Vacher de Lapouge Georges. Sur les juifs. extrait de l'Aryen son rôle social. 1899. socialisme scie

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LES DERNIÈRES TENTATIVES Les résurgences de l'antisémitisme socialiste ulté- rieures à l'affaire Dreyfus émanent le plus souvent d'individus isolés. Georges Vacher de Lapouge est un personnage en marge, théoricien d'abord raciste avant d'être antisémite. Maurice Allard apparaît comme l'ultime représentant d'un vaste courant q'antisémitisme antichrétien qui disparaît à la Belle Epoque, ou plus précisément entre dans une sorte de clandestinité. Urbain Gohier est en rupture de drey- fusisme et devient un pamphlétaire d'ultra-droite. Enfin André Colomer appartient à un courant de pensée doctrinal, l'anarchisme individualiste, qui dépasse rarement le stade de l'imprécation. Seul Ro- bert Lauzon est affilié à un milieu socialiste qui partage tout ou partie de ses conceptions antisémites. Georges Vacher de Lapouge (1854-1936) Antisémite « extraordinaire », selon Louis-Ferdinand Céline qui en fera son miel, Vacher de Lapouge s'avise d'un texte de prairial An X qui interdit le port du costume ecclésiastique et fait dresser procès-verbal à un prêtre passant dans la rue. En 1888 et 1892, il est candidat du Parti Ouvrier guesdiste aux élections municipales. Socialiste, Lapouge l'est fermement en haipe du libéralisme; il l'est aussi par dirigisme eugéniste (l'Etat devant planifier une sélection raciale) ; il l' est enfin par 97

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GeorgesVacher deLapouge(1854-1936) 97 antisémitisme, etassurait aumême titre que Düring «que les Juifs ne sauraient être convenablement matés que par un régime socialiste »1. En 1899,ilfaitparaître L'Aryen, son rôle social, uncopieux volume àprétention scientifique quis' achè- veparunchapitre relatifà«L'Avenirdesaryens ». 1 L.Poliakov, Histoire del'antisémitisme, op.cit.,p.277. MARC CRAPEZ L'ANTISËMITISME DEGAUCHE AUXIX' SlËCLE 98 99

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LES DERNIÈRES TENTATIVES

Les résurgences de l'antisémitisme socialiste ulté-rieures à l'affaire Dreyfus émanent le plus souventd'individus isolés. Georges Vacher de Lapouge estun personnage en marge, théoricien d'abord racisteavant d'être antisémite. Maurice Allard apparaîtcomme l'ultime représentant d'un vaste courantq'antisémitisme antichrétien qui disparaît à la BelleEpoque, ou plus précisément entre dans une sorte declandestinité. Urbain Gohier est en rupture de drey-fusisme et devient un pamphlétaire d'ultra-droite.Enfin André Colomer appartient à un courant depensée doctrinal, l'anarchisme individualiste, quidépasse rarement le stade de l'imprécation. Seul Ro-bert Lauzon est affilié à un milieu socialiste quipartage tout ou partie de ses conceptions antisémites.

Georges Vacher de Lapouge (1854-1936)

Antisémite « extraordinaire », selon Louis-Ferdinand Célinequi en fera son miel, Vacher de Lapouge s'avise d'un texte deprairial An X qui interdit le port du costume ecclésiastique etfait dresser procès-verbal à un prêtre passant dans la rue. En1888 et 1892, il est candidat du Parti Ouvrier guesdiste auxélections municipales. Socialiste, Lapouge l'est fermement enhaipe du libéralisme; il l'est aussi par dirigisme eugéniste(l'Etat devant planifier une sélection raciale) ; il l' est enfin par

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antisémitisme, et assurait au même titre que Düring « que lesJuifs ne sauraient être convenablement matés que par unrégime socialiste »1. En 1899, il fait paraître L'Aryen, son rôlesocial, un copieux volume à prétention scientifique qui s' achè-ve par un chapitre relatif à « L'A venir des aryens ».

