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Vaincre la pauvreté des enfants : assez d’analyses — la politique doit agir 16 novembre 2017 Embargo: 16 novembre 2017, 09h15 Ampleur — Aspects et dimensions — Causes La pauvreté des enfants en Suisse Marianne Hochuli, responsable du Secteur Études Mesures urgentes contre la pauvreté des enfants La politique doit agir Bettina Fredrich, secteur Études, Politique sociale La Confédération doit continuer de prendre ses responsabilités Il est temps de changer d’orientation en matière de politique de lutte contre la pauvreté Martin Flügel, responsable Politique et Affaires publiques Le Conseil fédéral doit enfin formuler une stratégie de lutte contre la pauvreté La pauvreté gagne du terrain en Suisse – cantons et Confédération font trop peu... Hugo Fasel, directeur de Caritas Suisse Communiqué Les cantons et la Confédération en font trop peu Prise de position de Caritas Vaincre la pauvreté des enfants : la politique doit agir Une prise de position de Caritas sur l’urgence des mesures à prendre pour vaincre la pauvreté des enfants Vous trouverez des photos à imprimer sur le lien www.caritas.ch/fotos.

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Vaincre la pauvreté des enfants : assez d’analyses — la politique doit agir 16 novembre 2017

Embargo: 16 novembre 2017, 09h15

Ampleur — Aspects et dimensions — Causes

La pauvreté des enfants en Suisse Marianne Hochuli, responsable du Secteur Études

Mesures urgentes contre la pauvreté des enfants

La politique doit agir

Bettina Fredrich, secteur Études, Politique sociale

La Confédération doit continuer de prendre ses responsabilités

Il est temps de changer d’orientation en matière de politique de

lutte contre la pauvreté

Martin Flügel, responsable Politique et Affaires publiques

Le Conseil fédéral doit enfin formuler une stratégie de lutte contre la pauvreté

La pauvreté gagne du terrain en Suisse – cantons et

Confédération font trop peu... Hugo Fasel, directeur de Caritas Suisse

Communiqué

Les cantons et la Confédération en font trop peu Prise de position de Caritas

Vaincre la pauvreté des enfants : la politique doit agir Une prise de position de Caritas sur l’urgence des mesures à prendre pour vaincre la pauvreté des enfants

Vous trouverez des photos à imprimer sur le lien www.caritas.ch/fotos.

Lucerne, le 16 novembre 2017

Communiqué de presse

La politique doit agir pour combattre la pauvreté des enfants

Les cantons et la Confédération en font trop peu

76 000 enfants vivent dans la pauvreté en Suisse, et 188 000 autres vivent dans la précarité. Les

prestations complémentaires pour familles, l’encouragement précoce et l’harmonisation de la vie

professionnelle et de la vie familiale sont des facteurs clefs pour réduire la pauvreté des enfants.

Ces instruments sont employés avec succès dans certains cantons. Il faut maintenant une volonté

politique permettant de les appliquer enfin dans toute la Suisse. Fin 2018, le programme natio-

nal de prévention et de lutte contre la pauvreté prendra fin – il est plus que temps d’inscrire la

politique de lutte contre la pauvreté dans les tâches de la Confédération.

Depuis quelques années, on accorde de plus en plus d’importance au thème de la pauvreté des enfants en Suisse. L’Office fédéral de la statistique a publié des chiffres à ce sujet, des études ont été rendues dans le cadre du Programme national contre la pauvreté et tout récemment est paru un rapport de la Confédération sur la famille. Tous ces regards croisés arrivent à la même conclusion : la pauvreté des enfants en Suisse est un fait, et un fait qui ne date pas d’hier. À la fin des années 1990 déjà, la plupart des personnes pauvres en Suisse étaient des mères, des pères et des enfants. Et trop peu de choses ont changé depuis. Dans tous ces domaines, la garantie du minimum vital des enfants, l’harmonisation entre la vie de fa-mille et l’activité professionnelle et l’encouragement précoce, nous avons des exemples de bonnes pra-tiques qui fonctionnent. Par exemple, quatre cantons ont déjà introduit les prestations complémentaires pour familles, qui complètent en principe les prestations complémentaires de l’AVS et de l’AI. Elles complètent en fait le revenu des familles pauvres et offrent une garantie de minimum vital, tout en étant couplées à des incitations à l’activité professionnelle. Les prestations complémentaires pour fa-milles sont appliquées avec particulièrement de succès au Tessin et dans le canton de Vaud. Dans ces deux cantons, le nombre de famille dépendant de l’aide sociale a chuté, tout comme le risque de pau-vreté des enfants et des adolescents. Au Tessin, le jardin d’enfants gratuit pour tous les enfants dès trois ans est une mesure qui permet aux familles pauvres de concilier la vie de famille et la vie professionnelle. Cette possibilité existe depuis les années 1930 et aujourd’hui, près de 90 % des enfants tessinois en bénéficient. Les parents travail-lent pendant que leurs enfants sont au jardin d’enfants. Ce dernier, gratuit, ne grève pas le budget fa-milial et contribue ainsi à combattre la pauvreté.

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Trois instruments pour lutter contre la pauvreté des enfants

Un grand nombre d’études montrent en outre que l’encouragement précoce est particulièrement impor-tant pour les enfants de familles défavorisées. Grâce à l’encouragement précoce, ces enfants auront plus tard de meilleurs résultats scolaires et atteindront un meilleur niveau de formation. La clef du suc-cès de l’encouragement précoce se trouve dans un personnel qualifié en nombre suffisant, de bonnes conditions de travail, la qualité de la formation et des modèles, et l’intégration des parents. Sur la base de ces mesures, qui ont fait leurs preuves dans la pratique, trois instruments sont dispo-nibles pour lutter contre la pauvreté des enfants : il faut introduire les prestations complémentaires pour familles partout en Suisse. Il faut également prendre des mesures permettant de concilier la vie de famille et l’exercice d’une activité professionnelle, comme le fait le Tessin. Enfin, il faut promouvoir l’encouragement précoce, un élément primordial de lutte contre la pauvreté : les jardins d’enfants et l’école après l’âge de quatre ans ne sont déjà plus en mesure de compenser l’inégalité des chances des enfants. La Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales (CDAS) soulève d’ailleurs régulièrement ce point et insiste sur la nécessité d’agir.

Le programme de la Confédération contre la pauvreté s’achève à la fin 2018. Mais la Confédération doit poursuivre son engagement. En effet, tous les chiffres et les études sur la pauvreté en Suisse mon-trent que la pauvreté va rester le défi social le plus important de ces prochaines décennies. La Confé-dération ne peut donc pas se désengager de la politique de lutte contre la pauvreté à la fin du pro-gramme national contre la pauvreté. Formuler une stratégie au plan fédéral

Voilà une année déjà, lors de la Conférence nationale contre la pauvreté du 22 novembre 2016, la Con-fédération, les cantons, les villes et les communes ont signé une déclaration commune par laquelle ils s’engageaient à « […] continuer de collaborer à la prévention et à la lutte contre la pauvreté dans le cadre du Programme national contre la pauvreté, en prenant part à l’échange de savoir, en élaborant des recommandations pratiques, en encourageant des approches de prévention innovantes et en diffu-sant les résultats du programme auprès des acteurs qu’ils représentent ». Le Conseil fédéral doit main-tenant concrétiser cette déclaration. Il faut notamment que la Confédération, en collaboration avec les cantons, les communes, les organisations civiles et les personnes pauvres elles-mêmes, développe une stratégie suisse de prévention et de lutte contre la pauvreté, dotée d’objectifs mesurables, de mesures efficientes et soumise à des évaluations régulières. Information aux rédactions : Bettina Fredrich, responsable du Service de politique sociale, tél. : 041 419 23 37, mail : [email protected], et Hugo Fasel, directeur de Caritas Suisse, tél. : 041 419 22 19, répon-dent volontiers à vos questions. Le lien https://www.caritas.ch/photos propose des photographies à télécharger et à imprimer. La prise de position de Caritas « Éliminer la pauvreté des enfants : la politique doit agir » peut être téléchargée sur le lien suivant : https://www.caritas.ch/prises-de-position

Marianne Hochuli, responsable du Secteur Études

La pauvreté des enfants en Suisse

Ampleur — Aspects et dimensions — Causes

Les données les plus récentes de l’Office fédéral de la statistique et celles de la statistique suisse de

l’aide sociale montrent à nouveau que la pauvreté des enfants existe bel et bien dans notre riche

Suisse. En dépit du fait que la Suisse garantit dans sa Constitution fédérale une protection particulière

aux enfants et adolescents, et inscrit qu’elle favorisera leur développement,

76 000 enfants sont pauvres en Suisse ; 188 000 autres vivent dans des conditions précaires juste au-dessus du seuil de pauvreté ; Un tiers des personnes recourant à l’aide sociale sont des enfants et des adolescents. Avec

5,2 %, les enfants et adolescents représentent le groupe d’âge le plus fortement représenté à

l’aide sociale.

En moyenne, dans chaque classe d’école du pays, il y a au moins un enfant pauvre et deux enfants

menacés de pauvreté. Le total de tous les enfants pauvres du pays correspond au nombre d’habitants d’une ville comme Saint-Gall, et si on compte aussi les enfants en situation de précarité, cela

correspond à la population de Saint-Gall, Winterthur et Lucerne. Les enfants vivant dans une famille

monoparentale et ceux dont les parents ont un bas niveau de formation sont particulièrement

concernés.

Soucis financiers, manque de perspectives

Grandir dans la pauvreté, qu’est-ce que cela signifie ? Les familles de ces enfants n’ont pas assez d’argent pour couvrir leurs besoins de base. Ils vivent dans le stress permanent du manque d’argent. Pour une famille monoparentale avec deux enfants, le seuil de la pauvreté se situe à 1834 francs par

mois, déduction faite du loyer et des primes d’assurance-maladie. Une famille pauvre doit donc se

débrouiller avec moins de 20 francs par jour et par personne pour la nourriture, les vêtements,

l’énergie, la mobilité, l’hygiène, les communications, l’entretien et l’éducation.

