UNIVERSITE PIERRE ET MARIE CURIE - PARIS VI · téléphonique 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7,...

101
UNIVERSITE PIERRE ET MARIE CURIE - PARIS VI FACULTE DE MEDECINE PIERRE ET MARIE CURIE ANNEE 2016 N° 2016PA06G027 THESE PRESENTEE POUR LE DIPLOME DE DOCTEUR EN MEDECINE Diplôme d’Etat SPECIALITE MEDECINE GENERALE Par Lucie BOLIGNANO Née le 31 Octobre 1987 à Saint-Germain-En-Laye PRESENTEE ET SOUTENUE PUBLIQUEMENT LE 13 Mai 2016 L’obésité : un obstacle au dépistage de la dénutrition des personnes âgées par les médecins généralistes en France métropolitaine. PRESIDENT DE THESE : Professeur Jean-Michel OPPERT MEMBRES DU JURY : Docteur Gladys IBAÑEZ Professeur Marc VERNY DIRECTEUR DE THESE : Professeur Philippe CORNET

Transcript of UNIVERSITE PIERRE ET MARIE CURIE - PARIS VI · téléphonique 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7,...

UNIVERSITE PIERRE ET MARIE CURIE - PARIS VI

FACULTE DE MEDECINE PIERRE ET MARIE CURIE

ANNEE 2016 N° 2016PA06G027

THESE

PRESENTEE POUR LE DIPLOME DE DOCTEUR EN MEDECINE

Diplôme d’Etat

SPECIALITE MEDECINE GENERALE

Par

Lucie BOLIGNANO

Née le 31 Octobre 1987 à Saint-Germain-En-Laye

PRESENTEE ET SOUTENUE PUBLIQUEMENT LE 13 Mai 2016

L’obésité : un obstacle au dépistage de la dénutrition des

personnes âgées par les médecins généralistes en France

métropolitaine.

PRESIDENT DE THESE : Professeur Jean-Michel OPPERT

MEMBRES DU JURY : Docteur Gladys IBAÑEZ

Professeur Marc VERNY

DIRECTEUR DE THESE : Professeur Philippe CORNET

2

REMERCIEMENTS

Je remercie tous ceux qui ont participé à l’élaboration de ma thèse, et principalement :

Je remercie le Professeur Philippe Cornet qui m’a accompagnée pendant ces 18 mois de travail

et pendant les groupes de pairs. Merci pour vos conseils constructifs, la justesse de vos

corrections, votre disponibilité et votre ponctualité. Vous avez partagé votre savoir sur l’obésité.

Dans le but de me perfectionner au cours de mon futur exercice de la médecine, j’appliquerai

votre méthode basée sur la rigueur et la curiosité.

Je remercie le Professeur Jean-Michel Oppert de m’avoir fait l’honneur de présider ma thèse, le

Docteur Gladys Ibañez et le Professeur Marc Verny d’avoir accepté de participer à mon jury de

thèse. C’est avec enthousiasme que vous avez réuni vos compétences et votre expérience pour

évaluer mon travail. J’en suis d’autant plus honorée que je connais vos nombreuses obligations

hospitalières, universitaires et éditoriales. Veuillez trouver ici l’expression de ma gratitude et de

mon profond respect.

Professeur Luc Martinez, je vous remercie pour votre expertise, et le temps consacré aux

explications qui m’ont permis d’aborder cette science « obscure » que sont les statistiques.

Benjamin Mace, merci pour les formations au logiciel Zotero, et à la recherche sur Pubmed. Je

vous remercie d’avoir répondu à mes nombreuses questions pour obtenir une revue de la

littérature de qualité.

Un grand merci à ma mère et ma sœur Pauline pour leur relecture attentive de ma thèse.

A Fiona, pour la traduction en anglais.

3

Aux 160 médecins qui ont répondu à mon questionnaire de thèse.

Au Docteur Antoine Bizard qui m’a fait découvrir la gériatrie.

A Emna, qui m’a conseillée de présenter ma thèse au congrès de médecine générale France.

Et ceux sans qui ces onze années d’étude n’auraient pas été possible :

Mes amies Julie, Anne-Laure, Léa, Marine, Julia, et Emmanuelle pour leur présence depuis plus

de quinze ans.

Caroline, pour notre colocation pendant tout l’externat ; et mes amies médecins, je vous

motiverai pendant la rédaction de votre thèse ! Estelle, à quelques semaines près j’ai gagné

notre pari…

A mes cointernes, principalement ceux de cardiologie et de pédiatrie.

Mes cousins Ségolène, Alexis et Perrine, toujours prêts à profiter de la vie parisienne.

Mes parents Pascale et Dominique, mes deux sœurs Pauline et Clarisse pour leur soutien, leurs

encouragements, leur présence et leur patience pendant ces onze années d’étude (surtout en

P1, en D4 et au cours de l’écriture de ma thèse). Merci à vous quatre pour l’assistance

téléphonique 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, sans oublier les bons petits plats de maman à

déguster en repos de garde, et la discussion des alternatives à choisir avec papa. La chance

d’avoir eu une famille soudée m’a permis de réussir ce que je souhaitais et je vous en suis

reconnaissante.

4

LISTE DES PU-PH

5

6

7

8

9

10

11

12

13

LISTE DES MCU-PH

14

15

16

17

18

19

SERMENT D’HIPPOCRATE

« En présence des Maîtres de cette Ecole, de mes chers condisciples et devant l’effigie d’Hippocrate,

je promets et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité dans l’Exercice de la Médecine.

Je donnerai mes soins gratuits à l’indigent et n’exigerai jamais un salaire au-dessus de mon travail.

Admis dans l’intérieur des maisons, mes yeux ne verront pas ce qui s’y passe, ma langue taira les secrets

qui me seront confiés, et mon état ne servira pas à corrompre les mœurs ni à favoriser le crime.

Respectueux et reconnaissant envers mes Maîtres, je rendrai à leurs enfants l’instruction que j’ai reçue

de leurs pères. Que les hommes m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses ! Que je sois

couvert d’opprobre et méprisé de mes confrères si j’y manque. »

20

TABLE DES MATIERES REMERCIEMENTS ..................................................................................................................................... 2

LISTE DES PU-PH ...................................................................................................................................... 4

LISTE DES MCU-PH ................................................................................................................................. 13

SERMENT D’HIPPOCRATE ....................................................................................................................... 19

TABLE DES MATIERES ............................................................................................................................. 20

LISTE DES ANNEXES................................................................................................................................ 22

1. INTRODUCTION ............................................................................................................................. 23

1.1. Le dépistage de la dénutrition ................................................................................................ 24

1.1.1. Définition de la dénutrition chez les personnes de plus de 75 ans ................................... 24

1.1.2. Epidémiologie de la dénutrition des personnes âgées ..................................................... 24

1.1.3. Quelques concepts ......................................................................................................... 25

1.1.4. Facteurs favorisants la dénutrition .................................................................................. 26

1.1.5. Comment dépister la dénutrition .................................................................................... 28

1.1.6. Complications et conséquences de la dénutrition ........................................................... 30

1.1.7. Fragilité .......................................................................................................................... 32

1.2. Dénutrition chez la personne âgée obèse ............................................................................... 33

1.2.1. Définition de l’obésité ..................................................................................................... 33

1.2.2. La sarcopénie .................................................................................................................. 34

1.2.3. Obésité sarcopénique ..................................................................................................... 36

1.2.4. Complications de l’obésité chez la personne âgée ........................................................... 36

1.2.5. L’amaigrissement chez la personne âgée obèse .............................................................. 38

1.2.6. Effet d’un régime restrictif sur la dénutrition et les carences ........................................... 39

1.3. Représentations de l’obésité .................................................................................................. 40

1.3.1. Représentations de l’obésité dans la société ................................................................... 40

1.3.2. Représentations de l’obésité par le personnel soignant .................................................. 41

1.3.3. Les obstacles à la prise en charge de l’obésité ................................................................. 41

1.3.4. L’échec des régimes chez les personnes obèses .............................................................. 42

1.4. Justification de l’étude............................................................................................................ 43

2. METHODES .................................................................................................................................... 47

2.1. Méthode de sélection de la population étudiée ..................................................................... 47

2.2. Méthode d’intervention ......................................................................................................... 48

2.2.1. Méthode ......................................................................................................................... 48

21

2.2.2. Intervention .................................................................................................................... 48

2.2.3. Questionnaire ................................................................................................................. 50

2.2.4. Contrôle.......................................................................................................................... 50

2.2.5. Recueil des réponses ...................................................................................................... 51

2.3. Méthode d’évaluation des données ........................................................................................ 51

2.3.1. Critères de jugement ...................................................................................................... 51

2.3.2. Analyse statistique .......................................................................................................... 51

3. RESULTATS .................................................................................................................................... 55

4. DISCUSSION ................................................................................................................................... 65

4.1. Critique méthodologique ........................................................................................................ 65

4.1.1. La représentativité de l’échantillon . ............................................................................... 65

4.1.2. Biais et limites ................................................................................................................. 68

4.2. Discussion des points significatifs de l’étude ........................................................................... 70

4.2.1. La diminution du dépistage en cas d’obésité, du seul fait de leur poids ........................... 71

4.2.2. Autres points pouvant expliquer la diminution du dépistage chez les sujets en obésité : . 76

4.2.3. Le vieillissement, symbole de fragilité ............................................................................. 78

4.2.4. L’expérience professionnelle du médecin ....................................................................... 81

5. CONCLUSION ................................................................................................................................. 84

5.1. Faut-il faire maigrir les personnes âgées obèses ? ................................................................... 84

5.2. Eléments forts ........................................................................................................................ 86

5.3. Perspectives ........................................................................................................................... 87

6. BIBLIOGRAPHIE.............................................................................................................................. 88

7. ANNEXES ....................................................................................................................................... 93

8. RESUME ....................................................................................................................................... 101

9. MOTS-CLES .................................................................................................................................. 101

22

LISTE DES ANNEXES

Annexe 1 : Exemple d’appel type d’un médecin généraliste

Annexe 2 : Questionnaire envoyé par mail aux médecins généralistes

Annexe 3 : Mini Nutritional Assessment (MNA)

Annexe 4 : Ebauche d’article en vue d’une publication

Annexe 5 : Résumé traduit en anglais

23

1. INTRODUCTION

La proportion de personnes âgées en France est de plus en plus importante. Les personnes

âgées sont à risque de dénutrition. Les complications de la vieillesse et celles de la dénutrition

affaiblissent ces dernières en entraînant une augmentation des chutes, une perte d’autonomie,

et une altération de l’état général. La dénutrition participe à deux concepts : la fragilité et la

vulnérabilité. Le médecin généraliste a un rôle important dans la prévention et le dépistage

précoce de la dénutrition.

Par ailleurs, l’obésité a augmenté ces dernières années. L’obésité entraîne des problèmes

respiratoires, et articulaires. Elle limite la mobilité du patient et l’entretien de sa masse

musculaire par défaut d’activité physique. Cette perte de masse musculaire est également

favorisée par les régimes restrictifs successifs entrepris à tort pour lutter contre la survenue des

facteurs de risques cardiovasculaires. Les personnes obèses sont représentées comme des

personnes qui mangent excessivement. Il est de ce fait difficile de se représenter une personne

obèse et dénutrie. Cette population peut-elle être victime de cette représentation erronée de la

part des médecins généralistes en termes de dépistage de la dénutrition ?

Après avoir défini la dénutrition, les moyens de la dépister, l’obésité sarcopénique et ses

complications, notre travail approchera les représentations de l’obésité en population générale

et chez les médecins. Nous présenterons l’approche méthodologique, ses résultats et la

discussion.

24

1.1. Le dépistage de la dénutrition

1.1.1. Définition de la dénutrition chez les personnes de plus de 75 ans

Selon les recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) la dénutrition est une

inadéquation entre les besoins et les apports. Elle se définie par une perte de poids de plus de 5

% en 1 mois, ou de plus de 10 % en 6 mois ; un indice de masse corporelle < 21 kg/m2 ; une

albuminémie < 35 g/L ; un MNA global < 17 (1).

La dénutrition peut se révéler cliniquement par une diminution de la force musculaire et

de la mobilité, une fragilité osseuse, une plus grande susceptibilité aux pathologies infectieuses,

des troubles de la glycorégulation, une tendance accrue à la déshydratation, des difficultés de

cicatrisation, des troubles cognitifs. A minima, la présence d’une dénutrition se traduit par une

asthénie, une apathie et une anorexie (2).

1.1.2. Epidémiologie de la dénutrition des personnes âgées

En France, en 2015, la population âgée de plus de 75 ans est estimée à près de 6 millions

de personnes ce qui correspond à 9,3 % de la population générale. Cette tranche de la

population est en augmentation car en 2005, les plus de 75 ans représentaient 8 % de la

population générale (3).

La prévalence de la dénutrition chez les personnes âgées est estimée à environ 4–10 % à

domicile, 15–38 % en institution et 30–70 % à l’hôpital. En France, 300 000 à 400 000 personnes

âgées vivant à domicile sont dénutries (4). La dénutrition est un état pathologique fréquent qu’il

25

convient de rechercher afin de prévenir la dépendance, la morbi-mortalité et le coût pour la

société.

Un des objectifs du Programme national nutrition santé (PNNS) de 2011-2015 vise à

réduire, en 5 ans, le pourcentage de personnes âgées dénutries vivant à domicile ou en

institution sur la population générale : de 15 % au moins pour les plus de 60 ans et de 30 % au

moins pour les plus de 80 ans (5).

1.1.3. Quelques concepts

Le vieillissement est une définition médicale. Nous parlerons du vieillissement comme

un déclin physiologique de la fonction d’un organe, progressif tout au long de la vie. Cette

détérioration n’entraine pas de décompensation de l’organe, elle est à différencier des maladies

chroniques, mais le fait d’additionner le vieillissement, la maladie chronique et une situation de

stress aigu entraîne souvent des décompensations très sévères.

