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1 Audrey Ossard a , Marie-Béatrice Galan b , Hubert Boizard c , Christine Leclercq d et Célie Lemoine e Évaluation des impacts environnementaux des pratiques agricoles à l’échelle de la parcelle et de l’exploitation en vue de l’élaboration d’un plan d’actions : une méthode de diagnostic spatialisé fondée sur des indicateurs, le DAE-G 1 a. Agro-Transfert Ressources et Territoires, Domaine de Brunehaut, 80200 Estrées Mons. b. AMBRE Développement, 19 allée des Goyaviers, Lotissement Belair Desrozières, 97170 Petit Bourg Guadeloupe. c. INRA Laon-Reims-Mons, Domaine de Brunehaut, 80200 Estrées Mons. d. Institut polytechnique LaSalle Beauvais, rue Pierre Waguet, BP 30313, 60026 Beauvais. e. Chambre d’agriculture de l’Oise, ADANE, rue Adrien Lhomme, 60400 Noyon. Les contacts Ingénieries n° 59-60 – p. 0 à 0 2010 L a directive « Nitrate », la directive cadre sur l’eau (DCE) et plus récemment le plan ministériel Écophyto 2018, qui vise à réduire de 50 % les usages des produits phytosanitaires d’ici dix ans, sont autant d’exem- ples de l’accroissement de la pression régle- mentaire sur l’agriculture dans une perspective environnementale. C’est ainsi que depuis le début des années quatre- vingt dix, avec l’affirmation des préoccupations environnementales et sanitaires, de multiples démarches de qualification et de certification d’exploitations agricoles ont vu le jour à l’échelle nationale et européenne (AFNOR 2 , ISO 3 14001). Celles-ci ont pour objectif de garantir aux consommateurs la mise en œuvre de bonnes pratiques respectueuses de l’environnement et de la santé des consommateurs. Après s’être dotés de référentiels ou guides de bonnes pratiques d’application volontaires (Aubry et al., 2005), les acteurs du monde agricole se sont tournés vers les 2. Association française de normalisation. 3. Organisation internationale de normalisation. démarches de management de l’environnement inspirées des normes ISO 14001. La certification est plus que jamais d’actualité avec une des propositions issues du Grenelle Environnement qui consiste à mettre en place une démarche de certification environnementale volontaire des exploitations et visant un objectif de 50 % des exploitations certifiées en 2012. Pour mettre en œuvre ces démarches et répondre aux attentes sociétales, les agriculteurs et leurs conseillers agricoles ont besoin de différents outils : des diagnostics réglementaires pour mesu- rer les écarts avec la réglementation, des méthodes d’évaluation des impacts des pratiques agricoles sur l’environnement pour faire un état des lieux initial, ou encore des indicateurs environnemen- taux afin d’évaluer, voire simuler les progrès réa- lisés en cas de changements des pratiques. Une grande diversité de méthodes existe aujourd’hui, dont la méthode DAE-G (diagnostic agri-environnemental géographique) conçue par 1. DAE-G : diagnostic agri-environnemental géographique.

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Audrey Ossarda, Marie-Béatrice Galanb, Hubert Boizardc, Christine Leclercqd et Célie Lemoinee

Évaluation des impacts environnementaux des pratiques agricoles à l’échelle de la parcelle et de l’exploitation en vue de l’élaboration d’un plan d’actions : une méthode de diagnostic spatialisé fondée sur des indicateurs, le DAE-G1

a. Agro-Transfert Ressources et Territoires, Domaine de Brunehaut, 80200 Estrées Mons.b. AMBRE Développement, 19 allée des Goyaviers, Lotissement Belair Desrozières, 97170 Petit Bourg Guadeloupe.c. INRA Laon-Reims-Mons, Domaine de Brunehaut, 80200 Estrées Mons.d. Institut polytechnique LaSalle Beauvais, rue Pierre Waguet, BP 30313, 60026 Beauvais.e. Chambre d’agriculture de l’Oise, ADANE, rue Adrien Lhomme, 60400 Noyon.

Les contacts

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La directive « Nitrate », la directive cadre sur l’eau (DCE) et plus récemment le plan ministériel Écophyto 2018, qui vise à réduire de 50 % les usages des produits

phytosanitaires d’ici dix ans, sont autant d’exem-ples de l’accroissement de la pression régle-mentaire sur l’agriculture dans une perspective environnementale.

C’est ainsi que depuis le début des années quatre-vingt dix, avec l’affirmation des préoccupations environnementales et sanitaires, de multiples démarches de qualification et de certification d’exploitations agricoles ont vu le jour à l’échelle nationale et européenne (AFNOR2, ISO3 14001).

Celles-ci ont pour objectif de garantir aux consommateurs la mise en œuvre de bonnes pratiques respectueuses de l’environnement et de la santé des consommateurs. Après s’être dotés de référentiels ou guides de bonnes pratiques d’application volontaires (Aubry et al., 2005), les acteurs du monde agricole se sont tournés vers les

2. Association française de normalisation.

3. Organisation internationale de normalisation.

démarches de management de l’environnement inspirées des normes ISO 14001. La certification est plus que jamais d’actualité avec une des propositions issues du Grenelle Environnement qui consiste à mettre en place une démarche de certification environnementale volontaire des exploitations et visant un objectif de 50 % des exploitations certifiées en 2012.

Pour mettre en œuvre ces démarches et répondre aux attentes sociétales, les agriculteurs et leurs conseillers agricoles ont besoin de différents outils : des diagnostics réglementaires pour mesu-rer les écarts avec la réglementation, des méthodes d’évaluation des impacts des pratiques agricoles sur l’environnement pour faire un état des lieux initial, ou encore des indicateurs environnemen-taux afin d’évaluer, voire simuler les progrès réa-lisés en cas de changements des pratiques.

Une grande diversité de méthodes existe aujourd’hui, dont la méthode DAE-G (diagnostic agri-environnemental géographique) conçue par

1. DAE-G : diagnostic agri-environnemental géographique.

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Agro-Transfert Ressources et Territoires, en parte-nariat avec l’INRA4, les chambres d’agriculture de Picardie, LaSalle Beauvais5 et Péri-G6, avec le sou-tien financier de la région Picardie et de l’Ademe7. Après avoir rappelé son contexte d’élaboration et ses objectifs, nous présentons la méthode DAE-G et tout particulièrement le module « pollution diffuse des eaux de profondeur par les produits phytosanitaires ». Nous faisons ensuite le point sur les différentes utilisations de la méthode et de l’application informatique permettant sa mise en œuvre et, présentons les résultats obtenus dans des exploitations d’un bassin d’alimentation de captage en Picardie. Enfin, à l’issue de deux années d’utilisation par des agents du développe-ment agricole, nous recensons les atouts et limites de la méthode et de son application informatique ainsi que les questions en suspens.

Contexte et objectifsDès 2002, après avoir élaboré le référentiel de bonnes pratiques Quali’terre et un dispositif de qualification des exploitations, les chambres d’agriculture de Picardie ont souhaité donner aux agriculteurs les moyens de s’engager dans une démarche d’amélioration continue répondant aux normes ISO 14001, sans obligation d’aller jusqu’à la certification qui s’avère peu valorisée en milieu agricole et coûteuse lorsqu’elle est réalisée individuellement. Une telle démarche supposait donc une méthode d’évaluation des impacts environnementaux des pratiques agricoles pou-vant être utilisée dans le cadre de la certification ISO 14001 des exploitations agricoles.

