsabilité globale des monuments protégésincombe au ministère de la Culture, qui opère parl’intermédiaire de sa direction des Monumentshistoriques, sur les conseils de la Commission nationaledes monuments historiques en matière de recherche etd’inventaire, d’évaluation, de restauration, deconservation et d’autres aspects de son travail.

La direction des Monuments historiques compte desinspecteurs aux responsabilités régionales ; au niveaudépartemental, les Offices du patrimoine culturelnational emploient des professionnels.

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Le plan national d’occupation des sols (PATN)reconnaît l’importance des forteresses daces des montsd’Orastie. Un plan propre à la région a d’ailleurs étéapprouvé en 1997-1998, et stipule l’investigation et laprésentation des sites archéologiques, la préparation etla mise en œuvre de mesures destinées à assurer leurprotection dans la planification socio-économique, laréévaluation du statut juridique des zones de protection,des recherches scientifiques permanentes, ledéveloppement de politiques touristiques régionales,l’implication accrue des petites administrations et despopulations locales, un meilleur accès et une meilleuresignalisation.

Il existe actuellement des plans de gestion pour chacundes biens qui composent la proposition d’inscription.Ceux-ci sont liés à l’investigation, à la conservation et àla présentation, et tiennent également compte desmodifications potentielles de la propriété et/ou del’occupation des sols dans les zones tampon.

Chacun des sites compte une zone de protectionintérieure et extérieure, selon les prescriptions de lalégislation sur le patrimoine. Celles-ci sont conformesaux zones tampons qu’exigent les Orientations devantguider la mise en œuvre de la Convention dupatrimoine mondial.

Les sites sont tous relativement isolés et difficilesd’accès. Seuls Sarmizegetusa, Cetatuie et Blidarucomptent des gardiens permanents sur place,responsables du travail général de maintenance.

Conservation et authenticité

Historique de la conservation

Des travaux de conservation considérables, précédés pardes fouilles archéologiques limitées, ont eu lieu àSarmizegetusa ces dernières années. En sus de laconsolidation et d’une anastylose limitée sur les murs,de nouveaux sols ont été insérés dans l’un des grandssanctuaires, un drainage a été introduit, des élémentsarchitecturaux très détériorés ont été remplacés par descopies faites de matériaux modernes, et des montants debois ont été insérés dans le grand sanctuaire de calcairedans les trous à cet effet découverts pendant les fouilles.

Capalna a fait l’objet de fouilles scientifiquessystématiques, en 1965-1967 et en 1982-1983 ; lesrésultats ont été publiés dans une monographie en 1989,et ont constitué la base d’un programme de restaurationlancé en 1998.

Les campagnes de Banita en 1960-1961 et de Luncanien 1950-1952 n’ont pas été suivies de travaux derestauration ; en conséquence, des glissements de terrainont causé quelques dégâts. Des projets de fouillespréalables à la restauration ont récemment commencésur les deux sites.

De vastes programmes de conservation et derestauration ont eu lieu à Blidaru à 1981-1985 et àCetatuie à 1981-1986, avec la consolidation des murs etl’insertion de drainage dans les parties inférieures du

site, mais il reste beaucoup à faire à Blidaru pourempêcher de plus amples dégradations.

Authenticité

Les forteresses ont été détruites par les Romains en 106après J.-C., et les sites n’ont jamais été occupés ànouveau. Par conséquent, l’authenticité des vestiges esttotale. Quelques interventions modernes ont eu lieu,sous la forme du remplacement des élémentsarchitecturaux qui avaient été détériorés, et del’insertion de montants de bois modernes pour indiquerl’emplacement d’anciennes colonnes aujourd’huidisparues. Toutefois, l’authenticité globale del’ensemble des sites est très élevée.

Évaluation

Action de l’ICOMOS

Une mission d’expertise de l’ICOMOS a visité tous lesbiens qui composent cette proposition d’inscription enseptembre 1999.

Caractéristiques

La civilisation géto-dace qui s’est développée en dehorsdu monde gréco-romain à la fin du Ier millénaire avantJ.-C. a atteint un remarquable niveau culturel etéconomique, qui a rendu sa conquête finale par lesRomains, au début du IIe siècle après J.-C, inévitable. Laforce et la structure de cette civilisation sontadmirablement illustrées par cette série de forteresses, eten particulier par la proto-cité qui en était la capitale,Sarmizegetusa.

Analyse comparative

Les seules civilisations comparables de la fin de l’âgedu Fer sont celles des peuples celtes d’Europe centraleet de Gaule. Toutefois, aucune d’entre elles n’avaitplanifié ni exécuté un ensemble défensif tel que lesforteresses daces qui font l’objet de la présenteproposition d’inscription.

Brève description

Les forteresses daces sont un groupe remarquabled’œuvres fortifiées de l’âge du Fer créées aux Iers sièclesavant et après J.-C. afin de protéger les habitants de laconquête romaine. Ces vestiges imposants et bienpréservés sur des sites naturels spectaculaires présententune image remarquable d’une civilisation de l’âge duFer vigoureuse et novatrice.

Recommandation

Que ce groupe de biens soit inscrit sur la Liste dupatrimoine mondial sur la base des critères ii, iii et iv :

Critère ii Les forteresses daces représentent lafusion des techniques et des concepts d’architecture

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militaire issus du monde classique et d’ailleurs,fusion qui donna naissance à un style unique.

Critère iii Les royaumes géto-daces de la fin duIer millénaire avant J.-C. ont atteint un niveauculturel et socio-économique extrêmement élevé,que symbolise ce groupe de forteresses.

Critère iv Le fort de colline et son successeurévolué, l’oppidum, étaient caractéristiques de la finde l’âge du Fer en Europe, et les forteresses dacessont de remarquables exemples de ce type de sitefortifié.

ICOMOS, septembre 1999

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Sterkfontein (Afrique du Sud)

No 915

Identification

Bien proposé Sites des hominidés fossiles deSterkfontein, Swartkrans, Kromdraai et les environs

Lieu Gauteng, Province du Nord-Ouest

Etat partie République d’Afrique du Sud

Date 16 juin 1998

Justification émanant de l’Etat partie

Le paysage de la vallée de Sterkfontein recèle desgrottes riches en fossiles qui ont une valeuruniverselle exceptionnelle. Ces grottes renferment destrésors d’informations sur la faune et conservent lestraces inestimables et superbement préservées desdifférents stades de l’évolution de l’humanité depuisplus de 3,5 millions d’années. C’est sans aucun doutel’un des sites au monde les plus importants pourl’étude et la recherche sur l’évolution de l’homme.

Depuis plus de soixante ans, les sites de la région deSterkfontein (douze principaux et de nombreux autresde moindre importance) ont joué un rôle fondamentaldans la reconnaissance du fait que l’Afrique est leberceau de l’humanité. L’état juvénile du crâne del’enfant Taung et quelques autres facteurs nepermettaient pas aux anthropologues de conclure queles espèces représentées avaient un quelconque lienavec l’origine et l’évolution de l’humanité. Ce n’estqu’après la découverte de spécimens adultes àSterkfontein, à partir de 1936 et surtout après laSeconde Guerre mondiale, avec la reprise des fouillespar R. Broom et J.T. Robinson, et le lancement d’unenouvelle campagne de fouilles par P.V. Tobias avecA.R. Hughes et R.J. Clarke, que la preuve irréfutablefut présentée au monde de la science. Historiquement,ce sont les crânes, les dents et les os post-crânienstrouvés à Sterkfontein qui confirmèrent lesdécouvertes de Dart (1925) qui déclaraient que cespetites créatures à bipédie au petit cerveau et auxpetites canines, étaient des primates à la porte del’humanité.

Ce sont les spécimens adultes découverts àSterkfontein qui finirent par persuader les opposants àcette thèse et permirent de conclurequ’Australopithecus pouvait légitimement êtreconsidéré comme membre à part entière desHominidés (la famille des humains). De plus, ce sontces fossiles d'Afrique du Sud, découverts avant ceux

d’Afrique de l’Est, qui désignèrent l’Afrique plutôtque l’Asie comme le berceau de l’humanité,conformément à ce qu’avait prédit Charles Darwindans son ouvrage de 1871, De la descendance del’homme.

Par conséquent, d’un point de vue historique etheuristique, les découvertes de Sterkfontein ontpermis des avancées majeures, tant factuelles queconceptuelles, dans la compréhension du temps, del’espace et du mode d’évolution de la famillehumaine. Ce rôle qui fait école se poursuitactuellement avec les fouilles et l’analyse d’autresspécimens, non seulement des crânes, dures-mèresfossilisées et dents, mais aussi des vertèbres, ceinturesthoraciques et membres supérieurs, ceinturespelviennes et membres inférieurs. L’ensemble desfossiles de Sterkfontein a permis aux paléontologuesd’étudier non seulement des spécimens isolés et desindividus mais aussi des populations d’hominidés, dupoint de vue de la démographie, de la diversité, de lacroissance, du développement, du fonctionnement etdu comportement, de l’écologie, de la taphonomie etde la paléopathologie.

Les sites des grottes de la vallée de Sterkfonteinreprésentent l’œuvre conjuguée de l’homme et de lanature en ce sens qu’ils renferment des tracesexceptionnelles, tant physiques que culturelles, despremiers stades de l’évolution des Hominidés et desmammifères. Les gisements renferment des vestigesarchéologiques in situ vieux de 2 millions d’années etdes périodes suivantes, d’une valeur universelleexceptionnelle, en particulier du point de vueanthropologique.

Si le paysage de la vallée de Sterkfontein est considérécomme un bien culturel, aux termes des Orientationsdu Patrimoine mondial, il est suggéré que ces grottesont aussi une valeur universelle exceptionnelle dupoint de vue de la science, de l’archéologie et del’anthropologie. Elles portent un témoignage éminentsur les stades importants de la préhistoire humaine etsur le développement des traditions culturelles. Deplus, elles répondent aux critères et aux testsd’authenticité, au titre de l’article 24(a) (iv) desOrientations du Patrimoine mondial en tant"qu’exemple éminent de paysage illustrant une ouplusieurs périodes significatives de l’histoirehumaine".

En tant que bien culturel, les caractéristiques et lescomposantes particulières résident dans :

• la concentration de nombreux sites différents dansune zone relativement petite, des sites quidiffèrent par leur datation géologique, leurcontenu hominidé et la paléoécologie ;

• la durée des stades d’évolution rencontrés danscette zone restreinte et même dans une seulegrotte (Sterkfontein) ;

• la portée historique des découvertes faites avant etaprès la Seconde Guerre mondiale (dans le cas deSterkfontein) et depuis 1948 (dans le cas de

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Swartkrans), les preuves fossiles qui ontconvaincu les scientifiques que les hominidésarchaïques qui vivaient en Afrique ont marqué lapremière apparition sur terre de la famille desHominidés ;

• la révélation que certains des premiers hominidés(les australopithèques robustes de Kromdraai etde Swartkrans) avaient développé descaractéristiques spécialisées qui semblaient lesavoir mis à l’écart de la lignée des formesultérieures de l’homme – un concept qui, bienque courant pour les autres mammifères, n’avaitpas été appliqué à l’évolution des hominidés,jusqu’à ce que Robert Broom découvre la formerobuste de Kromdraai en 1938 et de Swartkrans àpartir de 1948.

Pour ces raisons, les sites de la vallée de Sterkfonteinremplissent les critères d’un bien culturel.

[Remarque L’Etat partie ne fait aucuneproposition quant aux critères au titre desquels ilenvisage que le bien soit inscrit sur la Liste dupatrimoine mondial. Toutefois, les critères iii et visont suggérés dans la justification.]

Catégorie de bienEn termes de catégories de biens culturels, tellesqu’elles sont définies à l’article premier de laConvention du Patrimoine mondial de 1972, il s'agitd'un site.

Histoire et description

Histoire

Les fossiles des grottes de la vallée de Sterkfonteindépeignent le paysage et la faune de l’Afrique du Sudtels qu’ils étaient il y a 3,5 millions d’années.Quelques-uns des plus importants spécimensd’australopithécidés (Australopithecus(Paranthropus) robustus et Australopithecus(Plesianthropus) africanus), ancêtres collatéraux del’homme moderne, ont été découverts dans la région.Les couches géologiques de Sterkfontein ont révéléles premières traces d’hominidés dans le sud del’Afrique (environ 3,5 millions d’années).Historiquement, c’est aussi la découverte du premieraustralopithèque adulte en 1936, par Robert Broom,de la source la plus riche en fossiles de cette espèce etdes plus anciens outils en pierre (2 à 1,5 millionsd’années). Des spécimens de l’Homo habilis ontégalement été découverts dans les brèches des grottesde Sterkfontein. Ces éléments clés définissentl’origine et l’évolution de l’humanité. L’appartenancedes hominidés à la lignée d’Homo sapiens sapiens(l’homme moderne) est prouvée par la capacité de leurboîte crânienne, leur alimentation et leur stature érigéedebout, tous éléments qui indiquent une parenté avecl’homme moderne. Des outils en pierre et en os, datésde 2 à 1,5 millions d’années, ont été mis au jour àSterkfontein, Kromdraai et Swartkrans, et corroborentcette hypothèse.

Des preuves de la domestication du feu ont été misesen évidence dans la grotte de Swartkrans (1,8 à 1millions d'années), autre trait spécifique ducomportement humain. L’ancienneté de ces primatesfossiles ayant indiscutablement des traits d’hominidésfont de l’Afrique le berceau de l’humanité.

Description

Le site proposé pour inscription est situé à 45km àl’ouest de Johannesburg et 5km au nord du centreurbain le plus proche. Une bande dolomitique et sesbrèches traversent la totalité de la zone, créant unterrain accidenté. La zone est couverte d’herbages, lavégétation se densifie le long des cours d’eau.

La totalité de la zone proposée pour inscription estd’environ 25000ha (avec une zone tampon d’environ28000ha). La zone sélectionnée a été définie par latopographie, de manière à inclure à la fois denouveaux sites de gisements de fossiles et à préserverla qualité visuelle du paysage de toute intrusionincompatible ou indésirable.

Les sites paléontologiques et paléoanthropologiquessont une série de grottes que l’on trouve dans la bandedolomitique et ses brèches associées. Certaines ont étédécouvertes à la faveur de l’exploitation industriellede carrières de calcaire, activité qui a cessé depuis.

Sterkfontein se situe sur une colline au sud de lavallée de la Rietspruit, à mi-chemin à vol d’oiseauentre Swartkrans (1,2km à l’ouest sud-ouest) etKromdraai (1,6 km à l’est nord-est). Les trois grottesprincipales sont environnées d’une série de grottescomportant des fossiles ; sur les neuf grottes situéesdans la zone proposée, seules trois (Drimolen,Coopers B et Gondolin) ont déjà livré des fragmentsd’hominidés. Les grottes suivantes - Wonder Cave,Gladysvale, Bolt's Farm, Minnaar's Caves, Plover'sLake et Haasgat – n’ont produit que des fossilesfaunistiques, mais elles peuvent potentiellementrévéler des fragments d’hominidés.

Sterkfontein a produit quelques 500 spécimensrépertoriés, la plupart étant des représentants del’espèce Australopithecus africanus (trouvés dansMember 4) et quelques-uns, de gisements plus récents,appartenant aux espèces Australopithecus robustus etHomo habilis. Les industries de l'Oldowayen (2millions d’années) et de l'Acheuléen (1,5 millionsd’années) ont produit des milliers d’outils en pierre.Des milliers de fragments d’animaux et des centainesde fragments de bois fossilisés attestentl’environnement passé. Très récemment, le premiersquelette complet d’Australopithèque jamais trouvé aété mis au jour ; pour le plus grand intérêt du mondescientifique, surtout que les premières analysessuggèrent qu’il pourrait s’agir d’une autre espècequ’A. africanus ou A. robustus.

Swartkrans est la première source de Paranthropuscrassidens (homme-singe robuste). Une deuxièmeespèce de la famille Paranthropus a été trouvée, quel’on peut considérer comme contemporaine et donc

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semblable à Homo erectus. Elle contient la plusgrande collection de fragments de A. robustus. Le sitecomporte aussi un grand nombre d’outils en pierre eten os (près de 900 datant de 1,8 à 1 millions d’années)et des preuves de la domestication du feu suggérée parla découverte d’os brûlés. Des milliers de fragmentsd’animaux ont été collectés.

Kromdraai est le site du premier spécimen de A.(Paranthropus) robustus trouvé en 1938. KromdraaiA a essentiellement livré des outils et des fossilesd’animaux, tandis que Kromdraai B a révéléd’avantage de spécimens de A. robustus.

Près de Kromdraai, les fouilles de 1938 et 1939 dansles brèches des Cooper’s Caves ont révélé la présencede fragments d’australopithécidés et de non-hominidés.

Au sud de Swartkrans, le site de Bolt's Farm a jusqu’àprésent produit des fragments faunistiques. Sur lesquatre sites qui forment le deuxième groupe (Minaars,Plover's Lake, Wonder Cave et Drimolen) au nord dugroupe principal (Bolt's Farm, Swartkrans,Sterkfontein, Coopers et Kromdraai), un seul(Drimolen) a livré des fragments d’hominidés.Drimolen est le dernier site fouillé (1992) avecGondolin. Ont été ramenés à la lumière les deux plusjeunes A. robustus, âgés de 8 et 12 mois et datés de 2millions d’années avant notre ère.

Trois sites se trouvent à l’écart des principaux groupesde sites (dans l’ordre, du sud au nord) : Gladysvale,Haasgat et Gondolin. Gladysvale, connu pour être unsite riche en fossiles depuis 1936, a révélé desfragments d’hominidés pour la première fois en 1992 -dents et os de doigts. Haasgat et Gondolin, deux sitestrouvés dans la Province du Nord-Ouest ont produittous les deux des fossiles faunistique. En 1997, le sitede Gondolin a livré des fragments d’australopithécidés robustes.

Gestion et protection

Statut juridique

Le statut juridique n’est pas uniforme sur la totalité dusite. Un certain nombre de mécanismes juridiquescontrôlent l’utilisation des sols, le développement etl’impact environnemental dans la zone. La législationactuelle vise à protéger les sites, non pas à les gérer ouà les développer. Toutefois, la loi actuelle sur lesmonuments nationaux (No 28, 1969) devrait êtreincessamment remplacée par une nouvelle loi sur lePatrimoine national, dont l’objectif est de “présenterune structure de patrimoine holistique et intégrée quicoordonne les manifestations du patrimoine vivantcommun à tous les citoyens d’Afrique du Sud”. Cestatut tiendra compte de la gestion et de laprésentation ainsi que de la protection. Le site dépendaussi des dispositions de la loi sur la gestion del’environnement national (No 107, 1999), qui requiertla formulation de plans de gestion et leur approbationpar le Comité gouvernemental de coordinationenvironnementale.

Swartkrans, Sterkfontein, Kromdraai, et le matérielpaléoanthropologique qui en provient, sont protégéspar la loi sur les monuments nationaux. Toute activitéentreprise dans la région, en particulier l’exploitationminière, est soumise à la loi sur les carrières et mines(No 50, 1991) et à la loi sur la conservation del’environnement (No 73, 1989), qui stipulent que desétudes d’impact sur l’environnement doivent êtrepréalablement réalisées à tous travaux majeurs deconstruction.

Les autorités locales provinciales renforcent leurcontrôle sur la planification locale et les stratégies dedéveloppement - au moyen des « Objectifs dedéveloppement » des terres - comme le prévoit la loisur la facilitation du développement (No 67, 1995) quicomplète les lois nationales existantes sur ledéveloppement. Ces « objectifs » encouragent lesactivités liées au tourisme, aux loisirs et àl’agriculture. Ils préservent et protègent le site del’extension urbaine et de l’utilisation dommageabledes sols. Le projet de loi d’urbanisme de Gautengincorpore les « objectifs de développement » dans lecadre des “plans de développement locaux” (voir ci-dessous).

En plus de ces contrôles d’ordre juridique, denombreux propriétaires fonciers de la régionappliquent leurs propres plans de gestion et deconservation. L’engagement des propriétaires locauxenvers la conservation se manifeste par le grandnombre de sites « Patrimoine naturel » enregistrésdans la région. Les propriétaires font une demanded’inscription de leur propriété foncière à la directiondu Tourisme et de l’Environnement. Ils s’engagent àne pas détruire ni détériorer leur bien et à signalertoute infraction aux autorités concernées.

Le projet de loi d’urbanisme de Gauteng vise à doterla Province d’une loi d’urbanisme unique. La zoneproposée pour inscription serait traitée en tant que sitedu Patrimoine mondial et elle aurait une stratégie degestion définie, une protection globale unique et unorganisme administratif responsable de sa promotion,de sa protection et de sa gestion.

Gestion

Près de 98% de la terre est détenue par despropriétaires privés. Sur les 2% restant, l’Etat possède8ha et le reste, essentiellement la Réserve Naturellesur laquelle se trouvent les grottes de Sterkfontein etla ferme où se trouve Swartkrans, sont la propriété del’Université de Witwatersrand.

Tant que l’organisme administratif prévu par le projetde loi d’urbanisme de Gauteng n’est pas établi, ce sontles différentes directions administratives de laProvince de Gauteng - agriculture, conservation etenvironnement, sports, loisirs, arts et culture, affaireséconomiques et finances – qui sont responsables de lagestion globale et quotidienne du site. Après lapromulgation de la loi, la Province de Gautengcontinuera de coordonner les activités du Bureau.

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Un plan de gestion provisoire a été élaboré et estdevenu effectif en décembre 1998, en même tempsque le projet de loi. Le plan mettra l’accent sur laprotection des sites connus et futurs, s’assurera quel’utilisation actuelle des sols ne menace pas le paysagedu site ou sa nature intrinsèque, et s’efforcera depromouvoir l’accès des visiteurs. Un programme desuivi permanent de l’état de conservation du siteconstituera la composante maîtresse de ce plan degestion. Il comprendra une équipe du personnel quidoit être mise en place, et des institutions telles quel'Université de Witwatersrand et le musée duTransvaal fourniront des compétences scientifiques.

A l’heure actuelle, il n’y a pas de personnelexclusivement responsable de la maintenance et de lagestion du site. Le projet de loi prévoit d’engager dupersonnel à cet effet. L’université de Witwatersrand etle musée du Transvaal continueront de gérer lesaspects scientifiques.

Le tourisme est un axe essentiel du développement dusite. Quelque 75000 personnes visitent Sterkfonteinchaque année, à cheval ou sur des chemins pédestres,pour ses mines d’or, les plus anciennes de la région, saréserve d’animaux et son paysage unique.

L’accès au site, qui n’est pas facile l’heure actuelle,soulève des débats considérables. Il existe quelquesroutes principales et surtout des chemins de terre.L’amélioration du réseau routier est donc unenécessité pour développer le tourisme et pour faciliterla gestion du site.

L’économie locale est dominée par l’agriculture et lesactivités liées à la réserve animale, complétée parquelques industries légères et des activitéscommerciales. Toutes ces activités sont pratiquées àpetite échelle et ne menacent pas l’intégrité du parc.

La principale menace qui pèse sur le site provient dudéveloppement urbain : Krugersdorp s’étend vers lenord et se rapproche à moins de 5km et Randburgs’étend vers le nord-ouest, à 15km des limites du site.Cette menace est prise très au sérieux par les autoritéset des plans de zonage et de réglementation dudéveloppement urbain sont en préparation.

Conservation et authenticité

Historique de la conservation

Il est impossible d’examiner ce groupe de sitesd’hominidés fossiles en termes classiques deconservation, car leur importance est révélée par lesfouilles. Or l’exécution des fouilles signifie que l’onretire le matériel du site au fur et à mesure desdécouvertes. C’est donc un bref historique de chaquefouille qui sera présenté ici.

A Sterkfontein les brèches porteuses de fossiles ont étédécouvertes à l’occasion de l’extraction de chaux dansles années 1890. Ce n’est qu’à la fin des années 1930que les fouilles à la recherche de fossiles d’animaux etd’hominidés ont commencé sérieusement. Les

recherches s’interrompirent pendant la SecondeGuerre mondiale et reprirent en 1947-1949. Après unepremière campagne de courte durée en 1956-1958,P.V. Tobias entama en 1966 les recherches qu’ilpoursuit actuellement.

Il semble que le potentiel du site de Swartkrans ait étéreconnu en 1936, mais les fouilles n’ont étéentreprises qu’à partir de 1948 et jusqu’en 1953. Uneseconde phase de fouilles s’est déroulée entre 1965 et1992, sous la direction de C.K. Brain.

Des fragments ont été collectés dans les brèches deKromdaai et envoyés à Londres pour examen, mais ila fallu plus de soixante ans avant que les os de ce sitene soient “ redécouverts ” par L.S.B Leakey. Desfouilles ont cependant été conduites par intermittenceentre 1938 et les années 1990.

Le premier fossile important a été découvert àCoopers B dans les déchets d’extraction de chaux à lafin des années 1930. Toutefois, malgré plusieurscampagnes de fouilles, le deuxième fossile d’hominidén’a été identifié qu’en 1989. Des campagnes defouilles sont prévues.

Le site important de Drimolen, particulièrement richeen fossiles d’hominidé, n’a été découvert qu’en 1992par A.W. Keyser qui en dirige les fouilles depuis lors.Les premières découvertes à Gladysvale datent de lafin des années 1940. L’étude systématique est encours depuis 1993, par une équipe d’universitaires deSuisse et d’Afrique du Sud.

Des fouilles sporadiques à Bolt’s Farm depuis laSeconde Guerre mondiale ont produit une grandequantité de fossiles de mammifères mais aucund’hominidé jusqu’à présent. Aucune campagne defouilles systématiques n'a été organisée sur ce site. Demême, Haasgat et Plover’s Lake, qui ont été fouillésde manière intensive à la fin des années 1980 et audébut des années 1990 n’ont jusqu’à présent révéléaucun fossile d’hominidé.

Gondolin a produit un grand nombre de fragments defossiles de mammifères pendant des fouilles conduitesen 1979, mais ce n’est que depuis 1997 que sontapparus à la lumière les fossiles d’australopithèques.

Authenticité

L’authenticité n’est pas non plus un concept applicableaux sites de fossiles de ce type. Il conviendrait de lesévaluer en termes d’intégrité, comme c’est le cas desbiens relevant des critères de nature. Les brèches d’oùsont extraites ces quantités de fossiles sont intactes.Elles ne sont plus exploitées comme carrières et lestroupeaux et les animaux qui y paissent n’ont aucunimpact nocif sur les dépôts de fossiles. L’intégrité dessites proposés pour inscription peut dont être considéréecomme totale. Le paysage dans sa globalité possèdeégalement un haut degré d’authenticité et/ou d’intégritépour les mêmes raisons : il est certain que la naturenourrit les animaux domestiques de la même manièreque les animaux sauvages des temps préhistoriques.

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Evaluation

Action de l’ICOMOS

Une mission d’expertise de l’ICOMOS a visité les sitesen janvier 1999.

Caractéristiques

Ce groupe de sites est l’un des plus importants dumonde pour la compréhension de l’évolution del’homme moderne (Homo sapiens sapiens) à partir deses ancêtres. Ils ont produit une grande quantité defossiles d’hominidés, le plus ancien daté de 3,5 millionsd’années, ainsi que leurs outils et des fossiles de lafaune contemporaine. Les recherches des soixantedernières années ont eu un rôle crucial dans lareconnaissance de l’Afrique comme berceau del’humanité. Les éventualités de découvertes importantessupplémentaires sont très grandes.

Analyse comparative

L’étude comparative des Sites potentiels de fossilesd’hominidés pour inscription sur la Liste du Patrimoinemondial préparée par deux éminents paléontologuespour l’ICOMOS en 1997 établit six critèresd’évaluation de ces sites : bonne chronologie ; nombrede fossiles ; datation des découvertes ; potentiel dedécouvertes ; groupes de sites étroitement liés ;découverte et preuve de l’évolution humaine. L’étudedivise l’évolution humaine en quatre périodes, dont lapremière va de 5 millions à 1 millions d’années avantnotre ère.

Les auteurs de l’étude considèrent que la Vallée deSterkfontein remplit tous les critères et qu’à ce titre elledoit être inscrite sur la Liste du Patrimoine mondial.

Recommandations de l’ICOMOS pour des actionsfutures

La taille de la zone proposée pour inscription et de sazone tampon complique la gestion du site. Lacomplexité de la situation est due au grand nombre departies prenantes – propriétaires fonciers,administrations locales, provinciales et nationales,institutions scientifiques, etc.

L’Etat partie a abordé les principaux problèmesauxquels le site aura à faire face dans l’avenir procheet lointain s’il est inscrit sur la Liste du patrimoinemondial. L’expansion des zones urbaines voisines estune menace majeure pour l’intégrité du site. Dès lorsque la plupart des parcelles qui constituent la zoneproposée pour inscription et la zone tampon sont despropriétés privées, il est essentiel que l’Etat garde uncontrôle strict sur l’utilisation des sols, le zonage, lesvisiteurs et la gestion. La fragilité des sites quirenferment les fossiles d’hominidés exige le contrôledes accès afin d’éviter toute destruction de donnéesscientifiques importantes que risquerait de causer unetrop forte fréquentation des sites.

A cet égard, l’aspect actuel de plusieurs sites defossiles est préoccupant. Bolt’s Farm, Drimolen etGladysvale sont dans un état lamentable. L’ICOMOSne va pas jusqu’à recommander de combler ces sites,mais suggère que leur état soit amélioré afin d’éviterl’érosion des brèches.

Le bien proposé pour inscription se réfèrespécifiquement aux sites d’hominidés fossiles.Toutefois, l’ICOMOS estime qu’il possède une autrecaractéristique importante. Les fouilles archéologiquesont montré que cette zone a été occupée sansinterruption par Homo sapiens sapiens jusque vers20000 avant notre ère, c’est-à-dire du Paléolithiqueinférieur au Néolithique. Une grande partie dupaysage actuel est semblable à ce qu’il était à l’époqueet l'ICOMOS considère que cela devrait être mis enavant dans la présentation du site au public.

La mission de l’ICOMOS se préoccupe de la zonetampon proposée. Elle semble suffisammentimportante par la superficie, mais il conviendrait peut-être de l’étendre en certains points vulnérables demanière à éviter les projets immobiliers tropimposants comme celui de Letarno, pour l’instantinterdit, et celui du casino.

Tout ces commentaires aboutissent à une seulerecommandation spécifique : qu’un plan de gestion etde conservation définitif et impératif soit produit pour lesite entier le plus rapidement possible.

Brève description

Les nombreuses grottes de la vallée de Sterkfontein ontproduit d’abondantes informations scientifiques surl’évolution de l’homme moderne depuis 3,5 millionsd’années, sur son mode de vie et sur les animaux aveclesquels il vivait et desquels il se nourrissait. Le paysageactuel conserve également de nombreusescaractéristiques qui étaient identiques du temps ce cellesde l’homme préhistorique.

Recommandation

Que ce bien soit inscrit sur la Liste du Patrimoinemondial sur la base des critères iii et vi :

La zone de Sterkfontein contient un groupe degrands sites, d’une importance exceptionnelle pourla science, qui sortent de l’ombre les ancêtres lesplus anciens de l’humanité. Ces sites constituentune vaste réserve de données scientifiques aupotentiel considérable.

ICOMOS, septembre 1999

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Robben Island (Afrique du Sud)

No 916

Identification

Bien proposé Robben Island

Lieu Province du Cap ouest

Etat partie République d’Afrique du Sud

Date 30 juin 1998

Justification émanant de l’Etat partie

Robben Island – de l’incarcération à la libération, de lasouffrance du corps à la liberté de l’esprit.

Robben Island possède une histoire bien documentéequi selon les sources écrites remontent à 1488. Qu’elleait été occupée par des hommes de l’Age de la pierre àcause de sa proximité des côtes du continent africainreste à confirmer par des fouilles archéologiques.

Sa longue histoire, marquée par le bannissement,l’emprisonnement et la souffrance humaine, estabondamment décrite et rapportée tant par des sourcesécrites et des documents iconographiques que par letémoignage direct des anciens prisonniers. On doit lesconstructions présentes sur l’île aux premiers colonsnéerlandais, les colons anglais ayant construit leséglises, la léproserie, l’asile pour les malades mentauxainsi que les installations militaires de la SecondeGuerre mondiale et enfin les bâtiments de la prison quitémoignent de la dernière occupation de l’île. Lesstructures et les bâtiments de l’île représentent unepériode d’occupation continue depuis la deuxièmemoitié du XVIIe siècle à nos jours. Elles témoignentd’une société qui a joué un rôle important dans ledéveloppement du sud de l’Afrique et de ses rapportsavec les mondes “civilisés” d’Europe et d’Asie. Cettesociété a disparu depuis longtemps et les vestiges deRobben Island, typiques de leurs époques respectives,sont les seuls exemples encore existants. Les bâtimentsles plus récents sont exceptionnels en ce qu’ilsreprésentent une époque de l’histoire qui revêt unesymbolique universelle alors même que ceux qui yrésidaient – les anciens prisonniers politiques - sontencore vivants. La proximité de cette histoire fait deRobben Island et de sa prison un lieu exceptionnel dansl’actuel contexte international. Critère iii

Robben Island a une valeur universelle pour les raisonssuivantes : « Robben Island est une part vitale dupatrimoine collectif de l’Afrique du sud. Songez que lepeuple d’Afrique du Sud dans son entier, associé àl’aide de la communauté internationale, a transformé

l’un des symboles les plus connus au monde derésistance à l’oppression en une image internationale del’universalité des droits de l’homme, de l’espoir, de lapaix et de la réconciliation ? » (le Président NelsonMandela, Journée du Patrimoine, 24 septembre 1997,Robben Island).

Robben Island symbolise le triomphe de l’esprit humainsur ce qu’on peut imaginer de plus douloureux et deplus inhumain. L’île pénitentiaire est devenue lesymbole de la résistance à l’oppression, le symbole de larenaissance de la démocratie en Afrique du Sud, unexemple unique dans ce monde où règne l’incertitudepolitique. Critère vi

Catégorie de bien

En termes de catégories de biens culturels, tellesqu’elles sont définies à l’article premier de laConvention du Patrimoine mondial de 1972, le bienproposé pour inscription est un site.

Histoire et description

Histoire

Robben Island, qu’on appelle souvent simplement l’île,a pu être occupée par des hommes avant l’arrivée desEuropéens, car c’est le sommet d’une montagnesubmergée reliée par une dorsale sous-marine à la baiede la Table.

La péninsule du Cap, avec Robben Island, se trouvait àmi-chemin sur la route maritime entre l’Europe etl’Orient. Les premiers européens à débarquer ici furentprobablement les membres de l’équipage de Vasco deGama, en 1498, à la recherche d’un abri et deravitaillement. Au cours des deux siècles suivants, unnombre croissant de vaisseaux européens mouillèrent làcar cette halte leur offrait à la fois de la nourriture, del’eau potable et une protection contre les attaques despopulations indigènes du Cap.

La Compagnie néerlandaise des Indes orientales fut lapremière à prendre conscience du potentiel du Cap deBonne Espérance au milieu du XVIIe siècle, et en 1657Jan van Riebeeck y fonda une colonie, constituée demembres de la Compagnie des Indes et de citoyenslibres (free burghers). Ils furent rejoints en 1688 par desHuguenots français chassés par la révocation de l’Editde Nantes signée par Louis XIV. Les colons réduisirentà l’esclavage les peuples indigènes et d’autres Africainsvenus d’autres parties d’Afrique ; la population desesclaves fut complétée par la déportation de musulmansde l’Inde Orientale et d’autres pays d’Orient.

Van Riebeeck donna rapidement à l’île sa destinéepénitentiaire. Ce sont d’abord les esclaves et lesprisonniers de guerre qui y furent envoyés pour casserdes pierres et brûler des coquillages pour produire lachaux qui servait à la construction de la ville du Cap. Ilsfurent bientôt rejoints par d’autres – marins et soldats dela Compagnie condamnés, indigènes Khoisan révoltés,

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chefs politiques et religieux musulmans des Indesorientales.

Lorsque le Cap fut pris aux Néerlandais par lesBritanniques en 1795 et à nouveau en 1806, l’îlecontinua de recevoir des prisonniers militaires (desBlancs essentiellement), politiques et de droit commun(surtout des Noirs). La prison des femmes (un dixièmede la population carcérale) fut transférée au Cap en1835. La prison de l’île fut fermée en 1846 et uneinfirmerie générale installée à la place pour recevoir lesmalades chroniques, les malades mentaux, les lépreux etainsi, alléger la pression sur les hôpitaux du continent.(L’île fut cependant utilisée occasionnellement par lesBritanniques comme un lieu d’exil pour les prisonnierspolitiques importants). La gestion de l’infirmeriegénérale et les soins apportés aux patients (qui subirentla ségrégation raciale à partir de 1860) étaientmédiocres. Avec l’installation sur le continentd’hôpitaux spécialisés pour les malades mentaux et lesmalades chroniques, et la prise en charge des patientsappartenant aux classes moyennes, il ne resta plus surl’île que les lépreux. Robben Island devint la principaleléproserie du Cap, avec plus de mille pensionnaires. Cetétablissement finit par fermer en 1931.

Le projet de transformation de l’île en un lieu devillégiature ne vit pas le jour et à l’approche de laSeconde Guerre mondiale, elle fut déclarée « réservemilitaire » en 1936. Elle devint un avant-poste dedéfense de la baie de la Table, équipée d’un port etd’une artillerie lourde. Après la guerre, elle continuad’être utilisée comme camp d’entraînement et, en 1951,elle fut réquisitionnée par les fusiliers marins puis par laMarine d’Afrique du Sud.

En 1959 l’île fut reprise par l’administrationpénitentiaire pour servir de prison de haute sécurité pourles prisonniers politiques condamnés par le régime del’Apartheid, ainsi que pour les condamnés de droitcommun, tous des Noirs. Les premiers prisonniers dedroit commun sont arrivés en 1961, suivis par lesprisonniers politiques l’année d’après. Beaucoup yfurent envoyés par la suite, surtout des dirigeants duCongrès national africain et du Congrès Pan Africain ;Le plus célèbre des prisonniers de Robben Island futNelson Mandela, incarcéré dans cette prison pendantprès de vingt ans. Pendant les années 1960 et le débutdes années 1970, l’isolement de l’île et le régimenotoirement cruel instauré par le personnel en fit laprison la plus redoutée d’Afrique du Sud. Le dernierprisonnier politique quitta l’île en 1991 et la prisonferma enfin en 1996. Depuis lors, elle a été transforméeen musée.

Description

Robben Island est un rocher affleurant en haute mer,d’une superficie de 475ha, à 9,3km au nord ducontinent. De climat méditerranéen, ses côtes nord etouest sont battues par les tempêtes d’hiver et exposéesaux marées qui en font des lieux quasiment inhabitables.Rien de surprenant qu’un certain nombre de naufragesse soient produits sur cette côte inhospitalière.

Les constructions sont donc concentrées sur les côtessud et est. Leur dispersion et leur manqued’homogénéité reflètent l’histoire à caractère épisodiquede l’île. Le manque d’eau potable est un facteurdéterminant. L’eau des puits est saumâtre et l’eau depluie est collectée pour subvenir aux besoins.

Les premières manifestations de l’activité humaine sontles carrières d’ardoise aujourd’hui abandonnées (au sudde l’île) et de pierre calcaire (au centre), qui remontentau XVIIe siècle. La pierre calcaire est encore exploitéeoccasionnellement pour l’empierrement des routes del’île. Il ne reste rien des bâtiments érigés vers 1600 àl’extrémité nord de l’île, que l’on ne connaît que par desdessins de l’époque.

En 1806-1808 un nouveau groupe de bâtiments a étéconstruit par les Britanniques à l’extrémité sud de l’îlepour servir de prison. C’est le noyau de la zoneadministrative existante que l’on nomme « le village » etqui abrite le musée avec ses bureaux, ses salles deréunion, ses équipements publics, ses boutiques, etc.Certains des bâtiments, comme le club (anciennemaison du médecin chef) de 1840 et l’ancien presbytèreanglican (1846), conservent encore des aspectscontemporains intéressants à l’intérieur et à l’extérieur.L’église anglicane, construite par les prisonniers en1841, est un des premiers exemples de style gothiquequi s’est développé au Cap avec ses façades en stuc etblanchie à la chaux. Elle a un intérieur simple avec unbalcon en tek, bois également utilisé pour l’autel, lepupitre, les bancs et la charpente.

Le petit phare édifié au sommet de la colline de Mintodans la partie sud de l’île a été construit en 1864. C’estun édifice en maçonnerie de 18m de haut, de sectionronde avec un bel escalier en fonte qui permet d’accéderaux étages et grimpe en colimaçon jusqu’à la lanterne.

Entre le village et le port, légèrement au nord, dans labaie de Murray, la petite église du Bon Pasteur (que l’onappelle généralement l’église des lépreux) a étéconstruite par les lépreux eux-mêmes en 1895, selon lesplans de l’excellent architecte Sir Herbert Baker. Il nereste rien d’autre de la léproserie des hommes, démolieen 1931. L’église n’est actuellement pas utilisée, mais ilest prévu d’effectuer des travaux de réparationd’urgence et de la consacrer à nouveau afin d’y célébrerla messe. Autour de l’église se trouvent des tombes delépreux, aujourd’hui à moitié enfouies dans les herbes.

Le port actuel de la baie de Murray a été construitpendant la Seconde Guerre mondiale en même tempsque les fortifications et les défenses militairescomprenant des batteries, des entrepôts souterrains, despostes d’observation, des baraquements et des batteriescôtières. Les structures militaires à cet endroit commeailleurs sur l’île sont en ruine, de même que la pisted’atterrissage au centre de l’île.

Au nord de la prison de haute sécurité se trouve leKramat, un monument érigé en 1967 à la mémoire dusaint homme musulman Hadjie Mattarm, relégué surRobben Island en 1744 par la Compagnie néerlandaisedes Indes orientales. Il mourut en 1755 et sa tombedevint un lieu de pèlerinage pour la communauté

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musulmane du Cap. C’est un édifice simple en ardoisede l’île et surmonté d’un dôme.

La construction de la prison de haute sécurité utiliséepar le régime de l’Apartheid a commencé vers 1960. Lesbâtiments sont solides et fonctionnels, construits enpierre de l’île. Hors de l’enceinte principale se trouventles bâtiments de service, de stockage et administratifs.

Gestion et protection

Statut juridique

L’île est un monument national au titre de la loi sur lesmonuments nationaux (No 28 de 1969). Touteintervention sur un monument national requiertl’autorisation du Conseil des monuments nationaux.

La loi sur les institutions culturelles (No 29 de 1969)définit les critères selon lesquels de telles institutionssont créées et gérées. Robben Island est déclaréeinstitution culturelle.Aux termes de la loi sur la conservation del’environnement (No 73 de 1989), certains travauxd’infrastructure et les modifications de l’utilisation dessols de l’île requièrent une étude d’impact surl’environnement.

Gestion

L’île entière et tous les biens qui s’y trouventappartiennent à l’Etat, à l’exception de l’église du BonPasteur et du terrain qui l’entoure, qui appartiennent àl’église de la Province d’Afrique du Sud. L’Etat possèdeaussi la zone tampon de un mile nautique autour de l’île.

Le Conseil de Robben Island, créé dans le cadre de laLoi sur les institutions culturelles, est constitué de dixhuit personnes nommées par le ministre des Arts, de laCulture, des Sciences et de la Technologie. Sesmembres sont par moitié d’anciens prisonnierspolitiques et des spécialistes de diverses formationsayant trait à la mission du Conseil. Ce dernier estresponsable de l’établissement de la politique généraleet des questions financières.

La gestion du site et la conservation sont confiées audirecteur du Musée de Robben Island. Ledéveloppement futur de l’île sera réalisé dans le cadrede la politique de développement définie par lesrecommandations du Cabinet du 4 septembre 1996.L’île sera “gérée comme un musée, son environnementtotalement protégé, selon les règles de conservationinternationales … et l’ancienne prison politique seratransformée en Musée de la lutte pour la Liberté enAfrique du Sud”. On a demandé au Conseil“d’entreprendre une politique systématique et largementparticipative, avec l’aide d’une agence composée d’unpersonnel compétent, afin de concevoir une politiqueglobale de développement à long terme et d’utilisationde Robben Island”.

L’île est gérée dans le cadre du Contrat de gestion debiens passé entre le musée, le Conseil des monumentsnationaux et le ministère des Travaux publics. Il définit

des procédures d’entretien détaillées relatives aupatrimoine dû à l’homme et à l’environnement naturel.

Une gestion environnementale globale est mise enplace, qui prévoit une politique, un plan de gestion etdes systèmes de gestion environnementaux, et ce avecl’aide financière du gouvernement de Norvège. Elle doitse dérouler selon une série de phases, la première encours étant la conception d’une première ébauche deplan, la totalité du projet devant être terminée à la fin del’an 2000.

Conservation et authenticité

Historique de la conservation

La conservation systématique de l’île en tantqu’élément du patrimoine culturel n’a commencé queces dix dernières années. Avant cela, les structuresétaient démantelées ou laissées à l’abandon à mesureque cessaient les utilisations successives de l’île.Celle-ci étant devenue un musée, sa conservationsystématique sera mise en œuvre dans le cadre descontrats et plans mentionnés au chapitre précédent.

Authenticité

Du fait que l’histoire de l’île a suivi une trajectoire quicomporte plusieurs changements d’orientation qui n’ontpas entraîné d’efforts conscients de conservation,l’authenticité de l’île est entière.

Evaluation

Action de l’ICOMOS

Une mission d’expertise de l’ICOMOS a visité RobbenIsland en février 1999.

Caractéristiques

La valeur symbolique de Robben Island réside dans sasombre histoire de pénitencier et d’hôpital pour lesmalheureux privés de liberté parce que socialementindésirables. Cela a pris fin vers 1990, au moment où lerégime inhumain de l’Apartheid a été rejeté par lepeuple d’Afrique du Sud. Les prisonniers politiques quiavaient été incarcérés sur l’île ont enfin été libérés aprèsde nombreuses années d’emprisonnement.

Analyse comparative

Il est difficile de trouver un exemple parallèle semblableà Robben Island parmi les îles pénitentiaires datant de lapériode de colonisation européenne. L’île de Norfolk aularge de la côte australienne était utilisée pour descondamnés déportés de Grande Bretagne au XIXe

siècle, et l’île du Diable, au large de la côte de laGuyane française, eut les mêmes fonctions, tandis quel’île d’Alcatraz dans la baie de San Francisco estl’archétype de l’île prison, mais aucune n’a rempli lerôle de prison politique qu’a eu Robben Island sous laloi coloniale néerlandaise puis britannique, et enparticulier à la fin du XXe siècle (la déportation

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d’Alfred Dreyfus à l’île du Diable fut un acte politiqueisolé). L’histoire de l’île de Sainte Hélène quicommença d’abord par être une halte pour les naviresfaisant route entre l’Europe et l’Orient, est semblable àcelle de Robben Island, mais elle ne fut utilisée qu’uneseule fois pour héberger un prisonnier politique, fut-ill’un des plus illustres prisonniers.

Observations de l’ICOMOS

La mission de l’ICOMOS transmet ses observations surl’état de conservation de certaines structures qui n’ontété que brièvement mentionnées dans le dossier deproposition d’inscription.

L’ancienne prison, qui est l’un des bâtiments les plussignificatifs de l’histoire récente de l’île, que lesprisonniers appelaient le « trou de l’enfer », est à peinementionnée dans le dossier. Il apparaît qu’elle a ététotalement abandonnée et qu’elle est dans un état dedélabrement avancé.

Dans la nouvelle prison, les bâtiments A et C sont tousles deux en très mauvais état. Les murs sont lézardés, lesplafonds crevés et les parties métalliques corrodées.Ceci est en conformité avec la politique de « maintiendes lieux en l’état, c’est à dire tels qu’ils ont été trouvésau moment de leur transfert du Service de l’applicationdes peines au tout nouveau musée de Robben Island.”.“L’effet (voulu) d’abandon et de désespoir » estindéniablement réussi, mais sans une interventionminimum de conservation, le processus de délabrementne peut que se poursuivre, ce qui fait que les structuresdans leur ensemble risquent de s’effondrer.

Quant au bâtiment B, où les prisonniers politiques depremier plan étaient enfermés, il est stipulé qu’il “doitêtre présenté tel qu’il était au moment où il a été le plusutilisé pour les prisonniers politiques les plus connusd’Afrique du Sud”. On peut arguer du fait que ce n’estpas le cas, étant donné qu’après le départ desprisonniers quelques modifications ont été apportées,par exemple les murs qui étaient à l’origine « grisprison » ont été repeints en couleur. De plus, cebâtiment était à l’origine en U, mais certaines parties desmurs ayant été cloisonnées, l’aspect extérieur s’en esttrouvé modifié.

Brève description

Robben Island a été utilisée à différentes époques entrele XVIIe et le XXe siècle comme prison, hôpital pour lesmalades socialement indésirables et base militaire. Sesbâtiments, et en particulier ceux du XXe siècle, la prisonà haute sécurité pour les prisonniers politiques,témoignent du triomphe de la démocratie et de la libertésur l’oppression et le racisme.

Recommandation

Que ce bien soit inscrit sur la Liste du Patrimoinemondial sur la base des critères iii et vi :

Critère iii Les bâtiments de Robben Islandtémoignent de manière éloquente des heuressombres de son histoire.

Critère vi Robben Island et sa prison symbolisent letriomphe de l’esprit humain, de la liberté et de ladémocratie sur l’oppression.

ICOMOS, septembre 1999

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San Cristóbal de la Laguna (Espagne)

No 929

Identification

Bien proposé San Cristóbal de la Laguna

Lieu District de Santa Cruz de Tenerife,Communauté autonome desCanaries

Etat partie Espagne

Date 30 juin 1998

Justification émanant de l’Etat partie

San Cristóbal de la Laguna a une valeur universelleexceptionnelle de par la conception de son plan. Cetensemble historique est l’archétype de la “ville-territoire”. C’est le premier exemple de ville nonfortifiée, conçu et construit selon un plan inspiré de lanavigation, la science de l’époque. Son espace estorganisé selon un nouvel ordre social pacifique inspirépar la doctrine religieuse du millenium que suscita l’an1500.

Ainsi, les dimensions de la ville, les processusconceptuels et les relations formelles entre les espaces etles éléments urbains prennent une signification implicitefondamentale.

Le plan de la ville se lit comme la carte du ciel, dont lespoints correspondent à des points particuliers de la villeet aux relations entre certains de ces points et le tout. Il aune signification symbolique et s’interprète à la manièred’une carte marine ou d’une carte des constellations del’époque.

Remarque de l’ICOMOS Le dossier de propositiond’inscription fait suivre cette “Déclaration designification” de 27 pages de “Justification”. Pour desraisons d’économie, les différents points de lajustification sont résumés en seize titres :

1. Une ville du temps des Rois catholiques (Los ReyesCatólicos), 1500.

2. La ville d’un seul homme, le gouverneur AlfonsoFernandez de Lugo.

3. Une ville coloniale représentative de la mission descolons d’une cité-république en terre nouvelle.

4. Une ville administrative qui illustre une conceptionde la ville, où les décisions des pouvoirs publics etdu conseil municipal (Cabildo) sont prises en

compte dans le processus de la construction de laville.

5. La première ville de “paix” – une ville non fortifiée.

6. Le premier exemple de cité-territoire, prédécesseurdes villes américaines.

7. La ville en tant que projet.

8. Deux villes et deux époques de fondation : la Villehaute et la Ville basse.

9. Forme dérivée de la navigation : une sphère et unedisposition en damier ordonnée selon des axes.

10. Une ville entièrement contrôlée par des mesuresréglementaires.

11. Le tracé des rues est à l’image de la structuresociale : répartition équilibrée des classes socialesdans le tissu urbain.

12. Le millénarisme de l’an 1500 : la réforme du clergése reflète dans le tissu urbain.

13. Dimensions en tant que symboles : la résurrection etla fin des temps.

14. Un axe religieux relie les églises paroissiales.

15. La signification de San Cristóbal et de La Lagune.

16. L’image de la ville : la constellation des pointsd’une carte de navigation et les constellations duciel.

[Remarque L’Etat partie ne fait aucune propositionquant aux critères au titre desquels il envisage deproposer l’inscription de ce bien sur la Liste dupatrimoine mondial.]

Catégorie de bien

En termes de catégories de biens culturels telles qu’ellessont définies à l’article premier de la Convention duPatrimoine mondial de 1972, il s’agit d’un ensemble.

Histoire et description

Histoire

San Cristóbal de la Laguna fut fondée en 1497 parAlonso Fernandez de Lugo. La dernière ville à êtreétablie dans les îles Canaries (qui fut le premierterritoire d’outre-mer d’Espagne) tire son nom d’un lacpeu profond ou d’une zone marécageuse (La Laguna)qui ne fut drainée qu’en 1837.

Les premiers colons, en majorité des soldats, ne reçurentaucune parcelle définie ; la zone urbaine non fortifiéeétait considérée comme un espace public où chacunpouvait construire. Des petites maisons furent doncédifiées tout autour de l’église de la Conception dans leplus grand désordre, sans plan général, dans la Ville

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haute (Villa de Arriba). Cette situation fut régularisée en1502, lorsqu’un plan régulier, basé sur les plans queLéonard de Vinci avait réalisés pour la ville d’Imola, futadopté par le gouverneur (Adelantado) pour la zonecomprise entre sa résidence officielle et l’église. Desrues principales larges (calles reales) reliaient lesespaces publics ouverts et formaient une grille surlaquelle se greffaient de plus petites rues.

La Ville basse ainsi créée (Villa de Abajo) s’étenditrapidement, attirant les classes dirigeantes de l’île et, en1515, comportait plus de mille habitants. Lescommunautés monastiques commencèrent à y construireau XVIe siècle – l’église de Nuestra Señora de losRemedios (1511), l’ermitage de San Miguel (1506), leshospices de San Sebastián (1506) et Los Dolores(1515).

Le conseil municipal (Cabildo) fit arriver l’eau dans laville à ses frais en 1521 et les premiers bâtimentspublics furent construits en 1525. La ville chercha unstatut officiel dès 1514, qui ne lui fut accordé qu’en1531. En 1554, le conseil municipal ordonna que toutbâtiment comportant du chaume soit détruit afin dediminuer les risques d’incendie, précaution importante,car à cette date, la ville comptait déjà six mille habitants,faisant d’elle la plus grande ville des Canaries.

San Cristóbal conserva cette position politique,religieuse et commerciale dominante aux XVIIe etXVIIIe siècles. La prospérité qu’elle connut se voit dansles bâtiments construits à cette période. Le centrepolitique et économique fut cependant transféré à SantaCruz au XVIIIe siècle, provoquant le déclin de SanCristóbal qui ne conserva que les rôles religieux etculturel. Un renouveau politique suivi l’installation àSan Cristóbal du siège de la Cour suprême (JuntaSuprema) des îles Canaries en 1808 mais qui pritbrusquement fin lorsque, cinq ans plus tard, ce corps eudes démêlés avec le Parlement provincial (DiputaciónProvincial), installé à Santa Cruz de Tenerife, et futdissout.

Le XXe siècle a vu San Cristóbal recouvrer un peu deson ancien rôle, notamment grâce au prestige de sonuniversité.

Description

San Cristóbal de la Laguna est composée de deuxparties distinctes – la Ville haute (Villa de Arriba) de1497 et la Ville basse (Villa de Abajo) de 1502. La rueprincipale (Calle de la Carrera) forme l’axe de la villeplanifiée, reliant la première église paroissiale à laPlaza del Adelantado. Parallèlement à celle-ci, la rueSan Agustín, qui forme le centre géométrique de laville, est bordée de grandes maisons construites par lespremiers marchands de la ville. Des places s’ouvrentsur son passage, épousant les formes régulièresinspirées de modèles mudéjars.

La première église, dédiée à l’Immaculée Conception,fut entièrement démolie et reconstruite à partir de1511. Elle fut remaniée et agrandie à plusieursreprises dans les siècles suivants. Le mélange de styleset les structures asymétriques – tour, baptistère, nef et

deux bas-côtés, chapelles, etc. – qui caractérisent saforme actuelle, reflètent sa longue histoire. Non loin,il reste peu de chose du monastère de San Agustín,fondé au début du XVIe siècle. Il possède encore unbeau cloître à deux niveaux.

La construction de la nouvelle église paroissiale de laVille haute fut un long processus, car le gouverneurs’intéressait d’abord au développement de la Villebasse, où les travaux commencèrent en 1515 par laconstruction de l’église paroissiale consacrée à LosRemedios. Edifice à nef unique de style mudéjar, avecune tour ajoutée au XVIIe siècle, elle devint plus tardla cathédrale du nouvel évêché de Tenerife, établi en1813. La façade d’origine s’est effondrée et a étéremplacée par une façade néoclassique ; desmodifications importantes ont été réalisées au débutdu XXe siècle. Actuellement, la nef centrale estbordée de bas-côtés et de plusieurs chapelles latérales.

Le couvent des dominicains de Santa Catalina deSiena a été inauguré en 1611. Il prit tant d’importancequ’il engloba plusieurs bâtiments voisins. Les façadesde l’église et des autres bâtiments sont simples etaustères mais les intérieurs sont somptueusementdécorés.

