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Utilisation de la spectrométrie de masse pour diverses études protéomiques en 2010 Lurlene Akendengue, Cyrielle Arlot, Florence Breil, Gaelle Fontaine, Jérome Funel, Alexandre Gay, Mathieu Hays, Audrey Loiseau, Charlène Perrois, Elodie Regulus, Maya Salhi, Anaïs Vaissiere Professeur encadrant : François Couderc Promotion 2010-2011

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Utilisation de la spectrométrie de masse pour diverses études protéomiques en

2010

Lurlene Akendengue, Cyrielle Arlot, Florence Breil, Gaelle

Fontaine, Jérome Funel, Alexandre Gay, Mathieu Hays, Audrey Loiseau, Charlène Perrois, Elodie Regulus, Maya

Salhi, Anaïs Vaissiere

Professeur encadrant : François Couderc

Promotion 2010-2011

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Sommaire

Introduction 3

I. Applications en protéomique 4

I.1/ Le Laserspray Ionization 4

I.2/ Analyse de protéines membranaire 6

I.3/ Détermination de la partie N-terminale des protéines 7

I.4/ Enrichissement des peptides pour l’analyse en MALDI-TOF 8

I.5/ Autres applications à la taxonomie et à la biominéralisation 8

II. Modifications post traductionnelles 9

II.1/ Phosphorylation 9

II.1.1/ Analyse d’une phosphoprotéine recombinantei 9

II.1.2/ Diverses études de phosphorylations 11

II.2/ Glycosylation 11

II.2.1/ Enrichissement en glycoprotéines sur billes d’hydrazide 11

II.2.2/ Enrichissement par billes couplées à l’acide boronique 12

II.3/ O-Acylation 13

II.4/N-Acétylation et N-méthylation 14

III. Quantification de protéines par spectrométrie de masse 15

III.1/ SILACii : 15

III.2. iTRAQiii

: 17

IV. Applications Médicales 20

IV.1/ Identification par 2D-DIGE et phage display(iv

) 20

IV.2/ Etude des biomarqueurs dans les cancers (v) 21

Conclusion 22

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Introduction

La protéomique connaît un essor depuis quelques années et le nombre de publications

ne cesse d’augmenter d’années en années, traduisant un intérêt grandissant pour ce

domaine. L’étude du protéome s’attache à identifier les protéines et à les caractériser.

La spectrométrie de masse dans les études protéomiques combine généralement

l’électrophorèse bidimensionnelle à la détection par MALDI-TOF MS pour réaliser une

cartographie peptidique. Par ailleurs, les techniques nano-chromatographiques liquides

couplées à des spectromètres de masse tandem (MS/MS), sont une approche attractive

par leur capacité à fragmenter des peptides présents en très faible quantité, afin

d’obtenir des informations de séquence en acides aminés. Ce couplage permet dans de

nombreux cas de s’affranchir de l’étape de séparation par électrophorèse

bidimensionnelle et de caractériser ainsi l’ensemble des protéines ainsi que leurs

modifications post-traductionnelles directement à partir de mélanges. Elle permet

également de quantifier les variations du taux d’expression d’une protéine. D’un point

de vue clinique, la détection et la quantification d’un marqueur protéique permet le

diagnostic d’une pathologie.

Cette revue, réalisée par la promotion 11 du Master EGPR, présente une vue d’ensemble

des avancées en spectrométrie de masse qui ne cessent d’émerger dans un souci

d’élaboration de méthodologies performantes, spécifiques et sensibles pour

l’identification et la caractérisation des protéines.

- 4 -

I/ Applications en protéomique

Les progrès des techniques en protéomique permettent de caractériser de plus en plus de

structures et de plus en plus de paramètres physiques et biochimiques.

I.1 Le Laserspray Ionization – une nouvelle méthode pour l’analyse directe sur

un tissu à pression atmosphérique

Le laser spray ionisation permet l’analyse de protéines directement à partir d’un tissu

en utilisant un système d’ionisation à pression atmosphériquevi

Cette alternative pour la production d’ions multichargés est basée sur une découverte récente.