En partenariat avec l’Ademe, la région Picardie et l’INRA, et dans le cadre d’un projet de recherche et développement sur le management environne-mental, les chambres d’agriculture de Picardie confient à Agro-Transfert la mission de réaliser un inventaire et une analyse comparative des méthodes existantes et couramment utilisées en France. Ce travail a mis en évidence une grande diversité de méthodes qui diffèrent sur plusieurs aspects, notamment sur :

– le type d’indicateur choisi (indicateur de prati-que agricole, d’impact, de risque d’impact),

– l’échelle spatiale de collecte des informations et de calcul des indicateurs, le mode d’agrégation des variables et des indicateurs,

– la prise en compte éventuelle des caractéristi-ques du milieu.

4. Institut national de la recherche agronomique.

5. Institut polytechnique LaSalle Beauvais.

6. Bureau d’études.

7. Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie.

Cette analyse a également montré que ces métho-des restaient très contingentes des contextes locaux et objectifs à la base de leur construction (Galan et al., 2007).

Les partenaires du projet décident de concevoir une méthode d’évaluation des impacts environ-nementaux spécifique, scientifiquement valide et dont l’objectif, selon les exigences de la norme ISO 140018, est d’aider l’agriculteur à définir les actions d’amélioration à mener en priorité en hiérarchisant les impacts et identifiant géographi-quement les zones et les facteurs d’impacts.

Conformément à ces finalités, les cahiers des char-ges établis pour la méthode de construction des indicateurs et la restitution des résultats visent :

– une évaluation qualitative des impacts,

– la validité de l’évaluation à travers la prise en compte de la sensibilité du milieu et notamment de l’hétérogénéité des sols,

– la possibilité d’utiliser des données de terrain ou des données « moyennes » par défaut,

– la hiérarchisation des impacts environne-mentaux par la prise en compte des enjeux du territoire,

– une visualisation cartographique du résultat de l’évaluation des impacts pour chaque parcelle et chaque thématique,

– la lisibilité des indicateurs et la capacité à mettre en évidence les facteurs d’impacts à travers un mode d’agrégation simple des variables d’entrée et la représentation cartographique,

– l’élaboration d’un plan d’action par l’agricul-teur grâce à des indicateurs de moyens (comme l’utilisation de la méthode du bilan pour raisonner la fertilisation azotée).

Enfin, afin de prévenir le risque de transfert d’im-pact d’un compartiment à l’autre, la méthode doit permettre d’évaluer de manière exhaustive les impacts des pratiques agricoles sur l’envi-ronnement.

Présentation de la méthode DAE-GLa méthode DAE-G est le fruit du travail mené par différents groupes d’experts de la recherche et du développement agricole entre 2003 et 2006, qui a permis de trouver les compromis nécessaires pour satisfaire deux objectifs, souvent antagonistes : simplicité d'utilisation et pertinence scientifique.

8. Identifier les sources des impacts environnementaux (les « aspects environnementaux » de la norme ISO 14001) ; déterminer les sources d’impacts qui peuvent avoir un impact significatif sur l’environnement ; déterminer des objectifs et cibles environnementaux et les mesurer ; mettre en place un programme d’actions précisant les moyens et le calendrier.

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Évaluation des impacts environnementaux des pratiques agricoles à l’échelle de la parcelle et de l’exploitation en vue de l’élaboration...Audrey Ossarda et al.

Agro-Transfert a consulté de nombreux spécialis-tes des thématiques environnementales abordées afin de bénéficier des connaissances scientifiques les plus récentes et de raisonner le choix des variables et facteurs à prendre en compte, le mode d’agrégation des variables ainsi que les valeurs de référence ou seuils.

En effet, comme toute méthode d’évaluation, le DAE-G a nécessité la formulation d’hy-pothèses, le choix de modes de calcul et la détermination de seuils (Zahm et al., 2004). L’ensemble des références bibliographiques, les choix méthodologiques et les compromis retenus ainsi que les arbres de décision pour la construction des indicateurs sont décrits, par module, dans un document de référence (Agro-Transfert, 2007).

Principes généraux de la méthode et démarcheLes mesures directes, telle la mesure d’une concentration en matière active des eaux de ruissellement, semblent les indicateurs les plus fiables pour évaluer l’impact des pratiques agricoles sur le milieu. Mais elles ne sont pas généralisables pour des raisons de coût et posent d’autres questions méthodologiques. Le recours aux indicateurs est donc retenu pour la méthode DAE-G afin de concilier faisabilité et validité scientifique. Rappelons que les indicateurs sont « des grandeurs de natures très diverses (données, calculs, observations, mesures) qui fournissent une information au sujet de variables plus diffi-ciles d’accès ou de systèmes plus complexes. Ils doivent permettre d’aider un utilisateur dans son action (prise de décision, construction de pro-grammes d’action, modélisation, etc.) – Maurizi et al., 2002.

Parmi les nombreuses méthodes de diagnostic agri-environnemental (Bockstaller et al., 2008), certaines mobilisent des indicateurs de pression des pratiques agricoles sur l’environnement (par exemple, IDEA9) et d’autres, comme la méthode DAE-G, cherchent à évaluer l’impact des prati-ques sur les différentes composantes de l’environ-nement en intégrant l’effet du milieu.

Or l’activité agricole se caractérise, de façon générale, par une variabilité spatiale des pratiques d’une part, et de la sensibilité du milieu d’autre part. Ainsi, les types de sol, la pente, l’environ-nement social peuvent varier d’une parcelle à l’autre.

9. IDEA, la méthode des indicateurs de durabilité des exploitations agricoles, propose une approche globale de la durabilité des systèmes d'exploitation agricoles par auto-évaluation. C’est un outil de diagnostic qui intègre à cet effet une échelle agro-écologique, une échelle socio-territoriale et une échelle économique pour apprécier, à l'aide d'indicateurs chiffrés, les forces et les faiblesses du système de production, et identifier des voies d'amélioration vers plus de durabilité.

Les résultats de l’évaluation des impacts et leur pertinence dépendent donc de l’échelle spatiale à laquelle se situe l’évaluation : un impact peut apparaître significatif à l’échelle d’une parcelle ou d’un groupe de parcelles, et ne pas être iden-tifié comme tel à « l’échelle supérieure » (par exemple, celle de l’exploitation) qui « lisse » la variabilité du milieu.

Par la suite, pour prendre en compte l’hétérogé-néité du milieu, il convient de choisir l’échelle spatiale du diagnostic en fonction de la nature de l’impact évalué et, plus précisément, du poids potentiel du milieu naturel et/ou humain dans cet impact. Ainsi, le DAE-G est construit de manière à permettre l’évaluation de chaque impact à l’échelle spatiale pertinente, parcelle ou groupe de parcelles ou exploitation.

Notons enfin que deux approches sont possibles pour l’analyse environnementale définie dans l’ISO 14001 :

– une approche par activité ou par procédé. Dans ce cas, on réalise un schéma des procédés et un bilan entrées-sorties pour les différentes étapes et procédés ;

– une approche par impact global. Après avoir identifié les différents impacts potentiels, on réalise un inventaire des activités et des aspects qui ont un lien avec ces impacts.

Nous avons choisi d’utiliser la deuxième appro-che, plus rapide, dans la mesure où les procédés sont souvent les mêmes dans les exploitations agricoles. Dans le cas d’activités spécifiques (transformation à la ferme) ou de productions marginales (production d’escargots…), nous pro-posons de réaliser un schéma des procédés ainsi qu’un bilan entrées-sorties afin de ne pas oublier certains « aspects environnementaux » (classeur Certi’terre, Agro-Transfert, 2007).