A l’inverse, la vieillesse, et le terme de personne âgée sont des constructions sociales.

Ces termes n’ont pas la même définition en fonction des individus, des groupes sociaux et des

cultures. Dans la population générale, la vieillesse peut représenter une personne fragile de part

ses maladies, son âge, ou le début de sa retraite. Dans le milieu médical, la gériatrie est la

science des personnes âgées. Ces dernières sont caractérisées par un âge supérieur à 75 ans.

Cette définition médicale ne préjuge pas de l’état de santé du patient. D’où l’intérêt d’une

évaluation gériatrique globale pour estimer la fragilité d’un patient, ses attentes, et le rapport

bénéfice risque qu’il peut estimer d’une prise en charge thérapeutique.

26

1.1.4. Facteurs favorisants la dénutrition

La dénutrition est multifactorielle : elle est favorisée par le vieillissement physiologique

du corps, l’existence de facteurs de risque (qui sont plus fréquents à un âge avancé) et

l’apparition d’une situation aiguë. Ces situations entraînent une carence d’apport ou un

hypercatabolisme et concourent à l’inadéquation des besoins responsable de dénutrition (6).

Le vieillissement peut entrainer une dénutrition par plusieurs mécanismes (6) :

o Une modification de l’appétit : Le sujet âgé est incapable d'adapter son appétit à un

stress alimentaire. Après un épisode de sous-alimentation, il augmente insuffisamment

ses apports pour compenser la perte de poids. Il a tendance à faire perdurer les

changements que la vie impose à son appétit.

o Une modification du goût : Le seuil du goût s'élève avec l'âge. La perception des goûts

élémentaires (salé, sucré, amer, acide) se modifie au cours du vieillissement, donc il faut

qu'un aliment soit plus assaisonné pour que soit perçue une saveur.

o Une modification de l’odorat : La perte de l’odorat est estimée à plus de 70 % à partir de

75 ans.

o Une modification de l’ensemble du système digestif : L'altération de la dentition et un

mauvais état gingival entrainent une mastication douloureuse donc une mauvaise

alimentation. La muqueuse gastrique qui s'atrophie avec l'âge entraîne une diminution

de la sécrétion acide, source de retard à l'évacuation gastrique. Les sécrétions

enzymatiques digestives diminuent avec l'âge, d'où résulte un retard à l'assimilation des

nutriments dans l'intestin grêle. Le ralentissement du transit intestinal avec l'âge

27

(souvent en relation avec la diminution d'activité physique) est responsable de

constipation, de stase intestinale, et de pullulation microbienne. Cette constipation est à

l'origine de nombreux régimes inappropriés.

o La masse musculaire squelettique diminue avec l'âge, conséquence du vieillissement, de

la réduction de l'activité physique et de la fréquente diminution des apports alimentaires

en protéines. Par contre, le rendement du métabolisme protéique (anabolisme comme

catabolisme) n'est que légèrement diminué.

o La masse hydrique diminue avec l'âge physiologiquement. Le seuil de perception de la

soif est plus élevé à cause d’une mauvaise perception de l’hypernatrémie. De plus, le

pouvoir de concentration des urines diminue ; lors d’une déshydratation aiguë, la

diurèse n’est pas adaptée (2).

o Après la ménopause et chez l’homme âgé, on observe une diminution de l’absorption

intestinale du calcium par transport actif, ce qui peut favoriser la déminéralisation

osseuse (7).

o La cholestérolémie augmente discrètement avec l'âge sans conséquences physiologiques

chez les sujets très âgés. Par contre, la présence d'une hypocholestérolémie est un signe

biologique de mauvais pronostic, traduisant toujours un état de dénutrition.

Les autres situations à risque de dénutrition, indépendantes du vieillissement mais qui s’y

ajoutent fréquemment sont (1) :

o La iatrogénie : la polymédication, et les médicaments entraînant une sécheresse de la

bouche, une dysgueusie, des troubles digestifs, une anorexie, une somnolence.

28

o Les troubles bucco-dentaires : troubles de la mastication, mauvais état dentaire,

appareillage mal adapté, sécheresse de la bouche, candidose oropharyngée, dysgueusie.

o Certaines situations psychologiques, sociales ou environnementales : isolement social

deuil, difficultés financières, maltraitance, hospitalisation, changement des habitudes de

vie comme l’entrée en institution.

o Toute affection aiguë ou décompensation d’une pathologie chronique : douleur,

pathologie infectieuse, fracture entrainant une impotence fonctionnelle, intervention

chirurgicale, constipation sévère, escarres.

o Les régimes restrictifs : sans sel, amaigrissant, diabétique, hypocholestérolémiant, sans

résidu au long cours.

o Les syndromes démentiels et autres troubles neurologiques : maladie d’Alzheimer,

autres démences, syndrome confusionnel, troubles de la vigilance, syndrome

parkinsonien.

o Les troubles psychiatriques : syndromes dépressifs, troubles du comportement.

1.1.5. Comment dépister la dénutrition

1.1.5.1. Dépistage de la dénutrition selon les recommandations :

Selon l’HAS, les personnes âgées doivent avoir un dépistage de la dénutrition une fois

par an. Ce dépistage passe par la recherche des facteurs de risque de dénutrition

précédemment cités, le poids, le calcul de l’IMC, l’estimation de l’appétit et la quantification des

apports alimentaires. Ce dépistage peut être formalisé par un questionnaire tel que le MNA

29

(Mini nutritional assessment) (1). L’objectif du PNNS est le dépistage de la dénutrition en

médecine ambulatoire par l’utilisation du test MNA dans sa forme courte (5). La surveillance

doit être plus fréquente chez les personnes âgées à risque de dénutrition (1).

Lorsque le diagnostic de dénutrition a été posé, le suivi comprend trois aspects : la

mesure du poids une fois par semaine, la quantification des apports, et le dosage de

l’albuminémie au maximum une fois par mois (1).

1.1.5.2. Dépistage de la dénutrition tel qu’il est fait par les médecins généralistes ; et

les obstacles à la réalisation de ce dépistage :

62 % des médecins généralistes font un dépistage systématique de la dénutrition. Les

freins au dépistage de la dénutrition chez les personnes âgées par les médecins généralistes

sont (8) :

o La difficulté de réalisation en ville : manque de temps, mauvaise valorisation financière,

l’absence de gold standard, la limitation des ressources, le manque de travail en réseau.

o Les obstacles liés au médecin : manque de formation, de connaissance, d’intérêt.

o Les obstacles liés aux patients : leur attitude face à la dénutrition.

Les médecins connaissent mal les critères diagnostiques de la dénutrition : 42 % des

médecins connaissent les valeurs de référence pour la perte de poids, 40% la valeur de

référence de l’IMC et 29% la valeur de l’albumine (8). Les outils utilisés en première intention

dans le dépistage de la dénutrition sont le poids, le calcul de l’IMC et la biologie (principalement

l’albuminémie) (9).

30

Les médecins généralistes se basent sur leur impression clinique et sur la perte de poids

pour prendre en charge la dénutrition. Le questionnaire MNA est rarement réalisé en ville. La

place des dosages biologiques est importante pour les médecins généralistes dans le dépistage

alors que dans les recommandations ils ne sont utilisés que pour le diagnostic (9). Dans d’autres

études, les critères biologiques tels que l’albuminémie sont dosés s’il existe un point d’appel

clinique à la dénutrition seulement (10). Lorsqu’elle est recherchée, l’albuminémie constitue

l'examen biologique principal pour le diagnostic de dénutrition (11).

1.1.6. Complications et conséquences de la dénutrition

Les deux principales complications de la dénutrition sont la perte de masse musculaire et

le déficit immunitaire.

La perte de masse musculaire, suivie d’une perte de la force musculaire donc une

diminution des activités de la vie quotidienne notamment une diminution de l’alimentation. Elle

entraine donc un risque de dénutrition par carence d’apport (2).

La malnutrition protéino-énergétique est la première cause de déficit immunitaire

acquis. En effet le déficit immunitaire comprend une diminution de l’activité cytotoxique des

lymphocytes T, une diminution de la fonction des anticorps créés par les lymphocytes B, une

diminution de la phagocytose par les polynucléaires, diminution de la bactéricidie par les

polynucléaires et les macrophages, diminution de production de cytokines par les monocytes

macrophages. Ce déficit immunitaire est d'autant plus profond que la dénutrition est intense. Le

déficit immunitaire favorise les infections dont le diagnostic peut être retardé par l’absence de

31

fièvre (absence de synthèse d’interleukine 1 par les monocytes). De plus, il prolonge le

syndrome inflammatoire donc l’hypercatabolisme entretient la dénutrition (2,6,12,13).

Les cytokines pro-inflammatoires augmentent l’activité des ostéoclastes qui fragilisent

l’os et entrainent des fractures ou des tassements vertébraux (2). L’alitement lié à la douleur et

l’éventuelle prise en charge chirurgicale entretient la perte musculaire, et l’apparition d’escarre.

L’apparition d’escarre n’est pas anodine car la dénutrition ralentit le processus de

cicatrisation.

La dénutrition, en réduisant les capacités contractiles des fibres musculaires lisses,

entraîne des troubles du transit intestinal. Des désordres hydro-électrolytiques dont la

déshydratation, apparaissent et le cercle vicieux de la malnutrition est entretenu.

La dénutrition favorise les troubles de la glycorégulation. Le vieillissement physiologique

entrainant un retard à la sécrétion postprandiale d’insuline et une résistance périphérique à

l’insuline augmentée. La dénutrition aggrave ces troubles. Les patients dénutris peuvent donc

présenter des hyperglycémies de stress ou des hypoglycémies à jeun liées à une carence sévère

en glycogène (2).

En somme, la dénutrition fragilise le sujet âgé en favorisant l’apparition de certaines

maladies qui à leur tour aggravent l’état nutritionnel et font entrer la personne âgée dans un

cercle vicieux. (2)

32

1.1.7. Fragilité

Le syndrome de fragilité se caractérise par un risque permanent de décompensation qui

peut se manifester par des symptômes peu spécifiques : une confusion, une chute, une

anorexie… Elle est expliquée par le modèle de Bouchon « 1+2+3 » (14), c’est-à-dire que le

vieillissement fragilise de façon physiologique les organes en réduisant les réserves

fonctionnelles sans entrainer de décompensation. Deuxièmement, l’apparition d’une maladie

chronique accélère la pente de détérioration de la fonction de l’organe. Troisièmement, la

survenue d’une maladie aiguë ou d’un stress entraine la décompensation de la fonction de

l’organe. En gériatrie, les complications en cascade sont fréquentes, la décompensation d’un

organe peut en entrainer d’autres rapidement. La fragilité est cette inaptitude à se remettre des

effets d’un évènement aigu par manque de compensation des autres organes.

L’intérêt de mesurer la fragilité chez une personne âgée est de différencier les patients

qui peuvent se remettre d’un évènement même minime, qui peuvent être pris en charge tels

des adultes jeunes. Repérer ceux chez qui la vigilance doit être accrue lors de l’introduction d’un

traitement, ou lors de l’indication d’une intervention chirurgicale… pour prévenir l’apparition de

pathologies en série, le recours à une hospitalisation.

Selon Fried, il existe un syndrome gériatrique qui s’ajoute aux comorbidités du patient et

à sa dépendance. Sa définition repose sur 5 critères : la perte de poids involontaire, l’asthénie,

la faible dépense énergétique, la faible vitesse de marche, la force de préhension (15).

Selon Rockwood, la fragilité est définie par l’association des comorbidités, de la

sarcopénie et de la dépendance ; c’est-à-dire l’accumulation de déficit ou de comorbidités sur

33

une liste détaillée de 92 items (cognition, humeur, motivation, motricité, équilibre, capacités

pour les activités de la vie quotidienne, nutrition, condition sociale et comorbidités…) (16,17).

La fragilité est difficile à diagnostiquer du fait des symptômes cliniques aspécifiques et de

l’absence de critères diagnostiques consensuels. A l’inverse, la dénutrition, une des

composantes de la fragilité, a des critères diagnostiques précis et réalisables en médecine

générale et une prise en charge facile à mettre en œuvre en ambulatoire (conseils diététiques et

prescription de compléments nutritionnels oraux). Dépister et prendre en charge la dénutrition

d’une personne âgée participe à l’évaluation gériatrique globale et donc de la fragilité.

1.2. Dénutrition chez la personne âgée obèse

1.2.1. Définition de l’obésité

Le surpoids est défini par un IMC ≥ 25 kg/m2 ; l’obésité par un IMC ≥ 30 kg/m2. Au sein

de l’obésité, on définit 3 stades : un IMC ≥ 30 kg/m2 représente une obésité modérée, un IMC ≥

35 kg/m2 une obésité sévère, et un IMC ≥ 40 kg/m2 une obésité morbide. Cette définition est

médicale, mais est ce que tous les patients en obésité se considèrent comme tel ? L’obésité

n’est pas perçue unanimement comme maladie par les patients, tandis qu’elle l’est pour la

majorité des médecins (18).

D’après l’OMS, Le surpoids et l’obésité sont définis comme «une accumulation anormale

ou excessive de graisse qui peut nuire à la santé». L’IMC est la mesure la plus utile du surpoids

et de l’obésité dans une population car, chez l’adulte, l’échelle est la même quels que soient le

sexe ou l’âge du sujet. Il donne toutefois une indication approximative car il ne correspond pas

forcément au même degré d’adiposité d’un individu à l’autre (19).

34

L’obésité favorise la survenue de maladies cardiovasculaires (principalement les

cardiopathies et les accidents vasculaires cérébraux), du diabète, des troubles musculo-

squelettiques, en particulier l’arthrose, des cancers de l’endomètre, du sein et du colon).