En effet, l’ablation des matrices de MALDI, produit des ions multichargés à pression

atmosphérique de la même manière que l’ESI. Mais cela est effectué directement sur un

échantillon solide (et non pas dans un solvant volatil). Plusieurs ions protéiques de poids

moléculaire inférieur à 20000 Da sont détectés hautement chargés à partir d’un échantillon de

cerveau de souris dépourvue de lipide.

Cette technique a la capacité d’engendrer des ions multichargés ce qui permet

l’analyse de protéines de haut poids moléculaire avec une résolution de masse de 100 000

(FWHH, m/z 200) sur un spectromètre de masse Orbitrap

Figure I.1 A Spectre de masse complet avec « encarts » montrant les ions de protéine et de

peptides multichargés obtenu à partir d’un Orbitrap Exactive à 100,000 (FWHH, m/z 200) de

résolution de masse en rassemblant les acquisitions des 15 premières secondes représentant

les ablations faite par le laser sur la quasi totalité du tissu couvert par une solution de 2,5-

DHAP

B Tissu après les ablations des tirs de laser

- 5 -

Une seule acquisition a été nécessaire pour l’identification d’un fragment basique d’une

protéine du cerveau la myéline. Ceci a été réalisé par la méthode de fragmentation ETD

(Electron Transfert Dissociation) un transfert d’électron sur un cation. Une haute résolution

obtenue ainsi qu’une grande précision sont obtenue en une seule acquisition afin de

déterminer le poids moléculaire qui est confirmé par la base de données des fragments

obtenus par ETD. De plus, la capacité d'acquérir un spectre de masse

à partir d'un seul tir laser utilisant un laser à azote relativement peu coûteux suggère le

potentiel de l’obtention d’une imagerie des tissus rapide.

Figure I.2 Analyse d’un peptide de la myéline en MSMS après un tir de laser sur

l’échantillon. Fragmentation en ions c et z par la méthode de l’ETD

Ions c = H2N-CHR-CO-NH-CHR-CO-NH3+ = M + 1

Ions z = +CHR-CO-NH-CHR-COOH= M -16

- 6 -

I.2/ Analyse de protéines membranaire

La spectrométrie de masse et l’analyse en gel 2D représentent les méthodes majoritairement

utilisées. L’objectif de nombreuses études est l’identification de protéines selon différentes

conditions d’analyses ou d’expression et les différents profils d’expression des protéines sont

comparés et obtenus à partir de gel 2D.

De façon générale, les protéines sont extraites de tissus ou de cellules, puis séparés par gel

électrophorèse 2D. Les protéines peuvent être visualisées par un traitement du gel à l’argent

ou au Bleu de Coomassie et des logiciels analysent les profils obtenus et quantifient les

différents spots. Le ou les spots d’intérêt sont ensuite récupérés et analysés par spectrométrie

de masse.

De nombreuses applications sont retrouvées dans la littérature. Par exemple, l’analyse de

protéines membranaires représente un challenge. L’étude de ces protéines reste difficile à

cause de leur domaine hydrophobe difficilement dissout, et de nombreux problèmes sont liés

à la solubilité.

Wang et son équipe, propose une stratégie d’étude qui se base sur la dénaturation des

protéines membranaires avec une très forte concentration d’urée, leurs permettant ainsi d’être

ionisées de telle sorte, qu’on puisse les séparer par chromatographie d’échange d’ions (vii

).

Les protéines membranaires préparés à partir de foie de souris sont dissoutes et chargé sur des

appareils de chromatographie en tandem couplés avec Q-Sepharose FF et Sephacryl S-200HR.

Ces colonnes sont capables d’absorber 97,87% des préparations de protéines membranaires.

Les protéines sont éluées par gradient linéaire NaCl (0-1M), et analysés par SDS-PAGE.

Après digestion des bandes obtenues à la trypsine, suivie d’une séparation HPLC en phase

inverse, les protéines sont identifiées par spectrométrie de masse par trappe à ions.

L’approche établissant des colonnes en tandem (ici échangeuses d’ions suivi d’un gel

filtration) a été proposé et largement pratiqué pour l’analyse protéomique. Les résultats

chromatographiques indiquent que la séparation des protéines est significativement améliorée

en utilisant cette technique comparée à l’utilisation d’une seule colonne résine.