Des choses aussi banales que la contribution des parents aux semaines vertes des enfants, les

anniversaires, le billet de train pour aller voir les grands-parents à Noël ou la photo de classe sont ainsi

hors de portée. Beaucoup de familles économisent sur la nourriture pour réussir à faire face à d’autres

obligations, ce qui a des effets directs sur le développement physique des enfants. Une visite chez le

dentiste place la famille devant un problème insoluble. Les enfants pauvres vivent souvent dans des

logements étroits, mal situés, bruyants, ne disposant pas d’un espace pour faire leurs devoirs en paix ou pour inviter des copains et n’offrant pas la possibilité de jouer dehors dans des rues trop fréquentées par les voitures. Et l’argent manque pour les loisirs, les hobbies et les activités sportives.

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Les enfants pauvres ont un accès plus limité à l’encouragement précoce alors même qu’ils en dépendent. Ils prennent du retard sur leurs pairs et n’arrivent pas à compenser ce retard par la suite.

Les causes de la pauvreté des enfants

Des coûts de l’enfant élevés

Selon les calculs de la Confédération, un enfant coûte entre 7000 et 14 000 francs par an en fonction

de la taille de la famille. Les coûts de prise en charge extrafamiliale des enfants, du logement et de

l’éducation pèsent particulièrement sur le budget. Les coûts indirects, tels que la réduction du temps de

travail des mères après la naissance de leur premier enfant — ce qui réduit le revenu familial — ne

sont pas comptés.

Un revenu bas des parents

Quelque 50 000 enfants — deux tiers des enfants pauvres — grandissent dans des ménages de working poors. Leurs parents gagnent trop peu d’argent pour assurer l’existence de leur famille. Ils occupent

des emplois précaires, à bas salaire, ou bien, parce qu’ils sont monoparentaux, ils ne peuvent pas travailler à plein temps. Les mères et les pères qui n’ont pas de formation reconnue courent un risque

particulièrement important d’être pauvres bien qu’ils occupent un emploi. Les personnes qui n’ont qu’un diplôme de fin de scolarité sont deux fois plus nombreuses à vivre dans la pauvreté que celles

qui ont un diplôme tertiaire. Les personnes peu ou pas qualifiées qui perdent leur emploi ont de plus

en plus de peine à revenir sur le marché du travail. Elles sont plus nombreuses que la moyenne à

dépendre de l’aide sociale parce qu’elles n’ont plus droit au chômage. Au cours des 15 dernières

années, le nombre de personnes qui ont perdu leur droit aux indemnités chômage a triplé, passant de

13 000 en 2001 à plus de 40 000 en 2016.

Le risque de divorce est mal couvert

Les familles monoparentales sont plus menacées par la pauvreté que la moyenne. Souvent, le revenu

du parent séparé ne suffit pas à financer deux ménages. Après un divorce, les pensions alimentaires

offrant une certaine sécurité financière au parent qui a la charge des enfants sont de première

importance. Mais ces contributions, souvent âprement négociées, restent trop réduites pour garantir

réellement cette sécurité. Par suite, les familles monoparentales n’ont d’autre choix que de faire appel à l’aide sociale.

Des lacunes dans les possibilités de concilier la vie familiale et l’activité professionnelle

Les possibilités de concilier la vie familiale et l’activité professionnelle continuent d’être peu

développées en Suisse. Il n’y a pas suffisamment de possibilités de prises en charge des enfants d’âge préscolaire et scolaire à prix raisonnable. Les horaires de travail, de plus en plus flexibles et

irréguliers, placent les familles à bas revenus devant des défis de taille. Souvent, les possibilités

institutionnelles, par exemple les crèches, proposent des services qui ne sont pas adaptés aux besoins

des personnes travaillant à l’appel, par exemple.

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L’État n’investit pas suffisamment dans l’enfance et la famille

En Suisse, on continue de privilégier l’idée que les enfants font partie de la sphère privée. C’est la raison pour laquelle la Suisse investit si peu dans les enfants et la famille. Avec 1,5 % du PNB, la

Suisse se situe très en dessous de la moyenne européenne qui est de 2,3 %. En France (2,5 %), en

Autriche (2,8 %) et en Allemagne (3,1 %), l’État investit beaucoup plus en faveur des enfants et des familles. Le meilleur élève dans ce domaine reste le Danemark, qui investit 3,7 % de son PNB pour

l’enfance et la famille.

Si on regarde seulement le domaine précoce — les dépenses pour les enfants de moins de trois ans —

un domaine de première importance dans la lutte contre la pauvreté des enfants, la Suisse fait preuve

d’un engagement financier pour le moins modeste en regard des autres pays d’Europe. Au total, les

dépenses publiques affectées aux crèches, groupes de jeu et familles de jour s’élèvent en Suisse à un

tout petit 0,1 % du PIB, alors que la moyenne des pays d’Europe se situe autour de 0,3 %.

Pour rattraper son retard, la Suisse devrait investir trois fois et demie ce qu’elle investit aujourd’hui dans la prise en charge extrafamiliale des enfants. On relèvera tout particulièrement le

subventionnement très limité de la Suisse dans les places de crèche. En Suisse, les parents contribuent

entre deux et trois fois plus en Suisse que dans les pays voisins aux coûts de prise en charge externe de

leurs enfants.

Cela devrait donner à réfléchir au monde politique.

Bettina Fredrich, secteur Études, Politique sociale

La politique doit agir

Mesures urgentes contre la pauvreté des enfants Depuis quelques années, on accorde de plus en plus d’importance au thème de la pauvreté des enfants en Suisse. L’Office fédéral de la statistique a publié des chiffres à ce sujet, des études ont été rendues dans le cadre du Programme national contre la pauvreté et tout récemment est paru un rapport de la Confédération sur la famille. Tous ces regards croisés arrivent à la même conclusion : la pauvreté des enfants en Suisse est un fait, et un fait qui ne date pas d’hier. À la fin des années 1990 déjà, la plupart des personnes pauvres en Suisse étaient des mères, des pères et des enfants. Pourquoi si peu de choses ont-elles changé ces 30 dernières années ? Domaines dans lesquels il faut prendre des mesures

La garantie du minimum vital est insuffisante pour les enfants La garantie du minimum vital des enfants n’a pas bougé depuis des années. Les allocations pour enfants en fonction des besoins, les pensions alimentaires et les prestations complémentaires pour familles échouent systématiquement au plan fédéral. La majorité des cantons laisse la question de la pauvreté des enfants sans réponses, alors même que les rapports des cantons sur la famille ne cessent de mettre l’accent sur le défi que cette dernière représente. Les cantons et la Confédération se renvoient la balle de la responsabilité dans la lutte contre la pauvreté des enfants. Et la situation des enfants pauvres ne change pas. Les personnes pauvres n’ont pas la possibilité de concilier leur vie familiale avec leur activité professionnelle Depuis quelques années, la Confédération concentre sa politique familiale sur la conciliation entre la vie familiale et l’activité professionnelle. Dans ce contexte, plus de 50 000 places de prises en charge dans les crèches, les jardins d’enfants et les écoles de jour ont été créées. Mais cette offre reste très variable selon les régions, et surtout, elle ne tient pas compte des problèmes que doivent affronter les familles pauvres. Les places de crèches sont trop chères, hors de portée de leur budget et elles sont organisées sans tenir compte des besoins des parents (p. ex. en ce qui concerne les horaires d’ouverture). Les nouvelles aides financières de la Confédération — 100 millions de francs pour ces cinq prochaines années — doivent montrer leur efficacité dans ce domaine. Mais on ne sait pas encore dans quelle mesure les cantons et les communes sont concernés.

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L’éducation et la formation commencent trop tard En Suisse, la pauvreté dépend en grande partie du niveau de formation. Les enfants vivant dans des familles de parents non qualifiés sont plus souvent pauvres que les autres, et ils le restent lorsqu’ils sont devenus adultes. La principale raison en est l’inégalité des conditions de départ, qui ne peut être compensée par la suite. L’encouragement précoce est de la compétence des cantons, mais leur engagement dans ce domaine est extrêmement variable. Les analyses de Caritas ont montré que la moitié des cantons seulement ont mis en place une stratégie dans ce domaine pourtant central de la politique de lutte contre la pauvreté. C’est pourtant l’un des points que la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales (CDAS) soulève régulièrement en insistant sur la nécessité d’agir.

On sait depuis longtemps ce qu’il faudrait faire

Dans tous ces domaines, la garantie du minimum vital des enfants, l’harmonisation entre la vie de famille et l’activité professionnelle et l’encouragement précoce, on a des exemples de bonnes pratiques qui fonctionnent. Par exemple, quatre cantons ont déjà introduit les prestations complémentaires pour familles, qui complètent en principe les prestations complémentaires de l’AVS et de l’AI ; elles complètent en fait le revenu des familles pauvres et offrent une garantie de minimum vital, tout en étant couplées à des incitations à l’activité professionnelle. Les prestations complémentaires pour familles sont appliquées avec particulièrement de succès au Tessin et dans le canton de Vaud. Dans ces deux cantons, le nombre de familles dépendant de l’aide sociale a chuté, tout comme le risque de pauvreté des enfants et des adolescents. Toutes les évaluations montrent l’effet positif de ces prestations complémentaires pour les familles elles-mêmes, dont la situation est estimée moins difficile et moins stigmatisante. Au Tessin, le jardin d’enfants gratuit pour tous les enfants dès trois ans est une mesure qui permet aux familles pauvres de concilier la vie de famille et la vie professionnelle. Cette possibilité existe depuis les années 1930 et aujourd’hui, près de 90 % des enfants tessinois en bénéficient. Les parents travaillent pendant que leurs enfants sont au jardin d’enfants. Ce dernier, gratuit, ne grève pas le budget familial et contribue ainsi à combattre la pauvreté. Un grand nombre d’études montrent en outre que l’encouragement précoce est particulièrement important pour les enfants de familles défavorisées. Grâce à l’encouragement précoce, ces enfants auront plus tard de meilleurs résultats scolaires et atteindront un meilleur niveau de formation. Les premières années de la vie sont absolument déterminantes pour un développement harmonieux. Les enfants qui ont l’occasion d’expérimenter avant de savoir marcher, par exemple que l’eau s’infiltre dans le sable et coule sur les cailloux, abordent ainsi déjà les bases de certains processus physiques. Un bon encouragement précoce, pour peu spectaculaire qu’il soit, est nécessaire et quotidien, et permet aux très jeunes enfants d’exercer leur curiosité et leur ouverture au monde par eux-mêmes. L’encouragement précoce n’est rien d’autre que la possibilité pour les enfants de vivre des stimulations avec un accompagnement compétent, et la clef de son succès se trouve dans un personnel qualifié en nombre suffisant, de bonnes conditions de travail, la qualité de la formation et des modèles, et l’intégration des parents.