1.2.2. La sarcopénie

Pour comprendre le concept de dénutrition chez la personne obèse, il est utile de

s’intéresser à la sarcopénie. La définition de la dénutrition étant principalement basée sur le

poids, il est difficile de se représenter une personne obèse dénutrie. Le poids total est

faussement associé au poids de la masse grasse. Une personne obèse et dénutrie, a un excès de

masse grasse et un manque de masse maigre. La mesure de la masse maigre est donc

nécessaire pour s’imaginer une dénutrition au cours d’une obésité et donc mesurer

l’importance de la fragilité d’une personne âgée obèse.

Auparavant la définition de la sarcopénie de Baumgartner était souvent utilisée, elle

était définit seulement par la baisse de la masse musculaire (20). C’est-à-dire que le rapport de

la masse musculaire appendiculaire divisée par la taille au carré était calculé, et le patient était

considéré comme sarcopénique si ce rapport était inférieur à deux écarts-types (21).

D’après le consensus européen de 2010 (EWGSOP), la sarcopénie est définie par une

diminution de la masse musculaire et de la fonction musculaire (force et/ou performance) qui

peuvent entrainer des comorbidités, une altération de la qualité de vie, voire le décès (22). Les 2

critères sont utiles au diagnostic car la force musculaire ne dépend pas seulement de la masse

musculaire, et la relation entre la force musculaire et la masse musculaire n’est pas linéaire (22).

35

Les outils de mesure de référence sont :

o L’absorptiométrie biphotonique (DEXA) pour la masse musculaire : le taux de masse

maigre est calculé par le rapport de la masse musculaire appendiculaire, divisé par la

taille au carré. La sarcopénie est définie par un seuil inférieur à deux dérivations

standards.

o Le dynamomètre mesure la force musculaire : une force musculaire inférieure à 30 kg

chez l’homme et inférieure à 20 kg chez la femme définissent la sarcopénie.

o Le test SPPB (Short Physical Performance Battery) évalue la performance musculaire : ce

test mesure le temps d’équilibre du patient pieds joints, puis pieds l’un devant l’autre ; la

vitesse de marche sur 4 mètres ; se lever d’une chaise plusieurs fois d’affilé. Un test

inférieur à 8 sur un total de 12 points signe la sarcopénie (22), (23).

Ce dernier outil est le seul accessible aisément en pratique de ville.

La prévalence de la sarcopénie varie en fonction des études du fait de l’absence de

définition consensuelle au niveau mondial. La prévalence de la sarcopénie augmente avec l’âge.

Morley estime la prévalence de la sarcopénie entre 5 à 13 % dans une population de 60 à 70

ans, et entre 11 à 50% chez les plus de 80 ans, en fonction des études (24). A partir de 50 ans, la

perte de masse musculaire est estimée à environ 1 à 2 % par an (25). Après 60 ans, l’homme

perd en moyenne 2,4 kg de masse maigre tous les 10 ans et la femme 0,6 kg alors que la masse

grasse augmente (26).

36

L’origine est plurifactorielle : diminution des apports protéiques, diminution des hormones

anabolisantes, diminution de l’activité physique, augmentation de l’inflammation, diminution de

la synthèse protéique. La sarcopénie entraine une augmentation des chutes, plus

d’institutionnalisation, une perte d’autonomie, une fragilité (27).

1.2.3. Obésité sarcopénique

L’obésité sarcopénique est définit par un IMC > 30 kg/m2 et une réduction de la masse et

de la fonction musculaire (28).

La perte de la masse et de la force musculaire liée à l’âge est souvent indépendante de la

masse corporelle (22). En règle générale, l’augmentation de la masse maigre va de pair avec

celle de la masse grasse. En revanche le sujet obèse sarcopénique a une masse maigre plus

faible que ne le voudrait son excès d’adiposité (29).

L’obésité entraine une insulinorésistance, une inflammation chronique, et une surcharge

adipocytaire. Ces 3 phénomènes sont impliqués dans la diminution de la synthèse protéique.

Notamment l’infiltration des cellules graisseuses dans le muscle est responsable d’une

lipotoxicité donc l’oxydation des acides gras est altérée. De ce fait il y a une diminution de la

masse et de la force musculaire, et la perte de la masse grasse est limitée (28). Le rapport de la

masse maigre par rapport à la masse grasse augmente et aggrave l’obésité sarcopénique.

1.2.4. Complications de l’obésité chez la personne âgée

La vieillesse aggrave les complications de l’obésité et inversement. Il existe donc une

augmentation des risques de survenue de maladie cardiovasculaire, diabète, insuffisance

37

respiratoire dont un syndrome d’apnée du sommeil, arthrose, cancers, incontinence urinaire,

démence, troubles trophiques, déclin de la qualité de vie (26).

Le surpoids n’est pas associé à une augmentation du risque de mortalité chez les adultes

≥ 65 ans, mais l’obésité est associée à une augmentation modeste du risque de mortalité

d’environ 10 % (30). L’augmentation du risque de mortalité liée à l’obésité est observée jusqu’à

75 ans. Chez le sujet âgé, seuls 1,2 % des décès seraient liés à un IMC élevé (26).

Les complications de l’obésité et du vieillissement s’intriquent pour favoriser la

sarcopénie (Figure 1). La perte de masse maigre au cours des phases d’amaigrissement n’est pas

récupérée lors des phases de stabilisation ou de prise de poids. Les régimes « yoyo » pondéraux

augmentent le risque de sarcopénie (26). L’obésité favorise les maladies chroniques telles que

l’insuffisance cardiaque, respiratoire ou rénale. Mais l’association d’une de ces complications à

la dénutrition est une situation à plus haut risque de dénutrition que la présence concomitante

de l’une de ces maladies et de l’obésité (26).

38

Figure 1 : impact de l’obésité et du vieillissement sur la performance physique et la sarcopénie,

intrication des facteurs physiopathologiques (d’après Quilliot et al., (26)).

1.2.5. L’amaigrissement chez la personne âgée obèse

Chez les sujets âgés obèses, la perte de poids involontaire est associée à une

augmentation du risque de mortalité, mais qui peut être liée à la pathologie sous-jacente.

Chez des patients âgés de plus de 60 ans, ayant un IMC ≥ 27 kg/m2, une perte de poids

intentionnelle de 3 % (ou de 2 kg) par rapport au poids initial et un suivi ≥ 6 mois, apporte des

bénéfices significatifs chez les patients souffrant d’arthrose, de maladies coronariennes et de

diabète de type 2, mais a des effets légèrement défavorables sur leur densité osseuse et leur

masse maigre (30).

39

Chez les personnes âgées obèses, la perte de poids surtout quand elle touche la masse

maigre a un impact majeur sur les capacités fonctionnelles c’est-à-dire sur la performance

musculaire. Sur le plan fonctionnel, c’est l’obésité associée à une sarcopénie qui représente la

situation la plus à risque (26).

1.2.6. Effet d’un régime restrictif sur la dénutrition et les carences

Un des objectifs du « programme national nutrition santé » (PNNS) et du « plan

obésité » vise à réduire l’obésité et le surpoids dans la population (5). La perte de poids chez les

sujets obèses peut être perçue favorablement dans une maladie chronique alors qu’elle est

souvent un facteur prédictif négatif de la maladie (26). L’amaigrissement volontaire ou

involontaire entraine une perte musculaire, une diminution de la masse maigre, donc un risque

de sarcopénie (26).

Lors des prises de poids ultérieures, ou effet rebond, le patient ne récupère pas toute sa

masse maigre, mais prend de la masse grasse. Lors d’une perte de poids, deux mécanismes sont

impliqués : la lipolyse diminue le nombre d’acide gras, et la protéolyse diminue les acides

aminés musculaires.

Pour assurer la quantité de glucose nécessaire au cerveau, et surtout dans les régimes

hypoglucidiques, l’organisme utilise la néoglucogénèse à partir des acides aminés (protéolyse)

ce qui diminue la masse musculaire (31). Enfin, ce problème peut être aggravé par le

vieillissement qui s’accompagne d’une sarcopénie et qui modifie la réponse métabolique au

déficit énergétique, illustrant le danger potentiel des régimes restrictifs dans cette population.

40

Les régimes restrictifs (hyposodés, diabétiques, hypocholestérolémiant ou une

association) chez les personnes âgées de plus de 75 ans entrainent un risque plus élevé d’avoir

un score inférieur à 12 au test MNA dans sa forme courte (OR =3,6), donc une augmentation du

risque de dénutrition par rapport à une population du même âge sans régime (32). Il est difficile

d’allier des règles diététiques pour prévenir l’apparition d’une pathologie chronique et le risque

de perdre de la masse maigre car ces règles sont souvent contradictoires et peuvent générer

une perte d’envie de manger. D’autant plus que les conséquences de la dénutrition augmentent

le risque de décompensation de pathologies chroniques (33). La prévention de la perte de

masse maigre doit être la préoccupation majeure du régime prescrit à un obèse âgé.

Aucun des régimes ne semble être adapté aux besoins de cette population âgée, la

promotion de l’activité physique est indispensable au maintien de la masse maigre de la

personne âgée (34). En effet la pratique d’un exercice physique contre résistance permet

l’amélioration de la masse et de la force musculaire, mais ce n’est pas toujours suffisant pour

combler la perte chez la personne âgée (35). Le traitement efficace est l’association d’un

programme d’entrainement contre résistance et d’une supplémentation protéique adaptée.

Cette association permet la prévention et le traitement de la sarcopénie (23).

1.3. Représentations de l’obésité

1.3.1. Représentations de l’obésité dans la société

L’obésité est plus fréquente dans les milieux défavorisés. Dans les pays développés,

l’abondance de la nourriture la vulgarise et l’obésité devient un signe visible de pauvreté. Les

populations aisées se distinguent par leur minceur qui prouve leur maitrise de leur

41

comportement alimentaire (36). Il y a plus de 2400 ans, Hippocrate jugeait qu’il était

« dommageable de consommer davantage de nourriture que la constitution n’en supporte si on

ne pratique pas l’exercice pour éliminer les excès ». Il conseillait de faire de l’exercice et de se «

rassasier avec très peu de nourriture » (37). L’opinion publique estime que les obèses sont

responsables de leur état, et qu’ils refusent de soigner correctement. En effet ils sont rejetés car

ils acceptent la détérioration de leur corps au niveau sanitaire et esthétique.

1.3.2. Représentations de l’obésité par le personnel soignant

Ils sont également rejetés par les soignants. Cette réprobation est toujours justifiée par

des arguments de santé : les instruments et le matériel médical ne sont pas toujours adaptés

aux personnes obèses, l’augmentation des risques liés à l’excès de poids (36).

1.3.3. Les obstacles à la prise en charge de l’obésité

D’après une étude française, les cinq principales difficultés de prise en charge de

l’obésité déclarées par les médecins généralistes étaient liées aux patients à cause du mauvais

suivi des conseils d’activité physique (94 %), diététiques (91 %), les obstacles psychologiques

(72 %), le manque de motivation (93 %), et la présence de troubles du comportement

alimentaire (84 %).

De plus, 59 % des médecins généralistes se sentaient inefficaces, 53 % pensaient avoir

trop peu de temps et 50 % trop peu de formation. L’allégation d’insuffisance de formation

médicale a une répercussion significative sur l’intérêt que les médecins avaient sur les patients

obèses (38).

42

1.3.4. L’échec des régimes chez les personnes obèses

Les régimes échouent souvent et sont accompagnés d’une reprise pondérale à cause de

plusieurs facteurs (31) :

o Métaboliques (cf paragraphe 1.2.6)

o Comportementaux : la restriction cognitive entraine une altération des perceptions de

faim et de satiété, et de modération du fait même que la personne contrôle sa prise

alimentaire. Lors d’un stress, il y a une levée d’inhibition, le patient mange sans repères

alimentaires et sensoriels au risque de prendre du poids.

o Psychologiques : si le surpoids est lié à une boulimie ou à une hyperphagie ou des

compulsions alimentaires pour combler une anxiété, il est préférable de traiter la cause

plutôt que de ne s’intéresser qu’aux conséquences des comportements alimentaires.

o Hormonales : les régimes restrictifs entrainent une dysrégulation de la voie de la

mélanocortine qui augmente le sentiment de faim et diminuent le sentiment de satiété

(39).

o Génétiques : certains facteurs génétiques favorisent la prise de poids après perte de

poids. Mais aussi d’autres anomalies telles que les altérations des récepteurs MC4R dans

la voie des mélanocortines pour ne citer qu’elle.

Les régimes restrictifs à long terme sont difficiles à respecter, et mettent le patient en échec,

ce qui porte atteinte à l’estime de soi (39).

43

1.4. Justification de l’étude

Actuellement, la majorité des sujets âgés sont à leur domicile en France. Les médecins

généralistes se trouvent concernés en première ligne pour le dépistage et la prévention, et

notamment concernant la dénutrition (8).

La personne âgée en obésité et dénutrie s’expose au double risque lié à son obésité et à sa

dénutrition. Le retard au dépistage favorise cet effet de « double peine ». D’où l’intérêt

d’envisager la possibilité d’une dénutrition chez une personne en surpoids et de dépister

précocement ce risque au même titre que chez les personnes de poids de référence.

Bien que la dénutrition est souvent associée à un poids faible, et l’obésité à un excès de

poids, pour autant l’une peu se rencontrer chez l’autre ; la dénutrition est le plus souvent

causée par un manque de masse maigre et l’obésité à un excès de masse grasse. Les deux

peuvent s’associer sans contradiction puisqu’ils procèdent de deux mécanismes différents. Les

médecins, les patients et leur entourage sous-estiment cette hypothèse. Pourtant l’association

fréquente de ces deux états pathologiques entraine une obésité sarcopénique, qui cumule les

complications de la dénutrition et de l’obésité. Lorsque s’y ajoutent les complications

physiologiques et pathologiques du vieillissement, la mortalité des patients augmente. L’excès

de masse grasse participe à un effet d’écran pour la dénutrition.