- 7 -

I.3/ Détermination de la partie N-terminale des protéines

Xu et al.viii

ont étudiés les extrémités N-terminales des protéines afin de connaître la nature

des séquences reconnues par les différentes aminopeptidases ainsi que les protéines cibles de

ces enzymes. La technique de marquage des peptides N-terminaux des protéines s’appuie sur

le principe de la dégradation d’Edman habituellement utilisée pour le séquençage. La

purification de ces derniers est réalisée grâce à l’affinité de la biotine pour l’avidine (cf

fig I.3).

Les fonctions amines de la protéine (α-amine et ε-amine sur les éventuelles lysines) réagissent

avec le PITC, l’ajout de TFA (acide trifluoroacétique) va induire spécifiquement la

cyclisation intramoléculaire à l’extrémité N-terminale et le clivage de la liaison peptidique

entre le premier et le second acide aminé. La seule fonction amine restée libre en N-terminale

va ensuite réagir avec l’agent biotinylé (NHS-SS-biotine). L’ensemble des protéines est

séparé sur gel polyacrylamide et digéré à la trypsine. Après extraction des peptides du gel, les

peptides N terminaux marqués à la biotine sont purifiés grâce à des billes d’agarose couplées

à de la neutravidine et élués grâce à un agent réducteur le TCEP. Enfin, les peptides purifiés

sont analysés par MALDI-TOF ou par LC/MS/MS.

Fig I.3 : Schéma global et spectres de la stratégie de marquage et de purification des peptides N-terminaux

Ce type d’analyse permet la détermination des séquences N-terminales d’un grand nombre de

protéines et donc de connaître les protéines cibles des différentes peptidases comme les

méthionine aminopeptidases (MetAPs) qui clivent la méthionine en N-terminale. L’analyse

par LC/MS/MS donne également des informations sur la nature de la séquence d’un peptide

signal reconnue par différentes signal peptidases permettant l’adressage des protéines aux

différents compartiments cellulaires. Par exemple les auteurs démontrent que sur la totalité

des protéines étudiées, 57 % des peptides signaux contiennent une région chargée en N-

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terminal, 93 % une région centrale hydrophobe et 28 % une région C-terminale polaire non

chargée. De plus uniquement 14 % contiennent les trois régions classiquement décrites pour

caractériser un peptide signal. Un intérêt supplémentaire de ce type d’investigation est montré

par la possibilité de détecter les sites de clivage utilisés lors de l’induction des voies de

signalisation ou bien encore lors de l’induction de l’apoptose de la cellule. La seule restriction

à cette technique commune au séquençage par la dégradation d’Edman est l’impossibilité

d’analyser les protéines possédant un acide aminé N terminal bloqués (ex : acétylés).

I.4/ Enrichissement des peptides pour l’analyse en MALDI-TOF

Un des inconvénients du travail sur un mélange de protéine est qu’un pourcentage des

peptides issus des digestions enzymatiques n’est pas détecté. Cela peut être due à une

mauvaise capacité d’ionisation par rapport à d’autres peptides du mélange ou à une trop faible

concentration dans l’échantillon. Pour remédier à ce problème Rodthongkum et al.ix

ont

proposés une technique de purification de peptides en fonction

de leur pI. Celle-ci est réalisée grâce à des micelles inversés de

l’homopolymère I (voir ci-contre). Après digestion à la

trypsine des protéines d’un mélange, des extractions

liquide/liquide sont réalisées en présence des micelles inversés. Seuls les peptides chargés

négativement ayant un pI inférieur ou égal au pH présent à l’intérieur des micelles seront

purifiés pour être analysés par MALDI-TOF. Cela permet de détecter plus d’ions qui n’était

pas visible par une analyse MALDI-TOF classique.

I.5/ Autres applications à la taxonomie et à la biominéralisation

Lasch et al.x ont mis en place une techniques de détection plus rapide des souches de Yersinia

pathogènes pour l’Homme. Pour cela ils ont étudiés par MALDI-TOF environs 150 souches

de Yersinia des 13 espèces les plus connues et 35 souches d’entérobactéries. L’utilisation en

parallèles de tests statistiques leur a permis de définir des protéines détectables en MALDI-

TOF spécifiques, du genre et des différentes espèces de Yersinia.

