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Usages des antibiotiques en élevage et filières viandes Cahiers SÉCURITÉ SANITAIRE SANTÉ ANIMALE Hélène CHARDON Hubert BRUGERE

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Usages des antibiotiques en élevage et filières viandes

CahiersSÉCURITÉ SANITAIRE SANTÉ ANIMALE

Hélène CHARDONHubert BRUGERE

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Centre d’Information des Viandes Tour Mattei

207, rue de Bercy 75012 PARIS

Mise en page : [email protected]

Impression : BLGPôle Industriel Toul Europe – Route de Villey-St-Étienne – 54200 TOUL

Publication : avril 2014

Usages des antibiotiques en élevage et filières viandes

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Usages des antibiotiques en élevage et filières viandes

AvANT-pROpOS

Les Cahiers du Centre d’Information des Viandes (CIV) en matière de sécurité sanitaire et de santé animale ont pour objet de rendre plus facilement accessible l’ensemble des données techniques, réglementaires et scientifiques concernant la santé des animaux d’élevage ainsi que la maîtrise de la sécurité sanitaire des viandes bovine, ovine, chevaline, porcine et des produits tripiers.Dans ce dossier, le CIV fait un point sur les usages actuels des antibiotiques chez les animaux d’élevage en France.

La découverte fortuite en 1928 de la pénicilline par Sir Alexander Fleming, puis la recherche de nouveaux antibiotiques et leur utilisation en médecines humaine et vétérinaire constituent une avancée scientifique majeure au XXe siècle. De nom-breuses maladies infectieuses bactériennes, fléaux pour l’Homme et les animaux d’élevage, ont ainsi pu être combattues.

L’évolution de la société et des systèmes agricoles et industriels ont conduit, dès les années cinquante, à un usage de plus en plus important, voire parfois excessif, des antibiotiques chez l’Homme comme chez l’animal. Les problèmes liés à cet usage sont apparus très tôt : dès les années soixante, des résistances bactériennes ont été décrites dans le cadre d’épidé-mies hospitalières (Klebsiella pneumoniae, Escherichia coli), ainsi que des passages possibles de bactéries multirésistantes entre l’animal et l’Homme (Salmonella enterica) [2 ; 8]*. Dès lors, des discussions sur l’usage raisonné des antibiotiques chez l’Homme comme chez l’animal ont été engagées [19]. Mais compte tenu de leur intérêt thérapeutique, l’utilisation des antibiotiques a poursuivi sa courbe exponentielle au plan mondial jusqu’à la fin des années quatre-vingt-dix.

Les premières recommandations européennes relatives à un usage raisonné des antibiotiques en vue de lutter contre l’apparition de résistances bactériennes ont été émises en 1998 à la conférence de Copenhague. Actuellement, en France, deux plans de lutte contre l’antibiorésistance en médecines humaine et vétérinaire sont respectivement engagés pour les périodes 2011-2016 et 2012-2017.

Ce Cahier du CIV apporte les éléments de réponses aux questions les plus fréquentes concernant les usages actuels des antibiotiques chez les animaux d’élevage en France. Dans une première partie, il présente ces usages en se fondant sur des publications scientifiques et des rapports émanant d’institutions et d’organismes officiels. Une deuxième partie traite des risques éventuels, pour la santé animale et la santé humaine, liés à cette utilisation. Enfin, une troisième partie présente les nombreuses mesures prises, par les différents acteurs, pour favoriser un usage approprié en élevage.

Ce Cahier d’information a été réalisé par Hélène CHARDON et Hubert BRUGERE. Hélène CHARDON est vétérinaire et chef de projets en sécurité sanitaire et santé animale au CIV ; Hubert BRUGERE est enseignant-chercheur en Hygiène et industrie des aliments à l’École nationale vétérinaire de Toulouse.Nous remercions pour leurs relectures attentives Jean-Yves MADEC, Directeur de recherche et chef de l’unité antibio-résistance et virulence bactériennes à l'Anses (laboratoire de Lyon), Claude PETIT, enseignant-chercheur en Pharmacie- Toxicologie à l’École nationale vétérinaire de Toulouse, Jacqueline BASTIEN et Gérard BOSQUET, membres de la commission médicament de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires.

Pierre-Michel ROSNER Directeur du CIV* Les nombres entre crochets correspondent aux références bibliographiques listées page 32.

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Usages des antibiotiques en élevage et filières viandes

SOMMAIRE

1re partie : Pourquoi et comment utilise-t-on les antibiotiques en élevage ? 8

1. Qu’appelle-t-on « antibiotique » ? 8 2. Différentes familles d’antibiotiques 8

3. Usages et intérêts des antibiotiques en élevage 9

4. Évolution de la consommation des antibiotiques 11 4.1. Données d’exposition toutes espèces

confondues 12 4.2. Quelques données d’exposition

(ALEA) par espèce d’élevage 12

2e partie : Quels sont les risques éventuels, pour la santé animale et la santé humaine, liés à l’utilisation d’antibiotiques en élevage ? 16

1. Développement de l’antibiorésistance des bactéries d’origine animale 16

1.1. Définition et mécanismes associés 16 1.2. Risque d’impasse thérapeutique 18 1.3. Transfert de résistances entre

l’animal et l’Homme 19

2. Résidus d’antibiotiques dans les viandes, les abats et le lait 19

3. Rejets d’antibiotiques dans l’environnement (eaux et sols) 22

3e partie : Quelles sont les mesures prises pour favoriser un usage approprié des antibiotiques en élevage ? 24

1. Mesures pour un usage maîtrisé des antibiotiques 24

1.1. Industrie pharmaceutique 24 1.2. Vétérinaire en élevage 25 1.3. Professionnels des filières 26 1.4. Pouvoirs publics 26 1.5. Évaluateurs du risque 28

2. Mesures concernant la surveillance de la résistance aux antibiotiques 28

3. Perspectives en recherche et développement en France et en Europe 29

3.1. Méthodes diagnostiques 30 3.2. Panel d’antibiotiques disponibles

en élevage 30 3.3. Traitements alternatifs aux

antibiotiques 30 3.4. Amélioration des connaissances

sur les mécanismes de résistance 30

Annexes

Bibliographie 32Glossaire 33Acronymes 34Liens utiles 34

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1RE pARTIE

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1re

partie

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Usages des antibiotiques en élevage et filières viandes

pOURqUOI ET COMMENT UTILISE-T-ON LES ANTIBIOTIqUES EN ÉLEvAGE ?

1. Qu’appelle-t-on « antibiotique » ?

Du grec anti signifiant « contre » et bios « la vie », les antibiotiques sont

des substances d’origine naturelle fabriquées par des champignons microscopiques, des bactéries et beaucoup plus rarement des végé-taux, ou encore des substances de synthèse capables :

Soit de détruire des bacté-ries : on parle d’antibiotiques bac-téricides ;

Soit d’arrêter la multiplication des bactéries : on parle d’antibiotiques bactériostatiques.

Tous les antibiotiques sont bactériosta-tiques à faible dose et bactéricides à dose plus élevée : c’est l’écart entre leur concentration bactériostatique et bactéricide qui permet leur classi-fication dans l’un ou l’autre des deux groupes. Par ailleurs, ce caractère peut varier selon la souche bactérienne en cause.Les antibiotiques sont donc des médicaments qui permettent de lutter efficacement contre des infec-tions bactériennes. En médecine vétérinaire, ils sont par exemple utili-sés en cas de mammite chez la vache ou encore pour certaines infections respiratoires ou digestives chez les veaux. Chez l’Homme comme chez l’animal, les antibiotiques n’ont en revanche aucun effet sur les virus.

2. Différentes familles d’antibiotiques

Les antibiotiques agissent de manière spécifique sur les bactéries en blo-quant une des étapes essentielles à leur survie ou à leur multiplication. Ainsi, certains antibiotiques inhibent

QU'est-Ce QU'Une baCtérie ?

Les bactéries sont des organismes vivants unicellulaires, d’une taille de l’ordre du micron. Elles sont omniprésentes dans notre environnement, et l’Homme, comme les animaux, en héberge à la surface de sa peau, de ses muqueuses et dans son intestin (1014 dans le tube digestif humain).Certaines bactéries sont naturel lement présentes dans l’organisme et constituent même une barrière contre d’autres bactéries dites pathogènes susceptibles de nuire à la santé des Hommes ou des animaux [10].

N.B. : certains des éléments présentés ici, comme le flagelle qui sert à la locomotion, ne sont pas présents chez toutes les bactéries.

encadré n° 1

Capsule

Flagelle

Chromosomebactérien

Plasmides

Paroi

Pili

Membrane plasmique

Cytoplasme

Ribosomes

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Usages des antibiotiques en élevage et filières viandes

la formation des enveloppes protec-trices de la bactérie (membrane ou paroi), d’autres perturbent certaines réactions chimiques essentielles à la vie des bactéries et d’autres enfin empêchent la traduction de leurs gènes1 en protéines. Les familles d’antibiotiques sont définies en fonc-tion de leur structure et de leur mode d’action (cf. Figure n° 1 et Tableau n° 1 page suivante).

Les principes actifs utilisés en méde-cine vétérinaire appartiennent aux mêmes familles qu’en médecine humaine mais sont moins nombreux.

L’action de l’antibiotique sur une espèce bactérienne dépend, par conséquent, de la présence de la cible au sein de la cellule bactérienne ou de la capacité d’accès à cette cible. Pour chaque antibiotique, on définit ainsi un spectre d’activité antibactérienne. Les bêta-lactamines n’ont par exemple aucun effet sur les mycoplasmes, ces bactéries étant dépourvues de paroi.Outre son mode d’action, l’effet de l’antibiotique, qu’il soit bactériosta-tique ou bactéricide, dépend de sa concentration au niveau de la cible [1].

Aujourd’hui, certains antibiotiques comme les céphalosporines de 3e et 4e génération (C3G et C4G) et les fluoroquinolones sont qualifiés d’antibiotiques « critiques » car ils constituent l’unique traitement de certaines maladies infectieuses chez l’Homme. Selon les recommanda-tions européennes, ces antibiotiques doivent être réservés au traitement

curatif en 2e intention et non en traitement préventif (cf. infra). Ils sont disponibles en médecine vétérinaire depuis quinze ans environ.