La méthode DAE-G comporte 3 étapes (figure 1).

Première étape : évaluation de l’impact des pratiques agricoles sur l’environnementUn impact environnemental est le résultat d’une interaction entre des pratiques agricoles et le milieu naturel. Les indicateurs du DAE-G sont donc construits en combinant deux types d’indi-cateurs intermédiaires :

– des indicateurs liés aux pratiques agricoles si possibles quantifiées. Ces indicateurs de pratiques rendent compte de la pression exercée par les activités agricoles sur l’environnement (fertilisa-tion, protection phytosanitaire, etc.) ;

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– des indicateurs de sensibilité du milieu. Ces indicateurs de sensibilité du milieu permettent de caractériser le milieu et ainsi de mettre en évidence l’importance d’une pression liée aux pratiques sur un environnement donné.

À partir des valeurs des indicateurs, cinq classes de risque sont constituées à dire d’expert : de très faible (voyant brun clair) à très fort (voyant brun foncé).

L’impact final est le résultat de la combinaison entre l’impact lié aux pratiques agricoles et la sensibilité du milieu environnant (tableau 1).

Deuxième étape : évaluation des moyens mis en œuvre par l’agriculteur agissant de manière indirecte sur le risque d'impactCette évaluation est principalement qualitative et est réalisée à partir d’une liste de bonnes

pratiques construite à dire d’experts : enregistre-ment et raisonnement des interventions, mesures préventives…

Toute modification des moyens mis en œuvre par l’agriculteur n'entraînera pas nécessairement de modification de l'indicateur d’impact final. En effet, les indicateurs d’impact sont peu sensibles à ces indicateurs de moyens. Ils peuvent permettre toutefois d’expliciter ou de préciser un impact environnemental lié à de « mauvaises pratiques agricoles » définies à l’étape 1. Par exemple, l’utilisation par l’agriculteur de la méthode du bilan azoté peut ne pas influer sur la balance azotée, retenue comme indicateur de pratiques dans l’étape 1, mais elle limite le risque d’avoir une balance azotée élevée.

L’évaluation des moyens mis en œuvre par l’agriculteur comme la mesure de reliquats sortie hiver ou encore l’utilisation d’outils d’aide à la décision, aide ainsi l’agriculteur à mettre en place un premier plan d’action.

Troisième étape : évaluation des enjeux territoriauxCes indicateurs complémentaires, liés aux acti-vités humaines et externes à l’exploitation, sont nécessaires pour hiérarchiser entre eux des impacts potentiels ou risques environnementaux de nature différente. À titre d’exemple, si l’exploitation se trouve à proximité d’une zone habitée, les impacts tels que les nuisances olfactives seront mis en avant. Cette évaluation concerne plus globalement le territoire dans lequel se trouve l’exploitation.

La définition des objectifs et cibles environne-mentaux, au sens de l’ISO 14001, se fait ensuite

Évaluation de la sensibilitédu milieu

Évaluation de la pression despratiques agricoles

1. Évaluation des impactsenvironnementaux

+détermination des causes d’impacts

3. Évaluation desenjeux

«territoriaux»

2. Analyse des moyensmis en œuvre par

l’agriculteur

Élaboration d’un plan d’action

X

Figure 1 – Structure de la méthode DAE-G (source : Agro-Tansfert Ressources et Territoires, 2005).

Tableau 1 – Tableau combinant la pression exercée par les pratiques agricoles et la sensibilité du milieu.

Pression des pratiques agricoles

Très faible

Faible Moyen FortTrès fort

Sensibilité du milieu

Très faible

Très faible

Très faible

Faible Faible Moyen

FaibleTrès

faibleFaible Faible Moyen Fort

Moyen Faible Faible Moyen Fort Fort

Fort Faible Moyen Fort Fort Très fort

Très fort Moyen Fort Fort Très fort Très fort

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par analyse des indicateurs et des variables qui ont permis de les calculer. L’appui d’un conseiller spécialisé est nécessaire pour élaborer un plan d’actions adapté aux contraintes physiques et techniques de l’exploitation.

Les modules traités dans la méthode DAE-GLes indicateurs du DAE-G sont classés par thé-matiques donnant lieu à différents « modules » (figure 2).

Selon les modules, les indicateurs finaux sont soit des indicateurs d’état (par exemple, nombre d’espèces cultivées, dans le cas du module « bio-diversité »), des indicateurs d’impacts (volume d’eau consommée /an) ou de risques d’impact (risque de pollution des eaux souterraines par les nitrates) dans le cas des modules concernant l’eau et le sol.

L’application informatiqueL’informatisation de la version 1 du DAE-G, acces-sible sur internet, a été réalisée par Agro-Transfert et la chambre d’agriculture de l’Aisne.

L’objectif de cette application est multiple :

– automatiser le calcul des indicateurs,

– valoriser les données saisies par ailleurs, comme les données de traçabilité ou les données sur les types de sol,

– utiliser des données géo-référencées,

– visualiser la localisation des différentes zones à risque, et intégrer la dimension spatiale et les caractéristiques du territoire dans la réflexion sur les voies d’amélioration.

Munie d’un système d’information géographique, l’application informatique permet, à partir de don-nées sur les caractéristiques du milieu physique et des pratiques de l’agriculteur (figure 3), de locali-ser un niveau de risque d’impact environnemental à l’échelle de la parcelle agricole. Les cartes éditées par l’application permettent de mettre en évidence les parcelles les plus à risque pour un enjeu environnemental donné. La représentation cartographique permet en particulier de montrer l’effet spécifique du milieu et des pratiques.

L’application informatique contient plusieurs types de bases de données :

– les données d’entrée qui concernent les don-nées des exploitations diagnostiquées, nomina-tives et confidentielles (interventions culturales, caractéristiques de l’exploitation…) ;

– les données de référence et des tables de para-mètres, concernant par exemple les caractéristi-ques du milieu physique (climat, sol, eau, etc.) ou les caractéristiques des intrants utilisés par les agriculteurs (matière active, engrais azotés…) ;

– les données de sorties, c’est-à-dire les indica-teurs calculés.

EXPLOITATION AGRICOLEPollutions ponctuelles

BiodiversitéConservation, création

Production et gestiondes déchets

Consommation d’eau

Nuisances sonores etolfactives

Pollutions de l’airGaz à effets de serreGaz acidifiants Volatilisationde matières actives

Consommation et productiond’énergie

Pollution diffuse des eaux de profondeur par les nitrates

Pollution diffuse des eaux de surface par les produits phytosanitaires

Pollution diffuse des eaux de profondeur par les produits phytosanitaires

Érosion des sols

Évolution du stock de matière organique dans les sols

Milieu X PratiquesParcelle

Figure 2 – Thématiques traitées par le DAE-G.

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Certaines tables de référence de la version 1, comme la base de données « sol » et la base de données « climat », correspondent au contexte pédo-climatique et agricole de la Picardie. Un paramétrage de l’application est donc néces-saire en cas d’utilisation dans un autre contexte pédo-climatique, voire dans d’autres systèmes de production.

L’application informatique DAE-G V1 permet aujourd’hui de répondre, de façon automatisée, aux deux premières exigences de l’ISO 14001 à savoir :

– l’identification des « aspects environnemen-taux »,

– la détermination de ceux qui peuvent avoir un impact significatif sur l’environnement.