Dans un but de recherche plus fondamentale, Mann et al.xi

ont étudié de la biominéralisation

dans un organisme modèle souvent étudié, les spicules de larves d’oursins. Après préparation

des échantillons grâce à une déminéralisation et l’ajout d’acide dilué, les protéines sont

séparées sur un gel SDS et sont digérées directement par la trypsine. L’analyse LC/MS/MS a

permis de déterminer les différentes protéines actrices dans le processus de biominéralisation.

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Fig.II.1.1: réaction de phosphorylation

II/ Modifications post traductionnelles

II.1/ Phoshorylation

La phosphorylation est une modification post traductionnelle très répandue dans les systèmes

eucaryotes supérieurs, et notamment dans certaines cascades de signalisation (e.g. voie des

MAP kinases). Elle fait intervenir des enzymes (les kinases) qui catalysent la réaction

suivante (fig.II.1.1):

Les résidus concernés par la phosphorylation sont principalement les thréonines et les sérines

et plus marginalement les tryptophanes, les hydroxyprolines et les histidines.

Le moyen le plus rependu pour analyser les phosphorylations reste la spectrométrie de masse

de type MS/MS En effet, lors de l’ajout d’un acide phosphorique sur un des résidus précités,

celui-ci subira un incrément de masse de +80 Da (+ 98 - 18 Da). On observera néanmoins

parfois une perte de 18 Da (+ 80 – 98 Da) du à la perte d’acide phosphorique sur l’ion. Cette

information est directement visible sur un spectre MS/MS en réalisant la différence de masse

entre deux ions consécutifs de même nature (b, y, a, x, c, z).

II.1.1/ Analyse d’une phosphoprotéine recombinantexii

La protéine MAT1 est dans un premier temps purifiée puis analysée par ESI MS : la protéine

est présente sous 2 formes différentes (fig.II.1.1) séparée par un Δ 80 m/z laissant penser à

une forme phosphorylée (P) et une non phosphorylée (NP). Après traitement à la phosphatase

alcaline, on observe la disparition de la forme (P), la phosphosérine devient une

DéHydroAlanine confirmant la présence d’une phosphorylation.

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Fig.II.1.1: Analyse ESI MS de la protéine MAT1 intacte avant traitement à la phosphatase alcaline et après traitement à la phosphatase alcaline (NP): forme Non Phosphorylée ; (P): forme Phosphorylée

Fig.II.1.2: localisation du résidu phosphorylé par nano LC MS/MS. (A) Spectre MS/MS du peptide monophosphorylé après digestion à la chymotrypsine

(B) Tableau de valeur des m/z des ions du peptide

Une analyse plus fine par ESI MS/MS est réalisée afin de déterminer précisément la position

de la phosphorylation. Après un criblage des différents peptides, un peptide candidat est

retenu et analysé (fig.II.1.2).

On remarque que l’ion b7 a un Δm/z de 69 (fig.3B). Cette masse ne correspond ni à une

Sérine (87 Da) ni à une PhosphoSérine (187 Da). Il s’agit en fait d’une PhosphoSérine ayant

perdue un acide phosphorique suivant le mécanisme suivant (fig.II.1.3)

NP

NP

P

- 11 -

Fig.II.1.2: Mécanisme de perte d’un ion phosphorique

II.1.2/ Diverses études de phosphorylations

Lorsque 2 sites supposés de phosphorylation sont spatialement proches et inséparables via une

digestion enzymatique, on ne peut pas attribuer la phosphorylation à l’un ou l’autre des

résidus. Les auteurs ont eu recours à la substitution d’un des 2 résidus putatifs par une alanine

pour déterminer le vrai site de phosphorylationxiii

Les auteurs ont mis en évidence qu’un peptide peut porter plusieurs phosphorylations par

étude directe des phosphopeptides en MS/MSxiv

Les auteurs critiquent le logiciel d’analyse de spectres MS/MS. Le logiciel trouve la séquence

d’un peptide qui n’existe pas dans la réalitéxv

II.2/ Glycosylation

II.2.1/ Enrichissement en glycoprotéines sur billes d’hydrazide

Une analyse des N-glycosylations présentes sur les glycoprotéines consiste en la

déglycosylation de ces protéinesxvi

. Pour cela un protocole a été mis en place : les

glycoprotéines sont oxydées au niveau de la partie osidique, il y aura ensuite fixation des

sucres de la protéine sur billes fonctionnalisées à l’hydrazide (Fig II.2.1.a ).