Les médecins pensent qu’une personne à forte corpulence mange en quantité trop

abondante ou avec des aliments hypercaloriques par manque d’effort et de volonté. Tout au

long de sa vie, il n’est pas exceptionnel qu’une personne obèse reçoive des conseils, ou s’inflige

des régimes, pour maigrir. A juste titre car jusqu’à la soixantaine, la perte de poids volontaire

44

raisonnable diminue les complications et la mortalité de l’obésité. Un sujet en obésité présente

fréquemment d’autres comorbidités telles que l’insuffisance cardiaque, une dyslipidémie, une

HTA, diabète… Chacune de ces maladies chroniques nécessitent un régime qui lui est propre

pour éviter la progression de la maladie. Une majorité des personnes obèses adopte un régime

hypocalorique limité en sel, protéines, et graisses. En conséquence il existe une certaine

complexité quant au choix des aliments adaptés. Lorsque l’éducation diététique est faite en

consultation de médecine générale, le temps qui lui est consacré est court du fait de la durée

des consultations. Les patients retiennent des messages simples doublés de préjugés : « je ne

dois pas manger de sucres », « je ne dois pas saler mes plats ». La suppression définitive de

certains aliments pour faciliter la perte de poids conduit à des restrictions sévères susceptibles

d’engendrer la dénutrition.

Les restrictions cognitives en rapport avec les régimes drastiques, les effets de yoyo, les

croyances alimentaires contribuent à une perte de repère dans le temps pour les personnes en

obésité. Cette perte de repère quant au choix alimentaire est un facteur de risque de

déstructuration de l’équilibre nutritionnel inducteur potentiel de dénutrition.

L’ancrage dans les habitudes de privation et de restriction alimentaire, et ce pendant des

années, conduit à des difficultés croissantes de compréhension des messages diététiques.

Comment assouplir voire renoncer à la restriction alimentaire alors qu’elle a été prônée durant

si longtemps ? Et, tout comme pour les médecins, comment se représenter un risque de

dénutrition alors que l’on est en obésité ? Ce qui prévaut pour les uns est vrai pour les autres :

« le trop ne peut pas manquer ! »

45

A partir de 75 ans, un sujet atteint d’obésité et son médecin doivent redoubler de vigilance

quant aux règles diététiques suivies. La perte de poids chez la personne âgée obèse ou non

entraîne une perte de masse maigre plus importante que de masse grasse. Un régime restrictif

chez une telle personne entraînerait un risque réel de dénutrition et sarcopénie et leurs

complications respectives.

L’obésité sarcopénique est souvent masquée par un poids constant. Le dépistage de la

dénutrition chez la personne obèse est mis à mal car les critères de l’HAS ne peuvent pas tous

être utilisés : le seuil de l’IMC < 21 kg/m2 n’est pas utilisable par définition chez les personnes

obèses et l’albuminémie reste controversée.

D’après les nombreuses thèses réalisées sur le dépistage de la dénutrition chez des

personnes âgées en ville, le critère clinique le plus utilisé pour la recherche de dénutrition est la

variation du poids. Le critère biologique est l’albuminémie.

Dans nos recherches, aucune thèse n’étudie l’obésité chez les personnes âgées, ni l’obésité

et les régimes restrictifs chez eux. Notre travail de thèse se centre sur le dépistage de la

dénutrition chez les personnes âgées atteintes d’obésité.

Le questionnaire proposé aux médecins généralistes est axé sur trois points majeurs

(albuminémie, variation du poids, réalisation d’un questionnaire MNA). Les conseils donnés aux

patients dans le but de perdre ou prendre du poids seront évalués. Le but de notre hypothèse

principale de recherche est que les médecins généralistes dépistent moins la dénutrition chez

les personnes âgées obèses que chez les personnes âgées maigres. Pour soutenir cette

46

hypothèse de travail, l’explication serait que les médecins généralistes ne s’imaginent pas la

dénutrition chez les personnes âgées en obésité et donc la recherchent moins.

Au cours de ce travail, nous verrons progressivement la méthodologie de l’étude, puis les

résultats, les limites de l’étude, et enfin les trois principaux résultats qui nécessitent une

discussion critique, notamment les représentations des patients âgés obèses par les médecins

généralistes.

47

2. METHODES

Afin de répondre à notre question de recherche, nous avons choisi d’interroger des

médecins généralistes en constituant un échantillon aléatoire par tirage au sort. Nous avons

procédé par questionnaire et notre analyse est de type quantitatif.

2.1. Méthode de sélection de la population étudiée

L’étude porte sur une sélection aléatoire de médecins généralistes sur toute la France sauf

DOM-TOM.

Sur le site internet du Conseil National de l’Ordre des Médecins, en sélectionnant un

département, une liste aléatoire de médecins généralistes apparaît. L’ordre de la liste est

différent à chaque connexion. Les médecins généralistes ont été contactés dans l’ordre de cette

liste aléatoire. Certains médecins généralistes exercent une activité annexe, telle que

« médecine du sport » ou « acupuncture » ou « angéiologie ». Ces médecins ont été contactés

initialement, mais la grande majorité ne pratiquaient plus la médecine générale donc ne

pouvaient pas être inclus dans l’étude. Ils ont finalement été écartés de l’étude et de ce fait les

suivants qui affichaient ce type d’activité n’étaient pas contactés. Les critères d’exclusion

étaient les médecins non thèsés, les internes effectuant des remplacements en médecine

générale, les médecins généralistes travaillant dans les EPHAD, dans les services hospitaliers, les

PMI, dans les centres de don du sang ou les ARS, c’est-à-dire les médecins ne travaillant pas en

ambulatoire pour la majorité de leur activité. Ces médecins n’étaient pas contactés par

téléphone. Les médecins généralistes qui n’avaient pas précisé leur activité annexe ou leur

48

surspécialité et qui déclaraient par téléphone ne plus exercer la médecine générale étaient

exclus.

Les critères d’inclusion étaient des médecins généralistes thèsés pratiquant la médecine

générale, et travaillant en ambulatoire depuis 1 an pour être en mesure d’avoir des

informations sur le patient depuis 1 an.

Le but était d’obtenir entre 5 et 10 adresses mail de médecins généralistes par

département. Sur les 96 départements, le nombre d’adresses attendues était donc compris

entre 480 et 960. 1641 médecins généralistes ont été contactés par téléphone, 567 ont accepté

de communiquer leur adresse mail pour participer au questionnaire. Seulement 161 réponses

au questionnaire ont été obtenues, soit 28 % de participation.

2.2. Méthode d’intervention

2.2.1. Méthode

Nous ne nous sommes pas intéressée au respect de la recommandation qui aurait

supposé de recenser la totalité des patients âgés des médecins et d’évaluer la prise en charge

en fonction des IMC des patients. Notre travail se situe dans une démarche diagnostique,

supposant soit l’existence d’un symptôme d’appel, soit un élément d’ordre subjectif laissant

croire au médecin le risque de dénutrition.

2.2.2. Intervention

49

Nous avons contacté les médecins généralistes par téléphone d’avril 2015 à décembre

2015. Si le personnel du secrétariat répondait, il était informé que l’appel concernait une thèse

d’une interne en médecine générale. Soit il transférait l’appel au médecin directement, soit il

convenait d’un rendez-vous téléphonique entre le médecin et le chargé d’étude, ou bien il

proposait de téléphoner à une date précise, enfin il pouvait refuser de transférer l’appel.

L’échange téléphonique avec le médecin comprenait une présentation brève de la thèse.

Les médecins étaient informés qu’il s’agissait d’étudier la différence de prise en charge des

problèmes de poids chez les personnes âgées. Le mot « dénutrition » n’était pas employé pour

ne pas les influencer. Il leur était proposé de sélectionner deux de leur patients âgés de plus de

75 ans, un patient obèse et un patient maigre, peu importe les pathologies. Le dossier médical

devait contenir des informations sur les patients sélectionnés depuis 1 an. Ensuite le

questionnaire leur était présenté : la première partie comprenait quatre questions les

concernant (âge, durée et lieu d’exercice, formation en nutrition) et deux autres parties

portaient sur chacun des patients sélectionnés avec des questions sur le poids des patients, les

conseils diététiques donnés au cours de l’année pour pallier au problème de poids, etc. S’ils

acceptaient de participer, ils communiquaient leur adresse mail. Un mail leur était adressé dans

les jours suivants, leur remémorant l’appel dans lequel figurait un lien vers le questionnaire. Ce

dernier, sous format Word, était associé en pièce jointe pour ceux qui n’étaient pas à l’aise avec

la réponse sur internet. L’intitulé du questionnaire était « la prise en charge des problèmes de

poids chez les personnes âgées ». Deux rappels étaient faits au cours des quatre semaines

suivant l’appel téléphonique afin de récupérer le maximum de réponses.

50

2.2.3. Questionnaire

Le questionnaire a été construit pour évaluer la pratique d’un médecin en comparant sa

prise en charge d’un patient âgé en obésité et un autre en situation de maigreur.

Le questionnaire a été créé en trois parties, assez courtes, afin de garantir le plus fort

taux de réponses. La première partie recensait les caractéristiques des médecins. Les deux

autres parties étaient consacrées aux patients. Les questions étaient similaires pour chacun des

patients.

Il s’agissait de rechercher les critères diagnostiques de la dénutrition selon la HAS, sans

précision pour ne pas influencer le choix du médecin (IMC, la perte ou l’évolution de poids, test

MNA, et albuminémie).

Le médecin devait dire s’il utilisait un questionnaire pour dépister la dénutrition sans que

le nom du test recommandé soit nommé. Il devait préciser quel bilan biologique il avait prescrit

au cours de l’année (La réponse à cette question était la seule en texte libre). Enfin, le médecin

devait dire s’il avait conseillé à son patient de perdre ou de prendre du poids.

Le questionnaire n’a pas été modifié après avoir été testé auprès de trois médecins, car il

répondait à l’objet de recherche.

2.2.4. Contrôle

Le questionnaire avait pour but de comparer le comportement prescriptif du médecin

face à un patient avec un IMC < 18 et un patient avec un IMC > 30.

51

2.2.5. Recueil des réponses

Le questionnaire a été conçu sur www.google.fr. Les médecins inclus recevaient le lien, qui

les faisait accéder directement au questionnaire. Les réponses nous étaient ensuite accessibles

sur ce même site, mais n’étaient pas accessibles aux médecins. Le mail comprenait également le

questionnaire sous format Word. Si les médecins inclus préféraient ne pas utiliser le

questionnaire sur internet, ils pouvaient imprimer ce document et le remplir de façon

manuscrite. Ils avaient le choix de l’envoyer par la poste, ou de le scanner et l’envoyer par mail.

2.3. Méthode d’évaluation des données

2.3.1. Critères de jugement

Le critère de jugement principal était le dépistage de la dénutrition soit cliniquement par

la pesée régulière du patient, soit biologiquement avec la mesure de l’albuminémie ou de la

préalbuminémie ou de l’électrophorèse des protides sériques (le dosage de la protidémie seule

n’a pas été retenu). L’utilisation du test MNA par les médecins a constitué un élément supérieur

de discussion.

Les critères de jugement secondaires étaient les facteurs influençant le dépistage de la

dénutrition : l’âge, la formation, la durée d’exercice du médecin, et les conseils diététiques

donnés aux patients ; l’âge, le genre, le poids, la taille, l’IMC et les pathologies du patient.

2.3.2. Analyse statistique

Le questionnaire était anonyme mais la date et l’heure de réponse étaient indiquées

automatiquement. Sur les 161 médecins qui ont répondu au questionnaire, un des médecins

52

avait répondu deux fois avec les deux mêmes patients. Ses deux réponses avaient été faites à

une minute d’intervalle ce qui confirmait qu’il s’agissait bien de la même personne. Une des 2

réponses a donc été supprimée. Finalement, il restait 160 réponses de médecins. Un numéro

d’identification a été attribué à chaque médecin. L’âge du médecin et la durée d’exercice de la

médecine ont été calculées sur l’année 2015. Le lieu d’exercice de la médecine du médecin a été

codé de la façon suivante :

0 : rural

1 : semi-rural

2 : urbain

Toutes les variables ont été traitées de telle sorte que la réponse « oui » a été codée par

la valeur « 1 », la réponse « non » par la valeur « 0 ». Si le patient présentait l’antécédent cité, il

obtenait la valeur « 1 », sinon « 0 ». Le genre féminin a été codé « 1 ». Parmi la liste d’examens

biologiques cités par les médecins, l’albuminémie a été codée « 1 », la pré-albuminémie « 2 »,

l’électrophorèse des protides sériques « 3 ». Si le patient bénéficiait d’un de ces trois examens

biologiques, il était considéré comme dépisté, donc le code « 1 » lui était attribué pour la

variable « dépistage biologique ».

Les analyses statistiques ont été réalisées avec le logiciel Stata, avec l’aide précieuse du

Professeur Luc Martinez.

Les associations entre le dépistage biologique de la dénutrition (c’est-à-dire le dosage de

l’albuminémie, de la pré-albuminémie ou de l’électrophorèse) et les caractéristiques des

53

médecins et des patients ont été analysées avec le test de Stutent ou le test du Chi2 exact de

Fischer dans le cadre des analyses univariées.

Une variable appelée « statut pondéral » a été créée :

o Un IMC < 18,5 kg/m2 correspondait à une insuffisance pondérale qui était codée « 0 ».

o 18,5 kg/m2 ≤ IMC < 25 kg/m2 représentait le poids normal et était codé « 1 ».

o Un IMC ≥ 25 kg/m2 correspondait à une surcharge pondérale ou une obésité qui étaient

codées par la valeur « 2 ».

Une analyse univariée sur le dépistage biologique de la dénutrition en fonction des trois

catégories de cette nouvelle variable a été faite.