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Les besoins du point de vue de Caritas

La pauvreté des enfants n’est pas seulement un désastre à l’heure actuelle, elle aura aussi des répercussions tout au long du curriculum des enfants concernés. Il est donc préoccupant de constater l’absence de volonté du monde politique sur cette question. Voici les revendications de Caritas sur ce thème : - Des prestations complémentaires pour familles maintenant : la garantie matérielle du minimum

vital est une condition sine qua non d’une croissance en bonne santé. La Constitution fédérale s’engage à offrir aux enfants une protection particulière et à encourager leur développement. Il faut que ce droit soit respecté immédiatement. Quelques cantons le font déjà, et avec succès. Des prestations complémentaires pour familles doivent être introduites partout en Suisse sur le modèle de ce que font les cantons de Vaud et du Tessin. Il faut accorder une attention particulière à la pauvreté des familles monoparentales. Un montant minimal d’entretien de l’enfant doit être inscrit dans la loi.

- Permettre à tous de concilier la vie de famille et l’activité professionnelle : les cantons et les communes, en accord avec la Confédération, doivent fournir une offre de prise en charge des enfants couvrant complètement les besoins. Le modèle du canton du Tessin qui a introduit voilà des décennies le jardin d’enfants gratuit dès l’âge de trois ans peut servir dans ce contexte. De plus, dans tous les champs d’activité et à tous les niveaux de carrière, l’économie doit mettre en place des conditions de travail qui tiennent compte de la vie familiale.

- Le droit à l’encouragement précoce : les premières années de la vie déterminent dans une large mesure les chances de formation futures et donc, le cursus professionnel. C’est pourquoi tous les enfants doivent avoir accès à un encouragement précoce de bonne qualité, par le biais des offres institutionnelles (p. ex. le jardin d’enfants) ou de projets de proximité. Ces offres doivent être gratuites pour les familles pauvres. Si les cantons n’arrivent pas à réaliser un encouragement précoce au plan suisse, la Confédération doit endosser sa responsabilité dans ce domaine éminemment important de la lutte contre la pauvreté. Elle doit participer à son financement et garantir sa qualité et sa facilité d’accès.

Martin Flügel, responsable Politique et Affaires publiques

Il est temps de changer d’orientation en matière de politique de lutte contre

la pauvreté

La Confédération doit continuer de prendre ses responsabilités

Le long chemin de l’engagement de la Confédération

En Suisse, beaucoup des compétences et des instruments de la politique de lutte contre la pauvreté sont de la compétence des cantons et des communes. Mais depuis une vingtaine d’années, la politique fédérale s’est également engagée dans la prévention et la lutte contre la pauvreté. S’appuyant sur un postulat datant de 1998, le Département fédéral de l’Intérieur (DFI) a organisé en 2003 la première conférence nationale sur la pauvreté. Par la suite, plusieurs interventions au Parlement ont exigé que la Confédération s’engage plus fermement. Par conséquent, Le Conseil fédéral a décidé en 2010 d’une « Stratégie de la Confédération en matière de lutte contre la pauvreté » et a organisé la même année une nouvelle conférence nationale sur la pau-vreté. Il a également décidé de fixer dans ses objectifs 2012 le processus de mise en œuvre de la straté-gie de lutte contre la pauvreté, et un an plus tard, le « Programme national de prévention et de lutte contre la pauvreté » voyait le jour. Ainsi, pour la première fois, et après de longs atermoiements, le Conseil fédéral affichait sa responsabilité en matière de politique de lutte contre la pauvreté en Suisse. Des moyens modestes pour une contribution effective : le programme national de lutte contre la

pauvreté Le « Programme national de prévention et de lutte contre la pauvreté » est mis en œuvre par la Confé-dération en collaboration avec les cantons, les villes, les communes et des organisations privées. Cari-tas Suisse y collabore, elle aussi, dans différentes commissions et groupes d’accompagnement. L’ob-jectif du programme est de mettre en commun des connaissances solides en matière de prévention de la pauvreté, de fournir des orientations pour l’élaboration et la mise en œuvre de mesures et de pro-mouvoir la coopération et les échanges professionnels entre les différents acteurs concernés. C’est ainsi qu’on a réussi à thématiser la pauvreté au plan fédéral et à donner de la visibilité à la probléma-tique, de mettre en place des bases et des lignes directrices d’action sur les thèmes clefs de la pauvreté et d’améliorer la mise en réseau des acteurs importants que sont la Confédération, les cantons, les communes, les organisations privées et les personnes touchées par la pauvreté elles-mêmes. Tout cela montre que la Confédération, même avec ces moyens limités — le programme ne bénéficie que de neuf millions de francs — peut fournir une prestation importante dans la politique de lutte contre la pauvreté. En ce moment, une évaluation du programme national de prévention et de lutte contre la pauvreté est en cours et le printemps prochain, le Conseil fédéral va décider de la suite de la procédure. Nous nous trouvons donc à un moment-clef.

La Confédération doit poursuivre et renforcer son engagement

Pour Caritas Suisse, il est clair que la Confédération doit continuer de s’engager. Tous les chiffres et les recherches sur la pauvreté en Suisse montrent que la pauvreté représente l’un des principaux défis sociaux de ces prochaines années. En Suisse, plus d’un million de personnes sont touchées par la pau-vreté, ou menacées de l’être. Un quart d’entre eux sont des enfants et des adolescents. L’engagement de la Confédération dans la lutte contre la pauvreté ne doit donc pas prendre fin avec la fin du pro-gramme national de prévention et lutte contre la pauvreté. Voilà une année déjà, lors de la Conférence nationale contre la pauvreté du 22 novembre 2016, la Confédération, les cantons, les villes et les com-munes ont signé une déclaration commune par laquelle ils s’engageaient à « […] continuer de collabo-rer à la prévention et à la lutte contre la pauvreté dans le cadre du Programme national contre la pau-vreté, en prenant part à l’échange de savoir, en élaborant des recommandations pratiques, en encoura-geant des approches de prévention innovantes et en diffusant les résultats du programme auprès des acteurs qu’ils représentent ». Caritas Suisse invite le Conseil fédéral à concrétiser cette déclaration et à prendre les mesures suivantes pour respecter les termes du programme national de lutte contre la pau-vreté :

- Stratégie suisse de prévention et de lutte contre la pauvreté : à partir des conclusions du pro-gramme national contre la pauvreté, la Confédération — aidée des cantons, des communes, des organisations de la société civile et des personnes touchées par la pauvreté — doit élaborer une stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, dotée d’objectifs mesurables, de mesures efficaces et faisant l’objet d’évaluations régulières.

- Centre de compétences en matière de lutte contre la pauvreté : l’un des résultats du programme de lutte contre la pauvreté est la reconnaissance que l’État ne peut à lui seul mener à bien une politique de lutte contre la pauvreté. Pour réunir les connaissances des cantons, des communes et de la Confédération, il faut créer un centre national de compétence en matière de lutte contre la pauvreté. On pourra ainsi garantir que la pauvreté est prise en compte dans la politique de la Confédération et que tous les offices fédéraux compétents en la matière travailleront en coordi-nation.

- Un monitorage de la pauvreté au plan fédéral : en matière de pauvreté, seules des données scientifiques fiables, spécifiques aux cantons et aux groupes de population et significatives per-mettent d’identifier en temps utile les nouveaux développements et de mettre au point des me-sures efficaces de prévention et de lutte contre la pauvreté ou d’adapter les mesures existantes. Il faut donc, sur le modèle de l’Observatoire suisse de la santé Obsan, créer un monitorage natio-nal sur la pauvreté qui collecte ces données et évalue les mesures existantes.

- Commission fédérale pour les questions de pauvreté : la Confédération dépend des échanges avec les spécialistes et les services spécialisés des autres acteurs, cantons, communes et organi-sations non gouvernementales, pour pouvoir concrètement endosser son rôle dans la politique de lutte contre la pauvreté. Les commissions fédérales sont des instruments efficaces et reconnus en ce qui concerne ce genre d’échanges. Le Conseil fédéral doit donc créer une commission fé-dérale pour les questions de pauvreté réunissant des spécialistes abordant les thèmes importants de ces différents secteurs et émettant des recommandations.

Le Parlement est actif

Après le lancement du programme national contre la pauvreté, la problématique de la pauvreté a de nouveau disparu des priorités du Parlement. Mais aujourd’hui, de nouvelles interventions se font jour, qui demandent des informations sur la manière dont la Confédération prévoit de s’engager dans la po-litique de lutte contre la pauvreté après la fin du programme national ou qui reprennent en partie les revendications émises ici. Il faut citer ici l’interpellation (17.3557) de la Conseillère nationale Bea Heim et celle (17.3532) ainsi que la motion (17.3567) de la Conseillère nationale Yvonne Feri. Lors des prochaines sessions, Caritas Suisse, en collaboration avec des parlementaires de différents partis, va faire en sorte que la Confédération continue de s’engager dans la politique de lutte contre la pau-vreté.

Hugo Fasel, directeur de Caritas Suisse

La pauvreté gagne du terrain en Suisse – cantons et Confédération font

trop peu... Le Conseil fédéral doit enfin formuler une stratégie de lutte contre la pauvreté La pauvreté a de multiples facettes et des causes diverses. En Suisse, elle touche directement 600’000 personnes et près d’une personne sur neuf est menacée par la pauvreté. On peut en déceler les causes dans plusieurs domaines : sur le marché du travail, parce que les salaires ne couvrent pas les besoins de base, dans la formation, parce que les connaissances professionnelles sont insuffisantes ou inadéquates, dans la hausse des coûts du logement, dans les charges qui pèsent sur les familles monoparentales, dans la répartition toujours plus inégale des revenus ou dans la difficulté qu’il y a à concilier vie professionnelle et familiale. Dans le domaine de la politique sociale, une grande partie de la population continue à se focaliser sur les assurances sociales classiques, l’AVS, les caisses de pension, les prestations complémentaires ou l’assurance invalidité. Or, c’est la lutte contre la pauvreté qui représente le principal défi d’avenir pour la politique sociale et sociétale. Le programme de lutte contre la pauvreté de la Confédération a abouti à une série de constats essentiels. Un constat simple, mais fondamental est que la pauvreté en Suisse est un sérieux problème qui ne cesse de s’aggraver. Il est inacceptable qu’elle soit encore ignorée ou minimisée par une large frange de la classe politique. La pauvreté des enfants – utiliser enfin les instruments pour la combattre

La dernière prise de position de Caritas Suisse se concentre sur la pauvreté des enfants. Pas moins de 76 000 enfants la subissent au quotidien dans notre pays et 188 000 autres se trouvent juste au-dessus du seuil de pauvreté. Ces chiffres doivent secouer la classe politique. Les enfants qui grandissent dans des familles marquées par la pauvreté ne doivent pas s’en trouver entravés dans leur développement. La Suisse n’aurait aucune excuse de régresser à un âge où la pauvreté se transmettait de génération en génération. Il en va de la garantie de l’égalité des chances. Pour la société, il s’agit aussi d’éviter d’énormes répercussions économiques. Les ébauches de solution pour lutter contre la pauvreté des enfants sont connues et éprouvées. Trois instruments sont à disposition : • Les prestations complémentaires pour les familles. Il faut les introduire sur le plan fédéral.