3. Usages et intérêts des antibiotiques en élevage

Comme tout être vivant, les animaux sont sujets à des maladies qu’il est nécessaire de prévenir ou de traiter. La maîtrise de la santé animale garantit non seulement les performances éco-nomiques d’un troupeau (production de viande ou de lait en quantité et de bonne qualité, conduite d’élevage simplifiée) mais aussi le bien-être des animaux. Seuls des animaux en bonne santé peuvent être abattus afin que les viandes mises sur le marché ne présentent aucun risque pour la santé du consommateur (cf. infra).

Pour ces raisons, des médicaments vétérinaires sont administrés si néces-saire aux animaux d’élevage. C’est en particulier le cas des antibiotiques. En 2001, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a estimé qu’au moins 50 % des antibiotiques produits dans le monde étaient destinés aux animaux d’élevage et de com-pagnie [16]. En élevage, pour le traitement des maladies infectieuses d’origine bactérienne, les antibio-tiques peuvent être administrés selon trois modes [1] :

Le traitement thérapeutique (curatif) : les animaux sont clinique-ment malades, l’objectif est de les guérir et d’éviter leur mort. Le traite-ment curatif a également pour effet de réduire la souffrance des animaux et de restaurer leur production (lait et viande).

1 Les mots soulignés sont définis dans le glossaire page 33.

Modes d'action des antibiotiques sur une bactérie

Figure n° 1

Inhibition de la synthèse de la membrane plasmique

Inhibition de la synthèse de l’ADN

Inhibition de la synthèse de la paroi bactérienne

Autres mécanismes

Inhibition de la synthèse protéique

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1re

partie

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Usages des antibiotiques en élevage et filières viandes

Le traitement métaphylac-tique : dans un élevage avec de grands effectifs, si une infection très

contagieuse se déclare et que suffi-samment d’éléments sont concor-dants pour incriminer une (des)

bactérie(s), l’ensemble des animaux sera traité dans un même temps pour une plus grande efficacité

Principales familles

d’antibiotiques à usage vétérinaire

Sous-familles d’antibiotiques Modes d’action

Exemples de principes actifs à usage

vétérinaire

Bêta-lactamines Pénicillines Céphalosporines

Inhibition de la synthèse de la paroi cellulaire, en particulier de la synthèse du peptidoglycane, ce qui

modifie la rigidité de la structure et la forme de la bactérie. L'enveloppe externe est alors fortement fragilisée. La

bactérie devient très sensible aux stress extérieurs (pression osmotique, température, stress mécanique) provoquant la

lyse cellulaire.

Pénicillines G, M et A Céphalosporines (1re, 2e,

3e, 4e générations*)

Polymyxines /

Perturbation de la structure de la membrane plasmique, en s’insérant parmi les phospholipides externes, ce qui

désorganise son intégrité. La perméabilité n’est alors plus assurée. Des métabolites et ions fuient en dehors de la

cellule, provoquant la mort de la bactérie.

ColistinePolymyxine B

Aminosides /

Inhibition de la synthèse protéique en agissant sur les ribosomes et donc en bloquant leur action de synthèse des protéines. Cela empêche la formation de nouvelles

protéines, donc la multiplication des bactéries voire, pour les aminosides, engendre leur destruction en provoquant la

synthèse de protéines aberrantes.

Gentamicine Apramycine

Macrolides & apparentés

Macrolides Lincosamides

Pleuromutilines

Erythromycine Spiramycine

ClindamycineTiamuline

Cyclines / Chlortétracyclines Doxycycline

Phénicolés / Florfénicol Thiamphénicol

Quinolones Quinolones Fluoroquinolones

Perturbation de la structure de l’ADN, en se fixant sur des enzymes majeures de régulation : la topoisomérase et l’ADN

gyrase.

Fluméquine Enrofloxacine

Marbofloxacine

Sulfamides /Inhibition compétitive de la synthèse des bases de l’ADN.

Les sulfamides sont des analogues structurels de l’acide folique, intermédiaire de leur synthèse. Ce blocage conduit

à un arrêt de croissance bactérienne.

SulfadiazineSulfadiméthoxine

Sulfaméthoxazole +Triméthoprime

* Pour certains antibiotiques, il existe différentes générations définies en fonction de leurs caractéristiques, de leur spectre d’activité et de leur date de commercialisation. Plus la génération est récente, plus les antibiotiques sont efficaces.

N.B. : Des antibiotiques à usage vétérinaire appartiennent à d’autres familles non décrites ci-dessus. C’est le cas par exemple de la bacitracine ou la rifamyxine.

Classification des principaux antibiotiques vétérinaires

tableau n° 1

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de traitement, qu’ils soient ou non cliniquement malades à ce moment. La métaphylaxie est généralement mise en œuvre à partir du moment où 10 à 15 % des animaux du lot sont malades. On parle aussi de traitement de contrôle.

Le traitement préventif (prophy-lactique) : les animaux ne sont pas cliniquement malades mais exposés à un facteur de risque (sevrage, transport, etc.), ils ont alors une forte probabilité de développer une maladie à très court terme. Un traitement préventif permet d’éviter l’expression de la maladie. À titre d’exemple, il est appliqué : chez les porcelets lors du

sevrage : période propice aux cas de diarrhée ;

chez les vaches laitières lors du tarissement, période propice aux infections mammaires ;

chez les veaux lors de l’allote ment : période propice aux problèmes respiratoires et aux épisodes de diarrhée.

Malgré l’intérêt pratique évident sur le terrain de certains traitements prophylactiques, leur utilisation doit être raisonnée pour éviter la sélection de bactéries résistantes (cf. 2e partie).

4. Évolution de la consommation des antibiotiques

En France, le suivi des ventes d’anti-biotiques est basé sur les déclarations des laboratoires fabriquant les médi-caments et titulaires d’autorisation de mise sur le marché (AMM). Ces don-nées sont croisées avec les déclarations de chiffre d’affaires des laboratoires commercialisant des médicaments vétérinaires et des données d’enquêtes épidémiologiques. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimen-tation, de l’environnement et du travail (Anses) et l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV) suivent l’ensemble de ces résultats depuis 1999 et les convertissent en différents indicateurs :

Des indicateurs permettent d’évaluer la corrélation entre les ventes d’antibiotiques et la résistance aux antibiotiques ;

Des indicateurs d’exposition prennent en compte l’activité théra-peutique des antibiotiques.Selon l’Anses, il s’agit d’indicateurs à privilégier pour suivre l’évolution globale de l’usage de médicaments vétérinaires au cours du temps et d’essayer de mesurer les effets des actions mises en place au plan natio-nal. L’ALEA (Animal Level of Exposure to Antimicrobials – niveau d’exposi-tion des animaux aux antibiotiques) est considéré comme l’indicateur d’exposition le plus fiable car il prend en compte les informations sur le traitement (dose, durée) mais aussi sur les utilisateurs potentiels (masse de la population animale potentiel-lement consommatrice, et non pas le nombre d’animaux). Un traitement administré à un animal est adapté à son poids et exprimé par kg de poids. Ainsi un ALEA de 1 signifie que pour

antibiotiQUe et FaCteUr de CroissanCe

On sait qu’un antibiotique utilisé comme additif ali-mentaire, c’est-à-dire administré à faible dose dans l’alimentation animale, peut avoir un effet préventif sur certaines infections bactériennes mais aussi modifier la composition de la microflore intestinale entraînant alors une meilleure assimilation des aliments par les animaux et une augmentation de leur vitesse de croissance de quelques pour cent [18].Cependant depuis 2006, l’usage d’antibiotiques en vue d’améliorer la croissance et les performances des

animaux, toutes espèces confondues, est formellement interdit dans l’Union européenne (Directive 96/22/CE modifiée par les Directives 2003/74/CE et 2008/97/CE). Cet usage est en revanche toujours autorisé en Amérique du Nord et du Sud et en Asie.

N.B. : L’usage des activateurs de croissance est, rappelons-le, formel-lement interdit en Europe. Cette interdiction concerne les hormones stéroïdes naturelles (progestagènes, œstrogènes, androgènes) et toute autre substance à effet anabolisant ou activateur de croissance (stilbènes, thyréostatiques, somatotropines, bêta-agonistes) [9].

encadré n° 2

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partie

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Usages des antibiotiques en élevage et filières viandes

une espèce donnée, le poids traité correspond exactement au poids total de la population. Un ALEA de 0,326 pour l’espèce bovine en 2012 signifie que 32,6 % de la masse totale des bovins ont été traités en 2012.

Le tonnage global d’antibiotiques vendu en 2012, soit 782 tonnes, est le plus faible enregistré depuis le début du suivi des ventes en 1999 (-14,0 % par rapport à 2011, -33,3 % sur les 5 dernières années, -41,2 % depuis 1999) [6]. Toutefois, même si une diminution des quantités d’anti-biotiques vendues est essentielle, elle ne signifie pas nécessairement une diminution de l’exposition aux anti-biotiques. En effet, cette diminution correspond, au moins en partie, à un abandon des traitements longs avec des molécules plus anciennes et à leur remplacement par des traitements plus courts avec des molécules plus récentes. Actifs à plus faible dose, ces antibiotiques de dernière génération nécessitent

l’administration d’une quantité plus faible, mais rappelons que certains sont d’importance critique pour la médecine humaine (cf. supra).

4.1. DoNNÉES D’ExPoSitioN toUtES ESPèCES CoNfoNDUES

Selon l’Anses, le niveau d’exposi-tion aux antibiotiques (ALEA), toutes espèces – animaux d’élevage et de compagnie – et voies d’administration confondues, a augmenté de 26,3 % entre 1999 et 2007, puis a diminué de 20,0 % entre 2007 et 2012 (dernières données disponibles). Entre 2011 et 2012, l’exposition a diminué de 6,2 %. Ce niveau d’exposition, le plus faible enregistré depuis 2000, est quasiment équivalent à celui de 1999 (année de lancement du plan de surveillance) (cf. Figure n° 2).

Toutes espèces et voies d’administra-tion confondues, le niveau d’expo-sition des animaux entre 1999 et 2012 a été multiplié par 2 pour les

fluoroquinolones et par 2,5 pour les C3G et C4G. Cependant, on constate une tendance à la stabilisation de l’exposition ces dernières années : depuis trois ans pour les céphalos-porines et depuis cinq ans pour les fluoroquinolones [6].