En sélectionnant toutes les variables avec un p < 0,20 de l’analyse univariée, un modèle a

été créé. L’IMC était la variable explicative principale (étudié sous forme de variable qualitative

du statut pondéral). Le dépistage de la dénutrition par l’albuminémie, ou la préalbuminémie ou

l’électrophorèse était la variable expliquée. Les associations entre les différentes variables et le

dépistage biologique ont été estimées par des régressions logistiques multivariées. Les odd

ratios (OR) ont été calculés par rapport à la catégorie « 0 » du statut pondéral. Le

comportement des médecins face aux patients maigres était la référence car l’hypothèse était

que les médecins recherchent moins la dénutrition chez les personnes en surcharge pondérale

par rapport aux patients maigres. La variable ayant la valeur de p la plus élevée a été retirée

pour le modèle suivant, et ainsi de suite. Des modèles ont été créés jusqu’à ce que les variables

restantes soient associées à la variable expliquée, c’est-à-dire qu’elles aient toutes un p < 0,05.

54

Enfin, l’impact d’une variation de dix ans de la durée d’exercice et de l’âge du patient sur le

dépistage a été calculé.

Les résultats sont présentés avec un intervalle de confiance à 95 % (IC 95 %) et une valeur de

p < 0,05 a été considérée comme statistiquement significative.

55

3. RESULTATS

Les caractéristiques des 160 médecins généralistes ayant participé à l’étude ainsi que leur

prise en charge sont présentés dans le tableau 1 et 3. Les caractéristiques des 320 patients

étudiés sont détaillées dans le tableau 2.

Tableau 1 : Caractéristiques des 160 médecins généralistes ayant répondu au questionnaire

Total dans la population

% (n)

Moyenne

(Ecart type)

[min ; max]

Age - 51 (10) [29 ; 68]

Durée moyenne d’exercice de la médecine - 21 (11) [2 ; 62]

Formation complémentaire en nutrition

Oui 12,50 (20) -

Non 87,5 (140) -

Lieu de pratique de la médecine

Rurale 36,3 % (58) -

Semi-rurale 33,8 % (54) -

Urbaine 27,5 % (44) -

Plusieurs centres 2,5 % (4) -

56

Tableau 2 : Caractéristiques des 320 patients

Total dans la

population

% (n)

Moyenne

(Ecart type)

[min ; max]

Age - 82 (6) [75 ; 105]

Sexe

Femmes 70 (223) -

Hommes 30 (97) -

Taille (m) - 1,63 (0,09) [1,32 ; 1,96]

Poids (kg)

Poids initial - 74 (30) [30 ; 145]

Poids actuel - 73 (29) [30 ; 140]

Pourcentage de modification du poids - -1,2 (12) [-41,3 ; +136,8]

IMC initial (kg/m2) - 27,8 (11) [11,9 ; 59,4]

Antécédents

Insuffisance cardiaque chronique 20,9 (67) -

Coronaropathie (infarctus du myocarde, angor...) 20 (64) -

Dyslipidémie 37,5 (120) -

Tabagisme actif ou sevré depuis moins de 3 ans 10,9 (35) -

HTA 62,8 (201) -

Diabète 29,7 (95) -

Insuffisance respiratoire chronique 7,2 (23) -

BPCO 15 (48) -

Asthme 5,3 (17) -

Insuffisance rénale chronique 7,5 (24) -

Cancer 12,2 (39) -

Démence (Alzheimer, vasculaire...) 9,7 (31) -

57

Tableau 3 : Prise en charge médicale

Total dans la population

% (n)

Dépistage de la dénutrition

Dépistage de la dénutrition par questionnaire 13,1 (42)

Dépistage de la dénutrition par dosage biologique : 41,3 (132)

o Albuminémie 35,3 (113)

o Préalbuminémie 2,5 (8)

o Electrophorèse des protides sériques 3,4 (11)

Intervention thérapeutique

Conseil de perte de poids 45 (144)

Conseil de prise de poids 43,1 (138)

Les médecins généralistes ont recherché la dénutrition par questionnaire (type test

MNA…) dans 13,1% des cas. Ils ont utilisé un dosage biologique pour dépister la dénutrition

chez 41,3 % des patients. L’albuminémie a été dosée chez 35,3 % des patients, la

préalbuminémie dans 2,5 % des cas et l’électrophorèse des protéines plasmatiques chez 3,4 %

des patients (Tableau 3).

45 % des patients ont reçu des conseils diététiques à visée amaigrissante. 43% des

patients ont reçu des conseils diététiques dans le but de prendre du poids (Tableau 3).

Etant donné que le dépistage de la dénutrition a été fait principalement par les dosages

de l’albuminémie, préalbuminémie, et électrophorèse, les analyses univariées ont été réalisées

en fonction du dépistage de la dénutrition par l’outil biologique seulement et non sur le

dépistage par test (type MNA). Elles sont détaillées dans les tableaux 4, 5, 6 et 7.

58

Tableau 4 : Analyse univariée des caractéristiques des médecins en fonction du dépistage

biologique de la dénutrition :

Pas de dépistage

Dépistage Test de

Student

(p)

Test exact

de Fisher

(p)

% (n)

Moyenne

[IC 95%]

% (n) Moyenne

[IC 95%]

Age du médecin - 52

[50,6 ; 53,3] -

49

[47,1 ; 50,9] 0,0109

Durée d'exercice de la

médecine -

23

[21.1 ; 24.1] -

19

[17.1 ; 20.9] 0,0030

Formation en nutrition 50

(20)

50

(20) 0,235

Les médecins généralistes qui ont recherché la dénutrition avec un dosage biologique tel

que l’albuminémie chez les patients âgés sont significativement plus jeunes : 49 ans contre 52

ans (p = 0,0109) et ils exercent la médecine depuis moins longtemps 19 ans contre 23 ans (p =

0,003) (Tableau 4).

Le fait d’avoir une formation en nutrition telle qu’un diplôme universitaire ou d’avoir

assisté à plusieurs formations médicales continues sur ce sujet ne modifie pas le taux de

dépistage de la dénutrition (Tableau 4).

59

Tableau 5 : Analyse univariée des caractéristiques des patients en fonction du dépistage

biologique de la dénutrition :

Pas de dépistage

Dépistage Test de Student

(p)

Test exact

de Fisher

(p)

% (n) Moyenne [IC 95%]

% (n) Moyenne [IC 95%]

Sexe

Femmes 53,8 (120) - 46,2 (103) - - 0,007

Hommes 70 (68) - 30 (29)

Age - 80 [79.6 ; 80.9] - 84 [82.8 ; 85.0] 0

Taille - 1,64 [1.63 ; 1.66] - 1,61 [1.60 ; 1.63] 0.0028

Poids

Poids initial - 87 [82.5 ; 90.5] - 57 [53.0 ; 61.1] 0

Poids actuel - 85 [80.7 ; 88.6] - 57 [52.3 ; 60.7] 0

Pourcentage de

modification de poids

-1,6

[-2.9 ; -0.3] -

-0,7

[-3.4 ; 2.1] - - 0.4950

Antécédents

Insuffisance cardiaque

chronique 60 (40) - 40 (27) - - 0.890

Coronaropathie 59 (38) - 41 (26) - - 1

Dyslipidémie 73 (88) - 27 (32) - - 0

Tabagisme 63 (22) - 37 (13) - - 0,717

HTA 70 (140) - 30 (61) - - 0

Diabète 81 (77) - 19 (18) - - 0

Insuffisance

respiratoire chronique 57 (13) - 43 (10) - - 0,829

BPCO 52 (25) - 48 (23) - - 0,342

Asthme 59 (10) - 41 (7) - - 1

Insuffisance rénale

chronique 58 (14) - 42 (10) - - 1

Cancer 46 (18) - 54 (21) - - 0,117

Démence 29 (9) - 71 (22) - - 0,001

60

Les femmes ont bénéficié d'un dépistage de la dénutrition par un dosage de

l'albuminémie plus souvent que les hommes (46 % vs 30 % ; p = 0,007) (Tableau 5).

Les patients plus âgés (84 ans vs 80 ans ; p < 0,01), plus minces (57 kg vs 87 kg ; p < 0,01),

plus petits (1.61 m vs 1.64 m ; p < 0,01) et ceux atteints de démence (71 % vs 38 % ; p = 0,001)

ont été davantage dépistés (Tableau 5).

Les patients atteints de dyslipidémie (27 % vs 50 % p < 0,01), HTA (30% vs 60 % p < 0,01),

et diabète (19 % vs 51 % p < 0,01) ont été moins dépistés que ceux ne présentant pas ces

pathologies (Tableau 5).

Tableau 6 : Analyse univariée de la pratique des médecins généralistes en fonction du

dépistage biologique de la dénutrition :

Pas de dépistage biologique

% (n)

Dépistage biologique

% (n)

Test exact de Fisher

p

Dépistage par questionnaire Oui (n = 42) Non (n = 278)

33 (14) 63 (174)

67 (28) 37 (104)

0,001

Conseil prise de poids Oui (n = 138) Non (n = 182)

33 (46) 78 (142)

67 (92) 22 (40)

0

Les médecins généralistes qui ont proposé un questionnaire de dépistage de la

dénutrition type MNA dosent plus l’albuminémie (la préalbuminémie, et l’électrophorèse) chez

leurs patients (67 % vs 37 % ; p=0,001) (Tableau 6).

61

Les médecins généralistes qui conseillent à leurs patients de prendre du poids dosent

plus souvent l’albuminémie (la préalbuminémie, et l’électrophorèse) chez leurs patients (67 %

vs 22 % ; p<0,01) (Tableau 6).

Tableau 7 : Analyse univariée du dépistage biologique en fonction du statut pondéral :

Pas de

dépistage

% (n)

Dépistage

% (n)

Test de Fisher

p

Statut pondéral

Patients maigres : IMC < 18,5 kg/m2 32,43 (36) 67,57 (75) P < 0,01

Patients normopondéraux : 18,5 ≤ IMC < 25 kg/m2 34,09 (15) 65,91 (29)

Patients en surcharge pondérale IMC ≥ 25 kg/m2 83,03 (137) 16,97 (28)

Les résultats de l’étude montrent que les sujets maigres (IMC < 18,5 kg/m2) âgés de plus

de 75 ans, ont un dépistage de la dénutrition par un outils biologique dans 67,6% des cas,

contre 17% chez les sujets âgés de plus de 75 ans en surcharge pondérale (IMC ≥ 25 kg/m2).

Cette différence est significative (p<0.01) (Tableau 7).

62

Tableau 8 : Analyse multivariée par rapport au dépistage biologique chez les sujets en état de

maigreur :

Analyse ajustée

OR [IC 95%]

Test du Chi 2

p

Statut pondéral

Patients maigres 1 -

Patients normopondéraux 0,83 [0.38 ; 1.81] 0,642

Patients en surcharge pondérale 0,11 [0.06 ; 0.20] 0

Durée d'exercice de la médecine 0,96 [0.93 ; 0.98] 0,002

Age du patient 1,08 [1.03 ; 1.13] 0,003

Après l’analyse multivariée, le modèle explique le dépistage biologique de la dénutrition

à partir du statut pondéral des patients en surcharge pondérale par rapport aux maigres ; de la

durée d’exercice ; et de l’âge du patient.

Par comparaison à un patient maigre (IMC < 18,5 kg/m2), la probabilité d’avoir une

recherche de la dénutrition par un dosage biologique, tel que l’albuminémie, chez un patient

en surcharge pondérale (IMC ≥ 25 kg/m2) est diminuée de 89 % (OR = 0,11 ; p < 0,01).

La recherche de la dénutrition diminue de 4% par année d’exercice de la médecine en

plus du médecin (OR = 0,96 ; p = 0,002).

Le dépistage de la dénutrition augmente de 8 % par année d’âge en plus du patient (OR

= 1,08 ; p = 0,003) (Tableau 8).

63

L’impact d’une variation de la durée d’exercice du médecin de 10 ans sur le dépistage

biologique de la dénutrition :

La recherche de la dénutrition est diminuée de 35 % (OR = 0,65 ; IC 95% [0,50 ; 0,85] ; p =

0,002) lorsque le médecin exerce depuis dix ans de plus qu’un de ses confrères.

Par rapport à un patient maigre, un patient en surpoids qui consulte un médecin qui a

dix années d’expérience médicale en plus que son confrère prenant en charge le patient maigre

a une probabilité d’avoir un test biologique de dépistage qui est diminuée de 93% (OR = 0,07 ; IC

95% [0,04 ; 0,15] ; p < 0,001).

L’impact d’une variation de l’âge du patient de 10 ans sur le dépistage biologique de la

dénutrition :

Un patient âgé de 10 ans de plus qu’un autre, a 2 fois plus de chance de bénéficier d’une

recherche de la dénutrition (OR = 2,1 ; IC 95% [1,29 ; 3,42] ; p = 0,003).

La recherche de la dénutrition chez un patient en surpoids, et âgé de 10 ans de plus

qu’un patient en état de maigre, est diminuée de 77% (OR 0,23 ; IC 95% [0,10 ; 0,54] ; p =

0,001).

L’impact d’une variation de 10 ans sur la durée d’exercice de la médecine et sur l’âge du

patient :

Par comparaison à un patient en état de maigreur, un sujet en surpoids et âgé de 10 ans de

plus que le patient maigre et qui consulte un médecin exerçant depuis 10 ans de plus que son

64

confrère prenant en charge le sujet maigre a une probabilité d’avoir un test biologique de

dépistage de la dénutrition qui est diminuée de 85% (OR = 0,15 ; IC95% [0,06 ; 0,38] ; p < 0,01).

65

4. DISCUSSION

4.1. Critique méthodologique

Les 3 résultats des analyses multivariées qui appellent à une discussion critique sont :

o Les patients en obésité sont moins bien dépistés que les personnes maigres.

o Plus un patient est âgé et plus il bénéficiera d’un dépistage de la dénutrition.

o Plus un médecin généraliste est expérimenté moins il dépistera son patient.

Nous verrons la représentativité de l’échantillon, puis les limites de l’étude, et ensuite la

discussion des trois résultats principaux, enfin l’ouverture et les perspectives des potentielles

analyses à faire ultérieurement.