Le petit ermitage de San Miguel a décliné très viteaprès sa fondation par le premier gouverneur et fututilisé comme entrepôt jusque dans les années 1970,époque à laquelle le conseil de l’île de Tenerife lerestaura et en fit un centre culturel. Les vestiges ducouvent de Santa Clara, très prospère au XVIe siècle,en grande partie détruit par le feu en 1697, serventégalement de centre culturel.

Il existe plusieurs belles demeures anciennes à SanCristóbal de la Laguna. La plus ancienne, la maison delCorregidor, dont seule la façade en pierre de taillerouge est d’origine, date de 1545. Elle estactuellement occupée par des bureaux municipaux.Egalement du XVIe siècle, la maison de Lercaro, avecune façade de style maniériste remarquable, estactuellement le musée d’histoire de Tenerife.

La maison de Alvarado Bracamonte, que l’on appelleaussi la Maison des Gouverneurs, fut construite en1624-1631 et utilisée par les gouverneurs successifscomme résidence et lieu de travail jusqu’au XIXesiècle. Elle a un portail en pierre rouge à pilastres, unbalcon de fer forgé et un fronton brisé. Elle abriteactuellement les services du patrimoine historique etartistique de la ville.

La maison de Salazar du XVIIe siècle est très bienconservée. Edifiée en 1682, elle a un élégant portailde style éclectique, principalement baroque mais avecdes éléments maniéristes et néoclassiques. Elleappartient maintenant à l’évêché de Tenerife. Lamaison de Ossuna est contemporaine de la maison deSalazar ; sa caractéristique la plus frappante est lebalcon du premier étage de la façade principale. Elleabrite l’énorme collection des archives de SanCristóbal.

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Parmi les beaux bâtiments du XVIIIe siècle, il y al’élégante maison de Montañés, d’abord demeureprivée et actuellement le siège du Conseil consultatifdu gouvernement autonome des Canaries, et la maisonen forme de L des Jésuites, occupée par la Société deJésus jusqu’à son expulsion des Canaries en 1767,date à laquelle elle a été reprise par la Société royaledes Amis de Tenerife (Sociedad Real Económica deAmigos del País de Tenerife), qui en occupe encoreles bureaux. La maison de la Alhóndiga fut construiteau début du XVIIIe siècle pour servir de marché aumaïs. Au début du XIXe siècle elle servit debaraquements aux militaires français puis de tribunaldu district ; actuellement elle est occupée par desbureaux municipaux. Son portail monumental estparticulièrement intéressant.

San Cristóbal possède également quelques beauxexemples d’architecture du XXe siècle, comme le Palaisde Rodriguez de Azero (actuellement le casino) et leThéâtre Leal, tous deux de beaux exemplesd’éclectisme.

Gestion et protection

Statut juridique

L’ensemble historique de San Cristóbal de la Laguna aété déclaré Site d’intérêt culturel (Bien de InterésCultural), tel que défini par la loi de 1985 relative auPatrimoine historique d’Espagne, par la Province desCanaries, le 28 décembre 1985.

La ville possède un Plan d’urbanisme (Plan deOrdenación Urbana – POU) depuis 1947, complété parle Plan général de 1965. Un Plan spécial pour larénovation du quartier historique (Plan Especial deReforma Interior del Casco Histórico – PERI) a étéadopté en 1977. Toutefois, ils n’ont été quepartiellement mis en œuvre et ont donc été remplacéspar deux nouveaux plans : le Plan spécial pour laprotection et la rénovation (Plan Especial de Proteccióny Reforma Interior – PEPRI) et le Plan générald’urbanisme (Plan General de Ordenación Urbana –PGOU), tous deux entrés en vigueur en 1996. Lepremier traite spécifiquement le centre historique, objetde la proposition d’inscription, le second couvre le restede la municipalité.

Ces réglementations nationales, régionales et locales ontpour effet d’exercer un contrôle strict sur toutes lesformes de développement dans le centre historique et sazone tampon.

Gestion

La responsabilité de la protection, du contrôle et del’inspection du quartier historique est partagée par laDirection générale du Patrimoine historique duGouvernement des Canaries (Dirección General dePatrimonio Histórico del Gobierno de Canarias) et leConseil de l’Ile de Tenerife (Excmo Cabildo Insular deTenerife), tandis qu’au niveau local, cette fonction estexercée par la mairie de San Cristóbal de la Laguna(Excmo Ayuntamiento de San Cristóbal de la Laguna).

Des plans de gestion sont en vigueur qui portent surtrois aspects des travaux : la conservation, larestauration et la réhabilitation, la promotion. Ils ontabouti à l’établissement de vingt-cinq projets réalisésces dernières années au profit des principaux édificeshistoriques. Un programme pédagogique actif s’attacheà élever le niveau de conscience des habitants, à lesimpliquer dans l’amélioration des structurestouristiques dans le cadre des célébrations du cinqcentième anniversaire de la ville.

Conservation et authenticité

Historique de la conservation

Au début du XXe siècle, de nombreux édifices anciensont subi des transformations importantes, en particulierles toits et les façades. Dans les années 1960, un certainnombre de bâtiments ont été détruits et remplacés pardes bâtiments modernes plus hauts. Néanmoins, ceprocessus a pris fin grâce à l’application stricte desréglementations qui jusqu’alors avaient été largementnégligées. Il a été plus difficile de lutter contre ladégradation des bâtiments due à la négligence despropriétaires, bien que la municipalité fasse de grosefforts pour inverser cette tendance. Une liste desmonuments et bâtiments protégés fait apparaître que71,4% des bâtiments sont classés dans la catégorie “bonétat de restauration et de conservation”.

Les réglementations et les plans actuellement en vigueursont désormais appliqués strictement. Cette politiquelocale est soutenue par deux programmes quiconcernent l’île dans son entier. L’un est une enquête etun inventaire complet sur la propriété foncière deTenerife qui fournit des données sur les besoins derestauration et de réhabilitation. L’autre est un ensemblede recommandations pratiques relatives à lapréservation du mobilier classé. Les deux programmesbénéficient du soutien des organisations nongouvernementales locales.

Authenticité

Une ville vivante possède une dynamique qui entraîneun processus continue de modifications et qui est unepreuve d’authenticité. Ceci est bien illustré à SanCristóbal de la Laguna qui a évolué en continu depuis safondation il y a cinq cents ans. Cela peut se “lire” dansla disposition des rues, des espaces ouverts et desmonuments qui conservent une continuité visible.Paradoxalement, c’est le retard économique enregistrédepuis deux siècles qui a sauvé la ville de la destructionsauvage d’une grande partie du bâti et du tissu urbain.La ville conserve de ce point de vue une authenticitéirréfutable.

Du point de vue du détail, l’authenticité est grande. Lesfaçades d’origine qui ont survécu en grand nombreoffrent un paysage urbain historique authentique quiillustre les diverses origines architecturales de la ville.L’architecture originale et authentique associe deséléments européens et islamiques ; elle a joué un rôleimportant dans le développement de l’architecture dansle Nouveau Monde espagnol.

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Enfin, San Cristóbal de la Laguna a conservé à un degréinhabituel l’authenticité de la fonction de quelques-unsde ses quartiers traditionnels. Ainsi les artisans et corpsde métiers – forgerons, cordonniers, chaudronniers oubarbiers – occupent traditionnellement certains quartiersdepuis la naissance de la ville.

Evaluation

Action de l’ICOMOS

Une mission d’expertise de l’ICOMOS a visité SanCristóbal de la Laguna en mars 1999.

Caractéristiques

Le quartier historique de San Cristóbal de la Laguna estun exemple de planification urbaine innovante. C’est untémoignage universel du concept de la “cité-territoire”et la conception d’une ville en tant que projet, préservédans ses deux composantes, la Ville haute et la Villebasse.

San Cristóbal de la Laguna est aussi directement liée àune tradition culturelle, dont les éléments survivants,tangibles et intangibles sont préservés par l’utilisationd’instruments de gestion et de planification appropriés.

San Cristóbal de la Laguna est d’une grande importancepour le développement ultérieur des villes colonialesespagnoles en Amérique centrale et en Amérique dusud, et son plan est d’une grande portée culturelle.

Analyse comparative

Le concept de “ville idéale” s’est développé en Espagneau Moyen Age. Il prit pour point de départ ladisposition en damier attribuée à Hippodamos de Milet,qui domina la conception urbaine pendant les périodeshellénistique et romaine et fut abondamment décrit parVitruve. Le concept fut affiné et étendu pour prendre encompte la place de l’église dans la structure politique etsociale de la fin de la période médiévale et les structuresde classes qui se sont développées avec le féodalisme etla loi féodale.

Ce concept a été formalisé et codifié à partir du XIVesiècle. La première occasion de l’appliquer à une villeentièrement nouvelle vint avec le début de l’empirecolonial espagnol au XVe siècle. A cause de la situationmilitaire, les premières villes fondées aux Canariesfurent fortifiées et ce n’est qu’avec la pacification desîles qu’il devint possible de construire la ville idéale nonfortifiée.

Etant donné le caractère novateur et la nature unique deSan Cristóbal de la Laguna, il semble inapproprié deconsidérer cette proposition d’inscription dans lecontexte d’une comparaison.

Recommandations de l’ICOMOS pour des actionsfutures

Le rapport de la mission de l’ICOMOS a suggéré delégères modifications des limites du bien proposé pour

inscription qui ont été acceptées par les autoritéscompétentes. D’autres suggestions, qui ont égalementété acceptées, concernent la création d’un systèmeintégré du traitement des services d’infrastructure (parexemple les câbles électriques), la transformation enzones piétonnes de certaines rues principales(accompagnée de création de parcs de stationnement) etla recherche sur les anciens systèmes de pavage,aujourd’hui recouverts, dans le but de les restaurer.

Brève description

San Cristóbal de la Laguna possède deux centres, lepremier, celui de la Ville haute, non planifié, et lesecond, celui de la Ville basse, première “cité-territoire”idéale conçue selon des principes philosophiques. Seslarges rues et ses espaces ouverts sont bordés de belleséglises et de beaux édifices publics et privés des XVIe,XVIIe et XVIIIe siècles.

Recommandation

Que ce bien soit inscrit sur la Liste du Patrimoinemondial sur la base des critères ii et iv :

Critères ii et iv San Cristóbal de la Laguna est lapremière ville coloniale espagnole non fortifiée. Sonplan a fourni un modèle pour les villes colonialesdes Amériques.

ICOMOS, septembre 1999

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Les Orcades néolithiques (Royaume-Uni)

No 514rev

Identification

Bien proposé Le cœur néolithique des Orcades

Lieu Ecosse

Etat Partie Royaume-UniDate 26 juin 1998

Justification émanant de l’Etat Partie

Maes Howe, Stenness, Brogar et Skara Braeproclament le triomphe de l’esprit humain loin despremiers centres traditionnellement reconnus decivilisation, pendant le demi millénaire qui vit lespremiers mastabas de la période archaïque del’Egypte, les temples de briques du Sumer et lespremières cités de la culture Harappa en Inde.

Maes Howe est un chef d’œuvre des peuples dunéolithique, une réalisation architecturaleexceptionnellement précoce, d’une force et d’unesimplicité quasi classiques. C’est un témoignageunique d’il y a 5000 ans, l’expression du génie d’unecommunauté humaine qui, par ailleurs, ensevelissaientses morts dans des sépultures étroites sous des tumulide plus petites dimensions.

Stenness est une des plus anciennes et expressionsuniques des rituels des hommes qui enterraient leursmorts dans des tombes comme celles de Maes Howe etvivaient dans des villages comme celui de Skara Brae.Cet ensemble témoigne, à un degré de richesseextraordinaire, d’une culture disparue qui donnanaissance aux sites inscrits au Patrimoine mondial deAvebury et Stonehenge en Angleterre.

Le cercle de Brogar est le plus bel exemple connu decercle parfait de pierres levées du néolithiquesupérieur ou du début de l’âge du bronze et uneexpression plus tardive de l’esprit qui donna naissanceà Maes Howe, Stenness et Skara Brae.

Skara Brae possède des vestiges particulièrementriches. Ce village néolithique présente une bellecollection d’objets rituels et usuels et unextraordinaire mobilier de pierre. Leur remarquablepréservation permet un degré d’interprétation dont onne retrouve pas l’équivalent sur les autres sites fouillésde cette période en Europe. L’ensemble de SkaraBrae, Stenness et Maes Howe et des monuments quileur sont associés témoignent de manièreexceptionnelle et complète des pratiques funéraires,rituelles et domestiques d’une culture vieille de 5000ans aujourd’hui disparue.

Les monuments représentent des chefs-d’œuvre dugénie créateur humain (critère i) car ils montrent unéchange d’influences considérable de valeurshumaines pendant la période du développementarchitectural des grands complexes cérémoniels enGrande-Bretagne (critère ii), ils apportent untémoignage unique et exceptionnel sur une traditionculturelle indigène majeure qui a fleuri sur unepériode de 500 à 1000 ans et qui s’est éteinte auenvirons de 2000 av. J.-C. (critère iii) et ilsconstituent un exemple éminent d’ensemblearchitectural et de paysage archéologique qui illustrentune phase importante de l’histoire humaine durantlaquelle furent érigés les premiers grands monumentscérémoniels. (critère iv).

Catégorie de bien

En terme de catégorie de biens culturels, telles qu’ellessont définies à l’article premier de la Convention duPatrimoine mondial de 1972, le cœur néolithique desOrcades est un groupe de sites.

Histoire et description

Histoire

La période néolithique dans les îles Britanniques setraduit surtout par une architecture monumentale et ungrand développement des rituels. Les inhumationscollectives et les cercles cérémoniels font leurapparition, révélant une structure sociale pluscomplexe et la mobilisation des efforts d’un grandnombre d’individus en direction d’un objectifcommun.

Les tombes à couloir comme celle de Maes Howe,construites vers 3000 avant J.-C., étaient de grandesstructures faites de pierres formant un couloirconduisant de l’extérieur du tertre jusqu’à la chambremortuaire contenant la dépouille du défunt. Que cestombes aient été réservées à l’élite ou qu’elles aientété destinées à tous les gens de la communauté n’estpas prouvé par les spécialistes, mais la grande quantitéd’ossements humains et animaux, de poteries etd’autres objets découverts dans ces tertres prouve leurimportance d’un point de vue religieux et social.L’orientation générale de ces structures indiqueégalement que leurs constructeurs connaissaient lesmouvement saisonniers des astres. Le couloir de MaesHowe, par exemple, est orienté vers le soleil couchantdu solstice d’hiver qui éclaire la chambre funéraire.

Le cercle de Brogar, véritable cercle formé de soixantegrandes pierres dressées, ceinturé d’un fossécirculaire, semble aussi avoir servi d’observatoire desmouvements solaires et lunaires, bien qu’aucunepreuve formelle n’ait encore été apportée par lesscientifiques.

Dans la même zone, un village néolithique de maisonsconstruites en pierre et reliées entre elles par desgaleries a été découvert et a fait l’objet de fouilles. Leplus ancien établissement remonte aux environs de3100 av.J.-C. Le site fut occupé alors pendant quelque600 ans. Les constructions visibles aujourd’hui sont

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datées entre 2900 et 2600 av.J.-C. Le style desmaisons varie selon les différentes périodesd’occupation, mais les constituants de base desintérieurs restent les mêmes : des lits de chaque côtéconstruits dans les murs, un foyer central et unearmoire de pierre à l’arrière de l’habitation. Le siteatteste la pratique d’activités caractéristiques duNéolithique, à savoir l’élevage ovin et bovin, la pêcheet la culture des céréales. Le site apporte aussi despreuves d’activités rituelles étroitement liées auxactivités domestiques quotidiennes telles que laprésence de formes grattées à proximité des portes,des séparations aménagées dans les galeriesconduisant d’une maison à l’autre, des caches deperles et de pendants et des inhumations individuellesdans certains maisons.

Les structures des Orcades ont été érigées pendant lapériode allant de 3000 à 2000 av. J.-C.. La présencede poteries dans des fosses suggère que les sitesreligieux ont été réutilisés au début de l’âge du ferancien. Ces établissements humains eurent cependantune durée de vie relativement courte d’environ 600ans.

Au milieu du 12e siècle après J.-C., des Scandinaves etdes Vikings ont débarqué dans les îles. Des runesgravées sur les pierres de la chambre funéraireprincipale de Maes Howe attestent leur présence. Lesite, assez isolé, est aujourd’hui situé dans un paysageessentiellement pastoral.

Description

Les îles des Orcades se trouvent à 15km au nord de lacôte écossaise. L’archipel est composé de quelque 40îles et de nombreux îlots, dont 17 seulement sonthabités. Le paysage d’aujourd’hui comporte de hautesfalaises et de vastes herbages.

Les deux zones retenues sont distantes d’environ6.6km sur l’île de Mainland, la plus grande del’archipel. La Zone de conservation rurale de Brogarest disposée autour d’un isthme s’étendant entre leloch de Harray à l’est et le loch de Stenness à l’ouest ; elle comprend le tumulus de Maes Howe, les pierresdressées de Stenness et le cercle de Brogar. Le villagenéolithique de Skara Brae se trouve sur la côte ouestde Mainland à la limite sud de la baie de Skaill, dontla forme et les dimensions ont beaucoup changés aucours des siècles en raison de l’érosion. Elle étaitcouverte d’une immense dune de sable jusqu’en 1850.En tenant compte des zones tampon importantes, lazone proposée pour inscription couvre une superficiede près de 161km2.

Maes Howe est un tertre de 35m de diamètre et de 7mde haut, en partie construit sur une plate-formeartificielle et entouré d’un fossé. A l’intérieur du tertrese trouvent un couloir et des chambres constitués degrandes dalles de pierre ; à l’origine, une dalle obturaitl’entrée. La chambre funéraire principale mesure4.6m2 ; les chambres latérales contenaient les restesdes morts et étaient probablement le lieu decérémonies religieuses. Des fouilles ont été réaliséesvers 1955 puis à nouveau en 1973 et 1974, révélant latotalité de la structure.

Les pierres dressées de Stenness ont été érigées auxalentours de 3000 av. J.-C.. Douze grandes pierreslevées, la plus haute de plus de 5,7m, ont étédisposées en forme d’ellipse pointant au nord nord-ouest et entourées d’un fossé de 6m de large et de2,3m de profondeur et d’un talus extérieur, tous deuxtraversé par une chaussée.

La « Watch Stone » est un monolithe de 5,5m de hautdressé à l’extrémité sud de la chaussée, entre les lochsHarray et Stenness. Il reste des traces d’autresmonolithes dans cette zone.

Le cercle de Brogar, qui est situé à 1,5km des pierresdressées de Stenness, est constitué d’une série de 60mégalithes formant un véritable cercle de 104m dediamètre entouré d’un fossé de 5 à 6m de large et de3m de profondeur. Une aire de quelque 10ha comptant13 tertres funéraires et un complexe de mégalithesentoure le cercle de pierres et fait partie du mêmemonument. Les trois monuments les plus importants,Salt Knowe, Plumcake Mound et South Mound, ontété édifiés et utilisés entre 2500 et 1500 av.J.-C..

La zone tampon comprend aussi un certain nombre desites funéraires, religieux et domestiques,contemporains des sites proposés pour inscription, etpouvant contribuer à expliquer les rites pratiqués surces sites. Le village de Barnhouse, occupé avant 3000av. J.-C., est un élément crucial de comparaison pourla compréhension des monuments proposés pourinscription dans leur contexte. Cet établissementsemble avoir eu une organisation complexe, comme leprouve la disposition des lieux qui a perduré au fil dutemps et l’existence de zones spécialisées pour chaqueactivité. Chaque maison, construite de pierre et detourbe, présente la même disposition intérieure quecelle de Skara Brae : une armoire de pierre à l’arrière,un foyer central et des lits ménagés de chaque côtédans les murs. De plus, un mégalithe gravé, similaire àceux de Skara Brae et de Maes Howe, a été trouvédans ce village.

Au moment de sa construction il y a 5000 ans,l’établissement de Skara Brae était plus proche de lamer qu’il ne l’est aujourd’hui, car le niveau de l’eauétait beaucoup plus élevé à l’époque. Le village estcomposé de maisons de pierre indépendantes les unesdes autres. Elles comportent des lits ménagés dans lesmurs, un foyer central et une armoire de pierre àl’arrière de la pièce principale. Le style des maisons aévolué avec le temps, elles sont devenues plus grandeset les lits ont été placés dans l’espace à vivre. Une desmaisons, construite selon un plan ovale et comportantun porche, isolée à l’extrémité du village et ouvrantsur un espace libre, avait la fonction présuméed’atelier en raison de la quantité d’éclats de silexretrouvés. Le village a été abandonné quelque 600 ansaprès sa construction et la plupart des maisons ont étévidées de leur contenu. Le site a ensuite été recouvertde sable s’accumulant sous l’action du vent.

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Gestion et protection

Statut juridique

Les monuments de la zone proposée pour inscriptionet ceux inclus dans les zones tampon sont tousprotégés par l’article 28 de la loi de 1979 sur lesmonuments antiques et les sites archéologiques duRoyaume-Uni qui stipule que toute destruction oumodification de monuments antiques classés estpunissable par la loi.

Tous les monuments, à l’exception de Skara Brae, setrouvent dans la zone de conservation telle que définiepar la loi écossaise sur la planification de 1997(Edifices classés et zones de conservation). Ladirective nationale de 1994 sur l’archéologie et laplanification (NPPG 5) et la note sur les procéduresde planification et les monuments classés commemonuments historiques (PAN 42) renseignent lesservices administratifs sur la manière de gérer lesmonuments antiques dans le cadre de dispositionsréglementaires strictes.

Le programme structurel préparé par l’Orkney IslandsCouncil (Conseil des îles des Orcades) et approuvé parle Secrétaire d’Etat aux affaires écossaises en 1979 estun document fondamental. Il reconnaît officiellementle caractère unique des monuments archéologiques desOrcades et prévoit un contrôle strict destiné à protégerle patrimoine archéologique de tout développementpréjudiciable.

Plusieurs zones adjacentes et les zones tampon sontprotégées par d’autres instruments juridiques. Leslochs de Stenness et de Harray sont classés commesites d’intérêt scientifique particulier par la Loi de1981 sur la nature, la faune et la flore. Le loch deStenness fait l’objet d’une demande d’inscription surla liste des Zones spéciales de conservation deshabitats naturels, de la faune et la flore dans le cadrede la Directive européenne sur les habitats. La zonetampon comprise dans la zone de conservation ruralede Brogar a été classée en 1980 comme paysaged’intérêt national.

Gestion

Les monuments sont la propriété de l’Etat (cercle deBrogar) et de particuliers (Maes Howe, Stenness etSkara Brae). Cependant, Historic Scotland, organismeémanant du Scottish Office, responsable del’application des lois sur la protection et la gestion desmonuments antiques, est chargé de la gestion desmonuments proposés pour inscription, qui sont classésou en cours de classement au titre de la loi de 1979 surles monuments antiques et les sites archéologiques.

Les inspecteurs des monuments antiques de HistoricScotland sont formés à la gestion des biens culturels archéologiques et historiques. Ils sont basés àEdimbourg. Des architectes, spécialisés dans laconservation des monuments, appartenant à HistoricScotland, travaillent au niveau régional et local. LeCentre de conservation de Stenhouse emploie desconservateurs qualifiés. Le Service recherche,enseignement et conservation dirige la recherche etpublie des rapports techniques sur la conservation. Sesdirecteurs de travaux sont parfaitement qualifiés et le

personnel bénéficie de sessions de formation interne etexterne complémentaires.

Les fonctionnaires de Historic Scotland collaborentétroitement avec les autorités locales, et en particulieravec l’archéologue du Service administratif de laplanification des Orcades. Il existe également une trèsbonne coopération avec des associations localescomme Orkney Heritage Society et OrkneyArchaeological Trust, ainsi qu’avec la population quiest très engagée dans la protection du patrimoinepréhistorique des îles.

Un plan global de gestion du cœur néolithique desOrcades et des plans de gestion spécifiques auxprincipaux monuments de la zone proposée àl’inscription (Skara Brae, Maes Howe et lesmégalithes de Stenness) sont en cours d’achèvement.Ces plans visent à assurer une gestion adéquate dusite, avec le recours aux consultations publiques et lacoopération de tous les partenaires concernés par cesite. Les questions importantes de présentation du site,de diffusion des informations, d’environnement, devie de la communauté et de tourisme sont exposées etdiscutées, et des plans annuels de travaux sontdécidés.

Les biens sont inspectés chaque année par l’architecterégional et l’inspecteur principal. Un responsabletechnique effectue une visite mensuelle de chaque site. Le contrôle quotidien est assuré par les gardiens et unorgane de conservation des monuments.

Le tourisme pose un problème majeur, car environ 91000 personnes visitent Skara Brae et Maes Howechaque année. Les visiteurs arrivent par bateau et parbus. Des visites guidées sont organisées à leurintention. Des centres d’information et unesignalétique est mise en place. Des centres pour lesvisiteurs existent à Maes Howe, lequel est installédans un bâtiment historique bien préservé, et à SkaraBrae.

Les programmes de gestion actuels mettent l’accentsur le développement d’un tourisme culturel de grandequalité, fondé sur la mise à disposition d’informationsqui n’affectent pas les monuments eux-mêmes. Demême, ils sont axés sur la régulation des flux devisiteurs grâce à la répartition de ceux-ci entre lesdifférents sites et l’organisation de diverses activités.

Conservation et authenticité

Historique de la conservation

Les inscriptions runiques scandinaves de Maes Howeont été découvertes fortuitement en 1862, à l’occasionde l’enlèvement des déblais d’un toit effondré l’annéeprécédente. Des fouilles scientifiques suivies detravaux de consolidation furent menées à Maes Hoween 1954-55 et à nouveau en 1973-74.

Il est fait mention des pierres de Stenness pour lapremière fois en 1700. En 1760, quatre des douzepierres d’origine étaient encore debout et une autreétait couchée. En 1851, seules trois pierresdemeuraient, dont une était couchée (elle fut redresséeen 1906). En 1908, plusieurs de ces pierres ont été

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dressées à l’intérieur en “dolmen”. En 1973, le fosséqui entourait les pierres étant entièrement comblé pardes siècles de labourage, des fouilles scientifiques ontpermis de replacer les pierres à leur emplacementd’origine (leur disposition est totalement réversible sides recherches ultérieures prouvent que cetterestauration est erronée) et de dégager le fossé.

La première référence écrite au cercle de Brogarremonte à 1529. En 1792, dix-huit des pierres sontencore dressées et huit sont couchées. En 1815, seulesseize d’entre elles sont encore debout, avec dix-septfragments de moins d’1 mètre de haut. Le premierrelevé exact date de 1854 et indique que sur lessoixante pierres d’origine, treize sont encore debout,dix sont renversées, et treize sont réduites enmorceaux. Lorsque le monument est passé sous lagarde de l’Etat en 1906, la plupart des pierres tombéesont été redressées à leur emplacement d’origine (avecles même garanties qu’à Stenness); actuellement, 36des 60 pierres d’origine sont debout. L’intérieur ducercle n’a jamais été fouillé, mais une tranchéecreusée en 1973 à travers le fossé qui encercle lemonument a montré qu’il devait faire 6m de large et3m de profondeur. Tous les tertres voisins ont subi desfouilles sauvages au XIXe siècle.

Au milieu du XIXe siècle, les vestiges de Skara Braeont été mis au jour lorsque le sable qui les recouvrait aété emporté par une violente tempête, et des travauxde déblayage furent entrepris en 1913. En 1924, le siteest passé sous la garde de l’Etat et, à la suite d’unenouvelle tempête qui se produisit quelques tempsaprès, une digue de protection fut construite àl’occasion d’une fouille partielle entreprise sur le site.D’importantes fouilles scientifiques ont été menées en1972-73. De nouveaux sites ont été révélés par destempêtes plus récentes et d’autres fouillesarchéologiques ont commencé en 1998.

Plusieurs villages préhistoriques ont été découvertsdans la zone tampon autour de Maes Howe, despierres de Stenness et du cercle de Brogar par laBrogar Rural Community Conservation Area.Certains ont été fouillés au XIXe siècle et à la fin duXXe siècle.

L’état de préservation de tous les monuments estglobalement bon. Des problème liés à l’humidité de lachambre funéraire de Maes Howe ont été résolus pardes travaux de stabilisation entrepris vers 1930.

Authenticité

Tous les sites qui composent le bien proposé pourinscription ont un haut degré d’authenticité. Destravaux d’entretien ont commencé sur tous les sites àpartir de la fin du XIXe siècle et se sont poursuivissystématiquement pendant une grande partie du XXesiècle. A la fin du XIXe et au début du XXe siècle,quelques travaux de restauration ont été entrepris,dans le respect des principes de l’anastylose définisplus tard par la Charte de Venise (1964) et appliquésau cercle de Brogar et aux pierres de Stenness. Dansles deux cas, seuls des matériaux d’origine ou, d’unemanière très limitée, des matériaux identiques dansleurs caractéristiques et leur origine, ont été utilisés, et

l’on s’est assuré que les parties restaurées sontclairement discernables des structures d’origine.

Evaluation

Action de l’ICOMOS

Une mission d’expertise de l’ICOMOS a visité lesOrcades en janvier 1999.

Caractéristiques

Les quatre monuments qui constituent le cœurnéolithique des Orcades sont incontestablement parmiles sites néolithiques les plus importants d’Europe del’ouest. Ils apportent un témoignage exceptionnel surle développement spirituel et matériel, les croyances etles structures sociales de cette période dynamique dela préhistoire.

Analyse comparative

Le site est à l’évidence comparable aux deux groupesde monuments néolithiques des îles Britanniques déjàinscrits sur la Liste du Patrimoine mondial, à savoirStonehenge et Avebury (Angleterre) et aux monumentsde Bend of the Boyne (Irlande).

Les deux grands enclos rituels (henge) d’Angleterre,avec leur paysage environnant, sont sans conteste depremière importance. Toutefois, ils représententl’épanouissement de la culture mégalithique dans unenvironnement accueillant où l’établissement humain apersisté sans interruption pendant plusieurs millénaires.

Les chambres funéraires de Bend of the Boyne -Newgrange, Knowth et Dowth - sont des exemplesexceptionnels de ce type de monuments funéraires, à lafois par la taille et par la conception. Par comparaison,Maes Howe est une structure relativement modeste.

Le groupe de sites des Orcades possède descaractéristiques de lieu et de nature qui le rendentsusceptible d’être inscrit sur la Liste du Patrimoinemondial au même titre que les sites déjà mentionnés.L’environnement physique de l’archipel des Orcadesétait rude par rapport aux terres calcaires du sud del’Angleterre ou de la vallée fertile de Boyne, etcependant une société culturellement riche s’y estinstallée et s’y est épanouie pendant plus de mille ans.

La diversité culturelle des Orcades néolithiques estadmirablement représentée par les quatre monumentsproposés pour inscription – deux sites cérémoniels, unegrande tombe à chambres funéraires et un villageévolué. La zone tampon, qui recèle un grand nombre desépultures et de villages contemporains non fouillés,constitue un exceptionnel paysage culturel relique. Entant que groupe, les sites constituent un modèle sanséquivalent de la culture mégalithique en Europe del’ouest.

Observations de l’ICOMOS

En 1988, l’Etat partie proposait Maes Howe, Stenness etBrogar pour inscription sur la Liste du patrimoinemondial. Dans son évaluation, l’ICOMOS exprima sonsoutien de principe à cette inscription. Il regrettaitcependant que d’autres monuments néolithiques desOrcades, en particulier Skara Brae, n’aient pas été inclus

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dans la proposition d’inscription. Il suggérait égalementque soit envisagée “une proposition qui tienne comptedes caractéristiques naturelles de l’archipel desOrcades.” La recommandation formulée par l’ICOMOSdemandant que l’inscription soit différée afin depermettre à l’Etat partie de “rédiger une propositionmoins restrictive” fut adoptée par le Bureau lors de saréunion de 1988.

Pendant la préparation de la proposition révisée qui estl’objet de la présente évaluation, l’Etat partie a envisagéla possibilité de proposer pour inscription une vastezone de l’île de Mainland comme paysage culturel. Il atoutefois été décidé que le paysage néolithique avait étéeffacé à tel point par la distribution et l’usage post-médiéval des terres que Mainland ne pouvait plus êtreconsidéré comme un paysage relique de la qualitérequise par le Patrimoine mondial. De même, l’Etatpartie a décidé d’inclure Skara Brae dans le bienproposé pour inscription. L’ICOMOS approuveentièrement ces deux décisions.

Brève description

Le groupe de monuments néolithiques des Orcadesconsiste en une grande tombe à chambres funéraires(Maes Howe), deux cercles de pierres cérémoniels (lespierres dressées de Stenness et le cercle de Brogar) et unétablissement humain (Skara Brae) ainsi qu’un certainnombre de sites non fouillés comportant des lieuxd’habitation, des sites cérémoniels et des sépultures. Legroupe constitue un paysage culturel reliquereprésentant la vie dans cet archipel lointain il y a 5000ans.

Recommandation

Que ce bien soit inscrit sur la Liste du Patrimoinemondial sur la base des critères i, ii, iii et iv :

Les monuments des Orcades, datés de 3000 à 2000av. J.-C., sont un témoignage exceptionnel desréalisations culturelles des hommes du Néolitiqueen Europe du Nord.

ICOMOS, septembre 1999

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Hoi An (Viêt-nam)

No 948

Identification

Bien proposé Vieille ville de Hoi An

Lieu Hoi An, province de Quang Nam

État partie République socialiste du Viêt-nam

Date 28 juillet 1998

Justification émanant de l’État partie

La vieille ville de Hoi An est un exemple particulier deport marchand traditionnel d’Asie du Sud-Est qui a étéparfaitement et assidûment préservé. C’est la seule villedu Viêt-nam qui soit demeurée intacte à un tel degré. Lamajorité des édifices de Hoi An sont bâtis dans le stylearchitectural traditionnel des XVIIIe, XIXe et XXe siècles.Ils se dressent le long d’allées étroites, de typetraditionnel, et comptent parmi eux de nombreuxédifices religieux : pagodes, temples, salles de réunion,etc., liés au développement d’une communautéportuaire. Le style de vie traditionnel, la religion, les uset coutumes et la cuisine ont été préservés, et denombreux festivals continuent d’avoir lieu chaqueannée. Critères ii, iii, v et vi

Catégorie de bien

En termes de catégories de biens culturels, tellesqu’elles sont définies à l’article premier de laConvention du Patrimoine mondial de 1972, il s’agitd’un ensemble.

Histoire et description

Histoire

Les découvertes et les fouilles archéologiques ontmontré qu’il existait un port et centre marchand dupeuple local Sa Huynh le long du fleuve Thu Bon dès leIIe siècle avant J.-C. Ils continuèrent à se développer etau XVe siècle, Hoi An (connue au Viêt-nam et ailleurssous divers noms : Fayfo, Haifo, Kaifo, Faifoo, Faicfo,Hoai Pho) était déjà le plus grand port du puissantroyaume de Champâ. Il le resta après l’intégration deChampâ au Viêt-nam, devenant l’un des plus importantscentres d’échanges marchands, et donc culturels, enAsie du Sud-Est, attirant des navires et des négociantsd’autres pays d’Asie et d’Europe, particulièrementpendant sa période la plus florissante, de la fin du XVIe

siècle au début du XVIIIe siècle. C’est d’ailleurs par Hoi

An que le christianisme s’introduit au Viêt-nam au XVIIe

siècle.

Elle conserva le statut de port principal du centre dupays pendant tout le XIXe siècle, alors que les monarquesde la dynastie des Nguyên avaient adopté une politiquede « fermeture commerciale ». Cependant, à la fin dusiècle, l’essor des autres ports de la côte du Viêt-nam,en particulier de Da Nang, éclipsa définitivement HoiAn. En conséquence de cette stagnation économique, laville a remarquablement bien préservé son ancienneapparence.

Description

La vieille ville, proposée pour inscription sur la Liste dupatrimoine mondial, est située sur la rive nord du fleuveThu Bon et couvre une zone de 0,3 km² (300 m sur1000 m). Une rue court d’est en ouest sur la rive dufleuve, et trois autres sont parallèles à ce dernier.D’autres rues et allées les croisent à angles droits. Cettezone abrite des maisons (souvent associées à deséchoppes), des monuments religieux comme despagodes, des temples, des maisons communales, deslieux de culte des ancêtres, un quai et un marché à cielouvert.

L’architecture de Hoi An, entièrement de bois, est d’unintérêt considérable. Elle combine des modèles et destechniques traditionnels du Viêt-nam à ceux d’autrespays, dont les citoyens s’y étaient installés pour faire ducommerce et avaient construit des maisons et descentres communautaires conformes à leur propreculture. Ces influences sont principalement originairesde Chine, mais les styles japonais se discernentégalement dans certains détails.

La maison typique s’organise autour d’un axelongitudinal, avec les éléments suivants, dans l’ordre :maison, cour, maison. Il s’agit de construction dont lacharpente est en bois et les murs en briques ou en boiseux aussi. Il y a plusieurs formes de toits de bois,dénotant des influences de diverses régions. Lesmaisons ont des toits de tuiles et les composants de boissont gravés de motifs traditionnels.

Les lieux de culte familiaux, dédiés au culte desancêtres, se divisent en deux parties, qui sont l’unederrière l’autre quand on vient de la rue. Elles sedistinguent par le système de support du toit. Entreelles, deux petits édifices latéraux forment une petitecour.

Les maisons communautaires, où sont révérés lesanciens sages, les fondateurs des communautés ou leslégendaires fondateurs des corps de métier, sont desstructures rectangulaires simples à charpente de bois.Celles qui sont encore debout datent principalement duXIXe siècle.

Comme les maisons communautaires, les pagodesdatent quasiment toutes du XIXe siècle, bien que desinscriptions fassent remonter leur fondation aux XVIIe etXVIIIe siècles. Elles suivent un plan carré, et leurdécoration se limite essentiellement aux ornementsélaborés des toits. Les plus grandes constituaient le

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noyau d’édifices regroupés, aux fonctions religieuses etséculières. Par exemple, certaines des plus grandespagodes servaient également de salles de réunion.Celles-ci s’élèvent le long de la rue principale (TranPhu). De petits édifices de bois aux structures similairesà celles des lieux de culte faisaient office de sanctuairesconsacrés aux ancêtres et à la communauté. Deuxd’entre eux sont associés à des pagodes.

On remarque aussi un splendide pont de bois, évoquantles constructions japonaises équivalentes, sur lequel sedresse une pagode. Il existe au moins depuis le début duXVIIIe siècle, comme l’indique une inscription, mais aété reconstruit plusieurs fois.

La zone tampon compte un certain nombre d’anciennestombes. Celles-ci, de style vietnamien, japonais etchinois, reflètent la variété des liens commerciaux et desorigines ethniques des habitants de Hoi An.

L’étude des édifices historiques importants, réaliséeentre 1993 et 1995, montre qu’il y a dix-huit maisonscommunautaires, quatorze pagodes et sanctuaires, cinqsalles de réunion, dix-neuf maisons de culte et quinzegrandes sépultures. Dans leur forme actuelle, la plupartd’entre eux datent du XIXe siècle, mais une forteproportion présente des caractéristiques remontant auxXVIIe et XVIIIe siècles. En sus de ces bâtimentsexceptionnels, la majorité de l’architecture domestiqueest de forme traditionnelle : structures en bois et toits detuiles.

Gestion et protection

Statut juridique

Le décret n° 14 du Conseil d’État pour « la protection etl’utilisation des reliques et paysages culturels ethistoriques » a été promulgué en 1984. L’annéesuivante, la vieille ville de Hoi An a été désignée Siteculturel et historique national par la Résolution506/VH-QD du ministère de la Culture et del’Information. Celle-ci a ensuite été suivie,successivement, par la loi 1796/QD-UB du Comitépopulaire de la province de Quang Nam-Da Nang(1987) et par la loi 161/QD-UB du Comité populaire dela ville de Hoi An (1997).

Ces instruments législatifs ont imposé de strictscontrôles sur toutes les actions susceptibles d’avoir unimpact négatif sur les qualités culturelles et historiquesde Hoi An.

Gestion

Toute la ville est la propriété de l’État. Il existe touteune série d’instances aux responsabilités toutes plusprécises les unes que les autres pour la protection et lapréservation du Site culturel et historique national deHoi An : le ministère de la Culture et de l’Information(bureau de la Conservation et de la Muséologie), leComité populaire de la province de Quang Nam(direction de la Culture, de l’Information et des Sports),et le Comité populaire de la ville de Hoi An.

La loi de 1997 sur la ville de Hoi An définit desréglementations mises en œuvre par le Centre deconservation et de gestion des monuments de Hoi An,qui a été créé pour être le bras exécutif du Comitépopulaire de la ville. Ces réglementations sont trèsdétaillées, et portent par exemple, sur les matériauxagréés dans le cadre des projets de réhabilitation et derestauration, les couleurs autorisées pour les façades etles arbres plantés. Il existe des dispositions différenciéespour la vieille ville proprement dite, objet de laproposition d’inscription, la zone tampon, et la zone dedéveloppement ultérieur au-delà de la zone tampon (oùla hauteur des nouvelles constructions est limitée).

Il existe également un plan cadre pour le centre de HoiAn prévu jusqu’en 2010 et qui a été approuvé en 1994,ainsi que des plans distincts pour le transport, letourisme, l’éclairage public, l’approvisionnement eneau, les nouveaux quartiers résidentiels et l’améliorationde l’environnement. La promulgation du décretmunicipal de 1997 a été associée à l’approbation duplan de gestion pour « l’investigation, la conservation,la restauration et l’exploitation de la vieille ville entre1997 et 2005 », qui est mis en œuvre par le Centre deconservation et de gestion des monuments.

Ce centre dispose d’un personnel permanent de 25professionnels et techniciens. Ces effectifs devraientprogressivement augmenter dans les années à venir. LeCentre travaille en collaboration avec des instancestechniques spécialisées au niveau de l’État et duGouvernement central.

Conservation et authenticité

Historique de la conservation

L’étude, l’inscription, la conservation et la restaurationde Hoi An ont commencé en 1982, avec une premièreétude réalisée par un architecte polonais du PKZ.L’année suivante, le conseil municipal a mis sur pied ungroupe de conservation et de recherche pour continuerce travail, qui s’est poursuivi pendant plusieurs années.En 1985 et 1990 ont eu lieu des séminaires scientifiquesafin d’étudier les problèmes de Hoi An et les solutions ày apporter.

Une série de projets de recherche a été mise en œuvre,traitant de différentes périodes de l’archéologie et del’histoire de la ville et aboutissant à la création de troismusées portant sur les divers aspects de son histoire.

Actuellement, le plan de gestion est mis en œuvre, avecdes projets de conservation et de restaurationéchelonnés et classés par priorité, sur les édifices lesplus significatifs et ceux qui nécessitent une attentionurgente.

Authenticité

L’aspect de l’authenticité le plus significatif, dans le casd’une ville historique, est celui du paysage urbain globalplutôt que des édifices individuels. Le tracé historiquedes rues qui s’est développé parallèlement à l’expansiondu port commercial est resté intact.

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Les parcelles bâties donnant sur les rues sont pour laplus grande part préservées, et les édifices construits surcelles-ci conservent les types traditionnels de façades etde toits. La plupart des édifices ayant été construits enbois, il s’est avéré nécessaire de les rénover à certainesépoques ; C’est pourquoi nombre de bâtiments dont lastructure date du XVIIe et du XVIIIe siècle ont étéreconstruits au XIXe siècle. Du fait du déclinéconomique de la ville à la fin du XIXe siècle, cependant,aucune pression ultérieure n’est venue imposer leremplacement des édifices anciens par des nouveauxdans des matériaux modernes tels que béton ou tôleondulée.

En conséquence, le tracé traditionnel des rues a étépréservé de façon remarquable, ce qui renforce encorel’authenticité globale de cette ville historique.

Évaluation

Action de l’ICOMOS

Une mission d’expertise de l’ICOMOS s’est rendue àHoi An en janvier 1999. L’ICOMOS a égalementconsulté son Comité scientifique international sur lesvilles et villages historiques.

Caractéristiques

Hoi An est un exemple exceptionnellement bienpréservé d’un port d’Extrême-Orient jadis très actif,commerçant tant avec les pays d’Asie du Sud-Est etd’Extrême-Orient qu’avec le reste du monde. Sondéclin, à la fin du XIXe siècle, lui a permis de conserverdans une remarquable proportion son tissu urbaintraditionnel qui est très inhabituel pour cette région carconstruit presque entièrement en bois.

Analyse comparative

Des activités marchandes intenses entre l’Asie du Sud-Est et d’autres pays, d’abord avec l’Asie de l’Est et duSud, puis avec l’Europe, dès le XVIe siècle, ont entraînéla création de pléthore de ports marchands florissants,tels Malacca et Penang. Toutefois, la quasi-totalitéd’entre eux sont tombés en totale décrépitude ou sontdevenus de grands ports internationaux et modernes.Dans les deux cas, le paysage urbain original a disparu,par négligence ou en raison de démolitions.

Le seul port marchand d’Asie du Sud-Est avec lequel ilest possible de comparer Hoi An est Vigan auxPhilippines (qui, coïncidence, est également proposépour inscription sur la Liste du patrimoine mondial en1999). Il est difficile de distinguer les deux en termesd’architecture, qui représente un mélange de stylesindigènes et importés, et d’état de conservation. Il existetoutefois une différence importante entre ces deux sites.En effet, le tracé des rues de Vigan, dessiné par lesconquérants espagnols des Philippines, est absolumentidentique à celui des nombreuses villes colonialesespagnoles que comptent les Amériques. À l’inverse, letracé des rues de Hoi An a évolué de manière organique,au fur et à mesure que la ville elle-même se développaitéconomiquement et socialement. Hoi An est également

exceptionnelle en raison de la prédominance du boiscomme matériel de construction.

Brève description

Hoi An est un exemple exceptionnellement bienpréservé d’un port marchand d’Asie du Sud-Est du XVe

au XIXe siècle. Ses bâtiments et la disposition de ses ruesreflètent les influences, tant autochtones qu’étrangères,qui se sont liées pour donner naissance à ce vestigeunique.

Recommandation

Que ce bien soit inscrit sur la Liste du patrimoinemondial sur la base des critères ii et v :

Critère ii Hoi An est une importante etremarquable manifestation de la fusion des cultures,au fil du temps, dans un port commercialinternational.

Critère v Hoi An est un exempleexceptionnellement bien préservé de port marchandtraditionnel d’Asie.

ICOMOS, septembre 1999

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Butrinti (Albanie)

No 570bis

Identification

Bien proposé Butrinti (extension)

Lieu Région de Saranda

Etat partie Albanie

Date 2 juillet 1999

Justification émanant de l’Etat partie

Butrinti présente un microcosme de l’histoireméditerranéenne, les premières preuves d’occupationremontant au Paléolithique moyen (50 000 BP), lesplus récentes datant de la dernière période de laRépublique de Venise (18e siècle). Le site proposé de200ha comporte des monuments et un gisementarchéologique d’une rare importance des points devue suivants :

• Portée archéologique et historique – le bon étatde conservation d’un passé archéologique riche etvarié qui s’étend sur plus de 3000 ans, à la foispour Butrinti et les différents établissements desa zone d’influence.

• Portée de l’évolution géologique – la symbioseentre l’évolution du paysage – l’érosion etl’ensablement ont modifié le littoral - et leschangements des établissements humains qui enrésultent - inscrits dans les vestigesarchéologiques - offre une vision exceptionnelledes effets de la nature sur l’homme etréciproquement.

• Valeur de groupe – l’état de conservationremarquable de l’établissement principal et de sessites satellites offre un témoignage fort del’interaction entre urbanisme et nature.

• Intégrité du paysage culturel – l’intégrité du siteprincipal, des sites satellites et du paysage estbien préservée grâce à l’absence de tout

développement au 20e siècle. Les seuls travauxentrepris à cette époque sont ceux du programmede reconquête des terres qui a consisté à draierles marais autour de Butrinti.

• Attrait esthétique – un lieu plein d’une présencespirituelle, un paysage d’une remarquable beauténaturelle, né de l’union des vestigesarchéologiques et de la nature, que l’on neretrouve dans aucun autre site de la Méditerranée

• Potentiel de ressources culturelles – la nature etle paysage inviolés de Butrinti ainsi que le bonétat de conservation des vestiges archéologiqueset l’existence d’archives archéologiquescomplètes offrent une excellente occasion detransformer Butrinti en une source culturellerécréative, éducative et scientifique.

Catégorie de bien

En termes de catégories de biens, telles qu’elles sontdéfinies à l’article premier de la Convention duPatrmoine mondial de 1972, Butrinti est un site. C’estaussi un paysage culturel, tel que défini au paragraphe39 des Orientations devant guider la mise en œuvrede la convention du patrimoine mondial (1999).

Histoire et description

Histoire

Le site de Shën Dimitri/Xarra fut occupé dès lePaléolithique moyen et le Paléolithique supérieur(50 000 - 10 000 BP). A l’origine il se trouvait sur lacôte, mais un recul du littoral le place maintenant à2km à l’intérieur des terres.

Le bien proposé comporte plusieurs sites de l’âge duBronze (2000-500 av. J.-C.), dont ceux de Kalivo,l’acropole de Butrinti et Shën Dimitri. De 800 av. J.-C. jusqu’à l’arrivée des Romains en 44 av. J.-C., dutemps de la domination grecque, la région étaitpeuplée par la tribu Chaonienne qui occupait les sitesde Butrinti et de Kalivo. Butrinti possédait lesattributs d’une cité grecque, avec ses édifices publics,son théâtre et ses temples. Puis elle devint colonieromaine de la province d’Illyrie, s’étendant beaucoupet gagnant des terres sur les marais. Elle possédaittous les aménagements habituels de la ville romaine,parmi lesquels l’aqueduc, les routes et de plus petitsétablissements aux alentours.

A la fin de la période romaine, Butrinti fut fortifiée

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(de même que plusieurs établissements dansl’intérieur des terres) et plusieurs structurespaléochrétiennes furent construites, telles que desbasiliques et un baptistère. Il y eut une courte périoded’abandon au moment de l’invasion slave au 7esiècle. Butrinti fut largement reconstruite avec lerétablissement du contrôle de Byzance.

La région passa sous domination angevine puisvénitienne au 14e siècle, et elle fut gouvernée par uncastellan basé sur l’île de Corfou toute proche. Desattaques répétées du despotat d’Epire et des Ottomansconduisirent au renforcement et à l’extension desouvrages de défense, parmi lesquels le château, laforteresse triangulaire et les nouveaux murs de laville.

L’administration turque fut établie à la fin du 15esiècle, après la reddition du héros national,Skanderbeg. L’Albanie gagna son indépendance en1912 après la seconde guerre des Balkans.

Description

La zone proposée comme extension au site inscrit,actuellement limité aux principaux monumentsarchéologiques, s’adosse à la chaîne côtière au nord etenglobe la plaine de Butrinti, le lac Bufit, et unepartie du lac Butrinti.

Les principaux monuments inclus dans la zone de200ha sont les suivants :

• Kalivo: occupé dès l’âge du Bronze, le sitecomporte de grandes tours polygonalesdéfensives ;

• Diaporit: vestiges d’une villa romaine, de termeset d’une basilique Byzantine ;

• un tronçon de la voie romaine entre Valona etNikopolis ainsi que la route ralliant Butrinti ;

• la principale zone fortifiée de Butrinticomprenant des monuments s’échelonnant du 4eau 16e siècle (partie déjà inscrite sur la Liste dupatrimoine mondial) ;

• les environs de la ville romaine, de la périoderépublicaine à la fin de l’Empire ;

• les ruines de l’aqueduc romain ;

• l’édifice romain qui devint par la suite l’église deShën Deli ;

• le site des découvertes paléolithiques à ShënDimitri/Xarra ;

• le forteresse triangulaire (périodes angevine etvénitienne) et une tour défensive vénitienne ;

• Le château du 18e d’Ali Pasha.

Gestion et protection

Statut juridique

La totalité de la zone proposée est statutairementprotégée. Depuis 1948, quatre-vingt-treizemonuments sont protégés par les dispositions de laLoi N°586/1948 relative à la protection desmonuments culturels et des sites naturels rares. Cetteloi couvre chaque monument de la zone. En 1981, undécret du gouvernement a déclaré les 25ha de forêt deButrinti comme site naturel d’intérêt particulier et, àce titre, couvert par la même législation. Toute actionayant un effet défavorable sur les biens culturels etnaturels protégés est sévèrement punie.

Gestion

La totalité de la zone est la propriété de l’Etatalbanais. Ses limites touchent Ksamli au nord etVrina au sud, villages où se trouveront les services etles points d’accès au site.

Le site est géré par un directeur de site, nommé par leministère de la Culture et relevant directement de lui.Un comité de gestion du site (le Bureau de Saranda)est composé de représentants du conseil municipal deSaranda, de l’Institut des monuments, de l’Institutd’archéologie, du Muséum d’histoire naturelle et duministère du Tourisme.

Le site du Patrimoine mondial existant est entouréd’une clôture et gardé par une force de policecomposée de douze gardiens. Une police montée luisera adjointe si l’extension proposée est acceptée.

Actuellement, aucun plan de gestion n’est approuvé.Toutefois, un groupe composé de représentants duministère de la Culture, de l’Institut des monuments,de l’Institut d’archéologie, du Muséum d’histoirenaturelle et de la fondation Butrinti basée auRoyaume-Uni s’est attelé à la préparation d’un plande gestion qui sera terminé au début de l’an 2000. Leplan est organisé selon les axes suivants :

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Phase 1 Rapports de fond

- Rapports de gestion ;

- Rapports environnementaux ;

- Rapports sur le développement du parc.

Phase 2 Définition de la politique

- Rôle de Butrinti dans le développemnt du tourisme ;

- Gestion des ressources archéologiques et futurprogramme de recherches ;

- Gestion des ressources naturelles et futurprogramme de valorisation ;

- Gestion courante (personnel, financement,formation).

Phase 3 Présentation et publication

Présentation du plan aux associations et aux acteursrégionaux, nationaux et internationaux.

Conservation et authenticité

Historique de la conservation

La restauration de quelques-uns des sites a étéeffectuée entre 1926 et 1944 par la Missionarchéologique italienne. Ces travaux ont étépoursuivis par l’Institut albanais des monuments. Ledétail des interventions a été consigné dans desregistres et plusieurs rapports scientifiques ont étépubliés. Le Parc archéologique de Butrinti a étéouvert aux visiteurs dans les années 1960.

Actuellement, le tout nouvel Institut d’archéologietravaille avec des équipes étrangères. Entre 1994 et1998 les recherches ont été étendues aux monumentsde l’arrière-pays de Butrinti et ont aboutit à uneréévaluation de l’importance archéologique du site.

Après les troubles de 1997, une mission conjointeUNESCO-ICOMOS a visité le site et présenté unrapport à la suite duquel le site a été inscrit sur laListe du patrimoine mondial en péril lors de la 21esession du Comité.

Authenticité

L’authenticité des sites archéologiques inclus dans laprésente proposition d’extension est grande,

essentiellement en raison de l’absence de toutdéveloppement de la zone au 20e siècle. Les travauxde restauration et de conservation effectués depuis1924 sont de grande qualité et conformes aux normescontemporaines définies par la Charte de Venise de1964.

Evaluation

Action de l’ICOMOS

Etant donné le peu de temps qui sépare cetteproposition de la date de la réunion de 1999 duComité du patrimoine mondial, l’ICOMOS n’a pas puorganiser la visite du site. Toutefois, la propositiond’extension a été suscitée par le rapport de la missionUNESCO-ICOMOS de 1997 et l’avis de l’expert aété sollicité, ce dernier ayant participé à l’atelier quis’est tenu à Saranda du 15 au 17 Avril 1998 pourconcevoir le plan de gestion de Butrinti.

Qualités

Butrinti et son arrière-pays constituent un paysageculturel exceptionnel qui a évolué naturellement surplusieurs siècles, échappant à tous développementsexcessifs du type de ceux qui ont amoindri la valeurdu patrimoine de la plupart des paysages historiquesde la Méditerranée. Butrinti est un exemple très rared’association de la nature et de l’archéologie.

Analyse comparative

Son caractère historique n’ayant pas été compromisdans la période d’après-guerre, le site de Butrinti -témoin de plusieurs époques et qui conserve sondécor naturel quasiment intact -, est inégalé enMéditerranée. Il existe d’autres sites à Chypre, enGrèce, en Turquie et ailleurs, qui sont marqués parune histoire aussi longue, mais aucun n’offre la mêmeauthenticité et le même état complet.

Recommandations de l’ICOMOS pour des actionsfutures

La principale inquiétude de l’ICOMOS concerne ledéveloppement général de la zone extérieure au siteproposé. Plusieurs opérations de développement àgrande échelle sont envisagées non loin de laprincipale réserve de monuments archéologiques.L’une d’elles, à l’extrémité du promontoire, à l’ouestdu site, est particulièrement indésirable et ne devraitpas recevoir d’autorisation.