4.2. QUElQUES DoNNÉES D’ExPoSitioN (AlEA) PAr ESPèCE D’ÉlEvAgE

Les lapins, les volailles, les porcs (cf. Figure n° 3) et les veaux de bouche-rie sont les espèces les plus exposées aux antibiotiques. Cela s’explique par le fait que ces animaux sont élevés en groupe et en bâtiment, la pression infectieuse est donc plus importante que pour les animaux en stalle individuelle ou élevés en plein air. En outre, des animaux jeunes sont naturellement plus fragiles que des animaux adultes.

Entre 1999 et 2012, l’exposition des porcs a diminué de 20,8 %, avec

aLea, toutes espèces confondues [6]

Figure n° 2

Prémélanges médicamenteux (ALEA = 0,102)

Poudres et solutions orales (ALEA = 0,297)

Autres formes orales (ALEA = 0,007)

Injectables (ALEA = 0,187)

ALEA total = 0,592

17 %

32 %

50 %

1 %0,8

0,7

0,6

0,5

0,4

0,3

0,2

0,1

0

1999

2003

2007

2000

2004

2008

2001

2005

2009

2011

2002

2006

2010

2012

ALEA

Prémélanges médicamenteux (ALEA = 0,102) Poudres et solutions orales (ALEA = 0,297)

Autres formes orales (ALEA = 0,007) Injectables (ALEA = 0,187)

ALEA total = 0,592

17 %

32 %

50 %

1 %

Évolution de l'ALEA entre 1999 et 2012 ALEA en 2012, par forme pharmaceutique

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Usages des antibiotiques en élevage et filières viandes

une diminution de l’exposition de 36,8 % entre 2007 et 2012 et de 10,1 % entre 2011 et 2012 [6].

L’exposition en 2012 des espèces ovines, caprines et équines était dans la moyenne du niveau d’exposition global, toutes espèces confondues [6].

Entre 1999 et 2012, l’exposition des bovins aux antibiotiques, toutes

catégories d’animaux (veaux et gros bovins) et tous types d’élevage (lai-tier, allaitant, mixte), a augmenté de 22,6 %. On note toutefois une diminution de 4,1 % entre 2010 et 2012 (cf. Figure n° 4 page suivante). Si la diminution de l’exposition est moins marquée chez les bovins que dans d’autres espèces d’élevage, on note que leur ALEA reste parmi les plus faibles (cf. Tableau n° 2).

Les données actuelles ne permettent pas de définir précisément la part relative aux différentes catégories de bovins. L’Anses a néanmoins réalisé une estimation du nombre moyen de traitements oraux des veaux de boucherie. Le nombre moyen de ces traitements est estimé à 4,47 par veau en 2012, soit une baisse sensible par rapport à 2010 où il était de 6,39 [6].

tonnage versus aLea [6]

Figure n° 3

Consommation en tonnages Exposition en ALEA

ALEA = Poids vif traité(Nombre d’animaux) x (poids des animaux adultes ou à l’abattage)

aLea 2011-2012, par espèce animale [6]

tableau n° 2

EspèceBovins dont les veaux

Carnivores domestiques Chevaux Poissons lapins ovins et

caprins Porcs volailles Autre total

AlEA 2011

0,323,41 0,69 0,60 0,43 3,76 0,69 1,05 1,27 0,03 0,62

AlEA 2012

0,3263,156 0,685 0,391 0,217 2,887 0,691 0,991 1,177 0,508 0,592

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Usages des antibiotiques en élevage et filières viandes

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partie

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Usages des antibiotiques en élevage et filières viandes

Concernant les antibiotiques cri-tiques, fluoroquinolones et C3G/C4G, les évolutions et niveaux d’exposi-tion varient selon les espèces et les familles de molécules [6] : Chez les bovins, toutes caté-

gories confondues, malgré une augmentation d’exposi-tion entre 2008 et 2012 aux C3G/C4G (+36,3  %) et aux fluoroquinolones (+13,1 %), on note sur la période 2011-2012 une tendance à la stabilisa-tion : légère augmentation pour les C3G/C4G (+3,5 %) et diminu-tion pour les fluoroquinolones (-3,3 %).

Chez les porcs, suite à la restric-tion volontaire de l’usage des C3G/C4G (cf. 3e partie) l’exposi-tion a fortement diminué entre 2010 et 2012 (- 62,1 %). Entre 2008 et 2012, l’exposition aux C3G/C4G a diminué de 49,2 %.

Concernant les fluoroquinolones entre 2008 et 2012, l’exposition a diminué (- 24,7 %) malgré une augmentation observée entre 2011 et 2012 (+11,3 %).

Chez les volailles, l’exposition aux fluoroquinolones a augmenté de 62,9 % entre 2005 et 2011 mais diminué de 8,8 % entre 2011 et 2012.

évolution de l'aLea des bovins [6]

Figure n° 4

0,4

0,35

0,3

0,25

0,2

0,15

0,1

0,05

0

1999

2003

2007

2000

2004

2008

2001

2005

2009

2011

2002

2006

2010

2012

ALEA

sUivi des antibiotiQUes en FranCe et en eUrope

En France, l’Anses-ANMV a initié un suivi des ventes d’antibiotiques vétérinaires dès 1999 selon les recom-mandations de la ligne directrice du Code sanitaire des animaux terrestres de l’OIE 2012 – chapitre 6.8. « Contrôle des quantités d’agents antimicrobiens utilisées chez les animaux dont la chair et les produits sont destinés à la consommation humaine et détermination des profils d’utilisation ».

Au plan européen, la France participe au projet ESVAC (Euro-pean Surveillance of Veterinary Antimicrobial Consumption) lancé par l’Agence européenne du médicament (European Medicines Agency - EMA). L’objectif est de collecter des données de ventes d’antibiotiques harmonisées dans

tous les pays de l’Union européenne. Une évaluation des usages réels des principales espèces consommatrices d’antibiotiques (volailles, porcs, veaux, bovins, ovins, caprins, poissons et animaux de compagnie) sera réalisée dans un second temps.

Ramenées à l’animal et non en tonnage absolu, les dernières données disponibles (2011) montrent que la France occupe la 9e place concernant les ventes d’anti-biotiques destinés aux animaux d’élevage après Chypre, l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne, la Hongrie, la Belgique, le Portugal et la Pologne mais avant le Royaume-Uni et l’Autriche par exemple. La France affiche ainsi un recul de 11 % par rapport à 2010 [13].

encadré n° 3

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Usages des antibiotiques en élevage et filières viandes

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Usages des antibiotiques en élevage et filières viandes

Usages des antibiotiques en élevage et filières viandes

qUELS SONT LES RISqUES ÉvENTUELS, pOUR LA SANTÉ ANIMALE ET LA SANTÉ HUMAINE, LIÉS à L’UTILISATION D’ANTIBIOTIqUES EN ÉLEvAGE ?

Malgré un intérêt majeur de recourir aux antibiotiques en élevage dans la lutte contre les maladies infectieuses bactériennes, la vigilance reste de mise compte tenu des risques pour la santé animale et la santé publique.

1. Développement de l’antibiorésistance des bactéries d’origine animale

Considérée pendant de nombreuses années comme un problème rele-vant de la médecine hospitalière, on sait désormais que la résistance aux

antibiotiques – ou antibiorésistance – connue depuis longtemps concerne également la médecine vétérinaire (cf. Figure n° 5).En effet, l’Homme et l’animal par-tageant le même environnement (bactéries, virus, etc.) et les mêmes antibiotiques, leur santé relève de

fait d’une seule et même santé (« One Health », cf. Encadré n° 4).

1.1. DÉfiNitioN Et MÉCANiSMES ASSoCiÉS

Dans ce document, on parle d’antibio-résistance lorsque certaines bactéries ne sont ni tuées ni inhibées par les doses d’antibiotiques administrées. Ce sont bien les bactéries, hébergées par l’Homme ou l’animal, qui peuvent devenir résistantes à un traitement antibiotique et, en conséquence, rendre le traitement de leur hôte inefficace.

1.1.1. Comment une bactérie devient-elle résistante ?

Toute utilisation d’antibiotique engendre un effet de sélection des bactéries résistantes et crée une pres-sion favorable à leur développement : ces bactéries vont persister, se multi-plier et devenir prépondérantes [11].

À ce jour, certaines familles d’antibio-tiques ne sont déjà plus efficaces contre

L'antibiorésistance, un phénomène ancien et bien connu [11]

Figure n° 5

1940 1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010

ère pré-antibiotique

Pénicilline

Pénicilline

UTILISATIONS CLINIQUES

IDENTIFICATION DE BACTÉRIES RÉSISTANTES

Tétracyclines

TétracyclinesFluoroquinolones Vancomycine

Vancomycine Fluoroquinolones

Résistance à la pénicilline chez Staphylococcus aureus (OMS, 2007)

1928 Découverte

de la pénicilline

1943 Introduction

de la pénicilline

1950 59 % des souches hospitalières sont résistantes à la pénicilline

1990 La résistance à la pénicilline dépasse

95 % dans la plupart des hôpitaux

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Usages des antibiotiques en élevage et filières viandes

certaines espèces bactériennes. Ce phénomène de résistance peut être :

naturel : certaines bactéries n’étant pas sensibles naturellement à certains antibiotiques. Ceci peut être dû à un défaut d’accès de l’antibiotique à sa cible dans la bactérie ou encore à une absence de cible. C’est le cas par exemple des mycoplasmes qui n’ont pas de paroi, ce qui les rend insensibles aux bêta-lactamines (cf. supra) [1]  ;

acquis : l’augmentation du taux de bactéries résistantes est étroite-ment corrélée à un mésusage des antibiotiques comme un traitement mal adapté, arrêté trop tôt ou trop peu dosé, ou encore à une surconsomma-tion d’antibiotiques [7]. Cette résistance est régulièrement décrite dans des environnements tels que les hôpitaux

dans lesquels les antibiotiques sont fréquemment utilisés.Une bactérie peut devenir résistante soit par mutation chromosomique naturelle soit suite à l’échange, entre bactéries, de supports génétiques porteurs de gènes de résistance aux antibiotiques.