4.1.1. La représentativité de l’échantillon

4.1.1.1. Les médecins

L’âge moyen des médecins généralistes de l’étude (51 ans) est semblable à celui déclaré

en France métropolitaine (52 ans) par le Conseil National de l’Ordre des médecins (40).

4.1.1.2. Les patients

La démence

En population générale, la démence est estimée à 10 à 20 % des personnes âgées de plus

de 75 ans (41), et est de 12 % chez les personnes de plus de 75 ans vivant à domicile (42), ce qui

est à peu près similaire aux chiffres que nous avons trouvés (9,7%).

66

L’hypertension artérielle

Dans l’étude Obépi 2012, 44 % de la population des plus de 65 ans déclarent être traité

de l’HTA (43). Dans l’étude Mona Lisa, 80 % des hommes et 71% femmes de 65 à 74 ans sont

hypertendus (44). Dans notre étude il y a 63% de personnes âgées de plus de 75 ans qui sont

hypertendues.

Les différences sont expliquées par :

o Dans notre étude, ce sont les médecins qui ont pesé les patients et déclaré leurs

antécédents médicaux. Tandis que dans l’étude Obépi, les poids et les informations ont

été donnés par les patients eux-mêmes, et ils ont pu être sous-estimés.

o De plus dans l’étude Obépi, sont étudiés seulement les patients traités pour la

pathologie. Les patients non traités n’ont pas été inclus. Donc il est normal d’obtenir

une proportion plus importante dans notre étude où les médecins donnaient les

antécédents des patients, peu importe le traitement et la gravité. Sachant que 91 % de

patients hypertendus de 65 à 74 ans sont traités pour l’HTA (44), on peut estimer à partir

de la proportion obtenue dans l’étude Obépi que 48% des plus de 65 ans seraient

réellement hypertendus.

o La prévalence de l’hypertension artérielle augmentant avec l’âge (43), ce dernier

pourcentage est cohérent avec nos chiffres.

67

Le diabète

Dans l’étude Obépi 2012, 14 % de la population des plus de 65 ans déclare être pris en

charge pour un diabète (règles diététiques seules comprises) (43). D’après le BEH 2006 la

prévalence du diabète traité (par anti-diabétiques oraux ou insuline) chez les plus de 65 ans

était de 11 % (45). Dans notre étude 30 % de la population des plus de 75 ans sont diabétiques.

La prévalence de diabète augmente légèrement avec l’âge (43) mais pas au point d’expliquer

cette différence.

De la même façon que précédemment, la proportion de patients se déclarant traité pour

un diabète a dû être sous-estimée : seulement 0,8% se dit être traité pour un diabète par

régime seul (43). On peut supposer qu’un grand nombre de diabétiques ne se sont pas déclarés

diabétiques car ils ne prenaient pas de traitement.

Cette différence peut également être expliquée par un biais de sélection des patients de

la part des médecins. Ils étaient informés que l’étude portait sur les problèmes de poids chez les

personnes âgées. Même s’il leur était recommandé de choisir des patients sans tenir compte

des pathologies, ils ont probablement choisi plus de patients diabétiques. Il semble que les

médecins pensent plus aux diabétiques lorsqu’on évoque la nutrition.

La dyslipidémie

Le taux de patients dyslipidémiques dans notre étude, était de 37,5 % des plus de 75 ans

contre 39 % de patients déclarant être traités pour une dyslipidémie dans une population de

plus de 65 ans (43). La prévalence de la dyslipidémie diminuant avec l’âge, on peut considérer

que notre population est représentative (43).

68

Dans l’étude Obépi, la population des patients excluait les sujets vivant en institution, en

foyer, en résidence en communauté, ou sans domicile fixe. Donc il s’agissait globalement de la

même population que dans notre étude : c’est-à-dire des patients de la France entière, traités

en ambulatoire. De façon générale, les différences de proportions d’HTA entre notre étude et

l’étude Mona Lisa peuvent être liées au fait que dans l’étude Mona Lisa, la population étudiée

est celle de 3 départements français seulement, tandis que notre étude s’intéresse à la France

entière. De plus la sélection de la population s’est faite sur les listes électorales, donc les

personnes institutionnalisées étaient étudiées. Il en est de même pour les chiffres du BEH de

2006 sur le diabète, utilisent les données de l’assurance maladie pour lesquelles il y a une

prescription médicale. Les personnes institutionnalisées présentent plus de pathologies

chroniques que celles en ambulatoire. Donc la population de ces deux dernières études n’était

pas tout à fait en adéquation avec la notre.

Enfin, notre échantillon de patients n’est pas représentatif de la population générale, car

il y a théoriquement autant de patients maigres que de patients en obésité. Or dans la

population générale, il y a près de dix fois plus de patients en état d’obésité (17% des plus de 75

ans) que de patients maigres (2% des plus de 75 ans) (43).

4.1.2. Biais et limites

Répartition géographique des médecins

De nombreux médecins contactés ne souhaitaient pas participer par manque de temps

ou d’intérêt, donc leur pratique n’a malheureusement pas pu être étudiée. L’objectif étaient de

trouver entre 5 et 10 médecins par départements qui étaient d’accord pour participer en

69

communiquant leur adresse mail. Ce nombre n’a pas été adapté au nombre total de médecins

par département. De plus les réponses étaient anonymes. Donc malgré l’effort de sélectionner

un échantillon représentatif de la population, le nombre de médecin inclus et le nombre de

réponses finales ne correspondent pas au pourcentage exact du nombre de médecins dans

chaque département.

Recueil de certaines données sur l’année

Le moment où le questionnaire de dépistage de la dénutrition type MNA a été réalisé n’a

pas été précisé. Il en est de même pour les conseils de prise ou perte de poids. Donc on ne peut

pas conclure à l’effet de la prise en charge médicale sur la modification du poids du patient.

Utilisation du test MNA

Les analyses ont étudié l’association des caractéristiques des médecins et des patients

en fonction de la réalisation du dépistage de la dénutrition avec l’outils biologique, mais n’ont

pas été réalisées en fonction du dépistage en général (c’est-à-dire avec la réalisation du

questionnaire MNA).

Durée d’exercice de la médecine

La durée d’exercice de la médecine pouvait porter à confusion, car les médecins les plus

âgés étaient tentés de considérer la durée d’exercice à partir du moment de leur thèse ou de

leur installation, tandis que les jeunes médecins pouvaient estimer qu’ils avaient débuté la

médecine au moins à partir du début de l’internat. Finalement en comparant la durée moyenne

d’exercice et l’âge moyen des médecins, le début de l’exercice était en moyenne vers 30 ans ce

qui correspond à la fin de l’internat, soit le début de la réelle prise de responsabilités.

70

Définitions

Les principales limites de l’étude sont l’absence de définition consensuelle des termes

« maigreur », « dénutrition », patients « âgés »… Les études sur les personnes âgées concernent

des patients de 60-70 ans en général. Peu d’études s’intéressent uniquement aux patients de

plus de 75 ans qui est le seuil de la gériatrie. Il est probablement difficile d’étudier les personnes

très âgées de par leurs nombreuses pathologies, la difficulté à recueillir des informations fiables

à cause des troubles cognitifs… Notre étude s’intéresse uniquement à des patients âgés de plus

de 75 ans. La définition de la maigreur ou de l’insuffisance pondérale est définit par un IMC <

18,5 kg/m2 dans la définition de l’OMS. Dans d’autres études comme celle de Vernay et al. (46),

le seuil est différent : un IMC < 21 kg/m2 définit la maigreur. Or cette étude est une des seules à

étudier les patients de plus de 75 ans. La différence entre la dénutrition et la maigreur est

parfois ambiguë lorsque la dénutrition est définie par l’IMC seul. Par ailleurs, au travers du

questionnaire, il a été demandé aux médecins de sélectionner un patient avec un IMC < 18

kg/m2, mais les analyses ont été faites avec le seuil officiel de l’OMS, un IMC < 18,5 kg/m2

4.2. Discussion des points significatifs de l’étude

Les 3 points les plus significatifs de notre étude et que nous allons détailler sont :

o Les patients en obésité sont moins bien dépistés que les personnes maigres.

o Plus un patient est âgé et plus il bénéficiera d’un dépistage de la dénutrition.

o Plus un médecin généraliste est expérimenté moins il dépistera son patient.

71

4.2.1. La diminution du dépistage en cas d’obésité, du seul fait de leur poids

Les résultats de l’étude montrent que les sujets maigres (IMC < 18,5 kg/m2) âgés de plus

de 75 ans, ont une probabilité significativement plus importante de bénéficier d’un dépistage de

la dénutrition par un outils biologique que les sujets âgés de plus de 75 ans en surcharge

pondérale (IMC ≥ 25 kg/m2), quels que soient le genre et les comorbidités des patients.

La fréquence de la dénutrition chez les personnes âgées obèses est-elle moins importante ?

Une question importante est de savoir si la dénutrition est aussi fréquente chez les

personnes âgées obèses que chez les personnes âgées maigres. Aucune étude ne compare

exactement la prévalence de la dénutrition en fonction de l’IMC. Plus l’albuminémie est faible,

plus y est associé un risque de diminution de la masse musculaire squelettique sur 5 ans donc

un risque de sarcopénie chez les personnes âgées (47). D’après cette dernière étude on peut

estimer que la dénutrition et la sarcopénie sont fortement liées. Selon Quilliot et al. la

prévalence de la sarcopénie chez les sujets de plus de 65 ans est de l’ordre de 6 à 15 %, et elle

est de 20% chez les sujets âgés obèses (26) ; selon Tardiff et al. les personnes obèses et

sarcopéniques représentent entre 5 et 15% des personnes agées. Aucune étude ne prouve que

ni la sarcopénie ni la dénutrition ont une prévalence plus faible chez les personnes âgées

obèses. Si on suppose que la prévalence de la dénutrition n’est pas modifiée en fonction de

l’IMC, alors les médecins devraient rechercher aussi bien la dénutrition chez les personnes

maigres que celles en état d’obésité. De plus, selon les recommandations HAS, toutes les

personnes âgées de plus de 75 ans devraient bénéficier d’un dépistage de la dénutrition. Donc à

partir de cet âge, les médecins devraient s’affranchir du poids du patient et la dépister tout

72

aussi bien chez un patient maigre que chez un patient en surpoids. La question est de savoir ce

qui freine le médecin à dépister les personnes âgées en surcharge pondérale.

Les critères de dépistage de la dénutrition sont-ils inadaptés chez la personne âgée obèse ?

Certains critères diagnostiques de la dénutrition chez la personne âgée d’après la HAS

sont difficilement applicables chez la personne en obésité. En effet une personne âgée est

dénutrie si son IMC est inférieur à 21 kg/m2, critère qui ne peut s’appliquer à la personne

atteinte d’obésité car par définition cette dernière a un IMC > 30 kg/m2. La réalisation du test

MNA avec un score similaire aux personnes âgées en état de maigreur est faisable. En pratique

courante, il n’est pas ou peu réalisé (9,11). La perte de poids de 5% du poids en 1 mois est un

bon critère réalisable de recherche de dénutrition. Malheureusement une personne obèse qui

perd du poids sera le plus souvent encouragée en regard de l’amélioration des signes

fonctionnels ou des douleurs articulaires. Le dosage de l’albuminémie comme marqueur

diagnostique de la dénutrition est controversé.

Les outils pour la diagnostiquer, telle que l’albuminémie, sont-ils fiables chez la personne âgée

obèse ?

Le seuil de l’albuminémie pour le diagnostic de dénutrition est le même chez une

personne jeune et une personne âgée (48), son taux n’est pas modifié par le vieillissement (6).

Il existe une fuite physiologique d’albumine du secteur vasculaire au secteur

extravasculaire, qui est augmentée en cas de syndrome inflammatoire (sous l’influence d’IL2 et

IL6). De même, en cas d’hémodilution la valeur de l’albuminémie est diminuée (49). Ces

phénomènes sont fréquents en cas d’obésité. Pourtant, l’hypoalbuminémie reflète un risque de

73

morbi-mortalité indépendamment de l’IMC (50). Chez les personnes âgées en surpoids ou en

état d’obésité, les mêmes seuils diagnostiques sont utilisés. Ainsi on peut considérer le dosage

de l’albuminémie comme fiable.

Encore faut-il y penser

Les médecins qui utilisent un outil biologique tel que l’albuminémie pour le dépistage de

la dénutrition utilisent plus le test de la dénutrition type MNA. On peut supposer que lorsqu’un

médecin évoque la dénutrition chez son patient, il n’utilise pas seulement un critère de la

définition. Il va être plus attentif au poids et à la prise en charge thérapeutique qui en découle…

L’albuminémie étant un examen facilement réalisable en laboratoire de ville, on peut penser

que les médecins qui ne la réalisent pas sont ceux qui ne pensent pas à rechercher la

dénutrition ou ceux qui ne s’y intéressent pas. On peut supposer que les raisons de ne pas faire

le questionnaire MNA sont plus larges : le manque de temps et la pénibilité s’ajoutent aux

raisons précédentes. L’association trouvée dans notre étude semble avoir un lien car un

médecin qui diagnostique une dénutrition avec un questionnaire MNA va aisément doser

l’albuminémie pour voir la profondeur de la dénutrition et en faire le suivi. Dans la méta-analyse

de Vincent et al., chez des patients hospitalisés en vue d’une chirurgie, le risque de décès est

augmenté de 137% et la morbidité de 87 % pour chaque perte de 10 g/l d’albuminémie, ce

risque est le même après ajustement par l’IMC (50).

74

« La forêt cache t’elle un arbre ? » : l’accumulation de maladies chroniques à traiter masque

t’elle la dénutrition chez les personnes âgées obèses ?