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Brève description

Butrinti est un conservatoire exceptionnel deplusieurs périodes de l’histoire méditerranéenne quirassemble des vestiges biens conservésd’établissements humains allant du Paléolithique au18e siècle, dans un décor naturel d’une grande beauté.

Recommandation

Que l’extension soit approuvée, à condition quel’Etat partie supprime les autorisations dedéveloppement pour la zone à l’ouest des principauxvestiges archéologiques et qu’il incorpore cette zoneau site inscrit.

ICOMOS, novembre 1999

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Potsdam (Allemagne)

No 532ter

Identification

Bien proposé Châteaux et parcs de Potsdam etBerlin (extension)

Lieu Land de Brandebourg

Etat partie Allemagne

Date 3 juin 1998

Justification émanant de l’Etat partie

La ville résidentielle baroque de Potsdam, avec sespalais royaux et ses jardins, est un paysageextraordinaire qui a été systématiquement façonné etagrandi par la volonté des rois de Prusse. Le plangénéral pour l’embellissement de “l’île de Potsdam” surla Havel, qui est à l’origine de ce développement, est dûà Peter Joseph Lenné. La ville et l’ensemblearchitectural et paysager qui constitue le parc royal ontété conçus comme une composition unique et globaleadaptée à la topographie. Les extensions proposées ausite du Patrimoine mondial sont des éléments essentielsde cette remarquable et unique création architecturale etpaysagère. Ce paysage, façonné par l’homme, a étépréservé et peut être apprécié encore à sa juste valeurmalgré le développement de la ville au XXe siècle. Dupoint de vue européen, ce paysage façonné par la mainde l’homme est un exemple unique qui s’inscrit dans ledouble contexte de la conception monarchique del’Etat et des efforts d’émancipation.

[Le site existant du Patrimoine mondial est inscrit autitre des critères i, ii et iv.]

Catégorie de bien

En terme de catégories de biens culturels, telles qu’ellessont définies à l’article premier de la Convention duPatrimoine mondial de 1972, le bien proposé est un site.

Histoire et description

- La Lindenallee

La première allée bordée de tilleuls, d’environ 700m delong, dans le prolongement de l’axe principal menant duchâteau de Sans-Souci à Golmer Luch, hors des limitesdu parc, fut ouverte en 1769, après l’achèvement de laconstruction du Nouveau Palais. Un siècle plus tard,

Frédéric III commanda à Emil Sello, jardinier du roi,qu’il la prolonge encore de 2km. - L’ancienne école d’horticulture

En 1823, Lenné créa une pépinière et une écoled’horticulture, destinées à la fois à cultiver les végétaux,former de jeunes jardiniers et enseigner l’art dujardinage. Lorsque la pépinière fut transférée à AltGeltow, l’école d’horticulture emménagea dans lebâtiment principal - dans la rue bordant le NouveauPalais - qui prit en 1854 le nom de l’école d’horticultureroyale de Potsdam, Wildpark. Elle fut agrandie dans unstyle classique en 1869, et on lui ajouta des corps deferme et une serre en 1880-1882, sur une superficie deplus de 4ha. L’école fut transférée à Dahlem en 1902 etles bâtiments transformés en lieu de résidence. Lorsque la ligne de chemin de fer Berlin-Potsdam a étéprolongée jusqu’à Magdebourg en 1846, une nouvellegare a été construite sur la route allant de Wildpark auNouveau Palais, principalement pour l’usage de lafamille royale et ses invités, mais aussi pour le public.Une autre gare impériale fut construite à la demande deGuillaume II et fut inaugurée en 1909. - Le palais et le parc de Linstedt

En 1828, le prince héritier fit l’acquisition d’un palaisqu’il fit transformer selon ses propres plans dans le styled’une villa de campagne. Les travaux furent réalisés aumilieu du XXe siècle. Les jardins, dessinés par Lenné,ne furent pas terminés avant 1860. - Bornstedt

Le village de Bornstedt, fondé à la fin du XIIe siècle,passa aux mains du Grand Electeur en 1664 puis futdonné à l’orphelinat militaire de Potsdam par Frédéric-Guillaume Ier en 1722. Il fut racheté en 1841 parFrédéric-Guillaume IV qui l’attribua aux manoirs del’armée Kronfidei. Lenné fut chargé de redessiner le village, ce qu’il fit enchangeant l’orientation des rues et des allées et enentreprenant de larges aménagements paysagers dans lestyle italien. Le manoir de style baroque brûla en 1846et fut remplacé par un nouvel édifice conçu par JohannHeinrich Häberlin qui construisit l’église et soncampanile, également d’inspiration italienne. - Le Seekoppel

Le Seekoppel, zone paysagère aménagée entre le lac deBornstedt et le Ruinenberg, fut dessiné par Lenné en1842. - Voltaireweg

La « ceinture de verdure » du Voltaireweg fut d’abordconçue à la fin du XVIIIe siècle comme une alléecavalière royale, puis elle fut agrémentée par Lenné,avec des bosquets d’arbres, des prairies et des jardins.Par la suite, des constructions sont venues diminuerl’impact du paysage d’origine, mais ce lieu conserve soncaractère de ceinture de verdure étroite.

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- L’Allee nach Sans-Souci

Avant l’aménagement du parc de Sans-Souci, cette alléemenait au jardin potager de Frédéric-Guillaume Ier.Cette partie fut complétée par une serre chaude et desbâtiments pour les jardiniers. Après la transformation deSans-Souci en résidence d’été des rois de Prusse, la rueattira les gens de la cour qui y construisirent leurs villas.A la demande de Frédéric-Guillaume IV, LudwigPersius transforma en 1842-43 deux résidencesexistantes en un bâtiment administratif dont le styleitalien fut imité par les constructions suivantes. - Alexandrovka

A la mort du tsar Alexandre Ier de Russie en 1825,Frédéric-Guillaume III qui, en plus de ses liensdynastiques avec la famille royale russe, était amateur deculture russe, ordonna la création d’une « colonierusse » à la mémoire du tsar. La conception de lacolonie fut confiée à Lenné, et les constructions furentplacées sous l’autorité du Capitaine Snethlage,commandeur de l’unité du Génie des Gardes. Le plancomportait un hippodrome qui symbolisait la liberté.Frédéric-Guillaume lui-même ajouta la Croix de SaintAndré, saint patron de la Russie. La colonie elle-même était composée de douze petitesmaisons en rondins de bois et d’une plus grande pour lecommandeur, d’une église et d’un presbytère. - Le Pfingstberg

L’allée de la Faisanderie dessinée par le Grand Electeurau XVIIe siècle conduisait directement au Pfingstberg.Frédéric-Guillaume II voulait y construire un palaisbelvédère néogothique au sommet de la colline, mais leprojet dut être abandonné faute de moyens. Un petitpavillon, le temple de Pomone, y fut élevé au milieud’un jardin « à la grecque » en 1800-1801 par KarlFriedrich Schinkel qui réalisa là son premier projetarchitectural. La splendide vue panoramique sur l’île de Potsdaminspira un autre projet à Frédéric-Guillaume IV. Lacolline devait être surmontée d’un casino à colonnadesavec des tours au milieu de cascades, à l’instar d’unevilla italienne. Seules les colonnades et les cascadesfurent construites entre 1847 et 1863. - Entre le Pfingstberg et le Nouveau Jardin

L’étroit terrain reliant les jardins de Lenné sur lePfingstberg et le Nouveau Jardin fut aménagé en parc en1862. - La rive sud du Jungfernsee

A la fin du XVIIIe siècle, il y avait un café avec sonvignoble et un restaurant sur le chemin longeant le lac.A la place du café, Persius construisit une villa flanquéed’une tour qui servit de modèle pour les futures villas dePotsdam. Aucune construction n’a été autorisée surcette voie qui s’appelle actuellement la Berninistrasse,afin de ne pas modifier l’aménagement paysager de l’îlede Potsdam créé par Lenné.

- La forêt royale

Au XIXe siècle, les terrains qui entouraient le village deSacrow appartenaient à plusieurs famillesaristocratiques. Frédéric-Guillaume IV en fitl’acquisition et les fit aménager en forêt et parc royal parLenné. Le village lui-même devint partie intégrante dunouveau paysage. - Les abords du parc de Babelsberg

Le paysage du parc de Babelsberg est un autre des chefsd’œuvre de Lenné, agrandi à partir de 1842 par le princeHerman von Pückler-Muskau. Les abords, y compris lesmarais le long de la rivière Nuthe, font partie dupaysage. - L’observatoire de Babelsberg

Berlin se développant très rapidement, son observatoiredut quitter le faubourg sud de la ville où il était installédepuis 1877. Neubabelsberg, propriété royaleabandonnée, fut choisie pour l’accueillir en 1911. En1928, une extension fut ajoutée à l’ouest.

Gestion et protection

Statut juridique

Concernant le bien proposé, il est déclaré : "La totalitéde la zone d’extension est classée comme zonemonumentale selon la Loi du Land de Brandebourg surla Protection des Monuments, datée du 22 juillet 1991.Elle est protégée par les Statuts pour la Protection duDistrict monumental paysager de Berlin-Potsdam datédu 30 octobre 1996, selon la Liste du Patrimoinemondial de l’UNESCO."

Elle est également couverte par « le plan directeur de laVille de Potsdam » et le « Traité d’Etat surl’établissement de la fondation des Palais prussiens etdes Jardins de Berlin-Brandebourg» [StiftungPreussische Schlösser und Gärten Berlin-Brandenburg], du 23 août 1994.

La mission d’expert de l’ICOMOS a constaté que lesbâtiments et les jardins et parcs historiques étaientprotégés individuellement en tant que monuments.Toutefois, ni liste ni registre n’est joint au dossierd’inscription.

Les paragraphes du dossier portant sur « la situationurbanistique de la ville et les projets d’urbanisme »mettent l’accent sur les plans environnementaux dePotsdam qui restent à définir. Les plansenvironnementaux définitifs n’étaient pas encoredisponibles au moment de la mission. La versiondéfinitive d’un certain nombre de propositions doit êtredisponible en février/mars 1999. Ces propositionsseront alors soumises au Stadtparlament, après quoiPotsdam rendra les plans officiels.

La proposition d’extension du site est basée sur dessections qui appartiennent à la zone centrale ou quipeuvent être considérées comme des zones tampon. Il

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est également fait mention de nouveaux aménagementsprévus/possibles dans certaines zones.

Gestion

La proposition d’inscription ne fournit pasd’informations précises sur la gestion du bien. LaStiftung Preussische Schlösser und Gärten Berlin-Brandenburg possède une documentation détaillée(photographies, relevés géographiques, plans) sur toutesles composantes du parc. Chaque parc a son propreingénieur. La Stiftung utilise les services de quatrehistoriens des parcs et jardins. Des plans quinquennauxsont prévus pour chaque parc.La Stiftung a une Denkmalkommission (Commissiondes Monuments) qui est chargée d’étudier les mesuresfondamentales telles que celles concernant larestauration.

Conservation et authenticité

Historique de la conservation

La Stiftung Preussische Schlösser und Gärten Berlin-Brandenburg possède et gère les parcs et les bâtimentshistoriques situés dans ces parcs et les restaure elle-même ou les fait restaurer de manière exemplaire.Parmi les exemples de restauration, citons le bancromain (Römische Bank), qui a été réinstallé à son lieud’origine sur la pente ouest du Ruinenberg, le temple dePomone sur le Pfingstberg, les huit points de vue sur lePfingstberg, le tracé d’origine des allées et la prochainerénovation de la tour gauche du Belvédère avec soncabinet romain (Pfingstberg). La liaison entre lePfingstberg et le Nouveau Jardin, appelée leMirbachwäldchen, a été restaurée, notamment par laréfection des allées d’origine. Une partie des chemins duNouveau Jardin qui passent à proximité du Cecilienhofest en cours de réhabilitation.

La restauration et la remise en état du parc duPfingstberg et du parc de Babelsberg ont reçu unfinancement du Landesarbeitsamt Berlin-Brandenburget de l’Internationaler Bund für Sozialarbeit eV.

Ces dernières années, la Stiftung a restauré labibliothèque gothique du Nouveau Jardin (financé engrande partie par le Land de Berlin qui a contribué àhauteur de 1,6 millions de DM à l’occasion du 1000e

anniversaire de Potsdam en 1993).

La Stiftung a pris plusieurs mesures de conservationpour des bâtiments en attente de restauration, parmilesquels le Belvédère sur le Pfingstberg et la VillaQuandt située en contrebas.

Potsdam mène une politique active de restauration et deremise en état des monuments, dont les résultats sont deplus en plus clairement visibles.

La proposition d’inscription ne dresse qu’un constatgénéral des activités de restauration et de rénovation quiont eu lieu sur chaque composante du bien.

Authenticité

L’histoire des cinquante dernières années a laissé sur lepatrimoine de Potsdam des marques d’abandon duesaux effets de la réutilisation collective des bâtiments etde la construction de bâtiments militaires.

Les plans de Peter Joseph Lenné, conçus dans ladeuxième moitié du XIXe siècle, ont marqué de leurempreinte la transformation du paysage de la Havel enpaysage culturel. Aujourd’hui encore, ils transparaissentdans la disposition du paysage culturel de Potsdam.

Les politiques du Land de Brandebourg, de la Ville dePotsdam et de la Stiftung visent à rétablir ou à mettre envaleur la structure historique et la conception de cepaysage planifié tout en ménageant un cadre quiaccueillera les nouveaux développements urbains etpaysagers.

Le plan de l’Alexandrovka est resté quasimentinchangé. Concernant les autres zones proposées pourl’inscription, l’intégrité de l’environnement spatialsemble avoir été quelque peu perturbé à proximité duVoltaireweg, sur la rive sud du Jungfernsee, aux abordsdu parc de Babelsberg et de l’observatoire deBabelsberg.

De vastes recherches historiques - sources, archéologieet histoire de l’architecture - précèdent et soutiennent lesactivités de restauration de la Stiftung. Elles garantissentune restauration et une rénovation consciencieuses etresponsables. Il est procédé à des reconstructionspartielles qui, elles aussi, reposent sur des études ou desrecherches préliminaires poussées.

Evaluation

Action de l’ICOMOS

Une mission d’expert de l’ICOMOS a visité Potsdam enjanvier 1999. Avant cette mission, l’ICOMOS avait étéconsulté sur les aspects de la planification urbaine dePotsdam en 1997 et 1998.

Caractéristiques

Le bien proposé est un complément et unparachèvement logique du site du Patrimoine mondialactuel, inscrit initialement en 1990 et complété en 1992,en raison de l’unité historique - paysage, composition,architecture, structure et culture - qui règne avec le bienexistant inscrit.

Analyse comparative

L’importance exceptionnelle de ce site est déjà reconnuepar le Comité du Patrimoine mondial. L’extensionproposée complète l’ensemble culturel historique

Observations et recommandations de l’ICOMOS

L’ICOMOS recommande que le Comité du Patrimoinemondial félicite le Land de Brandebourg, la StiftungPreussische Schlösser und Gärten Berlin-Brandenburg

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et la Ville de Potsdam pour la qualité exemplaire desnombreux projets de restaurations, de rénovations et deredéveloppement menés ces dix dernières années.

Le Comité devrait proposer que soit constituée uneCommission communale composée de représentants deBerlin et de Potsdam et chargée de la coordination desplans concernant le site.

Il convient de s’opposer par tous les moyens à laréalisation du Projekt Quartier Am Bahnhof et deproposer un plan de développement urbain et un plansur l’architecture paysagère qui établiraient des liensorganiques entre la ville, le Alter Markt et le QuartierAm Banhhof afin de réaliser des voies piétonneslogiques entre la ville et l’entrée actuelle de la gare dePotsdam-Stadt.

Actuellement, aucun plan détaillé du Projet Transportde l’Unité allemande N° 17 n’a été soumis au Comitédu Patrimoine mondial. Les plans auront un impacttechnique et visuel immédiat et désastreux sur le cœurdu site du Patrimoine mondial en raison de la dimensiondes navires (185m de long) et du volume de traficfluvial souhaité.

On peut supposer que cela aura des répercussionsconsidérables sur la qualité et la significationintrinsèques du site, plus grandes même que celles duQuartier Am Bahnhof qui se trouve hors des limites dusite. Le Comité du Patrimoine mondial devraitdemander que l’Etat partie fournisse des informationscomplètes à ce sujet dans le 5e rapport sur l’état deconservation qui devra être soumis avant le 15septembre 1999.

Le développement architectural et environnemental dela Berliner Vorstadt, des deux côtés de la BerlinerStrasse (une langue de terre entre le Heiliger See et leTiefer See/Havel, qui font partie du site) devrait êtreinclus dans les prochains rapports établis par le Land deBrandebourg sur l’état de conservation. Lesmodifications d’échelle et de hauteur des bâtimentsauront un impact visuel majeur depuis les points de vueque l’on a du Nouveau Jardin sur le Klein-Glienicke etde la Havel sur le parc de Babelsberg. En fait, laBerliner Vorstadt devrait être considérée comme unezone tampon.

Pendant la visite de l’ICOMOS il a été décidé que leLand de Brandebourg soumettrait un plan quiprésenterait un aménagement modifié de l’espace pourles zones proposées à l’inscription.

Les biotopes sont répertoriés par la Ville pour lessections déjà inscrites sur la Liste du Patrimoinemondial ainsi que celles proposées comme extensions.Les fonctionnaires en charge du dossier ont reconnu quela conservation de la nature dans ces circonstances peutaccroître la valeur culturelle du site.

Recommandation

Il est recommandé que cette extension du site desChâteaux et parcs de Potsdam et Berlin inscrit sur la

Liste du Patrimoine mondial soit approuvée sousréserve de la soumission des plans indiquant les limitesrévisées, telles qu’elles ont été acceptées avec la missiond’expert de l’ICOMOS.

ICOMOS, septembre 1999

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Résidences des ducs d’Este (Italie)

No 733bis

Identification

Bien proposé Ferrare : Ville de la Renaissance et sondelta du Pô

Lieu Province d’Emilie-Romagne

État Partie Italie

Date 29 juin 1998

Justification émanant de l'État Partie

[Note Ce texte est une version abrégée du texte quifigure dans le dossier de proposition d’inscription]

Les résidences des ducs d’Este dans le delta du Pô ontexercé une grande influence, qui a duré des siècles dansla zone méditerranéenne, sur l’évolution del’aménagement du territoire et de son paysage.

Dans ce territoire instable qu’est le territoire de Ferrare,qui a vu les eaux s’alterner aux terres émergées et qui avu se modifier, pendant des siècles, sa configurationhydrogéologique mais aussi les possibilités d’existencedes populations, apparaît absolument unique la façondont les hommes s’y sont implantés et ont lutté pour encontrôler les conditions.

Les hommes ont construit cet environnement pendantdes millénaires, en sachant intégrer leur présence avecdes œuvres de grande valeur et de profond respect pourles beautés naturelles : ce mariage entre l’architecture etla nature est ici exceptionnel et caractérise ce paysageculturel, dans un équilibre harmonieux, en le distinguantde tous les autres exemples. Critère ii

Le bien proposé pour inscription peut être considérécomme un témoignage unique ou, tout au moins,essentiel des civilisations disparues (Spina, Pomposa,Este, etc.). Critère iii

Le bien proposé constitue un exemple exceptionneld’un type de structure qui illustre une étape significativede l’histoire (les assainissements hydrauliques et leréseau des villas dans le territoire). Critère iv

Le patrimoine des résidences des ducs d’Esteconstitue un exemple exceptionnel de mise en placed’une culture devenue vulnérable à la suite d’unedégradation indirecte et irréversible. Critère v

Ce patrimoine est cependant, directement et d’unemanière perceptible, associé aussi bien négativement

que positivement aux événements, aux idées quirelèvent d’une importance universelle extraordinaire. Critère vi

Catégorie de bienEn termes de catégorie de biens culturels, telles qu’ellessont définies à l’article premier de la Convention dupatrimoine mondial de 1972, les résidences des ducsd’Este dans le delta du Pô sont un ensemble. C'estégalement un paysage culturel comme défini dans lesOrientations devant guider la mise en œuvre le laConvention du Patrimoine mondial (1998),paragraphe 39.

Histoire et Description

Histoire

A l'aube de l'âge du fer, le secteur du delta était marquépar la prédominance de deux bras principaux du fleuve :l'un septentrional devenu par la suite le "Po d'Adria",l'autre plus méridional marqué par une diversité de litsautour de la ville de Bondeno. Vers le VIIIe siècle avantJ.-C. des bouleversements hydrologiques aboutirent à denouvelles ramifications, c'est le long de l'une d'entreelles vers le VIe siècle avant J.-C. que se forma la citéétrusque de Spina dont les fouilles devaient fournird'importantes pièces archéologiques.

La position privilégiée de Spina permis ledéveloppement d'un grand centre de négoce ouvert surl'arrière-pays que la construction d'un canal dèsl'Antiquité reliait à la mer. Les fouilles ont livré outredes objets étrusques, des vases grecs et toute sorte deproductions du pourtour de la Méditerranée qui attestentles richesses des échanges dont la cité était le siège.

L'ensablement rapide du delta conduisit la cité à sondéclin et dès le règne d'Auguste elle n'était plus qu'unvillage.

A l'époque romaine, le tracé côtier s'était déjà avancévers la mer et certaines localités situées en bordure dudelta se développèrent. L'action des romains s'inscritdans la continuité des occupations précédentes mais lesétablissements se déplacent en fonction des variationsalluvionnaires du fleuve.

Le repérage aérien et l'archéologie ont permisd'identifier des sites fonciers, des briqueteries, desvillages et la trace d'une activité de navigation donttémoigne la découverte d'épaves comme la célèbre"Fortuna Maris" découverte dans les environs deComacchio.

Dès le haut Moyen Age les centres d'Adria, Classe etVoghenza (devenu siège épiscopal dès le VIe siècle)sont des pôles de concentration d'habitations du delta.

Progressivement se formait un vaste cordon littoral etsurvenaient des peuplements et des créations religieusescomme Pomposa, mais de nouveaux bouleversementshydrauliques qui submergèrent les territoires habités onteffacé de nombreux témoignages de cette époque.

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Comacchio avait été fondée au Ve siècle, date attestéepar les fouilles archéologiques. Elle devint siègeépiscopal au VIIIe siècle et se développa rapidementcomme centre commercial bénéficiant des mêmeavantages géographiques que l'antique Spina. La villeétait un grand producteur de sel. Son expansion futstoppée par le pillage des Vénitiens, et la cité contraintede retrouver une économie inventa les "lavorieri",équipements de pêche qui permirent un développementimportant de la pêche et en particulier la pêche desanguilles.

Dans le même temps que se développe Comacchio,s'implantait le monastère de Pomposa. Cette présencemonastique contribua largement à l'assainissement et àla bonne gestion des terres, au rayonnement culturel dela région, par les études qui rendirent célèbre cetteabbaye bénédictine.

Ferrare avait développé son activité commerciale autourdu fleuve. Venise régnait sur le commerce maritimeavec l'Orient, Ferrare était en relation avec l'Italieseptentrionale, la Toscane, voire la France. Après delongues luttes entre différentes familles, la maisond'Este arriva à Ferrare au XIIIe siècle.

Les Este créèrent un état qu'ils devaient administrerpendant trois siècles. Ils y développèrent l'agriculture.Afin d'étendre les terres cultivables, ils entreprirent devastes travaux d'irrigation et d'assainissement inspirésdes techniques les plus perfectionnées de l'époquenotamment à travers les travaux de Galilée et Léonardde Vinci. C'est ainsi que des terres furent émergées pourdevenir de riches terrains cultivables.

Toutes les voies d'eau étaient surveillées et organiséespar l'implantation sur les points les plus importants duréseau des "Delizie", villas d'agrément éventuellementassociées à une installation hydraulique ou agricole.L'équilibre hydrologique du delta fut égalementamélioré par la déviation des torrents descendant desAppenins.

Lorsque à la fin du XVIe siècle l'église prit possessionde l'ancien duché, les améliorations d'exploitation sepoursuivent notamment par l'invention de la rotation descultures. Les aménagements imposés par les Vénitiens àla même époque afin de prévenir un éventuelenvasement des passes d'entrée de la lagune,entraînèrent une modification de la géographie du deltaqui contraignit à de nouvelles organisationshydrauliques. Ces travaux se déroulèrent jusqu'à la findu XVIIIe siècle.

L'occupation française et les nouvelles divisionsadministratives imposées au début du XIXe siècleeurent de fâcheuses conséquences sur l'évolution dupays. La restauration de l'état pontifical en 1815 ouvraitl'ère de l'assainissement mécanique.

La bonification des terres conduisit à la création devastes zones céréalières. Cette politique de conquête dusol dans le respect de l'histoire et de l'organisationhydraulique ancienne devait se poursuivre jusqu'aumilieu du XXe siècle et donner au pays sa physionomieactuelle.

Description

Vaste plaine alluviale, fragile équilibre entre la terre etl'eau, pays à dominante agricole parcouru par lesramifications du fleuve et les canaux rectilignes : leterritoire du Diamant proposé pour inscription sur laListe du patrimoine mondial, est constitué d'une naturefaçonnée par l'homme depuis les temps préhistoriques.Toutes les époques faites de l'histoire de la civilisation yont laissé leur marque. La maîtrise de l'eau y tient uneplace permanente qui reste dominante.

Le site proposé pour inscription sur la Liste dupatrimoine mondial peut se décomposer en quatreparties :

1. la zone liée au territoire du Diamant, à l’ouest deFerrare ;

2. une zone s’étendant au nord et comprenant leterritoire de Fossadalbero ;

3. l’ancienne rivière de Po di Volano s’étendantdepuis Ferrare jusqu’à la mer, incluant l’abbayede Pomposa, le château de Mesola et leBoschetto associé, ainsi que le territoire de LaMensa ;

4. Les anciennes voies d’eau partant de Ferrare pouraller d’abord vers le sud, avec les territoires deBelriguardo, Venvignante et Verginese, puiscontinuant vers l’est jusqu’à Comacchio.

Tout le territoire qui relie ces zones et s’étendjusqu’au cours actuel du Pô, au nord, est définicomme la zone tampon. Les zones proposées pourinscription et la zone tampon sont caractéristiques dela région. Dans la proposition d’inscription, l’accentest mis sur l’infrastructure territoriale, avec ses voiesd’eau et ses connexions terrestres. Les traitsarchitecturaux, les delizie, les autres édifices etétablissements historiques expriment la partie visiblede la proposition d’inscription, tout en reflétant lastratigraphie historique de l’endroit.

Les monuments les plus remarquables,indépendamment des centres historiques et desconstructions militaires sont les édifices hydrauliquesmais principalement les "Delizie" qui ont modelé lepaysage à l'époque des Este. Cette répartition dedemeures d'agrément et d'utilité a organisé le paysage defaçon définitive illustrant encore aujourd'hui l'âge d'ordu territoire de Ferrare.

L'évolution ultérieure n'est que la continuité de cetteentreprise de conquête de terre agricole, de sorte que lestechniques contemporaines utilisées pour maintenir cefragile équilibre, n'ont fait qu'enrichir ce paysage aupéril de la mer sans amoindrir la valeur de l'héritagehistorique qui reste dominant.

Il existe aujourd'hui un peu plus de la moitié des"Delizie" des Este (dix) dont la construction s'échelonneenviron du XIVe au XVIe siècle. A ces demeuress'ajoutent les châteaux de chasse, de nombreuses villas,domaines agricoles et jardins, des édifices hydrauliques,des tours et fortifications et dans la région deComacchio, les pavillons de pêche. Il y a également les

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nombreuses églises et oratoires et particulièrement lemonastère de Pomposa très tôt célèbre dans toute lapéninsule dont la basilique Santa Maria a été élevée auVIIIe siècle.

La plus connue des delizie est peut-être le palaisSchifanoia de Ferrare, construit entre la fin du XIVesiècle et le début du XVe, alors que cette partie de laville faisait toujours l’objet de travaux en vue degagner du terrain sur la mer.

Bon nombre des delizie extérieures étaient devéritables châteaux, comme c’est le cas de Mesola, quidomine le paysage côtier. Les Este semblent avoir eul’intention de construire une ville tout entière autourdu château, mais ont abandonné du fait des conflitsavec les Vénitiens. Le château a été restauré dans lesannées 1980, et abrite maintenant diverses fonctionsculturelles. Non loin du château se dresse une tour quiservait au contrôle des eaux ; c’est aujourd’hui unmusée et une salle d’exposition.

Autre grande delizia du XVe siècle, Belriguardo(commune de Voghiera), qui possédait jadis quelques300 pièces et de grands jardins à la française,magnifiquement disposés le long d’un axe s’étendantjusqu’au paysage du Diamant. Après le départ desEste, le château a eu plusieurs propriétaires et,progressivement, est tombé en ruines. Aujourd’hui,avec l’aide de la province, la commune a racheté unepartie du bien, et a entrepris de petites interventionspour le restaurer et lui conférer des fonctions socialeset culturelles utiles, parmi lesquelles celle de muséearchéologique présentant les découvertes extraites del’ancien site funéraire romain tout proche. Bienqu’une partie du site soit toujours aux mains departiculiers, il semble y avoir une collaborationefficace avec les propriétaires. Les édifices eux-mêmes tombent en ruines, bien que quelquesmagnifiques fenêtres gothiques et arcades élégantescontinuent d’attester de leur gloire passée. Un grandhall abrite les vestiges de magnifiques peinturesmurales du XVIe siècle réalisées par des maîtresreconnus.

Le domaine de Zenzalino est la mieux préservée detoutes les delizie. Comme par le passé, il estnormalement utilisé à de fins agricoles par une famillede particuliers. Jadis, il couvrait quelques 2000hectares, qui se sont aujourd’hui réduits à 850. Le lieun’est pas ouvert au public, mais il contient demagnifiques intérieurs, avec des meubles, despeintures et des objets historiques de grande valeur.Le bâtiment principal donne sur un splendide jardinpaysager comptant des plantes rares. L’endroit estbien entretenu.

Autre domaine des Este toujours en usage, celui duDiamant, à l’ouest de Ferrare, avec ses 500 hectaresde terre et ses trois églises. Une partie du bâtimentprincipal fait office de musée, et les propriétaires neviennent qu’occasionnellement. En fait, l’activitéagricole actuelle se caractérise par le fait que lespropriétaires tendent généralement à vivre en zoneurbaine, et à ne se rendre dans leur exploitationagricole que lorsque des activités spécifiques le

requièrent. Le domaine du Diamant est en bon état etbien entretenu par le propriétaire. A l’ouest s’élève lefort de Stellata, restauré et actuellement utilisé commecentre d’activités culturelles.

Le Fossadalbero est un club sportif exclusivementréservé aux membres, qui bénéficie d’installationssportives et est fréquenté toute l’année. Le domaine deBenvignante (commune d’Argenta) est en mauvaisétat ; quelques réparations structurelles sont en cours,mais aucune décision n’a été prise quant à son usagefutur. Le domaine de Verginese (commune dePortomaggiore) est relativement petit, et présente unestructure typique dotée de tours d’angle. Le bâtimentprincipal a récemment été restauré, et sert maintenantpour des événements sociaux et des expositions, maisla commune lui cherche actuellement une utilisationplus conséquente.

La Mensa, relativement modeste, est en mauvais état,et le propriétaire semble attendre la première occasionpour la vendre. L’ancienne delizia de Copparo a étéintégrée à l’hôtel de ville actuel ; la tour centrale sedresse intacte, et sert à des fins d’enseignement. Al’intérieur de l’hôtel de ville, les réparations en coursont révélé les vestiges d’une autre tour intégrée auxstructures modernes.

La religion s’impose comme un trait important dupaysage ; c’est dans le monastère de Pomposa qu’elleest le plus présente. C’est l’un des sites les plus visitésd’Italie. Ses bâtiments forment un intéressantensemble, et présentent des caractéristiques typiquesde cette région particulière d’Italie, notamment deriches fresques décoratives, et des sols en mosaïque detype cômasque. Pomposa joua un rôle majeur dansl’extension du christianisme vers l’intérieur des terres,et dans la campagne sont disséminées plusieurs petiteschapelles et églises romanes.

Enfin, la région du delta est caractérisée par denombreuses petites villes et villages de campagneissus du contexte historique, dont beaucoup remontentà des temps anciens. La plus importante estComacchio, jadis rivale de Venise et plus tard intégréeà l’État d’Este. Quoique beaucoup plus petite,Comacchio est caractérisée par un système de canauxet de ponts sur le même modèle que Venise, maispossédant son caractère propre. La ville compte enoutre nombre de bâtiments historiques importants,palais et églises, notamment le fameux pontRenaissance de Tre Ponti. Comacchio continued’élever des anguilles selon la tradition, bien que cetteactivité s’inscrive également, de nos jours, parmi lesattractions touristiques de l’endroit.

Gestion et Protection

Statut juridique

Actuellement les protections qui concernent le territoirede Ferrare comprennent 58 décrets sur la propriétéprivée (Loi n° 1089/1939), 7 décrets sur les protectionsen matière de paysage (Loi 1497/1939), 36399 hectaresde parc régional (Loi régionale 27/1988). En outre, en

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application de la loi nationale 142/1990 et régionale6/1995, le plan territorial de coordination provinciale encours détermine 27 implantations historiques, 9 routeshistoriques, 2079 hectares de zone retenue de grandevaleur paysagère et 4140 hectares de sitesarchéologiques et 1728 hectares de zone d'intérêtshistoriques témoins.

Si l'on additionne la surface actuellement protégée parles différentes lois (en admettant que ces surfacess'additionnent) on parvient à une surface à peu prèséquivalente à la surface proposée pour inscription.

Gestion

Les biens qui composent cette proposition d’extensionappartiennent à des propriétaires différents : entitéspubliques et privées, particuliers et institutionsecclésiastiques.

L'administration provinciale exerce la tutelle sur leterritoire, elle gère les routes et les édifices scolaires dusecond cycle et intervient sur la restauration dupatrimoine courant et des monuments historiques.

Les administrations communales ont la charge de fairerespecter les lois sur la protection et l'urbanisme dans lalimite de leur commune.

La Surintendance pour le patrimoine architectural desprovinces de Ferrare, Ravenne et Forlí est responsabledes monuments historiques et de la surveillance desbiens publics ou privés soumis à réglementation.

La Surintendance du patrimoine archéologiqued'Emilie-Romagne intervient sur les fouilles et sitesarchéologiques.

La Surintendance pour le patrimoine des archives estresponsable des archives et des bibliothèques publiqueset privées.

Les Surintendances (Soprintendenze) sont desinstitutions d'État placées sous la tutelle du Ministèredes Biens Culturels. L'Université et la CurieArchiépiscopale participent également à desinterventions de restauration sous la surveillance desautorités compétentes.

Conservation et Authenticité

Historique de la conservation

Par rapport aux autres territoires assainis et aux autresdeltas : Hollande, Danube, Rhône, Guadalquivir, etc.pour ne citer que l'Europe, le delta du Pô conserveencore aujourd'hui des traces de civilisations trèsanciennes disparues, mais principalement l'organisationimposée par la volonté des ducs d'Este.

Certains éléments naturels comme les bois de laPonfilia et de la Mesola ou les lagunes de Comacchiosont des témoignages uniques et exceptionnelsd'environnement naturel que l'homme a maintenuintacts pratiquement depuis la préhistoire.

Le paysage culturel du delta du Pô s’est construit surplusieurs siècles en conséquence des activités des

habitants et des propriétaires. Les diverses phaseshistoriques s’expriment dans les constructions et leschangements qui sont devenus partie intégrante dupaysage historique. Aujourd’hui encore, on peut lire leschéma des strates historiques dans l’histoire despropriétaires de la terre et dans la construction desvoies d’eau et des routes.

Certains édifices historiques ont conservé leurfonction originale, tandis que d’autres ont connumoins de succès. En fait, certaines des propriétés de laRenaissance ont été perdues au fil du temps, etd’autres n’ont été préservées qu’à l’état de ruines.L’intérêt contemporain porté à la protection et à larestauration de certains de ces bâtiments remonte auXIXe siècle (tel est le cas pour Pomposa) et au débutdu XXe siècle, avec la création de l’association deFerrariae Decus (en 1906), qui souleva l’intérêtpublic pour les lieux historiques non seulement àFerrare mais aussi sur l’ensemble de son territoire.

Plus récemment, ces dernières décennies, les autoritéspubliques ont fait des efforts de sauvegarde de lieuxqui auraient jadis été abandonnés, risquant ainsi d’êtredémolis. Plusieurs des édifices importants ont étérestaurés par la Soprintendenza, tandis que lesadministrations locales se chargeaient d’autres plusmodestes. Ferrariae Decus lève activement des fondsdestinés à la conservation et à la maintenance despetites églises et d’autres bâtiments historiques

Authenticité

Les points forts de l’infrastructure et de l’architecturedu delta du Pô attestent encore aujourd’hui des effortsd’urbanisme de la famille d’Este aux XVe et XVIesiècles. En outre, la stratigraphie de la région reflèteles précédentes phases historiques sur plus de deuxmillénaires. L’introduction d’une technologiemécanique dans le travail de la terre a jusqu’à présentpris en compte les strates historiques, et lesinterventions modernes ont été raisonnablement bienintégrées.

Aujourd’hui, ce paysage culturel forme un touthistorique, dont l’intégrité doit impérativement êtrerespectée. Considérant que la technologie continue deprogresser et que les priorités économiques du jour nefavorisent pas nécessairement les méthodestraditionnelles de culture, l’intégrité du site pourrait àl’avenir être mise en péril.

Évaluation

Action de l'ICOMOS

Une mission d’expertise de l’ICOMOS a visité le site enfévrier 1999.

Caractéristiques

En conséquence des divers résultats des phases derécupération de terrain sur la mer et de construction, ledelta du Pô est devenu un important paysage cultureldont la stratification s’étend sur plus de troismillénaires. Même si la région a connu des

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changements, causés par l’homme et la nature, lesdifférentes strates historiques restent visibles dans lepaysage. L’infrastructure créée par la famille d’Estereste le trait dominant de la région, mais il est possiblede voir que cette transparence va bien au-delà –jusqu’au Moyen Âge et à l’Antiquité classique.Parallèlement, le paysage du delta, tel que l’adéveloppé la famille d’Este, est étroitement lié à laville de Ferrare, qui forme avec lui un seul tout, dotéd’un caractère et d’une intégrité propres.

Analyse comparative

Dans l'ensemble du delta du Pô, le territoire de Ferrarese caractérise par une occupation humaine très ancienneet une constante association entre l'homme et la nature.Il en résulte un grand nombre de vestiges de toutesépoques tant archéologiques qu'architecturaux.

La plupart des deltas des autres grands fleuves dumonde présentent des états où la nature domine, laprésence de l'homme n'étant que secondaire etfluctuante. Dans le territoire de Ferrare se sont aucontraire développées et succédées des civilisations dontl'action a été complémentaire et qui, confrontées à cettenature lagunaire ont très tôt développé des techniqueshydrauliques et des œuvres architecturales spécifiques.Les richesses ainsi créées ont poussé le développementdes arts, de la céramique en particulier, et des doctrinesciviques et religieuses.

Commentaires de l'ICOMOS

Cette proposition d’inscription fait suite à l'inscriptionde la ville de Ferrare dont elle est la suite logique.

Les moyens de protection d'une ville sont fort différentsde ceux qui doivent s'appliquer à la campagne, quel quesoit l'arsenal juridique il est souvent difficile demaîtriser un paysage dont les équipements setransforment au gré des techniques et du marché.

La région de Ferrare a reçu son premier plan directeurterritorial il y a 30 ans. Les principes alors expriméssont toujours à la base de l’urbanisme de la zone dudelta. Toutefois, il existe certains problèmes d’unenature plus générale liés à la migration desagriculteurs vers les centres urbains. S’il estsouhaitable de poursuivre les types traditionnelsd’activité chaque fois que cela est possible, il seranécessaire de faire des efforts pour réhabiliter certainsbiens historiques qui ont perdu leur fonction d’originepour leur éviter un plus grand délabrement. Lesactivités culturelles, la représentation et même letourisme seraient acceptables dans certains de cesendroits, étant donné qu’ils ont été créés pourreprésenter le pouvoir ducal.

Recommandations de l’ICOMOS pour des actionsfutures

Afin de continuer et d’améliorer les politiquesterritoriales dans la gestion des biens historiques, il estrecommandé que la collaboration entre lesadministrations municipales individuelles, l’autoritéprovinciale et le gouvernement central soit renforcée et

coordonnée par l’administration provinciale.L’ICOMOS estime essentielle l’instauration d’un plande gestion global pour le paysage proposé pourinscription établissant les mécanismes de coordinationdes dispositions existantes d’urbanisme et de gestion eten répartissant les responsabilités.

L’État Partie devrait développer dans les meilleursdélais une large information auprès des propriétaireset des exploitants afin de les amener à une prise deconscience de la valeur universelle du bien.

Depuis la réunion du Bureau en juillet 1999, l’ICOMOSa reçu une documentation complémentaire fournie parl’Etat partie indiquant que des mesures sont déjà prisespour la mise en œuvre de ces suggestions.

Brève description

Le delta alluvial de la vallée du Pô existe depuis desmillénaires. Du XIVe au XVIe siècle, les ducs d’Esteont gagné de vastes terrains sur la mer et mené à biende grands projets de construction, qui confèrent à cetterégion un caractère unique et la relient étroitement à laville de Ferrare, siège de la famille d’Este.

Recommandation

Que cette extension soit approuvée en ajoutant lescritères iii et v à ceux déjà existants ii, iv et vi :

Critère iii Les résidences des ducs d’Este dans ledelta du Pô illustrent de manière exceptionnellel’influence de la culture de la Renaissance sur lapaysage naturel.

Critère v Le delta du Pô est un paysage culturelplanifié exceptionnel qui conserve de manièreremarquable sa forme originale.

ICOMOS, septembre 1999

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Sarajevo (Bosnie Herzégovine)

No 851rev

Identification

Bien proposé Sarajevo – symbole unique demulticulture universelle et ville ouverte

Lieu Canton de Sarajevo

Etat partie Fédération de Bosnie et Herzégovine

Date 15 juillet 1998

Justification émanant de l’Etat partie

Une ville est belle non pas seulement par ses nombreuxmonuments mais aussi par l’harmonie vivante qui s’endégage et par la multiplicité de ses facettes. Telle estSarajevo – ville ouverte, unique, incomparable et une.

Les habitants cosmopolites de la vallée de Sarajevo ontappris au fil des siècles l’importance de la tolérance – enfaisant usage de cinq alphabets et de sept langues. Ilsont créé un lieu unique et cultivé des relationsharmonieuses avec l’art et l’architecture. La vallée et lecours d’eau dessinent un cadre linéaire propice àl’interaction continue entre l’homme et sonenvironnement dans une région où les culturesd’Europe, d’Asie et de la Méditerranée se rejoignent.Ainsi est née une civilisation multiculturelle.

Les styles architecturaux qui se succèdent dans la villeet la détermination des habitants à manifester leursaspirations culturelles ont créé une unité originale descultures et un mode de vie où les habitants sesoutiennent mutuellement dans leur individualitéculturelle.

Sarajevo a su conjuguer les forces culturelles de lavallée et s’ouvrir aux quatre religions et à septcivilisations. Des forces créatrices ont concilié ici laphilosophie de l’ancien monde et le concept dedémocratie pour créer une société sage et tolérante,encouragée par le génie du lieu. L’évolution physiquede la ville reflète son contexte social et culturel. Elletransparaît dans la disposition des lieux et lajuxtaposition des bâtiments, des espaces ouverts et dufleuve.

Il n’existe aucune autre ville au monde où la société,profondément multiethnique qui comporte une diversitéde religions et d’identités culturelles, soit parvenue àétablir des liens aussi puissants avec son environnementgéographique. De ce point de vue, Sarajevo ressemblepar de nombreux aspects à Jérusalem, Rome, Istanbul et

d’autres villes d’Europe centrale et de la Méditerranée,auxquelles il faut ajouter la pureté et la simplicité qui luisont propres.

Sarajevo est le gardien et le symbole dumulticulturalisme de la Bosnie et de l’Herzégovine. Laprésence dans la ville de musées nationaux, de galerieset d’universités assure la survivance de cette culturenationale.

En tant que ville ouverte, Sarajevo symbolise la Bosnieet l’Herzégovine. Au cours des siècles, Sarajevo a réussià rassembler des éléments apparemment incompatibles.Elle a su à la fois protéger son riche patrimoinehistorique tout en restant ouverte à tout ce qui étaitsusceptible de l’enrichir encore. Elle a de ce faitpréservé son identité propre à travers les siècles, depuisla préhistoire, puis sous diverses formes de contrôleexercées par des forces extérieures jusqu’àl’indépendance d’aujourd’hui.

Notes

1 L’Etat partie ne précise pas dans le dossier deproposition les critères au titre desquels il envisagede demander l’inscription de ce bien sur la Liste duPatrimoine mondial.

2 Le texte ci-dessus est une version légèrementabrégée et modifiée du texte contenu dans ledossier de proposition d’inscription.

Catégorie de bien

En termes de catégorie de biens, telles qu’elles sontdéfinies à l’article premier de la Convention duPatrimoine mondial de 1972, le bien proposé est unensemble.

Histoire et description

Histoire

La vallée d’Or, favorable à l’établissement des hommes,était déjà peuplée au Néolithique. Des places fortes(oppida), installées au sommet de collines, ont étéoccupées sans interruption depuis l’Age du Bronzejusqu’au VIe siècle apr. J.-C., tandis que d’autres villesclassiques, au plan caractéristique en damier, furentfondées par les Grecs au VIIIe siècle av. J.-C. puispassèrent sous la domination romaine aux IIe et Iersiècles av. J.-C.

La région a préservé son identité culturelle aprèsl’effondrement de l’empire romain, survécu auxinvasions des tribus barbares telles que les Avars et lesSlaves et résisté à la domination commerciale de laRépublique de Venise. Ainsi, la nature multiculturellede la Bosnie et de l’Herzégovine moderne qui persisteaujourd’hui, s’est fortement enracinée dès le MoyenAge.

Le royaume de Bosnie fut conquis par les Turcs aumilieu du XVe siècle et le centre administratif appelé

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Sarai Ovasi fut désigné pour remplir la même fonctionpour le nouveau Vilayet de Hodidjed. C’est ainsi que laville commença à se développer vers 1640, réussissantune fusion des cultures et des modes de vie orientaux etméditerranéens, les populations priant qui dans lesmosquées qui dans les églises et vivant en paix côte àcôte.

Cette coexistence pacifique et symbiotique sepoursuivit, les catholiques romains, les chrétiensorthodoxes, les musulmans et les juifs vivant dans desquartiers séparés, durant les siècles suivants, troubléebrièvement au XVIIe siècle par les soldats du princeEugène de Savoie. En 1878, une grande partie de laville fut détruite par les incendies déclenchés parl’armée d’occupation austro-hongroise.

La reconstruction se fit dans le style bosniaque quisynthétise des éléments de l’architecture d’Europecentrale et de l’Islam. Le style Sécession viennois futintroduit par la suite à Sarajevo.

Sarajevo connut une période économiquement etculturellement ralentie après la première guerremondiale. Après 1945, la culture bosniaque, qui avaitévolué au cours des siècles, fut remplacée par uneculture de masse, puis elle reprit de la vigueur quand laBosnie et l’Herzégovine obtinrent leur indépendanceaprès la fin des hostilités de 1992-1995.

Description

La ville de Sarajevo est située dans la partie est de lavallée de Sarajevo (autrefois appelée vallée d’Or). Elles’étend principalement sur la rive nord du fleuve et lescollines la dominent au nord et au sud.

Le plan des rues est rectiligne, avec un réseau de ruellesouvrant sur des placettes ou des places plus grandesutilisées par les musulmans pour la prière du vendredi.Cet aspect rappelle les villes classiques de l’Islamcomme Le Caire ou Damas. La ville ancienne s’étendgracieusement le long de la rivière, et n’a pas perdu sontissu urbain lorsque furent ajoutés des quartiers« européens » pendant la période austro-hongroise. Leplan de la petite ville romaine dans la vallée transparaîtdans la partie ouest de la vieille ville.

Sarajevo renferme plus de deux cents bâtimentshistoriques protégés. Une description des types debâtiments et leurs qualités est donnée ci-après.

- Bâtiments religieux

Parmi les lieux de prière islamiques, il faut citer lamosquée monumentale de Gazi Husref-Beg (1530-31)magnifiquement ornementée, celle de Soliman leMagnifique avec ses superbes décorations murales,édifiée en 1566 à l’emplacement de la premièremosquée construite dans la ville ; celle de CekrekciMuslihudin, édifiée au XVIe siècle, très bel exempled’architecture ottomane et enfin la mosquée Magribija àvoûte en berceau (1538-65). En plus des mosquées,Sarajevo possède beaucoup d’autres bâtiments associésà l’Islam, tels que le couvent des derviches (tekkié,

khanqa), les écoles religieuses (mekteb) et les mausolées(tourbets).

La synagogue de la fin du XVIe siècle, restaurée audébut du XIXe siècle, possède trois nefs et une galerie àdeux étages. Elle a été transformée en musée juif. Lasynagogue Ashkénaze, élevée en 1902, est de stylepseudo mauresque.

L’église Saint-Cyrille et Saint-Méthode (1896) etl’église Saint-Antoine de Padoue (1914),respectivement de style néo-renaissance et néogothique,sont toutes deux l’œuvre de Josip Vancaš. Il aégalement élevé la cathédrale du Sacré-Cœur, de stylenéo-roman (1899). Tout à fait remarquables, la vieilleéglise orthodoxe serbe et son école datent du début duXVIe siècle. L’église possède une très importanteiconostase du XVIIe siècle. L’église évangélique, quimarie des éléments byzantins et gothiques, est l’œuvrede Karl Parzik (1899-1909).

- Bâtiments publics

La grande Tour de l’Horloge, de forme rectangulaire,date du début du XVIIe siècle. Elle a été plusieurs foisrestaurée et remaniée, les plus récentes modificationsdatant de 1875. La ville recèle de nombreuses vieillesfontaines (sebilj) et une série de petits bâtimentsadministratifs à vocations diverses tels que l’hôtel despoids et mesures.

Sarajevo possède d’intéressantes haltes et auberges pourvoyageurs. Par exemple, l’auberge (Musafirhana) deGazi Husref-Beg fut construite en 1531 pour hébergergratuitement les voyageurs pendant trois nuits.L’auberge de Kolobara, dont seuls les murs subsistent,est le plus ancien caravansérail, construit au XVIesiècle. D’anciens caravansérails, tels que l’auberge deMorics (XVIe – XVIIe siècles), sont encore utiliséspour des activités liées au tourisme.

Les bains publics (hammams) sont une caractéristiquedes villes ottomanes et celui de Gazi Husref-Beg (1537-65) a fonctionné à Sarajevo jusqu’en 1916; il a ététransformé en restaurant. Le hammam de Gazi Isa-Beg aété totalement reconstruit en 1890 par Vancaš dans lestyle mauresque.

- Bâtiments scolaires et culturels

La medersa de Kuršumlija (1537-38) est un bâtimentrelativement simple mais bien proportionné et possédantun portail à belle ornementation. L’école primaire desgarçons (1890), l’école d’enseignement secondaire(1893) et le collège des enseignants, de style néo-renaissance (1905) sont l’œuvre commune de CarlPanek et de Karl Parzik. Ces bâtiments ont servi demodèle pour toutes les écoles de la majeure partie de laBosnie et de l’Herzégovine.

Le Théâtre (1898), également l’œuvre de Parzik, associedes éléments sobres de style Renaissance et une façadede style palladien.

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- Architecture résidentielle

De nombreux et beaux édifices résidentiels datant desépoques ottomane et austro-hongroise sont préservés àSarajevo. Remarquable parmi les maisons ottomanes,celle de Svrzo (XVIIe et XVIIIe siècles), de styleislamique-ottoman, construite autour de deux coursintérieures avec des appartements séparés pour leshommes et les femmes, est maintenant transformée enmusée national, mais une partie est toujours occupée parun descendant du premier propriétaire. La maisonCatica à trois étages, du XVIIIe siècle, construite pourle commandant de la garnison ; la maison de Derzelez,la plus ancienne de Sarajevo (début du XVIIe siècle) estun très bel exemple de ce type de construction modeste.

Après l’annexion par l’empire austro-hongrois en 1878,de nombreuses villas et constructions luxueuses àdouble fonction, résidentielle et commerciale, ont étéédifiées dans les nouveaux quartiers de la ville. Ellessont marquées par l’influence des styles « historiques »prisés en Europe centrale puis par le style Sécession deVienne.

- Ponts

Un seul pont enjambait la rivière pendant plusieurssiècles. Le pont latin fut construit en pierre au milieu duXVIe siècle, mais il fut emporté par un débordement dufleuve en 1791. A la fin du XIXe siècle, il futreconstruit à l’identique en pierre. Le vieux pont duTzar partagea ce destin mais fut reconstruit à unemplacement différent et sous une forme légèrementmodifiée par rapport à l’original (1896) ; ce fut l’un despremiers ponts en béton de l’empire austro-hongrois.

- Bâtiments commerciaux

Le bezistan est un centre commercial spécifiquementoriental composé de petites échoppes disposées autourd’une cour ouverte. Le bezistan de Gazi Husref-Beg(1537-55) et celui de Bruza (1551) sont toujours utiliséspar le commerce de détail. Ils sont situés dans le vieuxquartier du bazar (Bašcaršija). De nombreux petitsmagasins et entrepôts construits en bois sont intacts etencore utilisés de nos jours. Le marché couvert a étéconstruit pendant la période austro-hongroise (1895).Comme d’autres bâtiments contemporains, il associedifférents styles, Renaissance et Classique ; c’est l’undes bâtiments emblème de la ville.

Cette période vit aussi la construction d’un certainnombre de banques, par exemple l’immeuble de laBanque austro-hongroise (1912) et celui de la BanqueSlavia (1913), qui illustrent admirablement les phasessuccessives qui ont marqué le passage du style« historique » à l’expressionnisme.

- Fortifications

Les fortifications existantes doivent leur forme actuelleaux travaux réalisés dans la première moitié du XVIIIesiècle sous la direction de Hesim Oglu Alia Paša. Lesremparts bastionnés (tabija), dont l’appareillage depierres recouvre des murs de remblais, sont d’unelongueur de 2280m et gardent la citadelle, d’une

superficie totale de 4.5ha, à laquelle on accède par troisportes.

Les portes de Širokac, Višegrad et Ploca ont unestructure de base carrée et sont surmontées d’une archecirculaire. Les baraquements de Filipovic furentconstruits pendant la période austro-hongroise et sontfortement influencés par le style Sécession.

- Cimetières

Sarajevo possède plusieurs beaux cimetières anciens –le Turbe de Hadzi Sinan, le cimetière d’Alifakovac etcelui de Nad Kovaci, qui renferment tous des pierrestombales datant du XVe siècle. Le cimetière juifséfarade date de la même époque.

Gestion et protection

Statut juridique

Les bâtiments historiques désignés sont protégés parla loi de 1985 sur la Protection et l’utilisation dupatrimoine culturel, historique et naturel de Bosnie etd’Herzégovine. Le Parlement de la ville et du cantonde Sarajevo a entamé une procédure de définition etde protection légale du centre historique de la ville en1996.

Gestion

Les formes de propriétés de la zone proposée sontvariables – organes gouvernementaux, communautésreligieuses, institutions et particuliers.

Au niveau national, le contrôle général est exercé par leCentre du Patrimoine Culturel Historique et Naturel deBosnie et d’Herzégovine qui se trouve à Sarajevo. Cetorganisme collabore avec l’Institut de la Protection duPatrimoine Culturel Historique et Naturel de la ville deSarajevo, le Parlement de la Ville et du Canton,l’Institut d’urbanisme de la ville et l’Institut dudéveloppement de la ville.

Le Plan général d’urbanisme révisé de la Ville deSarajevo et de sa région - canton de Sarajevo - et le Planrégional d’occupation des sols prévoient desdispositions particulières pour la protection et la gestiondu centre historique. Ils réglementent les nouvellesconstructions et les reconstructions, les travauxd’infrastructure urbaine, le développement du tourismeet d’autres activités risquant d’avoir un impact sur lecadre historique.

Conservation et authenticité

Historique de la conservation

En 1872 le Grand vizir promulgua un décret “interdisantl’exportation d’antiquités et la destruction des bâtimentsanciens ». En 1892 les autorités austro-hongroisesprirent un décret pour la préservation des antiquités etdes biens historiques et culturels avec une mention

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particulière visant une partie du centre historique deSarajevo.

Après la deuxième guerre mondiale, des lois furentvotées pour la conservation, l’étude et la présentationdes monuments. Le quartier du vieux bazar (Bašcaršija)a fait l’objet de réglementations d’urbanisme spécialesdepuis 1975.Sarajevo est depuis de nombreuses années un centre deconservation et de restauration d’art mural et d’icônes.Ses spécialistes transmettent leur savoir dans d’autresvilles d’Europe.

Authenticité

Certaines réserves ont été émises au moment du testd’authenticité tel que défini au paragraphe 24.b.i desOrientations devant guider la mise en œuvre de laConvention du patrimoine mondial à Sarajevo. Laproposition est recevable pour ce qui est del’architecture et son environnement, car le tissu urbainqui a évolué pendant les périodes ottomane et austro-hongroise est clairement visible.