L’efficacité de cet instrument a été testée ; sa mise en application a fait ses preuves dans les cantons de Vaud et du Tessin.

• Des mesures permettant de concilier vie professionnelle et familiale. Sur ce plan aussi, il existe une solution porteuse d’avenir : le canton du Tessin propose un jardin d’enfants facultatif dès l’âge de trois ans. À d’autres endroits, les horaires d’ouverture des crèches sont adaptés aux besoins des parents qui travaillent et leurs prix abaissés pour les familles à bas revenu.

• L’ encouragement précoce est une nécessité. Les jardins d’enfants et l’école dès l’âge de quatre ans ne sont pas en mesure de niveler les inégalités et d’assurer les mêmes chances de départ aux enfants. Même la Conférence intercantonale des directrices et directeurs des affaires sociales (CDAS) a reconnu le besoin d’agir. Il est donc grand temps de passer à l’action.

Caritas Suisse attend un ancrage sur le plan national des mesures citées contre la pauvreté des enfants.

Le programme de lutte contre la pauvreté de la Confédération expire fin 2018 – nos exigences

Le programme de lutte contre la pauvreté de la Confédération court seulement jusqu’à la fin 2018. Le Conseil fédéral est donc appelé à utiliser les multiples conclusions des diverses études pour définir enfin une stratégie politique de lutte contre la pauvreté et fixer les principales mesures. Caritas est d’avis qu’une série d’étapes sont nécessaires pour y parvenir, de type aussi bien matériel qu’institutionnel et structurel. a) Ancrer enfin la politique de lutte contre la pauvreté sur le plan fédéral Une idée très répandue veut que la lutte contre la pauvreté relève en premier lieu ou même exclusivement de la compétence de l’aide sociale des cantons. Il faut absolument corriger cette façon de voir. Des domaines essentiels de la prévention de la pauvreté tombent dans les domaines de compétences de la Confédération. Notamment la politique de formation professionnelle et de formation continue, la politique du marché de l’emploi liée à l’assurance chômage et aux mesures actives du marché du travail qu’elle utilise comme instrument ou encore la politique de logement et d’affectation, de même que les mesures favorisant un accès gratuit aux crèches ou les allocations familiales. Et tout particulièrement aussi la forme que revêt la politique d’intégration. b) À quand un Office fédéral pour les questions de pauvreté ? Sur le plan fédéral, il y a un grand nombre d’offices, de secrétariats, de directions ou de bureaux consacrés à des thèmes spécifiques. Mais à ce jour, aucun service qui traite globalement la thématique de la pauvreté et développe des ébauches de solution en la matière. La politique de lutte contre la pauvreté reste une politique de rapiéçage, de rafistolage. On n’agit que lorsqu’on ne peut plus faire autrement. Il n’y a pas de stratégie d’ensemble. Le simple fait que la lutte contre la pauvreté constitue une tâche transversale rend nécessaire la création d’un centre de conception et de décision au sein de l’administration fédérale. La dynamique des changements sociétaux, économiques et technologiques est énorme : la répartition des revenus devient plus inégale, la classe moyenne inférieure commence à s’effilocher. Ainsi, le nombre de chômeurs en fin de droit ne cesse d’augmenter ; il a dépassé la limite annuelle de 40 000. Mais la numérisation progresse aussi à vive allure et va pousser les gens qui n’arrivent pas à suivre dans le piège de la pauvreté. Le nombre de familles monoparentales augmente et beaucoup ont besoin d’être soutenues davantage. Ces quelques exemples suffisent à montrer combien il est essentiel que les questions de pauvreté soient ancrées et regroupées en un seul service de la Confédération.

c) Instituer une Commission fédérale pour les questions de pauvreté L’une des principales recettes du succès de la politique suisse tient au fait que, pour certaines thématiques clairement définies, elle rassemble les personnes, institutions et acteurs concernés dans un organe et les amène à dialoguer. Or, il manque toujours une institution de ce genre, précisément pour la thématique de la pauvreté. Il est impérativement nécessaire que les communes, les cantons, la Confédération, les villes, les personnes concernées et leurs organisations, les partenaires sociaux, les instituts de formation, les assurances sociales et le monde scientifique se rassemblent autour d’une table pour traiter les questions relatives à la pauvreté et tracent ensemble des pistes pouvant mener à des solutions. L’hétérogénéité de la problématique rend indispensable un échange à plusieurs niveaux entre les acteurs les plus divers. Il est grand temps que le Conseil fédéral institue une Commission fédérale pour les questions relatives à la pauvreté. d) La question de la pauvreté doit faire partie de chaque message du Conseil fédéral L’action politique du Conseil fédéral et du Parlement doit désormais éclairer aussi la perspective de la pauvreté. Dans les messages actuels du Conseil fédéral, il n’y a aucune allusion aux répercussions qu’ont les décisions de la Confédération sur la pauvreté en Suisse. De même que les conséquences des décisions du Parlement sur les PME, sur le développement économique, sur la politique familiale, sur les rentrées fiscales, etc. sont exposées dans les messages des Départements, ce point doit aussi être clarifié à l’avenir, dans tous les messages du Conseil fédéral.

Prise de position de Caritas

Vaincre la pauvreté des

enfants: la politique doit agir

« En Suisse, 76 000 enfants vivent dans la pauvreté, et 188 000 autres dans la précarité. La réduction de la pauvreté des enfants doit passer par l’introduc-tion de prestations complémentaires pour familles et d’un accès de tous les enfants à l’encouragement précoce. Ces instru-ments ont déjà été testés avec succès dans certains cantons. Il ne manque que la volonté politique pour qu’ils soient enfin introduits dans tout le pays. »

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Les faits concernant la pauvreté des enfants

En bref : En Suisse, 76 000 enfants vivent dans

la pauvreté, et 188 000  autres dans la précarité

juste au-dessus du seuil de pauvreté. Les enfants

qui grandissent dans la pauvreté subissent des

inégalités matérielles et de l’exclusion sociale, et

leurs chances d’avoir une bonne formation sont

moindres. L’encouragement précoce – p. ex. une

place dans une crèche – est souvent trop cher ou

simplement inexistant. Cette inégalité des chances

ne peut pas être compensée. Très souvent, les en-

fants ayant grandi dans la pauvreté restent pauvres

lorsqu’ils sont adultes.

Les causes de la pauvreté des enfants sont multi-

ples : les coûts élevés de l’enfant, un revenu bas des

parents, peu de possibilités de concilier la vie de fa-

mille et la vie professionnelle, le manque de moyens

pour assurer les conditions de vie des enfants, l’ab-

sence d’investissement de la Confédération dans le

domaine de la famille et de l’enfance. La Suisse est

incapable de traiter la pauvreté des enfants. C’est

ce que montrent de nombreux rapports et études

récemment publiés par la Confédération. Mais cer-

tains cantons prennent des mesures intéressantes

et louables qui sont l’exception confirmant la règle,

par exemple les prestations complémentaires pour

familles ou le jardin d’enfants gratuit pour tous les

enfants dès trois ans au Tessin.

Dans cette prise de position, Caritas réunit les

connaissances les plus récentes sur la question,

identifie les causes, répertorie les défis et donne

des exemples de bonnes pratiques cantonales de

politique de lutte contre la pauvreté. Des pratiques

qu’il faudrait étendre à toute la Suisse. Les presta-

tions complémentaires pour familles et l’encoura-

gement précoce sont des éléments centraux pour

réduire la pauvreté des enfants. Nous le savons, et

ces instruments ont été testés. Il s’agit maintenant

de les mettre en œuvre partout en Suisse.

la pauvreté, on traitait la lutte contre la pauvreté des enfants

en insistant sur les priorités que sont la formation et l’encou-

ragement précoce. En avril 2017, le Conseil fédéral publiait

le troisième rapport sur les familles (le premier datant de

2004 et le second de 2008) qui contenait, outre des analyses

statistiques, un état des lieux de la politique familiale.

Toutes les recherches, quel que soit leur angle d’approche,

arrivent aux mêmes conclusions : la pauvreté des enfants en

Suisse est un fait qui ne date pas d’hier. Le rapport sur les

familles le montre : « L’exposition nettement plus importante

au risque de pauvreté des familles comptant trois enfants et

plus et des mères vivant seules avec leurs enfants fait déjà

débat depuis les années 1980. À la fin des années 1990, il a

été établi que la majorité de la population concernée par la

pauvreté économique était constituée de mères, de pères et

d’enfants. À ce jour, les choses n’ont guère changé. » Il faut

le constater : les analyses existent. Les problèmes et les

conséquences des lacunes en matière de moyens d’exis-

tence et de l’insuffisance de formation sont connus.

Trop peu d’argent, des chances d’avenir réduites Les enfants qui grandissent dans la pauvreté n’ont pas assez

de moyens matériels pour couvrir leurs besoins fondamen-

taux. Une mère seule de deux enfants se trouve au seuil de

la pauvreté lorsqu’elle dispose de 1834 francs par mois,

loyer et primes d’assurance-maladie décomptés. Une famille

touchée par la pauvreté doit donc vivre avec moins de

20 francs par jour et par personne pour se nourrir, se vêtir,

payer l’énergie, l’hygiène, la mobilité, la communication,

l’entretien et l’éducation. Une famille comptant les deux pa-

rents et deux enfants dispose de moins de 17 francs par jour

et par personne. Une simple visite chez le dentiste place la

famille devant des problèmes insolubles.