On peut penser que les médecins généralistes sont préoccupés par d’autres pathologies

à dépister et à traiter. En effet en médecine générale, devant une personne obèse il faut penser

à dépister un syndrome d’apnée du sommeil, les pathologies cardiovasculaires… L’organisation

du suivi d’un patient, surtout un patient asymptomatique, demande au médecin de prioriser le

dépistage des maladies par ordre de fréquence et de gravité.

Dans l’analyse univariée, le fait d’être diabétique, hypertendu, ou dyslipidémique entraine une

diminution du dépistage de la dénutrition. Ces pathologies sont plus fréquentes chez les obèses

que chez les maigres (43).

Dans l’analyse multivariée, les antécédents précédemment cités ne ressortent pas

comme variables influençant le dépistage biologique de la dénutrition car ils sont probablement

liés à la surcharge pondérale. En effet les patients ayant une surcharge pondérale sont plus

souvent atteints de dyslipidémie, hypertension artérielle, diabète (43,46). La probabilité d’avoir

3 facteurs de risque cardiovasculaires traités chez les obèses est 14 fois plus importante que

chez les sujets de corpulence normale (43). Elles sont souvent associées, donc occupent une

place importante dans une consultation de médecine générale et peuvent occulter d’autres

problèmes tels que la dénutrition. Ces pathologies sont des maladies de surcharge : représentée

par un excès de sucre, de sel, de gras… Comment imaginer le « moins » dans des pathologies du

« trop » ? Le fait de conseiller à un patient âgé en surpoids de suivre un régime diététique avec

une limitation sur un aliment est un facteur de risque de dénutrition. Mais, le médecin ne

75

s’adapte pas à cette nouvelle situation à risque de dénutrition. En provoquant ce risque, le

comportement du médecin en matière de dépistage n’est pas modifié. Donc le fait d’avoir

plusieurs comorbidités à prendre en charge n’est pas un frein au dépistage de la dénutrition

chez les personnes âgées obèses.

Si ni la fréquence, les critères, les outils du dépistage de la dénutrition, ni la

polypathologie n’expliquent cette diminution du dépistage biologique de la dénutrition, alors on

peut conforter notre hypothèse que les personnes âgées en surpoids sont moins dépistées

seulement du fait de leur poids. Les médecins généralistes ne s’imaginent pas l’association de

ces deux états. Devant une personne âgée obèse, les médecins généralistes ne pensent pas à

rechercher la dénutrition donc ils utilisent moins les outils biologiques. Ils ne l’évoquent pas à

cause d’une représentation erronée de l’excès pondéral et de la dénutrition.

Même si les variables des comorbidités ne ressortent pas en analyse multivariée, que

seule l’obésité est la variable significative, cela ne remet pas en cause l’approche subjective de

la représentation comme illustration du modèle additif (cf infra).

La représentation de l’obésité : une source d’erreur ?

Laplantine explique la maladie comme un déséquilibre lié à un élément en « trop » ou en

« moins », c’est-à-dire avec un modèle additif et/ou un autre à l’opposé, soustractif (51). De

nombreuses pathologies sont expliquées par les médecins et mieux comprises par les patients

par ce modèle. Par exemple, l’hypertension est expliquée par une tension trop élevée, le

diabète par une quantité de sucre trop importante, la dyslipidémie par trop de gras… et

l’obésité par un excès de poids.

76

Concernant l’obésité, une partie est expliquée par le soustractif : c’est-à-dire le manque

d’éducation nutritionnelle ou de retenue face à une tentation alimentaire, les carences morales,

l’absence d’effort pour une adéquation à un idéal du corps (18). Ce manque entraine un surplus.

Mais il est plus difficile d’imaginer l’association d’une carence et d’un surplus. En conséquence,

l’obésité est principalement décrite par le modèle additif c’est à dire la pulsion orale face à des

aliments maléfiques mangés en excès. (18)

Comme nous l’avons dit précédemment, l’obésité, le diabète, l’hypertension artérielle, la

dyslipidémie sont souvent associées, c’est-à-dire qu’un patient qui a excès de poids va plus

souvent avoir un excès de sucre, de cholestérol et de tension artérielle. Donc face à un patient

en obésité on s’imagine qu’il a un surplus dans tous les domaines, et pas seulement les lipides,

le sucre.... Et il est difficile de s’imaginer un patient en obésité manquer de quelque chose (18).

D’autant plus lorsque ce manque est lié à l’alimentation par déficit d’apport en protéines.

4.2.2. Autres points pouvant expliquer la diminution du dépistage chez les sujets en

obésité :

La contradiction des messages nutritionnels : les médecins généralistes articulent difficilement

les conseils diététiques pour éviter la dénutrition et ceux nécessaires au ralentissement de

certaines maladies chroniques.

Dans notre étude, l’insuffisance rénale n’influence pas le dépistage. Les patients

insuffisants rénaux à partir du stade III (DFG < 60 ml/min/1,73m2) nécessitent un ajustement

des apports en protides, donc sont à risque de dénutrition et devraient bénéficier d’un

dépistage. Donc le risque de dénutrition est réel par excès de restriction des apports. Les

77

personnes en insuffisance rénale chronique doivent bénéficier d’une surveillance pour limiter le

risque de dénutrition. Donc ce résultat confirme notre hypothèse que les médecins ne dépistent

pas davantage une personne en fonction de sa pathologie.

Le désintérêt de l’obésité chez les personnes âgées.

Les médecins semblent s’intéresser plus à l’obésité juvénile qu’a l’obésité des adultes

(18). Ils considèrent probablement qu’il est trop tard pour agir et pour modifier des règles

hygiéno-diététiques : « le mal est déjà fait », tandis que si l’obésité est soignée tôt, l’apparition

des comorbidités peut être retardée. Ceci peut expliquer également le fait que les médecins

dépistent moins la dénutrition chez les patients en obésité.

La gravité de la dénutrition en cas d’obésité est sous-estimée

Etant donné que la dénutrition entraine souvent une perte de poids, les médecins ont

l’impression que la dénutrition apparaitra progressivement : le patient atteindra un IMC normal

avant le poids définissant la dénutrition. Les médecins sous-estiment la fréquence de la

dénutrition et la gravité de celle-ci chez les personnes âgées obèses. Pourtant la sarcopénie,

souvent liée à la dénutrition, majore les complications de l’obésité.

Lors de la sélection des patients, les médecins généralistes ont respecté la définition de

l’obésité. La population de patients a en majorité un IMC supérieur à 30 kg/m2. A l’inverse, les

médecins ont peu respecté la définition de la maigreur. Les patients sélectionnés ont un IMC

plus élevé. La moyenne est supérieure à 18 kg/m2. La maigreur chez les personnes âgées est

78

probablement sur-représentée de la part des médecins qui considèrent quelqu’un de mince

comme maigre.

4.2.3. Le vieillissement, symbole de fragilité

L’augmentation de l’âge du patient est associée à une augmentation du dépistage par

dosage biologique de la part du médecin généraliste indépendamment de l’IMC, des

antécédents du patient. Ce lien peut être expliqué par le fait que la prévalence de la dénutrition

augmente avec l’âge. On peut également penser que les patients âgés donnent une impression

de fragilité et de manque et qu’un médecin est tenté de chercher ce qui lui manque. Le

vieillissement n’est pas la seule caractéristique à donner cette illusion.

Les caractéristiques du patient évoquant un état de carence :

Dans l’étude univariée, les patients de taille plus petite, ou plus légers ont plus de

chance de bénéficier d’un dépistage biologique de la dénutrition. La prévalence d’avoir un IMC <

21 kg/m2 augmente avec l’âge (46). Dans notre étude, les femmes sont plus dépistées que les

hommes, ce qui semble logique car la dénutrition est plus fréquente chez les femmes de plus de

75 ans (46). Le fait d’être dément augmente le dépistage biologique de la dénutrition. Ces

patients ne peuvent pas bénéficier du questionnaire MNA du fait des troubles cognitifs, donc le

dosage de l’albuminémie serait le plus réalisable et le plus objectif.

Comme nous venons de le souligner avec les données de la littérature, la majorité de ces

caractéristiques qui sont associées à un dépistage plus important, sont dues au fait que la

prévalence de la dénutrition y est plus importante.

79

La représentation du manque

Mais cette association significative est également expliquée par une image de manque.

Ces patients ont une carence, donc donnent l’impression qu’ils manquent de tout. Et le fait de

manquer de tout évoque la fragilité.

La représentation du manque peut être illustrée par le modèle soustractif de Laplantine

(51). C’est-à-dire qu’un état de carence dans un domaine, va faire penser au médecin de

rechercher des lacunes dans d’autres pathologies et pourrait expliquer ces résultats. En effet, la

masse musculaire des femmes est moins importante que celle des hommes. Une taille moins

importante est une situation d’insuffisance.

o La démence. De même, la démence est expliquée par un manque des facultés de

raisonnement, une perte cognitive (18). Les patients déments peuvent présenter par

définition un trouble du raisonnement, un apragmatisme, une perte d’autonomie. Ces

symptômes peuvent entrainer une diminution de l’alimentation, la non perception d’un

amaigrissement. Le médecin se sent probablement plus investi et responsable face à

l’état nutritionnel de son patient. La démence renvoi à l’image d’une personne

globalement plus fragile donc plus à risque.

o La maigreur. Contrairement à la représentation de l’obésité, la maigreur est associée à

un image de manque, et de faiblesse. En somme, la maigreur renvoi l’image d’une

personne malade. Par définition la fragilité est une incapacité à surmonter une situation

aiguë par défaut de ressources, et la maigreur en est un signe, qu’il va falloir combler.

80

L’accumulation de ces manques, donne l’impression au médecin que le patient maigre

manque de tout, au même titre que les patients obèses ont un surplus dans tous les

domaines alors qu’ils ont seulement un excès de poids. Cette illusion donne l’impression

au médecin qu’il doit modifier son approche thérapeutique en proposant en priorité des

conseils diététiques pour prendre du poids, éventuellement prescrire des compléments

nutritionnels hyperprotéinés. De plus cette apparence de fragilité favorise l’impression

d’un risque accru de chute. En conséquence devant un patient maigre, un médecin va

plus aisément penser à une dénutrition donc une prise en charge diététique et à la

prescription d’une kinésithérapie pour renforcer la musculature. En somme, devant un

patient maigre, le médecin va prioriser les mesures pour augmenter la masse maigre et

diminuer cette sensation de fragilité.

Ces états de « moins » sont associés à une image de faiblesse. Les résultats de notre

étude font supposer que les médecins adhèrent inconsciemment à ce modèle : ce qui manque

donne l’impression de fragilité. La dénutrition est expliquée selon ce modèle par un défaut en

protéines. Donc on peut penser que le vieillissement est également expliqué par le modèle

soustractif c’est-à-dire le manque de force, de réserve, en somme : la fragilité.

Cette situation révèle objectivement d’authentiques dénutritions, à juste titre les

femmes sont plus dénutries que les hommes, le patient en état de maigreur est dénutri et les

patients âgés sont à risque de dénutrition. Mais l’impression de fragilité peut conduire à un

excès de dépistage.

81

4.2.4. L’expérience professionnelle du médecin

Les résultats retrouvent une réduction de la préoccupation du dépistage de la

dénutrition chez la personne âgée avec l'ancienneté de l'exercice professionnel. Dans l’analyse

univariée, les médecins généralistes qui dosent l’albuminémie sont plus jeunes, et ils exercent

depuis moins longtemps la médecine.

La formation postuniversitaire

Le fait d’avoir une formation en nutrition ne modifie pas la prise en charge. Pourtant 61

% des médecins déclarent que le manque de formation représente un frein au dépistage de la

dénutrition (8). Effectivement dans une étude iranienne de 2015, le fait d’avoir une formation

médicale continue ne modifie pas la prise en charge des patients diabétiques (52). Dans une

étude irlandaise de 2015, les médecins généralistes déclarent que le fait de participer à une

formation médicale continue, en petit groupe les a aidés, mais il n’y a pas d’étude sur le

changement de leur pratique (53). Si la formation post universitaire ne montre pas

d’amélioration des pratiques, et en supposant que la sensibilisation au cours des études de

médecine joue un rôle, on peut espérer que les nouvelles générations de médecins

rechercheront plus la dénutrition.

La modification de l’enseignement à la faculté de médecine

Une des hypothèses pouvant expliquer que les médecins moins expérimentés dépistent

plus la dénutrition chez les personnes âgées est la différence d’enseignement initial à la faculté

de médecine. Premièrement, l’enseignement de la gériatrie est probablement plus conséquent.

82

L’augmentation de l’espérance de vie rend cette discipline indispensable. L’augmentation du

nombre de personnes dans cette tranche d’âge et la reconnaissance progressive de la spécialité

attire de plus en plus de médecins. Les nouveaux médecins apprennent davantage la prise en

charge des pathologies spécifiques de la personne âgée et comprennent le risque de

l’accumulation des comorbidités et le concept de fragilité favorisé par la dénutrition. Donc les

médecins récemment formés pensent plus à rechercher la dénutrition. De plus les programmes

des études médicales insistent sans doute plus sur la nutrition et sensibilisent les étudiants à la

prise en charge de l’obésité et de la dénutrition.

La difficulté de modifier une représentation avec le temps

Le médecin va cataloguer le patient en obésité dans une catégorie représentée par

l’excès. Du fait de cette interprétation, il va dès le début l’écarter de l’opportunité d’être soigné

pour une éventuelle dénutrition. Ce comportement va s’intensifier avec le temps. D’autant plus

que la modification d’un raisonnement, d’une pratique est laborieuse, et qu’elle est peu

impactée par un enseignement médical supplémentaire. En somme la représentation de

l’obésité du médecin se solidifie avec le temps.

La difficulté de respecter les recommandations avec l’expérience du médecin

Plus un médecin a de l’expérience, plus il s’éloigne des recommandations et des

fondements. Les médecins généralistes en soins primaires suivent les recommandations si ils

ont des retours en discutant avec leur pairs, et s’ils ont confiance dans ces dernières en

obtenant des retours d’expérience positifs (54). Les médecins installés depuis plus longtemps

déclarent que les recommandations sont plus difficiles à tenir (55).