En complément de l’application informatique, Agro-Transfert a conçu des documents (Classeur Certi’terre, Agro-Transfert, 2007) qui peuvent aider les agriculteurs qui souhaitent s’engager dans une certification ISO 9001 et 14001 à déterminer les objectifs et les cibles et à mettre en place un plan d’actions. Ces documents sont utilisés par la chambre d'agriculture de l’Oise en complément du DAE-G. Ils pourront être à leur tour informatisés dans une version ultérieure si le nombre d’agriculteurs engagés dans une démar-che de certification augmente. À ce jour, seul un groupe de sept agriculteurs de l’Oise est engagé dans cette démarche.

Le bureau d’étude Péri-G, qui accompagne des agriculteurs dans une démarche de certification d’exploitations, a quant à lui développé une autre application informatique qui comprend les indicateurs contenus dans la méthode DAE-G pour l’évaluation initiale des impacts environne-mentaux et des fonctions permettant la définition des objectifs et cibles ainsi que le suivi des plans d’actions.

Présentation de l’indicateur de « risque de pollution diffuse des eaux souterraines par les produits phytosanitaires »Pour obtenir le « risque de pollution diffuse des eaux de profondeur par les produits phytosa-nitaires », deux indicateurs sont croisés : l’un concerne la « sensibilité du milieu au lessivage des produits phytosanitaires » et l’autre le « potentiel de transfert des substances actives

vers les eaux de profondeur ». Ils sont calculés à partir d’indicateurs intermédiaires et de don-nées d’entrée comme le précise le schéma de la figure 3.

Le potentiel de transfert des substances actives est évalué en tenant compte de trois facteurs : la couverture du sol lors de l’application du produit commercial, la quantité de substance active du produit et le potentiel de mobilité de la substance active, représenté par le GUS10 (Groundwater Ubiquity Score) et déterminé à partir des données de DT5011 et du Koc12.

Les substances ayant un fort potentiel de mobi-lité, soit un GUS au delà de 2,8, sont celles retrouvées le plus couramment dans le cas de pollution des nappes phréatiques : il s’agit tout particulièrement des herbicides. À l’inverse, celles dont le GUS est inférieur à 1,8 sont rarement retrouvées dans l’eau (Barriuso et al., 2004).

L’agrégation des différentes variables d’entrée est précisée dans le document « Méthode de calcul des indicateurs du DAE-G » (Agro-Transfert, 2007).

La validation de la construction des indicateurs de sensibilité du milieu a été réalisée :

– par des experts externes aux groupes de travail ayant conçu la méthode ;

– par comparaison avec les résultats de l’indica-teur I-Phy13, qui a fait l’objet de plusieurs tests de validation (Gobréau, 2006). Cinquante-quatre exploitations picardes ont fait l’objet d’un dia-gnostic puis seize parcelles ont été sélectionnées dans ces exploitations pour une comparaison des sorties des indicateurs à celles du module I-Phy ;

– Le paramétrage des indicateurs de pression agricole comme celui de la quantité de matières actives par hectare a été effectué à partir de don-nées régionales. Trois types de conduite technique ont été décrits par des conseillers régionaux et une étude de la distribution de l’indicateur à partir d’itinéraires techniques réels d’agriculteurs a été réalisée afin de déterminer les seuils de l’indicateur « Quantité de matières actives hec-tare » selon les cultures. Pour cela, un échantillon d’itinéraires techniques a été constitué pour les principales cultures de Picardie : le blé, l’orge d’hiver et de printemps, la pomme de terre, la betterave, le colza.

10. Indice de mobilité de la matière active. GUS = log DT50 (4-log Koc).

11. DT50 : temps de demi-vie de la matière active.

12. Koc : coefficient d’absorption.

13. L’indicateur I-Phy de l’outil Indigo (INRA Nancy-Colmar) évalue les risques de pollution des eaux superficielles et souterraines par une agrégation d’indicateurs basée sur un système expert utilisant la logique floue.

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Évaluation des impacts environnementaux des pratiques agricoles à l’échelle de la parcelle et de l’exploitation en vue de l’élaboration...Audrey Ossarda et al.

Potentiel de transfert des substances activesvers les eaux de profondeur (E 3)

Vulnérabilité desaquifères (EPN2)

Drainage

Texture-pierrosité

Profondeurdu sol

Matièreorganique

P-ETP Présence del’aquifère

Profondeur

Protectionéventuelle

Potentiel demobilité

Quantité dematière active

par hectareCouverture

du sol

Potentiel de transfertd’une substance active

Couverturedu sol (%)

Quantiéde subst.active (g)

GUS

<1.8

<30

>70

<7050-500

50-500

<50

<50

<500

50-500

<50<500

30-70

1.828 >2.8

Très faibleTrès faibleTrès faibleTrès faibleTrès faibleTrès faibleTrès faibleTrès faibleTrès faible

FortMoyenFaibleMoyenFaible

Très faibleFaible

Très faibleTrès faible

Très fortFortFortFort

MoyenFaibleMoyenFaible

Très faible

Risque de pollution diffuse des eaux de profondeurpar les produits phytosanitaires (E 4)

Sensibilité du milieu au lessivage des produitsphytosanitaires (E 2)

Potentiel de lessivage des sols vis à visdes produits phytosanitaires (E 1)

Utilisations de la méthode et de l’application informatique DAE-G

Diversité des usages de la méthode DAE-GAlors que le DAE-G a été conçu initialement pour réaliser une identification des impacts environnementaux significatifs dans un objec-tif de management environnemental pouvant conduire à la certification ISO 14001 d’exploi-tations agricoles, plusieurs autres utilisations sont actuellement en cours en Picardie et dans les régions limitrophes.

Le tableau 2 présente les différents cas d’utilisa-tion de la méthode DAE-G (octobre 2009).

On peut souligner que dans certains cas, toutes les thématiques environnementales ne sont pas utilisées. Dans le cadre d’une étude de la qualité des eaux d’un bassin versant, commanditée par l’Agence de l’eau, même s’’il arrive que l’ensem-ble des données soient collectées voire saisies, seuls les volets azote et produits phytosanitaires seront étudiés et restitués. En revanche, toutes les thématiques sont traitées dans les usages de type management environnemental auprès d’agricul-teurs volontaires.

En raison du nombre des diagnostics réalisés dans le cadre des actions bassins versants en comparaison de ceux réalisés dans le cadre du

management environnemental, nous présentons ici une analyse de diagnostics réalisés dans ce contexte.

Utilisation de la méthode DAE-G sur des exploitations d’un bassin d’alimentation de captage (BAC)

Contexte de l’étudeÀ la demande de l’agence de l’eau et de la commune, la chambre d’agriculture de l’Oise a été chargée de réaliser l’analyse des pratiques agricoles concernant le bassin d’alimentation du captage (BAC) de Chaumont-en-Vexin afin d’élaborer un plan d’action visant à réduire les risques de pollutions des eaux dues aux nitrates et aux produits phytosanitaires.

L’analyse du contexte hydrogéologique du cap-tage d’eau potable a permis de définir le « péri-mètre » du BAC. Ce BAC est d’une surface totale de 2 096 ha.

Dans un premier temps, des enquêtes sur les exploitations agricoles ont permis de recueillir les données nécessaires au calcul des indicateurs. Le BAC concerne vingt exploitations, parmi lesquel-les douze ont été enquêtées. La surface enquêtée représente 84 % de la SAU16 totale du BAC. Ces douze enquêtes ont été saisies sur l’outil DAE-G accessible sur internet (http://daeg.nnx.com).