Le seul concurrent dangereux de l'Aryen, dans leprésent, c'est le Juif. La question juive ne se posecependant pas à mes yeux de la même façon qu'àceux des antijuifs, et de Drumont en particulier, sinous prenons l'affaire du côté français. Pour Dru-mont et ses amis, l'Aryen c'est l'indigène, le Fran-çais de nation, c'est-à-dire en fait le brachycéphaleplus ou moins pur ou mélangé d'Europœus, résultatdes longues sélections du passé. Par la Révolution lebrachycéphale a conquis le poqvoir, et par une évo-lution démocratique ce pouvoir tend à se concentrer,en théorie, dans les classes inférieures, les plus bra-chycéphales. L'antisémitisme politique a pour but deconserver l'œuvre de la Révolution, et d'empêcherle passage du pouvoir entre les mains des Juifs, etplus généralement des étrangers. Sur cet antisémi-tisme politique se greffe l'antisémitisme économi-que, forme du protectionnisme, et l'antisémitismereligieux, forme du cléricalisme.

L'Aryen tel que je l'ai défini est tout autre, c'estl'Europœus, une race qui a fait la grandeur de laFrance, et qui est aujourd'hui rare chez nous et pres-que éteinte. C'est une race, non pas un peuple, et lespeuples qui s'y rattachent, Anglais, Hollandais, Am-éricains sont des étrangers, et plutôt des ennemispour nous. La question telle que je la comprends estdonc surtout de savoir qui, des Anglais et des Amé-ricains ou des Juifs, possède le plus de chances dansla lutte pour l'existence. Dans ces conditions nousautres Français sommes intéressés dans la qm:stioncomme le lièvre dont on discute la sauce, et notre

1 L. Poliakov, Histoire de l'antisémitisme, op. cit., p. 277.

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sauce à venir peut être juive, sansquelesuqcèsQ.~;f1tnitif des Aryens soit compromis. •••.•.•••• ; •••••;

Le problème ainsi posé comporte une explicationqu'il ne faut pas différer. Si Europœusestbienunerace zoologique, les Juifs sont plutôt une race ethno-graphique, et par suite le problème n'est pas identi-que en théorie à celui de la concurrence d'Europœuset d'Asiaticus, par exemple, ou d'Europœus et dubrachycéphale Alpinus. En pratique cela n'a pas unegrande portée. Si les Juifs sont une race factice, ilsont été poussés par leur mode d'existence à un degréd'unité psychique égal à celui des races zoologiquesles mieux déterminées, et si l'incohérence zoologi-que se reflète dans la psychologie du Juif, cette ins-tabilité même est une caractéristique de leur psy-chologie.

En fait les Juifs, comme les Cananéens en général,les Phéniciens, les Carthaginois, représentent unepopulation bâtarde, issue du mélange d'envahisseursdolicho-blonds et d'indigènes très divers de l'an-cienne Palestine. A cet élément premier se sontjoints, dans les diverses régions colonisées par lesJuifs, des éléments indigènes très différents. Commeles Phéniciens, les Juifs étaient grands voyageurs, etplusieurs siècles avant leur dispersion ils se répan-daient déjà dans toute l'Asie occidentale et enÉgypte. Partout où s'installait une colonie juive, lapropagande religieuse augmentait bientôt le nombredes adeptes, mais le recrutement se faisait de tellefaçon que la psychologie juive était peu altérée. Ilfallait pour devenir Juif une véritable affinité, sem-ble-t-il, avec le Juif d'origine. C'est pourquoi le Juifnous apparaît toujours le même au point de v1}emo-raI: à Babylone, chez les Pharaons, dans l'~gyptedes Ptolémées, dans la Rome de Cicéron, à Ephèseou en Espagne, le Juif était ce que nous le voyonsaujourd'hui en France, en Pologne ou en Hongrie.La nation juive contemporaine est le meilleur exem-

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pIe de convergence psychique: l'indice varie de 77en Algérie à 83 en Pologne, les Juifs sont blonds, lesJuifs sont bruns, mais partout ils sont les mêmes, ar-rogants dans le succès, serviles dans le revers, cau-teleux, filous au possible, grands amasseurs d'ar-gent, d'une intelligence remarquable, et cependantimpuissants à créer. Aussi dans tous les temps ont-ilsété odieux, et accablés de persécutions qu'ils onttoujours mises sur le compte de leur religion, maisqu'ils semblent avoir méritées par leur mauvaise foi,leur cupidité et leur esprit de domination. Si l'onréfléchit que l'antisémitisme est bien antérieur auchristianisme, qu'il remonte au moins au xv" siècleavant notre ère, il est difficile de voir dans le sup-plice du Christ la cause unique de la. haine dont ilsont été poursuivis par les chrétiens.