- 12 -

Fig II.2.1.a : Oxydation et couplage à l’hydrazide.

Le mélange de protéines sera ensuite lavé puis digéré à la trypsine de manière à ne garder que

les peptides glycosylés et liés à l’hydrazine. Les peptides obtenus seront relargués de la résine

couplée à l’hydrazine par la PNGase F (Fig II.2.1.b ). Cette enzyme n’implique pas seulement

la déglycosylation mais elle entraine aussi la transformation de l’asparagine en aspartate ce

qui entraine une différence de masse de 1 qui sera visible par MS/MS.

Fig II.2.1.b : Protocole expérimental d’analyse des protéines N-glycosylées.

Palmisano et al. ont analysé par cette méthode les glycoprotéines présente dans le vin et ils

ont effectivement pu déterminer les 44 sites de N-glycosylation de 28 glycoprotéines.xvii

II.2.2/ Enrichissement par billes couplées à l’acide boronique

Dernièrement, une autre technique d’analyse des glycoprotéines a été mise en place et cette

technique permet de ne pas passer par la déglycosylation des protéines analysées.xviii

La

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première étape consiste en un enrichissement des glycoprotéines par l’acide boronique

couplées à des billes magnétiques.xix

Ce mélange de protéines sera ensuite digéré par la LysC,

ré-enrichit et analysé après coupure à la trypsine. On pourra ensuite analyser les glycopeptides

de manière à connaitre les séquences osidiques présentes sur la protéine et avoir une idée du

site de glycosylation de la protéine analysée (Fig II.2.2 ).

Fig II.2.2 : Analyse d’un peptide de masse 1115, la séquence soulignée correspond à la

séquence consensus portant le motif glycosylé, les valeurs inscrites sur le spectre

correspondent au taille des différents sucres portés par l’asparagine (5 Hexoses et 4Hexoses-

N-acétylés)

II.3/ O-Acylation

Les protéines peuvent aussi présenter des O-acylation. Jusqu’à maintenant seules les protéines

des organismes eucaryotes étaient connues pour avoir cette modification post-traductionnelle.

Une équipe de chercheurs a mis en évidence et caractérisé cette O-acylation chez

Corynebacterium, un organisme procaryote.xx

Les auteurs ont identifié qu’il y avait une modification post-traductionnelle sur les protéines

porA et poH (porines de corynebacterium) en observant sur le spectre MALDI une différence

de masse de 478, 504 et 530 par rapport au masse théoriques de ces protéines. (Fig II.3 )

Ces différences de masse correspondent à plusieurs acides gras possibles de la famille des

corynomycoliques. Ils ont été identifiés par spectrométrie de masse après traitement alcalin

des protéines et analyse de la phase lipidique. L’analyse des spectres des souches mutantes

- 14 -

Cgl_otsA_treY_treS , pks13::km et fadD32::km connues pour présenter un défaut dans la

chaine de biosynthèse des acides corynomycoliques confirme l’identité de cette modification

post-traductionnelle.

Les auteurs ont ensuite déterminé la localisation de la modification post-traductionnelle par

dégradation d’Edman. En effet lors de la dégradation d’Edman, on obtient un

phénylthiohydantoine déhydroalanine quand la sérine 15 de PorA est dégradée indiquant que

la sérine 15 serait porteuse de la O-mycolation. En analysant le spectre Maldi-Tof d’un

mutant où la protéine PorA dans laquelle la sérine 15 a été mutée en valine, on observe un

seul pic de masse 4715 correspondant à PorA sans mycolation et où une sérine est substituée à

une valine.

Fig II.3 : Mise en évidence de la modification post-traductionnelle de PorA et PorH.

Différence de masse de 478, 504 et 530 par rapport aux masses théoriques de PorA (4680Da

( +H+: 4681Da; +Na

+: 4703Da) et de PorH, 6161Da ( +H+: 6162Da; +Na+: 6184Da).

II.4/N-Acétylation et N-méthylation

Les histones peuvent être modifiées post-traductionnellement. Ces modifications sont

impliquées dans la régulation transcriptionnelle des gènes. En 2010, une équipe de chercheurs

a mis au point une technique pour une caractérisation à haut débit des modifications post-

traductionnelles des histones.xxi

Leur technique consiste à une séparation des histones par

UPLC-MS avec un analyseur de type Orbitrap. L’analyse MS/MS haute résolution de

l’histone H4 révèle grâce à la mesure de la masse exacte une acétylation sur une lysine et non

pas 3 méthylations.