Des travaux de reconstruction et de restaurationconsidérables ont cependant été réalisés à la suite desbombardements subis par la ville pendant la guerre,dont une partie est d’une authenticité douteuse quantaux matériaux et aux techniques utilisés. Néanmoins, lapart des bâtiments reconstruits est relativement faiblepar rapport à Mostar, et un contrôle sera fermementexercé sur les interventions futures.

En conclusion, on peut affirmer que le centre historiquede Sarajevo, tel qu’il est défini dans le dossier deproposition d’inscription, répond aux conditionsd’authenticité exigées par les Orientations devantguider la mise en œuvre de la Convention dupatrimoine mondial.

Evaluation

Action de l’ICOMOS

Une mission d’expertise de l’ICOMOS a visité Sarajevoen février 1999. L’ICOMOS a également consulté sonComité scientifique international sur les villes et villageshistoriques.

Caractéristiques

Sarajevo est une ville historique qui illustre larencontre entre la culture orientale ottomane et latradition européenne apportée par l’empire austro-hongrois au cours de l’annexion courte mais trèsinfluente de la Bosnie-Herzégovine.

Analyse comparative

Sarajevo est inévitablement comparée à Mostar(également proposée en 1999), car toutes deux sont desvilles ottomanes du XVe siècle qui ont atteint leurapogée économique au XVIe siècle et ont conservé destraces importantes de leur passé islamique en mêmetemps que l’impact culturel de l’occupation austro-

hongroise. Toutes deux ont souffert des bombardementsintenses entre 1992 et 1995.

Il existe deux différences essentielles entre les deuxvilles : l’implantation spectaculaire de Mostar et sasymbiose avec la nature d’une part et la plus grandeimportance de la Sarajevo ottomane, par la taille etl’influence, qui a produit un paysage urbain et unearchitecture plus impressionnants, tant publics querésidentiels.

Observations et recommandations de l’ICOMOS pourdes actions futures

Les Orientations devant guider la mise en œuvre de laConvention du patrimoine mondial posent commecondition à l’inscription sur la Liste du Patrimoinemondial que chaque bien possède un plan de gestionadapté et en application. Sarajevo ne disposant pas d’untel plan, il convient d’en préparer un et de le mettre enapplication sans délai. Ce plan devrait contenir unedescription détaillée des projets proposés, le calendrierde réalisation et les ressources (y compris financières)disponibles et accordées.

Les similitudes entre Sarajevo et Mostar sont grandes.C’est pourquoi l’ICOMOS estime qu’il ne convient pasd’inscrire les deux biens sur la Liste du Patrimoinemondial. De l’avis des experts, la relation que Mostarentretient avec son cadre naturel spectaculaire et lavaleur symbolique de son pont historique la place dansune meilleure position pour revendiquer l’inscription.

Recommandation

Que ce bien ne soit pas inscrit sur la Liste du Patrimoinemondial.

ICOMOS, septembre 1999

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Ligne ferroviaire Kysuce-Orava (Slovaquie)

No 756

Identification

Bien proposé Ligne ferroviaire à aiguillage Kysuce-Orava

Lieu Slovaquie centrale

Etat Partie République slovaque

Date 18 octobre 1995

Justification émanant de l’Etat Partie

La ligne ferroviaire à faible écartement et à aiguillageKysuce-Orava est la pièce maîtresse technique d’un auteurinventif. Sur une courte section de rail, le systèmed’aiguillage permet de surmonter les grandes variationsd’altitude du terrain et se fond parfaitement dansl’environnement naturel. Critère i

Avec son système d’aiguillage rare, la ligne ferroviaireconstitue une exception pour l’ensemble du continenteuropéen. Critère iii

Elle est unique de par la solution technique qu’elle apporteau problème d’élévation et elle représente un progrèstechnique en matière de transport et de sylviculture.

Critère iv

La ligne ferroviaire est actuellement menacée par unerapide mutation sociale, économique et technologique. Ilest nécessaire de la préserver en tant que monumenthistorique et technique ainsi que comme documentunique du progrès technologique. Critère v

Catégorie de bien

En termes de catégorie de biens, telles qu’elles sontdéfinies à l’article premier de la Convention du Patrimoinemondial de 1972, la ligne ferroviaire à aiguillage Kysuce-Orava est un site. Elle peut également être considéréecomme un paysage culturel linéaire, selon les termes desOrientations devant guider la mise en oeuvre de laConvention du Patrimoine mondial (1998), paragraphes35-39.

Histoire et description

Histoire

Le caractère géomorphologique de cette région pittoresquedu Nord-Ouest de la Slovaquie a déterminé sonoccupation. Elle est caractérisée par des villages kopaniceaux fermes éparpillées et s’éloignant progressivement pouratteindre les territoires déboisés. Du XVe au XVIIesiècles, ces établissements s’étendent lentement des valléesde Kysuce et d’Orava vers les hauteurs des Beskydes etdes Tatras. Sous l’impulsion de la loi “ Wallach ” qui offredes terres aux nouveaux arrivants investissant des zonesinhabitées et aux conditions climatiques et géographiquespeu favorables, la région est progressivement déforestée.La plupart des habitants y vivent de l’agriculture et de lasylviculture. La ligne ferroviaire à aiguillage traverse lesvillages de Nová Bystrica, Oravská Lesná et Zakamenné.

Au début du XXe siècle, les lignes ferroviaires des régionsforestières prolifèrent et représentent une avancéetechnologique importante en matière de sylviculture. Laligne ferroviaire Kysuce-Orava démarre en 1926 lorsque laligne de Košice entre Ošcadnica et Chmúra et la ligned’Orava entre Lokce et Erdutky sont réunies. Construitesentre 1915 et 1918 (avec un écartement de 760 mm), ellesétaient consacrées au transport du bois. La ligne deKysuce était alors reliée à Ošcadnica par une jonction à laligne principale Kysuce-Bohumín. La ligne d’Orava nepossédait pas de pareil jonction : les billes de bois devaientflotter le long de la rivière Biela Orava puis êtretransportées par une longue et pénible route. Afin derésoudre ce problème, l’Administration forestière d’Oravadécida d’établir une liaison de 10,5 km de long entreErdutky et Chmúra.

En 1925, les travaux sont entamés sur deux sections. Lapremière, de Gontkuly (Erdútky) au col des montagnesBeskydes, est droite mais la seconde, de Chmúra au col,présente des difficultés techniques considérables dans lamesure où elle nécessite une ascension de 217,69 m surune distance d’à peine 1 500 mètres. La complexité duterrain ne permettant pas d’utiliser la traditionnelle pistesinueuse, la société d’ingénierie (Dipl. Ing. L. et E. Gal deRuzomberok) opte alors pour la construction de trois culs-de-sac ou aiguillages, avec d’autres postes d’aiguillages àChmúra et au col. Les travaux s’achèvent en 1926 et laligne ferroviaire Kysuce-Orava entre en service sur 61 km,avec plusieurs embranchements totalisant 110 kilomètres.

Jusqu’au début des années 1970, la ligne est exploitée enpermanence, utilisant des locomotives à vapeur et deswagons ouverts spéciaux en bois. Puis la décision est prisede la démanteler totalement avant fin 1971 car, pour letransport du bois, cette méthode est beaucoup plusonéreuse que l’utilisation de véhicules routiers. Mais unecampagne farouche menée par des “ amis ” des lignesferroviaires à aiguillage, soutenue par l’Institut desMonuments historiques, parvient à sauver la section

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d’aiguillage, laquelle est placée sous la coupe de lacommission culturelle de l’Office National du District deCadca, et sous la responsabilité du Musée de Kysuce pourles questions administratives.

Description

La section préservée de la ligne ferroviaire à aiguillagerelie Chmúra à Tanecník ; de plus, la courte section situéeentre Chmúra et Kubatkovia a été entièrement reconstruitesur le rail d’origine. La longueur totale de la sectionpréservée faisant l’objet de la proposition d’inscription surla Liste du Patrimoine mondial couvre une distance de 11kilomètres.

Cette longueur comporte trois culs-de-sac ou aiguillages,munis de points, et une partie de piste tortueuse. Lesédifices préservés associés à la ligne comprennent le dépôtferroviaire de Chmúra ainsi que le hangar à locomotives etle dortoir des sylviculteurs près de Tanecník. La route estjalonnée de vingt ponts, dont trois à écluse.

Gestion et protection

Statut juridique

Le bien qui fait l’objet de cette proposition d’inscription sesitue dans les villages de Nová Bystrica, Oravska, Lesna etZakamenné. Nová Bystrica se trouve dans la Zone dePaysage Protégé de Kysuce et les trois autres villages setrouvent dans Zone de Paysage Protégé de Haute Orava.La section Kubátkovia-Beskydes (à Nová Bystrica) faitpartie du Musée d’architecture populaire de plein air deKysuce et il est protégé par la loi slovaque N° 109/1961relative aux “ Musées et Galeries ”.

La ligne ferroviaire à aiguillage a été déclarée monumentculturel en 1972 par les Offices d’Administration desDistricts de Cadca et Dolný Kubín conformément à la loiN° 7/1958. Elle est également régie par les provisions dela loi N° 27/1987 relative à la “ Préservation desMonuments par l’Etat ” en tant que partie intégrante dupatrimoine culturel de la République de Slovaquie (N°2713 et 2714 de la Liste Centrale des Monumentsculturels de la République slovaque).

Parmi les autres réglementations s’appliquant à tout oupartie de la ligne ferroviaire, citons la loi N° 50/1976 surles “ Codes d’aménagement du territoire ”, la loi N°43/1990 sur les “ Travaux préparatoires pour laconstruction d’édifices ”, la loi N° 61/1977 sur la“ Protection des forêts ” et la loi N° 100/1977 (amendéepar la loi N° 15/1944) sur la “ Gestion des forêts parl’administration gouvernementale ”.

Gestion

La ligne ferroviaire appartient à la République slovaque.

Lorsque le bien a été sauvé du démantèlement, denombreux débats se sont tenus sur la meilleure façon de legérer. Il fut finalement décidé que la meilleure solutionconsistait à intégrer la section Kubátkovia-Beskydes auMusée d’architecture populaire de plein air de Kysucedont la construction débuta en 1974. Une partie de la ligneferroviaire a été remise en service pour acheminer lesvisiteurs jusqu’au Musée. La section Beskydes-Tanecníkest gérée par le Musée d’Orava situé à Oravský Podzámok.

Conservation et Authenticité

Historique de la conservation

La restauration et la conservation systématiques datent de1972 (année pendant laquelle la ligne ferroviaire futdéclarée monument culturel) et elles se sont intensifiéesdepuis la création du Musée à ciel ouvert. En 1993-1994,le lit de la ligne endommagé, tous les ponts et certainesécluses furent rénovés sur la section Kubátkovia-Beskydes. Les rails furent également rénovés, les traversesdéfectueuses furent remplacées et une nouvelle plateformede ballast fut aménagée. Le toit de l’auberge dessylviculteurs près de Tanecník fut rénové.

Authenticité

L’authenticité de la majeure partie du tracé de la ligneferroviaire à aiguillage est incontestable : elle préservedans les moindres détails la forme et l’état qui étaient lessiens lorsqu’elle était en service. De nombreux effortsfurent déployés afin de garantir l’utilisation des matériauxet techniques appropriés lors de la restauration de lasection Kubátkovia-Beskydes, sur son alignementd’origine.

Evaluation

Action de l’ICOMOS

Une mission d’expertise ICOMOS-TICCIH a visité laligne ferroviaire à aiguillage Kysuce-Orava en mai 1996.

Caractéristiques

La ligne ferroviaire Kysuce-Orava est un exempleimportant et très bien préservé d’un type de chemin de fercréé en vue de gérer des déclivités importantes sur desterrains montagneux difficiles. Ce type de constructionétait courant au début du siècle mais nombre d’entre euxont été démantelés au cours de ces dernières décennies.

Analyse comparative

Les seuls biens comparables de ce type, autrefois fortsrépandus et à présent réduits à une poignée, qui ont étéidentifiés par l’Etat Partie dans le dossier de proposition

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d’inscription sont le Ferrocarril Central (Pérou) toujoursen service pour le fret et les usagers entre Callao et Oroya,puis divisé en deux sections vers Hencayo et Cerro dePasco, la ligne menant d’Antofagasta (Chili) à Salto(Argentine), actuellement réservée au fret, et le DarjeelingHimalayan Railway (Inde) utilisée à la fois pour le fret etpour les usagers.

Observations de l’ICOMOS

L’étude comparative internationale de 1998 Railways asWorld Heritage Sites, coordonnée par le NationalRailway Museum de York (Royaume-Uni) à la demandede l’ICOMOS, définit des critères d’évaluationspécifiques des lignes de chemin de fer historiques. Pourque leur proposition d’inscription sur la liste dupatrimoine mondial soit prise en considération, ces sitesdoivent répondre à l’un ou plusieurs des critèressuivants :

• Etre un ouvrage révélateur du génie créateurhumain ;

• Démontrer l’influence des innovations technologiquessur l’ouvrage et, inversement, l’influence del’ouvrage sur la technologie ;

• Etre un exemple éminent ou typique ;

• Illustrer l’évolution économique ou sociale.

L’ICOMOS reconnaît l’intérêt technologique de la ligneferroviaire à aiguillage Kysuce-Orava. Il félicite plusparticulièrement l’Etat partie pour les efforts qu’il afournis pour éviter que cet important monumenttechnologique ne soit démantelé. Toutefois, il considèreque la signification historique et technologique de cetteligne de chemin de fer est limitée et qu’elle n’est paséligible à l’inscription sur la base des critères spécifiquesdéfinis dans l’étude comparative de 1998.

Recommandation

Que ce bien ne soit pas inscrit sur la Liste du patrimoinemondial.

ICOMOS, septembre 1999

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Château de Mir (Bélarus)

No 625

Identification

Bien proposé Château de Mir (château des Radziwill)

Lieu Région de Grodno, district de Korelichi

État partie République de Bélarus

Date 1er octobre 1991

Justification émanant de l’État partie

La composition plastique subtilement nuancée duchâteau de Mir, dans le plus grand respect del’environnement, ses dimensions, sa conceptionartistique et ses couleurs, ainsi que l’harmonieusecombinaison de la conception originale et desdéveloppements ultérieurs, font que le château de Mirpeut prétendre au statut de chef d’œuvre unique et decréation exceptionnelle de plusieurs générations.

Ces mêmes facteurs, ainsi que l’originalité desfortifications, en font un remarquable exemple derésidence féodale fortifiée de la fin du Moyen Âge, toutdu moins pour les territoires slaves et la région de laBaltique.

Les éléments originaux du château reflètent certainesdes caractéristiques du gothique tardif biélorusse, qui sedéveloppa à partir des arts populaires sous laRenaissance en Europe de l’Est et fut influencé tant parla foi orthodoxe, prédominante dans la région, que pardes traditions païennes latentes. Chacun de ces facteursa contribué à façonner les caractéristiques propres augothique biélorusse, qui apparaissent dans lesproportions et les dimensions de la construction,adaptées à l’homme et à l’environnement, dans leraffinement de la décoration des divers éléments duchâteau en fonction de leurs attributions et de leurimportance (qui reflète certaines idées païennes sur lamagie des symboles) et dans l’utilisation pourl’ornementation de la façade d’une combinaisonoriginale de jeux d’ombres et de lumière, confrontés auxdifférentes textures des matériaux et à des couleursadoucies. Ces fonctions architecturales et artistiquesfont du château une construction fortifiée unique en songenre. Cette tendance originale de l’architecture fut plustard supplantée par les écoles occidentales, dontl’influence s’étendit parallèlement à l’expansion ducatholicisme romain. Dans le château de Mir, certainsaménagements ultérieurs conformes aux principes de laRenaissance italienne furent cependant adaptés à laconception d’origine grâce à l’usage de méthodes et detraditions artistiques locales.

Par ailleurs, le château de Mir n’a pour ainsi dire faitl’objet d’aucune stylisation ou reconstruction imitative.Toutes les caractéristiques étrangères sont visiblementauthentiques. Le projet actuellement en cours envisagela préservation, la conservation, la restaurationscientifique sélective de divers éléments d’origine etdéveloppements ultérieurs et, en outre, l’ouverture dusite aux visiteurs. Critères i, iii et iv

Catégorie de bien

Aux termes des catégories de biens culturels, tellesqu’elles sont définies à l’article premier de laConvention du Patrimoine mondial de 1972, il s’agitd’un monument.

Histoire et description

Histoire

Le château a été construit à la fin du XVe siècle ou audébut du XVIe (la première référence qui y est faiteremonte à 1531) par la famille Ilyinichi. Les travauxinitiaux concernaient la construction des murailles etdes tours, mais ils furent interrompus pour une raisoninconnue. Au début du XVIIe siècle, la construction futachevée grâce à l’ajout d’une résidence palatialeprésentant quelques traits de la Renaissance (dont unjardin de style italien) après que la famille Radziwill eneut pris possession en 1569. Ces travaux furentprobablement réalisés sous la direction de l’architecteitalien Gian Maria Bernardoni.

À la suite de sièges en 1655 et en 1706, des travaux dereconstruction ajoutèrent au château quelquescaractéristiques baroques. Il fut gravement endommagésous la période napoléonienne, en 1794 et à nouveau en1812, et resta dans un état d’abandon et de décrépitudejusqu’aux années 1920, époque à laquelle des travauxde restauration furent entrepris, lesquels ajoutèrentcertains éléments typiques de la sécession. Pendant laSeconde Guerre mondiale, il servit de camp deprisonniers et de ghetto. La restauration à proprementparler ne recommença qu’en 1982.

Description

Le château de Mir est situé sur la rive d’un petit lac, auconfluent de la rivière Mirianka et d’un petit affluent.

Ses murailles fortifiées forment un quadrilatèreirrégulier ; il y a quatre tours d’angle extérieures dotéesde toits en croupe s’élevant sur cinq étages et une tour-porte extérieure de six étages du côté ouest. Toutes lestours ont des sous-sols aux plafonds voûtés ; les rez-de-chaussée et les étages inférieurs sont quadrilatéraux, lesétages supérieurs octogonaux. Les étages supérieursprésentaient jadis des plafonds de bois, mais ceux-cifurent ensuite remplacés par des voûtes de briques.

Les façades sont en briques, avec un plâtrage encastré.À la fin du XVIe siècle, des éléments de pierre furentajoutés. Les huisseries et les balcons sont en grès. Quantaux toits, ils sont couverts de tuiles, dont certainesvernies.

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Quelques traces des remparts originaux subsistent àl’ouest, au nord et à l’est. La surface totale du château,telle qu’elle est proposée pour inscription, fait 18,750m², et le complexe dans son ensemble, château et parccompris, couvre 27 hectares.

Gestion et protection

Statut juridique

Le bien est inscrit sur la Liste nationale des monumentsd’urbanisme et d’architecture de la république deBélarus.

Gestion

Le château de Mir appartient au Musée national des artsde la république de Bélarus, à qui incombe égalementson administration. Il est géré par l’Agence régionale deMinsk.

Évaluation

L’ICOMOS a commandé une étude comparative, quidevrait être très bientôt prête. Une mission d’expertisedoit être envoyée pour évaluer le bien dans les plusbrefs délais.

Toutefois, le dossier de proposition d’inscription dontl’ICOMOS dispose a été soumis à la fin de l’année1991. A l’époque, un projet majeur de restauration étaiten cours. L’ICOMOS souhaite disposer d’un rapport àjour sur le bien, touchant à son statut juridique, lapropriété, la gestion et l’historique de la conservation, etaccompagné des plans, photographies et diapositivespertinents. Au moment où cette évaluation a étépréparée pour l’impression , aucun document n’estparvenu de l’Etat partie.

Recommandation

Dans l’attente qu’un dossier d’inscription actualisé soitfourni.

ICOMOS, septembre 1999

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Les beffrois flamands (Belgique)

No 943

Identification

Bien proposé Les beffrois flamands

Lieu Flandre

État Partie Belgique

Date 1er juillet 1998

Justification émanant de l'État Partie

Les beffrois sont - avec la halle - d’éminents etpremiers représentants de l’architecture civile etpublique. L’évolution de la forme de « donjonseigneurial » à celle de « donjon communal » est à ceniveau significative. Les beffrois d’église témoignentpar ailleurs, dans certaines régions comme le Brabanthistorique, des relations, au sein de la commune, entrele pouvoir civil et religieux. De par la variété au seinde leur typologie « fonctionnelle » et l’évolutionrelative de leurs formes, les beffrois – et complexesdont ils font le plus souvent partie – représentent doncun élément capital de l’architecture civile à partir duXIIIe siècle. Critère ii

Les beffrois flamands font partie d’un groupe deconstructions uniques témoignant de l’origine et del’évolution de l’autonomie communale qui a marquél’histoire de la Flandre à partir du Moyen Age. Cesbeffrois incarnent, de manière unique, une volontéd’émancipation résultant en une démocratie localesignificative dans l’histoire de l’humanité. Leurévolution est révélatrice en soi puisque intimementliée aux aléas de l’histoire d’une région au cœur del’Europe. Critère iv

[Note Ce texte est une version abrégée du texte quifigure dans le dossier de proposition d’inscription.]

Catégorie de bien

En termes de catégories de biens culturels, tellesqu’elles sont définies à l'article premier de laConvention du Patrimoine mondial de 1972, le bienproposé est un ensemble.

Histoire et Description

Histoire

Le terme beffroi est assez peu défini à l'origine.Désignant au départ les tours de bois mobiles utiliséesdurant les sièges, le terme s'applique dans le

Dictionnaire raisonné de l'architecture française deViollet- le-Duc, aux tours de guet en bois despremières palissades entourant les portus ou centrespré-urbains. Il s'appliquera parfois à toute forme detours mais plus précisément celle abritant les clochesou à la limite seulement du clocher.

Palissades, cloches et droit de cloche sont étroitementassociés au développement de la vie urbaine quis'opéra dans nos régions après les raids normands duIXe siècle. La situation géographique favorable aucœur de l'Europe, le rétablissement ou développementde grands axes tels que celui de Bruges - Cologne etl'amélioration des voies navigables à échelle régionaleet internationale, en firent un lieu propice aux contactset échanges commerciaux et culturels. Les marchandsambulants, réapparurent, commencèrent peut-être às'organiser et à fixer leurs entrepôts à proximité descastra des seigneurs féodaux. Ces noyaux pré-urbains,souvent établis le long des vallées fluviales, sont àl'origine des villes telles que Tournai et Gand, le longde l'Escaut. La jonction de routes et de voiesnavigables fut particulièrement favorable àl'organisation de marchés d'abord temporaires, et plustard de foires permanentes incitant les marchands às'installer sur place. Par ailleurs, l'industrie drapièresemble s'être développée dès le XIe siècle, dans depetits centres tels que Lille, Ypres, Bruges, Gand, etc.Commerce et industrie drapière devinrent les facteursde développement essentiels du noyau pré-urbain quicommença à s'affirmer comme entité organisée, via lesassociations professionnelles - guildes, corporations -et à se délimiter par des remparts/palissades, avec"beffrois", destinés à assurer la sécurité contre lespillards. Les remparts seront souvent construits "endur" au XIIe siècle et étendus par la suite.

Ce développement se fit sous la protection, dûmentrétribuée des castra, dont l'importance et le rôlediminuèrent progressivement, jusqu'à la récupération,dans certains cas, des châteaux abandonnés, par les"bourgeois" du lieu, comme à Gand et Anvers. Unetelle évolution montre les conflits irrémédiables quiopposèrent châtelains et "bourgeois" désireux des'organiser en "commune " avec une administrationpropre. Les comtes de Flandre successifs favorisèrentles bourgeois à partir du XIe siècle, ce qui donna lieu,d'Arras à Bruges, à l'éclosion au cours du XIIe sièclede villes florissantes qui réclamèrent des preuvesécrites de leurs droits et privilèges, sous forme de"chartes". Ces chartes, délivrées à partir du XIIe

siècle, sont extrêmement diverses et fragmentaires etd'ordre pratique, confirmant souvent peu à peu etlégalement un état de fait.

La commune était en fait constituée par l'ensemble desbourgeois, vivant dans la ville et ayant prêté sermentde fidélité. A sa tête, se trouvaient les magistrats élus,les échevins, scabini aux fonctions administratives, etle "mayeur", sans pouvoirs spéciaux ; le premier deséchevins occupait une place importante puisqu'ilprésidait le tribunal et les réunions administratives,gardait les sceaux de la ville, les clés des portes etcommandait la milice communale qui devait le "ban"au suzerain. En tant que "seigneur féodal", lacommune avait d'autres obligations envers le seigneur,telle que le paiement d'aides pour les quatre cassuivants :

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- départ pour la croisade ;

- chevalerie du fils aîné ;

- dote de la fille aînée ;

- rançon du seigneur prisonnier.

Le seigneur, en contrepartie, jurait de protéger lacommune et de respecter ses droits.

Nombre de beffrois actuels ont été précédés par uneconstruction en bois, le plus souvent disparue lorsd'un incendie et seulement connue par les archives quine les décrivent pas. Le beffroi à destinationmultifonctionnelle fut rapidement construit en durpour éviter qu'il fût à nouveau incendié. Son volumes'imposa comme élément isolé, central ou latéral deshalles - ou marchés couverts - elles aussi rapidementconstruites en pierre.

Description

Le type des premiers beffrois XIIIe - début XIVe

siècles s'apparente à celui des donjons seigneuriauxdont il emprunte la forme carrée et massive,l'élévation à baies parcimonieuses et l'étagement deniveaux voûtés ou destinés à l'être. La souche setermine par le chemin de ronde bordé d'un parapetentre échauguettes ; la flèche centrale présente unetoiture ardoisée à campanile et amortissement deformes variables. Les épis des tourelles d'angle et dusommet sont garnis d'animaux ou de personnagessymboliques protégeant la commune.

Le beffroi d'Ypres du XIIIe siècle représente bien cetype, encore qu'il soit intégré dans le complexe de lahalle, comprenant plus tard l'Hôtel de ville, dont laconstruction dura jusqu'au XVIIe. La majorité desexemples s'échelonne sur les XIVe-XVe et XVIe-XVIIe siècles illustrant de la sorte le passage de latransition romano-gothique au gothique plus tardif,qui se mêle par la suite aux formes Renaissance etbaroques.

Le type du beffroi de Gand du XIVe, offre un typetransitoire sur le plan rectangulaire, et développe déjàun volume plus élancé.

Les beffrois abandonneront aux XIVe-XVe sièclesleurs allures de donjon pour adopter davantage cellesde tours à surface plus réduite et souche élancée, telsque ceux de Termonde, Lierre et Alost. L'insertion parla suite, au-dessus de la souche, d'un volume plus petitet de forme différente, servant de soubassement aucampanile, contribuera à conférer à l'ensemble lamonumentalité désirée, de plus la toiture mêmeadoptera des formes bulbeuses parfois étirées, commeà Furnes (XVIIe). Comme déjà indiqué, cescouronnements furent sujets à des réparations etmême à des transformations multiples auxquelless'applique dès lors une autre chronologie que celle dela souche qui reste l'élément constant.

Lorsque les halles et beffrois devinrent insuffisantspour héberger les lieux de réunions échevinales,s'imposa alors un nouveau type, celui de l'Hôtel deville, clairement conçu en fonction de l'organisation

administrative et assumant à partir du XVe et XVIe

siècle un rôle représentatif évident, obtenu parl'intégration du beffroi symbolique comme Bruxelleset Audenarde par exemple.

Dans l’Hôtel de ville d'Anvers de 1564, exemple parexcellence de la transposition des principes de laRenaissance, le risalithe central avec superposition deregistres dégressifs flanqués d'obélisques et volutes etamortis d'un fronton, reprend en fait le thème dubeffroi central.

Le XXe siècle sera confronté aux problèmes de lareconstruction après les deux guerres mondiales. Lareconstruction du beffroi et de la halle d'Ypres aprèsla Première Guerre mondiale, déchaîna les polémiquesau niveau international et se termina par unereconstruction à l'identique basée sur les relevésprécédant la restauration en cour au moment de laguerre. Le même type de reconstruction"archéologique" fut appliqué à Nieuport. Dans cettemême période de l'entre-deux guerres se construisentde nouveaux Hôtels de ville à beffroi, présentant desvariations sur les principes du régionalisme àDixmude et Eeklo, mêlés à des formes modernistes àRoulers. Ils présentent dans les trois cas une valeursymbolique évidente et nuancée selon l'endroit : lebeffroi de Roeselare étant destiné à célébrer larenaissance de la ville après les destructions de 1914-1918, et à renouer avec la tradition du beffroi disparuau XVIIIe siècle. A Eeklo, qui n'avait jusque là qu'unbeffroi d'église, l'extension nécessaire de l'Hôtel deville servit de point de départ à la construction d'unbeffroi destiné en même temps à la commémorationdes morts pour la patrie. La reconstruction après laSeconde Guerre mondiale, suscita à Ostende undéplacement de la fonction d'Hôtel de ville sinistré,avec beffroi, vers la périphérie. Au centre même, le"Palais des Fêtes" fut construit sur la même parcelle,reprenant à l'angle le thème du beffroi dont le profilsobre et extrêmement stylisé s'associe encore à l'imagetraditionnelle.

Les exemples de beffrois conservés présentent unetypologie variée avec deux catégories de base, à savoir:

1. les beffrois (de halles) civils ;

2. les beffrois d'églises.

Les beffrois des vingt-quatre villes suivantes sontproposés pour inscription sur la Liste du patrimoinemondial :

Aalst (Alost)Antwerpen (Anvers)Brugge (Bruges)Dendermonde (Termonde)Dijksmuide (Dixmude)EekloGent (Gand)HerentalsIeper (Ypres)Kortrijk (Courtrai)Lier (Lierre)Leuven (Louvain)Lo-Reninge

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Mechelen (Malines)Menen (Menin)Nieuwpoort (Nieuport)Oudenaarde (Audenarde)Roeselare (Rosiers)Sint-Truiden (Saint-Trond)TieltTienen (Tirlemont)Tongeren (Tongres)Veurne (Furnes)Zoutleeuw (Léau)

Gestion et Protection

Statut juridique

Les beffrois de halle et d'église, font partie d'uncomplexe ou édifice qui est protégé commemonument historique dans son intégralité et est deplus parfois compris dans un site urbain protégé, cequi renforce le rôle de la division des Monuments etSites.

Les arrêtés de protection légale comme monumentdatent tous de la première période d'application de lapremière loi sur la Conservation des Monuments etSites de 1931, ce qui prouve que les beffroisrépondaient aux critères imposés, tant pour leursvaleurs artistique qu’historique et archéologique.

Les arrêtés de protection s'appliquent à la totalité desédifices et complexes, sauf à Menin où un arrêtésupplémentaire a protégé, environ un an plus tard,l'Hôtel de ville accolé au beffroi.

Les arrêtés de protection s'appliquent à des halles avecbeffrois sinistrées, à peine reconstruites comme àNieuport ou en cours de reconstruction comme àLeper, ce qui confirme la valeur attribuée à une telleopération.

Les protections du site urbain environnant, renduespossibles suite au décret du 3 mars 1976, restentexceptionnelles et couvrent des superficies variablesallant de la place du marché, comme à Malines (1985)ou Termonde (1996), au centre historique de Lo ou deFurnes (1995).

Le site entourant le complexe du beffroi de Gandcomprend une concentration de monuments protégésindividuellement par arrêtés successifs.

Sans les mentionner explicitement, les biensmobiliers, immeubles par destination sont comprisdans la protection ; au niveau des beffrois, il s'agit enparticulier de leurs éléments déterminants tels quel'horloge, les cloches, et les carillons.

Des dossiers de protection sont à l'étude pourDixmude et Roulers, appartenant au "jeunepatrimoine". Ces protections ont été différées jusqu'ànos jours parce que l'inventaire global du patrimoinearchitectural, servant de base pour toute comparaisonet évaluation, n'était pas encore commencé dans larégion.Il convient de souligner que les deux édifices publics,qui ne sont pas menacés, sont compris, dans le plan de

secteur, dans la délimitation de la zone d'habitat ayantune valeur culturelle, historique et/ou esthétique, ouzone C.H.E. - ce qui leur assure une forme deprotection. Ils sont de plus situés à proximité d'un oude plusieurs monuments protégés.

Pour Roeselare, l'inventaire commencé en novembre1997, permet d'ores et déjà de cerner l'importance etl'impact du "nouvel Hôtel de ville avec beffroi" dansl'environnement immédiat qu'est la Grand Place ; Ledossier de protection se constitue maintenant à partirdes constatations et recherches de l'équipe quiproposera une protection du site urbain et de l'hôtel deville comme monument spécifique de cet ensemble dela Grand Place.

Pour Dixmude, une demande de protection introduitepar l'Administration communale est demeurée sanssuite, en partie parce que le problème ne semblait pasurgent, le beffroi et l'hôtel de ville n'étant d'aucunepart menacés. Dans le contexte de la propositiond'inscription, comme élément du "phénomène beffroisflamands", il est évident que ce dossier est traité demanière prioritaire.

Gestion

Au niveau de la communauté flamande, la divisiondes Monuments et Sites et les cellules ad hoc, sontimpliquées dans la gestion générale puisque lesbeffrois et leurs complexes sont des monumentsprotégés ; elles interviennent comme indiqué dans lesquestions d'entretien, de conservation/restauration aumoment de la préparation des dossiers, de l'exécutiondes travaux et de l'examen des rapports annuelsimposés par la suite.

La division des Monuments et Sites s'occupe dufinancement des travaux d'entretien et de restaurationet doit veiller à proposer en temps voulu les sommesnécessaires à inscrire au budget annuel du ministreresponsable.

Au niveau local, l'Administration communale,représentée par son collège de bourgmestre etéchevins et, nommément par le bourgmestre et lesecrétaire communal est responsable de la gestion.Selon les cas, cette administration confie la gestionquotidienne à un ou plusieurs de ses services, selon ladestination actuelle du beffroi.

Les plus souvent concernés sont les services de laCulture pour la gestion "fonctionnelle" et les servicesTechniques pour le contrôle "physique" du bâtiment etson entretien "quotidien". Dans les villes dotées d'unpropre service des monuments, comme à Anvers,Bruges, Gand et Malines, il va de soi que ceux-ci sontassociés à la gestion et qu'ils travaillent en étroitecollaboration avec les cellules ad hoc de la divisionMonuments et Sites, pour la préparation et le suivi desdifférents dossiers.

Conservation et Authenticité

Historique de la conservation

Les beffrois flamands sont à la fois des édificescommunaux et des symboles. A ce titre ils ont été

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l'objet d'un entretien constant. Leur édification s'estsouvent réalisée en plusieurs phases, mais ils onttoujours été maintenus en état dans leur globalité.Certains touchés par la guerre ont été reconstruitsgénéralement à l'identique. Tous sont protégés au titredes monuments historiques soit en tant que monumentseul ou associé à un édifice, voire à une place ou unsite urbain.

Authenticité

Compte tenu du nombre des édifices considérés (24),il serait fastidieux, voire impossible d'analyser ici leurdegré d'authenticité matérielle. On pourrait soutenirque l'authenticité de ces monuments ne peut semesurer en termes matériels mais plutôt enconsidérant leur valeur symbolique et la permanencede leur existence. Les plus anciens sont connus dès leXIIIe siècle et l'on en a construit jusqu'au XXe siècle.

La plupart de ces beffrois ont été construits enplusieurs campagnes qui dans certains cas témoignentdes aléas économiques de la cité à travers l'histoire. Laguerre, en particulier celle de 1914-18, en a détruitplusieurs qui ont été reconstruits généralement àl'identique ce qui démontre leur valeur dereprésentation de la permanence communale. Pas plusque l'on ne conteste l'authenticité du centre deVarsovie totalement reconstitué après la dernièreguerre, on ne peut contester l'authenticité des halles etdu beffroi d'Ypres.

Évaluation

Action de l'ICOMOS

Une mission d’expertise de l’ICOMOS s’est rendueen Flandre en mars 1999.

Caractéristiques

Il n'y a aucun doute sur le caractère tout à faitparticulier des beffrois flamands. La localisation desces œuvres dans l'ancien comté de Flandre est unphénomène propre à cette région. Les limites de cecomté débordent aujourd'hui sur les Pays-Bas, laFrance et la province belge de Wallonie. Dans cesdifférentes régions se trouvent également des beffrois,il s'agit donc bien d'une tradition propre à la Flandre.

Analyse comparative

Les beffrois constituent un ensemble qui ne peut êtrecomparé qu'à lui-même. Tout au plus peut-on parlerdes éléments qu'il a pu inspirer. Dans le passé, leséchanges entre cités hanséatiques n'étaient passeulement commerciaux, les villes de Flandre ontinspiré des réalisations de beffrois en Pologne. Plusprès de nous, la construction de la "Tour Perret" àAmiens au lendemain de la dernière guerre ou la tourde l'Hôtel de ville du Havre du même architecte sontdirectement inspirées des beffrois flamands même sileur vocation campanaire n'a pas été reprise.

Observations de l’ICOMOS

Si l’ICOMOS n’émet aucune réserve quant à la valeurdes beffrois flamands, il est cependant conscientqu’ils représentent un phénomène caractéristique del’ancien comté de Flandre et non pas simplement desprovinces belges modernes de Flandre-Occidentale etde Flandre-Orientale. Comme ceci a déjà été souligné,on trouve de beaux exemples dans la province belgewallonne.

Brève description

Cette proposition d’inscription consiste en une sériede vingt-quatre beffrois d’origine médiévale quidépendent généralement de l’hôtel de ville et plusrarement d’une église. Ces édifices sont toujourssitués en milieu urbain.

Recommandation

Cette proposition d’inscription a été renvoyée à l’Etatpartie en lui demandant d’étendre la propositiond’inscription pour inclure des exemples importants debeffrois de la région belge wallonne. Au moment oùcette évaluation est préparée pour l’impression, l’Etatpartie n’a fourni aucune information complémentaire.

ICOMOS, septembre 1999

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Mostar (Bosnie Herzégovine)

No 946

Identification

Bien proposé La vieille ville de Mostar

Lieu Canton de Neretva-Herzégovine

Etat partie Fédération de Bosnie etHerzégovine

Date 15 juillet 1998

Justification émanant de l’Etat partie

Mostar est le fruit de l’interaction entre un phénomènenaturel et la créativité de l’homme au cours de l’histoire.Les caractéristiques des paysages culturels du sud-est del’Europe sont un phénomène universel qui appartient àl’humanité tout entière. La valeur culturelle et historiquedu vieux Mostar offre une harmonie totale entre lesstructures bâties et l’environnement naturel de laNeretva. L'agglomération urbaine est née au XVIesiècle, à l’apogée de l’Empire ottoman, autour du vieuxpont, merveille technologique de ce temps révolu.

Au cours des siècles, des vagues successivesd’expressions artistiques et plastiques ont embelli lavieille ville, en particulier à la fin du XIXe siècle et audébut du XXe siècle, sous l’influence de l’Empireaustro-hongrois et de l’architecture d’Europe centrale.

Le développement durable de la région a été mis enpéril par les destructions humaines et les dévastationscausées par la guerre. Mostar a toujours suscité l’intérêtdu public tant au plan local qu’au plan international,comme en témoignent de nombreux documentshistoriques et ce, jusqu’à nos jours, où se manifeste ànouveau un regain d’intérêt. Des études ont été menéessur les origines des différents styles ainsi que sur leurexpression, leur harmonie dans l’espace et leurpréservation.

La protection, l’entretien, la réglementation et la relancede l’activité du centre historique supposentl’engagement d’un processus à long terme. Jusqu’àprésent, les études portant sur ce sujet se sont limitées àquelques comptes-rendus succincts, quelques référenceslittéraires éparpillées et quelques interventions à desconférences. Pour toutes ces raisons, au nom desprincipes relatifs à l’importance de la préservation desvestiges matériels du passé, en particulier le patrimoinearchitectural, et aussi à cause de l’impression erronéeque cette partie de la ville n’est plus d’actualité et doitdisparaître du paysage historique, l’UNESCO et lacommunauté internationale doivent accepter la

justification de cette proposition, d’autant plus que lesvestiges préservés de la vieille ville offrent aussi uncaractère urbain. Ils ont été intégrés au tissu urbain de laville de Mostar comme faisant partie intégrante de laculture européenne. Le centre historique et les zonesenvironnantes symbolisent la vie civilisée. Cela justifiepresque automatiquement l’existence de la ville commel’une des sources premières de l’identité et de l’histoirecommune de la Bosnie et de l’Herzégovine.

La destruction de la ville a privé le visiteur cosmopolitedu repos de l’âme et du corps qu’offrait cette ville, et dela possibilité de plonger dans son propre passé. Lepaysage urbain vivant de Mostar est une classe à cielouvert pour les jeunes et le lieu pour eux d’évaluer leurpropre destinée.

[Remarque L’Etat partie ne précise pas les critères autitre desquels il demande l’inscription du bien sur laliste du Patrimoine mondial.]

Catégorie de bien

En termes de catégories de biens, telles qu’elles sontdéfinies à l’article premier de la Convention duPatrimoine mondial de 1972, le bien proposé est unensemble.

Histoire et description

Histoire

L’occupation humaine sur la Neretva, entre les hauteursdu Hum et les pentes de la Velez, remonte à lapréhistoire, comme en témoignent les enceintesfortifiées et les nécropoles. Les vestiges de la présenceromaine sont enfouis sous la ville actuelle.

On sait peu de choses de Mostar au Moyen Age, maisles basiliques chrétiennes de la fin de l’antiquité sonttoujours utilisées. Le nom de Mostar apparaît pour lapremière fois dans un document de 1474, du nom desgardiens du pont, les mostari : cela fait référence àl’existence d’un pont de bois qu’empruntaient lessoldats, les commerçants et les autres voyageurs pour serendre dans la ville marchande située sur la rive gauchede la rivière. A l’époque, c’était le siège d’un kadiluk(district avec un juge régional). Du fait qu’elle setrouvait sur la route commerciale entre l’Adriatique etles riches régions minières du centre de la Bosnie, labourgade s’étendit de l’autre côté du pont sur la rivedroite de la Neretva. Elle devint la première ville dusandjak de l’Herzégovine et, avec l’arrivé des Ottomans,le centre du gouvernement turc.

La ville fut fortifiée entre 1520 et 1566 et le pontreconstruit en pierre. La deuxième moitié du XVIesiècle et le début du XVIIe furent les périodes les plusimportantes du développement de Mostar. Onconstruisit des bâtiments religieux et publics tels quedes mosquées, une medersa (école islamique) et unhammam (bains publics). Ces constructions setrouvaient sur la rive gauche de la rivière, dans unensemble religieux (kullia). Dans le même temps, de

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nombreux bâtiments commerciaux et privés, organiséspar quartier, appelés les mahalas (résidentiel), et lebazar, furent érigés.

La Bosnie-Herzégovine fut d’abord occupée (1878) puisannexée (1908) par l’empire austro-hongrois. C’est àcette époque que de nombreux bâtiments administratifs,militaires, culturels et chrétiens furent construits. Ilsétaient essentiellement bâtis sur la rive droite, où unnouveau quartier s’est élevé selon le plan “Rondo”. Cequartier est très différent de celui de la rive gauche où laville a grandit en s’accrochant aux pentes des collines,formant des rues étroites et des espaces publics occupéspar des marchés (pazar), des lieux de loisir (mejdan), etde prière (musallah). A l’époque, une voie de chemin defer et de nouvelles routes relaient Mostar à Sarajevo et àl’Adriatique.

Description

La zone proposée pour inscription s’étend sur les deuxrives de la Neretva, avec le pont au centre.

La rivière Radobolja est très importante pour la ville.Elle se jette dans la Neretva sur sa rive droite et offritune source d’eau qui accompagna le développementurbain. De ce cours d’eau partaient des petits canauxd’irrigation sur lesquels tournaient des moulins à eau.

Le bazar se trouvait au centre de la ville qui s’étendaitdes deux côtés de la rivière, les deux parties étant reliéespar le pont. A partir de là partait un dédale de rues quiformaient les mahalas. Ce système a étéconsidérablement modifié pendant la période austro-hongroise avec la construction de nouveaux quartiersselon les principes européens d’urbanisation ainsi quedes nouveaux ponts sur la rivière.

La zone proposée pour inscription renferme denombreux bâtiments historiques importants. Sur lestreize mosquées d’origine construites aux XVIe etXVIIe siècles, sept ont été détruites au cours de ce sièclepour des raisons idéologiques ou par lesbombardements. Une des églises deux orthodoxes duXIXe siècle a disparu et la synagogue du début du XXesiècle a été gravement endommagée pendant la secondeguerre mondiale, puis transformée en théâtre.

Plusieurs hôtels de voyageurs de l’époque ottomanesubsistent aussi, avec d’autres bâtiments de la mêmepériode de l’histoire de Mostar, tels que des fontaines etdes écoles.

Les bâtiments administratifs appartiennent tous à lapériode austro-hongroise et présentent des stylesnéoclassique et sécessionniste.

Il reste quelques villas de l’époque ottomane (XVIIIe etdébut XIXe siècle) qui présentent les principalescaractéristiques de cette forme d’architecture : entrée,étage supérieur réservé à l’habitation, cour pavée,véranda sur un ou deux niveaux. Les villas de la fin duXIXe siècle sont toutes de style néoclassique.

Certains anciens bâtiments industriels et commerciauxsont également encore nombreux, en particulier des

boutiques basses en bois et pierre, des entrepôts enpierre et un groupe d’anciennes tanneries bâties autourd’une cour. Là encore, les bâtiments commerciaux du19e siècle sont essentiellement de style néoclassique.Certains éléments des premières fortifications sontencore visibles. La tour Hercegusa date de la périodemédiévale, tandis que les défenses ottomanes sontreprésentées par les tours Halebinovka et Tara, les toursde guet surplombant l’extrémité du vieux pont, et uneportion des remparts.

Gestion et protection

Statut juridique

La ville historique de Mostar est protégée par la Loi de1985 sur la Protection et l’utilisation du patrimoineculturel, historique et naturel de Bosnie etd’Herzégovine, les statuts provisoires de 1996 sur laville de Mostar et la Loi de 1998 sur l’eau. En 1998 leconseil municipal de Mostar a voté une série derèglements relatifs à la réhabilitation et à la conservationdes bâtiments dans la zone protégée de la ville,interdisant toute intervention non autorisée.

Gestion

Les formes de propriété de la zone proposée pourinscription sont variables – organes gouvernementaux,communautés religieuses, institutions et particuliers.

Au niveau national, le contrôle général est exercé par leCentre du Patrimoine de Bosnie et d’Herzégovine qui setrouve à Sarajevo. La responsabilité directe au niveaurégional incombe à l’Institut pour la Protection duPatrimoine Culturel Historique et Naturel, situé àMostar. Cet organisme collabore avec l’Institut del’Urbanisme et de la Planification de l’Espace basé àMostar et la municipalité de Stari Grad, et travaille aussiétroitement avec la Fondation du vieux Mostar et leCentre de Recherche pour l’Histoire, l’Art et la CultureIslamique d’Istanbul (Turquie).

Toutes les demandes d’autorisation de projets entrantdans le cadre des dispositions municipales doivent êtresoumises à la municipalité de Stari Grad. Elles sontétudiées par l’Institut pour la Protection du PatrimoineCulturel, Historique et Naturel qui soumet sesrecommandations à la municipalité qui prend la décisionfinale.

Un plan de Réhabilitation de l’UNESCO a été entreprisen 1997 et la Fondation Aga Khan a elle aussi produitun plan directeur et entrepris des études approfondiespour la réhabilitation de monuments importants et dequartiers sur les deux rives. Toutefois, il n’y a pas deplan de gestion global actuellement en vigueur pour lecentre historique de Mostar.

Conservation et authenticité

Historique de la conservation

Les premières étapes de l’histoire de la conservation deMostar remontent à 1878, lorsque le Grand vizir

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promulgua un décret « interdisant l’exportationd’antiquités et la destruction des bâtiments anciens. »La vieille ville a subi de graves dommages pendant ladeuxième guerre mondiale. Une série de lois votéesentre 1945 et 1965 fournissent la base d’une politiquede conservation des bâtiments historiques et leur étudescientifique. Plusieurs institutions chargées de cesquestions ont été créées à Mostar. Un certain nombre degrands projets de restauration ont été entrepris pendantcette période, entre autres, la reconstruction de lamedersa de Koski Mehmed Pasha et du vieux pont.

Les hostilités qui se sont déclarées au début des années1990 ont entraîné la destruction systématique d’unegrande partie de la vieille ville par les bombardements etles incendies en 1992-95, accompagnée d’unedéstabilisation structurelle du bâti et des détériorationscausées par l’abandon. Parmi les structures totalementou partiellement détruites, il y avait le vieux pont avecses tours, les anciens entrepôts et magasins près du pont,toutes les mosquées à dômes, de nombreux autresbâtiments islamiques et un certain nombre de bâtimentsadministratifs austro-hongrois.

Certains des travaux de reconstruction réalisés, enparticulier par des institutions religieuses et desfondations humanitaires étrangères, sont franchementdécrits par l’Etat partie dans le dossier de propositioncomme étant contraires aux principes reconnus de laconservation. De plus, de nombreux bâtiments ont étéérigés qui ne répondent pas aux exigences d’un centreville historique.

Authenticité

Sur la base du test d’authenticité, tel que défini auparagraphe 24.b.i des Orientations devant guider lamise en œuvre de la convention du patrimoine mondial,nous émettons des réserves importantes quant àl’authenticité de Mostar. En terme d’authenticité deconception et de paysage, la vieille ville peut êtreconsidérée comme acceptable, car le site del’établissement médiéval est encore occupé et le tissuurbain qui s’est développé pendant les périodesottomane et austro-hongroise se distingue encorerelativement clairement.

Toutefois, comme le montre le chapitre précédent, lareconstruction de Mostar est assez importante, du faitdes destructions causées pendant la guerre, et l’Etatpartie lui-même conteste l’authenticité des matériaux etdes techniques mises en œuvre pour une grande partiede ces travaux. De plus, la part de bâtiments reconstruitsest élevée ; ce commentaire s’applique à bon nombredes bâtiments islamiques les plus importants et aucélèbre vieux pont.

Evaluation

Action de l’ICOMOS

Une mission d’expertise de l’ICOMOS a visité Mostaren février 1999. L’ICOMOS a également consulté sonComité scientifique international sur les villes et villageshistoriques.

Caractéristiques

Mostar est une ville historique de grande importance quireprésente la rencontre des cultures orientale eteuropéenne, comme en témoigne la présence dupatrimoine ottoman et des monuments de la périodeaustro-hongroise. Son cadre naturel est exceptionnel.Les gorges de la Neretva et l’établissement humain ontévolué harmonieusement.

Analyse comparative

La comparaison s’impose avec Sarajevo (égalementproposée pour inscription en 1999). Les deux villes sonttoutes deux des villes frontières ottomanes du XVesiècle fondées sur des axes commerciaux qui ont connuune économie florissante au XVIe siècle et ont conservédes traces importantes de leur passé islamique, malgrél’européanisation qui se produisit lors de la brève maisinfluente occupation austro-hongroise. Enfin, toutesdeux ont subi d’énormes dommages entre 1992 et 1995pendant une période de violentes hostilités.

Toutefois, il y a une différence significative entre lesdeux villes qui provient du site spectaculaire de Mostaret de la symbiose entre l’établissement humain et lecadre naturel.

Recommandations de l’ICOMOS pour des actionsfutures

L’absence de plan de gestion pour Mostar est gênante,surtout à la lumière de quelques-uns des commentairesfaits par l’Etat partie dans le dossier de propositiond’inscription concernant la qualité et la nature dequelques-uns des projets de restauration et dereconstruction qui ont été réalisés depuis 1995.L’ICOMOS est incapable de faire des recommandationsconcernant cette proposition d’inscription tant qu’unplan de gestion n’aura pas été préparé et tant qu’iln’aura pas eu l’occasion d’étudier ce plan et d’évaluersa mise en œuvre. Ce plan devrait contenir unedescription détaillée des projets proposés, le calendrierd’application et les ressources (y compris financières)disponibles et approuvée. L’ICOMOS comprend qu’untel plan est en préparation, mais aucun détail n’estdonné dans le dossier de proposition d’inscription.

L’expert de l’ICOMOS a rencontré quelque embarraspendant sa mission. Il ressort de son entrevue avec lemaire de Mostar que la proposition avait été préparéesans consultation de l’administration croate. Tout enétant convaincu que la nature biculturelle de Mostar estcomplètement et justement présentée dans laproposition, l’ICOMOS estime qu’il serait souhaitableque l’Etat partie entame des discussions qui fassent quela proposition reçoive le soutien entier des deuxcommunautés.

Brève description

Mostar est une ville ancienne située dans un sitespectaculaire qui s’étend dans la vallée profonde d’unerivière. Le tracé de ses rues et ses édifices historiquesillustrent avec éclat son rôle de point de rencontre des

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cultures orientales et occidentales pendant plusieurssiècles et qui est symbolisé par son célèbre pontmédiéval.

Recommandation

Cette proposition a été renvoyée à l’Etat partie en luidemandant des informations complémentaires sur leplan de gestion de la vieille ville. Au moment où cetteévaluation est préparée pour l’impression, l’ICOMOSn’a pas reçu ces informations. Au cas où elles seraientfournies avant le 1er octobre et considérées commeconformes aux exigences du Comité, l’ICOMOSrecommande que la vieille ville de Mostar soit inscritesur la Liste du Patrimoine mondial sur la base descritères iv et vi :

Critère iv La vieille ville de Mostar est un exempleexceptionnel de ville européenne multiculturelle.

Critère vi Mostar est un symbole exceptionnel dupouvoir des hommes de rassembler avec succès enune communauté homogène civilisée des groupesdifférents par la culture, l’ethnie et la religion.

Le Bureau a proposé que la dénomination du bienproposé pour inscription soit changée en «La vieilleville de Mostar » afin de conserver une unité avec lesdénominations des autres biens inscrits sur la Liste duPatrimoine mondial.

ICOMOS, septembre 1999

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Viñales (Cuba)

No 840rev

Identification

Bien proposé Vallée de Viñales

Lieu Province de Pinar del Río

Etat Partie République de Cuba

Date 22 juin 1998

Justification émanant de l'Etat Partie

La proposition d'inscription sur la Liste du Patrimoinemondial est basée sur la définition de "Paysageculturel" proposée par les Orientations devant guiderla mise en œuvre de la Convention du patrimoinemondial dans ses articles 36, 37, 38 et 39ii, en tant que"paysage vivant".

Le territoire de la vallée de Viñales est un mélange depaysages naturels – les buttes – et d'interventionshumaines – la culture du tabac, de fourrages et deplantes vivrières. Il en émane une valeur esthétique etsocio-culturelle exceptionnelle. Les différences derelief et les contrastes des couleurs entre le sol ocre,les cultures de nuances vertes et les buttes de calcairesombre produisent un tableau dont la beauté s'expliquepar la conjugaison des caractéristiques naturelles dusite et les transformations dues à l'activité humaine.

[Note : L'Etat Partie n'avance pas de suggestion àl'égard des critères en vertu desquels le bien devraitêtre inscrit sur la Liste du Patrimoine mondial.]

Catégorie de bien

En termes de catégories de biens culturels, tellesqu’elles sont définies à l'article premier de laConvention du Patrimoine mondial de 1972, la Valléede Viñales constitue un site. En prenant enconsidération l’environnement dans lequel elles’insère, on peut considérer que la Vallée de Viñalesest un paysage culturel.

Histoire et description

Histoire

Les nombreuses grottes situées aux flancs des buttesqui s'élèvent dans la Vallée de Viñales ont été habitéesdurant des siècles, bien avant l'arrivée des conquérantsespagnols.

La qualité des sols et le climat favorable permirent ledéveloppement de l'élevage, la culture du fourrage etdes plantes vivrières, avec recours au travail desesclaves importés d'Afrique. Les cimarrones ouesclaves en fuite, se réfugièrent souvent dans lesgrottes de la Vallée. Le site de Pan de Azúcar contientles ruines de la plus grande hacienda de dressage et deformation des esclaves aux différents métiers.

Suite à l'apparition et à l'extension considérable de laculture du tabac, le village de Viñales fut fondé en1875, le long de la route conduisant de Pinar del Río,capitale de la province, à Puerto Esperanza, principalaccès à la mer. En 1882, le chemin de fer de l'Ouest(Ferrocarril del Oeste) fut construit, dont il ne resteplus aujourd'hui que des vestiges.

Diverses opérations militaires furent menées dans laVallée de Viñales durant la Guerre d'Indépendance, demême qu'à l'époque de la Révolution cubaine.

Aujourd'hui, la Vallée connaît une occupationagricole, avec une population de quelque 8000habitants qui se livrent en particulier à la culture dutabac, culture qui y donne les meilleurs rendements.

Description

La Vallée est entourée par un ensemble montagneux.Elle est constituée d'une plaine de terres arables, donts'élèvent de spectaculaires buttes de calcaire pouvantatteindre 300 mètres de hauteur, appelées mogotes.Elle comporte un système de cavernes très étendu,renfermant des fossiles ammonites. La végétation desbuttes se caractérise par l'existence d'espècesendémiques locales, notamment le Microcycascalocoma, fossile vivant de la flore phanérogame ducrétacé. Il y vit une faune d'oiseaux et de mollusquesintéressante.