Au fil du temps, une espèce bacté-rienne peut développer ses capacités de résistance. À titre d’exemple, la résistance aux C3G chez Escherichia coli isolées chez l’Homme est restée stable de 2002 à 2005 (environ 2,0 %), mais a augmenté depuis (8,6 % en 2010) [20]. On observe, par ailleurs, l’apparition de multirésistances, c’est-à-dire le développement de résistances de la bactérie vis-à-vis de plusieurs familles d’antibiotiques. On parle de bac-

téries multirésistantes (BMR). Pour quelques bactéries, la multirésistance peut concerner la quasi-totalité des antibiotiques, on parle de bactéries hautement résistantes (BHR), voire la totalité des antibiotiques, on parle de bactéries totorésistantes [7].

L’accroissement de la multirésistance des bactéries aux antibiotiques est ainsi directement lié à « l’arsenal génétique » dont disposent ces bac-téries pour acquérir et s’échanger les gènes de résistance via des éléments génétiques mobiles tels les plasmides, les transposons et les intégrons.Trois principaux mécanismes de trans-fert horizontal d’éléments génétiques sont connus entre bactéries donneuse et réceptrice d’une même espèce ou d’espèces et de genres différents (cf. Figure n° 6 page suivante) :

la transformation : intégration, par une bactérie réceptrice, d’un fragment d’ADN nu étranger suite à la lyse d’une autre bactérie ;

la transduction : transfert d’un fragment d’ADN étranger à une bacté-rie réceptrice par l’intermédiaire d’un vecteur viral (bactériophage, cf. infra) ;

la conjugaison : transfert d’un fragment d’ADN issu d’une bactérie donneuse à une bactérie réceptrice, sous la forme d’un plasmide dans la grande majorité des cas. Il s’agit du mécanisme le plus efficace (transfert le plus rapide d’importantes quantités d’information génétique) et donc le plus souvent impliqué dans la dissémination de la résistance aux antibiotiques [11].

Le ConCept « one HeaLtH / Une seULe santé »

Les récentes épidémies (grippe H1N1, SRAS, chikungunya, etc.) mettent en évidence la mondialisa-tion croissante des risques sanitaires ainsi que l’importance de l’inter-face Homme-animal-écosystème dans l’évolution et l’émergence des agents pathogènes. Défini en 2008, le concept « One Health » vise à rendre compte des liens entre santé humaine, santé animale et gestion de l’environnement. La synergie permettra d'améliorer les soins de santé pour le XXIe siècle et, au-delà, d’accélérer les décou-vertes de la recherche biomédicale,

d’améliorer l'efficacité des mesures de santé publique en élargissant rapidement la base des connais-sances scientifiques et d’améliorer la formation médicale et les soins cliniques.Concrètement, ceci se traduit par un renforcement du partenariat et de la coordination entre la FAO, l’OMS et l’OIE et par la mise en place de réseaux d’expertise, d’un système d’alerte, d’un portail international sur la sécurité sanitaire et la santé animale et végétale, d’un centre de gestion des urgences en santé animale, etc.

encadré n° 4

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Usages des antibiotiques en élevage et filières viandes

Usages des antibiotiques en élevage et filières viandes

Pour que le transfert horizontal de matériel génétique soit efficace et que la bactérie réceptrice devienne résistante, plusieurs étapes sont nécessaires [11] :

l’ADN, support de l’information génétique, doit être transféré de la bactérie donneuse à la bactérie réceptrice (cf. supra) ;

la séquence d’ADN doit s’intégrer soit au génome (chromosome), soit sur une structure se répliquant de façon autonome (plasmide) ;

les gènes apportés par ce frag-ment d’ADN doivent ensuite être capables de s’exprimer dans la cellule réceptrice.

1.1.2. Quels sont, pour une bactérie, les principaux mécanismes de résistance à un antibiotique ?

Les principaux mécanismes sont (cf. Figure n° 7) :

L’évitement/le contourne-ment : modification ou protection de la bactérie qui empêche l’antibiotique de se lier : soit à la paroi bactérienne ce qui

est à l’origine d’une imperméa-bilité. C’est le cas de la résistance à certaines bêta-lactamines ou tétracyclines,

soit à sa cible interne : c’est le cas pour les streptocoques dont l’acquisition d’une enzyme, la méthylase, modifie la structure du ribosome, diminuant alors son affinité pour les macrolides (cf. supra).

L’attaque : modification et/ou dégradation de l’antibiotique admi-nistré par des enzymes bactériennes, l’antibiotique est alors inactif. C’est le cas des bêta-lactamases, et en particulier des bêta-lactamases à spectre étendu (BLSE), enzymes produites par les entérobactéries qui dégradent spécifiquement les antibiotiques de la famille des bêta-lactamines, y compris les C3G et C4G pour les BLSE.

L’élimination : rejet accéléré de l’antibiotique dans le milieu extérieur par des pompes moléculaires, l’antibio-tique n’accède alors plus en quantité suffisante à la cible présente dans la bactérie. C’est le cas de l’expulsion,

par efflux, des tétracyclines ou des fluoroquinolones par E. coli [11].Une même espèce bactérienne peut présenter plusieurs mécanismes de résistance à une même famille d’antibiotiques.

1.2. riSQUE D’iMPASSE thÉrAPEUtiQUE

Depuis les années quatre-vingt-dix, on note un tarissement de la mise sur le marché de nouveaux antibiotiques du fait de raisons scientifiques et économiques.Les antibiotiques les plus faciles à mettre au point ont déjà été commer-cialisés et les rares nouvelles molé-cules ont tendance à être réservées

acquisition de gènes de résistance aux antibiotiques [11]

Figure n° 6

Gène(s) de résistance

Gène(s) s’intégrant au chromosomeou aux plasmides

Gène(s) de résistance

Plasmide

Bactériophage

Bactérie réceptrice

Bactérie donneuse

Bactérie lysée

Bactérie infectée

Conjugaison

Transduction

Transformation

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aux cas les plus sévères, diminuant d’autant la taille du marché pour les industriels [7]. De plus, le dévelop-pement d’une nouvelle molécule prend actuellement en moyenne dix ans, ce qui est un réel frein à l’innovation en antibiothérapie dans un environnement réglementaire complexe. Enfin, la moindre rentabilité pour l’industrie pharmaceutique du développement des antibiotiques, en comparaison de médicaments ciblant des maladies chroniques, pourrait conduire à une diminution des investissements dans ce domaine.

En l’absence de nouveaux antibio-tiques permettant d’agir sur des bactéries résistantes aux antibiotiques déjà utilisés, le risque d’impasse thé-rapeutique pour certaines infections bactériennes est non négligeable. Il s’agit d’une menace grave pour la

santé des animaux qui ne peuvent pas être traités, mais également pour la santé publique, en raison d’une baisse de la production de denrées alimentaires d’origine animale d’une

part et du risque de transmission de bactéries antibiorésistantes à l’Homme d’autre part. À titre d’exemple, les staphylocoques (Staphylococcus aureus) résistants à la méticilline (ou SARM) sont souvent multirésistants. Ces germes posent donc d’impor-tants problèmes thérapeutiques en médecines vétérinaire et humaine (cf. Encadré n° 5).

1.3. trANSfErt DE rÉSiStANCES ENtrE l’ANiMAl Et l’hoMME

cf. page suivante.

2. résidus d’antibiotiques dans les viandes, les abats et le lait

L’administration d’un médicament à un animal peut être à l’origine de résidus de cette substance et de ses méta-bolites dans les denrées alimentaires qui en sont issues telles les viandes,

principaux mécanismes bactériens de résistance aux antibiotiques

Figure n° 7

Modification ou protection de la cible

Imperméabilité

Inactivation enzymatique

Efflux actif

Cytoplasme

Stratégies de résistance

Évitement Contournement Élimination AntibiotiqueAttaque

antibiorésistanCe, QUeLQUes CHiFFres en eUrope

Selon the European Medicines Agency (EMA) et the European Centre for Disease Prevention and Control (ECDC), les conséquences liées au développement de résistance aux antibiotiques chez l’Homme sont estimées [12] :

en termes de santé publique, à 25 000 morts par an suite à une infection due à l’une des cinq bactéries multirésistantes (BMR) les plus fréquentes ;

en termes économiques, à 1,5 milliard d’euros de coûts médicaux directs (maladies, décès), indirects (développement d’affections associées) et de perte de productivité.

encadré n° 5

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Usages des antibiotiques en élevage et filières viandes

directeur de recherche et chef de l’unité antibiorésistance et virulence bactériennes à l'anses (laboratoire de Lyon), membre du Conseil scientifique de l’observatoire national d’épidémiologie de la résistance bactérienne aux antibiotiques et président du groupe vétérinaire du comité de l’antibiogramme.

Des passages de bactéries antibiorésistantes de l’animal à l’homme, et réciproquement, sont-ils possibles ? Si oui, quelles sont les voies de transmission ?

«  Oui, de tels passages existent. Ils sont effectivement possibles dans les deux sens, de l’animal à l’Homme, mais aussi de l’Homme à l’animal. Certaines voies de transmission sont bien connues, par exemple la voie alimentaire. Lorsqu’un aliment est contaminé par une bactérie comme Salmonella ou Campylobacter, le consommateur peut être infecté. Si cette bactérie est résistante aux antibiotiques, il y a transmission des bactéries antibiorésistantes chez l’Homme. Un autre exemple est l’exposition professionnelle. Par exemple, des éleveurs de porcs ont davantage de risque que la population générale d’être infectés par le staphylo-coque doré résistant à la méticilline (SARM) de leurs porcs. On peut enfin citer des exemples de transmis-sion inverse, de l’Homme à l’animal. Par exemple, on a trouvé des souches de SARM d’origine hospitalière à l’origine d’infections chez des chiens ou des bovins. Actuellement, la voie alimentaire et le contact direct (professionnels d’élevage, propriétaires d’animaux) sont les deux voies reconnues de transmission de bactéries antibiorésistantes entre l’animal et l’Homme. »

Ces flux sont-ils conséquents ? Comment sont-ils mesurés/suivis ?