- 15 -

III/ La Quantification de protéines par spectrométrie de masse :

Aucune méthode n’est capable aujourd’hui, en une seule étape simple, d’identifier et

de quantifier les composants d’un échantillon complexe de protéines. Cependant plusieurs

stratégies de marquage ont été développées pour faire de la quantification relative, c'est-à-dire

pour comparer des niveaux de peptides ou protéines dans des conditions différentes, en

établissant des ratios d’intensité des pics de spectrométrie de masse.

Il existe plusieurs types de marquage pour faire de la quantification dont le SILAC,

pour le marquage in vivo, et l’iTRAQ, pour le marquage in vitro.

III.1/ SILACxxii

:

Le marquage SILAC consiste en l’incorporation d’isotopes lourds pendant la synthèse

des protéines. Les protéines que l’on veut quantifier seront marquées sur au moins un acide

aminé (on peut utiliser n’importe quel isotope pour ce marquage : 13

C, 15

N, 2H…) Le principe

repose sur le fait qu’une population de cellules se développe en présence de l’isotope léger, et

la deuxième population se développe en présence de l’isotope lourd. Dans chaque cas les

protéines des différentes conditions sont mélangées, séparées (par chromatographie liquide

généralement) et analysées par MS puis MS/MS. Comme leur ionisation sera identique, elles

produiront le même signal en MS, avec une différence de masse induite par l’incorporation

des isotopes. Un ratio pourra alors être établi entre les protéines marquées à l’isotope léger et

celles marquées par l’isotope lourd, pour en déduire une quantité relative.

Ces techniques de quantification par marquage métabolique sont idéales pour la

quantification à partir de lignées cellulaires, et permettent une analyse précise et assez simple.

En revanche, elles sont limitées à la culture cellulaire et ne sont donc pas adaptées à d’autres

types d’échantillons. De plus, le nombre d’incorporation d’isotope lourd étant variable selon

le temps d’incubation, cela rend les spectres plus difficiles à analyser du fait de la différence

de masse entre les peptides de l’échantillon contrôle et test. Il est également à noter que

l’incorporation d’isotopes varie suivant le compartiment cellulaire.

Un exemple original d’application du marquage SILAC a été réalisé dans le but

d’identifier les interactions spécifiques entre protéines et ARNsxxiii

. Pour cela, ils ont

synthétisé par PCR une population d’ARN contrôle et une population d’ARN dont on veut

identifier les interactants protéine qu’ils ont fusionnés avec un aptamère (obtenu par synthèse

- 16 -

chimique). Cet aptamère est un tag biotine qui servira à la purification. A côté de cela, deux

populations cellulaires identiques sont cultivées en présence de l’acide aminé marqué à

l’isotope lourd ou à l’isotope léger. Les conditions de marquage sont ensuite inversées afin de

pouvoir quantifier et établir des ratios qui nous permettront d’établir une zone d’interaction

spécifique. Les protéines et les ARN sont ensuite mélangés et mis en contact par pull down,

qui consiste en l’interaction de l’ARN biotinylé (fixé à des billes de streptavidine) avec les

protéines marquées. Après élution, une analyse MS/MS est réalisée afin de déterminer les

interactions spécifiques. Ces interactions pourront être identifiées grâce à l’intensité des

signaux sur le spectre MS et aux ratios que l’on calculera à partir de ces mêmes spectres.

Figure III.1.a : Stratégie pour l'identification d'interactions ARN/protéines

Le ratio des protéines marquées à l’isotope lourd par rapport aux protéines marquées à

l’isotope léger est établit. Ces ratios permettent de mettre en évidence une zone (représentée

en gris clair sur les graphes) dans laquelle la probabilité de retrouver des interactions

spécifiques est la plus importante. De ce fait, plus le ratio sera important, plus l’interaction

ARN/protéine sera considérée comme la plus spécifique. C’est ce qui est représenté en

exemple sur la figure III.1.a.