Les enfants touchés par la pauvreté vivent souvent dans

des appartements inadaptés. Il est rare qu’ils aient une

chambre pour eux seuls. Ils n’ont donc pas un lieu à eux, qui

leur permettrait de se concentrer pour faire leurs devoirs,

mais aussi de se reposer et se détendre. Ce manque de lieu

propre pourrait expliquer en partie pourquoi les enfants tou-

chés par la pauvreté invitent moins que les autres leurs ca-

marades de classe à la maison. Souvent, les appartements

à prix bas sont situés sur des rues très passantes n’offrant

pas la possibilité de jouer dehors.

Les activités de loisirs, les hobbies, le sport, l’affiliation à un

club ou une société sont souvent hors de portée également

Les analyses sont nombreusesCes dernières années, la pauvreté des familles et des en-

fants a fait l’objet d’une attention de plus en plus soutenue.

En novembre 2016, l’Office fédéral de la statistique publiait

pour la première fois les chiffres exhaustifs sur la pauvreté

des enfants et la privation matérielle en Suisse. Le Pro-

gramme national contre la pauvreté portait l’accent sur

les familles. Une étude très complète analysait les stratégies

et mesures de lutte contre la pauvreté des familles au plan

communal. Dans le cadre également du Programme contre

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pour des raisons financières. La participation à ce genre

d’activités dépend donc moins des talents, de l’intérêt et

de la motivation des enfants que de leurs possibilités finan-

cières. Dans les familles pauvres, l’argent risque de manquer

même pour financer les événements les plus quotidiens,

comme la contribution parentale aux semaines vertes, les

anniversaires des enfants, le billet de train pour aller fêter

Noël chez les grands-parents ou la photo de classe.

Un grand nombre de familles font des économies sur les

coûts de la nourriture et ne mangent pas sainement. Ceci a

des conséquences directes sur le développement physique

des enfants. Fondamentalement, on constate une forte inter-

relation entre la pauvreté, la santé et la résistance. Les enfants

de familles pauvres souffrent ainsi plus souvent de troubles

psychosociaux, ils sont plus souvent en surpoids et chroni-

quement malades. Les possibilités de résilience des enfants

touchés par la pauvreté, donc leur capacité de résister aux

crises, sont également moindres. Ils considèrent leurs parents

avec déconsidération ; lorsque par exemple, les parents

cherchent en vain pendant des mois un logement décent ou

un emploi stable, le risque est grand qu’ils cèdent au décou-

ragement face à l’absence de perspectives. Ce décourage-

ment se répercute sur le psychisme des enfants qui en sont

témoins. Leur confiance en eux-mêmes se délite. Souvent, ils

développent des sentiments de honte et de culpabilité.

La plupart des enfants qui grandissent dans des familles

pauvres n’ont pas d’accès à l’encouragement précoce, ce

qui cause des retards d’apprentissage par rapport aux

enfants qui en ont bénéficié, retards qui ne peuvent pas être

rattrapés par la suite. Au contraire : ces enfants qui n’ont

pas bénéficié d’un encouragement précoce redoublent

plus fréquemment et sont moins nombreux à entrer au

gymnase. Les familles pauvres ne peuvent pas leur offrir

des cours particuliers. Les chances de formation et les

perspectives de gagner mieux sa vie sont ainsi moindres.

Pour les enfants touchés par la pauvreté, la possibilité de

trouver une place dans la société, donc dès le départ com-

promise, se prolonge durant toute leur vie. Très souvent,

les enfants qui ont grandi dans une famille pauvre restent

pauvres toute leur vie.

La pauvreté des enfants, cela existe !Depuis 2010, l’Office fédéral de la statistique évalue la pau-

vreté en Suisse et publie ses chiffres dans son « Enquête

sur les revenus et les conditions de vie des ménages en

Suisse » (SILC). Depuis dix ans, l’aide sociale suisse tient

également des statistiques sur la pauvreté. Voici les chiffres

les plus récents :

• 76 000 enfants en Suisse sont touchés par la pauvreté.

• 188 000  autres enfants vivent dans la précarité, juste

au-dessus du seuil de pauvreté.

• Un tiers des personnes recourant à l’aide sociale sont

des enfants et des jeunes de moins de 18 ans. Le taux

d’aide sociale des personnes mineures est de 5,2 %, et

c’est le taux le plus élevé en regard de toutes les autres

tranches d’âges.

En clair : dans chaque classe d’école du pays, il y a en

moyenne un enfant touché par la pauvreté, et un ou deux

qui sont menacés de l’être.

Le total de tous les enfants touchés par la pauvreté égale

celui de la population d’une ville comme Saint-Gall. Si l’on

y ajoute les enfants vivant dans la précarité, on obtient les

populations des villes de Saint-Gall, Winterthour et Lucerne.

Les enfants ne courent pas tous les mêmes risques

Comme le montrent les taux des ménages de l’aide sociale,

les enfants vivant dans une famille monoparentale sont plus

nombreux que les autres à courir le risque de la précarité.

Un quart des ménages monoparentaux recourent à l’aide

sociale. Au plan régional, cette situation peut être encore

plus grave : à Bienne, une famille monoparentale sur deux

dépend de l’aide sociale.

Le niveau de formation le plus élevé obtenu par les parents

a une grande influence sur le taux de pauvreté et de préca-

rité des enfants. Ce taux de pauvreté des enfants est

de 2,8 % dans les ménages où l’un des deux parents au

moins a une formation universitaire ou d’une haute école.

Dans les ménages où aucun des deux parents n’a de for-

mation post-obligatoire, le taux de pauvreté des enfants est

de 10 % et le taux de risque de pauvreté de près de 40 %.

Les enfants de familles migrantes – dont le niveau de formation

est souvent bas et qui par conséquent gagnent des revenus

bas – sont eux aussi plus nombreux que la moyenne à vivre

dans la pauvreté. Cependant, en chiffres absolus, les enfants

suisses sont plus nombreux à vivre dans la pauvreté (59 %).

Seuil de pauvreté en Suisse

Les personnes touchées par la pauvreté en Suisse vivent en

dessous du seuil de pauvreté. Ce dernier est calculé par

l’Office fédéral de la statistique et utilisé par la Conférence

suisse des institutions d’action sociale (CSIAS). Il est orienté

sur les besoins du 10 % des revenus les plus bas.

Type de ménage Loyer Assurance-mal Besoins de base Seuil de pauvreté

Monoparental avec 2 enfants 1608 602 1834 4000

Couple avec 2 enfants 1787 1014 2110 4900

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Souvent, les parents de ces enfants sont prêts à de grands

sacrifices pour que leurs enfants aient de meilleures chances

qu’eux-mêmes. Mais on ne repousse pas ainsi constam-

ment les limites de ses capacités sans s’exposer à des pro-

blèmes de santé. Dans les familles monoparentales, où un

seul parent doit porter seul tous les défis et les pressions de

l’éducation des enfants, cette charge engendre souvent des

problèmes physiques et psychiques, par exemple des dé-

pressions. Ces problèmes durent eux aussi bien après la

phase d’éducation de leurs enfants et, à long terme, ne per-

mettent pas à ces parents de sortir de la précarité

La pauvreté des enfants, une violation du droit en vigueur

La Constitution fédérale inscrit que (art. 12) « Quiconque est

dans une situation de détresse et n’est pas en mesure de

subvenir à son entretien a le droit d’être aidé et assisté et de

recevoir les moyens indispensables pour mener une exis-

tence conforme à la dignité humaine ». Et en ce qui concerne

la protection des enfants et des jeunes (art. 11) : « Les en-

fants et les jeunes ont droit à une protection particulière de

leur intégrité et à l’encouragement de leur développement. »

Plus concrètement, la Convention des Nations Unies relative

aux droits de l’enfant, ratifiée par la Suisse il y a 20 ans, pose

un cadre à la législation suisse sur la protection, la promotion

et la participation des enfants et des jeunes. Les droits de

l’enfant sont valables pour tous les enfants jusqu’à l’âge

de 18 ans. La Convention relative aux droits de l’enfant ins-

crit le droit de l’enfant à une sécurité sociale adéquate et à

un niveau de vie « adapté à son développement physique,

mental, psychologique, moral et social ». La Convention re-

lative aux droits de l’enfant définit en particulier le droit à la

protection contre la discrimination sous toutes ses formes, le

droit à l’éducation et le droit au temps libre, au jeu et à la

pleine participation à la vie culturelle et artistique.

L’intérêt supérieur de l’enfant est au cœur d’une politique

de lutte et de prévention de la pauvreté des enfants. Le bien-

être de l’enfant englobe toutes les conditions de vie qui

contribuent à un développement sain, avec les éléments de

base tels qu’une alimentation adéquate, des vêtements, un

toit au-dessus de la tête, mais aussi une protection contre la

violence physique et psychique, des relations stables et af-

fectueuses, et des possibilités de développement adaptées

à l’âge. Les parents sont les premiers responsables du bien-

être de l’enfant. Mais la Convention relative aux droits de

l’enfant inscrit également la responsabilité de l’État dans ce

soutien. L’intérêt supérieur de l’enfant n’est donc pas uni-

quement une responsabilité parentale et familiale, mais éga-

lement un devoir de la société.

La pauvreté des enfants existe donc en violation des prin-

cipes fixés par la Constitution fédérale suisse et par la

Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant.

Les causes de la pauvreté des enfants

Les enfants coûtent de l’argent Dans son rapport de mai 2015 « Politique familiale : état des

lieux et possibilités d’action de la Confédération », la Confé-

dération calcule les coûts de l’enfant en Suisse. Selon le

rapport, un enfant coûte, en fonction de la grandeur de la

famille, entre 7000 et 14 000 francs par an. Les postes qui

pèsent le plus sur le budget sont la prise en charge extra-

familiale des enfants, le logement et la formation. Le rapport

ne tient pas compte des coûts indirects, par exemple le fait

que l’un des parents, le plus souvent la mère, réduit son

temps de travail après la naissance du premier enfant pour

accomplir bénévolement une partie de la prise en charge,

ce qui réduit sa contribution aux revenus du ménage. Les

statistiques montrent les effets d’un enfant sur le revenu

disponible d’un ménage : le revenu disponible moyen d’un

couple sans enfant est environ 40 % plus élevé que celui

d’un couple avec enfants. Le revenu disponible le plus

faible est celui des familles monoparentales avec trois en-

fants et plus.