Tel qu'il est, avec ses défauts balancés au point devue de ses destinés futures par de hautes qualités in-tellectuelles et un vif esprit de race, le Juif apparaîtbien comme un concurrent sérieux de l'Aryen dansla conquête du monde. Il ne faut pas cependant sefaire d'illusions sur l'étendue de ses chances limitéesdans l'espace et le temps. [...]

Le caractère ubiquiste de la nation juive, unique etpartout présente, lui permet de se superposer auxmultiples nations de race inférieure, et de constituerau-dessus d'elles une puissante unité gouvernante.Les Juifs peuvent devenir pour la moitié de l'Europece que sont les Anglais dans l'Inde. La conquête dela France, plus facile en raison de la constitution dupays et de l'absence d'aristocratie organisée, sepoursuit en ce moment sous nos yeux. Avoir faitcette conquête sans bruit, sans bataille, sans répandreune goutte de sang, l'avoir faite sans autres armesque les millions des Français et les lois du pays, cetexploit est plus merveilleux que ceux d'Alexandre etde César. [...]

Les peuples catholiques ont si bien conscience de

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la cause de leur déchéance, due aux sélections r~li-gieuses plus qu'à toute a~tre caus,e d'usu:e, qu 11ssont disposés à tout sou,ffnr de~ JUIfs. Plutot que dereprendre le joug de l'E.glise;.lls accept~ront la, do-mination nouvelle, si pleme d mconnu qu elle sOIt.

[...]A mesure que le régime ploutocratique - si mal

appelé démocratique - se développera en Europe, ~:mpeut donc s'attendre à voir se développer un~ PUIS-sante féodalité juive, maîtresse du sol, des usmes etdu capital, profondément. séparée d,u p~uple par lareligion, la race et l'orgueIL Le seul e~ueI~ s,urleque.lpuisse se briser la destinée de la natlon JUIve seraItcelui du socialisme mais de longtemps ce dangern'est plus à craindr~, Beaucoup de socialistes esti-ment que le mouvement de.conce,nt:ation des .ri~hes-ses entre les mains des JUIfs dOIt etre favonse partous les moyens. C'est le procédé .le pl,us ~ûr et leplus doux de parvenir à la natlOnahsatlOn desmoyens de production. Il suffira de frapper une. clas-se peu nombreuse, étrangère et détes,tée. A~ s~m duparti ouvrier j'ai moi-même prop~ge ce~te Idee. ~eraisonnement n'était pas mauvaIS, mals les JUIfsl'ont fait aussi et se gardent. Il n'y a pas de révol~-tion socialiste possible tant que dureront .les ~ormI-dables armées d'aujourd'hui, dont la fonctIon, Il fautbien le dire, est plutôt de.mainten,ir le r~gin:e pl?uto-cratique contre les tentatives de revolutlOn mt~r~eureque de défendre ch~que pays, contre son VOIsm. Ilsuffirait donc aux JUIfs de se reserver les charges ~ejudicature et l~s hauts emplois m~lit~ires pour mam-tenir leurs sUJets dans la soumISSIOn, comme lesFrançais font en Indo-Chine et les Anglais dansl'Inde.