La plaine est toute entière vouée à l'agriculturetraditionnelle. Des expériences récentes ont montréqu'une exploitation mécanique entraînait une perte dequalité du tabac. Par conséquent, les anciennesméthodes restent en usage, comme la traction animale.A travers les saisons et l'évolution des cultures, laVallée subit des variations que vient encore renforcerson orientation est-ouest. Suivant la course du soleil,s'offre un spectacle unique, avec les formationsrocheuses grises et vertes, les sols rougeâtres, leshabitations blanches et grises et les nombreusesnuances vertes des cultures.

La plupart des constructions réparties dans la plainesont de caractère modeste, construites avec desmatériaux naturels locaux et destinées à l'habitation ouà l'exploitation familiale. Le village de Viñales a gardésa configuration originelle, s'étirant le long de la rueprincipale ; il compte de nombreux exemplesintéressants d'architecture coloniale.

La Vallée connaît une culture originale, synthèse desapports des indigènes, des conquérants espagnols etdes esclaves noirs. Elle s'illustre notamment dansl'expression musicale du travailleur vega (veguero),dont Benito Hernández Cabrera (connu comme le

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Viñalero) fut le principal interprète. Il s'y pratiqueaussi un artisanat traditionnel.

La beauté du site et sa charge historique et culturelleont fait de la Vallée de Viñales un lieu de grandeidentification pour les Cubains. Dans le domaine desarts visuels, des artistes comme Domingo Ramos etTiburcio Lorenzo ont conféré à la Vallée de Viñalesune valeur emblématique du paysage des Caraïbes.

Gestion et protection

Statut juridique

92% du périmètre proposé pour l'inscription est entreles mains de propriétaires privés, à concurrence de30% de paysans dispersés et, pour le reste, del'Association nationale des petits paysans.

La Vallée de Viñales est protégée sur la base desdispositions de la Constitution de la République deCuba de février 1976, et de sa déclaration commeMonument national, le 27 mars 1979, en applicationde deux lois du 4 août 1977, l'une portant sur laprotection du patrimoine culturel et l'autre, relativeaux monuments nationaux et locaux.

Gestion

L'autorité supérieure en charge de la gestion est leConseil national du patrimoine culturel et naturel del'Etat. La supervision locale est assurée par le Centreprovincial du patrimoine culturel de Pinar del Río, laDélégation provinciale du ministère des Sciences, dela Technologie et de l'Environnement, et la Délégationprovinciale du ministère de l'Agriculture.

La conservation des valeurs naturelles et culturelles dusite est considérée comme un impératif, et toutesdispositions réglementaires et administratives sontprises pour l'assurer. Dans le même temps, les besoinssociaux des populations locales et la nécessité depromouvoir l'activité économique et les conditions devie sont pris en compte. Des campagnes desensibilisation de la population locale comme desvisiteurs, visent à mettre en lumière les valeursnaturelles et culturelles du site.

C'est dans la Vallée de Viñales que fut lancé, dès1959, le premier plan national de tourisme, selon desprincipes respectueux de l'environnement. C'est alorsque fut construit le premier hôtel, Los Jazmines, qui agardé ses qualités originelles. En 1997, selon lesindications de l'Etat Partie, le site a été visité par plusde 30.000 touristes étrangers. Il faut s'attendre à unaccroissement de cette fréquentation. Aussi lesautorités ont-elles des plans pour l'infrastructure et lesvoies d'accès, de nouvelles installations hôtelières etdes projets de développement du tourisme écologique.

Les autorités œuvrent en ce moment à l'établissementd'un Parc national de 13.200 hectares, qui inclurait laVallée de Viñales en lui offrant une protection accruede son environnement.

Conservation et authenticité

Historique de la conservation

Le site a connu, depuis toujours, une gestiontraditionnelle, avec entretien régulier lié àl'exploitation agricole. L'importance du site dansl'imaginaire cubain a procuré une conservationcoutumière, jusqu'aux mesures légales etréglementaires de 1979.

Authenticité

Le site proposé à l'inscription sur la Liste duPatrimoine mondial est un "paysage vivant" quiprésente un haut degré d'authenticité. Il a pu garderson caractère spécifique, tout en accueillant desconditions de vie modernes et un afflux de visiteurs.

Prévention des risques

La zone n'est pas exposée à des catastrophesnaturelles. Les mesures générales de protection et degestion doivent permettre de prévenir les dommagesdus au fait de l'Homme.

Evaluation

Action de l'ICOMOS

Une mission d’expertise de l'ICOMOS a visité le siteen février 1999.

Caractéristiques

La Vallée de Viñales présente un exemple de valeurexceptionnelle d'interaction entre l'activité humaine etun cadre naturel de grande beauté. Tout enconnaissant une vie économique et sociale active, ellea conservé l'harmonie et l'équilibre élaborés par desgénérations d'agriculteurs, en formant un creusetd'influences culturelles diverses.

Analyse comparative

Ce paysage extraordinaire de buttes s'élevant du soln’est pas unique pour Cuba. Des formations karstiquessimilaires peuvent être observées dans quelques autresrégions du monde : en République Dominicaine, enSlovénie, en Thaïlande, à Madagascar, au Vietnam ouen Chine. La Baie d'Ha Long, de même compositiongéologique, est inscrite sur la Liste du Patrimoinemondial.

Le caractère singulier de la Vallée de Viñales tient àson occupation importante et à son affectation à desactivités humaines, notamment l'agriculture et, enparticulier, la culture du tabac, dans le respect desméthodes traditionnelles. Cette dimension culturelleconfère au site une valeur exceptionnelle.

Cependant, l’ICOMOS considère que ce bien nepossède pas une valeur universelle exceptionnelle quijustifierait son inscription sur la Liste du patrimoinemondial.

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Recommandations de l'ICOMOS pour des actionsfutures

Si la fréquentation touristique est actuellement bienmaîtrisée, il faut s'attendre à ce que sondéveloppement comporte des menaces pour l'intégritédu site. Il est recommandé de renforcer l'attentionportée à ces développements dans les plans de gestion.Un programme de recueil des traditions orales et du"patrimoine immatériel" serait opportun pourconserver la mémoire de cet établissement humainsingulier, dans les domaines de la musique, del'artisanat, et des diverses formes de culture populaire.

Il serait heureux de doter le site d'une signalisationbien intégrée, avec des sentiers balisés permettant ledéveloppement d'un tourisme écologique.

Des itinéraires culturels pourraient être identifiés àpartir des types de production agricole traditionnelle,comme le sucre, le tabac ou le café, pour établir desliens avec les autres îles caraïbes.

Recommandation

Le Bureau a recommandé que cette propositiond’inscription soit renvoyée à l’Etat partie en luidemandant que des informations complémentairesdevant être examinées par l’ICOMOS soient fourniespour le 1er octobre 1999. Ces informations ne sont pasdisponibles au moment où cette évaluation estpréparée pour l’impression. Une deuxième mission del’ICOMOS se rendra sur le site en octobre 1999 et uneprésentation révisée sera faite oralement à la réuniondu Comité de Marrakech.

ICOMOS, septembre 1999

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Vallée de la Loire (France)

No 933

Identification

Bien proposé La vallée de la Loire entre la Maine etSully-sur-Loire

Lieu Départements : Loiret, Loir-et-Cher,Indre-et Loire et Maine-et-Loire.Régions : Centre et Pays de la Loire

Etat partie France

Date 29 juin 1998

Justification émanant l’Etat partie

La vallée de la Loire entre Sully-sur-Loire et la Maine aété, à la Renaissance, une aire culturelle majeure derencontres et d’influences entre la Méditerranéeitalienne, la douce France et les Flandres. Cette aireculturelle a vu l’émergence d’une civilisation paysagère,française en premier lieu, puis européenne, qui a élaborécertains des modèles les plus achevés des paysages de lamodernité.

Les habitants de la vallée avaient certes cultivé, soignéet aimé contempler leur pays avant la Renaissance, enl’aménageant selon la séquence classique domus-hortus-ager-saltus entre les deux grands milieux naturels dufleuve et de la forêt environnante. Mais c’est à partir dela Renaissance, et conjointement à l’apparition du mot“paysage’ en Europe, que les développements originauxde cette organisation de l’espace commencèrent à fairel’objet de représentations littéraires, picturales etjardinières qui les érigèrent en modèles esthétiques etexplicitement paysagers, conditions requises pour quel’on puisse parler de paysages culturels.

Avant la Renaissance, les premières représentationslittéraires de ces paysages sont dues à Charles d’Orléanspuis, sur un autre mode, à Rabelais, dont l’Abbaye deThélème restera un modèle emblématique jusqu’àaujourd’hui. A la Renaissance, les représentationslittéraires seront principalement dues à Pierre deRonsard, Honorat de Racan et Joachim du Bellay. Ellesdécrivent et célèbrent les beautés de ces paysages, nonsans marquer leur excellence par rapport à d’autres,pourtant fameux, ceux de Rome par exemple, oùséjourna Du Bellay.

Parallèlement à ces célébrations du pays, lesreprésentations jardinières proprement esthétiques – etdépassant donc les simples jardins de subsistance ornésde fleurs – accompagnèrent la métamorphose desgrandes forteresses moyenâgeuses en châteaux de

plaisance et d’agrément. Dans ces jardins si nombreux,l’aquosité, ce terme typique de la Renaissanceaujourd’hui tombé en désuétude, qui signifiait lajouissance de l’eau sous toutes ses formes, stagnantes,courantes et jaillissantes, ne le céda en rien à l’amourdes plantes et des animaux dans des mises en scèneamplifiant considérablement les dimensions et lesambitions des jardins du Moyen Age.

Cette émergence de modèles nouveaux, célébrés in visupar les poètes et mis en œuvre in situ par les architectes,ne fut pas sans lendemain. Le mouvement né del’Humanisme sur les bords de la Loire allait sepoursuivre et se répandre pendant des siècles, et ce fut lamodernité. Les paysages ligériens allaient s’y inscrire etcontribuer sans rupture au développement du paysagemoderne.

Au XVIIe siècle, les paysages ligériens furent célébréspar Jean de la Fontaine et la marquise de Sévigné ;quant à l’art des jardins, il se prolongea dans les grandschefs d’œuvre classiques où l’aquosité s’étoffa si bienqu’ils devinrent en quelque sorte les laboratoires de« l’architecture hydraulique » qui devait s’épanouir dansla construction des grands canaux au siècle desLumières.

Au XIXe siècle, les paysages ligériens furent célébrés,entre autres, par Alfred de Vigny, Gustave Flaubert,Honoré de Balzac, Charles Baudelaire et même VictorHugo, dont la sensibilité romantique rejoignait celled’un Turner, peintre majeur de la Loire. Le Val de Loirefut également étudié et célébré par une pléiade degéographes dont certains, les deux Reclus par exemple,allèrent jusqu’à parler “du plus beau royaume sous leciel” et affirmer que la Loire moyenne avait “plus quetoute autre province contribué à la naissance et audéveloppement de la nation”. Quant aux grandsinitiateurs du tourisme moderne, les Joanne, Abel Hugoet autres Ardouin-Dumazet, ils joignirent leurs voix àces savants pour faire du Val une des plus grandesdestinations touristiques d’Europe puis du monde, cequ’il est resté. C’est d’ailleurs le XIXe siècle qui vit ledéveloppement des représentations picturales etphotographiques du fleuve, lesquelles jouèrent le rôleque l’on sait dans la diffusion de son renom et dans lerenforcement de la volonté de protection de ses trésorspatrimoniaux, souci apparu au milieu du siècle etdemeuré intact jusqu’à nos jours.

Les représentations picturales des paysages ligériensapparurent en effet plus tardivement que leursreprésentations littéraires et jardinières. René Bazin aattribué ce décalage à la difficulté de peindre la Loire dufait des trop vastes dimensions de sa vallée et de salumière, “fine, voilée, que ne relève aucune ombre forte,aucun contraste”. Il est vrai que, dans la vallée de laSeine par exemple, les peintres pouvaient trouver despoints de vue leur permettant d’en embrasser la totalité,de coteau à coteau, de façon à représenter le fleuve dansson cadre. Les dimensions de la Loire sont telles que cetype de cadrage y est quasi impossible, exception faire –et les peintres et graveurs en ont largement profité – desponts, des quais et des fronts urbains de ses villes, tousmotifs très tôt et très souvent représentés. Tel fut dureste le cas, au XIXe siècle, de Joseph Mallord William

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Turner. Mais il sut aussi inventer d’autres points de vueet, de plus, utiliser les transparences de l’aquarelle poursuggérer la finesse de la lumière ligérienne dans le Val.La série des tableaux qu’il réalisa lors de son voyageentre Nantes et Orléans en 1826 reste un monument etune consécration.

Et l’on peut regretter que Delacroix, qui peignit la Loireavec une sensibilité prémonitoire des œuvres modernes,ne se soit pas davantage consacré à ces motifs si dignesde ses visions de grandeur. Regrettons enfin, pour toutdire, qu’un Stendhal n’ait pas eu connaissance, à cequ’il semble, de ces œuvres majeures. Son génieromantique aurait sans doute découvert dans cespaysages une dimension qu’il semble avoir ignorée.

L’époque moderne compte de nombreux peintres de laLoire, un Debré, un Boller, un Kolsek, un Verdenet.Mais les photographes sont bien sûr les plus nombreux.La photographie a pu, en Loire comme dans bien despaysages naturels de montagne inventés au siècledernier, suppléer aux limites de la peinture pourexprimer le caractère monumental et grandiose dufleuve. Pour autant, ces représentations picturales etphotographiques n’ont pas supplanté celles desécrivains et de poètes. Dans cette longue lignée, c’estsurtout le nom de Maurice Genevois qui vient à l’esprit,mais il ne doit pas faire oublier les autres, trèsnombreux, qui ont trouvé et trouvent encore dans laLoire leur source d’inspiration, on pense à CharlesPéguy, René Bazin, René Boylesve, Julien Gracq,Francis Ponge, et à ceux qui ont formé l’Ecole de laLoire à la fin du siècle dernier autour d’Hubert-Fillay.

Les célébrations séculaires des artistes, non seulementligériens mais encore français et étrangers, auront toutescontribué à l’éclosion du mythe ligérien. Tous aurontlonguement décrit et souvent apostrophé la Loire avecl’admiration mêlée de respect et de crainte quiconviennent à un très haut personnage, un personnageroyal en vérité. Un ouvrage tout récent, résumant lesentiment unanime, la célèbre précisément comme unereine dont le cours moyen marque le couronnement.Comme telle en effet, elle est digne d’admiration, derespect et de crainte, car quel est le souverain qui, toutsoumis qu’il soit aux exigences de l’étiquette et desrituels de sa fonction, ne resterait souverainement libre,jusque dans ses colères, parfois dévastatrices ? Ainsi enva-t-il de la Loire en son royaume. Consciente desexigences de son rang, elle se soumet aux contraintesdes savoir-faire et des besoins de ses sujets et accepte deles voir aménager son lit pour mieux les combler de sesbienfaits, tout en restant souverainement libre. La Loire“dernier fleuve sauvage d’Europe ” ? Proposons plutôtcette autre figure du mythe : “La Loire dernier fleuvelibre d’Europe”. Critère ii

Les modèles paysagers élaborés au cours de laRenaissance dans la vallée de la Loire se sontdéveloppés sur le fond de l’ordonnancement domus-hortus-ager-saltus. L’apport spécifique de laRenaissance se mesure par les développements qu’elle aapportés à trois des domaines de ce schémad’organisation de l’espace.

L’invention majeure fut la métamorphose de l’hortus enjardin de plaisance attenant au château, puis, au fil dutemps, aux autres demeures, et finalement à une part trèsimportante de l’espace séparant les deux saltus, dufleuve d’un côté et de la forêt de l’autre. Non pas quecet espace fût explicitement conçu comme un jardin deplaisance, mais parce que les cultures relevantspécifiquement du jardin, notamment les vergers et lavigne, où la taille et les soins les plus attentifs tiennentune place prépondérante, y occupèrent progressivementla majeure partie de l’espace, en y supplantant souventles labours de l’ager. Cette extension du jardin et de sestechniques au territoire ligérien entre fleuve et forêt atrouvé son expression la plus forte en Touraine, très tôtcélébrée comme le Jardin de la France, lui-mêmefréquemment érigé en modèle représentatif del’ensemble du territoire national : la France n’est-ellepas d’abord, pour beaucoup, un pays dont le caractère leplus frappant est d’être jardinée ?

Les autres modèles développés dans le Val à laRenaissance sont ceux du bâti, sous la forme descélèbres châteaux, mais aussi des villes et des villagesde la vallée. Les villes sont toutes des ports, construitssur un schéma simple et puissant reprenant à sa façon lecardo et le décumanus romains. Les motifs maîtres ensont ainsi le quai, longé par l’esplanade puis par le frontbâti, et, perpendiculairement à eux, le pont, prolongé parla voie monumentale sur laquelle ou près de laquelle,s’organise la place, elle-même entourée des édifices dela vie publique. Ce sont ces motifs qui ont été les plusreprésentés et répandus comme modèle par lesdessinateurs et les graveurs. Quant aux villages, leurtypologie se partage entre ceux qui s’installent dans lelit majeur, au pied du coteau, sur la terrasse fluviale laplus élevée et ceux qui occupent le bord du coteau enjalonnant les grandes voies de communications telle laroute de Paris à Tours. Ces modèles nous semblentaujourd’hui encore tellement achevés dans leurconception et leur mise en œuvre qu’ils font partieintégrante de l’image du Val et bénéficient des mesuresde protection, voire de restauration, les plus attentives.Ainsi, les ponts de Loire détruits lors de la deuxièmeguerre mondiale furent-ils tous reconstruits àl’identique.

Quant aux deux saltus caractéristiques du Val, le fleuvelui-même d’un côté et la forêt de l’autre, ils reçurentaussi la marque des créateurs de la Renaissance eteurent à leur tour un rôle exemplaire dans l’organisationd’autres territoires. On en prendra pour exemple letraitement des grandes forêts en parcs voués au loisir dela chasse royale. Les motifs qui se lisent encore dans lesforêts ligériennes telles que celle de Chambord, alléesrectilignes de plusieurs kilomètres de longueur,clairières et carrefours, se retrouvèrent plus tard danstoutes les forêts d’Ile-de-France, et donnèrent lieu à lafameuse série des cartes dites Cartes des Chasses, dontun des avatars les plus connus fut la série aquarellée del’Abbé Lagrive. Critère iv

Catégorie de bien

En termes de catégories de biens culturels telles qu’ellessont définies à l’article premier de la Convention du

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Patrimoine mondial de 1972, le bien proposé en un site.C’est aussi un paysage culturel, tel que défini auparagraphe 39 des Orientations devant guider la miseen œuvre de la Convention du patrimoine mondial.

Histoire et description

Histoire

L’occupation humaine de la vallée de la Loire remonteà la préhistoire et à la protohistoire. L’influence romainea profondément marqué le paysage et reste aujourd’huitrès forte puisqu’en dépendent encore les lieux et laforme (urbaine particulièrement) des établissementshumains et des voies de communication. La Loire étaitl’un des axes majeurs de communication et decommerce de la Gaule.

Dans la dernière période gallo-romaine, vers 372, StMartin, évêque de Tours, fonda l’abbaye de Marmoutierqui servit de modèle à de nombreux établissementsmonastiques du Val de Loire dans les siècles suivants.Le sanctuaire de Tours était l’un des principaux lieux depèlerinage en Europe jusqu’à ce qu’il soit remplacé parSaint-Jacques-de-Compostelle. Les nombreuxmonastères servirent de points de convergence pour lesimplantations au Moyen-Age.

Le pouvoir seigneurial se développa au Xe siècle etmarqua profondément le paysage. La société féodaleinvestit les terres et les seigneurs se construisirent deschâteaux fortifiés qui attiraient également autour d’euxl’installation de villages. La vallée de la Loire fut unezone frontière pendant la guerre de Cent-Ans et le lieude nombreuses luttes entre Français et Anglais. Leschâteaux furent reconstruits, agrandis, et devinrent desforteresses massives, les ancêtres des châteauxd’aujourd’hui.

Le danger permanent que représentaient les Anglaispour Paris a poussé la cour du roi à séjournerlonguement à Tours. La paix revenue au milieu du XVe

siècle, la vallée fut le lieu idéal où s’enracinèrentl’Humanisme et la Renaissance en France. Ainsi furentdémantelées les grandes forteresses médiévales,remplacées par des châteaux de plaisance et d’agrément.

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, parallèlement à lasurvivance féodale de l’Ancien Régime, se développaune économie séculière basée sur l’industrie, l’artisanat,le commerce, les transports, le fleuve et les villes. A lafin du XVIIIe siècle furent réalisés les premiers ouvragesde régulation du fleuve, qui furent complétés tout aulong du XIXe siècle.

Les représentations romantiques de la vallée quedonnèrent les écrivains et les peintres du XIXe siècleattirèrent les touristes vers la Loire, venus d’abord deFrance, puis d’Europe, puis, au XXe siècle, du mondeentier. L’intérêt porté aux attraits naturels du Val et àses monuments encouragea les efforts de préservationdu patrimoine paysagé et de ses monuments, de sesvilles et de ses structures rurales.

Description

Le Bassin de la Loire s’étend sur une vaste région dansle centre et l’ouest de la France, du sud du MassifCentral jusqu’à la côte Atlantique. Quelque 200km ducours moyen du fleuve sont l’objet de la présenteproposition, de Sully à l’est d’Orléans jusqu’auconfluent de la Loire et de la Maine près d’Angers, àl’ouest. Il s’agit essentiellement de la « nouvelle » Loirecar le fleuve à l’origine s’écoulait vers le nord-est dansle bassin parisien. Cette partie du fleuve traverse deuxrégions, le Centre et les Pays de la Loire, et quatredépartements.

Le paysage culturel proposé s’inscrit dans la vallée lelong du fleuve orienté ouest-sud-ouest à est-nord-est etqui reçoit les vents dominants du sud-ouest. La Loire estalimentée par deux grands affluents qui prennent leursource dans le Massif Central à quelque 350km au sud.Sur la partie proposée pour l’inscription, le fleuve reçoitde nombreux autres affluents, tous venant du sud, donttrois très importants : le Cher, l’Indre et la Vienne. Ilsdrainent des zones calcaires, argileuses et sableuses etcharrient des alluvions dans la vallée.

Le long de la Loire, entre Orléans et Angers, la valléecomporte des petites falaises de tuffeau et de calcaire,souvent une ou deux terrasses formées par le fleuve etune plaine alluviale parcourue d’anciens chenaux. Lefleuve lui-même est parsemé de nombreux îlots et bancsde sable ou de gravier ; sa profondeur et sa largeurfluctuent énormément d’une saison à l’autre et d’uneannée à l’autre. Une partie de la vallée inondable estrégulièrement sous les eaux en hiver, phénomèneaccueilli par les habitants comme une revivification dessols plutôt que comme un danger. La vallée a cependantune longue histoire de crues et d’inondationscatastrophiques, dont la mémoire est soigneusementgardée par des niveaux d’eau taillés dans des blocs depierre en de nombreux endroits de son cours, et encore àce jour, les habitants vivent sous la menace de gravesinondations. Des travaux d’aménagement du fleuve ontété réalisés pour réduire ce risque.

Sur la partie de son cours proposé pour l’inscription, laLoire coule le plus souvent entre des digues. Ses rivessont ponctuées tous les quelques kilomètres par desvillages, des bourgades et des villes. A noter parmi lesvilles, du nord-est au sud-ouest, Sully, Orléans, Blois,Amboise, Tours, Saumur et Angers. L’utilisation desterres est très diversifiée : villes denses, horticulture,vignoble (certaines activités dépendant des inondations)et chasse en forêt. En général, l’économie de la régionest prospère, en partie seulement basée sur l’industrie dutourisme, d’abord soucieuse d’exalter la qualité de la viequ’offre le patrimoine en général et les châteaux enparticulier.

La zone choisie pour la proposition d’inscription sedistingue par l’homogénéité des valeurs du patrimoine.De nombreux monuments, villes et villages sont en eux-mêmes d’une grande valeur patrimoniale. Il faut lesconsidérer, selon les mots mêmes du dossier deproposition comme “les pierres précieuses d’undiadème.” Cependant, c’est le paysage dans sa globalité,qui a évolué au cours des âges, qui est considéré comme

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ayant une valeur universelle exceptionnelle, de sorte quela proposition est centrée sur le Val de Loire en tant quepaysage culturel (comme le fait cette évaluation).

Gestion et protection

La zone proposée couvre une superficie de 745km2 etelle est entourée d’une zone tampon de 400km2.

Les formes de propriété des milliers de parcelles quiconstituent la zone proposée sont variées, allant dudomaine public à la propriété privée. Le fleuve et sesrives sont propriété publique.

Les modes de protection sont également très diversifiés.Différentes zones naturelles peuvent être inscrites sur laliste des sites à protéger au titre de la Loi de 1930,conçues comme des réserves naturelles, des biotopes,des Zones naturelles d’intérêt écologique, floristique etfaunistique (ZNIEFF) ou des Zones importantes pour laconservation des oiseaux (ZICO) ou encore intégréesdans un parc naturel régional. Toutes ces formes declassifications légales impliquent le contrôle desinterventions humaines.

Les monuments culturels peuvent être protégés au titrede la loi sur les Monuments Historiques de 1931, dansle cadre des Secteurs sauvegardés ou des Zones deprotection du patrimoine architectural, urbain etpaysager (ZPPAUP).

Le gouvernement français a décidé en 1994 de mettre enœuvre un plan de dix ans pour la planification et lagestion cohérentes de la vallée de la Loire (Plan LoireGrandeur Nature). Celui-ci prévoit la protection del’environnement et le développement économique de larégion. Il est mené en étroite collaboration avec lesorganisations et institutions concernées – collectivitésterritoriales, agences économiques et associations. Lesobjectifs principaux sont les suivants : protection deshabitants contre les inondations ; mesures spécifiques deplanification pour la Loire moyenne et maritime ;mesures pour assurer l’approvisionnement en eau ;restauration de la diversité écologique. En 1997, unesection “paysage” a été ajoutée à ce plan ; parmid’autres caractéristiques, elle envisage d’augmenter lenombre de monuments historiques protégés dans lazone proposée.

Le contrôle global du paysage proposé au niveaunational est assuré par le ministère de l’Aménagementdu territoire et de l’Environnement (Direction nature etpaysages, Sous-direction des sites et des paysages) etpar le ministère de la Culture et de la Communication(Direction du Patrimoine, Sous-direction desMonuments Historiques). Les régions Centre et Pays dela Loire ont chacune des directions régionales del’environnement et directions régionales des affairesculturelles, et les départements du Loiret, du Maine-et-Loire, du Loir-et-Cher, de Loire-Atlantique et d’Indre-et-Loire ont des Services départementaux del’architecture et du patrimoine.

Sur le périmètre de la zone proposée se trouve le parcnaturel régional Loire-Anjou-Touraine dont la gestionest déterminée par sa charte.

Conservation et authenticité

Historique de la conservation

La conservation des différents éléments qui composentla zone proposée est un processus en cours depuislongtemps. La plupart des châteaux et de nombreuxautres bâtiments historiques sont protégés en tant quemonuments ou sites historiques depuis de nombreusesannées, un certain nombre depuis le début du XXe

siècle. Avec la promulgation de la loi de 1962, certainscentres urbains sont protégés en tant que Secteurssauvegardés, et des ZPPAUP ont été déclarées dansplusieurs villages suivant la promulgation de la loide1983.

Toutes ces mesures de classement et de protection ontapporté dans leur sillage des programmes systématiquesde conservation.

Authenticité

L’évaluation du paysage culturel de la vallée de la Loirefait ressortir un haut degré d’authenticité. Sa trajectoirehistorique est clairement visible dans le paysage actuel.Il existe bien ici et là quelques éléments modernesgênants tels qu’une carrière en exploitation, uneconcentration de lignes électriques et quelquesimmeubles de logements modernes de qualité médiocre,incluant des mobile homes, mais la réglementation desintrusions de ce type est prévue au plan directeur.

Etant donné que cette proposition concerne un paysageculturel, il ne convient pas d’étudier l’authenticité dechaque composante culturelle ou naturelle. A notercependant que le rapport de la mission d’expertise del’ICOMOS porte un jugement favorable à l’authenticitéglobale des matériaux et des conceptions des nombreuxmonuments culturels visités.

Evaluation

Action de l’ICOMOS

Une mission d’expertise de l’ICOMOS a visité la Valléede la Loire en mars 1999.

Caractéristiques

La relation dynamique entre le fleuve et le paysage estun phénomène puissant qui marque la vallée depuisdeux mille ans. La diversité des établissements humains,des fermes isolées aux villes de province en passant parles villages, traduit à la fois les caractéristiquesphysiques des différentes parties du fleuve et leurévolution historique. L’histoire politique et sociale de laFrance et de l’Europe de l’ouest au Moyen-Age et à laRenaissance est illustrée par les magnifiques demeureset châteaux qui ont fait la célébrité de la vallée de laLoire. L’utilisation des sols est également riche

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d’indications de l’évolution sociale et économique aucours du dernier millénaire.

Analyse comparative

Les grands fleuves ont joué un rôle fondamental dansl’évolution et le rayonnement culturel : les anciennesgrandes civilisations ont évolué le long de voiesfluviales telles que le Tigre et l’Euphrate, le Nil, l’Indus,le Mekong et le Yangtse. En Europe, le Danube, le Rhinet le Rhône ont tous été des vecteurs culturels etéconomiques de première importance.

Le caractère particulier de la Loire réside dans lacohérence de sa relation avec son environnementnaturel. Les cours d’eau et leur vallée montrent engénéral d’abondantes traces de leur utilisation et desétablissements humains au cours des temps. Cela seressent encore plus nettement et est mieux préservé dansson intégrité historique dans la vallée de la Loire qui estun modèle de l’interaction humaine dans un paysageculturel fluvial.

Recommandations de l’ICOMOS pour des actionsfutures

Le rapport de la mission de l’ICOMOS a fait certainesrecommandations concernant les limites de la zoneproposée pour inscription et sa gestion future. Cesrecommandations ont été renvoyées à l’Etat partie et lazone proposée pour inscription a été légèrementmodifiée en accord avec les recommandations del’ICOMOS. Un comité de pilotage composé dereprésentants des autorités gouvernementales et desinstitutions impliquées a été établi pour superviser lagestion de la zone.

Brève description

Le Val de Loire est un paysage culturel exceptionneld’une grande beauté, comprenant des villes et desvillages historiques, de grands monumentsarchitecturaux (les châteaux) et des terres cultivées etfaçonnées par des siècles d’interaction entre leshommes et leur environnement physique,essentiellement la Loire elle-même.

Recommandation

Que ce bien soit inscrit sur la Liste du Patrimoinemondial sur la base des critères ii et iv :

Critère ii Le Val de Loire est un paysage culturelexceptionnel le long d’un grand fleuve. Il portetémoignage sur un échange d’influences de valeurshumaines et sur le développement harmonieuxd’interactions entre les hommes et leurenvironnement sur deux mille ans d’histoire.

Critère iv Le paysage du Val de Loire, et plusparticulièrement ses nombreux monumentsculturels, illustre à un degré exceptionnel les idéaux

de la Renaissance et du siècle des Lumières sur lapensée et la création de l’Europe occidentale.

ICOMOS, septembre 1999

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Vigan (Philippines)

No 502rev

Identification

Bien proposé La ville historique de Vigan

Location Province d’Ilocos-Sur

Etat Partie Philippines

Date 30 avril 1998

Justification émanant de l’Etat partie

Vigan, qui faisait partie du réseau des villescommerçantes d’Asie aux XVIIIe et XIXe siècles,présente une architecture unique qui allie aisément lesstyles llocano, philippin, chinois et espagnol. Bien queconstruite en Asie tropicale et non dans le NouveauMonde, c’est une ville de type colonial espagnol quirépond aux règles d’urbanisme définies dans la Ley delas Indias et qui, par conséquent, lie Vigan au réseaudes villes coloniales d’Amérique latine. Critère ii

Vigan témoigne des traditions culturelles philippines etdu mode de vie de ses habitants aux XVIIIe, XIXe, etXXe siècles. L’architecture locale, qui prévoit dans unemême construction les locaux professionnels au rez-de-chaussée et l’habitation familiale à l’étage supérieur,reflète les liens profonds qu’elle entretient avec les paysasiatiques voisins où commerçants et entrepreneursvivent et travaillent sur le même lieu. Ce mode de vie setraduit dans la ville de Vigan par des rues bordéesd’échoppes où les maisons se dressent les unes à côtédes autres en bordure de voies étroites. L’ensembleurbanistique de Vigan se compose d’un groupe deconstructions qui, par leur architecture, leur unité et leurintégration dans le paysage, a une véritable valeuruniverselle exceptionnelle du point de vue de l’histoireet de l’art. Critère iii

L’architecture de Vigan est un reflet authentique de sesracines. Les matériaux de construction - bois, pierre,coquillages (kapis) et terre cuite - proviennent de larégion. Les maisons sont de style traditionnel bahay nabato, avec le rez-de-chaussée fermé par des murs depierre et le niveau supérieur entièrement fait de bois.Certaines maisons de Vigan présentent une variante dece style avec les deux niveaux construits en pierre ou enbrique. Critère iv

Vigan est réputée pour être la dernière ville desPhilippines à avoir conservé l’architecture et le planurbanistique de la période coloniale espagnole. Lamodernisation et les progrès créent une forte pression enfaveur de la transformation de nombreuses structures ducentre de la partie historique de la ville ainsi que de la

zone tampon. Vigan est cependant déterminée àconserver son authenticité. Critère v

Catégorie de bien

En termes de catégories de biens, telles qu’elles sontdéfinies à l’article premier de la Convention duPatrimoine mondial de 1972, le bien proposé est unensemble.

Histoire et description

Histoire

Avant l’arrivée des Espagnols, il existait un villageindigène installé sur une île, constitué d’un groupe demaisons de bois ou de bambou sur pilotis. En 1572 leconquistador Juan de Salcedo fonda sur ce site une villenouvelle, qu’il baptisa du nom de Villa Ferdinandina. Ilen fit sa capitale lorsqu’il fut nommé LieutenantGouverneur (Encomendero) de la région d’Ilocos.Conçue comme un comptoir commercial plutôt quecomme une forteresse, elle était l’établissement urbainle plus septentrional installé aux Philippines par lesEspagnols.

A la fin du XVIIe siècle, une nouvelle formed’architecture est née, qui alliait la constructiontraditionnelle avec les techniques de construction enpierre et bois introduites par les Espagnols. Les frèresaugustins introduisirent la brique pour leurs églises etleurs bâtiments.

Le siège de l’archidiocèse de la Nueva Segovia futtransféré à Vigan en 1758 qui devint le centre del’activité religieuse de la région. En 1778, en raison deson expansion, elle fut rebaptisée Ciudad Ferdinandina.

Le fleuve Mestizo joua un rôle central dans ledéveloppement de la ville du XVIe au XIXe siècle : sondelta pouvait accueillir les grands navires tandis que despetites embarcations assuraient la navette avecl’intérieur des terres. Il n’est toutefois plus navigableaujourd’hui en raison de l’ensablement qui, en outre,fait que la ville n’est plus une île.

En tant que principal centre commercial de la région,Vigan entretenait des liens commerciaux directs avec laChine. En tant qu’escale dans le commerce par galionentre Manille et Acapulco, qui dura pendant toute lapériode coloniale espagnole, elle fournissait desmarchandises qui traversaient le Pacifique à destinationdu Mexique puis de là gagnaient l’Europe en traversantl’Atlantique. Ces liens commerciaux ont favorisé deséchanges constants entre les peuples et les culturesIlocanos, philippins, chinois, espagnols et (au XXe

siècle) américains du nord.

Description

Vigan est située dans le delta de l’Abra, en bordure de laplaine côtière de la Mer de Chine, près de l’extrémiténord est de l’île de Luçon.

Le territoire municipal actuel couvre environ 27km2. Ilest divisé en neuf districts urbains (poblaciones) ettrente villages ruraux (barangays). Près de la moitié dela superficie est encore consacrée à l’agriculture. Lapartie historique de la ville, qui est proposé pour

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inscription sur la Liste du patrimoine mondial, occupeune superficie de 17,25ha délimitée en deux endroits parles cours d’eau Govantes et Mestizo.

Le plan espagnol traditionnel de la ville en damiercomporte une place principale en L, la place Salcedodans la partie la plus longue et la place Burgos dans laplus courte. La première est dominée par la Mairie et leCapitole provincial et la seconde par la cathédrale.

Le plan de la ville est conforme au modèle urbain enquadrillé de la Renaissance décrit dans la Ley de lasIndias qui s’applique à toutes les villes nouvelles del’empire espagnol. Vigan se distingue cependant desvilles de l’empire colonial espagnol implantées enAmérique latine par son centre historique (que l’onappelle Mestizo), où la tradition latine est tempérée parde fortes influences chinoises, llocanos et philippines.Comme son nom l’indique, dans ce quartiers’installèrent de riches familles métisses d’originechinoise et llocano.

Les matériaux de construction utilisés à Vigan sont laterre cuite, le bois, les coquillages (kapis), la pierre et lachaux, qui sont des matériaux provenant de la région.L’architecture typique de la maison de Vigan s’inspirede l’habitation philippine traditionnelle, la bahay kubo,qui est une petite case d’une pièce construite enmatériaux légers tressés (bois, bambous et paille) etreposant sur pilotis pour la ventilation et la protectioncontre les inondations de la mousson.

On ne trouve plus de ces maisons à Vigan, mais leurinfluence est discernable dans les maisons de pierre deplus grandes dimensions que sont les bahay na bato.Celles-ci possèdent une structure beaucoup plus solide,le niveau inférieur est construit en pierre et il estsurmonté d’un étage à pans de bois et d’un toit à fortepente recouvert de tuiles, inspiré de l’architecturetraditionnelle chinoise. Les murs extérieurs de l’étagesupérieur sont percés de panneaux vitrés décorés decoquillages kapis et encadrés de bois, qui coulissentpour assurer une meilleure ventilation. La plupart desbâtiments existants ont probablement été construitsentre le milieu du XVIIIe siècle et la fin du XIXe siècle.Peu ont échappé aux réorganisations internes qu’il afallu réaliser pour suivre l’évolution des usages qui aaccompagné le déclin de la prospérité de la ville.

Les marchands et les négociants chinois menaient leursaffaires dans les bureaux et les entrepôts situés au rez-de-chaussée de leur maison, leur habitation se trouvaitau niveau supérieur. Cette pratique est typique de lasociété chinoise et on peut l’observer dans d’autresvilles d’Asie comme Penang, Singapour et les quartiersles plus anciens de Bangkok.

Le paysage urbain qui en résulte est d’une qualitéspécifique qui ne se retrouve nulle part ailleurs. C’estune manifestation unique de la nature multiculturelle dela société philippine, laquelle résulte du mélangeharmonieux d’éléments Ilocanos, philippins, chinois etnord américains et qui, au total, produit un ensemblehomogène.Outre l’architecture commerciale et résidentielle, Viganpossède un certain nombre de bâtiments publics qui euxaussi montrent des influences multiculturelles. Parmiceux-ci, il faut citer la cathédrale Saint Paul (1790-

1800), le Palais de l’archevêché (1783), le collège SaintPaul (1892), la chapelle du cimetière catholique (1852),et le Capitole provincial de style néoclassique élevé audébut du XXe siècle.

Gestion et protection

Statut juridique

Vigan est actuellement protégée au niveau national parles instruments juridiques suivants :

• Décret présidentiel No 374, 1974 "modifiantcertains articles de … la Loi sur la protection et lapréservation des biens culturels" ;

• Décret présidentiel No 756, 1975 "modifiant ledécret présidentiel No 260 afin d’inclure dans sonchamp le quartier Mestizo, les maisons du pèreJosé Burgos et de Leona Florentino" ;

• Décret présidentiel No 1505, XIX78 "modifiant ledécret présidentiel No 260, tel qu’amendé, visant àinterdire toutes modification, altération, réfection etdémolition non autorisées d’élémentsarchitectoniques d’origine dans tous les sanctuaires,monuments et autres édifices nationaux importants"

• Décret-loi No 358, 1996 "créant une Commissionprésidentielle pour la restauration, la conservation etle préservation du village historique de Vigan"

Une nouvelle "Loi prévoyant la protection et lapréservation du patrimoine culturel philippin..." devraitprochainement entrer en vigueur.

Au niveau local, l’Ordonnance No 05 "prévoyant lapréservation et la protection des maisons ancestrales etautres biens de Vigan, province d’Ilocos-Sur, enparticulier dans le quartier Mestizo" a été promulguéeen 1990 par la municipalité de Vigan. A la suite de ladeuxième Conférence internationale de Vigan en mars1997, les Ordonnances municipales suivantes ont étéapprouvées par le Sangguniang Bayan (conseilmunicipal) :

• Ordonnance No 12 "définissant le centre et leszones tampon de la ville historique de Vigan ainsique les paramètres historiques, pédagogiques,esthétiques et économiques qui président à sapréservation et à son développement ";

• Ordonnance No 14 "définissant les orientations dela politique de conservation de la ville historique deVigan."

L’Ordonnance qui prévoit la "création d’une Agencepour la conservation de Vigan" est encore à l’étude.

Gestion

Les espaces publics et bâtiments inclus dans laproposition d’inscription ont des régimes de propriétévariables. Selon les cas, les bâtiments publics sont lapropriété du gouvernement provincial d’Ilocos-Sur, dela municipalité de Vigan ou du diocèse romaincatholique de Nueva Segovia, et la plupart d’entre euxsont accessibles au public. Toutes les maisons situéesdans le centre de la ville ou dans les zones tampon sont

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des propriétés privées qui ne sont pas ouvertes aupublic.

Le centre de la ville et les zones tampon sontsoigneusement définis afin de préserver le tissu et lepaysage urbain. Cette mesure a été prise après que laproposition d’inscription ait été différée en 1987 du faitque les zones n’étaient pas correctement délimitées.

La responsabilité de la préservation du centre historiqueincombe officiellement à la Commission du PatrimoineHistorique de Vigan créée par le décret-loi No 358 de1996, en collaboration avec la municipalité de Vigan.De plus, la Commission entretient des liens avec ladirection du Tourisme, l’Institut historique national, leMusée national, l’Administration Intra-muros (Manille),la Commission nationale pour la culture et les arts et lesorganisations non gouvernementales impliquées dans laconservation de la ville. Les biens de l’Eglise sontadministrés par la Commission archidiocésaine pour laconservation du patrimoine culturel de l’Eglise.

Dans l’attente de la création de l’Agence spécialiséepour la conservation, la gestion quotidienne est assuréepar la municipalité de Vigan.

Un série de plan d’occupation des sols et autres plansprend en compte les besoins particuliers de Vigan à desdegrés divers. Parmi ceux-ci :

• Plan directeur national du tourisme aux Philippines,1991- 2010 ;

• Plan de conservation du centre historique de Vigan,1995 (Tourconsult/International pour laCommission de l’Union européenne) ;

• Plan directeur du développement du tourisme pourla Région I, 1992 ; Vigan, 1995 (direction duTourisme) ;

• Plan de développement du Nord-Ouest de Luçon(Northwestern Luzon Growth QuadrangleDevelopment Plan, 1995, Projet USAid) ;

• Plan d’investissement pour le Nord-Ouest de Luçon(Investment Promotion Package for theNorthwestern Luzon Growth Quadrangle, 1997,Projet USAid) ;

• Mise en application des lois et réglementations :Plan d’action, 1996 (Commission du patrimoine deVigan).

La deuxième Conférence internationale pour laconservation et le développement de Vigan, qui s’esttenue en 1997, a préparé plusieurs projets de politiqueset d’ordonnances pour le développement et lapréservation de la cité historique.

Des négociations sont actuellement en cours avec laAgencia Española de la Cooperación Internacional pourla préparation d’un "Plan global de conservation et dedéveloppement de Vigan".Les fonds alloués aux projets de conservationproviennent actuellement du budget limité de lamunicipalité de Vigan. Les organisations nongouvernementales locales étudient des mécanismes decollectes de fonds ; des projets spécifiques ont bénéficiéde financements privés. Une fois constituée, laCommission du patrimoine de Vigan, qui sera chargée

de coordonner les programmes de conservation de laville, recevra des fonds du gouvernement national.

Conservation et authenticité

Historique de la conservation

En 1975, le Musée national a entrepris une premièreaction de sensibilisation des propriétaires etadministrateurs de biens historiques à Vigan à lanécessité de suivre des règles de conservationappropriées. A cet effet un séminaire a été organisé aucours duquel il fut question du patrimoine de la ville etde la nécessité de le préserver. A l’issue de ce séminaire,un groupe d’architectes et d’ingénieurs a été mandatépar le Musée pour réaliser une étude sur les biens etmener une mission de conseil auprès des propriétairessur les mesures de conservation nécessaires. Le manquede financement a cependant limité l’impact de cetteaction.

Le Plan de conservation du centre historique de Vigan,1995 (se reporter plus haut) a effectué une enquête surles bâtiments existants (56 maisons comportant un étagesupérieur en bois, 130 maisons entièrement construitesen maçonnerie ou briques), et constaté que 86 de cesstructures étaient en bon état et 84 dans un état deconservation médiocre à mauvais.

Un inventaire détaillé de 120 maisons, financé par laFondation Toyota, a été effectué en 1996 afin de servirde base au futur projet de conservation.

Authenticité

Le tracé des rues est totalement authentique etentièrement conforme au plan dessiné par les Espagnolsau XVIe siècle. L’authenticité de l’ensemble du paysageurbain et des espaces publics est également élevé.

Pour ce qui concerne les bâtiments, le manque deréglementation sur la conservation s’est traduit parl’utilisation de matériaux modernes comme l’aciergalvanisé en remplacement des tuiles de couverture.La prise de conscience de la nécessité de préserverl’authenticité de Vigan est récente. On voit émerger despratiques de restauration et de conservation quirespectent l’authenticité de la ville laquelle a évolué aucours des siècles et qui puisent dans les ressourcesconsidérables que constituent les métiers traditionnelsqui survivent aux Philippines.

Evaluation

Action de l’ICOMOS

Une mission d’expertise de l’ICOMOS a visité Viganen janvier 1999. L’ICOMOS a également consulté sonComité scientifique international sur les villes et villageshistoriques.

CaractéristiquesVigan est unique parmi les villes des Philippines carc’est la seule qui conserve en grande partie intacte soncaractère colonial espagnol. Elle se distingue égalementpar la manière dont les différentes traditionsarchitecturales – européennes, llocanos, philippines et

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chinoises – se sont alliées pour créer un paysage urbainhomogène de grande importance culturelle.

Analyse comparative

Vigan appartient à un groupe de grandes villescommerçantes d’Extrême-Orient dans lesquelles semêlent des éléments asiatiques et européens, commeMalacca, Macao, Singapour et Hoi An. L’exemple leplus proche est probablement Hoi An où l’on trouve lemême type de construction, combinant magasin ethabitation, fortement influencé par le modèle chinois.

Vigan est cependant unique en ce qu’elle est la seule dece groupe à conserver intact le plan rigide à damier desvilles coloniales espagnoles. Les seuls exemples de cetype d’urbanisme parvenus jusqu’à nous se trouvent enAmérique latine, mais ceux-ci ne présentent pas lafusion multiculturelle de Vigan.

Observations et recommandations de l’ICOMOS pourles actions futures

La proposition d’inscription de Vigan sur la Liste dupatrimoine mondial a été examinée par le Comité lors desa 13e Session à Paris en décembre 1989. Le Comité arecommandé qu’elle ne soit pas inscrite sur la Liste,mais a exceptionnellement "suggéré que les autoritésphilippines contactent l’ICOMOS et le Secrétariat afind’étudier la possibilité d’élaborer une nouvelleproposition d’inscription composée d’élémentsparticulièrement significatifs du patrimoine historiquetrès spécifique des Philippines" (Rapport du Comité,XIV.46.C).

L’ICOMOS avait recommandé le rejet en 1989 du faitque "ce bien culturel ne montrait pas d’exemplaritésuffisante, et les caractéristiques urbaines etarchitecturales de Vigan n’étaient en aucun cascomparables à celles des villes espagnoles des Caraïbescomme Carthagène (Colombie) ou Trinidad (Cuba)."L’ICOMOS reconnaît maintenant que la comparaisonavec les villes coloniales espagnoles d’Amérique latineet des Caraïbes n’est pas pertinente car les villeshistoriques doivent être évaluées dans un contexterégional et non pas mondial.

La mission d’expert qui a visité Vigan en Janvier 1999 afait un certain nombre d’observations qui devraient êtrerapportées à l’Etat partie :

• Des modifications mineures sont suggéréesconcernant la délimitation de la zone centralehistorique. Le collège de Vigan « Divine Word »situé dans la partie nord-est de la zone centrale, quiest une structure moderne à quatre niveaux, doit êtreexclu, de même que certains bâtiments dont l’usagene convient pas (magasin de boissons, pompe àessence).

• De même, les limites de la zone tampon devraientêtre modifiées de manière à exclure l’ancienne écolecentrale de Vigan qui sert maintenant d’annexe à lagare terminale routière.

• La mission s’inquiète de ce que la Commission dupatrimoine de Vigan, créée en 1996, ne soit pascomplètement opérationnelle, apparemment parmanque de personnel professionnel. Il y a égalementun problème de dédoublement des responsabilités

entre la Commission et le Musée national, qui estl’organisme auquel toutes les demandes relativesaux bâtiments historiques protégés doivent êtreadressées.

• L’ordonnance municipale devant créer l’Agencepour la Conservation était sur le point d’obtenirl’agrément lorsque la mission a eu lieu. Etant donnéqu’elle prévoit la constitution d’une équipe despécialistes de la conservation, l’ICOMOS craintque cela ne créée un problème de répartition destâches dans un avenir proche.

L’ICOMOS recommande qu’il soit demandé à l’Etatpartie : a. de modifier légèrement les limites des zonescentrale et tampon de manière à les rendre plusconformes pour l’inscription sur la Liste du Patrimoinemondial et b. de délimiter clairement les responsabilitéset les compétences de chaque organisme - existant et encours de création - impliqué dans la préservation de laville historique, afin d’éviter tout conflit d’autorité etune éventuelle répétition du travail.

Brève description

Vigan est l’exemple le plus intact de ville colonialeespagnole fondée au XVIe siècle en Asie. Sonarchitecture reflète la réunion d’éléments culturels enprovenance d’autres régions des Philippines, de Chineet d’Europe, ce qui crée une culture unique et unpaysage urbain sans équivalant en Extrême-Orient.

Recommandation

Le Bureau a recommandé que cette propositiond’inscription soit renvoyée à l’Etat partie, en demandantque la modification des limites de la zone proposée pourinscription et de sa zone tampon, comme le suggèrel’ICOMOS, et la définition claire et sans ambiguïté de lastructure de conservation du bien proposé soientfournies pour le 1er octobre. Ces informations ne sontpas arrivées au moment où cette évaluation est préparéepour l’impression. Si ces informations sont fournies etjugées acceptables, l’ICOMOS recommande que le biensoit inscrit sur la Liste du patrimoine mondial sur labase des critères ii et iv :

Critère ii Vigan représente une alliance unique dela conception architecturale et de la constructionasiatiques avec les caractéristiques urbanistiques etarchitecturales coloniales européennes.

Critère iv Vigan est un exempleexceptionnellement intact et bien préservé de villecommerçante européenne en Extrême-Orient.

ICOMOS, septembre 1999

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Kalwaria Zebrzydowska (Pologne)

No 905

Identification

Bien proposé Kalwaria Zebrzydowska : ensemblearchitectural maniériste et paysager etparc de pèlerinage

Lieu Voïvodie de Bielsko-Biala, District deKalwaria Zebrzydowska

Etat partie République de Pologne

Date 29 juin 1998

Justification émanant l’Etat partie

Dans son ensemble, le parc du calvaire maniéristeKalwaria Zebrzydowska constitue un bien culturelunique et exceptionnel composé de quarante-quatreédifices nichés dans un grand et bel espace naturel etdisposés selon un savant système défini en fonction ducontenu, du rôle et de la forme. Ce système, dominé parla nature, est un paysage historique unique au monde(critère ii). C’est aussi un superbe exemple de paysagede calvaire, représentatif de ce type de site (critère iv).Il renferme des messages symboliques majeurs auniveau des idées et du contenu, traduits en langagethéâtral religieux traditionnel dans un décor naturelpaysager. L’ensemble associe des effets de forme et desvaleurs architecturales à un contenu symbolique etidéologique (critère vi).

Catégorie de bien

En terme de catégories de biens culturels telles qu’ellessont définies à l’article premier de la Convention duPatrimoine mondial de 1972, le bien proposé est un site.C’est aussi un paysage culturel tel que défini à l’article39 des Orientations devant guider la mise en œuvre dela Convention du patrimoine mondial.

Histoire et description

Histoire

Les travaux de construction du Calvaire commencèrenten 1600 sur ordre de Mikolaj Zebrzydowski, seigneurde Cracovie. Il y fit construire la chapelle de laCrucifixion et un petit ermitage sur les pentes du montZar où il avait l’habitude de se retirer pour méditer.

Puis les moines bernardins (cisterciens), Tomasz Buckiet Ludwig Boguski, le persuadèrent d’agrandir son

projet d’origine et d’édifier dans le paysage denombreuses chapelles dont la forme et l’idées’inspireraient de Jérusalem. Ce lieu serait destiné nonseulement aux habitants de la région mais aussi auxcroyants de toute la Pologne et des pays voisins.

Les plans du site sont dus à l’éminent mathématicien,astronome et topographe Feliks Zebrowski. Il se basasur le paysage de Jérusalem au temps du Christ, utilisantun système de mesure qu’il avait mis au point afin dereproduire symboliquement le paysage urbain deJérusalem sur le paysage naturel. Il fit usage de latopographie naturelle. Ainsi le mont Lackaranskareprésente-t-il le Mont des Oliviers et le mont Zar, leGolgotha.

Les sites choisis pour les chapelles, qui retracent lesétapes de la vie de Jésus et les stations du chemin decroix, étaient reliés par des chemins tracés à travers laforêt et furent d’abord marqués par une simple croix.Celles-ci furent remplacées par des chapelles, dont laquasi-totalité fut construite entre 1605 et 1632.L’architecte des chapelles, le belge Paul Baudarth, atransmis l’influence de l’architecture Maniériste desPays-Bas. En 1632 un mur encercla le site – il n’existeplus aujourd’hui – pour symboliser les limites de laVille Sainte, de même qu’un réseau de chemins quireliait les dix chapelles consacrées à la vie de la ViergeMarie.

Seules quatre chapelles furent ajoutées – celles dédiées àla troisième chute du Christ (1754), aux saintes Femmes(1782), à saint Jean Népomucène (1824) et à l’ange(1836). Le premier pont des Anges a été remplacé en1907 par une nouvelle structure.

L’église de Notre-Dame-des-Anges et le monastère desbernardins sont l’œuvre de l’architecte italien GiovanniMaria Bernardoni. Toutefois, il ne termina pas lestravaux qui furent repris par Baudarth en 1609. Lemonastère fut considérablement agrandi en 1654-1656et prit l’apparence d’un château baroque. Une chapelledes pèlerins, de style baroque, fut ajoutée à l’église en1658-1667 afin de recueillir l’icône miraculeuse de laVierge. L’église n’a pas été modifiée depuis le XVIIe

siècle, mais le monastère fut encore agrandi au début duXIXe siècle.

Lorsque le monastère fut fondé en 1617, les habitants dela ville de Kalwaria Zebrzydowska qui s’était agrandieeurent la possibilité de louer une partie des terresappartenant au parc du calvaire. Ils commencèrent pardéfricher pour créer des pâtures et, au milieu du XVIIIe

siècle, ils eurent l’autorisation de construire des maisonssur leurs parcelles. Un processus de reboisement a étéentamé au début du XIXe siècle.

Au début du XVIIIe siècle, la famille Czartoryski,propriétaire du parc, construisit un palais près de l’églisedes pèlerins, qui fut en grande partie détruit au XIXe

siècle. A la fin de la Deuxième Guerre mondiale, laparcelle sur laquelle se trouvait cette demeure ainsi quecertains bâtiments annexes qui avaient survécu,devinrent propriété de l’Etat qui y construisit unséminaire.

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Les archives historiques montrent que KalwariaZebrzydowska a reçu de nombreux nobles et royauxvisiteurs ainsi que des pèlerins. Beaucoup étaient attiréspar les représentations religieuses et les cérémonies quiy étaient organisées. Dès 1613 Mikolaj Zebrzydowskiavait reçu l’autorisation de fonder une confrériereligieuse pour organiser des cérémonies religieusesde ce type. Les paysans de la région se joignaient auxmoines bernardins à Pâques pour prendre part auxreprésentations théâtrales de la Passion du Christ. Cesmanifestations religieuses furent réprimées pendantl’occupation autrichienne, mais elles furent raniméesen 1947. En plus de la procession de la Passion àPâques, une cérémonie semblable se déroule lors de lafête de l’Assomption de la Vierge Marie en août.