Le faible revenu des parents Quelque 50 000 enfants – ce qui représente deux tiers des

enfants touchés par la pauvreté – grandissent dans des mé-

nages de working poor. Leurs parents travaillent, mais ils ne

gagnent pas assez d’argent pour garantir l’existence de leur

famille, soit parce qu’ils occupent des emplois précaires à bas

salaire, soit parce que, en tant que mère seule ou père seul,

elles / ils ne peuvent exercer une activité professionnelle rému-

nérée qu’à temps partiel. Les mères et les pères ne possédant

pas de diplôme post-obligatoire, notamment, ou n’ayant pas

suivi une formation professionnelle reconnue courent un grand

risque d’être pauvres en dépit du fait qu’ils travaillent. Les pa-

rents ne possédant qu’un certificat de fin de scolarité sont deux

fois plus nombreux à vivre dans la pauvreté que ceux qui ont

acquis un diplôme tertiaire. Les personnes peu qualifiées qui

perdent leur emploi ont de plus en plus de peine à retrouver une

place sur le marché du travail. Plus souvent que la moyenne,

elles perdent leur droit aux indemnités chômage et en viennent

à dépendre de l’aide sociale. On voit l’ampleur du problème

quand on constate que le nombre de personnes qui ont perdu

leur droit aux indemnités a triplé ces quinze dernières années :

de 13 000 en 2001, elles sont passées à 40 000 en 2016.

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Le divorce, un risque mal assuré

Les parents seuls après un divorce sont plus nombreux que

la moyenne à être touchés par la pauvreté. Souvent, le re-

venu des parents séparés ne suffit pas à entretenir deux mé-

nages, surtout lorsque les parents n’ont pas une bonne for-

mation professionnelle. La situation est difficile aussi pour les

mères qui ont quitté la vie professionnelle à la naissance de

leur enfant pour se concentrer sur la prise en charge et l’édu-

cation de l’enfant. Ces femmes ont de plus en plus de peine

à réintégrer un marché du travail de plus en plus dynamique

et rapide. Une compréhension conservatrice du rôle de cha-

cun dans le couple et la famille favorise la pauvreté. C’est

pourquoi les pensions alimentaires sont si importantes après

un divorce ; elles permettent d’assurer la sécurité financière

de la personne seule en charge des enfants. Ces contribu-

tions, parfois durement négociées, restent très souvent trop

faibles pour garantir réellement le minimum vital de la famille

monoparentale et forcent le parent en charge à avoir recours

à l’aide sociale.

Une harmonisation lacunaire entre famille et profession

La possibilité de mener en bonne harmonie une vie familiale et

une vie professionnelle est très lacunaire en Suisse. En dépit

des efforts de la Confédération, il existe encore trop peu de

possibilités de prises en charge des enfants qui soient à la fois

disponibles et financièrement abordables. La flexibilisation

croissante du travail, les horaires de travail irréguliers, placent

les familles, et particulièrement les familles vulnérables, devant

des défis insolubles. Les crèches institutionnelles ne pro-

posent pas une solution valable pour les personnes travaillant

dans le secteur des bas salaires, et entre autres les personnes

travaillant sur appel. Les familles touchées par la pauvreté font

donc appel à des mamans de jour, moins chères et plus

flexibles. Et la prise en charge durant les vacances scolaires

ou lorsque l’enfant est malade reste lacunaire.

L’État n’investit pas suffisamment dans la famille et les enfants

En Suisse, et plus encore en Suisse alémanique, les enfants

sont considérés comme une affaire privée. C’est ce qui

explique que le pays investisse si peu dans la famille et

les enfants. 1,5 % du produit national brut seulement est in-

vesti dans la famille et les enfants, ce qui est nettement

moins que la moyenne européenne. En France (2,5 %), en

Autriche (2,8 %) et en Allemagne (3,1 %), on mobilise beau-

coup plus de fonds pour les enfants et les familles, sans

même parler des pays à la pointe comme le Danemark qui

investit 3,7 % de son PNB. Si l’on ne regarde que les fonds

investis dans la petite enfance, les enfants de moins de trois

ans, un domaine qui joue un rôle essentiel en matière de lutte

contre la pauvreté, la comparaison avec les autres pays

d’Europe montre que l’engagement financier de la Suisse est

insignifiant. Au total, les dépenses publiques engagées pour

les crèches, groupes de jeu et familles de jour se montent à

peine à 0,1 % du PNB du pays. Dans les pays de l’OCDE,

cette part s’élève en moyenne à 0,3 %. La Suisse devrait

donc tripler son investissement dans la prise en charge ex-

terne de la petite enfance pour simplement être dans la

moyenne. Il est frappant de voir par exemple à quel point les

places de crèches sont peu subventionnées. Conséquence :

les parents suisses contribuent deux à trois fois plus aux

frais globaux de l’enfant que les parents des pays voisins.

On sait tout cela – mais il n’y a pas

de volonté politiqueDès la fin des années 1990, les personnes pauvres en Suisse

étaient essentiellement des mères, des pères et des enfants.

Peu de choses ont changé ces 30 dernières années. C’est la

conclusion des plus récentes études et rapports du Conseil

fédéral et du Programme national contre la pauvreté. Le pro-

blème est donc bien connu et documenté. Alors, qu’est-ce

qui ne fonctionne pas ? On le comprend en observant l’évolu-

tion de la compréhension de notions décisives comme le mi-

nimum vital, l’harmonisation entre profession et famille, ainsi

que la promotion précoce.

Minimum vital pour enfants : d’importantes lacunesL’aide sociale, tout comme d’autres prestations sous con-

dition de ressources et liées au minimum vital sont de la

compétence des cantons. Ces dix dernières années, avec

l’introduction de l’assurance-maternité, l’harmonisation des

allocations familiales et la révision de l’allocation pour en-

fants, la Confédération est entrée en matière en ce qui

concerne le minimum vital des enfants.

• En 2006, les allocations pour enfants et leur formation ont été

harmonisées et fixées à 200 francs par enfant et 250 francs

pour jeunes en formation. Certains cantons, surtout en Suisse

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romande, vont au-delà de cette recommandation. Mais les

allocations pour enfants ne suffisent tout de même pas à

assurer le minimum vital. Les allocations sous condition de

ressources pour les enfants proposées dans le rapport de la

Confédération « Politique familiale. État des lieux et possibilités

d’action de la Confédération » auraient comblé cette lacune.

Mais au printemps 2016, le Conseil fédéral a considéré que

cela reviendrait trop cher, en regard de la situation politique

et financière de la Suisse.

• Au printemps 2015, le droit sur l’entretien de l’enfant a été

réglementé au plan fédéral. La révision a permis de renfor-

cer partout dans le pays le droit de l’enfant à un entretien

et donc de réduire la charge des parents qui entretiennent

l’enfant. Cependant, des lacunes importantes subsistent

en ce qui concerne la garantie du minimum vital de l’en-

fant. Il manque encore et toujours un minimum d’entretien

pour l’enfant fixé par la loi. Les pensions alimentaires des

enfants restent incapables de garantir le minimum vital et

les avances sur entretien continuent de dépendre des ré-

glementations cantonales.

• Au début des années 2000, le monde politique a com-

mencé à débattre des prestations complémentaires pour

familles comme instrument de lutte contre la pauvreté des

familles et des enfants. Mais l’objet a échoué devant les

chambres fédérales en 2011.

En 2013, la Confédération a lancé le Programme national de

prévention et de lutte contre la pauvreté. D’ici 2018, il faut finali-

ser ses principes, mettre en réseau ses acteurs, publier des

lignes directrices de pratique et encourager les projets innovants.

Les prestations complémentaires pour familles réduisent la pauvreté des enfantsQuatre cantons proposent une prise en charge ciblée de

la pauvreté des enfants. Les cantons du Tessin (1997), de

Soleure (2010), de Vaud (2011) et de Genève (2012) ont

introduit les prestations complémentaires pour familles.

Ces prestations se basent sur le principe des prestations

complémentaires à l’AVS / AI. Elles complètent le revenu

des familles touchées par la pauvreté pour garantir le mini-

mum vital, mais sont liées à des incitations supplémentaires

à travailler. Selon les cantons, les prestations complémen-

taires pour familles voient quelques variations de détails.

Tous les cantons les conditionnent à une durée de rési-

dence donnée. À Soleure, elle n’est versée qu’aux familles

dont les enfants ont moins de six ans. Dans les autres can-

tons, on aide les enfants jusqu’à l’adolescence. Au Tessin

et dans le canton de Vaud, depuis l’âge de six ans, respec-

tivement depuis l’âge de trois ans, la condition de ressource

ne s’applique qu’à l’enfant, et non plus à toute la famille.

Ces deux cantons ne conditionnent pas le droit aux presta-

tions complémentaires pour familles à une activité profes-

sionnelle, mais ils réduisent les prestations à partir d’un re-

venu hypothétique. Cette mesure est censée garantir que les

familles de working poor en particulier bénéficient bien des

prestations. Mais au Tessin, les familles monoparentales sont

exclues de cette réglementation. À Genève et à Soleure, la

prestation est conditionnée à un emploi ou un revenu mini-

mum. Ce conditionnement est placé relativement haut spé-

cialement pour les familles avec deux parents. Ces deux can-

tons touchent donc assez peu de familles. Tous les cantons

endossent les coûts de prise en charge externe des enfants

et ont une franchise sur le revenu. Ils donnent de cette ma-

nière des incitations à l’activité rémunérée. Dans tous les mo-

dèles, le canton participe au financement. Dans les cantons

de Vaud et du Tessin, le financement passe aussi par un

pourcentage du salaire.

Les prestations complémentaires pour familles ont particu-

lièrement du succès dans les cantons de Vaud et du Tessin.