16. Surface agricole utile.

Figure 3 – Ensemble des variables et indicateurs pris en compte pour évaluer l’indicateur EΦ4 : risque de pollution diffuse des eaux de profondeur par les produits phytosanitaires.

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L’ensemble des exploitations de cette étude sont des exploitations céréalières. Sur la totalité de la SAU, la culture de blé représente 49 %, le colza 17 % et l’orge de printemps quasiment 9 %, soit 75 % pour ces trois cultures sur la campagne 2006-2007. Dans une plus faible proportion, on trouve aussi les cultures de pois, de betteraves, de lin oléagineux, de légumes, et quelques hectares de jachères et de prairies.

Étude du risque de pollution diffuse des eaux de profondeur par les produits phytosanitaires grâce au DAE-GL’analyse des risques a été effectuée à partir des résultats des diagnostics de douze exploitations réalisés sur la campagne 2006-2007. Les indi-cateurs de sensibilité du milieu à la pollution diffuse des eaux de profondeur par les produits phytosanitaires sont :

– la vulnérabilité des aquifères (fournies dans cette étude par le cabinet BR Ingénierie),

– le potentiel de lessivage des sols vis-à-vis des produits phytosanitaires.

Après avoir renseigné les données nécessaires aux calculs des indicateurs, l’outil informatique permet de représenter cartographiquement les facteurs de risques relevant du milieu (figure 4) et ceux relatifs aux pratiques agricoles (figure 5). Lors du croisement entre « milieu » et « prati-ques » pour obtenir un indicateur de risque final (figure 6), le niveau retenu correspond au risque le plus élevé des deux.

Comme le montre la carte de la figure 4, plus de 80 % des sols de ce BAC ont un potentiel de lessivage entre moyen et très fort. Cela s’explique principalement par le fait que ces sols sont de profondeur moyenne (30 à 90 cm) à tendance filtrante.

La pression des pratiques agricoles apparaît forte sur une majorité de parcelles comme le montre la carte de la figure 5.

Les quelques parcelles à risque faible (figure 5) s’avèrent être des prairies, des jachères, sur lesquelles aucun traitement n’est réalisé mais on trouve aussi des parcelles de colza. Sur ces dernières, la moyenne des quantités de matières

Tableau 2 – Différentes utilisations de la méthode DAE-G (d’après Attoumani, 2008).

Organisme UtilisationThématiques

environnementales traitéesNombre

de diagnostics

Chambre d'agriculture de l'Oise

Mise en place d’actions sur les bassins versants. Identifier les pratiques à risque pour réduire les pollutions des eaux d’un bassin versant

Pollutions des eaux de profondeur par les nitrates et les produits phytosanitaires

21

Chambre d'agriculture de l'Oise

Management environnemental auprès d’agricul-teurs volontaires

Toutes 7

Chambre d'agriculture de Seine et Marne

Mise en place d’action sur les bassins versants. Identifier les pratiques à risque pour réduire les pollutions des eaux d’un bassin versant

Toutes 215 (saisie en cours)

Péri-G Utilisation de la méthode mais pas de l’appli-cation informatique dans le cadre de l’analyse environnementale ISO 14001

Toutes 103

Institut LaSalle Beauvais

Utilisation pédagogique du DAE-G (version papier) et d’IDEA sur des exploitations volontaires

DAE-G : azote et produits phytosanitaires

IDEA : toutes

11

1514

Pôle de compétitivité Industrie

et Agro-Ressources

Test d’utilisation du DAE-G pour l’effet de l’im-plantation de cultures énergétiques sur l’envi-ronnement

Toutes 5

Agro-Transfert Évolution des impacts environnement sur des exploitations en production intégrée

Toutes 8

TOTAL15 267

14. Soixante-trois étudiants pour les modules pollutions des eaux, cinquante et un étudiants pour le DAE-G complet (octobre 2009).

15. Dans le total, les démarches suivies par Péri-G ne sont pas comptabilisées.

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Évaluation des impacts environnementaux des pratiques agricoles à l’échelle de la parcelle et de l’exploitation en vue de l’élaboration...Audrey Ossarda et al.

Légendes

Périmètre d'étude

N0 250 Mètres

S

W E

Éléments ponctuels : Captage AEP

Forage privé

Exploitation agricole

Éléments linéaires : Voie principale

Voie secondaireRéseau hydrographique

Occupation du sol : Secteurs boisés

Zones de loisirs

Secteurs urbanisés

Très forte

Forte

Moyenne

Faible

Non renseigné

Sensibilité au lessivage desproduits phytosanitaires (EPHY 2) :

Figure 4 – Carte de sensibilité du milieu au lessivage des produits phytosanitaires (EΦ2 = EΦ1 x EPN2).

actives appliquées est inférieure à 2,3 kg/ha, ce qui traduit un type de conduite faiblement intensif par comparaison aux classes établies à partir d’un échantillon d’exploitations picardes (Gobréau, 2006). Les parcelles en risque moyen sont principalement des cultures d’orge d’hiver et de printemps pour lesquelles la quantité de matière active appliquée est de l’ordre de 2,3 kg/ha.

Les parcelles à risque de pollution diffuse des eaux de profondeur par les produits phytosani-taires très fort, sont, pour la moitié d’entre elles, des parcelles de blé sur lesquelles les quantités de matières actives utilisées sont comprises entre 6,6 et 7,4 kg/ha.

Pour identifier les leviers d’actions en vue d’une amélioration des pratiques, il est nécessaire que la méthode soit transparente et permette ainsi de « remonter » facilement aux sources des impacts

environnementaux mis en évidence. Dans le cas de l’évaluation du risque de pollution diffuse des eaux de profondeur par les produits phytosanitai-res, l'exemple du tableau 3 permet de mettre en exergue les éventuels facteurs d’impact.

Les résultats de la parcelle de blé tendre d’hiver notée x sur les cartes peuvent s’interpréter de la manière suivante (tableau 3).

Ce tableau permet de mettre en évidence rapide-ment les sources d’impact sur la parcelle x. On peut observer que six traitements engendrent un risque fort car ils sont appliqués sur une couver-ture de sol faible et pour la moitié d’entre eux le GUS est supérieur à 2,8.

La très forte sensibilité du milieu « non modifia-ble » rend particulièrement nécessaire l’exploi-tation des marges de manœuvre en matière de pratiques agricoles.

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Légendes

Périmètre d'étude

N0 250 Mètres

S

W E

Éléments ponctuels : Captage AEP

Forage privé

Exploitation agricole

Éléments linéaires : Voie principale

Voie secondaireRéseau hydrographique

Occupation du sol : Secteurs boisés

Zones de loisirs

Secteurs urbanisés

Très fort

Fort

Moyen

Faible

Très faible

Non renseigné

Sensibilité au lessivage desproduits phytosanitaires (EPHY 2) :

Figure 5 – Carte de représentation du potentiel de transfert de matières actives vers les eaux de profondeur (EΦ3).

Facteurs explicatifs de la pression des pratiques

Pour la totalité des interventions sur cette parcelle, la quantité de matières actives par hectare est moyenne (50-500 g/ha).

Trois produits, en l’occurrence des herbicides, présentant un GUS supérieur à 2,8 (Pragma, Atlantis et Galium) ont été appliqués sur sol moyennement couvert.

Un passage de chlortoluron a eu lieu sur la période d’’interculture.

Propositions d’action

Le passage d’herbicide en interculture pourrait être substitué par des pratiques agronomiques telles que le travail superficiel du sol ou la prati-que de faux semis.