« Non, au stade actuel des connaissances, ces flux entre l’animal et l’Homme (et réciproquement) ne sont probablement pas très importants. Les deux voies de transmission citées précédemment sont en fait limitées. Les toxi-infections alimentaires à salmo-nelles résistantes sont rares, et donc le risque pour l’Homme très modéré. Ceci peut néanmoins dépendre du niveau d’hygiène des pays. De même, l’exposition professionnelle ne concerne qu’une faible proportion

de la population générale. Il faut retenir que l’essentiel de l’antibiorésistance humaine est une conséquence des traitements chez l’Homme, et que l’essentiel de l’antibiorésistance animale est une conséquence des traitements chez l’animal.La mesure de ces flux est relativement facile lorsque l’on peut comptabiliser le nombre d’infections chez l’Homme provenant de bactéries animales résistantes. Cette mesure devient plus complexe lorsque ce n’est pas forcément la bactérie résistante elle-même qui se transmet, mais uniquement les gènes qu’elle contient. Dans ce cas, les moyens pour détecter la transmission ne relèvent plus uniquement de la médecine mais de techniques moléculaires pointues. Les flux de gènes sont beaucoup plus difficiles à mesurer que les flux de bactéries. Dans l’avenir, il se pourrait qu’une meil-leure connaissance des flux de gènes montre que les échanges animal-Homme et Homme-animal sont plus nombreux que ce que l’on croit. »

Des programmes de recherche sont-ils en cours ?

« Oui, de nombreux programmes de recherche sont en cours. Ils portent par exemple sur une meilleure connaissance des mécanismes de résistance aux anti-biotiques, chez l’Homme comme chez l’animal. Ils visent à mieux comprendre les flux de gènes de résistance entre les bactéries hébergées par ces populations. Des axes de recherche existent également sur le rôle de l’environnement dans la dissémination de la résis-tance aux antibiotiques (eau, sol, effluents d’élevage et d’hôpitaux, etc.). Il est important de comprendre comment l’antibiorésistance (les bactéries et/ou les gènes) circule entre ces différents compartiments. Enfin, on peut citer des programmes de recherche pour identifier de nouvelles pistes thérapeutiques (vaccins, nouveaux antibiotiques, etc.) ou de nouveaux moyens de diagnostic, plus rapides et plus précis. »

trois questions au dr. Jean-Yves MadeC

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les abats et le lait. Les risques liés à ces résidus résultant de l’usage d’un médicament vétérinaire en élevage sont connus, car évalués dans son dossier d’autorisation de mise sur le marché et facilement maîtrisés par un usage conforme à sa notice d’emploi.

Pour tout médicament vétérinaire, une série d’études toxicologiques est systématiquement menée sur différentes espèces animales afin de déterminer la dose la plus élevée de cette substance (ingérée régulièrement et à long terme) qui ne provoque aucun effet néfaste chez l’espèce animale la plus sensible : toxicité chronique, effets sur la reproduction, effets mutagènes, cancérigènes, microbiologiques, etc. Le risque allergique en particulier est étudié dans le cadre de ces études, certains antibiotiques, particulière-ment les pénicillines, les sulfamides et les fluoroquinolones, pouvant être à l’origine de réactions de type allergique.Au terme de chacun des essais, une dose sans effet (DSE) est déterminée. La DSE la plus faible est retenue, elle est ensuite extrapolée chez l’Homme pour calculer une dose journalière admissible (DJA). Cette DJA est obtenue en appliquant un facteur de sécurité (Fs) au moins égal à 100 :

un premier facteur 10 : en consi-dérant que la sensibilité de l’Homme est 10 fois plus importante que celle de l’espèce animale la plus sensible ;

un second facteur 10 : en considé-rant que dans la population humaine, certains individus présentent une sensi-bilité 10 fois plus élevée que la moyenne.

Pour le cas particulier des antibio-tiques, les résidus contenus dans les viandes, les abats et le lait ne doivent pas non plus permettre la sélection d’éventuelles bactéries résistantes à cet antibiotique dans la flore diges-tive du consommateur. Outre des études toxicologiques, des études microbiologiques spécifiques sont réalisées pour évaluer l’activité des résidus d’antibiotiques sur plus de cent espèces bactériennes représentatives de la flore digestive humaine. Une DJA microbiologique est ainsi calculée.La DJA microbiologique, toujours beaucoup plus faible que la DJA toxi-cologique, est celle qui est retenue pour les antibactériens [9].

La limite maximale de résidus (LMR) dans les viandes, les abats et le lait

pour une substance donnée est définie à partir de la DJA retenue et du niveau d’exposition des consom-mateurs à la suite de la consommation de ces aliments (cf. Figure n° 8). Les quantités fictives prises en compte dans ces modélisations sont supé-rieures aux quantités consommées normalement. Le scénario d’exposi-tion au danger est maximal afin de ne pas sous-estimer le risque, qui n’est jamais toutefois, par définition, ramené à zéro.Les LMR sont proposées par des comités scientifiques européens (l’EMA ou l’Autorité européenne de sécurité des aliments (European Food Safety Authority - EFSA)). Elles sont ensuite fixées par la Commission européenne et publiées dans des règlements.

dJa, LMr et temps d'attente

Figure n° 8

Médicament vétérinaire Antibiotique vétérinaire

DJA (µg/kg/j)

DSE retenue (mg/kg/j)

LMR (µg/kg ou ppb)

Délai d’abattage/traite (j)

DSE microbiologique (mg/kg/j)DSE toxicologique (mg/kg/j)

DJA toxicologique (µg/kg/j)

LMR (µg/kg ou ppb)

Délai d’abattage/traite (j)

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Usages des antibiotiques en élevage et filières viandes

2e

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Les LMR sont ensuite utilisées par le fabricant de médicaments pour fixer le temps d’attente entre la dernière administration du médicament et l’abattage ou la traite. Ce temps précise la durée pendant laquelle les denrées alimentaires issues d’un animal traité ne peuvent être commercialisées en vue de la consommation humaine. Ce délai est calculé en tenant compte du métabolisme de l’animal, en fonction de la voie d’administration et de la composition du médicament. Afin de se prémunir de tout risque, les délais d’attente retenus sont majo-rés par rapport aux modélisations scientifiques (à hauteur de 30 % en moyenne). Pour les antibiotiques, ces mesures permettent de maîtri-ser le risque de toute sélection de bactéries antibiorésistantes chez le consommateur [9].Le temps d’attente est notifié sur la notice de tout médicament en fonction de posologies définies afin de permettre au vétérinaire et à l’éleveur un usage raisonné de ce médicament. Les viandes et abats issus d’un animal sous délai d’attente ne peuvent entrer dans

le circuit de distribution destiné à la consommation humaine.Le respect du temps d’attente ne signi-fie pas une absence totale de résidus dans les denrées, mais l’absence de résidus en quantité supérieure au seuil réglementaire, la LMR, garante de la sécurité du consommateur.

3. rejets d’antibiotiques dans l’environnement (eaux et sols)

Les animaux traités avec des anti-biotiques peuvent les excréter via leurs fèces et urines sous leur forme initiale ou sous la forme d’un ou plusieurs métabolites. Des résidus de médicaments peuvent donc être rejetés dans le milieu naturel. Le dossier d’AMM de tout médicament, à usage humain comme vétérinaire, comprend de ce fait une évaluation de la sécurité pour l’environnement. Cette étude comprend l’évaluation des concentrations prévisibles dans l’environnement (Predicted Environ-mental Concentration ou PEC) et des études écotoxicologiques de l’impact

des résidus éventuels sur des orga-nismes animaux et des végétaux représentatifs. Si le risque est jugé non acceptable ou trop difficile à évaluer, l’AMM peut être refusée.

En 2011, les résultats d’une campagne nationale d’occurrence des résidus de médicaments dans les eaux des-tinées à la consommation humaine (eaux brutes et eaux traitées) ont été publiés. Il apparaît qu’un nombre restreint de médicaments vétéri-naires, dont certains antibiotiques comme la danofloxacine (fluoroqui-nolone) ou la tylosine (macrolide), sont détectés dans l’eau et qu’ils sont le plus souvent présents à un niveau de concentration très faible ou uniquement détectés à l’état de traces [3].

Compte tenu du peu de données disponibles, des investigations scien-tifiques sont en cours concernant la toxicité des résidus d’antibio-tiques dans les sols et les eaux et, en particulier, sur leur capacité à y sélectionner des bactéries antibio-résistantes.

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Usages des antibiotiques en élevage et filières viandes

Usages des antibiotiques en élevage et filières viandes

qUELLES SONT LES MESURES pRISES pOUR fAvORISER UN USAGE AppROpRIÉ DES ANTIBIOTIqUES EN ÉLEvAGE ?

L’ensemble des mesures mises en œuvre en élevage, à l’exemple du plan ÉcoAntibio 2017, a pour double objectif de conserver un arsenal thérapeutique pour lutter contre les maladies bactériennes, mais aussi de permettre une diminution de l’antibiorésistance des bactéries d’origine animale.

1. Mesures pour un usage maîtrisé des antibiotiques

1.1. iNDUStriE PhArMACEUtiQUE

La réglementation européenne (Directive 2001/82/CE et Règlement UE 712/2012) impose pour tout anti-biotique à usage vétérinaire l’évalua-tion de sa qualité, de son innocuité envers l’utilisateur, le consommateur (cf. 2e partie), l’environnement et l’animal auquel il est destiné ainsi que l’évaluation de son efficacité [1]. Une autorisation de mise sur le marché est délivrée si l’étude scientifique conclut que le bénéfice lié à son utilisation est supérieur aux risques encourus (cf. Figure n° 9). En outre, l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV) assure le suivi des antibio-tiques après leur mise sur le marché, que ce soit au niveau de la fabrication (contrôle des bonnes pratiques de fabrication, contrôle de la qualité), de leur commercialisation (contrôle de la publicité) ou de leurs effets indésirables (pharmacovigilance).

suivi et contrôle des utilisations d’antibiotiques vétérinaires

Figure n° 9

Vétérinaire

Industrie pharmaceutique

Vétérinaire, pharmacien

Vétérinaire, éleveur

FABRICATION, EXPLOITATION & DISTRIBUTION EN GROS

(enregistrement des productions et des ventes)

PRESCRIPTION (ordonnance)

DÉLIVRANCE (ordonnance)

ADMINISTRATION (registre d’élevage)

Inspecteurs de la pharmacie

Agents des services de la répression des fraudes

Agents des services vétérinaires

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Usages des antibiotiques en élevage et filières viandes

1.2. vÉtÉriNAirE EN ÉlEvAgE

1.2.1. formation initiale et formation continue

Dans le cadre de son cursus, tout étu-diant vétérinaire suit une formation sur plusieurs années en pharmacologie lui permettant de prescrire et de délivrer des médicaments vétérinaires mais également d’alerter et de déclarer à l’ANMV tout effet indésirable survenu chez l’animal suite à un traitement médicamenteux (pharmacovigilance, cf. infra).