Dans ces deux cantons, plus de 3000 familles bénéficient

d’un soutien. Dans le canton de Vaud, depuis l’introduction

des prestations complémentaires pour familles en 2011, le

nombre de familles monoparentales qui recourent à l’aide

sociale a constamment baissé et le risque de pauvreté des

familles assistées a pu être nettement réduit. Au Tessin, les

prestations complémentaires pour familles ont incontesta-

blement permis de faire baisser le risque de pauvreté des

enfants et adolescents. Le nombre de jeunes Tessinois qui

risquent de recourir à l’aide sociale est nettement au-des-

sus de la moyenne nationale (4 %, la moyenne nationale

étant de 3,2 %). Mais le nombre de ménages avec enfants

recourant à l’aide sociale à Lugano n’a plus augmenté,

et s’est stabilisé à 4,4 %. Les enfants ne représentent donc

plus un risque de pauvreté au Tessin. Ils ne sont pas plus

représentés que la moyenne à l’aide sociale.

Les évaluations faites confirment l’efficacité des prestations

complémentaires pour familles. Elles réduisent nettement la

précarité et le stress quotidien des personnes touchées.

Les bénéficiaires soulignent l’avantage que représente l’au-

tonomie ainsi gagnée et estiment que le recours aux pres-

tations est moins stigmatisant que celui à l’aide sociale.

L’un des grands avantages des prestations complémen-

taires pour familles est qu’il n’y a pas d’obligation de les

restituer. À la différence de l’aide sociale, les familles ne

s’endettent pas lorsqu’elles les touchent. Ces prestations

complémentaires pour familles représentent donc claire-

ment une chance de se sortir de l’ornière de la pauvreté

dans un délai raisonnable. Par ailleurs, les cantons de Vaud

et du Tessin soulignent l’importance du coaching et de l’ac-

compagnement des familles. Dans le canton de Vaud, le

CoFa (coaching pour familles) représente également une

réalisation intéressante dans ce domaine. Ces deux can-

tons prévoient maintenant de renforcer les possibilités de

formation, et donc les chances des parents sur le marché

du travail.

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La pauvreté des familles et l’encouragement précoce en sont

des priorités et neuf millions de francs sont à disposition pour

ces deux axes. Par ce programme, la Confédération endosse

pour la première fois la responsabilité dans la lutte contre la

pauvreté. Mais on est forcé de constater que la garantie du

minimum vital des enfants continue de faire du surplace. Les

allocations sous condition de ressources, les pensions garan-

tissant le minimum vital et les prestations complémentaires

pour familles échouent au plan fédéral. D’ailleurs, dans la ma-

jorité des cantons, les défis que pose la pauvreté des enfants

restent sans réponse, alors même que dans leurs rapports sur

les familles et sur la pauvreté, les cantons désignent cette pau-

vreté comme le défi majeur auquel il faut faire face. En matière

de garantie du minimum vital, depuis des décennies, les can-

tons et la Confédération se renvoient la balle, peut-être dans

l’espoir que l’autre résolve le problème. Et la situation des en-

fants touchés par la pauvreté reste inchangée. Selon les en-

fants eux-mêmes, une famille a pour fonction première de

prendre ses membres en charge, de leur offrir soins, amour et

soutien mutuel. Mais les parents ne peuvent assurer ces tâches

de prise en charge, soins et soutien que s’ils disposent des

ressources nécessaires. C’est là que se situe la principale la-

cune. La Suisse se contente de constater qu’il y a 76 000 en-

fants pauvres sur son territoire. La pratique et l’efficacité des

prestations complémentaires pour familles, bien que testée

avec succès dans certains cantons, restent lettre morte.

Harmonisation entre vie familiale et vie professionnelle : une priorité fédérale

Les parents qui arrivent à harmoniser leur vie professionnelle

et leur vie familiale sont plus rarement touchés par la pau-

vreté. Ils réussissent mieux à gagner un revenu garantissant

le minimum vital. Pour lutter contre la pauvreté des enfants,

il faut donc encourager cette harmonisation. D’une part, il

s’agit d’offrir des conditions de travail qui prennent en

compte la vie de famille. Sur ce point, c’est aux entreprises

de jouer. D’autre part, il faut enrichir les possibilités de prises

en charge externes des enfants, aussi bien dans la petite

enfance qu’à l’âge de la scolarité. Depuis quelques années,

la Confédération a fait de ce domaine une priorité de sa po-

litique familiale.

Même si l’article sur la famille qui, en 2013, cherchait à ins-

crire dans la Constitution l’encouragement de l’harmonisa-

tion entre vie professionnelle, vie familiale et formation a été

refusé par les cantons malgré une courte majorité devant le

peuple, il n’en reste pas moins que l’encouragement des

possibilités de prises en charge externes des enfants est une

priorité de la politique familiale de la Confédération depuis

2003. Grâce à la loi fédérale sur les aides financières à l’ac-

cueil extrafamilial pour enfants, on a pu créer ces quinze der-

nières années plus de 50 000 nouvelles places de prises en

charge dans des jardins d’enfants et des centres de jour.

Selon les régions, cet effort est toutefois nettement à relati-

viser. Les cantons de Vaud, Genève, Berne et Zurich se sont

fortement engagés et ont chacun créé plusieurs milliers de

places. À l’opposé, dans les cantons d’Uri et d’Appenzell

(AI), aucune place n’a été créée. On peut dire que de nom-

breux lieux en Suisse manquent encore cruellement de

places de crèche.

De plus, les crèches restent souvent trop chères pour les

familles touchées par la pauvreté. Certes, les études montrent

que les coûts d’exploitation des crèches sont relativement si-

milaires en Suisse, en France, en Allemagne et en Autriche ;

mais ces trois pays voisins, contrairement à la Suisse, re-

courent beaucoup plus à des systèmes de subventions.

C’est ainsi qu’à Salzbourg, une famille qui place ses deux

enfants d’âge préscolaire en crèche trois jours et demi par

semaine doit débourser environ 4 % de son revenu pour ce

faire. À Francfort ou à Lyon, il faut débourser entre 5 et 6 %.

En Suisse, c’est trois fois plus cher. À Lausanne, il faut comp-

ter 13 % du revenu familial, et à Zurich, 19 %. Les différences

sont donc énormes, même au sein du pays. À Zurich, deux

tiers des coûts d’une place en crèche sont à la charge des

parents, alors que dans le canton de Vaud, c’est moins

de 40 %. Outre la main publique, les employeurs participent

également au financement des structures de prise en charge

extrafamiliale. Ce modèle de financement par un fonds a fait

ses preuves depuis 2006. Les employeurs l’alimentent avec

0,04 à 0,18 % du salaire. En échange, ils disposent de plus de

force de travail qualifiée. Récemment, ce modèle a été adopté

par les cantons de Fribourg et de Neuchâtel.

L’harmonisation reste un défi de taille par-delà la question

du coût. Les possibilités de prises en charge extrafamiliale

sont trop souvent mal adaptées aux besoins des familles.

Par exemple, les horaires de la crèche ne correspondent pas

à ceux de travail des parents, ou les jours de travail des pa-

rents et d’ouverture de la crèche ne sont pas les mêmes. La

prise en charge des enfants scolarisés durant les vacances

scolaires pose très souvent un problème.

Les nouvelles aides financières de la Confédération devraient

combler ces lacunes. En été 2017, 100 millions de francs ont

été promis sur cinq ans pour mieux subventionner les places

de crèche et promouvoir les possibilités de prise en charge

adaptées aux besoins des parents. Le développement de

ces aides financières contribue de manière décisive à offrir

un accès aux prises en charge extrafamiliales des enfants

d’âge préscolaire de familles touchées par la pauvreté.

Les cantons et les communes doivent maintenant remettre

des projets d’offres adaptées aux besoins et garantir le fi-

nancement résiduel qui permettra de garantir des places

bon marché dans les crèches et structures d’accueil.

La mesure alternative du canton du Tessin qui garantit

pour tous les enfants à partir de trois ans une place gra-

tuite dans un jardin d’enfants, qui permet d’harmoniser la

famille, la profession et la formation professionnelle pour

tous, y compris les familles touchées par la pauvreté, a fait

ses preuves.

8

Le jardin d’enfants gratuit dès trois ans soulage les familles

Le canton du Tessin propose depuis les années 30 déjà

des places de jardin d’enfants gratuites pour les en-

fants à partir de trois ans. 90 % des enfants du canton

bénéficient de cet encouragement précoce de qualité.

Le jardin d’enfants prend les enfants en charge entre

8 h 30 et 15 h 45 tous les jours ouvrables, avec congé

le mercredi après-midi. Après une période d’adaptation

individuelle, la plupart des enfants fréquentent le jardin

d’enfants toute la journée. Les parents emploient leur

temps ainsi libéré pour travailler. Le jardin d’enfants

gratuit pour les enfants dès trois ans réunit deux avan-

tages déterminants en ce qui concerne la lutte contre

la pauvreté des enfants : d’abord, il est gratuit pour les

parents et ne grève donc aucunement le budget fami-

lial, et deuxièmement, il ne s’agit pas d’une mesure

spéciale pour enfants défavorisés. Le jardin d’enfants

en effet est utilisé par toutes les familles, ce qui garantit

la mixité sociale. Le jardin d’enfants fonctionne avec

des objectifs pédagogiques de développement émo-

tionnel, cognitif et social. Les enfants, ainsi mis en

contact avec leurs pairs, sont stimulés et encouragés

sur tous les plans. On s’en rend compte notamment

dans le développement de la langue

Encouragement précoce : le monde politique ne prend pas ses responsabilités

En Suisse, la pauvreté est fortement liée au niveau de forma-

tion : plus le niveau de formation d’une personne est élevé,

moins elle court le risque de tomber dans la pauvreté. Les

personnes qui n’ont que le diplôme de fin de scolarité sont

deux fois plus nombreuses à vivre dans la pauvreté que

celles qui ont un diplôme de formation tertiaire. De plus, la

pauvreté se transmet d’une génération à l’autre. Deux tiers

des jeunes adultes qui n’ont pas de diplôme professionnel

sont des enfants de parents sans qualifications profession-

nelles. Donc les enfants qui sont nés dans un milieu matériel-

lement défavorisé subissent souvent durant toute leur vie les

conséquences de cette inégalité. Les jardins d’enfants et les

écoles qui prennent les enfants en charge à partir de leur

quatrième année ne sont pas en mesure de compenser l’iné-

galité de ces conditions de départ.