Je crois que la domination juive ne sera pas plusdouce que le fut celle des Cart~aginois; Le sang e~tau fond le même, la psychologIe la meme. On. VOlttrop le Juif obséquieux qui demande, on oublie le

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Juif arrogant qui commande. Il y a chez cet être, àdouble face, de la femme qui ruse et caresse pourcorrompre, du prêtre hautain et dominateur. Si lesJuifs fournissent très peu de criminels de sang, etune proportion si forte de voleurs, de faussaires etd'escrocs, ils sont plus vindicatifs que doux, et cequ'ils craignent c'est le gendarme et le juge. Depuisla Commune, une seule fois le peuple et l'armée sesont trouvés aux prises. C'était à Fourmies et unJuif fit ouvrir le feu. Je crois que la répressï'on destenta~ives des ouvriers, des paysans aussi que l'op-pressIOn pousserait à l'émeute, serait souvent terri-ble, dans un but exemplaire. Un feu en rafale cou-chant des centaines de cadavres à terre en trente se-conde calmerait les esprits très au loin. Et si l'arméenationale, bien que très disciplinée, encadrée dechefs juifs ou dévoués entièrement au régime de laploutocratie juive, laissait cependant à désirer, il se-rait aisé de faire faire les plus dures besognes par lesrégiments jaunes ou noirs, dont la base de recrute-ment serait assurée par les vastes colonies apportéespar la France et l'Allemagne..Est-il probable que les Juifs aillent plus loin, par-

~I~n~e?t à se Su?s~ituer à la population indigèneehmmee par la mlsere ou autrement? Je ne le croispas ..Le Juif est de nature incapable de travail pro-ductIf. Il est courtier, spéculateur, il n'est pas ou-v~ier, pas agriculteur. Organisé pour s'emparer ha-bll~ment du fruit du travail d'autrui, le Juif ne peuteXIster sans une population bien plus nombreused'inférieurs qui sèment, récoltent, tissent et construi-sent pour lui. S'il n'est pas la première aristocratied~ mond~, iJ est c~rtaineme!lt la mieux adaptée à laVie parasItaIre. Predateur, nen que prédateur, il estun ~ourgeois, il ne peut, ne veut être qu'un bour-geOIS.

Le Juif, obéissant à ses aptitudes prodigieuses despéculateur et d'escroc, traite toute affaire politique

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comme une spéculation ou une escroquerie. Il nevoit que le résultat immédiat, que l' avantage direc~,sans s'inquiéter des répercussions. C'est le parfaitopportuniste, jamais il ne se doute que l'avenir estfils du présent, il ne vit que dans et pour le présent.C'est pourquoi sa direction politique n'est pas .seu-lement immorale mais encore et surtout destructive.

Les Juifs n'ont pas d'avantage l'esprit militaire.[...]

Les Aryens n'ont donc pas à se préoccuper de laconcurrence des Juifs dans la direction des peuples.Quand même le rêve politique de l'ambition juiveviendrait à se réaliser, chose possible en somme danscette période de l'histoire où l'intérêt économiqueest seul pris en considération, le désordre et l' anar-chie mettraient promptement à la discrétion des peu-ples guerriers de race blonde les États qui auraientaccepté la domination sémitique. Si grandes quesoient lesJorces des peuples soumis à sa direction, leJuif se chargera lui-même de les désorganiser, de lesdétruire, et de faire partie belle à ses adversaires.

L'Aryen, son rôle social, Fontemoing, 1899, pp. 464-471, 476 .

Maurice AHard (1860-1942)Partisan du socialisme d'Édouard Vaillant, Maurice Allard

est avocat et entre en 1910 à L 'Humanité. Il est l'un des der-niers adeptes de l'antisémitisme antichrétien. Aux législativesde mai 1898, son adresse aux électeurs prouve qu'il n'entendpas froisser les susceptibilités chauvines ou antisémites des va-rois. Il déclare souhaiter « en finir avec tous les exploiteurs ettous les traîtres [qui] veulent perpétuer l'état de servage éco-nomique dans lequel végètent si misérablement les ouvriers desvilles, les paysans, les petits commerçants, les petits industriels,tous ceux en un mot qui travaillent réellement et constituent lesforces vives de la nation ». Réélu député du Var, il préface en1903 une œuvrette anticléricale, Les Charlatans Noirs 1, et af-firme par ailleurs: « Moi, qui ne suis pas antisémite, je ne faisaux Juifs qu'un seul reproche, celui d'avoir empoisonné la

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