En outre, la profession vétérinaire est dite « réglementée ». Sous contrôle de l’Ordre national des vétérinaires, ces derniers doivent respecter un certain nombre de principes éthiques issus d’un Code de déontologie mais aussi de mesures réglementaires édictées par le Code rural. Ainsi, selon l’article R242-33-X, le vétérinaire acquiert l’information scientifique nécessaire à son exercice professionnel, en tient compte dans l’accomplissement de sa mission, entretient et perfectionne ses connaissances.

En 2012, 90 % des vétérinaires en production animale étaient membres de la Société nationale des grou-pements techniques vétérinaires (SNGTV). Association qui fédère les Groupements techniques vétérinaires (GTV) départementaux et régionaux, la SNGTV a pour mission de développer et promouvoir les compétences des vétérinaires impliqués dans les filières de production animale.Depuis plusieurs années, l’une des priorités de la SNGTV porte sur la promotion du bon usage des antibio-

tiques et la lutte contre l’antibiorésis-tance. À cette fin, un certain nombre d’outils ont été créés :

Des fiches de bonnes pratiques de l’antibiothérapie déclinées par filières et par maladies animales, en écho à la mesure 6 du plan ÉcoAnti-bio 2017 : « Développer des guides de bonnes pratiques de la prescription d’antibiotiques portant prioritairement sur les pathologies identifiées dans les groupes de travail ».

Des logiciels de suivi informa-tique de l’antibiothérapie au sein de la structure vétérinaire (prescription-délivrance) et de l’élevage (utilisation).

La formation continue des vété-rinaires, en écho à la mesure 7 du plan ÉcoAntibio 2017 « Renforcer la formation continue et l’information des vétérinaires » via des congrès annuels, des publications, des formations théoriques et pratiques.

La formation continue obliga-toire dans le cadre de l’habilitation sanitaire portant sur la pharmacie vétérinaire et sur l’antibiorésistance.

Des modules de formation à destination des vétérinaires afin de former à leur tour les éleveurs de leur clientèle. L’objectif est de sensibiliser les différents acteurs aux enjeux de la lutte contre l’antibiorésistance et de les aider à intégrer les facteurs de risque de façon à mieux les identifier et les prévenir.

D’autres outils sont en projet telle une base de données professionnelles vétérinaires en lien avec l’Observa-

toire de suivi des prescriptions, avec le système général d’information de la DGAL (SIGAL) et les différents logiciels vétérinaires.

1.2.2. Prescription d’antibiotiques vétérinaires

Conformément à la loi du 29 mai 1975 reprise dans le décret prescription-délivrance du 24 avril 2007, en France, seul le vétérinaire est habilité à prescrire des médicaments vétérinaires. Ce décret lui donne aussi la possibilité de prescrire sans avoir vu l’animal malade, sous réserve de procéder aux soins réguliers dans l’élevage, d’avoir réalisé un bilan sanitaire, d’avoir mis en place avec l’éleveur un protocole de soins et de réaliser des visites de suivi régulières. Ces médicaments peuvent être délivrés par le vétérinaire ou le pharmacien, sur présentation de l’ordonnance vétérinaire. Dans certaines conditions précises, les groupements de producteurs agréés peuvent aussi être autorisés à délivrer certains médi-caments vétérinaires à visée préventive qui sont inscrits dans leur programme sanitaire d’élevage (PSE) tels que des antiparasitaires ou encore des vaccins.

N.B. : Certains médicaments, comme les anti-biotiques, peuvent être introduits à l’avance dans un aliment pour faciliter leur adminis-tration aux animaux, on parle d’aliments médicamenteux. Il s’agit d’un médicament vétérinaire à part entière et, par conséquent, soumis à prescription. Les fabricants d’aliments médicamenteux sont considérés comme des établissements pharmaceutiques, et donc soumis aux mêmes obligations réglemen-taires (cf. supra).

L’usage hors AMM, dont les modalités réglementaires sont qualifiées de « cascade », est encadré par le Code de la santé publique (L5143-4). Il définit

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3e

partie

Usages des antibiotiques en élevage et filières viandes

Usages des antibiotiques en élevage et filières viandes

dans quelles conditions un vétérinaire peut, dans des cas exceptionnels, recourir à l’usage d’un médicament dédié à une autre espèce animale, voire à un médicament humain, en cas d’indisponibilité sur le marché de médicament vétérinaire spécifique pour soigner la maladie diagnosti-quée dans l’espèce concernée. C’est le cas par exemple en filières ovine ou caprine pour lesquelles l’arsenal thérapeutique avec AMM est limité.Le temps d’attente d’un médicament utilisé hors AMM ne pourra être inférieur à 28 jours pour la viande et à 7 jours pour le lait et les œufs. Ces temps d’attente dits « de précaution » per-mettent de soigner ces animaux tout en protégeant le consommateur [9].

La prescription vétérinaire se matérialise par l’ordonnance où figurent notam-ment le nom et les coordonnées du détenteur des animaux, l’identification précise des animaux traités, le nom du prescripteur, le nom des spécialités (antibiotiques ou non), leur posologie, leur mode d’administration (durée, fréquence) et le temps d’attente, même s’il est nul. Le vétérinaire doit conserver pendant dix ans un double des ordon-nances exécutées en mentionnant la date de délivrance des médicaments, les quantités délivrées et le numéro de lot des médicaments. La traçabilité de la prescription vétérinaire est ainsi optimale (cf. Figure n° 9).

1.3. ProfESSioNNElS DES filièrES

L’administration d’antibiotiques est réalisée par le vétérinaire et/ou l’éleveur. Tout traitement vétérinaire donne

lieu à une retranscription, par l’éle-veur, dans le registre d’élevage avec notamment les informations figurant sur l’ordonnance ainsi que les dates de début et de fin de traitement et le nom de la personne administrant l’antibiotique. Les ordonnances sont conservées cinq ans dans le registre d’élevage selon les dispositions de l’arrêté du 5 juin 2000 (cf. Figure n° 9). En outre, pour répondre aux obligations d’information de la chaîne alimentaire (ICA), les éleveurs doivent signaler, sur un formulaire spécifique, les animaux quittant leur élevage qui auraient reçu un médicament vétérinaire pour lequel le délai d’attente « viande » ne serait pas terminé. Pour mémoire, aucun animal malade ou sous délai d’attente ne peut être dirigé vers l’abattoir.

En filière bovine, la charte des bonnes pratiques d’élevage, initiative collective, professionnelle et volontaire des éleveurs, promeut une utilisation raisonnée et tracée des médicaments vétérinaires, dont les antibiotiques. À ce jour, plus de 110 000 éleveurs de gros bovins allaitants et laitiers y adhérent.

En filière porcine, un panel d’élevages a été identifié et fait l’objet d’enquêtes régulières depuis 2011. Ce panel permet de mesurer des quantités et des modalités d’usage par stade physiologique. Ce travail a vocation à se poursuivre afin d’obte-nir une évolution des utilisations d’antibiotiques de manière pérenne. Ce suivi permettra de comparer les usages entre pays et d’identifier les meilleurs leviers d’action pour réduire l’utilisation d’antibiotiques. En outre, depuis 2011, la filière porcine

a instauré de sa propre initiative un moratoire sur l’utilisation des cépha-losporines de 3e et 4e génération, à l’origine d’une forte baisse du niveau d’exposition (cf. 2e partie).

En filière veaux de boucherie, une enquête a été initiée en 2013 concernant les stratégies de méta-phylaxie précoce (cf. supra) vis-à-vis des troubles respiratoires en élevage et l’étude de solutions alternatives.En outre, un projet en partenariat avec l’Anses a été engagé sur l’usage des antibiotiques sur un panel d’élevages représentatif et sur l’antibiorésistance. Il s’agit d’une part d’estimer l’usage des antibiotiques, d’identifier leurs conditions d’utilisation et la variabilité interélevages et, d’autre part, d’estimer la résistance aux antibiotiques de la principale bactérie digestive (E. coli). L’objectif final étant d’explorer le lien usage-résistance dans la filière veaux de boucherie.Pour ces deux projets, des résultats sont attendus fin 2014 ; des leviers d’action seront alors identifiés pour réduire l’usage des antibiotiques dans cette filière et lutter contre le développement de l’antibiorésistance.

1.4. PoUvoirS PUBliCS

1.4.1. Plan ÉcoAntibio 2017

Le plan national de réduction des risques d’antibiorésistance en méde-cine vétérinaire 2012-2017 prévoit un usage prudent et raisonné des antibiotiques se traduisant par :

des objectifs quantitatifs : une réduction de 25 % de l’usage des antibiotiques en médecine vétérinaire

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Usages des antibiotiques en élevage et filières viandes

en cinq ans. Seules les quantités appropriées strictement nécessaires aux animaux doivent être prescrites et administrées ;

des objectifs qualitatifs : un effort particulier de réduction de l’usage des antibiotiques d’importance critique en médecine vétérinaire, notamment les fluoroquinolones et les C3G / C4G.

Ce plan 2012-2017 est organisé en 5 axes et 40 mesures :

Axe 1 : Promouvoir les bonnes pratiques et sensibiliser les acteurs.Promouvoir les bonnes pratiques d’hy-giène et d’asepsie en élevage pour limiter les risques d’infection, améliorer les mesures de suivi sanitaire, sensibiliser et former les vétérinaires, les éleveurs et techniciens aux risques liés à l’anti-biorésistance, etc.

Axe 2 : Développer les alterna-tives en favorisant l’expérimentation et la recherche.Promouvoir la vaccination, privilégier le recours aux anciens antibiotiques, étudier des traitements alternatifs, etc.

Axe 3 : Renforcer l’encadrement des pratiques commerciales et des règles de prescription.Insérer des messages d’éducation sani-taire sur les notices, renforcer le contrôle de la publicité, adapter les condition-nements aux quantités délivrées, etc.

Axe 4 : Améliorer le dispositif de suivi de la consommation d’anti-biotiques et de l’antibiorésistance et évaluer l’impact des mesures prises.

Axe 5 : Promouvoir la même approche à l’échelon européen et international.