Grâce à cette méthode de marquage, les auteurs ont pu identifier de manière très

spécifique et reproductible les interactions protéines/ARN (ARNt, séquence IRES et ARN de

très petite taille), issus d’extraits cellulaires bruts.

- 17 -

Figure III.1.b: Identification de protéine interagissant de manière spécifique avec des

ARN cibles

III.2. iTRAQxxiv

:

Le principe de la technologie iTRAQ repose sur un marquage des groupes amines de

peptides tryptiques par une série de réactifs comprenant chacun un groupe reporter, un

groupe balance et un groupement réactif formant un lien covalent avec le peptide. Ce dernier

groupement réagit spécialement avec les amines primaires de l’extrémité amino-terminale ou

de la chaîne latérale des résidus lysine. Le reporter quant à lui, est un tag de masse 114, 115,

116, ou 117 (différentes combinaisons de 12

C/13

C et 16

O/18

O) selon les différents réactifs. Le

groupe balance possède des masses variant de 28 à 31 Da afin d’équilibrer la masse totale

constante de 145 Da pour chaque réactif. De ce fait, les peptides marqués avec ces différents

isotopes seront isobariques et ainsi indifférentiables par chromatographie. Pendant la

fragmentation, les ions fragments des groupes reporters montrent des masses distinctes de 114

à 117 Da, et les intensités de ces fragments sont utilisées pour la quantification de ces

peptides. On utilise donc avec cette technologie, le spectre MS/MS pour la quantification.

Recherche d’interaction de 552 protéines sur la

séquence régulatrice de HDAC2. Identification

de la protéine HuR spécifique de cette

séquence.

Identification des Méthyltransférases

interagissant interagissant spécifiquement avec

les ARNt

- 18 -

Figure III.2.a : Représentation schématique des réactifs iTRAQ

Cette technique a pour avantage de travailler simultanément avec quatre échantillons

différents en une seule expérience et permet à la fois identifier et quantifier les éléments

détectables d'un protéome complexe en un court laps de temps (comparé à la méthode

laborieuse des gels 2D). De plus, les peptides marqués sont isobariques et donc induisent une

seule espèce d’ion en MS qui sera utilisée en MS/MS. Ceci augmente l’intensité du signal et

donc la probabilité d’une identification correcte des peptides minoritaires. En marquant un

peptide de quantité connue, on peut alors établir une quantification absolue des autres

peptides. La nouvelle génération de iTRAQ comprend 8 réactifs qui permettent alors de

travailler avec 8 échantillons différents.

Ce type de marquage a, par exemple, été utilisé afin de déterminer les capacités

protectrices de l’haptoglobine sur l’oxydation de l’hémoglobinexxv

. Pour déterminer cela,

quatre échantillons ont été étudiés sous différentes conditions, comme le montre la

figure III.2.b.

- 19 -

Figure III.2.b : Stratégie de marquage iTRAQ

C’est en établissant le ratio de l’aire sous les pics des quatre réactifs iTRAQ que les

auteurs ont pu mettre en évidence les positions d’oxydation sur les différents peptides obtenus

après la digestion trypsique. Un hot spot oxydatif (acides aminés qui sont le plus fortement

oxydés). Et également les rôles protecteurs contre l’oxydation des complexes haptoglobine 1

et 2.

- 20 -

IV/ Applications Médicales

IV.1/ Identification par 2D-DIGE (DIfferential Gel Electrophoresis) et phage

display(xxvi)

Nous avons choisi de montrer la technique permettant une détection de biomarqueurs.

Cette technique débute par une analyse en gel 2D-DIGE (DIfferential Gel

Electrophoresis) afin de sélectionner les spots de protéines qui présentent une

expression différentielle entre les cellules cancéreuses et les cellules saines. Le gel 2D-

DIGE est une technique d’analyse qui repose sur l’utilisation de marqueurs fluorescents

capables de fixer les chaînes latérales des lysines. 3 marqueurs sont utilisés : le Cy2, Cy3

et Cy5. Les deux échantillons protéiques sont marqués respectivement au Cy3 et Cy5. Le

mélange protéique résultant est séparé par électrophorèse bidimensionnelle sur un gel

unique. Un échantillon contrôle, composé d’un mélange des 2 échantillons précédents

est marqué par un troisième fluorophore Cy2. Puis s’effectue une acquisition des images

correspondant aux protéines marquées respectivement par Cy3, Cy5 et Cy2. Les

résultats obtenus sont présentés en figure 1. Ces spots sont ensuite identifiés par

MALDI-TOF/MS.