Description

Kalwaria Zebrzydowska se niche entre les vallées desaffluents de la Visture, la Skawa et la Raba, et s’inscritentre les monts Zar et le mont Lanckoronska. La régionest actuellement très boisée grâce au reboisementeffectué au XVIIIe siècle. Les ruines de deux châteauxmédiévaux encadrent le paysage sur les pentes de cesdeux montagnes.

Le parc paysager tire partie des caractéristiquesnaturelles du site pour compléter et équilibrer lesœuvres humaines. La disposition des édifices dans lepaysage fait de ce site un exemple exceptionnel de parcmaniériste : des caractéristiques des parcs et jardins dela Renaissance italienne et du baroque français semêlent à la liberté et à l’irrégularité du maniérisme. Leplan général est en forme d’ellipse, d’une superficied’environ 400ha. Les principaux édifices sont disposéssur le pourtour de cette zone et reliées par des cheminset des routes qui symbolisent ceux de l’ancienneJérusalem et que les pèlerins empruntaient pour suivrepas à pas la Passion du Christ.

Une des caractéristiques du maniérisme est de multiplierles points de vue et les perspectives entre les différentsédifices, ainsi que les panoramas magnifiques, nonseulement sur le parc lui-même, mais aussi sur les Tatraset sur la ville de Cracovie.

Les chapelles et les églises complètent la compositiondu parc. Elles surgissent à l’improviste de l’épaisseurdes bois ou ponctuent de longues allées. Les chapellesmontrent un degré élevé d’originalité dans les formes etles compositions, parallèlement à une attentionparticulière au détail. Leur caractéristique la plusfrappante est la diversité des formes qui s’inspirent deleur signification symbolique (comme par exemple lachapelle du Cœur de la Vierge Marie dont le plan est enforme de cœur). Les plans vont de la simple ellipse (lamaison du Caïphe) au triangle (la maison d’Anne) à desformes plus complexes telles qu’un triangle lié à deuxdemi-cercles (la maison de Notre Dame), une croixgrecque (la maison de Pilate), un plan rectangulaire avecdes absides semi-circulaires (le Saint Sépulcre), unoctogone contenant un carré (l’Ascension), un rectangleallongé (la Cène) et un carré flanqué de pilastres auxquatre coins (la porte Est de Jérusalem).

Les façades sont tout autant imaginatives et variées. Lesmatériaux et les techniques utilisés sont variés – pierrebrute et brique, pierre de parement, briques brutes etbriques enduites ; toits de cuivre, de zinc ou de tuilesvernissées. Les détails des façades rappellent nettementles Pays-Bas. Bandeaux et larges entablements divisentles façades horizontalement tandis que demi-colonnesou pilastres les ponctuent verticalement. Des élémentsdes ordres toscan, ionique et composite, animés devisages, décorent les encadrements de portes et defenêtres. Les petites fenêtres sont de formes diverses,souvent circulaires ou ovales. Parmi les autres élémentsde décors, on trouve des tresses, des arcades aveugles etdes pendants ornés ou non. Plusieurs chapelles ont deschaires en pierre, brique ou bois se détachant desfaçades. La couleur est utilisée savamment, par ladiversité des matériaux et des peintures. Plusieurschapelles ont des dômes richement décorés de stuc.

Par opposition, les décors et le mobilier intérieurs sontsimples. De nombreuses chapelles renferment des blocsportant l’inscription Terra Santa, indiquant qu’ellescontiennent de la terre de Jérusalem.

Il y a deux grandes églises à Kalwaria Zebrzydowska.L’église du Tombeau de la Vierge de style baroque estconstruite en cailloutis et en blocs de pierre pour lesornements et la base massive sur laquelle elle repose.L’église est de plan rectangulaire avec une absideorientée et un porche d’entrée ou narthex à l’ouest. Ellecomporte deux niveaux, la partie inférieure représentantle tombeau lui-même et l’étage supérieur, l’Ascension.Son toit en bâtière est surmonté d’une mince flèchecentrale.

L’église de la Crucifixion est de plan rectangulaireallongé, l’intérieur est divisé en deux parties par desvoûtes composées et le toit en bâtière est surmontéd’une flèche. La façade composée de trois partiespossède trois entrées et quatre saillies. Des pilastresdoubles de style toscan soutiennent un largeentablement décoré de frises représentant des sujetssymboliques.

L’église Notre-Dame-Des-Anges et le monastère desbernardins, situés au sommet des pentes du mont Zardominent le paysage. L’église possède une seule nef etun chœur allongé fermé par le maître-autel. Troischapelles surmontées de dômes s’ouvrent sur le côtésud. La façade à deux étages est surmontée d’un frontontriangulaire flanqué de deux tours à toiture baroque.L’intérieur richement décoré est de style baroque et lechœur comporte quelques stalles sculptéesexceptionnelles.

Le monastère construit autour de deux cloîtres intérieursse trouve au nord de l’église. Il possède une façade àtrois niveaux et cinq ornementations en saillie, il estcouronné de corniches à lunettes.

Un certain nombre de bâtiments séculiers sont édifiésdans le parc. Ce sont des pavillons qui pour la plupartbordent les avenues. Les premiers, datant du XVIIIe etdu XIXe siècles sont en bois dans le style particulier dela région. Ils comportent généralement un étage, un

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grenier et des vérandas en façade. Les toitures en bâtièresont faites en différents matériaux.

Gestion et protection

Statut juridique

L’ensemble du parc est un monument protégé car il estinscrit sur la liste des monuments historiques de laVoïvodie de Bielsko-Biala. La protection ainsi offerteest définie dans la Loi polonaise de la protection desbiens culturels de 1962 amendée ultérieurement, et leCode de la procédure administrative.

Il est soumis aux politiques spéciales du Plan générallocal du développement de la ville et du District deKalwaria Zebrzydowska, approuvé en 1982. Une partieest couverte par le plan correspondant du District duparc de Lanckorona.

Gestion

Le paysage culturel de Kalwaria Zebrzydowska et sesavenues traversant le parc, ses chapelles, ses prairies etses forêts de la partie nord-est, sont la propriété dumonastère des bernardins. Les forêts du mont Zar sonten partie la propriété du monastère et en partie celle del’Etat. La forêt de Lanckorona ainsi qu’un certainnombre de petites exploitations agricoles et de zonesrésidentielles sont divisées en plusieurs propriétésprivées.

En tant que monument historique national, KalwariaZebrzydowska relève de la compétence du Service del’Etat pour la Protection des Monuments. A ce titre, desfonds destinés à la conservation lui sont attribués par leministère de la Culture et des Arts par l’intermédiaire duCoordinateur général des Monuments et duConservateur régional des Monuments.

La gestion locale est confiée au propriétaire, à savoir lemonastère des bernardins qui travaille avec leConservateur du District qui représente l’Etat. Cedernier est employé par le Conseil de la ville et par leDistrict de Kalwaria Zebrzydowska et travaille encollaboration avec l’architecte de la ville. Le monastèreest doté d’un conseil scientifique composé d’architectes,d’architectes paysagers, de conservateurs desmonuments historiques, de spécialistes des jardinshistoriques, d’historiens d’art, etc. Ce corps superviseles personnes responsables des chantiers et lesconseillent sur les politiques de conservation et degestion.

Il n’existe pas de plan global de gestion pour le parc.Toutefois, il existe un programme constamment remis àjour de projets de restauration et de conservationconvenu entre les responsables de la gestion du parc etapprouvé par le conseil scientifique. Actuellement, sonten cours ou prévus les projets suivants : rénovation etconsolidation des églises et des chapelles, conservationdes décorations intérieures, entretien des routes du parc,gestion de la végétation et contrôle du développementimmobilier dans le parc.

Conservation et authenticité

Historique de la conservation

Depuis sa création, le calvaire est placé sous l’autorité etla gestion du monastère des bernardins. Plusieurscampagnes de restauration ont été menées par les pèressupérieurs successifs de la communauté de KalwariaZebrzydowska : au milieu du XVIIIe siècle, à troisreprises au cours du XIXe siècle et au début du XXe

siècle. La plus grande partie des travaux, qui visaient laconsolidation des fondations des chapelles, leremplacement des matériaux de couverture et desstructures et la conservation des intérieurs, a étéeffectuée par les moines eux-mêmes, bien qu’il ait étéfait appel à des spécialistes pour réaliser certaines tâchesspécialisées comme la conservation et la restauration despeintures.

A la fin de la Deuxième Guerre mondiale, le parc futnationalisé et devint domaine de l’Etat. Parallèlement,on a tenté de limiter l’usage du calvaire par les pèlerins.En 1981, le classement du calvaire comme monumentprotégé a permis d’améliorer la situation, mais cela acoïncidé avec la construction de nouvelles habitationsprivées dans la zone et la création de nouvelles routesd’accès. Cela a suscité une série d’interventions de lapart du Conservateur régional des monuments. En 1986,le poste d’Architecte du parc a été créé puis remplacé en1992 par le poste de Conservateur des monuments parcelui de Conseil de la ville et du District de KalwariaZebrzydowska.

Il a d’abord été procédé à une étude pour lerétablissement du réseau des routes et des avenues, qui aabouti à une réglementation de la circulation, à laréhabilitation de la végétation et à la conception et laconstruction de nouveaux bâtiments. Une grande partiede la zone des avenues a ensuite été restituée par l’Etatau monastère des bernardins. Le plan de développementde 1994 a mis les avenues sous contrôle strict en tantque zone de conservation du parc paysager et en mêmetemps des zones tampon ont été constituées pourl’ensemble du site.

Actuellement, la construction de nouvelles maisonsd’habitation dans la zone protégée est interdite et uncontrôle est effectué sur les bâtiments dans la zonetampon. La forêt fait l’objet d’une exploitation contrôléeintensive pour le bois de charpente.

Authenticité

Kalwaria Zebrzydowska conserve globalement sonauthenticité en tant que paysage culturel. Lesréalisations humaines et l’environnement naturel,totalement préservés, conservent presque intacts lesliens symboliques et topographiques du plan de 1604.

Les créations de l’homme ont été soigneusementpréservées par la communauté des bernardins au coursdes siècles. Les travaux de conservation ont été réalisésavec soin et dans le respect de l’authenticité desmatériaux et des techniques.L’authenticité des fonctions est également intacte, car leCalvaire attire toujours les pèlerins qui viennent voir ce

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paysage qui symbolise la Passion du Christ et la vie dela Vierge Marie.

Evaluation

Action de l’ICOMOS

Une mission d’expertise de l’ICOMOS a visitéKalwaria Zebrzydowska en janvier 1999. L’ICOMOS aégalement consulté son Comité internationalScientifique des Jardins et Sites historiques.

Caractéristiques

Kalwaria Zebrzydowska est un ensemble deconstructions exceptionnel dans un paysage natureld’Europe centrale, une représentation symbolique deséléments du paysage urbain de Jérusalem au temps de laPassion de Jésus Christ, un lieu de pèlerinage depuisquatre siècles, parvenu intact jusqu’à nous.

Analyse comparative

Le concept du Calvaire - groupe de chapelles disposéesdans l’espace symbolisant le chemin de croix du Christdans un paysage urbain ou un paysage ouvert (SacriMonti) - a évolué dans le temps. Il a pris une importanceparticulière au moment de la Contre-Réforme à la fin duXVIe siècle, et fut aidé en cela par la publication de lareconstitution par Androchomius en 1584 d’un planexact de Jérusalem à l’époque du Christ.

Beaucoup ont été construits au XVIIe siècle en Italie,dans la péninsule ibérique, les Pays-Bas et en Europecentrale, sous des formes très variées. KalwariaZebrzydowska appartient au petit groupe des « grandscalvaires » qui sont de vastes projets s’étendant sur degrandes superficies dans des paysages qui possèdent descaractéristiques topographiques particulières et adoptentune approche dérivée de la conception du parc baroque.Kalwaria Zebrzydowska est d’une importanceparticulière en raison de la manière dont les routes et lesavenues sont disposées entre les chapelles, amplifiantleur signification symbolique.

En Italie, un certain nombre de ces calvaires sontpréservés dans le cadre de parcs naturels nationaux ;Plusieurs Sacri Monti de ce type sont maintenantpréservés et protégés dans le Piémont, par exemple.Leur préservation est cependant presque uniquementliée à leur valeur historique, l’élément religieux étantsubordonné et le pèlerinage n’étant pas considérécomme essentiel à leur gestion et leur présentation.Kalwaria Zebrzydowska, par opposition, joue encore unrôle spirituel prédominant dans la vie du peuplepolonais et sa gestion est toujours confiée à lacommunauté monastique qui en est le gardien depuis ledébut du XVIIe siècle.

Recommandations de l’ICOMOS pour des actionsfutures

L’ICOMOS s’inquiète du projet de jardin néobaroqueprès du nouveau séminaire, à l’emplacement du palaisdes Czartoryski. Ce projet moderne ne conviendrait pas

à l’environnement dans lequel il s’insèrerait. Il fautenvisager quelque chose de beaucoup plus simple quiutilise le verger existant, et créer un jardin plus enharmonie avec les bâtiments qui l’entourent.

Les poteaux métalliques modernes qui environnent lazone de pèlerinage sont surmontés pendant la saisontouristique par des haut-parleurs, des drapeaux et autresaccessoires. Ils sont totalement hors contexte etdevraient être remplacés par des équipements plusdiscrets.

Il y a un groupe de maisons anciennes pittoresques prèsde la basilique. Elles ne sont pas la propriété dumonastère des bernardins qui ne peut en contrôler ledéveloppement, de sorte que certaines ont été“modernisées” avec des matériaux et des techniquesimpropres. D’autres portent de grandes antennesparaboliques sur leur façade. Il conviendrait de prendredes mesures pour améliorer leur apparence et empêchertout enlaidissement de ce type.

Au vu de ce qui précède, l’Etat partie pourrait envisagerde rétablir les droits de pleine propriété au monastèredes bernardins qui s’est montré parfaitement apte à géreret à conserver la zone proposée pour inscription.

Il n’existe pas de plan de gestion du parc de KalwariaZebrzydowska, tel que l’entend le Comité du Patrimoinemondial (Orientations devant guider la mise en œuvrede la Convention du patrimoine mondial paragraphe24.b.i) bien que certains éléments d’un tel plan soientdéjà en place. L’Etat partie devrait sans délai travailleravec les différentes institutions concernées à lapréparation de ce plan pour le soumettre au Comité pourévaluation.

Brève description

Kalwaria Zebrzydowska est un exemple de paysagenaturel quasi immuable depuis le XVIIe siècle danslequel s’inscrivent des lieux symboliques de dévotionrelatifs à la Passion de Jésus Christ et à la vie de laVierge Marie. C’est encore aujourd’hui un lieu depèlerinage.

Recommandation

Que cette proposition d’inscription soit renvoyée àl’Etat partie, en lui demandant de préparer un projet deplan de gestion du bien pour évaluation avant la réuniondu Comité du patrimoine mondial de décembre 1999.Cette information n’est pas arrivée au moment où cetteévaluation est envoyée à l’impression. Au cas où ceprojet serait fourni et favorablement évalué, l’ICOMOSrecommande que le bien soit inscrit sur la Liste duPatrimoine mondial sur la base des critères ii et iv :

Critère ii Kalwaria Zebrzydowska est unmonument culturel exceptionnel dans lequel lepaysage naturel a été utilisé comme cadre d’unereprésentation symbolique de la Passion du Christsous la forme de chapelles et d’avenues. C’est doncun paysage culturel d’une grande beauté et d’une

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grande qualité spirituelle dans laquelle les élémentsnaturels et ceux dus à l’homme se marientharmonieusement.

Critère iv La Contre-Réforme à la fin du XVIe

siècle conduisit à la multiplication des calvaires enEurope. Kalwaria Zebrzydowska est un exempleexceptionnel de ce type de paysage à grande échelle,qui intègre la beauté naturelle, les objectifsspirituels et la conception d’un parc selon l’idéalbaroque.

ICOMOS, septembre 1999

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Sighisoara (Roumanie)

No 902

Identification

Bien proposé Centre historique de Sighisoara

Lieu Région de Mures

Etat Partie Roumanie

Date 29 juin 1998

Justification émanant de l'Etat Partie

La vieille ville de Sighisoara est un site représentatifde la civilisation allemande des colons saxons deTransylvanie. Elle témoigne d’une manière deconstruire qui a considérablement influencé, pendanttout le Moyen Age, le développement ultérieur desvilles de Transylvanie, le type d’habitat urbain ainsique l’architecture traditionnelle. Critère ii

Le tissu urbain et la structure géométrique et spatialeainsi que les nombreux monuments d’une valeurincontestable, confèrent à cet ensemble, développé ensymbiose organique avec le paysage, la valeur d’unaccomplissement exceptionnel. Critère iii

La ville constitue l’un des types les plus représentatifsde la structure médiévale spécifique d’un site urbainde petite dimension possédant un ensemblearchitectural homogène et disposant toutefois d’uneposition géographique unique. Critère iv

Elle constitue l’exemple le mieux conservé de toutesles villes de Transylvanie, un témoignage de ce qui estcaractéristique de la tradition de construction descolons saxons du Moyen Age, tradition exprimée parla conservation des styles architecturaux, des procédésde construction et de la forme de l’habitat urbain,maintenus jusqu’à nos jours.

Tout cela prouve que Sighisoara est un sitereprésentatif de la civilisation allemande médiévale etmoderne de Transylvanie, menacée par les mutationssociales et culturelles survenues durant les dernièresdécennies suite à l'exil massif de la minoritéallemande. Critère v

Catégorie de bien

En termes de catégories de biens culturels, telles qu'ellessont définies à l'article premier de la Convention duPatrimoine mondial de 1972, le Centre historique deSighisoara est un ensemble.

Histoire et Description

Histoire

Situé au cœur de la Transylvanie, Sighisoara s’estdéveloppé sur un plateau, dominé par une colline, quisurplombe une boucle de la rivière Tirnava.

Au XIIIe siècle, des artisans et des marchandsallemands, dits Saxons, sont appelés par les souverainshongrois pour coloniser la Transylvanie et protéger lafrontière des Carpates contre les peuples des steppes. Ilss’établirent sur la colline, appelée colline de la Cité, quia livré des témoignages d’occupation remontant aupaléolithique.

À la suite des incursions tatares de 1241, l’établissementfortifié de la colline de la Cité sera renforcé de mursmunis de tours qui seront étendus pour engloberl’ensemble du plateau à la fin du XIVe siècle. La ville,connue en 1280 sous le nom de Castrum Sex, développeses activités commerciales grâce aux puissantescorporations d’artisans. Chacune des corporations s’estchargée de la construction d’une tour et de sa défense.L’importance de la ville est reconnue en 1367,lorsqu’elle obtient le titre de Civitas et devient ladeuxième entité politique territoriale de Transylvanie (le« scaun » de Schässburg, appellation d’originegermanique de Sighisoara).

Soumise à la pression des Turcs entre 1421 et 1526, lacité surélève ses murs. Dans le même temps, un habitatse développe autour de l’église de l’hôpital Saint-Antoine (présence attestée par des documents en 1461)située au pied du plateau. Le noyau de la Ville basseprotégé par des murs percés de portes défensives,s’étendra progressivement à l’est et à l’ouest pouratteindre aujourd’hui les deux rives de la Tirnava.

Au cours du XVIIe siècle, la ville de Sighisoara subitune succession d’événements tragiques. La populationest réduite de près de moitié à la suite de deuxépidémies de peste. En 1676, un incendie détruit lestrois quarts de la ville dont réchappent les édifices de lacolline de la Cité et les bâtiments sont reconstruits surles anciennes fondations. La Ville basse est égalementfrappée par deux incendies (1736 et 1788), desinondations (1771) et l’ensemble de la ville par leséisme de 1838.

En 1840, les corporations de marchands perdent lemonopole qui leur avait été accordé dès le XIIIe siècle etelles disparaissent. Resté quelque peu en retrait dugrand courant de développement économique du XIXe

siècle, Sighisoara a préservé son centre historique destransformations à grande échelle. Des interventionsponctuelles ont cependant entraîné la perte de quelquestours et d’une section des murs. En 1886, lorsque laHongrie a transféré la constitution de « Komitat »(district) à la Transylvanie, Sighisoara/Schässburgdevenant la capitale du district Tirgu Mares/Neumarkt,le monastère des dominicains a été démoli pour faireplace au nouvel hôtel de ville.

Au XIXe siècle, la partie haute de Sighisoara maintientsa fonction de centre administratif et culturel. Les

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activités commerciales et artisanales sont transféréesdans la Ville basse qui perdra ses fortifications dans unephase d’extension ultérieure.

Description

Le centre historique de Sighisoara, proposé pourinscription sur la Liste du patrimoine mondial, estconstitué par le site fortifié qui s’étend sur le plateauaux versants abrupts dominé par la colline de la Cité,la Ville basse et les versants boisés situés encontrebas. Ces deux secteurs forment un ensembleindissociable qui correspond aux limites historiquesde la ville médiévale.

Le centre historique de Sighisoara conserve, en dehorsdes implantations du XIXe siècle, un tissu urbaind’origine médiévale avec son parcellaire, différenciésuivant les phases successives de développement dusite, et son réseau de rues étroites sur lesquelless’alignent des rangées serrées de maisons.

La Citadelle est composée de trois rues longitudinalescoupées de passages transversaux. L’axe principal (ruede l’Ecole) relie la Place de la Cité aux deux portesprincipales aménagées au nord, sous la Tour desTailleurs et au sud, sous la Tour de l’Horloge. Cettedernière permet de passer dans la Ville basse quis’étend en suivant la pente autour de la PlaceHermann Oberth (ancienne Place du Marché), pointd’intersection des rues transversales avec l’axe majeur(rue Ilari Chendi et rue 1 Decembrie).

Les fouilles archéologiques menées dans la Citadelleont dégagé les vestiges de maisons en bois des XIIIe-XIVe siècles dont les fondations ont été englobéesdans les maisons en pierre des XVe-XVIe sièclesreconstruites pour la plupart après l’incendie de 1676.

Les maisons, pour la plupart de simples maisonsd’artisans à deux ou trois étages, sont construites enpierre ou en briques revêtues d’un crépi coloré etsurmontées d’une haute toiture couverte de tuiles.Elles se distinguent par leur plan : façades étroites surla rue avec disposition en L ou en U, tourd’habitation, maisons avec pièces en enfilade, etc.

Les maisons au plan compact, sans doute les plusanciennes, sont caractérisées par une galerie d’entréelatérale et voûtée. En raison de l’exiguïté desparcelles, cette galerie d’entrée est parfois commune àdeux maisons mitoyennes. Elles conserventgénéralement au sous-sol d’anciennes voûtes enberceau, les ateliers au rez-de-chaussée couverts deplafonds en bois ou bien de voûtes en briques et auxétages, les pièces d’habitation. Quelques façades(Place de la Cité, par exemple) présentent unearchitecture plus aristocratique d’inspiration baroque(XVIIe-XVIIIe siècle).

Un groupe de maisons, situées entre la ruelle de laCitadelle et la Place Hermann Oberth, se singularisepar la disposition des étages, adaptation à laconfiguration du terrain en pente.

Un mur long de 930 mètres et muni de tours ceinture leplateau de la Citadelle. Il témoigne des différentesphases de construction depuis le XIIIe siècle jusqu’auXVIIe siècle. Il s’élève sur une hauteur de 8 à 10 mètresentre la tour des Cordiers et celle des Bouchers, partie lamieux conservée. Les neuf tours qui subsistent, sur lesquatorze d’origine, se distinguent par leurs formes.L’imposante tour de l’Horloge occupe une placeparticulière comme symbole de la ville car elle étaitplacée sous la responsabilité du conseil municipal qui ytenait ses assemblées jusqu’en 1556. Située au milieu dumur sud des fortifications, elle domine les trois placesdu centre historique et protège les escaliers qui relient laVille haute de la Ville basse. Elle abrite aujourd’hui unmusée.

Parmi les monuments du centre historique deSighisoara, il faut citer l’église Saint-Nicolas, un édificereprésentatif de l’architecture gothique de Transylvanie.Juchée sur la colline, on y accède par un escalier àrampes de 175 marches appelé escalier des Ecoliers quiest protégé par une couverture en bois depuis 1642.L’église Saint-Nicolas, construite par étapes du XIVe auXVe siècle sur les vestiges d’un édifice roman, adopteun plan de type halle avec une abside polygonale. Ladécoration sculptée de la façade témoigne d’influencesprovenant d’Europe centrale.

L’église Sainte-Marie du monastère des dominicains,démoli en 1886, est un monument gothique du XIIIe

siècle de type halle aux façades dépouillées quirenferme un autel baroque de 1680.

Le monastère des dominicains, la tour des Tonneliers,au sud-est de la Citadelle, la tour des Serruriers etl’église du couvent des franciscains, au nord ont faitplace respectivement au massif bâtiment de style néo-Renaissance de l’Hôtel de Ville (1886-1888) et àl’église romane catholique (1894).

Gestion et Protection

Statut juridique

Une nouvelle loi de conservation fait l’objet dediscussions depuis plusieurs années ; le projet a déjàété amendé 15 fois. Une question particulièrementardue se pose : dans quelle mesure la dénationalisationdoit-elle être autorisée pour les édifices historiquesqui appartenaient jusqu’à maintenant à l’État ou auxgouvernements communaux (par exemple lesdemeures des Saxons ayant émigré en Allemagneavant 1990) ? Une division en deux catégories estprévue. Les édifices historiques d’importancenationale (catégorie A) doivent rester propriété del’État ; tous les autres peuvent être dénationalisés. Àce jour, la seule distinction se fonde sur les bâtimentshistoriques classés et les bâtiments importants pour lepaysage urbain. Ainsi, à l’avenir, une troisièmecatégorie fera son apparition.

Sur le plan du district de conservation de Sighisoara,qui constitue une zone tampon adéquate, la quasi-totalité des édifices de la Ville haute est enregistréesous l’une ou l’autre des deux désignations

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actuellement utilisées. Les deux tiers des maisons sontdes bâtiments historiques, un tiers est considérécomme important pour le paysage urbain. Dans laVille basse, le ratio est inversé. La nouvelle loiimposera d’éliminer les édifices qui sont d’envergurenationale et ne peuvent donc être dénationalisés. Trèsprobablement, cette catégorie comprendraessentiellement les deux églises, le cimetière, l’Hôtelde Ville, les fortifications et l'escalier des Écoliers.

Problème particulier de la dénationalisation : denombreuses demeures sont occupées par plusieursfamilles, qui devraient toutes avoir le droit d’acheterla partie dans laquelle elles vivent. D’autresréglementations devront être élaborées pour assurer laresponsabilité mutuelle de toutes les parties en ce quiconcerne la conservation et le traitement uniforme desparties communes des bâtiments (toit, escaliers,façades).

L’importance nationale de la Ville haute et de la Villebasse en qualité de district de conservation a déjà étéétablie en 1996, époque à laquelle elles ont été réuniesen une « zone de protection du patrimoinearchitectural et urbain » ; ce district de conservationporte sur l’intégralité de la Ville haute, l’ancienneplace du marché (place Hermann Oberth) et sesalentours, ainsi que sur les bâtiments à flanc de collinede la route du Moulin et de l’Hôpital. Les portes de laville (la porte de l’Hôpital, la porte du Moulin et laporte de la route Baier), représentées sur les anciennescartes et les vues de la ville, ont été utilisées pourdéterminer les limites du district de conservation.

Ces limitent deviennent incertaines dans les régionsoù des zones urbaines se sont élevées en dehors desfortifications. Cette remarque est particulièrementvalable pour les quartiers aux alentours de la porte dela route Baier (aujourd’hui nommée rue du 1er

Décembre). Le développement historique homogènedans cette zone (les édifices datent principalement duXIXe siècle pour ce qui est des éléments extérieurs,mais le noyau est souvent plus ancien) rendsouhaitable d’ajouter celle-ci au district deconservation, en l’incluant aussi dans la zoneproposée pour inscription sur la Liste du patrimoinemondial. Cela vaut également pour la courte routetransversale qui part de la route de l’Hôpital jusqu’ausud, directement à l’ouest de l’ancienne porte del’Hôpital, avec ses deux édifices historiques du XIXe

siècle (étude du notaire et ancien pensionnat).

Gestion

La conformité aux dispositions réglementant le districtde conservation est contrôlée par l’office deconstruction municipal, qui répond de ses actesdirectement devant le maire. Un permis est requispour tout travail de construction dans la zone deconservation. En principe, la démolition n’est pasautorisée, à l’exception de récents bâtiments à l’arrièrede certains lots de terrain. L’agrément del’Administration de la conservation historique, duministère de la Culture, doit être obtenu pour lestravaux de construction sur les bâtiments historiques.Les mesures prises illégalement doivent être défaites,

et donnent lieu au paiement d’une amende. Lesédifices dans le district de conservation ayant tous étéétudiés, et les résultats ayant été publiés, personne nepeut prétendre ignorer la situation.

Conservation et Authenticité

Historique de la conservation

Apparemment, aucun travail de conservation majeurn’a été effectué avant 1990 ; tout du moins, aucunrapport n’en fait état. Le plus important projet de cesdix dernières années a été la restauration de l’égliseSaint-Nicolas sur la colline, en étroite collaborationavec l’office de conservation roumain et la fondationMesserschmitt de Munich. Cette dernière s’estassignée pour mission de préserver le patrimoineculturel des Allemands en Europe de l’est et du sud-est, même après leur expulsion ou leur émigration versleur ancienne patrie. L’église a été fermée et a subi destravaux pendant plusieurs années. Elle possède unnouveau toit de petites tuiles d’argile et un nouveausol fait de dalles de grès ; l’édifice a été ré-enduit etpeint. Des vestiges de l'enduit peint façon pierre detaille ont été conservés, de même que les peinturesmurales du gothique tardif qui ont survécu enplusieurs endroits. L’église de la colline, que lacongrégation n’utilise que pendant les vacances, doitabriter un musée pour les peintures murales et lestableaux du gothique tardif ; les retables non réclamésdes églises désaffectées doivent également y trouverasile.

Il n’existe pratiquement aucun fonds public disponiblepour des travaux de conservation sur les maisonsrésidentielles ou pour la rénovation de l’infrastructure,qui s’impose pourtant de toute urgence. Il n’y aaucune chance pour que cette situation changebientôt ; le travail d’urbanisme est donc lui aussilimité à la formulation d’objectifs généraux telsl’amélioration du niveau de vie dans les appartements,la rénovation et l’enfouissement des lignesd’électricité, de gaz et de téléphone, et le pavage desrues.

Les fortifications de la ville posent un problèmeparticulièrement important. Dans les discussionsautour de la possibilité d’inscrire Sighisoara sur laListe du patrimoine mondial, elles sont l’un des atoutsmaîtres. D’autres villes de Transylvanie, comme parexemple Sibiu, possèdent des fortifications plusvastes, associées à des événements historiques de plusgrande importance (sièges, bombardements). Maisaucune ne peut prétendre, même de loin, posséder desfortifications aussi bien préservées que celles deSighisoara. Toutefois, les murailles ne conservent leurhauteur originale qu’en quelques endroits. La pluslongue section de mur présentant sa hauteur originale,qui s’étend entre la tour des Cordiers et celle desBouchers (aux portes du cimetière, en contrebas del’église de la colline), s’est effondrée sur près de lamoitié de sa longueur pendant l’été 1998. La partierestante risque elle aussi de s’écrouler. Une actionrapide et déterminée s’impose donc si l’on ne veut pasperdre totalement cette section du mur.

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Authenticité

Le degré d’authenticité de Sighisoara peut êtreconsidéré comme très élevé, tant en termes demonuments que de tissu urbain, si l’on prend pourpoint de départ la situation créée au XIXe siècle.Néanmoins, si la perte du monastère des dominicainset son remplacement par l’Hôtel de Ville en 1886-1888 ne sont pas acceptés comme un développementlégitime de la forme urbaine, des conclusionsdifférentes et moins positives s’ensuivent. La mêmeremarque vaut également pour le couvent desfranciscains et l’école allemande baroque, tous deuxdes nouveaux édifices illustrant le renouveau desstyles historiques.

Évaluation

Action de l'ICOMOS

Une mission d’expertise s’est rendue à Sighisoara enjanvier 1999. L’ICOMOS a également consulté sonComité scientifique international sur les villes et villageshistoriques.

Caractéristiques

Sighisoara est une petite ville à l’intersection de routescommerciales qui viennent de l’ouest et du nord de laTransylvanie, poursuivent jusqu’à Brasov et de làenjambent les Carpates pour mener en Valachie.Pendant des siècles, elles ont permis l’échange deproduits et d’idées entre les pays chrétiens de l’Europecentrale et l’empire ottoman.

Analyse comparative

Du fait de sa situation exposée dans l’arc desCarpates, qui a toujours formé une frontièredangereuse entre les Mongols et les Tatars (à l’est) etles Turcs (au sud), la Transylvanie était un pays oùnon seulement les villes, mais aussi les places demarché et les villages ne pouvaient survivre, que sileurs défenses (murailles, châteaux, églises fortifiées)étaient constamment renouvelées et étendues. Paropposition aux églises fortifiées, dont de nombreuxexemples ont survécu, les fortifications des villes ontété laissées à l'abandon, exception faite de quelquesfragments, du fait de la croissance qu’ont connu lesXIXe et XXe siècles, si ce n’est en ce qui concerneSighisoara.

Quand on envisage Sighisoara dans le contexte plusvaste de toutes les villes fondées aux XIIe et XIIIe

siècles dans ce qui était alors le royaume de Hongriepar des marchands et artisans allemands (les Saxons),on trouve deux autres villes de la Slovaquie actuelleinscrites sur la Liste du patrimoine mondial il y aplusieurs années : Banská Štiavnica (Schemnitz) etSpissky Hrad (Zipser Burg). Toutes deux sontcomparables, en taille et en âge, à Sighisoara. Dansl’une comme dans l’autre, les monuments les plusimportants sont des édifices fortifiés. Mais làs’arrêtent leurs similitudes. En effet, Banská Štiavnicaest née de l’industrie minière, Spissky Hrad est un

évêché. Les fortifications n’ont pas survécu. Dans lepatrimoine culturel des Saxons qui s’installèrent enTransylvanie et à Spis (Zips), marquant de leur griffeles villes et villages de ces régions depuis 1150,environ, jusqu’en 1990, Sighisoara représente le typeurbain d’une ville fortifiée d’artisans et de marchands.Elle est d’ailleurs le meilleur exemple de ce type.

Recommandations de l’ICOMOS pour des actionsfutures

La question de la propriété doit faire l’objet denouvelles réglementations. Il convient de donner auxhabitants la possibilité d’acquérir les maisons danslesquelles ils vivent, et d’encourager les propriétairesà investir des capitaux privés dans la conservation desbâtiments historiques. Les tours des fortificationsdevraient rester la propriété de la ville, mais descontrats peuvent être rédigés en vue d’un usage privé.

Les parties de la muraille en danger, toutparticulièrement la section s’étendant entre la tour desCordiers et celle des Bouchers, doivent êtreprovisoirement renforcées afin d’empêcher d’autrespertes. Il convient en outre de se pencher, par desrecherches approfondies, sur les causes du danger etdu récent effondrement. Enfin, des plans pour laprotection à long terme des murailles doivent être misau point et discutés avec les experts internationauxrecommandés par l’UNESCO.

Les limites du district de conservation (zone deprotection du patrimoine architectural et urbain)devraient être révisées, en envisageant la possibilitéd’inclure la route Baier (rue du 1er Décembre) dans cedistrict. L’objectif : empêcher le type de démolition àgrande échelle qui a malheureusement eu lieu sur laroute du Moulin.

Un plan d’urbanisme devrait être élaboré pour la zoneégalisée sur la route du Moulin, afin de définir lespossibles emplacements d’un développement futur(lignes de construction, densité, limites de hauteur,etc.). Une fois les investisseurs trouvés, il serait bonde lancer un concours, afin d’aider au développementd’idées pour la conception future de la zone.

Le Bureau a renvoyé cette proposition d’inscription àl’Etat partie en lui demandant les informationssupplémentaires suivantes :

• Pour quand est-on en droit d’attendre lapromulgation de la loi sur la protection desbâtiments historiques ? Les Orientations devantguider la mise en œuvre de la Convention dupatrimoine mondial stipulent absolument qu’unbien culturel proposé pour inscription sur la Listedu patrimoine mondial doit être protégé par laloi, par des accords contractuels ou par latradition (paragraphe 24 b ii). Aucune de cesoptions n’est valable pour Sighisoara.

• Une version complète de l’arrêté local concernantle district de conservation (zone de protection dupatrimoine architectural et urbain de Sighisoara)est requise.

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• Une déclaration est également requise en ce quiconcerne les mesures préventives prises pourempêcher d’autres pertes des murailles. S’ilexiste des plans de reconstruction des sectionseffondrées entre la tour des Bouchers et celle desCordiers, ceux-ci devraient être soumis.

• Une requête est faite quant à la possibilitéd’inclure la route Baier (rue du 1er Décembre)dans le district de conservation.

Par la suite, l’Etat partie a fourni une importantedocumentation complémentaire. Elle a été étudiée parl’ICOMOS qui considère qu’elle répond à tous cespoints.

Brève description

Fondé par des artisans et des marchands allemands,appelés Saxons de Transylvanie, le centre historique deSighisoara a gardé de manière exemplaire lescaractéristiques d’une petite ville médiévale fortifiée quia eu pendant plusieurs siècles un rôle stratégique etcommercial notable aux confins de l’Europe centrale.

Recommandation

Que ce bien soit inscrit sur la Liste du patrimoinemondial sur la base des critères iii et v :

Critère iii Sighisoara est un témoignageremarquable de la culture des Saxons deTransylvanie, culture qui s’achève après 850années d’existence et qui ne perdurera plusque par ses monuments architecturaux eturbains.

Critère v Sighisoara est un exempleremarquable de petite ville fortifiée dans larégion qui marque la frontière entre la culturelatine de l’Europe centrale et la culturebyzantine orthodoxe de l’Europe du sud-est.Le processus d’émigration des Saxons,apparemment impossible à endiguer, ladisparition des couches sociales qui formaientet maintenaient les traditions culturelles de larégion, tout cela menace également la surviede leur patrimoine architectural.

ICOMOS, septembre 1999

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Eglises en bois de Maramures (Roumanie)

No 904

Identification

Bien proposé L’ensemble « Eglises en bois deMaramures »

Lieu Département de Maramures

Commune: Bârsana, village : BârsanaCommune: Budesti, village :BudestiCommune: Desesti, village :DesestiCommune: Ieud, village : IeudCommune: Sisesti, village : PlopisCommune: Poienile Izei,Village: Poienile IzeiVille: Tirgu Lapus, village : RogozCommune: Sisesti, village :Surdesti

Etat Partie Roumanie

Date 29 juin 1998

Justification émanant de l'Etat Partie

Certains chercheurs soulignent le caractèreexceptionnel des églises en bois de Maramures dû àleur forme, leur réalisation, leur authenticité, leuréquilibre, leur dynamisme, et leur ambiance. Lessuperlatifs que tout un chacun serait tenté d’employerà la vue de ces églises ne sont certainement pasanodins, mais expriment l’émotion provoquée par toutce qui est oeuvre d’art. Ces églises sont le fruit dutravail de générations successives d’artisans géniaux,et le résultat de l’art de travailler avec un sensartistique inné. Le talent des maîtres tailleurs deMaramures leur a valu une renommée méritée,toujours reconnue aujourd’hui, ainsi que le prouventleurs créations contemporaines. Critère i

Les églises en bois de Maramures, proposées pourinscription sur la Liste du patrimoine mondial, sontl’exemple d’un type de construction établi sur lesystème blockbau, et sont la représentation d’uneinterprétation du gothique utilisant exclusivement lebois, suivant une technique traditionnelle, qui s’estcristallisée au XVIIIème siècle pour se perpétuer souscette forme jusqu’à nos jours, créant un modèle, voiremême un style appelé «à la Maramures». Critère iv

Catégorie de bien

En termes de catégories de biens culturels, telles quedéfinies à l'article premier de la Convention duPatrimoine mondial de 1972, le bien proposé pourinscription est un ensemble.

Histoire et Description

Histoire

Le territoire de Maramures, situé au nord de laTransylvanie, s’est constitué à travers le temps par lafusion de très anciennes entités géographiques et socio-politiques, appelées « pays » dont celui de Maramures,de Chioar et du Lapus où sont implantées les églisesproposées pour inscription sur la Liste du patrimoinemondial. Ces « pays » sont unis par le cadregéographique, composé de montagnes autrefoiscouvertes de forêts et de nombreux cours d’eau, maiségalement par leur histoire et la vie spirituelle.

Au Moyen Age, les structures sociales rurales sontfondées sur des villages de type communautaire qui sontregroupés par vallées sous la direction générale duvoïvode de Maramures. Les églises de la région sontplacées sous la juridiction du monastère orthodoxe dePeri. Le territoire de Maramures, connu sous le nom deterra Maramoroisiensi (1324) et de districtusMaramorosiensi (1326), a bénéficié d’une certaineautonomie politique avant de passer sous l’autorité dessouverains hongrois.

Il devient un « comitat » en 1385 et il est ensuite intégréà la principauté de Transylvanie (1538) qui sera annexéepar les Habsbourg en 1711. La période comprise entrela fin du XVIIe et celle du XVIIIe siècle estparticulièrement riche en événements politiques etculturels pour le Maramures où se sont croisé latradition byzantine et les apports occidentaux (égliseuniate, Réforme et Contre-Réforme). La plupart deséglises en bois de la région sont reconstruites après lesdestructions provoquées par la dernière grande invasiontatare en 1717.

Description

Les huit églises de Maramures qui sont proposéespour inscription sur la Liste du patrimoine mondialsont des monuments de l’architecture traditionnelle enbois.

Elevées au XVIIe et au XVIIIe siècle, elles ontconservé leur plan traditionnel composé d’un pronaoset d’un naos lesquels forment un rectangle et d’unsanctuaire pentagonal en décrochement. Un portique aété ajouté à la façade occidentale des églises deBârsana, Poienile Izei, Ieud Deal, Surdesti et Plopis.Elles sont couvertes d’une haute toiture double àpentes raides d’où s’élance une haute tour clochermunie d’une galerie qui rappelle les églises gothiquesen pierre et confère aux églises une silhouettecaractéristique.

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Les églises s’élèvent sur un socle de blocs de pierreset remplage de cailloux ; les poutres de bois (chêne oubien sapin) sont disposées selon le système blockbauet assemblées par des jointures en forme de V, U ou Tqui confèrent stabilité et flexibilité à la construction.Les poutres de la partie supérieure des parois seprolongent au-delà des points de jonction pour formerdes consoles d’appui pour la charpente. Les paroisextérieures sont généralement ornées d’un motif detorsade et les éléments de la structure (consoles,encadrement des ouvertures, balustrade, galerie duclocher, etc.) sont le support de décorations sculptées.

Les trois espaces intérieurs sont couverts de plafondsou de voûtes aux formes variées et une tribune estinstallée ultérieurement (fin XIXe-début XXe siècle)sur le naos pour accueillir les fidèles plus nombreux.L’intérieur est entièrement couvert de peintures quiont été réalisées dans la seconde moitié du XVIIIesiècle et la première du XIXe siècle par des peintresitinérants dont les noms nous sont connus. Cespeintures se rattachent aux traditions post-byzantinesmais leur iconographie reflète également les idéesvéhiculées par la Réforme et la Contre-Réforme. Lescanons de la peinture byzantine sont réinterprétés dansun style graphique et décoratif pour créer une peintureau caractère naïf et frais. Au début du XIXe siècle,une peinture de facture baroque et rococo fait sonapparition dans les églises en bois de Maramures sansdoute par l’intermédiaire des pays voisins.

• Eglise de la Présentation de la Vierge au Temple(Bârsana)

L’ancienne église du monastère de Bârsana, construiteen 1720 est devenue église paroissiale en 1806 aumoment où elle a été déplacée sur le site actuel. A cetteoccasion, un portique à deux niveaux, reliés par unescalier, est aménagé sur la façade occidentale. L’églises’inscrit par sa planimétrie dans la tradition des églisesdu département de Maramures mais s’en distingue parses dimensions plus modestes. Le peintre Hodor Toaderréalise en 1806 le décor peint dont l’iconographie et lestyle confirment les influences de la peinture baroque etrococo notamment dans le naos et le sanctuaire.

• Eglise Saint-Nicolas (Budesti)

L’église Saint-Nicolas est élevée en 1643 àl’emplacement d’une église antérieure au XVe siècle.Elle constitue un exemple éminent des églises en boisde Maramures qui a servi de modèle à d’autres églises.Elle se distingue également par la taille et la présence dequatre clochetons à la base de la flèche qui témoignentd’un lien avec la région voisine de Lapus. La peintureintérieure relève de deux périodes différentes : celle dunarthex et du naos est l’œuvre d’Alexandru Ponehalski(1762) qui est également l’auteur de plusieurs icônes etcelle du sanctuaire de Ioan Opris (1832).

• L’église Sainte-Parascève (Desesti)

Construite en 1770, l’église témoigne de la maturitéartistique des constructeurs. Les éléments architecturauxsont soulignés à l’extérieur par des motifs décoratifs(dents de scie, feuilles, etc.) incisés ou taillés dans le

bois qui composent un ensemble homogène et de grandequalité. Le peintre Radu Munteanu, reconnu comme lepromoteur d’une école de peinture religieuse au XVIIIesiècle, a réalisé avec l’aide du peintre Gheorghe ladécoration intérieure (1780).

• L’église de la Nativité-de-la-Vierge (Ieud Deal)

L’église actuelle édifiée au milieu du XVIIIe siècleremplace l’édifice détruit par les Tatars en 1717. Lastructure de l’espace intérieur et plus particulièrementles voûtes qui couvrent le naos et le narthex témoignentde l’ingéniosité des bâtisseurs. Le peintre AlexandruPonehalski, déjà actif dans la région, réalise ladécoration intérieure qui se distingue par la richesse duprogramme iconographique (1782). L’ensemble queconstituent généralement les églises en bois deMaramures avec le cimetière est complété à Ieud parune tour clocher en bois isolée et un chemin de croixdont les stations sont construites en maçonnerie.

• L’église des Saints-Archanges (Plopis)

Située dans le « pays » de Chioar, l’église des Saints-Archanges (1796-1798) présente certaines analogiesavec l’église de Surdesti comme le toit uniformelégèrement surbaissé au-dessus du sanctuaire, le clocherélancé avec ses quatre clochetons d’angles et certainséléments du décor sculpté à l’extérieur (torsade médianedes murs, motifs du socle et de la balustrade dubelvédère). Le décor peint par Stefan en 1811, originairedu village, est conservé sur les voûtes et l’iconostaseavec notamment une Descente de Croix.

• L’église Sainte-Parascève (Poienile Izei)

L’église Sainte-Parascève est une des plus ancienneséglises en bois de Marumures (1604) et elle témoigneégalement des deux étapes de l’évolution de cesédifices. La première étape concerne la partie inférieuredes murs avec un sanctuaire de plan carré, formecaractéristique des plus anciens bâtiments en bois. AuXVIIIe siècle, les murs sont surélevés, le naos estcouvert d’une voûte en plein cintre et l’intérieur reçoitson décor peint (1794). Le portique qui protège l’entréeest ajouté dans la première moitié du XIXe siècle.

• L’église des Saints-Archanges (Rogoz)

L’église construite en 1663 a été déplacée de Suciu deSus à Rogoz en 1883. Elle se caractérise par unsanctuaire en décrochement heptagonal, un pronaospolygonal, une entrée au sud et une large toitureasymétrique. Elle se distingue également par uneabondante sculpture décorative (consoles à « tête decheval », motif d’ancienne tradition roumaine,encadrement de l’entrée en accolade, torsade, rosette,croix, etc.). La peinture murale réalisée en 1785 pardeux peintres du pays, Radu Munteanu et Nicolae Man,est en partie conservée.

• L’église des Saints-Archanges (Surdesti)

Elevée en 1767, l’église des Saints-Archanges deSurdesti synthétise toutes les caractéristiques des églisesen bois de Maramures arrivées à leur pleine maturité

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avec notamment un double auvent et des fenêtressuperposées. Le portique à deux niveaux et sa haute tourclocher datent du XIXe siècle. En 1783, trois peintresdont Stefan (iconostase et sanctuaire) se partagent ladécoration intérieure de l’église.

Gestion et Protection

Statut juridique

Les huit églises de bois incluses dans la propositiond’inscription - Bârsana, Budesti, Desesti, Ieud-Deal,Plopis, Poienile Izei, Rogoz et Surdesti – sont classéesmonuments historiques d’importance nationale et dotéesdu statut de trésors nationaux (Liste des monuments,catégorie A) aux termes des Articles 1 et 2 de la loi n°11 de 1994 sur la Protection des monumentshistoriques. L’article 1 de cette même loi définit leszones de conservation avoisinantes comme faisant« partie intégrante du monument historique ». Pourchacune de ces huit églises, une zone de conservation etune zone tampon ont été définies et soumises auxréglementations nécessaires ; agréées par la Commissiondes zones de conservation, sous l’égide du ministère desTravaux publics et de l’Aménagement du territoire envertu de la loi sur la construction, la loi n° 50 de 1991sur les Réglementations de la construction etl’Aménagement du territoire, elles jouissent d’un statutjuridique.

Il convient de mentionner que la législation deprotection des monuments historiques en vigueur, la loin° 11 de 1994, contient des dispositions extrêmementstrictes relatives à la protection, la préservation et lagestion des biens et des sites classés. Néanmoins, ellen’est que provisoire, et ne stipule aucun contrôle niaucune gestion efficace au niveau du comté ou de lalocalité. Il n’existe aucune organisme ou institutionprofessionnelle (depuis la dissolution de l’Officenational en novembre 1994), la Direction desmonuments historiques étant comprise dansl’administration du ministère de la Culture. Un projet denouvelle loi sur la Conservation préparé ces dernièresannées, stipulant entre autres un Comité national et desstructures décentralisées à l’échelle du comté, seraprésenté au Parlement à la fin du mois de mars 1999.

Gestion

Les églises de bois, en tant que lieux de culte,appartiennent aux communautés religieuses orthodoxes

Les propriétaires des bâtiments et des zones classés sontresponsables de leur gestion, de leur réparation et deleur ouverture au public. Toute altération nécessite lapermission du ministère de la Culture et de laCommission nationale des monuments historiques.

Il existe des zones de conservation clairement définies etadéquates, ainsi que des zones tampons appropriéesautour des biens. Elles ont été dessinées dès 1993 surl’initiative du ministère de la Culture, en collaborationavec le ministère des Travaux publics et del’Aménagement du territoire et l’administration ducomté. Elles sont énoncées par la loi n° 11 de 1994 sur

la Protection des monuments historiques, la loi sur laconstruction, la loi n° 50 de 1991 sur lesRéglementations de la construction et l’Aménagementdu territoire, et les réglementations de chaque zone deconservation liées à l’urbanisme, conformément àl’arrêté du ministère des Travaux publics et del’Aménagement du territoire concernant les zones deconservation.

La supervision globale des biens proposés pourinscription a été confiée au ministère de la Culture, quiremplit sa mission en collaboration avec la Commissionnationale des monuments historiques, l’Office nationalde la protection du patrimoine, le Secrétariat d’État pourles Cultes et, si besoin est, avec le ministère des Travauxpublics et de l’Aménagement du territoire, le ministèrede l’Éducation, le Bureau d’inspection culturelle ducomté de Maramures, l’Office du Patrimoine culturel ducomté, l’archevêché orthodoxe de Maramures et lesparoisses locales.

Le ministère de la Culture met une aide financièreconséquente à la disposition des propriétaires privés –tout particulièrement les communautés religieuses –pour les projets de conservation et de restauration. Il estégalement possible d’obtenir des subventions duSecrétariat d’État pour les Cultes de l’archevêchéorthodoxe. Entre 1992 et 1997, le ministère de laCulture a contribué au programme de conservation de17 églises en bois dans le comté de Maramures et,depuis 1997, un projet pilote de conservation portantsur sept églises en bois (dont les biens proposés pourinscription), le « projet Maramures », est en cours.Autres initiatives à mentionner, les demandes d’aidefinancière de la Commission européenne pour lestravaux de conservation des peintures murales deSurdesti et le Getty Grant Program, concernant destravaux de conservation du bois à Bârsana, Ieud etRogoz.

Conservation et Authenticité

Historique de la conservation

Grâce au respect de la tradition et des lieux sacrés, lestravaux de maintenance et de restauration se sonttoujours poursuivis, même à l’époque communiste.Entre 1958 et 1977, l’Office national de protection desmonuments historiques est parvenu à former plusieursspécialistes à la conservation de l’architecture de boisdu Maramures et à coordonner les interventions deconservation sur la quasi-totalité des églises proposéespour inscription. À Bârsana, entre 1963-1965, destravaux de conservation ont éliminé certains ajoutsinappropriés de 1929 ; à Budesti, en 1970, lesfondations de pierre ont été rénovées et la voûte du naospartiellement remplacée. À Ieud-Deal, entre 1957-1959et 1960-62, le clocher a subi des travaux deconsolidation structurelle et le toit en bardeaux a étéremplacé ; à Plopis, des travaux de réparation et deconsolidation ont eu lieu en 1961 (fondations et base depierre), ainsi qu’une consolidation structurelle de la touren 1973. À Poienile Izei, une restauration complète a eulieu entre 1961-1962 (avec l’élargissement de la galerieen 1970) ; à Rogoz, en 1960-61, les fondations et la

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base de pierre ont été remplacées, de même que decertaines billes, et le toit de bois a fait l’objet deréparations ; en 1968, une intervention a été conduitecontre les attaques biologiques (Merulius Lacrimans). ÀSurdesti, entre 1960 et 1962, des travaux deconsolidation structurelle ont été entrepris.

Tous ces travaux de conservation ont été exécutés avecun extrême souci professionnel et un grand respect ;seuls des matériaux, des méthodes et des techniquestraditionnels ont été utilisées.

Après la dissolution de l’Office national en 1977,certains des artisans qualifiés ont eu la chance depouvoir poursuivre leur travail dans le cadre des muséesen plein air ; ainsi, les compétences traditionnelles ontsurvécu.

Depuis 1990, toutes les autorités responsables de laprotection et de la conservation des églises en bois auniveau national et régional ont lancé différentesinitiatives et projets de formation de spécialistes à la foisà la conservation traditionnelle du bois et au traitementbiologique (professionnels spécialisés en Norvège,Grande-Bretagne, etc.). Un intérêt tout particulier estporté aux problèmes de conservation des peinturesmurales ; certains restaurateurs sont spécialisés et desstages internationaux organisés (à Rogoz en 1998). Pourle moment, on compte quatre entreprises de haut niveaudans le comté de Maramures, spécialisées dans laconservation, la maintenance et la réparation des églises.Ces travaux de conservation se sont poursuivis après1990 sur les biens proposés pour inscription : à Bârsanaen 1997, travaux de consolidation structurelle sur leclocher et le toit (protection de la voûte peinte) ; àBudesti, travaux de restauration actuellement en cours(remplacement du toit et de certaines parties duclocher). De même, à Desesti, des travaux du début dusiècle (fondations remplacées par du béton, changementdu matériau de construction du toit) ont été réparéspendant les travaux de conservation de 1996-1997(incluant la conservation des peintures murales) ; àPoienile Izei, en 1996-97, la galerie a été réduite à sesdimensions originales et le toit rénové ; à Rogoz, en1997-98, des travaux de conservation contre les attaquesbiologiques et sur les peintures murales ont été menés àbien ; à Surdesti, des travaux de conservation despeintures murales sont en cours depuis 1997.

Authenticité

Le degré d’authenticité des divers biens proposés pourinscription est très élevé. En effet, les travauxtraditionnels de maintenance et de réparation des églisesen bois, ainsi que les principes de conservation desartisans de Maramures, ont assuré le remplacement deséléments architecturaux endommagés ou dégradés dansle respect des matériaux et des techniques utilisés àl’origine par les premiers constructeurs.

La disposition intérieure et la décoration des églises,avec leurs peintures murales qui sont de véritables chefsd’œuvre, sont d’authentiques témoignages de la viereligieuse traditionnelle des communautés orthodoxesau fil des siècles.

Évaluation

Action de l'ICOMOS

Une mission d’expertise a visité les églises en bois deMaramures en février 1999. Le Comité scientifiqueinternational de l’ICOMOS pour l’Architecturevernaculaire a également été consulté.

Caractéristiques

Les biens qui composent la proposition d’inscriptiondes églises en bois de Maramures offrent une imagevivante de l'architecture de bois traditionnelle du nordde la Roumanie depuis le XVIIe siècle jusqu’à nosjours, grâce à la tradition de construction en rondins debois répondant à l’ordre de l’espace liturgiqueorthodoxe et combinée à une interprétation particulièrede l’architecture gothique, matérialisée par le bois. Leséglises proposées pour inscription, leurs peinturesmurales, leur enclos paroissial et leur cimetière sont desexemples représentatifs de régions géographiquement ethistoriquement distinctes de ces traditions vernaculairesdans les contrées montagneuses du nord des Carpates.