Ce plan implique l’ensemble des acteurs : les éleveurs des différentes filières, les vétérinaires et les pharma-ciens, les scientifiques et les évalua-teurs du risque, l’industrie pharma-ceutique, les pouvoirs publics et le grand public [14].

1.4.2. Plans de contrôle de la DgAl

La Direction générale de l’alimen-tation (DGAL) réalise annuellement des plans de contrôle, dont l’objec-tif principal est la recherche des anomalies, des non-conformités,

voire des fraudes. Il est fondé sur un échantillonnage ciblé ou suspect, c’est-à-dire que les prélèvements sont réalisés sur la base de critères de ciblage prédéterminés.Ces plans portent notamment sur les résidus chimiques dans les viandes d’animaux de boucherie et concernent, entre autres, les résidus de médicaments vétérinaires dont les antibiotiques [9].

Compte tenu du ciblage des échantil-lonnages des plans de contrôle, les niveaux de conformité obtenus depuis 2008, portant sur les rési-dus d’antibiotiques dans les viandes d’animaux de boucherie, doivent être considérés comme très satisfaisants (cf. Tableau n° 3).

1.4.3. Plan national sur les résidus de médicaments

Le Plan national sur les résidus de médicaments (PNRM), dont les rési-dus d’antibiotiques, a été publié le 30 mai 2011. Il fait suite aux travaux du Plan national santé environnement 2004-2008 (PNSE 1) et s’inscrit dans le PNSE 2 (2009-2013). Ce plan prévoit de prioriser les différentes molécules et

plans de contrôle de la dGaL sur la recherche d'antibiotiques dans les viandes d'animaux de boucherie

tableau n° 3

Année 2008 2009 2010 2011 2012

Nombre d’analyses 9 879 9 964 9 613 9 680 9 354

Taux de conformité 99,7 % 99,7 % 99,8 % 99,6 % 99,7 %

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3e

partie

Usages des antibiotiques en élevage et filières viandes

Usages des antibiotiques en élevage et filières viandes

métabolites pour lesquels des travaux doivent être engagés entre 2010 et 2015 [15]. Il est composé de 3 axes :

Évaluation des risques environ-nementaux et sanitaires : acquérir des connaissances scientifiques et techniques relatives à la présence, au devenir et aux effets de ces médica-ments sur l’environnement et sur la santé humaine.

Gestion des risques environ-nementaux et sanitaires : contrôler et réduire les émissions de résidus de médicaments dans l’environnement.

Renforcement et structuration des actions de recherche : lancer des appels à projets de recherche et des expertises scientifiques collectives sur des sujets ciblés prioritaires.

1.5. ÉvAlUAtEUrS DU riSQUE (ANSES)

1.5.1. Suivi des ventes d’antibiotiques : cf. 1re partie (p 11-14)

1.5.2. Suivi de la pharmacovigilance vétérinaire

Depuis 2002, une surveillance des médicaments vétérinaires, dont les antibiotiques, est mise en place en France par l’Anses. Elle a pour objectif de détecter le plus rapidement pos-sible tout signal émergent suite aux déclarations des vétérinaires praticiens. Sont concernés les effets indésirables inattendus, ou bien attendus mais dont la fréquence ou la gravité est inattendue. Cette surveillance per-met ensuite de décider des mesures

adéquates, pouvant aller, si besoin est, jusqu’à la suspension d’AMM pour le médicament concerné.

Le bilan 2012 montre une augmentation régulière du nombre de déclarations. Dans plus de 90 % des cas, celles-ci sont réalisées par les vétérinaires praticiens et par les propriétaires d’animaux et, dans 8 % des cas, par les éleveurs. Les résultats de 2012 (dernières données disponibles) sont dans l’ensemble comparables à ceux de 2011 [5] :

la très grande majorité des effets indésirables concerne les carnivores domestiques (82 %), puis les bovins (9 %) et les autres espèces (2 % par espèce) ;

toutes espèces animales confon-dues, les antiparasitaires externes représentent 33 % des déclarations ;

chez les bovins, les effets indési-rables déclarés sont le plus souvent liés aux vaccins (32 %), aux antiparasitaires internes (26 %) et aux antibiotiques (24 %). 84 % des cas déclarés sont dits graves.

Les données ainsi récoltées pourraient conduire, selon les cas, à la diffusion d’informations, à des modifications d’AMM voire à la révision de la régle-mentation.

2. Mesures concernant la surveillance de la résistance aux antibiotiques

La réglementation européenne (Directive 2003/99/CE) impose la

surveillance des zoonoses et des agents zoonotiques (les salmonelles, E. coli, etc.). Cela se traduit par la mise en place de programmes de sur-veillance permettant de mesurer les effets des politiques de lutte contre les zoonoses et d’encadrement de l’utilisation d’antibiotiques. L’échange d’informations au niveau européen doit permettre d’obtenir des données exhaustives et comparables. Les États membres transmettent leur rapport à la Commission européenne et l’EFSA publie annuellement une synthèse.

La surveillance de l’antibiorésistance des bactéries d’origine animale per-met ainsi de collecter un ensemble de données afin de caractériser les tendances, de détecter de nou-veaux événements à l’origine d’une alerte, de documenter le niveau de résistance de différentes espèces bactériennes et enfin d’étudier l’émergence de nouveaux sérotypes dotés de profils de résistance aux antibiotiques.En France, elle se réalise à travers diverses structures [1].

Le réseau Salmonella : les sal-monelles sont l’une des principales causes de toxi-infections alimentaires dues à la consommation d’aliments d’origine animale. Ces bactéries font donc l’objet d’une surveillance spécifique. Le réseau Salmonella recueille des souches de salmonelles d’origine non humaine (isolées de l’alimentation, de l’environnement ou des élevages) pour la détermina-tion du sérotype et l’étude de leur sensibilité aux antibiotiques.

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Usages des antibiotiques en élevage et filières viandes

Le réseau Résapath  : créé pour les bovins, il s’est étendu en 2001 aux filières porcine et avicole, puis à un nombre de plus en plus important d’espèces animales, et notamment en 2007 aux équins, ovins et caprins. Il collecte des infor-mations issues d’antibiogrammes de 94 départements. Ces données sont également comparées à celles issues de 16 réseaux de surveillance de la résistance bactérienne chez l’Homme, en ville et à l’hôpital, dans le cadre de l’Observatoire national de l’épidémiologie de la résistance bac-térienne aux antibiotiques (ONERBA). Cette intégration permet la mise en commun permanente des données humaines et animales obtenues, particulièrement importante dans un contexte où les efforts pour la réduction des niveaux de résistance doivent nécessairement être couplés.Après une progression lente et régu-lière des données collectées entre 2009 et 2011, l’année 2012 a connu une forte progression, toutes espèces animales confondues, suite au recru-tement d’un nouveau laboratoire pour les antibiogrammes issus de la filière équine (cf. Figure n° 10).

Les antibiogrammes en 2012 ont été le plus souvent réalisés à l’occasion de mammites chez les bovins, de maladies digestives chez les veaux, les ovins et les caprins, de maladies digestives et respiratoires chez les porcs et enfin de troubles de la repro-duction chez les équins [17].

D’après les dernières données dis-ponibles, la principale bactérie iso-lée sur les 31 211 antibiogrammes

provenant de 64 laboratoires est Escherichia coli. Elle représente 70 % des souches chez les volailles, 50 % chez les bovins et le porc, 25 à 35 % chez les petits ruminants, le lapin et le chat. L’augmentation régulière, toutes espèces animales confondues, des niveaux de résistance aux C3G et C4G chez E. coli se poursuit. Elle augmente nettement chez les veaux depuis 2010 et chez les chevaux depuis 2011.On observe en revanche une ten-dance à la baisse de la résistance aux fluoroquinolones chez E. coli pour la plupart des espèces animales (stabi-lisation pour les bovins).La multirésistance chez E. coli est fréquente dans la plupart des filières, en particulier pour les souches résis-tantes aux C3G/C4G. Ce phénomène est plus marqué chez les bovins, les chevaux et les chiens.

Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM) est rarement isolé des prélèvements d’origine infectieuse chez les animaux de rente : il est quasi inexistant chez les bovins, faible mais présent chez le chien et le chat. Chez le cheval, des analyses sont en cours [17].

Au plan européen, l’EMA cen-tralise l’ensemble des données dans le cadre du projet ESVAC (cf. Encadré n° 3, page 14).

3. Perspectives en recherche et développement en france et en Europe

Des travaux d’expertise et des pro-jets de recherche sur l’usage des antibiotiques et le développement d’antibiorésistance sont en cours à l'échelon national et international. Les

nombre d'antibiogrammes par filière [17]

Figure n° 10

25 000

30 000

35 000

20 000

15 000

10 000

5 000

0

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Poissons Lapins Volailles Porcs Autres Chevaux Chats Chiens Caprins Ovins Bovins

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3e

partie

Usages des antibiotiques en élevage et filières viandes

Usages des antibiotiques en élevage et filières viandes

pistes de travail portent notamment sur l’amélioration des méthodes dia-gnostiques, l’élargissement du panel d’antibiotiques et sur des traitements alternatifs aux antibiotiques.

3.1. MÉthoDES DiAgNoStiQUES

Le diagnostic clinique, nécropsique, épidémiologique et la recherche de l’agent en cause dans les maladies animales sont des éléments indispen-sables pour prescrire le traitement approprié. Des outils existent et sont à développer dans la pratique :

le développement de tests de diagnostic rapide permettant de définir une origine virale ou bacté-rienne, voire parasitaire, de certaines maladies. C’est par exemple le cas chez les bovins pour certains troubles respiratoires et chez les veaux pour certains troubles digestifs ;

l’amélioration des antibio-grammes (cf. supra), avec en particulier la mesure n° 11 du plan ÉcoAnti-bio : « Inciter les laboratoires réalisant des antibiogrammes à utiliser des méthodes validées dédiées à la médecine vétéri-naire et à développer des réseaux entre eux ».