Le conseiller peut, en fonction de ses compé-tences, proposer une substitution des produits

Atlantis, Pragma et Galium par d’autres herbicides de GUS inférieur à 2,8.

Analyse collective des résultats sur le BAC :

De façon plus générale, sur l’ensemble du BAC, la pression des pratiques agricoles apparaît forte sur la quasi-totalité des parcelles (figure 5). Sachant que les principales matières actives trouvées dans les eaux de profondeur sont des herbicides, les conseillers agricoles ont mis l’ac-cent sur l’utilisation de ce type d’intrant. Dans le tableau 4, les familles d’herbicides ou produits commerciaux majoritairement employés dans le BAC ont été classées, à dire d’expert, en fonc-tion de leur risque de transfert vers les eaux de profondeur.

Ce tableau permet à l’agriculteur de juger du risque de transfert des matières actives qu’il uti-lise. Il comprend ainsi plus facilement l’intérêt

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Évaluation des impacts environnementaux des pratiques agricoles à l’échelle de la parcelle et de l’exploitation en vue de l’élaboration...Audrey Ossarda et al.

Légende

Périmètre d'étude

N

0 250 MètresS

W

Éléments ponctuels : Captage AEP

Forage privé

Exploitation agricole

Éléments linéaires : Voie principale

Voie secondaireRéseau hydrographique

Occupation du sol :

Secteurs boisés

Zones de loisirs

Secteurs urbanisés

Très fort

Fort

Moyen

Faible

Très faible

Non renseigné

Risque de pollution diffuse des eaux de surface et de profondeur par lesproduits phytosanitaires (EPHY 4)

Figure 6 – Carte de risque de pollution diffuse des eaux de surface et de profondeur par les produits phytosanitaires (EΦ4 = EΦ2 x EΦ3).

de leur substituer des produits moins dangereux pour l’environnement.

En complément des indicateurs phytosanitaires, l’application informatique permet de calculer l’indice de fréquence de traitement (IFT) qui a été retenu en 2006 par le ministère chargé de l'agriculture comme indicateur de suivi de consommation des produits phytosanitaires. La saisie dans le DAE-G de l’ensemble des itinéraires techniques des exploitations enquêtées permet d’obtenir les IFT parcelle, les IFT culture et l’IFT exploitation. Une comparaison de ces derniers aux IFT régionaux (tableau 6) permet à l’agricul-teur de se positionner par rapport à un groupe et d’apprécier ses marges de progrès potentielles.

Il est nécessaire de préciser que les IFT du BAC sont les IFT 2007 pondérés par les surfaces alors que les IFT région sont des moyennes du 70e percentile sur les années 2001 et 2006. Ce biais surestime les IFT région par rapport à ceux du BAC. De plus, l’utilisation d’herbicides en interculture n’a pas systématiquement été prise en compte dans la référence d’IFT région. Cependant, les IFT blé tendre d’hiver sont plus élevés sur le BAC qu’en région. Cet écart s’explique pour une partie des exploitations enquêtées, par l’application d’iso-proturon ou de chlortoluron en entrée d’hiver la plupart du temps sur sol nu, puis une seconde application en sortie d’hiver (concernent 42 % des surfaces de blé). Cette différence d’IFT ne se vérifie pas pour les autres cultures.

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Tableau 3 – Résultats d’indicateurs d’une parcelle du BAC et identification de leviers d’actions en remontant aux facteurs d’impacts.

Sensibilité du milieu au lessivage des produits phytosanitaires

Indicateur : potentiel de lessivage vis-à-vis des produits phytosanitaires

Données d'entrée Réponse Facteurs explicatifs Résultat de l’indicateur

Drainage Non

- Texture argilo-limoneuse- Sol profond- 11-20 % de cailloux (sol filtrant)

Risque fort

Texture Argilo-limoneuse (sol filtrant)

Profondeur du sol 90 cm

Matière organique 1,8

P-ETP 239 mm

Indicateur : vulnérabilité de l’aquifère

Présence de l’aquifère OuiPrésence d’une nappe phréatique peu profonde sans aucune protection

Risque très fortProfondeur de l'aquifère Faible

Protection de l’aquifère Aucune

Pression des pratiques agricoles

Produits% de couverture du sol à la date du traitement

Quantité de matière organique

par hectareGUS Facteurs explicatifs

CYPLAN 0 % < 50 - 1,48

CHLORTOSUN 0 % > 500 2,59Produit à fort grammage appliqué

sur sol encore nu

ATLANTIS WG 10 % 50-500 4,48Produit dont le GUS est élevé

PRAGMA 10 % < 50 3,52

BONANZA 10 % 50-500 1,6

CYCOSEL C5 BAS F 10 % > 500 2,24 Produit à fort grammage, avec un GUS élevé, appliqué sur sol encore

peu couvertCYCOSEL C5 BAS F 20 % > 500 2,24

GALLIUM A 20 % > 500 2,82

BELL 50 % 50-500 2,06

EPOPEE 60 % 50-500 1,98

ENDURO 60 % 50-500 1,48

L’IFT, dont le calcul est réalisé par le DAE-G, permet de mettre en évidence que ce sont sur les parcelles de blé que la pression des pratiques est la plus forte. Mais le DAE-G permet en plus de cibler les interventions les plus à risque et de localiser également les parcelles où le risque est le plus important grâce à l’évaluation de la sensibilité du milieu.

L’intérêt du DAE-G est de mettre en évidence les facteurs explicatifs d’un risque d’impact ainsi qu’une liste indicative de bonnes pratiques, et d’orienter ainsi les changements de pratiques.

Voici quelques exemples d’indicateurs de moyens :

– enregistrement de chacune des interventions (date, dose, type de produits),

– observation avant intervention,

– respect des conditions climatiques pour les traitements,

– utilisation d’outils d’aide à la décision,

– contrôle du matériel de pulvérisation par un organisme agréé.

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Évaluation des impacts environnementaux des pratiques agricoles à l’échelle de la parcelle et de l’exploitation en vue de l’élaboration...Audrey Ossarda et al.

Tableau 4 – Risques de transfert des matières actives de la famille des herbicides utilisées dans le BAC.

GUS

Quantité de matière active (g)

< 1,8 1,8-2,8 > 2,8

Couverture de sol

(%)

< 30

> 70

CHALLENGE 600, Trifluraline, BONAFLAN,

Glyphosphate, PROWL

NOVALL, Chlortoluron,

Isoproturon, COLZOR, TRIO, 2.4 D, MIKADO

ASSERT 300, BASAGRAN

50-500 BETANAL, FIRST

CENTAURE, Métamitrone, Chloridazone, Ethofumesate, CENTIUM CS,

NIRVANA

FLEX PACK, VENZAR, EXEL D+

< 50 SAFARI

30-70

> 500 ILLOXAN

50-500 FUSILADE OGIVE

< 50ATLANTIS WG,

ABSOLU PRAGMA, ALLIE, GRATIL

> 70

> 500 DUPLOSAN

50-500 Kart

< 50

Très faible Faible Moyen Fort Très fort

Tableau 5 – Comparaison des IFT du BAC et des IFT de la région Picardie.