De nombreuses études nous permettent de savoir au-

jourd’hui que les premières années déterminent grandement

le bon développement des enfants, car elles forment le ter-

reau de leurs compétences à venir. Les enfants qui expéri-

mentent différentes situations avant de savoir marcher, par

exemple que l’eau qui coule des robinets est la même que

celle des ruisseaux et que celle qui disparaît dans le sable,

ont déjà posé les premières bases de leur développement

physique. Les jeunes enfants qui ont la possibilité d’observer

les chenilles au printemps et de ramasser les feuilles mortes

en automne comprennent mieux le déroulement du temps

et des saisons. Les jeunes enfants qui expérimentent la vie

communautaire, entendent des histoires, chantent et font

des puzzles apprennent à se comporter dans un groupe,

apprennent l’attente, l’écoute et la prise en compte de

l’autre. Ils apprennent à gérer les disputes autour des pièces

de lego, et à demander de l’aide lorsqu’ils ne savent pas

comment gérer le conflit. Les enfants imitent les autres en-

fants, que ce soit pour manger, rire ou parler. C’est ainsi

qu’ils apprennent aisément les langues. L’encouragement

précoce, pour quotidien et peu spectaculaire qu’il soit, est

donc indispensable, parce qu’il permet à l’enfant de se for-

mer tout seul grâce à sa propre curiosité. Il n’a besoin pour

cela que de stimulations et d’un accompagnement qualifié.

Tous les enfants tirent bénéfice d’un encouragement pré-

coce, mais les enfants de familles défavorisées encore plus

que les autres. C’est en tout cas ce que montrent des études

faites sur le long terme en Suisse et à l’étranger. Les enfants

qui suivent un programme préscolaire ont de meilleurs résul-

tats à l’école, redoublent moins, sont en meilleure santé et

obtiennent un plus haut niveau de formation. La question est

donc centrale de savoir comment ces effets positifs peuvent

être renforcés par la qualité de l’encouragement dans la pe-

tite enfance. Un grand nombre d’acteurs du domaine de la

recherche et du domaine pratique ont collecté des expé-

riences réussies et répertorié les critères nécessaires à un

bon encouragement précoce. Du personnel qualifié en

nombre suffisant, des conditions de travail correctes, la qua-

lité des modèles et de la formation et l’implication des pa-

rents sont des facteurs décisifs. Ce dernier facteur a une

importance cruciale dans la prise en charge extrafamiliale.

Les études montrent en effet que l’encouragement précoce

est particulièrement durable lorsque les parents sont impli-

qués et sensibilisés à l’importance de cette étape. Pratique-

ment, cela peut se faire soit dans des programmes de proxi-

mité et d’accompagnement des familles à domicile, soit

dans des prises en charge extrafamiliales promouvant expli-

citement la formation des parents.

L’encouragement précoce est de la compétence des

cantons. Leur engagement varie beaucoup d’un canton à

l’autre. En 2013 et 2015, Caritas a analysé les stratégies

cantonales dans le domaine de l’encouragement précoce et

observé des lacunes importantes. Aujourd’hui encore, une

moitié des cantons seulement dispose d’une stratégie dans

ce domaine pourtant central pour une politique de préven-

tion et de lutte contre la pauvreté. La Conférence des direc-

trices et directeurs cantonaux des affaires sociales (CDAS)

voit là une nécessité d’action. En collaboration avec la

Conférence des directrices et directeurs cantonaux de l’ins-

truction publique (CDIP) et de la santé (CDS), elle a défini

des jalons d’une coopération intercantonale relative à l’en-

couragement précoce et a déclaré la question prioritaire ces

deux prochaines années.

9

L’utilité d’un encouragement précoce de bonne qualité n’est

plus contestée aujourd’hui. Mais l’accès en reste fermé à

certains enfants et beaucoup de lieux n’ont tout simplement

pas d’offre de ce genre. Les recherches faites ces dernières

années montrent pourtant clairement à quel point il est stu-

pide de ne pas se préoccuper de l’éducation dans la petite

enfance. Une politique sociale qui veut investir dans la pré-

vention de la pauvreté doit intervenir exactement là, même

les analyses économiques le disent.

L’encouragement précoce ne se contente pas d’augmenter

les chances de formation et d’avenir des enfants touchés par

la pauvreté, il est aussi économiquement utile. Un bon sys-

tème d’encouragement précoce a en effet un impact positif

sur le potentiel de croissance de l’économie. Une étude ré-

cente montre que son utilité économique est déjà visible

lorsque 1000 enfants de milieux défavorisés ont fréquenté une

crèche ou bénéficié de mesures de soutien qui leur permettent

ensuite de fréquenter des niveaux de formation plus élevés.

Autrement dit, chaque franc investi dans l’encouragement

rapporte au moins une plus-value économique de 2,5 francs.

Les mères sont plus nombreuses à exercer une activité rému-

nérée, le degré de diplôme des enfants est plus élevé, ce qui

engendre de meilleurs salaires, plus de recettes fiscales, une

diminution des recours aux prestations sociales et des effets

positifs en matière de socialisation et d’intégration.

L’encouragement précoce, qu’est-ce que c’est ?On parle aujourd’hui communément d’éducation et ac-

cueil des jeunes enfants (EAJE) pour parler des possibi-

lités d’éducation et de prise en charge des enfants d’âge

préscolaire (groupes de jeux, crèches, familles de jour)

et des diverses et variées offres de soutien pour les fa-

milles. L’aspect « éducation » est en réalité du fait des

enfants eux-mêmes, à cause de leur curiosité naturelle,

alors que l’aspect « prise en charge et formation » est

confié à des adultes compétents. Caritas approuve cette

définition, mais l’œuvre d’entraide continue pour sa part

de parler d’encouragement précoce, car cette notion

englobe toutes les offres internes et externes à la famille

s’adressant à des enfants d’âge préscolaire jusqu’à leur

entrée au jardin d’enfants et favorisant le développement

global et harmonieux du petit enfant. Ces offres sou-

tiennent les processus individuels d’éducation et de dé-

veloppement de l’enfant. La prise en charge extrafami-

liale de l’enfant (crèche, groupe de jeu, famille de jour,

etc.), le conseil et les cours aux parents, mais aussi les

centres de rencontre socioculturels pour familles avec

petits enfants ou encore les offres de services acces-

sibles et proches des lieux de vie en font partie.

Les besoins selon Caritas

La pauvreté des enfants est un désastre, non seulement au-

jourd’hui, mais à long terme dans le cursus de ces futurs

adultes. Les enfants touchés par la pauvreté auront moins

de chances de se former et moins de perspectives d’avenir.

Le champ d’action est étendu. À long terme, il est primordial

d’améliorer la situation des parents, par exemple en leur

permettant d’accéder à des formations continues et de rat-

trapage. À court terme toutefois, il faut garantir le minimum

vital des enfants et améliorer leurs chances d’éducation et

de formation. De nombreux exemples, des pratiques et ex-

périences de longue haleine faites dans différents cantons

confirment la validité de ces deux approches. Au plan régio-

nal, une collaboration avec l’économie s’avère payante.

Pour combattre immédiatement la pauvreté des enfants,

Caritas préconise les mesures suivantes :

Garantir le minimum vital

Le minimum vital matériel est une condition sine qua non

pour une croissance saine. La Suisse s’engage constitution-

nellement à garantir aux enfants une protection particulière

et à les aider à grandir et s’épanouir. Il s’agit de respecter

immédiatement ce droit constitutionnel. Certains cantons le

font avec succès. Il faut introduire les prestations complé-

mentaires pour familles partout en Suisse sur le modèle tes-

sinois ou du canton de Vaud.

Les enfants de familles monoparentales sont plus nombreux

que la moyenne à être touchés par la pauvreté. Il faut donc

donner priorité à l’intérêt de l’enfant dans l’aide en matière

de prestations d’entretien, et garantir à chaque enfant une

contribution d’entretien minimale. Les avances sur contribu-

tion d’entretien doivent cesser de dépendre du revenu et

s’orienter sur les besoins de l’enfant. Il faut inscrire dans la

loi un montant minimal d’entretien de l’enfant.

L’accès à l’encouragement précoce

Les premières années de vie sont déterminantes pour le

développement de l’enfant. C’est dans cette période cru-

ciale que sont posées leurs chances d’avenir et de forma-

tion. L’encouragement précoce est nécessaire pour chaque

enfant, mais plus encore pour les enfants de familles tou-

chées par la pauvreté. Il faut donc garantir à chaque enfant

vivant en Suisse un accès à un encouragement précoce

de bonne qualité, que ce soit par le biais d’offres institution-

10

nelles comme les crèches, ou par le biais de projets de proxi-

mité. Les offres doivent être gratuites pour les familles pauvres.

Si les cantons n’arrivent pas à réaliser un encouragement

précoce au plan national, la Confédération doit prendre la

responsabilité de ce domaine central en matière de lutte

contre la pauvreté, participer plus activement à son finance-

ment et garantir sa qualité et sa facilité d’accès.

Garantir l’harmonisation entre vie familiale et professionnelle

La prise en charge extrafamiliale de l’enfant d’âge présco-

laire et scolaire permet aux parents d’harmoniser la vie fami-

liale et la vie professionnelle. Il faut donc la garantir pour

chaque enfant vivant en Suisse. L’offre doit couvrir la de-

mande. Étendre à toute la Suisse les aides financières per-

mettant cette prise en charge est donc prioritaire. Les can-

tons et les communes doivent mettre en place des projets

permettant de réaliser des places de crèche à prix raison-

nable et garantir leur financement.

En matière de prise en charge de la petite enfance, le mo-

dèle tessinois s’impose depuis les années 30. Le jardin

d’enfants gratuit dès l’âge de trois ans décharge les familles

et réduit la pauvreté des enfants. Il faut l’introduire dans

toute la Suisse.

En parallèle, il faut mettre en place dans l’économie, pour les

femmes et les hommes, dans tous les champs professionnels et

à tous les niveaux de carrière, des conditions d’emploi permet-

tant de concilier la vie de famille avec la vie professionnelle.

Bibliographie

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Lucerne, 2016.

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politique de prévention de la pauvreté 2015. Lucerne, 2015.

Caritas Suisse : Des chances égales contre la pauvreté. Une

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servations de Caritas concernant la politique de prévention

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Caritas Suisse : Arme Kinder. Sozialalmanach. Lucerne, 2012.

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Autres publications choisies

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Novembre 2017

Auteure : Bettina Fredrich, Secteur Études, Politique sociale courriel : [email protected], Tél. +41 41 419 23 37. Traduction : Nicolas Couchepin

Cette prise de position peut être téléchargée sur le site de Caritas Suisse, www.caritas.ch/prises-de-position

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