Analyse comparative

La valeur particulière des églises en bois de Maramuresréside dans le fait qu’elles sont des exemplesexceptionnels d’un type spécifique d’architecturereligieuse en bois résultant de la combinaison entre lestraditions religieuses orthodoxes et l’interprétation del’esprit gothique dans le bois, l’expressionarchitecturale, la conception et les proportions étant trèsdifférentes de l’architecture religieuse en bois desrégions des Carpates plus au nord et au nord-ouest.

Recommandations de l’ICOMOS pour des actionsfutures

Les Orientations devant guider la mise en œuvre de laConvention du patrimoine mondial soumettentl’inscription sur la Liste du patrimoine mondial à lacondition que chaque bien fasse l’objet d’un plan degestion approprié en vigueur. Le dossier d’inscriptiond’origine ne donnait aucune information concernant lesplans de gestion et la proposition d’inscription avait étérenvoyée à l’Etat partie par le Bureau à sa réunion dejuillet 1999. L’Etat partie a fourni d’importantesinformations sur les plans de gestion en cours quirépondent tout à fait aux exigences du Comité.

Brève description

Les églises en bois de Maramures proposées pourinscription – une sélection d’exemples remarquables dedifférentes solutions architecturales issues de périodes etde régions différentes – dessinent un portrait vivant dela diversité des conceptions et des compétencesartisanales exprimées dans ces constructions de boishautes et étroites, dotées du caractéristique clocher hautet élancé du côté ouest du bâtiment et de toits simplesou doubles couverts de bardeaux. Il s’agit là d’uneexpression vernaculaire propre au paysage culturel decette région montagneuse du nord de la Roumanie.

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Recommandation

Que ce bien soit inscrit sur la Liste du patrimoinemondial sur la base du critère iv :

Critère iv Les églises en bois de Maramuressont des exemples exceptionnels d’unearchitecture religieuse et vernaculaire en bois,fruit des interactions entre traditions religieusesorthodoxes et influences gothiques, dans uneinterprétation particulière des traditionsarchitecturales du bois, qui laisse apparaître unegrande maturité artistique et d’immensescompétences artisanales.

ICOMOS, septembre 1999

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Brimstone Hill (Saint-Kitts-et-Nevis)

No 910

Identification

Bien proposé Parc national de la forteresse deBrimstone Hill

Lieu Paroisse de Saint-Thomas, Saint-Christopher (Saint-Kitts)

État partie Saint-Kitts-et-Nevis

Date 29 juin 1998

Justification émanant de l’État partie

La forteresse de Brimstone Hill est d’une grande valeurhistorique, culturelle et architecturale : c’est unmonument dédié à l’ingéniosité des ingénieurs militairesbritanniques qui l’ont conçue et ont supervisé saconstruction et à l’habileté, la force et l’endurance desesclaves africains qui l’ont construite et entretenue.

Le parc national de la forteresse de Brimstone Hillmérite d’être inscrit sur la Liste du patrimoine mondialpour les raisons suivantes :

• Cette adaptation des fortifications classiqueseuropéennes des XVIIe et XVIIIe siècles à laconstruction d’un vaste complexe militaireautonome sur les pentes abruptes et le sommetescarpé d’une colline aride, à quelques 230 md’altitude, est une merveille d’ingénierie.

• Dans certaines de ses caractéristiquesarchitecturales, notamment la citadelle, s’exprimentdes éléments des diverses étapes de la conception dela forteresse.

• Elle symbolise l’impérialisme européen, l’esclavagedes Africains et l’émergence d’une culture propreaux Caraïbes.

• Elle illustre la compétition pour le pouvoir et larichesse à une période cruciale de l’histoire dumonde.

• Elle fournit un outil permettant de comprendre lagéologie, l’écologie et l’histoire des Caraïbes.

• Gérée, conformément aux critères établis, par unorganisme local au nom du peuple d’une jeunenation, dont la majorité des citoyens descendentd’anciens esclaves, elle est le symbole del’endurance des peuples africains colonisés et de

l’intégrité de la culture caraïbe, et en tant que tellepeut être une source d’inspiration pour d’autresjeunes nations elles aussi dans leur ère post-coloniale.

[Remarque L’État partie n’avance aucune hypothèsedans le dossier de proposition d’inscription quant auxcritères en vertu desquels il considère que le bien devraitêtre inscrit sur la Liste du patrimoine mondial.]

Catégorie de bien

En termes de catégories de biens culturels, tellesqu’elles sont définies à l’article premier de laConvention du Patrimoine mondial de 1972, il s’agitd’un monument.

Histoire et description

Histoire

Saint-Kitts, que les natifs amérindiens avaient baptiséeLiamuiga (île fertile), fut la première île des Caraïbes àavoir été occupée sans interruption tant par les Anglais(en 1623) que par les Français (1625), qui se lapartagèrent entre 1627 et 1713, époque à laquelle ellepassa sous seul contrôle anglais grâce au traitéd’Utrecht, qui mirent fin à la guerre de Successiond’Espagne. Connue sous le nom de « l’île Mère », ellefut à la fois le modèle et le tremplin de la colonisationanglaise et française aux Caraïbes.

Des esclaves africains furent amenés dès les premièresannées de la colonisation européenne, et ce fut surSaint-Kitts et les autres premières colonies que lesystème des plantations, basé sur la production sucrièreet l’esclavage, s’enracina. La piste de certaines formessyncrétiques qui combinent des éléments des cultureseuropéennes, africaines et, dans une moindre mesure,amérindiennes, peut être remontée jusqu’à Saint-Kitts.

L’usage militaire de Brimstone Hill commença en 1690,quand les Britanniques montèrent un canon du côténord-ouest pour éloigner les Français de Fort Charles,au pied de la colline. Le site devint un lieu de refugelors des invasions, par exemple par les Français en1706.

En 1782, la forteresse, après un mois de siège, se renditaux Français. Cependant, cette même année, lesBritanniques remportèrent une victoire navaleretentissante lors de la bataille des Saints, établissantainsi leur supériorité navale. En 1783, le traité deVersailles (qui accordait l’indépendance aux treizecolonies d’Amérique du Nord) rendit l’île auxBritanniques ; s’ensuivit une période de reconstructionintensive et d’investissement. Grâce à la reconstructionde ses formidables ouvrages défensifs, Saint-Kitts futsurnommée « la Gibraltar des Antilles ». Elle résistavaillamment à une attaque de la marine française en1806. Par la suite, la marine britannique put assurer lasécurité des colonies insulaires aux Caraïbes.

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La forteresse fut abandonnée en conséquence dediminutions des dépenses militaires britanniques en1853. Les édifices de bois furent vendus aux enchères etdémantelés, tandis que les pierres taillées des bâtisses demaçonnerie furent pillées. Progressivement, lavégétation reprit le dessus.

Description

Brimstone Hill est un soulèvement de roche volcaniquede 230 m de haut, doté de deux pics, et recouvert decraie sur la majeure partie de sa surface. Elle estcouverte de broussailles, avec parfois des zones deroche nue ; les endroits plus abrités et les ravins sontcouverts de grands arbres et de sous-bois denses.

À la différence des forteresses espagnoles des Caraïbes,Brimstone Hill n’a pas été construite pour protéger unport ou une ville importante. De fait, son rôle consistaità protéger la partie de la côte de l’île colonisée par lesAnglais contre les attaques venues de la mer et à servirde refuge en cas d’invasion jusqu’à ce que la MarineRoyale puisse reconquérir les eaux environnantes etforcer les envahisseurs à se rendre. À ce titre, elle sedistingue très nettement des forteresses espagnoles.

Les structures se trouvent à des niveaux différents, sur letiers supérieur de la colline. Elles se composent d’unesérie de murs de maçonnerie discontinus, de quatrebastions défensifs, d’une citadelle sur le pic le plus aunord, et d’une série de baraquements, entrepôts,installations de captage de l’eau, citernes et autresbâtiments militaires, dont il ne reste plus aujourd’huique des ruines. Ces divers éléments sont reliés par desembranchements de la route militaire, qui pénètre dansle complexe du côté nord.

Le principal matériau de construction est la pierre taillée(basalte), qui forme le parement d’une maçonnerie enblocaille. Se distinguant encore une fois des fortsespagnols, ceux construits par les Britanniques n’étaientpas revêtus d’enduit. Toutefois, la craie locale servaitd’élément décoratif pour les angles et le revêtement desencadrements de porte et des embrasures.

La première structure qui se dresse à l’entrée de laforteresse est la redoute d’arrêt, avec ses muraillesfortifiées et une petite casemate qui faisait office deposte de garde et de poudrière. Ensuite vient l’ouvragedéfensif du nord-ouest, qui comprend le massif bastionentrepôt, avec son installation de captage de l’eau et saciterne.

Celui-ci est relié par un mur-rideau à l’ouvrage du sud-est, dont la principale caractéristique est le bastion àorillons, qui fait pendant au bastion entrepôt. Autre traitparticulier : l’entrepôt fortifié d’artillerie. L’hôpital sedressait également dans ce bastion, mais seules sesfondations subsistent. À l’extérieur de l’enceinte setrouve un petit cimetière, avec des pierres tombales.

Derrière la ligne défensive formée par les ouvragesdéfensifs du nord-ouest et du sud-est, un peu plus haut,se dresse l’imposant bastion du Prince de Galles. Sesmurs renferment une citerne, un entrepôt et un poste degarde (qui fait aujourd’hui office de petit centre de

conférence), avec une réserve au sous-sol. Cesbâtiments ont été restaurés avec un soin minutieux etune grande exactitude.

Tout près s’élèvent les quartiers des officiersd’infanterie et leurs impressionnants soubassements àcolonnades. Les étages supérieurs, faits de bois, ont étédétruits par un ouragan en 1844, et remplacés par desstructures de pierre plus petites, dont une seule subsiste,sous sa forme reconstruite. Ces bâtiments font face augrand système de captage de l’eau, qui se composed’une surface de captage pavée de plus de 150 m², detrois citernes souterraines et d’un réservoir à ciel ouvert,capables de stocker plus de 400 000 litres d’eau.

Il reste à peine quelques vestiges des murs des quartiersdes officiers d’artillerie, mais la cuisine a été restaurée.Dans la cour de l’intendance, les quartiers desadjudants et l’entrepôt d’intendance ont été reconstruitset sont utilisés aujourd’hui comme centre d’accueil etmagasin de souvenirs.

Derrière les systèmes de murailles connus sous le nomd’ouvrage défensif du nord-est se dressent plusieursblocs de baraquement, mais ils n’ont pas encore étérestaurés. Des fouilles archéologiques ont eu lieu en vued’une éventuelle reconstruction.

Au cœur de la forteresse se dresse le Fort George, unemassive structure de maçonnerie érigée sur l’un desdeux pics qui surplombent le complexe. Toujours enexcellent état, c’est le plus ancien exemple britanniquesubsistant du type de fortifications connu sous le nomde « système polygonal » , et l’un des plus beaux dans lemonde. On l’appelle généralement la citadelle,dénomination qui recouvre également les deux terrainsde manœuvre associés. Une série de pièces se regroupeautour d’une cour centrale : sept d’entre elles ont étérestaurées et abritent maintenant le musée. Sous le solde l’une d’entre elles se trouve une grande citerne, quireste à ce jour la principale source d’eau du parcnational.

On compte encore beaucoup d’autres structures enruines dans l’enceinte des murailles et sur les versants àl’extérieur.

Gestion et protection

Statut juridique

Les 15,37 hectares de la forteresse de Brimstone Hillconstituent un parc national aux termes de la loi de 1987sur la Conservation nationale et l’Environnement.

Gestion

Le bien appartient à la Fédération de Saint-Kitts-et-Nevis.

Il est protégé par le projet de loi de 1998 sur leDéveloppement physique national et la planification deSaint-Kitts, entrepris avec l’assistance technique duCentre des Nations Unies pour les établissementshumains et du Programme des Nations Unies pour le

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Développement. La loi, en ce qui concerne le parc,contient les dispositions suivantes :

• Etablissement d’une protection et d’une mise envaleur du parc national afin d’assurer qu’il continueà apporter son incommensurable contribution auxqualités esthétiques du paysage ;

• Établissement d’une zone tampon de 1,6 km autourde Brimstone Hill ;

• Élaboration et mise en œuvre d’un plan détaillé degestion du Parc national ;

• Assurance, par la conception et le contrôle dudéveloppement, que le développement del’occupation des sols dans les zones adjacentes estcompatible avec les objectifs de développement duparc.

La loi de 1987 confère à la Société du Parc National deBrimstone Hill « le pouvoir d’élaborer et de faireappliquer des réglementations concernant [sa] gestion et[son] administration. » La Société en question est unorganisme bénévole à but non lucratif. Les décisionsconcernant sa politique relèvent de son Conseil deGestion, composé de représentants élus par sesmembres, à l’exception de deux représentants désignéspar le Gouvernement.

Dans les années soixante, après sa fondation en tant queSociété pour la restauration de Brimstone Hill, laSociété tirait ses revenus des cotisations des membres,des dons privés et des subventions gouvernementales.Dans les deux décennies qui suivirent, elle reçut desfonds de l’Agence canadienne de Développement, del’Organisation des États américains et, en particulier, dela Division britannique pour le Développement. Vers lemilieu des années quatre-vingt-dix, une aide futégalement obtenue du PNUD, du Fonds Mukti et de laMission française, et depuis cette époque, lefinancement des projets a principalement été assuré parles droits d’entrée (qui ont doublé en 1994). LeGouvernement continue de fournir l’électricité gratuite,des minorations des droits de douane sur les matériauxet les fournitures importés, ainsi que l’entretien de laroute qui mène à la forteresse.

Le siège de la Société se trouve à Basseterre, où sontétablis le président et le directeur général. L’assistancetechnique provient du Gouvernement, desprofessionnels locaux et des experts étrangers(Amérique du Nord, Venezuela et Royaume-Uni). Oncompte également un directeur du parc sur le site, sousles ordres duquel travaillent quatorze employés. Lesresponsables effectuent un suivi régulier, assistés dedeux gardiens à plein temps.

Le projet de plan de gestion pour 1997-1999 inclut unprogramme échelonné de restauration et de stabilisation,de nivellement du sol, de reconstruction et de nouvelleconstruction, de développement des infrastructures,d’interprétation, de recherches archéologiques, dedéveloppement du musée, d’ameublement, depromotion, d’exploitation, de loisirs, de personnel, de

révision de la structure d’adhésion, et de propositions auGouvernement. Il s’accompagne d’un budget détaillé.

Conservation et authenticité

Historique de la conservation

Le Gouvernement a mis en œuvre un programme dedébroussaillage sélectif entre 1900 et 1929, mais cen’est qu’en 1965 que la réhabilitation du monument acommencé, avec la création de la Société pour laRestauration de Brimstone Hill, qui a pris le site sousconcession auprès du Gouvernement. Les travaux sesont tout d’abord concentrés sur l’élimination de lavégétation de certains murs et la stabilisation desstructures principales. Avec l’assistance technique duRoyaume-Uni et des États-Unis, des projets dereconstruction ont vu le jour afin de permettre la miseen place d’installations destinées aux visiteurs et aupersonnel.

Authenticité

En tant qu’ensemble historique militaire et défensif, laforteresse possède un degré élevé d’authenticité.Cependant, les projets de stabilisation, de restauration etde reconstruction mis en œuvre depuis 1965 ontimpliqué l’utilisation discrète de matériaux modernes,habituellement combinés à des matériaux traditionnels.Ainsi, du ciment Portland a été utilisé pour lapréparation des mortiers, mélangé toutefois à de lachaux dans les proportions recommandées. De la pierreneuve a été utilisée pour la reconstruction, mais elle aété travaillée à l’aide des techniques traditionnelles.Quand les travaux de reconstruction ont dû faire appel àdu bois, il n’a pas toujours été possible d’obtenir lesbois originaux, mais une grande attention a été apportéeà l’application des dimensions et des techniques detravail authentiques.

Évaluation

Action de l’ICOMOS

Une mission d’expertise de l’ICOMOS s’est rendue àBrimstone Hill en février 1999.

Caractéristiques

La forteresse de Brimstone Hill est un exempleexceptionnel de l’ingénierie militaire européenne desXVIIe et XVIIIe siècles dans le contexte des Caraïbes etdans un site naturel en hauteur.

Analyse comparative

Brimstone Hill faisait partie des sites fortifiés desCaraïbes étudiés par la réunion d’experts organisée à cesujet par Colcultura et l’UNESCO, qui s’est tenue àCartagena de Indias (Colombie) en juillet / août 1996.Ses antécédents multiethniques particuliers(amérindiens, anglais, français, africains) ont étéidentifiés comme une caractéristique exceptionnelle, demême que son statut de première colonie anglaise aux

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Caraïbes. C’est l’une des cinq forteresses majeures quiont fait l’objet d’une mention spéciale, les autres étantShirley Heights (Antigua, 1786-93), The Garrison,Bridgetown (La Barbade, 1650-1750), The Cabrits(Dominique, 1770-1815) et Fort Rodney, Pigeon Island(Sainte-Lucie, 1778-1824). Toutes ont été construitespar les Britanniques, mais hormis The Garrison (moinscomplètement préservée que Brimstone Hill), elles sontnettement plus tardives que Brimstone Hill. The Cabritset Fort Rodney desservaient un objectif stratégiqueanalogue à celui de Brimstone Hill, puisqu’ellesfaisaient à la fois office de forteresse et de lieu derefuge.

Recommandations de l’ICOMOS pour des actionsfutures

Au fur et à mesure que les visiteurs se feront plusnombreux, la direction du parc devra faire face à deuxproblèmes. En premier lieu, l’accroissement de ladégradation des monuments eux-mêmes, quis’accompagnera d’une augmentation parallèle del’entretien nécessaire. En second lieu, la nécessitéd’accès et d’espaces de parking supplémentaires.Actuellement, les voitures stationnent sur le terrain demanœuvre, ce qui implique de passer par un portailétroit et de conduire le long d’une route tout aussiétroite ; il est bien évidemment impossible de les élargirsans que cela n’ait un impact négatif sur l’authenticitédu bien. Il convient donc d’envisager l’éventuelleprestation d’un service de navettes pour les visiteurs,qui réduirait ainsi la menace pesant sur le site.

Ces dispositions devraient être incorporées dans leprojet de Plan de gestion du parc national. Il estégalement essentiel que la loi sur le Développementnational et la planification soit approuvée et mise enœuvre sans plus attendre, afin d’apporter un cadrelégislatif à toutes les activités futures à Brimstone Hill.

Selon le plan d’occupation des sols qui accompagne laproposition d’inscription, les terrains à l’est deBrimstone Hill et derrière celle-ci, actuellement boiséset utilisés comme pâturages, devraient devenir une zonetouristique à faible densité (restaurants, petites maisons,etc.). L’ICOMOS estime que cette proposition devraitêtre reconsidérée, son état actuel contribuantgrandement à l’environnement pittoresque dumonument.

Brève description

Brimstone Hill est un exemple remarquable del’application des principes de l’architecture militaire desXVIIe et XVIIIe siècles dans le contexte des Caraïbes. Elleest d’un intérêt tout particulier en ce qu’elle représenteune solution exclusivement britannique, le choix desaillies naturelles comme site de forteresses servant à lafois d’ouvrages défensifs et de refuges.

Recommandation

Le Bureau a recommandé que cette propositiond’inscription soit renvoyée à l’État partie, en demandant

des informations sur les progrès du projet de loi sur leDéveloppement national et la planification. Cesinformations ne sont pas arrivées au moment où cetteévaluation est envoyée à l’impression. Dans le cas oùces informations seraient fournies, et si elles étaientacceptables, l’ICOMOS recommanderait que ce biensoit inscrit sur la Liste du patrimoine mondial sur labase des critères iii et iv.

Critère iii Brimstone Hill est une forteressebritannique exceptionnelle, construite par desesclaves selon des normes précises, à l’apogée del’expansion coloniale européenne aux Caraïbes.

Critère iv Du fait de ses disposition etconstruction stratégiques, la forteresse de BrimstoneHill est un exemple exceptionnel et bien préservé del’architecture militaire britannique des XVIIe et XVIIIe

siècles.

ICOMOS, septembre 1999

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Bellinzone (Suisse)

No 884

Identification

Bien proposé Trois châteaux, muraille etremparts du bourg de Bellinzone

Lieu Bellinzone - Canton du Tessin

Etat Partie Suisse

Date 9 septembre 1998

Justification émanant de l'Etat partie

L'ensemble monumental de Bellinzone est le seul etunique exemple, encore visible sur tout l'arc alpin,d'architecture militaire médiévale qui se compose detrois châteaux, d'une muraille qui barrait l'entièrevallée du Tessin et de remparts qui entouraient lebourg pour la défense de la population civile.

Il est parfaitement légitime de classer les fortificationsde Bellinzone en tant que monument unique del’architecture européenne de défense de la cultureféodale.

[Note : dans le dossier de proposition d’inscription,l’Etat Partie n’émet aucune proposition sur les critèresmotivant selon lui l’inscription du bien sur la Liste dupatrimoine mondial]

Catégorie de bien

En termes de catégories de biens culturels, tellesqu'elles sont définies à l'article premier de laConvention du Patrimoine mondial de 1972, le bienproposé est un ensemble.

Histoire et Description

Histoire

L'origine de Bellinzone est liée à la situationstratégique du site contrôlant, par la vallée du Tessin,l'accès aux principaux cols alpins constituant lepassage du Milanais, c'est-à-dire de tout le nord del'Italie, vers les régions situées plus au nord jusqu'auDanube et au-delà.

Les fouilles récentes ont attesté que le site étaitoccupé dès le néolithique. Les romains en firent unpoint avancé jusqu'à ce que la frontière de l'empiresoit reportée plus au nord sur le Danube. Sous lapression des barbares venus du nord, Bellinzone futde nouveau un point de défense face aux peuplades

qui descendaient des plaines danubiennes. Dans cettepériode troublée de fin d'empire, le site passa auxmains des Ostrogoths, des Byzantins, et enfin auxLombards.

Les fouilles ont montré que la forteresse avait étéincendiée vers l'an 800. Au Xe siècle Bellinzone futinclus dans la possession d'Otton Ier, fondateur duSaint Empire. On peut situer l'origine des premièresconstructions qui nous sont parvenues vers cetteépoque.

Vers l'an 1000 le château et le comté furent cédés parl'empereur à l'évêque de Côme. Cette époquecorrespond à une division des espaces intérieurs duchâteau de Castelgrande qui accueille des maisons à lamanière d'une petite ville fortifiée.

Au XIIe siècle, Frédéric Barberousse prit possessionde la forteresse. Progressivement la ville se construitautour de la citadelle et les fortifications s'améliorent.

Du XIIIe au XVe siècle, le bourg s'agrandit autour duchâteau. Le château de Montebello est construit vers1300, bientôt englobé dans le système defortifications. Le château de Sasso Corbaro construiten 1480 au sud-est de Castelgrande participeégalement au système de défense mais sera toujoursindépendant du réseau de fortifications.

Bellinzone fut inclus dans l'état milanais sous le règnedes Visconti. A partir du début du XVe siècle,Bellinzone fut l'objet de luttes face aux Confédérésqui voulaient s'emparer de la place. Les Viscontiaugmentèrent considérablement les défenses etentreprirent la construction d'un mur qui partant deCastelgrande devait barrer la vallée du Tessin : laMurata. Castelgrande qui constitue le centre dudispositif fait l'objet de nouveau travaux afin d'enrationaliser le plan. La cour est débarrassée desmaisons qui l'encombrent, sa disposition tripartite sedessine et les constructions du flanc sud sontrattachées au château. De ce point fort part unensemble de remparts qui protègent la ville etpermettent le contrôle du trafic dans la vallée.

Au début du XVIe siècle, Bellinzone fut soumis auxconfédérés, les fortifications perdirent beaucoup deleur importance mais ne furent pas détruites. En 1515une crue du Tessin emporta une grande partie de laMurata.

A partir du XVIe siècle l'histoire n'active plus cetensemble fortifié. En 1803 Castelgrande est utilisécomme prison et arsenal. La ville moderne sedéveloppe au détriment des remparts. En 1882,l'arsenal fut agrandi.

Avec le XXe siècle, on entre dans la période dereconnaissance de la valeur historique du site etcommencent les grandes opérations de restauration.

Description

L'ensemble se présente sous forme de trois châteaux etd'un réseau de fortifications avec émergence de tourset de dispositifs de défense qui commande la vallée duTessin et domine le centre de la ville.

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Les trois châteaux sont les suivants :

- Castelgrande (Château d'Uri, Château SaintMichel) ;

- Château de Montebello (Château de Schwyz,Château Saint Martin) ;

- Château de Sasso Corbaro (Château d'Unterwald,Château Sainte Barbara).

Castelgrande est la plus grande des trois forteresses ;de son promontoire rocheux, elle domine la ville. Sesdeux caractéristiques les plus remarquables sont sesdeux tours, la Tour Blanche et la Tour Noire.L’intérieur, spacieux, est divisé par des mursintérieurs qui rayonnent à partir de la Tour Noire etforment trois cours. Quant à la Tour Blanche, à l’est,elle est entourée de son propre ensemble defortifications, connues sous le nom de Redoute.L’arsenal se compose d’une série de bâtimentsmassifs, du côté ouest de la cour méridionale.L’enceinte possédait deux chapelles, dont il nesubsiste plus que les fondations.

Le château de Montebello se dresse sur un éperonrocheux à l’est de Castelgrande, auquel il est relié parles murailles de la ville. Son plan au sol est en formede losange et, à l’inverse de Castelgrande, il estentouré par de profondes douves. Le donjon central,de la fin du XIIIe siècle, en constitue le cœur ; aumilieu du XIVe siècle et à la fin du XVe, il fut dotéd’une protection supplémentaire, sous la forme denouvelles murailles fortifiées.

Contrairement à Castelgrande et à Montebello, lechâteau de Sasso Corbaro ne fait pas partie dupérimètre défensif de Bellinzone. Construit sur unaffleurement rocheux à quelques 600 m au sud-est dela ville, il protège une route d’approche vulnérable. Lechâteau tout entier, composé d’un donjon principal etd’une cour aux fortifications solides, avec desouvrages défensifs avancés, fut construit dans ledernier quart du XVe siècle. Il présente un plan carré,le donjon faisant légèrement saillie dans l’angle nord-est et s’élevant au-dessus du niveau des muraillescrénelées.

Les deux tiers de la ligne originale des remparts de laville subsistent, jalonnés de tours, mais les portes ontdisparu. À l’ouest de la ville se dressent les vestigesde l’impressionnante muraille fortifiée connue sous lenom de La Murata, commençant à Castelgrande et quitraversait à l’origine le Tessin. Si l’ouvrage fut toutd’abord construit au début du XVe siècle, sa formeactuelle date des années 1480.

Gestion et Protection

Statut juridique

Les trois châteaux, la Murata et la zone tampon sontprotégés par le décret émis le 18 mai 1926 et mis àjour le 23 octobre 1962 par le Conseil d'état duCanton du Tessin : toutes les fortifications figurent auplan d'aménagement du territoire de la Commune deBellinzone en tant que monuments d'intérêt cantonal

et national et bénéficient ainsi de tous les instrumentsde protection prévus par la législation fédérale etcantonale en vigueur afin d'éviter tout abus.

Gestion

Les trois châteaux et les fortifications sont la propriétédu Conseil d’Etat du Canton du Tessin.

Les organes compétents pour la gestion et l'entretiendes monuments sont le Département Cantonal desFinances et de l'Economie et le Département duTerritoire. Des pourparlers sont actuellement en courspour confier la responsabilité de la gestion des troischâteaux à l’Office du Tourisme de Bellinzone.

Conservation et Authenticité

Historique de la conservation

En même temps qu'étaient conduites les fouilles,plusieurs projets de restauration furent étudiés. Lapremière restauration conduite par Max Alioth eutlieu en 1953 : certains bâtiments furent démolis, lesremparts furent remontés à leur hauteur présuméed'origine et dotés de créneaux. Dans les annéessuivantes des divergences d'opinion sur cetterestauration conduisirent à en supprimer certainesparties. En 1967 fut confiée au Prof. Werner Meyerune mission de fouilles archéologiques qui devaitlivrer des résultats pouvant servir de base aux futuresinterventions.

Un double objectif semble aujourd'hui avoir été atteint: sauver de la ruine l'ensemble des trois châteaux et leréseau de fortifications, améliorer l'accueil desvisiteurs en aménageant l'accès au site et laprésentation des espaces intérieurs. Le château deCastelgrande a fait l'objet d'une restauration et d’unaménagement réalisés en 1981 par l'architecte AurelioGalfetti. Ce projet a permis de faire aisément accéderle public depuis le pied du rocher jusqu'au niveau dela forteresse en pratiquant une faille et une circulationverticale (ascenseur et escalier) qui aboutit à la plate-forme. Cet aménagement est d'une grande qualité toutcomme les présentations intérieures des salles quiaccueillent des lieux de réunion et de musée. Il n'estcependant pas souhaitable que les aménagementsaillent au-delà de ce qui existe actuellement.L'ascenseur est la juste concession faite à la visite, unsoin excessif dans la présentation risquerait l'altérerl'émotion que suscitent habituellement les forteressesmédiévales, émotion toujours atténuée par leperfectionnisme des restaurateurs.

Authenticité

L'authenticité du bien est attestée par les nombreuxdocuments concernant son évolution, elle estcependant considérablement atténuée par desreconstitutions excessives en particulier pour lesparties hautes des murs, probablement documentéesmais le dossier d'inscription ne permet pas d’apprécierl'importance des reconstitutions.

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Evaluation

Action de l'ICOMOS

Une mission d’expertise s’est rendue à Bellinzone enfévrier 1999.

Analyse comparative

Au XVe siècle, bon nombre de seigneurs et desouverains féodaux se sont efforcés de protéger leursfrontières au moyen de grandioses fortifications(Helsingborg/Helsingör, Viborg, Peschiera,Hohentwiel). D'autres ont transformé leurs cités enforteresses pour leurs garnisons (Dubrovnik/Ragusa,Graz, Novara, Luxembourg). Parmi tous cesensembles d'importance historique, Bellinzoneconstitue un cas à part à la fois pour la dimension deson architecture conditionnée par le site et pourl'excellent état de conservation de l'ensemble.

Avec la passation du pouvoir aux Confédérés suisses,le dispositif défensif de Bellinzone, qui avait été érigécontre eux-mêmes, perdit son intérêt militaire et neconnut donc pas d'extension ultérieure. Pour cetteraison, les fortifications ont pu conserver inaltéré leuraspect typique du bas Moyen Age, abstraction faitedes pertes substantielles dans la muraille et dans lesremparts de la ville.

Dans le reste de l'Europe, contrairement à Bellinzone,les plus importantes fortifications ont, soit étédétruites lors de guerres ou à la suite d'événementspolitiques, soit ont fait l'objet, au cours des sièclessuccessifs, de telles adaptations aux connaissances dumoment dans l'art de la construction de remparts qu'iln'en subsiste que quelques fragments, tels les murs deWenzel au Luxembourg.

Commentaires de l'ICOMOS

Cet ensemble est authentique dans son plan mais il aconnu des restaurations hypothétiques qui en ontaffirmé l'aspect pittoresque au détriment del'authenticité des élévations et des couronnements demur. A sa 23ème session à Paris en juillet 1999, leBureau a renvoyé cet aspect de la propositiond’inscription à l’Etat partie en demandant desinformations plus détaillées sur les travaux successifsde restauration et de reconstruction pour être enmesure d’évaluer l’authenticité du bien proposé pourinscription. La documentation fournie par l’Etat partiene donne pas les informations demandées parl’ICOMOS. Il serait peut être nécessaire quel’ICOMOS entreprenne une nouvelle mission demanière à ce que le bien soit étudié plus en détail enrelation avec des experts suisses.

Recommandations de l’ICOMOS pour des actionsfutures

Il n'existe pas dans le dossier de plan définissantprécisément les limites du bien proposé pourinscription. Il est simplement indiqué que la surface àinscrire est de cinq hectares sans zone tampon. Onpeut s'interroger sur ce choix. Une forteresse est parnature un ouvrage conçu pour surveiller un territoire,en l'occurrence il s'agit d'un passage, mais dans les

deux cas, le paysage environnant est partie intégrantede la fonction de la forteresse. Il paraît doncnécessaire pour conserver en mémoire le rôle de cetouvrage depuis sa création, de créer une large zonetampon qui permette de contrôler l'évolution urbainedes abords.

A la suite de la 23ème session du Bureau à Paris enjuillet 1999, l’Etat partie a fourni des informationsprécises sur la zone proposée pour inscription et lazone tampon. L’ICOMOS considère qu’elles sont toutà fait conformes aux exigences du Comité.

Brève description

Le site de Bellinzone est composé d'un ensemble defortifications centré sur le château de Castelgrande quioccupe le sommet d'un rocher contrôlant la vallée duTessin. Depuis ce château, une série de murs defortification protègent l'ancienne ville et barrent lavallée du Tessin ; le second château est intégré audispositif fortifié ; un troisième château isolé (SassoCorbaro) a été construit sur un promontoire au sud-estde l'ensemble.

Recommandation

Que l'examen de cette proposition d’inscription soitdifféré en demandant à l'Etat partie des précisionssupplémentaires sur l’histoire et la nature desrestaurations concernant le monument(indépendamment des aménagements).

ICOMOS, septembre 1999

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Merv (Turkménistan)

No 886

Identification

Bien proposé Parc nationalhistorique et culturelde l’« Ancienne Merv »

Lieu Région de Mary

État partie République duTurkménistan

Date 7 novembre 1996

Justification émanant de l’État partie

Le mausolée du sultan Sanjar est un chef d’œuvre dugénie créateur humain et, à lui seul, mérite déjàl’inscription sur la Liste du patrimoine mondial. Il estpréservé au centre de la ville, qui présente égalementdes fortifications, un tracé de rues unique, unecitadelle et d’autres monuments remarquables.

Critère i

Les villes de l’oasis de Merv ont exercé une influenceconsidérable sur les civilisations d’Asie centrale etd’Iran depuis quatre millénaires. Situées dans uneoasis qui se trouve sur un grand axe commercial est-ouest, couramment appelé la route de la Soie, elles ontfacilité les échanges de produits et d’idées. La villeseldjoukide, en particulier, a influencé l’architecture etla décoration architecturale, ainsi que ledéveloppement scientifique et culturel. Critère ii

La séquence des grandes villes séparées, l’ensemblede fortifications, la possibilité d’étudier les différentsschémas de rue d’une ville à l’autre et le mausolée dusultan Sanjar sont uniques. Critère iii

Les monuments ondulés, faits de brique crue, sont desexemples typiques des édifices d’Asie centrale, dontpeu subsistent à ce jour. Ils se trouvent dans leurgrande majorité dans l’oasis de Merv, avec deuxexemples remarquables à l’ouest de la villeseldjoukide. Les fours islamiques pour la fabricationde l’acier récemment découverts indiquent que Mervétait un centre technologique majeur. Critère iv

Les monuments de brique crue de Merv, édificesondulés, pavillons et glacières, sont des structurestraditionnelles caractéristiques de la région, fragilespar nature et vulnérables à l’impact d’uneirrémédiable évolution environnementale et socio-économique. Critère v

De nombreux événements majeurs et personnalitésd’importance historique sont associés à Merv. Parmieux, on compte Abû Muslîm, qui fut à l’origine dumouvement révolutionnaire abbasside, la dynastie dessultans seldjoukides, et les érudits attirés par lesbibliothèques et l’observatoire de Merv, tels legéographe Yâqût al-Hamavi, et le poète et astronomeUmar Khayyâm. Critère vi

Catégorie de bien

En termes de catégories de biens culturels, tellesqu’elles sont définies à l’article premier de laConvention du Patrimoine mondial de 1972, il s’agitd’un site.

Histoire et description

Histoire

L’oasis de Merv, dans le désert du Karakoum, hébergedepuis le IIIe millénaire avant J.-C. toute une série decentres urbains. Les plus anciens centres, datant de l’âgedu Bronze (2500-1200 avant J.-C., approximativement),étaient situés au nord de l’oasis, où le cours du Mourgabaffleurait à la surface et pouvait aisément être mis àprofit. Au fur et à mesure que se développaient destechniques d’irrigation plus avancées, les centres sedéplaçaient vers le sud ; on trouve dans cette régiond’importants sites du premier âge du Fer.

Le centre historique urbain se développa aux alentoursde 500 avant J.-C. à l’est de l’oasis, emplacement deprédilection pour tirer avantage des routes vers l’Orient.Il se compose d’une série de cités fortifiées adjacentes,qui couvre plus de 1 200 hectares. L’existence de la plusancienne, Erk Kala, est déjà attestée par des sourcesécrites de la période achéménide (519-331 avant J.-C.),et plus particulièrement par la fameuse inscriptiontrilingue de Darius le Grand à Bisitun, dans l’Ouest del’Iran.

L’oasis faisait partie de l’empire d’Alexandre le Grandet Pline l’Ancien suggère, dans son Histoire naturelle(VI, 16-17) que la cité hellénique fut fondée parAlexandre lui-même. Le roi séleucide Antiochos Ier

Sôter (281-261 avant J.-C.) la reconstruisit et la baptisaMargiana Antiochia ; elle est identifiée à Erk Kala et àGyaur Kala. Elle fut occupée pendant quelques 1 500ans, pendant l’intégralité des périodes parthe etsassanide et au début de la période islamique. Seloncertains, des soldats grecs et romains, survivants del’écrasante victoire des Parthes sur les Romains àCarrhes en 53 avant J.-C., pourraient s’être installés àMargiana. L’islam devint dominant avec la mort dudernier roi sassanide, Yazdgard III, en 651. Toutefois,du VIIIe au Xe siècle, Merv ne fut guère plus qu’une zoneindustrielle, même si la mosquée centrale restafréquentée jusqu’aux XIe - XIIe siècles.

La cité médiévale des Seldjoukides se développa àl’ouest de Gyaur Kala, la remplaçant en tant que centreurbain au fur et à mesure que cette dernière déclinait. Lesultan Malikchah (1072-1092) la fortifia, et d’autres

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développements urbains au nord et au sud furentégalement fortifiés par le sultan Sanjar (1118-1157).La cité, qui s’étendait sur plus de 600 hectares, était lacapitale du grand empire seldjoukide (XI - XIIIe siècles),et l’une des principales villes de son époque. Sescélèbres bibliothèques attirèrent des érudits des quatrecoins du monde islamique, notamment l’astronome etpoète Umar Khayyâm et le géographe Yâqût al-Hamavi.

Ce brillant épanouissement prit brutalement fin en1221-1222 : la ville fut mise à sac par les Mongols, quimassacrèrent une grande partie de sa population etdétruisirent le complexe système d’irrigation. Ellesurvécut sous une forme très diminuée, en tant quepartie de l’empire de Timour (1370-1405). La nouvelleville, beaucoup plus petite et connue aujourd’hui sous lenom d’Abdullah Khan Kala, fut construite sur un autresite au sud par le successeur de Timur, le shâh Ruhk(1408-1447).

Au XVIe siècle, Merv tomba sous le joug des Ouzbeks,qui régnèrent depuis Boukhara, et, un siècle plus tard,fut intégrée à l’empire perse. Au XVIIIe siècle, l’essordémographique entraîna la création d’une extensionfortifiée, connue sous le nom de Bairam Ala Khan Kala,aujourd’hui quasiment totalement en ruines.

Description

L’oasis de Merv occupe actuellement une superficie de85 km sur 74 km dans le désert du Karakoum, àl’intersection de l’Amou-Daria et de la principale routeest-ouest vers Boukhara et Samarkand. Elle fut forméepar le limon charrié par la rivière Mourgab, qui créa uncône alluvial. Le paysage est plat, excepté lorsqu’il estbouleversé par des travaux d’irrigation, et il est quadrillépar un réseau dense de sites anciens datant de l’âge duBronze jusqu’à la fin de la période post-médiévale.

- Les centres de l’âge du Bronze (2500-1200 avantJ.-C.)

Les plus anciennes installations se trouvent au nord del’oasis. Cinq d’entre elles doivent être incluses dans unprogramme de protection : Kelleli, Adji Kui, Taip,Gonur et Togoluk.

Kelleli est une zone d’installation regroupant deux sitesmajeurs. Kelleli 3 (4 ha) possède une double murailleextérieure, avec des tours flanquant quatre entréessymétriques ; une zone d’habitations a été nettoyée dansle secteur sud-ouest. Kelleli 4 (3 hectares) présenteégalement une double muraille extérieure et des tours.Les deux sites sont dans un état de conservationmédiocre, mais ils abritent des témoignages importantsde la Margiana de l’âge du Bronze moyen. Adji Kui(8,5 ha) date de la même époque.

La transition de l’âge du Bronze moyen à l’âge duBronze tardif, d’un schéma de peuplement à un autre,est illustrée par Taip. Deux tells proches mais distinctscomposent une zone carrée de 3,5 hectares entourée demurailles, avec un grand édifice et sa cour au sud.

Gonur Depe (55 ha) est le plus grand site de l’âge duBronze dans le delta du Mourgab. L’énorme tell au nord

s’élève encore aujourd’hui à 4 mètres au-dessus de sesalentours. Les fouilles ont révélé l’existence d’ungigantesque palais, et très probablement d’un temple dufeu, remontant tous deux à l’âge du Bronze moyen. Unegrande nécropole contemporaine s’élève à l’ouest.

Sur le tell du sud, beaucoup plus petit (3 ha), se dresseun village de l’âge du Bronze tardif. Il est entouré d’unemassive muraille carrée, avec des bastions d’anglecirculaires et des tours semi-circulaires le long dechaque côté. Le site est bien préservé.

La zone de Toguluk accueillait une population densependant l’âge du Bronze. Des fouilles ont ainsi révéléles vestiges de plusieurs grands édifices fortifiés.

- Les centres de l’âge du Fer (1200-300 avant J.-C.)

Deux centres de l’âge du Fer doivent être inclus dans leprogramme global de protection – Yaz / Gobekli Depeset Takhirbaj Depe.

Une installation de l’âge du Fer se trouvait également aunord de l’oasis. Takhirbaj Depe est le site le plusremarquable de la région. Des fouilles ont révélé que lepeuplement a commencé à l’âge du Bronze tardif, avecla construction d’une citadelle fortifiée et entourée defossés, et qui s’est considérablement étendue par lasuite. C’était le centre le plus important de l’âge du Ferdans la région, et il resta occupé jusqu’à la périodeachéménide.

Yaz Depe est d’une importance toute particulière, nonpas tant par ses vestiges archéologiques que pour lesabondantes céramiques qu’il contenait et d’aprèslesquelles on a pu établir la typologie fondamentale dela période. Tout près s’élève la forteresse rectangulairepartho-sassanide de Gobekli.

- Le centre historique urbain

Il se compose de trois éléments principaux – Erk Kala,Gyaur Kala et la cité médiévale du sultan Kala, ou Marval-Chahijan.

Erk Kala (20 ha) est un site polygonal entouré demurailles et de fossés, dont les murailles subsistentencore sur quelques 30 mètres de long, et qui compteégalement une citadelle intérieure.

Gyaur Kala est de plan approximativement carré, avecdes murs qui atteignent environ 2 km de long. Àl’intérieur subsistent les vestiges de plusieurs structuresimportantes. La mosquée centrale de Beni Makhan esten partie cachée par les déblais des fouilles, mais saciterne témoigne du mode de distribution de l’eau, aumoyen de canaux souterrains. Le stupa et le monastèrebouddhistes à l’angle sud-est sont les structures de cetype les plus à l’ouest qui aient été mises à jour à l’heureactuelle. L’« édifice ovale », dans le quartier nord-ouest,se compose d’une série de pièces autour d’une cour, surune plate-forme surélevée.

Sultan Kala la médiévale, qui s’élève à l’ouest de GyaurKala, vit le jour comme un développement suburbain, etce n’est qu’au XIe siècle qu’elle fut fortifiée. Elle couvre

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approximativement la même surface (4 km²), mais uneautre zone fortifiée de 2-3 km² lui fut ajoutéeultérieurement. Le mausolée du sultan Sanjar (1118-1157) fut érigé au centre de la cité seldjoukide. Lastructure cubique qui subsiste faisait à l’origine partied’un grand complexe religieux. Ses détails élaborés, telsque l’élégant briquetage, le stuc sculpté et les peinturesmurales intactes, en font l’une des plus remarquablesprouesses architecturales de la période seldjoukide.

Les murailles de la cité médiévale et celles de lacitadelle (Chahriyar Ark) sont uniques. Elles illustrenten effet deux périodes consécutives d’architecturemilitaire des XIe - XIIIe siècles. Le circuit de 12 km desmurailles est jalonné de tours, de poternes, d’escaliers,de galeries et, à certains endroits, de créneaux, lesouvrages les plus anciens ayant été préservés par leurintégration au sein des structures ultérieures.

En sus de ces éléments urbains principaux, on dénombreplusieurs importants monuments médiévaux dans leurvoisinage immédiat. Le mausolée de Muhammad ibnZayd fut construit en 1112 pour un descendant duProphète. Sa chambre en forme de dôme présente unemagnifique inscription coufique, et une partie de ladécoration d’origine de sa façade de brique est toujoursvisible dans la salle de prière.

Parmi les traits architecturaux les plus caractéristiquesde l’oasis, figurent les monuments connus sous le nomde köshks. Il s’agit de structures carrées ourectangulaires isolées, généralement de deux niveaux.Les murs au-dessus du niveau du glacis sont ondulés, cequi leur donne un aspect caractéristique. Les Kiz Kalasupérieur et inférieur sont deux des édifices les plusimpressionnants : les pièces principales s’organisentautour d’une cour située au premier étage, les pièces aurez-de-chaussée sont faiblement éclairées par desfenêtres en fente.

- La cité post-médiévale d’Abdullah Khan Kala

À l’exception des murailles et des fossés du XVe siècle,seuls quelques murs du palais subsistent dans lacitadelle. Toutefois, les murailles sont d’un intérêtexceptionnel, car elles permettent de suivre de façonremarquable l’évolution de l’architecture militaire duVe siècle avant J.-C. jusqu’aux XVe - XVIe siècles après J.-C.

De nombreux monuments majeurs de la périodehistorique subsistent dans l’oasis. Les imposantesforteresses de Gobekli, Uly Kishman et Garry Kishmanfaisaient partie des remparts de terre de 30 km construitspour se défendre des menaces venues des steppesseptentrionales.

L’oasis abrite encore beaucoup de splendides mosquéeset mausolées de cette période. On note parmi eux lestrois mausolées de la période timouride à GeokGumbaz, la magnifique mosquée seldjoukide du XIIe

siècle Talkhattan Baba, et le mausolée restauré del’imam Bakr et de l’imam Shafi dans le cimetière deTalkhattan. On dénombre également plusieurs köshksbien préservés et des tours défensives (dings) des XVIIIe

et XIXe siècles.

Gestion et protection

Statut juridique

Merv est couverte par les dispositions de la loi de 1992sur la protection des monuments historiques et culturelsdu Turkménistan. Le parc national historique et culturelde l’« ancienne Merv » a été créé par décret en 1997.Toutes les interventions au sein du parc, notamment lesfouilles archéologiques, nécessitent des permis officielsdu ministère de la Culture.

Gestion

Le parc est la propriété de la république duTurkménistan. De même que les sept autres parcsnationaux, il est sous l’égide de la direction nationale dela Protection, de l’Étude et de la Restauration desMonuments, un organisme du ministère de la Culture.La gestion et la conservation des sites et monumentsdans le parc et de tous les monuments subsistant dansl’oasis sont sous la responsabilité de l’Office du parc,sous l’égide de la direction nationale.

Le personnel de l’Office, dont le siège est situé près deSultan Sanjar, se compose d’un directeur, d’un directeuradjoint, d’un archéologue, de secrétaires et de gardiens.Il y a deux offices annexes dans la région de Mary,responsables du suivi des monuments isolés.

Le Dr Georgina Herrmann (directrice du projetinternational de Merv – Cf. « Historique de laconservation » ci-dessous) a rédigé un projet de plan degestion quinquennal pour le bureau de l’UNESCO àTachkent. Ce projet avance plusieurs propositionsspécifiques pour des travaux urgents à réaliser sur lesmonuments vulnérables. Les recommandationsgénérales concernent la mise en place d’installationsd’interprétation, des itinéraires recommandés pour lesvisiteurs et des améliorations de l’infrastructure(agrandissement des zones de stationnement, rénovationdes routes, délocalisation des poteaux et pylônesélectriques et téléphoniques situés à proximité desmonuments). Il compte également des propositionsspécifiques très détaillées portant sur les monumentsindividuels, leurs besoins en conservation, lesinstallations d’accès et de sécurité pour les visiteurs, lenettoyage des débris, l’écoulement des eaux, les étudesstructurelles, la démolition des structures modernes etdes échafaudages indésirables et l’établissement dezones tampon effectives autour des monumentsindividuels.

Un programme de mise en œuvre en trois étapes estproposé pour l’amélioration des installationstouristiques. La première étape se limitera àl’amélioration de l’interprétation et de l’accueil. Ladeuxième concerne l’amélioration des installationshôtelières de Mary, la construction de centres de visiteet d’étude, de restaurants et de bureaux à Merv, ainsiqu’un programme majeur de formation du personnel etde guides. La troisième étape, qui dépend del’accroissement du nombre de visiteurs et des recettestouristiques, envisage la possibilité de la création d’uncomplexe hôtelier à Merv même.

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Conservation et authenticité

Historique de la conservation

Il n’y a jamais eu aucune conservation systématique desmonuments et sites de Merv, qui ont été négligéspendant la période soviétique. Ils ne sont traités commeun groupe que depuis la création du parc national et,depuis lors, les travaux ont pour la majorité étéponctuels, en réaction à des menaces urgentes. Lesmonuments islamiques, particulièrement ceux de briquecuite, ont fait l’objet d’actions de conservationd’urgence depuis le début du XXe siècle. Toutefois, lesmonuments majeurs n’ont pas fait l’objet d’autrestravaux, afin d’éviter les dégradations potentielles suiteà leur mise à nu.

Tous les travaux de conservation sont effectués par lepersonnel du parc, sous le contrôle du Conseilméthodologique scientifique sur l’étude et larestauration des monuments historiques, présidé par leministre adjoint de la Culture et composé d’experts issusde la direction de la Protection des Monuments, del’Académie des Sciences, de l’université d’État et duministère de la Culture.

Il n’y a eu aucun vandalisme ni intrusion depuisl’établissement du parc, et un frein définitif a été mis àla construction non autorisée dans le voisinage. Lesseules intrusions modernes sont les routes d’accès deSultan et de Gyaur Kala, qui servent à l’accès desvisiteurs.

Le projet international de Merv est une collaborationarchéologique turkmène-britannique entre IouTAKE,l’Expédition archéologique multidisciplinaire duTurkménistan du Sud, le Département d’histoire,l’Académie des Sciences (Achgabat) et l’Institutd’archéologie de l’université de Londres. Il est soutenupar divers organismes officiels et fondations privées, duRoyaume-Uni, des États-Unis et d’ailleurs. C’est unvaste programme, couvrant l’étude, la cartographie,l’inventaire, les fouilles, la conservation et l’analyse.

Les enregistrements de tous les travaux effectués depuisla création du parc sont conservés au siège de ce dernier.Un dossier photographique de l’évolution des sites etmonuments depuis la fin du XIXe siècle a été préparé parle projet international de Merv et doit être publié, en1999 pour ce qui est de celui qui porte sur les édificesséculiers, et en 2000 pour celui qui concerne lesbâtiments religieux.

Authenticité

Il est difficile de généraliser sur l’authenticité d’un bienaussi vaste et complexe que le parc national culturel ethistorique de l’« ancienne Merv », qui fait l’objet de laprésente proposition d’inscription.

Les sites archéologiques sont restés relativementintacts ; leur authenticité est donc irréprochable. Lesinterventions de restauration et de conservation surcertaines des structures islamiques au cours de ce sièclen’ont pas suivi les principes de conservation actuels,quoiqu’on puisse arguer qu’elles ont joué un rôle

essentiel dans la stabilisation et la continuité de cesmonuments « vivants ». Elles ont en outre été biendocumentées, et il est possible de revenir en arrière sibesoin est. Dans tous les cas, elles ne représententqu’une minuscule partie de la totalité de ce paysageancien et de ses monuments.

Évaluation

Action de l’ICOMOS

Une mission d’expertise de l’ICOMOS a visité Merv endécembre 1998. L’ICOMOS a également eu l’occasionde s’entretenir avec la directrice du projet internationalde Merv.

Caractéristiques

La longue histoire d’occupation humaine de l’oasis deMerv est préservée par ses sites, ses monuments et sespaysages dans une remarquable mesure. C’est unearchive matérielle unique, en grande partie intacte, del’histoire de cette région, d’une grande significationculturelle mais relativement inconnue, sur une périodede plus de quatre millénaires.

Analyse comparative

En Asie centrale, la route de la Soie est jalonnée denombre d’établissements préhistoriques et historiques.Aucune cependant n’est comparable à Merv en termesde richesse et de particularité des preuves matérielles surune si longue période, et aucune ne présente à un degrési élevé ce schéma spécial d’évolution des installationsurbaines.

Recommandations de l’ICOMOS

Le projet de plan de gestion quinquennal (cf.« Gestion » ci-dessus) est admirable et parfaitementadapté aux exigences actuelles de ce bien. L’ICOMOSrecommande que le Bureau du Comité du patrimoinemondial cherche à obtenir des assurances quant àl’agrément et à la mise en œuvre intégrale du plan dansles plus brefs délais.

L’ICOMOS souhaite en particulier attirer l’attention del’État partie sur la nécessité d’augmenter les effectifs desécurité disponibles pour ce bien gigantesque et de leurfournir l’équipement nécessaire (véhicules,communications).

Brève description

Merv est la plus ancienne et la mieux préservée des citésoasis le long de la route de la Soie en Asie centrale. Lesvestiges de cette vaste oasis couvrent quelques quatremilliers d’années d’histoire humaine, et un certainnombre de monuments, particulièrement des deuxderniers millénaires, restent visibles.

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Recommandation

Le Bureau a recommandé que cette propositiond’inscription soit renvoyée à l’État partie, en demandantdes assurances afin que le plan de gestion quinquennalsoit agréé et intégralement mis en œuvre avant la fin del’année 1999 et, une carte indiquant clairement leslimites du site. Au moment où cette évaluation estpréparée pour l’impression, aucune information n’estparvenue. Si ces assurances et la carte sont fourniespour le 1er octobre, l’ICOMOS recommande que ce biensoit inscrit sur la Liste du patrimoine mondial sur labase des critères ii et iii :

Critère ii Les villes de l’oasis de Merv ont exercéune influence considérable sur les cultures d’Asiecentrale et d’Iran depuis quatre millénaires. Laville seldjoukide, en particulier, a influencél’architecture et la décoration architecturale, ainsique le développement scientifique et culturel.

Critère iii La séquence des cités de l’oasis deMerv, leurs fortifications et leur paysage urbainsont des témoins exceptionnels des civilisationsd’Asie centrale sur plusieurs millénaires.

ICOMOS, septembre 1999

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Mi-sön (Viêt-nam)

No 949

Identification

Bien proposé Sanctuaire de Mi-sön

Lieu Commune de Duy Phu, district de DuyXuyen, province de Quang Nam

État partie République socialiste du Viêt-nam

Date 28 juillet 1998

Justification émanant de l’État partie

Mi-sön, vallée encerclée de montagnes, a été choisiepour être le site du centre religieux de la capitale duroyaume de Champâ. Le sanctuaire de Mi-sön et sesenvirons constituent l’un des plus célèbres monumentsarchitecturaux et sculpturaux cham au Viêt-nam. Cesimportants vestiges contribuent à la compréhension del’évolution de la pensée cham.

La majorité des tours de Mi-sön ont été construites auXe siècle après J.-C. Beaucoup ont été endommagéespendant la récente guerre ; elles sont actuellementpréservées dans l’attente de décisions sur les futurstravaux de réparation.

Critères ii et v

Catégorie de bien

En termes de catégories de biens culturels, tellesqu’elles sont définies à l’article premier de laConvention du Patrimoine mondial de 1972, il s’agitd’un site.

Histoire et description

Histoire

Le royaume de Champâ est né en 192 après J.- C.,quand le peuple de la région de Tuong Lam se dressacontre ses suzerains chinois et fonda un Étatindépendant dans l’étroite bande de terre qui longe lacôte de l’Annam. Cet État est connu d’après desarchives chinoises sporadiques, dans lesquelles ilapparaît successivement sous le nom de Lam Ap, HoanVuong et de Chiem Thanh, une transcription deChampâpura, qui signifie « la cité du peuple cham ».L’économie cham était basée sur l’agriculture (cultureen rizières), la pêche et le commerce maritime.

Les Chams tombèrent sous l’influence de l’hindouismedu sous-continent indien à un stade précoce de leurdéveloppement, quoique la date exacte ne soit pasconnue. Ils construisirent de nombreux temples dédiésaux divinités hindouistes : Krishna et Vishnou, parexemple, mais par-dessus tout Shiva. Le bouddhismemahayana, qui doit avoir pénétré la culture cham plustard, probablement au IVe siècle, s’implanta solidementau nord du royaume de Champâ, mais le l’hindouisme etplus particulièrement le culte de Shiva resta la religionofficielle.