B

FigI : le gel 2D-DIGE. A. Principe du gel 2D-DIGE. B. Résultats obtenus

A

- 21 -

Puis on isole des fragments scFv d’anticorps hyper spécifiques des biomarqueurs

identifiés grâce à une technique de gel 2D-DIGE. Le fragment scFv est exprimé à la

surface du phage en fusion avec la protéine membranaire P3 du phage. Entre les deux

protéines, un site de coupure à la thrombine est inséré. Les biomarqueurs d’intérêt sont

fixés sur une membrane de nitrocellulose et mises en présence d’une librairie de phages

présentant à leur surface des fragments scFv. Seront récupérés uniquement les

populations capables de fixer spécifiquement les protéines d’intérêt en répétant les

étapes de sélection. Suite à l’interaction scFv/protéine, le phage contenant l’ADNc du

fragment d’intérêt est récupéré par clivage à la thrombine. On réalise alors des cycles

d’amplification successifs tout en augmentant la stringence (par ajout de détergent) afin

de récupérer les fragments ayant une bonne affinité pour les biomarqueurs étudiés.

Ces fragments scFv sont ensuite utilisés dans des analyses de tissues microarrays ou

TMA afin de vérifier le profil d’expression de ces protéines sur des tissus sains et

malades.

Cette analyse consiste à récupérer différentes coupes de tissus issus de biopsie de

patients sains et malades. Les coupes fines de tissus sont placées sur une plaque de 96

puits, nous pouvons alors faire de l’Immunostaining. Dans un premier temps, tous les

tissus sont mis en présence des fragments scFv sélectionnés auparavant, et qui sont

capables de fixer les biomarqueurs spécifiques du cancer du sein. Puis on fait agir un

anticorps anti-scFv couplé à la peroxydase.

IV.2/ Etude des biomarqueurs dans les cancers (xxvii)

L’expression différentielle de certaines protéines entre des individus sains et souffrants de

cancers, permet de mettre en évidence de potentiels biomarqueurs notamment dans les

cancers oraux. Ces biomarqueurs permettent une détection précoce de la maladie pour une

meilleure prise en charge des patients. A ce jour, deux biomarqueurs ont été identifiés comme

étant des indicateurs des cancers oraux. Il s’agit de la tétranectine et de la transferrine. Il a été

mis en évidence par gel 2D que la tétranectine est sous exprimée chez les patients atteints.

Les spots sont ensuite récupérés pour être identifiés après hydrolyse trypsique par LC/ESI-

MS/MS. Un des spectres obtenu est présenté en figure 2.

- 22 -

Puis une analyse par western blot permet de confirmer les résultats obtenus en gel 2D.

La transferrine est étudiée selon le même schéma. Dans un premier temps il faut

effectuer un gel 2D. Puis une analyse MALDI-TOF MS/MS est réalisée.

Conclusion

Tout au long de cette étude, nous avons pu voir que la spectrométrie de masse est un outil puissant dans l’élucidation de divers problèmes biologiques : des modifications post traductionnelles d’une protéine jusqu’à l’étude plus large de la protéomique, de la quantification et de l’application à la santé.

Mais bien qu’utilisée couramment, l’utilisation de la spectrométrie de masse requiert une certaine rigueur dans l’interprétation des résultats. Ainsi nous avons pu observer que certains expérimentateurs, voire même certains logiciels, ont faussement attribués des pics à des ions sur des spectres.

FigII: Spectre ESI-MS/MS d’un peptide issu d’une digestion trypsique de le tétranectine.

Les masses des différents ions y sont calculés a à partir de la séquence fournit.

MH+ calculé MH+ observé Δm/z

y1 147.09

y2 260.17

y3 373.25

y4 444.28

y5 543.34

y6 672.38

y7 800.43

y8 871.46

y9 984.54

y10 1085.58

y11 1200.6

147.1

260.2

373.3

444.3

543.4

672.4

800.5

871.5

984.6

1085.6

1200.7

0.01

0.03

0.05

0.02

0.06

0.02

0.07

0.04

0.06

0.02

0.1

- 23 -

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