IFT herbicide IFT autres

BAC

Picardie (références surfaces :

Recensement agricole 2000 ; enquêtes 2001 et 2006)

BAC

Picardie (références surfaces :

Recensement agricole 2000 ; enquêtes 2001 et 2006)

Blé tendre hiver 2,59 1,88 5,56 4,52

Colza hiver 1,72 1,7 4,2 4,87

Orge hiver/printemps 1,43 1,71 1,61 3,19

Betteraves 2,53 2,38 1,55 2,92

Toutes cultures 2,15 1,9 4,19 4,7

L’élaboration d’un plan d’actions est l’étape suivante qui nécessite de prendre en compte d’autres critères propres à l’exploitation (moyens disponibles, faisabilité par rapport à l’organisation du travail de l’exploitant etc.). De ce fait, il est particulièrement délicat de proposer des plans

d’actions dans une application informatique. Les concepteurs du DAE-G ont préféré mettre en évidence les facteurs explicatifs (comme pré-senté dans le tableau 4), mais laisser le soin aux conseillers et aux agriculteurs de définir les plans d’actions adaptés à chaque exploitation.

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Dans le cas de Chaumont-en-Vexin, le plan d’ac-tion est défini à l’échelle du BAC sur les théma-tiques environnementales « azote » et « produits phytosanitaires ».

Une partie du plan d’actions concerne la maîtrise des risques de pollutions ponctuelles sur le corps de ferme (sécurisation des stockages de produits dangereux, sécurisation de la procédure de rem-plissage et de la gestion des fonds de cuves du pulvérisateur).

L’autre partie du plan d’actions concerne la maî-trise des risques de pollution diffuse. Le maintien et l’implantation de surfaces sans intrants (sur-face en herbe, jachère…) ont été proposés aux exploitants. La localisation de ces surfaces a été déterminée à partir des données de sensibilité du milieu issues du DAE-G.

Concernant le volet phytosanitaire, la mise en œuvre d’itinéraires intégrés a été proposée. Adaptés aux parcelles et aux cultures implantées, ces itinéraires permettent de limiter l’usage des produits phytosanitaires (voire de supprimer les interventions à risque). L’accompagnement technique pour la mise en œuvre de ces pra-tiques à été proposé dans un premier temps : informations régulières sur les choix d’itinéraires techniques à mettre en place. Pour la culture du blé, elles portent sur les choix de variétés, les dates et densité de semis, le choix pour les interventions fongicides… Le DAE-G a permis d’identifier les successions culturales et les interventions les plus à risques et donc d’adapter l’accompagnement vers l’évolution des itinérai-res techniques.

Discussion

Élaboration des plans d’actionsLes différents cas d’utilisation du DAE-G ont mis en évidence la nécessité de ne pas limiter l’outil à une évaluation des impacts. Il doit être également être un outil d’aide à la décision pour guider les agriculteurs et leurs conseillers dans l’élaboration d’un plan d’actions. Comme évoquées précédemment, l’identification de facteurs explicatifs et l’élaboration de plans d’actions sont deux étapes bien distinctes qui nécessitent la prise en compte de critères autres que des variables agri-environnementales : les moyens humains techniques et financiers de l’exploitant, le contexte socio-économique local, etc.

Le DAE-G permettait jusqu’à présent de faire un état des lieux des risques d’impacts environne-mentaux sur diverses thématiques environnemen-tales au travers de résultats d’indicateurs, mais ne permettait pas de bâtir un plan d’action. Pour pal-lier à cela, Agro-Transfert a mené un travail avec la chambre d’agriculture de Seine-et-Marne afin de passer du constat à l’action. Ce travail a consisté à sélectionner, puis à extraire du DAE-G, des informations complémentaires aux résultats des indicateurs, et ce à partir de données saisies dans le DAE-G. Par exemple, les itinéraires techniques de toutes les parcelles de l’exploitation sont saisis, ce qui permet de faire des calculs complémen-taires tels que « dose moyenne d’apports azotés pour chaque culture », « date la plus précoce de semis du blé », « pourcentage de sol nu en hiver »… Ces renseignements, qui relèvent d’un diagnostic agronomique, facilite l’interprétation des résultats des indicateurs et orientent ainsi le conseil à l’agriculteur. À cela a été ajoutée une liste non exhaustive de pistes d’actions (implan-tation de bandes double densité, réalisation des reliquats sorties hiver…) pour aider le conseiller agricole à élaborer un plan d’action d’améliora-tion des pratiques. À présent contenu dans l’outil DAE-G, ce travail sur les plans d’action a permis aux utilisateurs d’aborder plus sereinement la phase de conseil auprès des agriculteurs.

D’autre part, des collaborations sont en cours avec les équipes de recherche et développement qui travaillent à la conception de systèmes de cultures innovants qui permettent de limiter les impacts agri-environnementaux. Ces systèmes qui font l’objet d’une évaluation environnementale, économique et sociale pourront être proposés aux agriculteurs.

Atouts et limites du DAE-GLe DAE-G est actuellement le seul outil d’éva-luation agri-environnementale qui permet de localiser géographiquement et de visualiser les parcelles à risque et donc de modifier préféren-tiellement les pratiques sur ces parcelles.

Un autre atout du DAE-G concerne le large panel de thématiques environnementales abordées, ce qui permet de prendre en compte les différents effets d’une pratique. À titre d’exemple, la subs-titution d’une intervention chimique par un dés-herbage mécanique peut améliorer les indicateurs de risque d’impact sur les eaux, mais dégrader les indicateurs tels que la consommation en énergie fossile ou le temps de travail.

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Évaluation des impacts environnementaux des pratiques agricoles à l’échelle de la parcelle et de l’exploitation en vue de l’élaboration...Audrey Ossarda et al.

Dans le cas du DAE-G, l’évaluation agri-envi-ronnementale se fait à l’échelle de la parcelle par agrégation des variables de milieu et des pratiques, mais il ne permet pas d’évaluer cer-tains impacts (comme le risque de transfert de matière active dans les eaux de surface) à une échelle supra-parcellaire dans la mesure où les processus physiques de ruissellement nécessitent de connaître des informations à une échelle plus grande que la parcelle : localisation des chemins et routes, topographie du bassins versant, etc.

L’outil peut être toutefois utilisé dans le cadre d’opération à l’échelle du bassin versant, comme dans le cas du BAC du Chaumont-en-Vexin ou sur des bassins versants de Seine-et-Marne, pour sensibiliser les agriculteurs et identifier les pra-tiques à risque. La réalisation de plans d’actions nécessitera une concertation entre les agriculteurs et un diagnostic complémentaire à l’échelle du bassin versant.

Quelque soit l’outil utilisé, la question de l’échelle à laquelle il peut et doit être utilisé est récurrente. Il est important que les utilisateurs aient cette information avant de choisir un outil. Sur un plan plus théorique, peu de travaux exis-tent sur l’intégration de différentes échelles qui correspondent à l’échelle des processus biophy-siques et à l’échelle où se prennent les décisions de changement de pratiques.

Plusieurs concepteurs d’outils travaillent à la mise à disposition des informations utiles aux évaluateurs sur une plate-forme informatique, PLAGE (plate-forme d’évaluation agri-environ-nementale) et élaborent une aide au choix des outils et indicateurs.

Conclusion

La version informatisée du DAE-G vient de connaître sa deuxième année d’utilisationLa méthode ainsi que l’application informatique apparaissent, au regard des utilisations, comme des outils « génériques », dans le sens où la réalisation d’une évaluation initiale des risques d’impacts environnementaux est une étape préalable à de nombreuses démarches agri-envi-

ronnementales, quelles que soient leurs finalités. Cependant, les différents utilisateurs auront besoin très probablement d’intégrer les sorties du DAE-G à leur démarche et de construire des outils complémentaires comme ont pu le faire Péri-G ou la chambre d’agriculture de l’Oise. Des améliorations et des évolutions de l’application informatique seront à raisonner compte tenu de la multiplicité des demandes spécifiques.