Ce royaume comptait deux cités sacrées, appartenantchacune à un grand clan. Mi-sön (dont le nom, envietnamien, signifie « belle montagne ») était sacréepour le clan Dua (Narikelavansa en sanscrit), quivénérait le roi mythique Srisanabhadresvara etgouvernait Amaraveti, la région septentrionale duroyaume ; c’était également la capitale de tout leroyaume de Champâ. Si la signification religieuse deMi-sön était importante, son emplacement lui donnaitégalement une importance stratégique car, nichée aucœur d’un petit cirque montagneux, la cité était uneplace forte facile à défendre.

Les monarques qui se succédèrent du VIe au VIIIe sièclefavorisèrent Mi-sön et la dotèrent de templesmagnifiques. Entre 749 et 875, le clan Cau prit lepouvoir et, pendant un temps, la capitale fut transférée àVivapura, au sud du territoire. Néanmoins, Mi-sönconserva son importance religieuse, et reprit sa place audébut du IXe siècle, sous le règne de Naravarman Ier, quiremporta nombre de batailles contre les armées chinoiseet khmère.

Dés le début du Xe siècle, l’influence du bouddhismecommença à s’étioler, au bénéfice de Mi-sön, oùl’hindouisme avait toujours dominé. Quand arriva lerègne de Giaya Simhavaram, à la fin du Xe siècle, ils’était hissé à un pied d’égalité avec le bouddhisme dansle royaume cham. C’est à cette époque que furentconstruits la majorité des plus beaux monumentsarchitecturaux subsistants.

Pendant la plus grande partie du XIe siècle, la guerre fitrage et Mi-sön, à l’instar d’autres sites sacrés deChampâ, en pâtit grandement. Harivarman IV ramena lapaix dans le royaume. Vers la fin du siècle, il avaittransféré sa capitale à Do Ban, mais entreprit néanmoinsde restaurer Mi-sön. La guerre éclata à nouveau au XIIe

siècle, quand Jaya Indravarman IV attaqua l’empirekhmer et mit sa capitale à sac. Les représailles furentimmédiates, et le royaume cham fut occupé par lesKhmers de 1190 à 1220.

À partir du XIIIe siècle, le royaume cham déclinalentement et fut absorbé par le pouvoir croissant duViêt-nam. Il cessa d’exister en tant qu’entité à la fin duXVe siècle, et Mi-sön cessa parallèlement d’être un lieude culte.

Description

Dans le site proposé pour inscription, qui représentel’ancienne zone de peuplement et celle du sanctuaire,huit groupes de tours sanctuaires ont été dénombrés, et

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nommés de A-H, conformément à la classification del’architecte et archéologue français Henri Parmentier,qui étudia Mi-sön au début du XXe siècle et recensa prèsde soixante-dix monuments.

En termes de date, ceux-ci couvrent la période qui va duXe au XIIIe siècle, laps de temps assez long que reflètentles divers styles architecturaux. Tous sont construits enbriques, avec des colonnes de pierre, et ornés de bas-reliefs de grès dépeignant des scènes tirées de lamythologie hindoue.

La disposition fondamentale d’une tour sanctuaire, quireflète la cosmogonie hindoue, s’articule autour de latour principale (kalan), symbolisant la montagne sacrée(meru) au centre de l’univers. La base carrée ourectangulaire (bhurloka), qui représente le mondehumain, est faite de briques ou de blocs de pierre etdécorée de reliefs. Au-dessus s’élève la tour principale,(bhuvakola), construite entièrement en briques et dotéede pilastres et d’une fausse porte orientée à l’est, auxornements foisonnants, une fois encore. Les intérieurssont sobres, avec de petites niches destinées à accueillirdes lampes ; quant au Shivalingam, symbole du mondespirituel, il se dressait sur un socle au centre. Les toursétaient séparées de leurs toits (suarloka) par une frisedécorée. Ils consistaient en trois niveaux formant unepyramide, et représentaient Kailasa, la montagne sacréede Shiva. On sait que bon nombre de ces toits étaient àl’origine couverts de feuilles d’or ou d’argent.

En face du kalan s’élève une petite tour d’entrée quiconstitue une porte (gopura), faite de briques, avec descolonnes de pierre. La plupart des complexes destemples étaient dotés de longs bâtiments (mandapa) auxtoits de tuiles, adjacents à ces « tours portes » et destinésaux cérémonies religieuses. On remarque souventautour du kalan de petits temples à deux pièces(kasagraha) où étaient révérées des divinités demoindre importance. Chaque complexe était entouréd’un épais mur de briques, mais ces murs ont presqueentièrement disparu au fil des siècles depuis que Mi-söna cessé d’être un lieu saint.

Le style prédominant de l’architecture et de ladécoration sculpturale des temples de Mi-sön provienten droite ligne d’Inde. On y distingue toutefois certainséléments de l’art vietnamien du nord ; Il s’agit toutparticulièrement des toits en forme de bateau d’un oudeux bâtiments parmi les édifices caractéristiques del’architecture Dông Son.

On compte treize temples dans l’enceinte qui porte lenom de Groupe A, dont le principal, A1, est le plus hautde Mi-sön (24 m). Le Groupe A’ secondaire, avec sesquatre temples, est tout proche. La plupart des templesont été construits au Xe siècle, à l’exception d’A10, érigéavant 875.

Quant au groupe B et aux groupes C et D associés, ils’agit de la plus importante concentration de temples deMi-sön : 27 en tout. En termes de date, ils vont du Xe auXIIe siècle. Le temple B1, construit en 1275, était le plusgrand de Mi-sön ; toutefois, il a malheureusement étélargement détruit par des bombardements. Le temple

B5, une structure auxiliaire utilisée pour les offrandes,est d’une beauté toute particulière.

Le groupe E compte deux temples principaux, l’un duVIIe siècle et l’autre du XIe. La construction originale dupremier des deux, E1, semble avoir contenu uneimportante proportion de bois. Il est remarquable par lacomplexité et la variété des sculptures qui le décorent.

Le groupe F ne compte que deux temples. Le temple F2présente certaines caractéristiques décoratives qui, avecson style architectural global Hoa-lai, suggèrent uneconstruction du début du IXe siècle.

Au XIIe siècle, Jaya Harivarman Ier fit construire sur unecolline les cinq temples qui composent le groupe G,entre les groupes A et E. L’un des temples était le lieuoù se célébrait le culte des parents du monarque ; l’autreétait dédié à son ange gardien. À noter, l’utilisationomniprésente de la terre cuite, caractéristique de l’artcham des XIIe et XIIIe siècles.

À l’ouest des autres, le groupe H se compose de quatretemples de la fin du XIIe siècle – début du XIIIe siècleparmi les derniers construits à Mi-sön. Seul le templeprincipal H1 a survécu aux bombardements de la guerre.

En sus de ces groupes, il existe également trois petitestours sanctuaires isolées (K, L et M), mais toutes sontdans un état avancé de détérioration.

Gestion et protection

Statut juridique

Le sanctuaire de Mi-sön, qui couvre une zone de 310ha, a été classé Monument national en 1979. En 1989, leComité populaire de l’ancienne province de Quang Nam– Da Nang édicta le décret n° 1484/QD-UB « relatif àl’enceinte de protection de la zone des monumentsculturels et historiques de Hon-Den – Mi-sön ». Ildéfinit une zone de 1062 ha au sein de laquellel’installation, le pâturage, l’exploitation forestière etautres activités néfastes à la préservation du site et deses monuments sont interdits. Le décret assigneégalement les responsabilités afférentes à sa mise enapplication.

Gestion

La responsabilité globale de la protection du bienincombe au ministère de la Culture et de l’Information,par l’intermédiaire de sa direction de la Préservation etde la Muséologie. Elle est dévolue à la direction de laCulture et de l’Information de la province de QuangNam, qui collabore étroitement avec le Comitépopulaire et la division de la Culture et de l’Informationdu district de Duy Xuen, qui a créé un Comité degestion des monuments de Mi-sön.

Les besoins propres au patrimoine historique sont prisen compte dans le Plan national de développement dutourisme au Viêt-nam et dans le Plan général pour ledéveloppement socio-économique du district de DuyXuyen.

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En outre, un Plan principal pour le renforcement, lapréservation et l’exploitation des monuments de Mi-söna été élaboré par la direction de la Culture et del’Information de la province de Quang Nam. Suite à uneévaluation de l’état actuel de conservation desmonuments, il définit et classe par ordre de priorité lesobjectifs de développement infrastructurel, deconservation, de promotion et de développementtouristique. Il se divise en deux phases de mise enœuvre (1999-2005 et 2005-2010), pour lesquelles desbudgets détaillés ont été préparés. La préservation et laconservation ont été placées sous la responsabilité de ladirection de la Préservation et de la Muséologie duministère de la Culture, tandis que les autoritésprovinciales et de district seront chargées de lamaintenance, de la présentation et de la promotiontouristique. À la date de la visite de la missiond’expertise de l’ICOMOS (cf. ci-dessous), ce dernierpoint attendait toujours l’agrément officiel.

Il n’y a aucun peuplement dans la zone proposée pourinscription ni dans la zone tampon, et aucun n’estautorisé par la législation de protection. Le Plan socio-économique principal de Quang Nam stipule laréhabilitation de la zone boisée aux alentours du site,afin d’améliorer l’environnement écologique et lesconditions climatiques locales.

L’encadrement du bien se fait actuellement par sixconservateurs diplômés et administrateurs, deuxétudiants en conservation et muséologie, un comptablediplômé et huit gardiens. Le district fournit pour sa partdes techniciens de maintenance.

Le nombre annuel de visiteurs a connu une progressionrégulière : de 3 570 en 1990, il est passé à 12 500 en1997. Le plan de tourisme national prévoit de trèsconséquentes augmentations de ce nombre dans ladécennie à venir.

Conservation et authenticité

Historique de la conservation

À la suite du travail d’étude et d’inventaire réalisé parParmentier au début du XXe siècle, l’École française del’Extrême-Orient (EFEO) a entrepris à Mi-sön destravaux de restauration en 1938-1944, incluant laconstruction, entre 1939 et 1941, d’un barrage sur larivière qui traverse le site, après une inondationdésastreuse ; malheureusement, le barrage fut à son touremporté par une autre inondation en 1946.

L’année 1965 marqua le début des hostilités ; Mi-söndevint une base de guérilla et toute la région devint lacible des bombardements et des mines américaines. Enaoût 1969, le sanctuaire lui-même fut lourdementbombardé, ce qui provoqua des dégâts considérables.Après la guerre, la zone fut progressivement débarrasséedes mines, des bombes et des obus qui n’avaient pasexplosé.

En 1980, une délégation d’experts polonais du PKZcollabora avec des spécialistes du ministère vietnamiende la Culture et de l’Information pour étudier les

vestiges de Champâ dans la région centrale du Viêt-nam. Un Comité conjoint pour la restauration desvestiges cham fut mis sur pied, et des travaux relatifs àla documentation et à la consolidation des temples desgroupes A-D et au nettoyage général du sites’ensuivirent. Entre 1990 et 1996, le travail se concentrasur l’élimination de la végétation dans les structures etsur la consolidation des fondations des temples desgroupes E-H.

Quant au travail de conservation actuel, il se limite aunettoyage de la végétation et de la terre dans lesstructures. Le Conseil de gestion et le Musée de laprovince de Quang Nam sont responsables d’un systèmede suivi régulier des monuments de Mi-sön. Lesrapports sont soumis à la direction de la Culture et del’Information de la province et à la direction de laPréservation et de la Muséologie du ministère de laCulture et de l’Information.

En 1998, la Fondazione Lerici, institution italienne, apréparé un projet de cartographie archéologique assistéepar ordinateur de la zone de Mi-sön. Ce projetcomprendrait l’interprétation d’images par satellite et dephotographies aériennes, la reconnaissancearchéologique et topographique, géomorphologique ethydrogéologique, l’exploration géophysique, une étudede l’état de dégradation des monuments, des fouilles, lacréation d’une base de données Système d’InformationsGéographiques (GIS), et des stages de formation. Ils’étendrait sur trois ans. (Le dossier de propositiond’inscription ne fait aucune mention de ce projet, bienque le document de ce dernier soit inclus en annexe à laproposition ; son statut actuel est donc incertain).Authenticité

En termes de conception, de matériaux, de constructionet de cadre le degré d’authenticité de Mi-sön est élevé.Les interventions de conservation réalisées sous l’égided’experts français et polonais ont été relativementmineures et n’affectent aucunement le degré globald’authenticité, bien que certaines ne soient pasconformes aux principes de conservationcontemporains.

Évaluation

Action de l’ICOMOS

Une mission d’expertise de l’ICOMOS s’est rendue àMi-sön en janvier 1999.

Caractéristiques

Le sanctuaire de Mi-sön est un ensemble architecturalremarquable qui s’est développé sur dix siècles. Ilévoque l’image vivante de la vie spirituelle et politique,au cours d’une étape majeure dans l’histoire de l’Asiedu Sud-Est.

Analyse comparative

Le royaume de Champâ présente un certain nombre decaractéristiques qui font de lui un site historique uniqueau sein des royaumes majeurs d’Asie du Sud-Est. Trait

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particulièrement important : l’association à la religionhindouiste, importée d’Inde, qui s’est entêtée à résisterpendant des siècles à la concurrence du bouddhisme. Onpeut le comparer à d’autres sites plus spectaculaires, telscelui d’Angkor (Cambodge), de Pagan (Myanmar) oude Sukhothai (Thaïlande), mais ceux-ci illustrent descultures plus complémentaires de celle de Mi-sön queconcurrentielles, en termes culturels comme spirituels.Recommandations de l’ICOMOS pour des actionsfutures

Il est essentiel que le plan de gestion soit mis en œuvresans délai. En effet, en dépit des admirables efforts del’État partie, l’état de conservation de nombre desmonuments individuels est médiocre, et une actions’impose de toute urgence.

Nous recommandons le projet italien, car il vise àaméliorer la compréhension du complexe tout entier, etil inclut également un important élément de formation.Il est souhaitable que les fonds nécessaires à la mise enœuvre du projet soient levés dans les plus brefs délais.

Brève description

Du IVe au XIIIe siècle, la côte du Viêt-nam contemporainaccueillait une culture unique, associée par ses racinesspirituelles à l’hindouisme indien. Cette relation estillustrée par les vestiges d’une série d’impressionnantestours sanctuaires, au cœur d’un site remarquable qui futpendant quasiment toute son existence la capitalereligieuse et politique du royaume de Champâ.

Recommandation

Le Bureau a renvoyé cette proposition d’inscription àl’État partie en lui demandant fournir des informationssur la mise en œuvre du plan de gestion du bien et desassurances quant à la mise à disposition du financement.Il a également demandé à l’Etat partie de réfléchir auxliens naturels et historiques entre ce bien et Hoi An quise reflètent dans l’étroite association des deux biens à lamême rivière. Si les informations demandées sontdisponibles avant la 23e session extraordinaire duBureau du Comité du Patrimoine mondial de novembre1999, l’ICOMOS recommande que ce bien soit inscritsur la Liste du patrimoine mondial sur la base descritères ii et iii :

Critère ii Le sanctuaire de Mi-sön est un exempleexceptionnel d’échange culturel, de parl’introduction de l’architecture hindoue du sous-continent indien en Asie du Sud-Est.

Critère iii Le royaume de Champâ était unimportant phénomène de l’histoire politique etculturelle de l’Asie du Sud-Est, comme entémoignent remarquablement les ruines de Mi-sön.

ICOMOS, septembre 1999

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Sites villageois de Transylvanie (Roumanie)

No 596bis

Identification

Bien proposé Sites villageois avec églisesfortifiées de Transylvanie

Lieu - Département de Alba, communede Câlnic, village de Câlnic- Département de Brasov,commune de Prejmer, village dePrejmer- Commune de Bunesti, village deViscri- Département de Harghita,commune de Dârjiu, village deDârjiu- Département de Mures,commune de Saschiz, village deSaschiz- Département de Sibiu, communede Biertan, village de Biertan- Commune de Valea Viilor,village de Valea Viilor

Etat Partie Roumanie

Date 29 juin 1998

Justification émanant de l'Etat Partie

Les églises fortifiées s’imposent en tant qu’ensemble ;On ne trouve nulle part ailleurs un aussi grand nombred’églises fortifiées dans un espace aussi restreint,preuve de la généralisation du phénomène au seind’une zone géographique et culturelle (ethnique).Elles constituent une œuvre architectoniqued’exception, grâce à la variété et à l’usage durépertoire de formes de l’architecture défensive duMoyen Age européen tardif. Si en Europe occidentaleet septentrionale, certains types défensifs appliquésaux églises sont caractéristiques de certains territoiresou pays (par ex. l’église fortifiée en France et dans lespays nordiques, ou les églises à enceinte fortifiée enAllemagne et en Autriche), on constate, enTransylvanie, la présence dans l’espace restreint déjàmentionné, de trois types de fortification d’églises :

L’église à enceinte fortifiée (par exemple Prejmer),l’église fortifiée (exemple, Saschiz) et l’égliseforteresse (exemple de complexe : Valea Viilor). Ilfaut remarquer la façon dont ces fortificationsreprennent et adaptent les conditions particulières desmonuments antérieurs. La plupart des cas attestent latransformation, en vue de la fortification, du répertoire

entier des formes et des plans des basiliques romanescourtes, avec ou sans tour occidentale et des églises ànef unique appartenant au gothique tardif. Danscertains cas, ces fortifications créent des monumentsayant une double fonction – sacrée et défensive -parfaitement équilibrées du point de vue de la forme etde la fonction (exemples, Saschiz, Cloasterf, etc.).

A ces réussites d’architecture défensive s’ajoute lavaleur intrinsèque des églises témoignant de ladiffusion de certains styles d’architecture, depuis l’artroman au gothique tardif. Les églises gardent encoredes éléments de décor et de mobilier précieux : desautels à Prejmer (env.1450), des fragments de peinturemurale (Därjiu), des meubles du XVIème siècle(Prejmer, Saschiz, Valea Viilor). L’habitation fortifiéedes nobles est elle aussi authentique et précieuse pourl’architecture. Critère iv

Les localités proposées pour inscription présententtoutes les caractéristiques des villages de colonisationsaxonne construits sur les anciennes « terres royales »,localités qui ont été préservées dans la plupart desdeux cent cinquante colonies saxonnes deTransylvanie :

- le réseau régulier des rues, bien que parfoisinfluencé par le relief, est exemplaire dans lessites proposés ; la plupart d’entre eux se sontdéveloppés le long d’une rue ou d’un vasteespace médian, parfois doublé d’axes secondaires(exemples, Câlnic, Valea Viilor, Biertan, Viscri).D’autres exemples plus rares de village se sontdéveloppés en fonction d’une place, créée à lasuite de la fortification de l’église (Prejmer).

- La zone protégée – le noyau historique – présenteencore les parcelles étroites et longues attestéespar les documents et les recherches, aussi bienque la façon d’organiser celle-ci : maison avecmur pignon donnant sur la rue et dépendances enenfilade ; on peut aussi reconstituer de manièrehistorique la forme du lotissement des terrescultivées (par exemple Viscri), les toponymesdésignant les anciennes propriétés étant encoreutilisés dans la tradition orale.

Le caractère clos, typique de ces localités, est lui aussipréservé : rangée continuelle de maisons à cave àdemi enterrée et à rez-de-chaussée surélevé, avec peud’ouvertures et pignons et murailles de clôture à lahauteur de la façade, reprenant parfois la décoration decelle-ci.

L’emplacement des bâtiments à usage public estégalement conservé. Disposés autour de l’églisefortifiée, certains de ces bâtiments fonctionnent encorede nos jours : le presbytère ou le logis du prédicateurde la paroisse, l’école et la maison de l’instituteurplacée soit dans l’enceinte de l’école, soit à proximité,la mairie et la salle des fêtes, les granges pour lescéréales. Le nombre des bâtiments et leur qualitéarchitecturale est notable pour tous les sites proposés.

Dans les localités saxonnes qui se trouvent sur lesanciennes « terres royales » et surtout dans leslocalités proposées, on peut trouver deux types

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d’habitations conservées telles quelles. Cependant lavariété des solutions ornementales et certainesmodifications importantes du répertoire marquent leurévolution au fil du temps.

Ces sites ont gardé jusque dans les années 80 de notresiècle leur caractère de localités pluriethniques, avecdes quartiers ethniques – ce qu’on peut encore voir denos jours. Critère v

Les sites proposés, typiques des localités decolonisation saxonne de Transylvanie, forment un« tout cohérent, une unité à valeur d’identitéhistorique, qui possède un équilibre et une naturespécifiques, comprenant en même temps desorganisations spatiales, des bâtiments et des tracesd’activités humaines qui structurentl’environnement » ; elles représentent un phénomènede construction représentatif des conditionshistoriques, juridiques, religieuses et sociales de leurscréateurs ; il s’agit d’une culture et d’une civilisationfragilisées par l’émigration des Saxons versl’Allemagne et l’Autriche, exode qui a commencédans les années 1970 et qui s’est accentué dans lesannées 90. Critère iii

Les réalisations bâties et défensives des Saxons deTransylvanie ont influencé la région culturelleenvironnante - en tout premier lieu les villages saxonsasservis, qui ont essayé d’imiter autant que possibleles structures défensives et organisationnelles descommunautés libres ; cette influence a touché lesSzeklers (églises avec enceintes et aménagements dedéfense simples dont l’exemple le plus parlant estDârjiu), ainsi que les Roumains. Cela a modifié nonseulement l’aspect des quartiers roumains des villagessaxons, mais encore celui des villages roumains de lacolonisation saxonne, qui ont repris les fronts demaisons, le vocabulaire ornemental, ou le système dulotissement (par exemple, Rasinari). Critère ii

Catégorie de bien

En termes de catégories de biens culturels, telles quedéfinies à l'article premier de la Convention duPatrimoine mondial de 1972, le bien proposé pourinscription est un ensemble.

Histoire et Description

Histoire

Le bien proposé pour inscription sur la Liste dupatrimoine mondial se situe au sud de la Transylvanie,une région de collines délimitée par l’arc que décriventles Carpates.

Au cours de l’occupation progressive de laTransylvanie par les souverains hongrois, le roi Géza II(1141-1161) établit les premières colonies d’Allemands,connus sous le nom de Saxons. En tant que colonslibres et bénéficiant de privilèges, ils établirent desassociations de colonies dans la région de Sibiu-Hermannstadt dirigées par des comtes. En 1224, le roiAndreas II signe la lettre de franchise appelée

Andreanum qui confirme les libertés des Saxons sur labase territoriale de la province d’Hermannstadt. Lacolonisation des communes saxonnes actuelles s’achèvepour la plupart vers 1300 après de nouvellesimplantations favorisées par les comtes et les chevaliersteutoniques.

Aux XIVe et XVe siècles, les statuts juridiques del’Andreanum sont diffusés aux dernières régions decolonisation. L’unité de droit ainsi acquise prit le nomd’Universitas Saxonum, reconnue par le roi de Hongrieen 1486, statut qu’elle conservera au sein de laprincipauté de Transylvanie jusqu’à la deuxième moitiédu XIXe siècle.

L’origine et le développement des fortifications d’églisesont liées à l’histoire mouvementée de la Transylvaniedepuis l’invasion des Mongols en 1241-1242, enpassant par les incursions répétées des Turcs depuis1395 et des guerres que se sont livrés les souverains despays voisins jusqu’au début du XVIIIe siècle. Ellesdoivent également être considérées comme unphénomène spécifique lié à l’histoire de leurs bâtisseurs,les Saxons de Transylvanie.

La colonisation saxonne a introduit en Transylvanie untype de colonie adapté à l’emplacement des villages quis’élèvent pour la plupart sur des collines faciles àatteindre et à protéger. Les terres arables sont partagéesselon un système flamand et les villages compactesavec l’église au centre sont composés de maisons avecjardin alignées en rangs serrés le long des rues. Ladéfense de ce type d’agglomération qui présentecertains avantages a constitué une préoccupationconstante des communautés qui sont soutenues dansleur démarche par les souverains hongrois et l’Eglisedès la deuxième moitié du XIIIe siècle. Elle aégalement été à la base du développement desfortifications d’églises.

Jusqu’à un passé récent, les églises forteresses ont étéau centre de la vie de la communauté villageoisecomme lieu de culte alors que les bâtiments adossés aumur d’enceinte ont accueilli l’école et la mairie.

Description

En dépit de transformations ultérieures et grâce auxdécouvertes archéologiques, il est possible dereconstituer l’aspect des premières fortificationsd’églises de la deuxième moitié du XIIIe siècle. Leséglises datant de la colonisation ont conservé unemassive tour occidentale pourvue d’un chemin de rondeet de meurtrières et elles étaient protégées par un murd’enceinte, une tour d’entrée et un fossé. Cesdispositions ont été inspirées des châteaux forts maissans doute également des demeures fortifiées descomtes transylvains. Celle de Câlnic-Kelling est la seulequi soit parvenue jusqu’à nous.

Les principes de fortification qui ont déjà connu ungrand développement dans les villes (Sibiu-Hermannstadt, Sighisoara-Schässburg, Brasov-Kronstadt, etc.) ont été transposés au XVe siècle auxéglises-forteresses. Les plus anciennes d’entre elles setrouvent dans la plaine de la région de Tara Barsei où

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l’enceinte des églises a été rehaussée, munie d’unchemin de ronde couvert et de tours comme à Prejmer.

Dans les autres régions de colonisation où le paysageest vallonné, de nouveaux ouvrages défensifs sontdistribués tant sur les églises que les enceintes quioffrent une grande variété de formes (Biertan, ValeaViilor et Viscri par exemple). La fin du XVe sièclemarque la dernière étape importante pour les églisesfortifiées : dans certains villages, comme à Saschiz, leséglises sont démolies et remplacées par un bâtimentpourvu d’étages défensifs et munis de meurtrières et debretèches qui reposent sur des consoles ou des arcs-boutants. Une tour clocher est intégrée au murd’enceinte.

Les églises fortifiées conservent les structures quiétaient nécessaires à la vie quotidienne desvillageois (moulins, fontaines, fours à pain et magasinsà céréales) et les institutions traditionnelles, l’école, lepresbytère et la maison du prêtre sont regroupées àproximité de l’église.

Les maisons des villages sont serrées le long d’une oudeux rues ou bien groupées autour de la place.Construites à l’origine en bois et couvertes de chaume,elles sont remplacées à la fin du XVIIIe siècle et audébut du XIXe siècle par des bâtiments en pierre etbrique avec une couverture en tuiles. La forme desparcelles d’origine et la disposition des dépendances enenfilade (étables, granges, etc.) sont conservées. Lesmaisons pour la plupart à pignon et au toit en demi-croupe sont reliées sur la façade côté rue par un hautmur percé d’une porte cochère et d’une petite porte. Ladécoration des façades se limite généralement àl’encadrement des fenêtres, une corniche et des nichesou des médaillons sur le fronton. Certaines façades ontreçu une ornementation plus élaborée composée dethyrses, de guirlandes ou bien au XIXe siècle de piliersà chapiteaux. Le village conserve les quartiers desdifférentes communautés (saxonne, roumaine ethongroise) qui ont cohabité pendant plusieurs siècles.

Les six sites villageois avec églises fortifiées deTransylvanie qui composent la proposition d’extensiondu Village de Biertan avec son église fortifiée, bieninscrit sur la Liste du patrimoine mondial en 1993, sontles suivants :

• Village de Câlnic

La demeure fortifiée construite vers 1260 par le comteChyl de Kelling comprend une tour d’habitation de troisétages, une chapelle et une enceinte de forme ovale. En1430, elle est offerte à la communauté du village quirehausse les murs pourvus de deux tours et transformela tour d’habitation en tour défensive. Au XVIe siècle,elle élève une deuxième enceinte pourvue d’un cheminde ronde, un bastion et renforce la muraille intérieurepour les magasins à provisions.

• Village de Prejmer

Au centre de la place du village se trouve l’église-forteresse. L’église de la Sainte-Croix est un édificecruciforme du début du gothique qui a été entouré auXVe siècle d’une muraille de 12 mètres de haut formant

un quadrilatère aux angles arrondis renforcé de quatretours en fer-à-cheval (deux ont disparu). L’entrée, unegalerie voûtée, est protégée par une barbacane etflanquée d’une enceinte latérale. Le chemin de ronde estcouvert et muni d’un parapet. L’ensemble est renforcépar des meurtrières et quelques bretèches. Les grenierset les pièces qui accueillaient les habitants sontdisposées sur quatre niveaux au-dessus des caves.

• Village de Viscri

Dans le premier quart du XVIe siècle, l’anciennechapelle romane est agrandie pour former un édifice ànef unique dont l’étage fortifié repose sur des arcs enplein cintre soutenus par de massifs contreforts. Latoiture conique de la tour clocher est rehaussée etpourvue d’un hourd. La première enceinte du XVIesiècle est renforcée par deux tours, équipée d’unegalerie en bois au XVIIe siècle et, un siècle plus tard,son chemin de ronde sera aménagé pour recevoir lesremises tandis qu’on élève une deuxième enceinteplus basse.

• Village de Dârjiu

L’ensemble fortifié de Dârjiu témoigne de l’influencedes constructions de la Transylvanie dans le territoirevoisin du Szekler. L’église de style gothique tardif estfortifiée vers 1520 et abrite un ensemble de peinturesmurales de 1419. L’enceinte rectangulaire réaménagéeau XVIIe siècle est pourvue d’un bastion à chaqueangle, d’un cinquième à l’ouest et d’une tour clocherau sud. Les murs et les bastions sont percés demeurtrières et de canonnières. Des remises à appentisoù étaient entreposées les caisses de céréales ontremplacé le chemin de ronde.

• Village de Saschiz

L’ancien château fort du village, aujourd’huiabandonné, situé au sommet de la colline ne pouvantprobablement plus assurer la protection des habitants,on décide de remplacer l’église romane à enceinte,plus facile d’accès, par une nouvelle construction destyle gothique tardif (1493-1525). L’étage défensifdonne à l’église Saint-Stéphane l’aspect d’un hautbastion avec la tour quadrangulaire de la sacristie ensaillie. La tour clocher de l’ancienne enceinte démolieau XIXe siècle reproduit la forme de la tour del’Horloge de la ville voisine et concurrente deSighisoara.

• Village de Valea Viilor

L’église Saint-Pierre est transformée en style gothiquetardif et fortifiée au début du XVIe siècle. Un ouplusieurs étages défensifs sont construits au-dessus duchoeur, de la nef et de la tour qui communiquent entreeux. Les porches des entrées nord et sud sont protégéspar des petites tours et dotés de herses. L’enceinte deplan ovale a également été remaniée. Le mur haut de 6à 7 mètres qui soutient le chemin de ronde avec un toitde tuiles en appentis dessert les meurtrières, lesmâchicoulis et des canonnières. L’accès se fait par lagalerie voûtée du bastion ouest qui est en saillie parrapport à la ligne de l’enceinte.

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Le dossier d’inscription propose également d’étendre ladélimitation du Village de Biertan avec son églisefortifiée déjà inscrit sur la Liste du Patrimoine mondialet de sa zone tampon.

Gestion et Protection

Statut juridique

Les sept églises fortifiées incluses dans la propositiond’inscription étendue – Câlnic, Valea Viilor, Biertan,Saschiz, Viscri, Prejmer et Dârjiu – ont déjà étéinscrites sur la première Liste des monuments nationauxroumains en 1959. Elles sont classées monumentshistoriques d’importance nationale, et dotées du statutde trésors nationaux aux termes des Articles 1 et 2 de laloi n° 11 de 1994 sur la Protection des monumentshistoriques. L’article 1 de cette même loi définit leszones de conservation qui entourent les monumentscomme faisant « partie intégrante des monumentshistoriques ». Pour chacun des sept villages, la zoneproposée pour inscription a été définie comme une zonede conservation soumise aux réglementationsnécessaires ; agréées par la Commission des zones deconservation, sous l’égide du ministère des Travauxpublics et de l’Aménagement du territoire, en vertu dela loi sur la construction, loi n° 50 de 1991 sur lesRéglementations de la construction et l’Aménagementdu territoire, elles jouissent d’un statut juridique.

Il convient de mentionner que la législation deprotection des monuments historiques en vigueur, la loin° 11 de 1994, contient des dispositions extrêmementstrictes relatives à la protection, la préservation et lagestion des biens et des sites classés. Néanmoins, ellen’est que provisoire, et ne stipule aucun contrôle niaucune gestion efficace au niveau du comté ou de lalocalité. Il n’existe aucun organisme ni aucuneinstitution professionnels (depuis la dissolution del’Office national en novembre 1994), la Direction desmonuments historiques étant intégrée à l’administrationdu ministère de la Culture. Un projet de nouvelle loi surla Conservation préparé ces dernières années, stipulantentre autres un Comité national et des structuresdécentralisées à l’échelle du comté, sera présenté auParlement à la fin du mois de mars 1999.

Gestion

Les biens appartiennent à divers propriétaires. Leséglises fortifiées, à l’instar des autres lieux de culte desvillages (églises orthodoxes, catholiques, grecquescatholiques ou unitariennes) sont la propriété de leurcommunauté religieuse respective. Si l’émigration versl’Allemagne a causé sa disparition, c’est le Conseilsupérieur de l’Église luthérienne de Sibiu qui prend lerelais. Tel est le cas pour les fortifications de Câlnic,que le Conseil supérieur a confiées aux bons soins de laFondation Ars Transsilvaniae de Cluj-Napoca afin decréer un Centre de documentation transylvain desmonuments historiques. Les édifices publics desvillages incluant des bâtiments administratifs, éducatifsou commerciaux (écoles, conseil du village, tavernes,boutiques) appartiennent toujours à l’État (sous latutelle des autorités locales), tandis que la plupart desfermes appartiennent à des particuliers. Certains des

Saxons émigrés après 1990 sont toujours lespropriétaires de leur exploitation agricole.

Les propriétaires des bâtiments et des zones classés sontresponsables de leur gestion, de leur réparation et deleur ouverture au public. Toute altération nécessite lapermission du ministère de la Culture et de laCommission nationale des monuments historiques.

Il existe des zones de conservation clairement définieset adéquates (suite à la mission d’évaluation del’ICOMOS, des plans révisés les délimitant ont étéfournis pour Câlnic et Dârjiu) pour les sites villageois,ainsi que des zones tampons appropriées, incluantcertaines parties du paysage culturel transylvain typiqueaux alentours des biens proposés pour inscription (ellesont également été redéfinies pour Biertan). Celles-cisont énoncées par la loi n° 11 de 1994 sur la Protectiondes monuments historiques, la loi sur la construction, laloi n° 50 de 1991 sur les Réglementations de laconstruction et l’Aménagement du territoire, et lesréglementations de chaque zone de conservation liées àl’urbanisme, conformément à l’arrêté du ministère desTravaux publics et de l’Aménagement du territoireconcernant les zones de conservation.

La supervision globale des biens proposés pourinscription a été confiée au ministère de la Culture, quiremplit sa mission en collaboration avec la Commissionnationale des monuments historiques, l’Office nationalde la protection du patrimoine et, si besoin est, avec leministère des Travaux publics et de l’Aménagement duterritoire, le ministère de l’Éducation, les Bureauxd’inspection culturelle du comté, les Offices du comtéchargés du patrimoine et les autorités locales.

La gestion du bien proposé pour inscription est sous laresponsabilité des autorités locales. Il n’existe aucunplan de gestion global pour l’ensemble des biens inclusdans la proposition d’inscription. D’après l’inventairescientifique achevé suite au projet de documentationgermano-roumain, deux des villages proposés pourinscription – Biertan et Viscri – font l’objet d’études defaisabilité en vue d’un programme de revitalisation,initié et financé par la Banque mondiale. Cette dernièrea l’intention d’offrir aussi une aide financière pour lesprojets de conservation des églises fortifiées de deuxdes villages, la planification étant chapeautée parl’Office national de protection du patrimoine, sousl’égide du ministère de la Culture.

Le ministère de la Culture met une aide financièreconséquente à la disposition des propriétaires privés –tout particulièrement les communautés religieuses et leConseil supérieur luthérien – pour les projets deconservation et de restauration. Il est également possibled’obtenir des subventions auprès de la Fondation desSaxons de Transylvanie de Munich, qui parraine leséglises fortifiées de Prejmer et Viscri, de la Fondationde Stuttgart pour le patrimoine allemand en Roumanieet également – spécialement pour les travaux demaintenance et de réparation dans les zones deconservation des villages – auprès des anciennescommunautés saxonnes, organisées en Allemagne sousla forme du Conseil culturel des Saxons deTransylvanie.

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Conservation et Authenticité

Historique de la conservation

Grâce au respect de la tradition et des lieux sacrés, lestravaux de maintenance et de restauration se sonttoujours poursuivis, même à l’époque communiste. Audébut des années soixante, l’Office national deprotection des monuments historiques a restauré l’églisefortifiée de Prejmer. Au début des années soixante-dix,ce même office a exécuté des travaux de consolidationstructurelle sur la principale tour familiale et lescourtines extérieures du château de Câlnic, à l’époquepropriété de l’État, au moyen d’un squelette de bétonpeu adéquat, mais sans altérer le monument. À la findes années cinquante, le Conseil supérieur luthérien acréé un département de l’architecture et des monumentshistoriques au sein de son administration centrale,chargé de coordonner les travaux mineurs de réparationet de maintenance sur les églises fortifiées. Toutefois,ces dernières ont subi des travaux de maintenancepermanents car elles ont fait office de centres de la viepublique quotidienne des communautés jusqu’à nosjours. La plupart des interventions sont d’une bonnequalité professionnelle, sans reconstruction, ajout ouutilisation de matériaux inappropriée. Le soin apporté àla maintenance et la réparation transparaît égalementdans la disposition intérieure des églises, avec leurmobilier traditionnel. Les bancs, les galeries, lesretables, les orgues et les peintures murales, dontcertaines sont des chefs d’œuvre du gothique tardif,reflètent ainsi la continuité dans l’usage de l’espaceliturgique par les communautés depuis la réforme etjusqu’à nos jours. Les célèbres retables de Biertan et dePrejmer ont été restaurés dans les années quatre-vingtpar l’Atelier de conservation du Conseil luthériensupérieur, installé dans les années soixante-dix àBrasov.

À Valea Viilor et à Viscri, des travaux de maintenanceet de réparation des fortifications des églises sont encours depuis quelques années (après 1990). En ce quiconcerne l’église fortifiée de Saschiz, en mauvais étatdu fait de l’absence de maintenance (émigration de lacommunauté) et des risques sismiques dans la région(qui a connu plusieurs tremblements de terre ces deuxderniers siècles), un projet de consolidation desstructures et de conservation a déjà été lancé par leministère de la Culture : il sera exécuté en 1999. Destravaux de conservation ont eu lieu en 1981 à Dârjiu(notamment la restauration des peintures murales), àPrejmer entre 1994 et 1998 et à nouveau entre 1989 et1992. Quant aux fortifications de Câlnic, la fondationArs Transylvaniae a mis au point pour elles un plan deconservation en coopération avec l’Office national deprotection du patrimoine, plan dont certaines partiessont déjà mises en œuvre.

Du fait du système socialiste introduit après 1945 dansl’agriculture, la plupart des dépendances des fermes,particulièrement les étables et les granges, sont tombéesen désaffection et sont dans une grande majorité enmauvais état, voire même perdues en ce qui concernecertaines des granges typiques. Dans la majeure partiedes cas, les maisons ont fait l’objet de travaux demaintenance, le problème majeur actuel étant posé parles demeures abandonnées ou vides des Saxons

émigrés. Un programme de conservation et derevitalisation des fermes devrait donc faire partie duplan de gestion des zones proposées pour inscription.

Authenticité

Le degré d’authenticité des divers biens proposés pourinscription est très élevé. En effet, comme il a déjà étémentionné, les travaux traditionnels de maintenance etde réparation des églises fortifiées, ainsi que lesprincipes de conservation des années quatre-vingt dix,ont assuré le remplacement des éléments architecturauxendommagés ou dégradés dans le respect des matériauxet des techniques utilisés à l’origine par les premiersconstructeurs. La disposition intérieure et le mobilierbien préservés des églises, qui abritent des chefsd’œuvre, sont d’authentiques témoignages de la viereligieuse traditionnelle des communautés réformées aufil des siècles.

Les sites des villages attestent d’une traditionvernaculaire spécifique : ils préservent le schémaoriginal de l’établissement, avec l’église au milieu duvillage. Ainsi, en temps de danger, il était possible d’yaccéder très rapidement de toutes parts. Par ailleurs, unerangée de parcelles étroites et tout en longueurs’alignent de chaque côté d’une ou deux ruesprincipales (Câlnic, Valea Viilor, Saschiz, Viscri) ou seregroupent autour d’une place rectangulaire (Biertan,Prejmer). Ce genre d’aménagement du territoire esttypique des premiers peuplements de colons allemandsen Europe de l’Est, et a été conservé même si l’anciennearchitecture de bois (constructions en rondins, en pan debois) a cédé la place à la maçonnerie dans tous lespeuplements saxons à la fin du XVIIIe siècle et à lapremière moitié du XIXe siècle. Les rangées demaisons à pignons, de murs de clôture aux entrées sousarcade (la « ligne franconienne ») face aux rues ou auxplaces, les dépendances des fermes alignées derrière lebâtiment principal le long d’un terrain étroit et tout enlongueur, fermé par la grange transversale, le terrain secontinuant ensuite sur un verger et s’arrêtant sur uneclôture ou un muret : tous ces éléments sontcaractéristiques de la tradition vernaculaire saxonne,préservée jusqu’à nos jours. Ce type d’architecturevernaculaire a également eu une influence trèsmarquante sur l’architecture des populations roumaineset hongroises installées en Transylvanie, non seulementparmi les paysans roumains des villages saxons, qui ontadapté leurs fermes à cette tradition architecturale, maisaussi parmi les peuplements des Szeklers, tels le villagede Dârjiu, où le type d’installation et l’architecture desfermes étaient similaires.

En conséquence du système socialiste, les fermes, et parconséquent les villages, n’ont eu à subir aucundommage dû à la révolution industrielle dansl’agriculture, les bâtiments des fermes collectives ouétatiques étant situés en dehors du village : les villagessont donc des documents authentiques. Le cas de Dârjiuest différent : dans ce village, l’ancienne systématisationsocialiste et le développement économique de cesdernières décennies ont entraîné plusieurs altérations, lazone de conservation se limitant à une petite zoneautour de l’église fortifiée.

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Évaluation

Action de l'ICOMOS

Une mission d’expertise de l’ICOMOS a visité le bienen février 1999. Le Comité scientifique international del’ICOMOS pour l’Architecture vernaculaire aégalement été consulté.

Caractéristiques

Les biens qui composent la proposition d’inscriptiondes sites villageois de Transylvanie et de leurs églisesfortifiées offrent une image vivante des traditionsvernaculaires préservées malgré le passage des sièclesdans les peuplements du sud de la Transylvanie :système d’aménagement du territoire, schéma del’établissement et organisation des unités agricoles et deleur architecture typique des colons allemands, forteinfluence sur l’architecture et les traditionsvernaculaires d’autres groupes ethniques de la région.La diversité des types d’édifices et des solutionsdéfensives, préservés au fil des siècles et documentéspar les fortifications des églises, doit elle aussi êtreconsidérée comme une expression vernaculaire uniquedes traditions culturelles de ces communautés.

Analyse comparative

La valeur particulière de ces sites villageois deTransylvanie et de leurs églises fortifiées réside dans lefait qu’ils constituent des exemples exceptionnels d’unetradition vernaculaire propre au sud de l’Europe del’Est, les peuplements homogènes et bien préservés desSaxons transylvains et des Szeklers formant une unitécompacte autour des églises fortifiées ; ils sontprésentés au nom de quelques 200 peuplementspréservés, avec leurs églises fortifiées, uniques aumonde.

Recommandations de l’ICOMOS pour des actionsfutures

Les Orientations devant guider la mise en œuvre de laConvention du patrimoine mondial soumettentl’inscription sur la Liste du patrimoine mondial à lacondition que chaque bien fasse l’objet d’un plan degestion approprié en vigueur. Le dossier d’inscriptiond’origine ne donnait aucune information concernant lesplans de gestion et la proposition d’inscription avait étérenvoyée à l’Etat partie par le Bureau à sa réunion dejuillet 1999. L’Etat partie a fourni des informationsconsidérables sur les plans de gestion en cours quirépondent aux exigences du Comité.

Brève description

Les sites villageois de Transylvanie et leurs églisesfortifiées dessinent un portrait vivant du paysageculturel du sud de la Transylvanie. Ils sont illustrés parle système particulier d’aménagement du territoire, leschéma des établissements et l’organisation des unitésagricoles familiales préservés au fil des siècles depuis lafin du Moyen Age. Les villages sont dominés par leurséglises fortifiées qui illustrent les périodes deconstruction du treizième au seizième siècle.

Recommandation

Que l’extension du bien soit approuvée.

ICOMOS, septembre 1999

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Elche (Espagne)

No 930

Identification

Bien proposé La palmeraie d’Elche : un paysageculturel hérité d’Al-Andalus

Lieu Communauté autonome de Valence

Etat partie Espagne

Date 30 juin 1998

Justification émanant de l’Etat partie

Il s’agit de l’unique forêt de palmier de ce type sur lecontinent européen, ce qui lui confère une valeur depaysage exceptionnel dans ce cadre géographique. Lesgéographes arabes et les voyageurs européens attestentce caractère exceptionnel à travers l’histoire.

En plus de la forêt authentiquement naturelle, denombreux palmiers sont cultivés dans les jardins etvergers, vestiges de l’exploitation agricole qu’en firentles Arabes de la péninsule ibérique il y a huit siècles.Les données archéologiques des périodes romaines etibériques indiquent que ces plantations sont en réalitébien plus anciennes que la palmeraie arabe.

C’est aussi la survivance d’un habitat et d’uneconception de la ville qui est visible sur la cartographiede la région. Le noyau central de la ville est entouréd’une série de jardins de palmiers avant d’arriver à lapartie rurale proprement dite, où les exemplairesapparaissent plus disséminés jusqu’à former des forêtsnaturelles, sans que la main de l’homme interviennedans leur culture.

Le palmier est une composante indissolublementassociée à la culture d’Elche et s’y manifeste dedifférentes manières – la procession du dimanche desRameaux, la Nuit des Rois et même le blason de la ville.

[Remarque L’Etat partie ne fait pas de propositionsparticulières quant aux critères au titre desquels ilenvisage de proposer l’inscription de ce bien sur la Listedu Patrimoine mondial.]

Catégorie de bien

En termes de catégories de biens culturels telles qu’ellessont définies à l’article premier de la Convention duPatrimoine mondial de 1972, le bien proposé est un site.On peut aussi considérer que la palmeraie est conforme

au critère de paysage culturel évolutif tel que défini auparagraphe 39 des Orientations devant guider la miseen œuvre de la Convention du patrimoine mondial.

Histoire et description

Histoire

L’origine de la palmeraie d’Elche est traditionnellementattribuée aux Phéniciens et aux Carthaginois du 1er

millénaire av. J.- C., car les dattes faisaient partie de leuralimentation. C’est au moment de l’invasion arabe auVIIIe siècle ap. J.-C. qu’elles commencèrent à êtrecultivées ; un réseau de canaux d’irrigation permitd’utiliser les eaux saumâtres du Vinalopo. La ville fut àl’époque transférée vers le nord et entourée denombreuses palmeraies de manière à recréer un paysagerappelant l’Afrique du Nord d’où venaient les nouveauxhabitants.

Elche fut reprise en 1265 pendant le règne de JacquesIer et les terres furent redistribuées. Les terres fertiles dela rive gauche, irriguées par le canal principal (SequiaMayor) furent accordées à ceux qui avaient participé àla reconquête ; cette zone comprenait de nombreusespalmeraies de dattiers, dont certaines existent encore.Les terres de la rive droite (le Magram) ne comprenaientpas de palmeraies et furent attribuées aux vassauxmusulmans (moriscos) qui, en dépit de la moindrefertilité de la zone et grâce à leur savoir-faire, plantèrentdes palmeraies et obtinrent de hauts rendements. Cescultures devaient malheureusement se dégrader lorsqueles moriscos furent chassés en 1606.

Les palmeraies continuèrent de produire de grandesquantités de dattes, mais les récoltes diminuèrent àmesure que la ville s’étendait dans cette direction aucours de la deuxième moitié du XVIIe siècle et pourfinir les dattiers furent abattus. Ce processus s’accéléraavec l’industrialisation et l’arrivée du chemin de fer auXIXe siècle. On ne reconnut le danger qui menaçait lespalmeraies que dans les années 1920 et dans les années1930, des mesures législatives furent prises pour assurerla survivance de ce qui restait, un processus qui futcomplété par la promulgation de la Loi sur la protectionde la palmeraie d’Elche par le Parlement régional deValence en 1986.

Description

Les dattiers d’Elche sont de l’espèce Phoenixdactylifera L., native du Moyen-Orient et de l’Afriquedu Nord. Ils peuvent atteindre 30m de haut et vivre plusde 300 ans.

Les palmeraies qui sont l’objet de cette propositionforment un groupe compact dans la partie est de la villed’Elche. Les limites des jardins (huertos) sontrectilignes, les parcelles sont essentiellement carrées ourectangulaires mais certaines sont triangulaires. Ellessont séparées par des cascabots (clôtures de branches depalme tressées) ou des murs de pierre de 1 ou 2 mètresde haut. Chaque parcelle comprend la maison dupropriétaire ou du locataire. Ces maisons sont engénéral délabrées sur les parcelles les plus proches du

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centre de la ville. Les palmiers sont plantés en rangssimples ou doubles, le long des canaux d’irrigation. Ilsproduisent des dattes pour la consommation alimentaireet des palmes d’un blanc laiteux qui sont expédiées danstoute la péninsule ibérique pour la décoration et lesprocessions du dimanche des Rameaux.

Gestion et protection

Statut juridique

Les palmeraies privées ou publiques qui constituentcette proposition d’inscription sont protégées par la Loirégionale de 1986 sur la protection de la Palmeraied’Elche. Tout abattage d’arbre, changement de pratiqueagricole, abandon délibéré ou enlèvement de clôtures,toutes actions pouvant nuire à la qualité ou àl’apparence des palmeraies sont soumises à autorisation.Les palmeraies sont l’objet d'un suivi systématique.

Gestion

Le bien proposé pour inscription est constitué de 282palmeraies individuelles, dont 102 se trouvent en zoneurbaine et 180 dans la zone rurale environnante. Parmiles palmeraies de la ville, 50 appartiennent à lamunicipalité, le reste à des particuliers. Une seule despalmeraies rurales est municipale.

Une Fondation chargée de la surveillance despalmeraies d’Elche a été créée en 1933, et son rôle a étéconfirmé en 1986 par une loi de la Province. Elle estcomposée de représentants des départements dugouvernement provincial (Generalitat Valenciana)chargés de la culture, de l’urbanisme et dudéveloppement agricole, de deux conseillersmunicipaux et d’un représentant des exploitants despalmeraies. Cet organe, présidé par le Conseillerculturel de la Province assisté par le maire d’Elche, estresponsable de la politique et délègue ses fonctionsadministratives, conformément à la Loi de 1986, à laCommission de gestion locale (Junta Local Gestora).

Le plan d’urbanisme d’Elche de 1997 prend un certainnombre de dispositions concernant les palmeraiesplantées sur le territoire de la municipalité. Cettedernière applique une politique d’achat des propriétés,de plantations de dattiers issus de la pépinièremunicipale et d’accroissement de la productivité.

Conservation et authenticité

Historique de la conservation

La conservation du paysage d’Elche est prise en chargedepuis les années 1920, mais c’est seulement lapromulgation de la Loi provinciale de 1986 qui l’arendue obligatoire.

Authenticité

Les parcelles sur lesquelles sont plantées les palmeraiessont fidèles au système d’origine de l’attribution des

terres et forment une unité avec l’ancien systèmed’irrigation installé pendant la période arabe.

Evaluation

Action de l’ICOMOS

Une mission d’expertise de l’ICOMOS a visité Elche enfévrier 1999. L’ICOMOS a également bénéficié desconseils de son Comité international sur les Jardins etles Sites historiques et de la Fédération internationaledes architectes paysagers (IFLA).

Caractéristiques

Le paysage des palmeraies d’Elche et de ses environs estun exemple remarquable d’introduction d’une formed’agriculture et d’acclimatation d’une espèce àrendement économique dans une nouvelle région. Ilreflète aussi une époque importante de l’histoire.

Analyse comparative

Il y a bien sûr d’innombrables palmeraies en Afrique duNord et au Moyen Orient. Toutefois, le caractèreexceptionnel d’Elche provient du fait qu’il s’agit d’uneimplantation délibérée, par un envahisseur qui apporteune forme d’agriculture venant d’un autre continent etqui a, de plus, conservé sa forme d’origine jusqu’à nosjours. L’ICOMOS ne connaît pas d’autre concentrationcomparable d’une culture vivrière importée d’unerégion à l’autre qui ait survécu, immuable dans sestechniques et sa distribution sur un site unique et surplusieurs siècles.

De nombreuses cultures vivrières comme le riz et lesoliviers ont aussi été acclimatées à de nouvelles terres,au cours de la préhistoire ou de l’antiquité classique,mais il est impossible de trouver un exemple qui ait unecontinuité spatiale et technique comparable à Elche. Denombreuses cultures vivrières ont été importées enEurope en provenance d’un autre continent de façonsimilaire (tabac, pomme de terre, maïs), mais cela s’estproduit beaucoup plus tard que l’introduction du dattiersur la péninsule ibérique. De plus, aucun lieu spécifiqued’implantation ne peut être identifié avec certitude.

Observations de l’ICOMOS

Il existe près de 300 palmeraies dans Elche et sesenvirons - 102 à l’intérieur de la ville, 180 dans la zonerurale environnante. Leur superficie est de plus de440ha et contient plus de 11,000 arbres. Le dossierd’inscription d’origine précise qu’il y a 1046 propriétésdans sept des 34 municipalités voisines qui possèdentdes dattiers isolés, des petits groupes ou desalignements, ce qui suggère qu’il y ait quelque 20 000propriétés de ce type au total.

Ces chiffres confirment les informationscomplémentaires contenues dans un documentcommuniqué par la municipalité d’Elche. Cela montreque la zone qui comporte des palmeraies dans les dixcommunes situées au sud de la ville couvre une

Page 203: ÉVALUATIONS DES BIENS CULTURELS - icomos.org · 3 région a été nommé par la cour impériale en 1121. En outre, l’établissement d’une plantation impériale de thé en 1302

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superficie de 9362ha. Dans ce même document, il estfait mention d’une zone tampon dans la ville de 810ha.

Le matériel cartographique remis avec la propositiond’inscription, dont une partie est réutilisée dans lademande complémentaire, contient un ensemble decartes résultant de la révision du Plan d’urbanismegénéral de 1992. La carte générale, dessinée à l’échellede 1:30000, montre des groupes de palmeraies disperséssur le territoire, avec une concentration dans la partie estde la ville. Ils sont indiqués dans le détail sur une sériede plans détaillés au 1 :10000. Toutefois, il n’existe pasde carte qui spécifie la ou les zones proposées pourinscription ; il faut donc se reporter à la carte à l’échelle1 :30000 indiquée ci-dessus.

S’il semble exister une zone tampon autour despalmeraies de la ville, comme l’exigent les Orientationsdevant guider la mise en œuvre de la Convention dupatrimoine mondial (paragraphe 24.b), cela n’estindiqué sur aucune carte étudiée par l’ICOMOS. Cetype de zone existe apparemment pour les palmeraiesdispersées dans les zones rurales, selon les indicationsdu document complémentaire, mais les donnéescartographiques sont lacunaires.

La proposition d’inscription d’origine se rapportait à lapalmeraie et au Mystère d’Elche (Misteri) ; ce dernier aété retiré. L’Etat partie n’a pas fourni de propositiond’inscription révisée suivant la forme traditionnelle maisune étude culturelle bien illustrée préparée par laDirección General de Patrimonio Artístico de laGeneralitat de Valence met en avant des arguments depoids en faveur de l’inscription sur la Liste dupatrimoine mondial.

L’ICOMOS est disposé à considérer favorablement laproposition d’inscription de la palmeraie. Toutefois, ilest toujours embarrassé par le manque d’informationprécise sur ce qui est proposé pour inscription. Il estégalement préoccupé par l’aspect éparpillé desnombreuses palmeraies qui lui semblent, par déduction,constituer le bien proposé pour inscription, quelquesunes d’entre elles étant très exiguës, et par les difficultésde gestion que cela implique. L’ICOMOS estime qu’ilserait préférable pour l’Etat partie de proposer pourinscription un groupe de palmeraies plus restreint,discret et compact, représentatif de la totalité.

Recommandation

Que l’examen de cette proposition d’inscription soitdifféré pour permettre à l’Etat partie de préparer unenouvelle proposition d’inscription concernant un groupereprésentatif plus restreint et plus compact depalmeraies historiques .

ICOMOS, septembre 1999