3.2. PANEl D’ANtiBiotiQUES DiSPoNiBlES EN ÉlEvAgE

Pour pallier la défaillance du mar-ché dans l’innovation en matière d’antibiotiques, différentes pistes sont actuellement envisagées :

en Europe, l’Innovative Medicines Initiative a engagé en 2012 un pro-

gramme de recherche pour le dévelop-pement de nouveaux antibiotiques, « New drugs 4 bad bugs », de 223 millions d’euros, qui vise au développement clinique d’antibiotiques pour des bac-téries résistantes prioritaires. Ce finan-cement devrait permettre de finaliser le développement des molécules en cours mais pas nécessairement d’en rechercher de nouvelles [7] ;

la réhabilitation d’anciens anti-biotiques qui ne sont plus utilisés ou plus produits (cf. supra) ;

des partenariats public-privé pour le développement de nouveaux antibiotiques ;

des évolutions réglementaires : les procédures actuelles d’AMM sont longues (dix ans en moyenne) et coûteuses ;

des exclusivités commerciales pour les nouvelles molécules répon-dant à un véritable besoin de santé publique.

3.3. trAitEMENtS AltErNAtifS AUx ANtiBiotiQUES

Des pistes de recherche de complé-ments ou d’alternatives aux antibio-tiques sont à l’étude [7] :

le renforcement des stratégies de prévention des infections :  nou-veaux vaccins ou développement de nouveaux matériaux antibactériens ;

le développement de nouveaux antibactériens peptidiques promet-teurs : les bactériocines ;

le traitement des infections bac-tériennes avec des bactériophages, on parle de phagothérapie. Les bac-tériophages sont des virus qui ont la particularité de n’infecter que les bactéries car ils possèdent la capacité de reconnaître, infecter et détruire une bactérie en libérant de nouveaux phages. Les phages sont caractérisés par une très grande spécificité, chaque phage n’infectant qu’un sous-groupe donné au sein d’une espèce bacté-rienne. Ils n’attaquent donc que les populations bactériennes ciblées, au contraire des antibiotiques qui ont toujours un spectre d’activité plus large. Des réflexions sont en cours en Europe pour envisager un cadre réglementaire spécifique à la phagothérapie et pour mener des études cliniques et des projets de recherche fondamentale sur la biologie des phages et leurs effets sur l’organisme et l’écosystème ;

des pistes de recherche fonda-mentale nécessitent d’être explo-rées, telles de nouvelles molécules produites par les micro-organismes marins encore peu connus, les plantes médicinales et/ou extraits de plante, les probiotiques, etc.

3.4. AMÉliorAtioN DES CoNNAiSSANCES SUr lES MÉCANiSMES DE rÉSiStANCE

L’Anses poursuit de nombreux travaux de recherche prospective afin de mieux comprendre les mécanismes de résistance des bactéries aux anti-biotiques. Ainsi les équipes d’épidé-miologistes s’attachent à définir les facteurs de risque d’apparition des

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Usages des antibiotiques en élevage et filières viandes

Afin de préserver l’efficacité des antibiotiques et de freiner le développement de l’antibiorésistance des bactéries d’origine animale ou humaine, un usage approprié des antibiotiques s’avère indispensable pour les animaux comme pour l’Homme.

En l’espace de quelques années, la prise de conscience et la mobilisation de nombreux acteurs de la santé animale et de la santé publique ont permis d’identifier et de mettre en œuvre les actions à mener afin de lutter contre les résistances aux antibiotiques et de sauvegarder les progrès médicaux considérables réalisés au cours du XXe siècle.Dans les filières d’élevage bovin, ovin, équin et porcin, des progrès notables ont ainsi été obtenus depuis la mise en place du suivi des ventes d’antibiotiques, sur les tonnages d’antibiotiques vendus mais aussi sur le niveau d’exposition des animaux.

Toutefois, conscients des risques liés à une mauvaise utilisation des antibiotiques chez les animaux de rente, les professionnels poursuivent leurs efforts afin d’améliorer et de réduire leurs usages et d’atteindre les objectifs poursuivis dans le Plan ÉcoAntibio 2017.

maladies, qu’ils soient liés à la conduite d’élevage, à la configuration des bâti-ments, à la conduite des traitements

prophylactiques, aux facteurs environ-nementaux, aux facteurs humains, etc. Les bactériologistes, quant à eux,

développent des techniques de détec-tion et de caractérisation des agents pathogènes [4].

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annexes

Usages des antibiotiques en élevage et filières viandes

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BIBLIOGRApHIE

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Usages des antibiotiques en élevage et filières viandes

GLOSSAIRE

ADN (acide désoxyribonucléique) : molécule consti-tuée de deux brins enroulés en double hélice et formés chacun par une succession de nucléotides. Porteur de l’information génétique, l’ADN assure le développement et le fonctionnement d’un organisme vivant.

Allotement : regroupement en fonction de critères physiologiques et économiques d’animaux provenant de différents élevages.

Antibiogramme : examen de laboratoire permettant d’apprécier la sensibilité d’une bactérie vis-à-vis de divers antibiotiques.

Dose : quantité déterminée d’une substance à administrer.

gène : unité d’hérédité qui correspond à une région de l’ADN contrôlant un caractère particulier. Un gène gouverne la synthèse d’une protéine unique ou d’un ARN (acide ribonucléique) unique et conditionne ainsi la transmission ou la manifestation d’un caractère héréditaire donné.

ion : particule chargée électriquement et formée d’un atome ou d’un groupe d’atomes ayant gagné ou perdu un ou plusieurs électrons.

innocuité (des aliments) : caractère de ce qui n’est pas dangereux pour la santé du consommateur.

intégron : élément génétique retrouvé exclusivement chez les bactéries, et principalement chez les bactéries à coloration de Gram négative. Il constitue un système naturel de capture, d’expression et de dissémination de gènes pouvant permettre aux bactéries de répondre à un stress environnemental. Il est notamment impliqué dans la multirésistance des bactéries aux antibiotiques.

Métabolite : molécule résultant de transformations biochimiques d’une substance qui se produisent au sein de la cellule ou de l’organisme.

Mutation (génétique) : modification de l’information génétique d’une cellule ou d’un virus.

Nécropsique : relatif à une autopsie.

Peptidoglycane : constituant de la paroi des bactéries à Gram positif, et dans une moindre mesure à Gram négatif, il leur assure une protection mécanique et physique.

Phospholipide : constituant essentiel des membranes cellulaires, séparant l’intérieur de la cellule du milieu extérieur.

Plasmide : fragment d’ADN, le plus souvent circulaire, que l’on retrouve dans le cytoplasme des bactéries. Les plasmides des bactéries peuvent porter des gènes de résistance aux antibiotiques, aux antiseptiques ou aux métaux lourds permettant une adaptation de celles-ci en milieu hostile.

Probiotique : micro-organisme vivant (bactérie ou levure) qui, ajouté comme complément à certains produits alimentaires, comme les laits fermentés ou les céréales, aurait un effet bénéfique sur la santé du consommateur.

ribosome : présent dans le cytoplasme des cellules, sa fonction est de synthétiser les protéines en décodant l’information contenue dans l’ARN messager.

Sérotype : sous-ensemble d’une espèce microbienne regroupé sur la base de propriétés antigéniques communes.

transposon : séquence d’ADN capable de se déplacer et de s’insérer à un endroit ou un autre du génome.

veau : bovin mâle ou femelle de la naissance jusqu’à l’âge de 8 mois.

Zoonose : maladie infectieuse ou parasitaire naturel lement transmissible de l’animal à l’Homme et inversement.

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annexes

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Usages des antibiotiques en élevage et filières viandes

ACRONyMES

ADN : Acide Désoxyribonucléique

AlEA : Animal Level of Exposure to Antimicrobials

AMM : Autorisation de Mise sur le Marché

ANMv : Agence Nationale du Médicament Vétérinaire

ANSES : Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’alimentation, de l’Environnement et du travail

BlSE : Bêta-Lactamase à Spectre Étendu

C3g/C4g : Céphalosporine de 3e/4e Génération

DgAl : Direction Générale de l’Alimentation

DJA : Dose Journalière Admissible

DSE : Dose Sans Effet

ECDC : European Centre for Disease prevention and Control

EfSA : European Food Safety Authority

EMA : European Medicines Agency

ESvAC : European Surveillance of Veterinary Antimicrobial Consumption

fAo : Food and Agriculture Organization

fs : Facteur de sécurité

lMr : Limite Maximale de Résidus

oiE : Office International des Épizooties ou Organisation mondiale de la santé animale

oMS : Organisation Mondiale de la Santé

SArM : Staphylococcus aureus (staphylocoque doré) Résistant à la Méticilline

SNgtv : Société Nationale des Groupements Techniques Vétérinaires

Anses : (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail)www.anses.fr/

Civ : (Centre d’Information des Viandes) www.civ-viande.org

Commission européenne : (Commission européenne - Direction générale de la santé et des consommateurs (DG SANCO))http://ec.europa.eu/index_fr.htm

EfSA : (European Food Safety Authority – Autorité européenne de sécurité des aliments)www.efsa.europa.eu/fr

Ministère de l’Agriculture http://agriculture.gouv.fr/

oiE : (Office International des Épizooties)www.oie.int/fr

oMS : (Organisation Mondiale de la Santé) www.who.int/fr

Liens UtiLes

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Hélène CHARDON

Le Centre d’Information des Viandes est une association de loi 1901 qui a pour mission de contribuer, sur une base scientifique, à la connaissance et à la mise en débat des questions sociétales relevant des filières éle-vage et viande (bœuf, veau, agneau, porc, viande chevaline et produits tripiers). Sont particulièrement traitées les questions de sécurité sanitaire, santé et bien-être animal, nutrition et alimentation humaine, impacts environnementaux et sociétaux.

Sur ces sujets, le CIV produit une information experte reposant sur une veille et une analyse des tendances techniques, scientifiques et sociales, et sur des collaborations avec des acteurs publics, privés et de la société civile reconnus pour la solidité de leurs approches. Cette information est destinée à des publics professionnels ou avertis, inté-ressés ou concernés par les impacts sociétaux de la production et de la consommation des viandes.

Le CIV combine ainsi des fonctions d’édition de documents scientifiques, de mise à jour d’un site Internet faisant office de centre de ressources documentaires, d’animation de débats et de participation à des confé-rences, congrès et événements scientifiques.

Créé en 1987, à l’initiative conjointe d’INTERBEV (l’association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes) et d’un établissement public FranceAgriMer, le CIV mène ses activités sous le patronage d’un Conseil Scientifique et d’Orientation.

Plus d’informations sur : www.civ-viande.org