Pour les concepteurs, un travail reste à mener, à partir de ces résultats, pour apprécier la sensi-bilité des indicateurs et la pertinence des seuils de référence établis par les experts. En effet, la définition des seuils s’avère être le point le plus délicat dans la construction d’une méthode de diagnostic (Girardin et al., 2005), en raison du manque de références et du poids de ces choix dans les résultats des diagnostics. Ainsi, au-delà de la nécessité de disposer des bases de données pédo-climatiques locales pour une utilisation de la méthode hors du contexte dans lequel elle a été conçue et validée, il faut s’interroger sur l’adéquation du paramétrage initial aux nouvel-les conditions d’utilisation : les seuils, les règles de décision, les facteurs pris en compte sont-ils toujours pertinents ? De même, selon la finalité de l’usage, la fiabilité, la sensibilité, la lisibilité recherchées sinon les contraintes et ressources disponibles en termes de temps et de compéten-ces, le paramétrage, voire la construction même de la méthode peuvent être remis en cause.

Des utilisateurs soulignent les vertus pédago-giques de la représentation cartographique des résultats, la précision du diagnostic à l’échelle parcellaire et l’intérêt d’une prise en compte des contraintes de l’exploitation. En revanche, si la diversité des thématiques abordées leur semble un atout, elle déborde souvent le champ de compétences d’un conseiller et, surtout, accroît le temps à consacrer à la réalisation d’un diagnostic complet, d’autant que les propositions d’amélio-rations se font au cas par cas. Ils souhaitent donc que le développement de l’outil permette une utilisation plus rapide, particulièrement lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre la méthode « à grande échelle », comme dans le cas d’une étude de bassin versant, et qu'il facilite la restitution des résultats. ❐

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Résumé

En Picardie, dès le début des années deux mille, les chambres d’agriculture ont initié un projet de recherche-développement dont l’objectif était de concevoir une démarche innovante de gestion de la qualité et de l’environnement inspirée des normes ISO 14001 dans les exploitations agricoles, qui permette l’amélioration des pratiques. Ce projet a conduit à la construction d’une méthode de diagnostic agri-environnemental : le DAE-G, diagnostic agri-environnemental géographique, conçu par Agro-Transfert en collaboration avec l’INRA, les chambres d’agriculture de Picardie, l’Institut LaSalle Beauvais et avec le soutien financier de la région Picardie et de l’Ademe. Associé à un système d’information géographique, cet outil de diagnostic agri-environnemental fondé sur des indicateurs permet, à partir de la connaissance des caractéristiques du milieu physique et des pratiques de l’agriculteur, de qualifier un niveau de risque environnemental à l’échelle parcellaire. L’agriculteur dispose ainsi d’une photographie de son exploitation qui met en évidence les parcelles les plus à risque pour un enjeu environnemental donné. Les données d’entrée nécessaires au calcul des indicateurs sont récupérées auprès de l’agriculteur avec d’éventuels documents existants sur les caractéristiques de sol du département ou de la petite région naturelle dans laquelle s’insère l’exploitation. La méthode DAE-G aborde des thématiques environnementales à l’échelle parcellaire (pollution de l’eau par les nitrates) mais aussi à l’échelle de l’exploitation agricole (biodiversité, gestion des déchets…). Chacune de ces thématiques ont fait l’objet d’une constitution d’un groupe d’experts, (chercheurs et conseillers), pour déterminer les indicateurs, l’agré-gation des données d’entrée, les méthodes de calcul et surtout, la détermination des seuils de référence. Après sa deuxième année d’utilisation, le DAE-G fait état d’environ deux cent exploitations enquêtées qui peuvent donc bénéficier d’un rapport de diagnostic et de l’appui d’un conseiller agricole pour améliorer leurs pratiques. Parmi toutes ces enquêtes, l’objectif de réalisation d’un diagnostic environnemental n’est pas le même. En effet, le DAE-G est utilisé dans le cadre du management environnemental auprès d’agriculteurs volontaires, mais aussi dans le cadre de mise en place d’actions dans des bassins versants. Ces dernières, conduites par les agences de l’eau en partenariat avec les chambres d’agriculture, visent à améliorer la qualité des eaux souterraines en réduisant les pollutions diffuses dues aux nitrates et aux produits phytosanitaires. C’est ce cas d’usage du DAE-G qui sera étudié avec la présentation des résultats sur l’ensemble des parcelles du bassin versant. Un zoom sur une parcelle en culture de blé tendre d’hiver sera fait pour présenter et interpréter les résultats du DAE-G à l’échelle parcellaire. Cependant, l’utilisation d’une méthode de diagnostic environnemental pour plusieurs usages pose la question du paramétrage (quelles données d’entrée, quels seuils…). En effet, l’outil DAE-G est utilisé sur une échelle autre que celle de la parcelle : celle du bassin versant. Comme pour le DAE-G, pour toute méthode de diagnostic se pose la question de sa pertinence pour un cas d’usage donné lorsque celle-ci n’a pas été conçue pour cet usage précis ?

Abstract

From 2000 onwards, Picardy Chambers of Agriculture (northern France) initiated an RD project aimed at designing an innovative approach to quality and environmental management on farms, which would enable the continuous improvement of farming practices. This project led to the creation by Agro-Transfert of a geographic, agri-environmental diagnosis method named DAE-G. This was created in collaboration with INRA research council, Picardy Chamber of Agriculture and Institute LaSalle Beauvais, and funded by from Picardy Region and ADEME (environment and energy management agency). Combined with a geographical information system, this diagnosis tool enables field-scale quantification of the environmental risk, based on interaction between environmental sensitivity and farming practices. The farmer has an overview of his farm with distinction of areas the most at environmental risk. The input data required to calculate the indicators are sourced from the farmer and from any existing document about the characteristics of the soil. DAE-G method addresses environmental themes on both the field scale (nitrate water pollution) and the farm scale (biodiversity, waste management, etc.). For each of these themes, a group of experts (researchers and agricultural advisors) determined the indicators needed the aggregation method of input data, calculation methods and reference thresholds for each indicator. After two years of use, DAE-G has been used on about 200 farms. Every farmer has detailed diagnostic report and support to improve his farming practices. Not all environmental diagnoses are performed for the same reason. In fact, DAE-G is used in environmental management with volunteer farmers but is also applied to watersheds’ studies to improve the quality of ground water by reducing diffuse pollution by nitrates and pesticides. It is this case of DAE-G's use that will be studied in this presentation of the catchment area whole field’s results. A zoom on a winter common wheat culture field will be made to present and interpret DAE-G's results on the field scale. The use of a method of environmental diagnosis for several uses at different scales (field, farm, water basin…) raises the question of parameter settings (data input, thresholds…). Indeed, DAE-G is also used on catchment area scale in addition than of field's scale. As for DAE-G, any diagnosis method raises the question of its relevance for a case of use which it was not conceived for.

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Évaluation des impacts environnementaux des pratiques agricoles à l’échelle de la parcelle et de l’exploitation en vue de l’élaboration...Audrey Ossarda et al.

AFNOR, NF en ISO 14001, 1996, Système de management environnemental, spécifications et lignes directrices pour son utilisation, 15 p.

AFNOR, NF en ISO 14001, 2004, Système de management environnemental : exigences et lignes directrices pour son utilisation, 25 p.

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Bibliographie