83

84

5. CONCLUSION

5.1. Faut-il faire maigrir les personnes âgées obèses ?

La prévention de la sarcopénie est une priorité chez le sujet âgé obèse en favorisant

l’activité physique et en maintenant les apports en protéines. La recommandation d’un

amaigrissement chez un sujet âgé obèse doit prendre en compte plusieurs aspects comme :

o L’objectif de l’IMC : d’après une revue de la littérature, la mortalité en fonction de l’IMC

chez les personnes âgées est représentée par une courbe en U. Le plus faible taux de

mortalité s’observe pour un IMC entre 23,5 et 27,5 kg/m2, ce qui est plus élevé que chez

les adultes d’âge moyen (56).

o Les régimes restrictifs ne sont pas recommandés en raison des risques accrus de

sarcopénie.

o La prise en charge diététique doit être associée à une augmentation de l’activité

physique qui permet d’augmenter la qualité de vie, les performances physiques et de

diminuer les risques de complications, indépendamment de la perte de poids (26). En

effet l’activité physique est d’un apport plus net et positif que les modifications

diététiques (57). D’autant plus que les objectifs du Programme national nutrition santé

sont d’augmenter l’activité physique et de diminuer la sédentarité à tous les âges (5).

85

Fried et al. ont défini trois profils de population gériatrique. L’évaluation gériatrique globale

est nécessaire pour identifier les priorités de chaque patient et conseiller une prise en charge

diététique optimale (15,33) :

o Les personnes âgées robustes, en bonne santé, indépendants, autonomes,

représentants près de 50 % de la population totale. Ces patients sont à considérer

comme des adultes jeunes, c’est-à-dire qu’il faut privilégier leur espérance de vie.

o Les personnes dépendantes, institutionnalisées, isolées socialement. La qualité de vie est

à mettre en avant.

o Les patients fragiles qui sont atteints de polypathologies, en perte d’autonomie.

Par exemple dans le cadre d’un régime hypocalorique, qui peut être associé à une perte

musculaire et une perte de densité osseuse, il convient d’évaluer le retentissement de la perte

de poids sur le risque de sarcopénie et de fracture. Mais l’excès de poids peut entrainer une

atteinte fonctionnelle ou articulaire en lien avec une perte d’autonomie. Donc l’indication du

régime hypocalorique et l’objectif du poids est à décider en fonction du rapport bénéfice-risque.

Pour un sénior actif, il n’est pas conseillé de prescrire un régime inférieur à 1500 kcal par jour,

et le régime doit avoir une durée limitée. L’objectif étant le maintien voire l’amélioration de la

qualité de vie, et la poursuite d’une activité physique. Pour les patients fragiles ou

institutionnalisés, il est recommandé de ne pas prescrire de régime (33).

A partir de 75 ans il n’est pas contre-indiqué de poursuivre les régimes hypoglucidiques,

hyposodés, hypolipidiques, et hypoprotidiques respectivement dans le diabète, l’hypertension

artérielle, la dyslipidémie et l’insuffisance rénale, mais uniquement chez les sujets non dénutris.

86

Ces règles diététiques sont à suivre de façon moins stricte qu’avant 75 ans. Les enjeux

nutritionnels ne sont plus fixés sur la perte de poids à mesure que la personne avance dans

l’âge. La réévaluation plus fréquente est nécessaire pour éviter les carences. Chez les sujets

fragiles ou dépendants, on peut surseoir à ces règles, voire proposer une alimentation enrichie

en calorie et en protéines selon le statut nutritionnel et la situation d’hypercatabolisme dans le

but de privilégier la qualité de vie (33).

5.2. Eléments forts

Cette thèse étudie si un médecin généraliste pense à dépister la dénutrition chez un patient

âgé obèse. Il y a un retard au diagnostic à la dénutrition chez les personnes âgées. Le fait qu’il

ne se représente pas un patient en obésité comme dénutri peut donc être une double peine

pour le patient qui de par son poids entre dans un cercle vicieux : il se déplace moins, perd sa

masse maigre, donc se dépense moins et prend de la masse grasse ; et de part l’impression qu’il

ne manque de rien n’est pas dépisté voire traité pour une dénutrition. Les complications de

l’obésité et de la dénutrition s’additionnent chez ce même patient qui vieillit.

La formation initiale à la faculté de médecine en gériatrie et en nutrition semble jouer un

rôle important sur le comportement des médecins. L’expérience du médecin ne compense pas

l’absence de formation initiale. Les messages de prévention semblent diffuser de façon plus

efficace chez les jeunes médecins.

Il apparaît que les médecins généralistes connaissent les recommandations de la

dénutrition, mais malgré cela ils n’y pensent pas systématiquement. La perception, les idées

reçues, c’est-à-dire la représentation subjective qu’un médecin a de son patient a plus d’impact

87

dans sa prise en charge que des éléments objectifs, des recommandations médicalement

prouvées. Le domaine de la dénutrition de la personne âgée n’a pas l’apanage de ce constat,

loin s’en faut.

5.3. Perspectives

Il serait pertinent d’étudier si un médecin qui s’intéresse à la prise en charge diététique de

son patient en lui conseillant un régime restrictif, en augmentant involontairement le risque de

dénutrition s’en souciera davantage au cours du suivi.

Nous percevons l’utilité d’avoir des recommandations précises sur l’indication et les

objectifs d’un régime hypocalorique chez une personne âgées en obésité. En particulier sur la

légitimité du maintien ou non des règles diététiques au cours du diabète, de l’hypertension

artérielle, de la dyslipidémie et de l’insuffisance rénale chronique chez les personnes âgées.

Nous pouvons espérer qu’une modification des représentations de l’obésité permette de ne pas

méconnaitre, donc sous-estimer, la dénutrition chez les personnes âgées en obésité.

88

6. BIBLIOGRAPHIE

1. Haute autorité de santé. Stratégie de prise en charge en cas de dénutrition protéino-

énergétique chez la personne âgée : synthèse [en ligne]. 2007 [consulté le 07.11.2015].

Disponible sur: http://www.has-

sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/synthese_denutrition_personnes_agees.pdf

2. Raynaud-Simon A, Lesourd B. Dénutrition du sujet âgé, conséquences cliniques. Presse

Méd. 2000;29(39):2183–90.

3. Institut national d’études démographiques. Population par groupe d’âges [en ligne]. Ined -

Institut national d’études démographiques. [consulté le 11.12.2015]. Disponible sur :

https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/chiffres/france/structure-

population/population-ages/

4. Patry C, Raynaud-Simon A. Prise en charge de la dénutrition chez les personnes âgées :

quoi de neuf depuis les recommandations de l’HAS en 2007 ? NPG Neurol - Psychiatr -

Gériatrie. 2011;11(63):95‑ 100.

5. Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé, 2011. Programme national nutrition santé

2011-2015 [en ligne]. 2011 [consulté le 02.12.2015]. Disponible sur:

http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/PNNS_2011-2015.pdf

6. Troubles nutritionnels du sujet âgé. Cah Nutr Diététique. 2001;36(Hors série 1):2132.

7. Breuil V, Euller-Ziegler L. Nutrition et vieillissement osseux : l’ostéoporose. Nutr Clin

Métab. 2004;18(4):212‑8.

8. Fertin E. Revue systématique sur la prise en charge de la dénutrition chez les personnes

âgées par les médecins généralistes [Thèse d’exercice]. Université de Versailles-Saint-

Quentin-en-Yvelines ; 2014.

9. Gachignard L. Etudes des pratiques de dépistage de la dénutrition des sujets de plus de 70

ans en médecine générale dans la région Pays de la Loire [Thèse d'exercice]. Université de

Nantes ; 2013 [consulté le 02.12.2015]. Disponible sur : http://archive.bu.univ-

nantes.fr/pollux/fichiers/download/27b8fb45-3c7e-46ee-a36e-4c424e2b8d86

10. Badu Carvalho Vale L. Prise en charge de la dénutrition protéino-énergétique de la

personne âgée : évaluation de la prescription de compléments nutritionnels oraux en

89

médecine de ville [Thèse d'exercice]. Paris VII, Denis Diderot ; 2014 [consulté le

02.12.2015]. Disponible sur : http://www.bichat-

larib.com/publications.documents/4681_badu_carvalho_vale_these.pdf

11. Mathieu Faline M. Etat des pratiques des médecins généralistes de l’Indre en 2011 pour le

dépistage de personnes âgées dénutries ou à risque de dénutrition [Thèse d'exercice].

Université François-Rabelais, Tour ; 2012 [consulté le 02.12.2015]. Disponible sur :

http://www.applis.univ-

tours.fr/scd/Medecine/Theses/2012_Medecine_FalineMathieuMaud.pdf

12. Lesourd B. Malnutrition et immunité. Problèmes nutritionnels en médecine interne.

353‑ 359.

13. Meckenstock R, Therby A. Modifications de l’immunité dans l’obésité : impact sur le risque

infectieux. Rev Médecine Interne. 2015;(36):760‑ 8.

14. Bouchon J-P. Particularités diagnostiques et grands principes thérapeutiques en gériatrie.

Traité Médecine AKOS 2004;3(1010).

15. Fried L-P, Tangen C-M, Walston J, Newman A-B, Hirsch C, Gottdiener J, et al. Frailty in Older

Adults Evidence for a Phenotype. J Gerontol A Biol Sci Med Sci. 2001;56(3):M146‑ 57.

16. Rockwood K. A global clinical measure of fitness and frailty in elderly people. Can Med

Assoc J. 2005;173(5):489‑ 95.

17. Clegg A, Young J, Iliffe S, Rikkert M-O, Rockwood K. Frailty in elderly people. The Lancet.

2013;381(9868):752–762.

18. Cornet P. Corps obèse et société. Regards croisés entre médecins et patients [Thèse]. Paris

Est; 2015 [consulté le 14.03.2016]. Disponible sur: http://www.theses.fr/2015PESC0016

19. Organisation mondiale de la santé. Obésité et surpoids [en ligne]. WHO. 2015 [consulté le

18.12.2015]. Disponible sur: http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs311/fr/

20. Baumgartner R-N, Koehler K-M, Gallagher D, Romero L, Heymsfield S-B, Ross R-R, et al.

Epidemiology of Sarcopenia among the Elderly in New Mexico. Am J Epidemiol.

1998;147(8):755‑ 63.

21. Tardif N, Salles J, Guillet C, Gadéa E, Boirie Y, Walrand S. Obésité sarcopénique et

altérations du métabolisme protéique musculaire. Nutr. Clin. Métab. 2011;25(3):138‑ 51.

90

22. Cruz-Jentoft A-J, Baeyens J-P, Bauer J-M, Boirie Y, Cederholm T, Landi F, et al. Sarcopenia:

European consensus on definition and diagnosis: Report of the European Working Group

on Sarcopenia in Older People. Age Ageing. 2010;39(4):412‑ 23.

23. Lazimi J. Revue de la littérature sur la sarcopénie et proposition d’un outil de dépistage

clinique en ville chez les patients de plus de 65 ans [Thèse d'exercice]. Université Pierre et

Marie Curie; 2013 [consulté le 07.11.2015]. Disponible sur : http://www.urps-med-

idf.org/iso_upload/30_LAZIMI.pdf

24. Morley J-E. Sarcopenia : diagnosis and treatment. J Nutr Health Aging. 2008;12(7):452–

456.

25. Wang C, Bai L. Sarcopenia in the elderly : Basic and clinical issues. Geriatr Gerontol Int.

2012;12(3):388‑ 96.

26. Quilliot D, Böhme P, Malgras A, Ziegler O. L’obésité du sujet âgé. Nutr. Clin. Métab.

2013;(27):95‑ 101.

27. Bonnefoy M. Sarcopénie, fonction musculaire et prévention. Nutr. Clin. Métab.

18(4):175‑ 80.

28. Farigon N, Miolanne M, Montel F, Dadet S, Slim K, Cano N, et al. Dénutrition du sujet

obèse. Nutr Clin Métab. 2015;29:50‑ 3.

29. Quilliot D, Ziegler O. Prise en charge nutritionnelle périopératoire du patient obèse. Nutr

Clin Métab. 2010;24:196‑ 205.

30. Haute autorité de santé. Surpoids et obésité de l’adulte : prise en charge médicale de

premiers recours [en ligne]. 2011 [consulté le 11.12.2015]. Disponible sur:

http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2011-

10/reco2clics_obesite_adulte_premiers_recours.pdf

31. Lecerf J-M. Obésité. Pourquoi les régimes échouent-ils ? Nutr Clin Métab.

2013;(27):74‑ 81.

32. Zeanandin G et al. Impact of restrictive diets on the risk of undernutrition in a free-living

elderly population. Clin Nutr. 2012;31(1):69-73

33. Brocker P, Bertoglio J. Les régimes alimentaires chez le sujet âgé : est-ce bien raisonnable ?

Médecine Mal Métaboliques. 2013;7(2):115‑ 9.

91

34. Bourdel-Marchasson I, Traissac T. Place et impact des régimes chez les personnes très

âgées. Nutr. Clin. Métab. 2004;18(4):224‑ 30.

35. Malafarina V, Úriz-Otano F, Iniesta R, Gil-Guerrero L. Sarcopenia in the elderly : Diagnosis,

physiopathology and treatment. Maturitas. 2012;71(2):109‑ 14.

36. Le Barzic M. Aspects psychologiques de l’obésité. EMC - Endocrinol - Nutr. 2010;7(1):1‑ 11.

37. Schlienger J-L. Du gras prestigieux au gras honteux : histoire médicale de l’obésité.

Médecine Mal Métaboliques. 2015;9(6):625‑ 31.

38. Fayemendy P, Jesus P, Pouchard L, Desport J-C. Difficultés rencontrées par les médecins

généralistes du département de la Haute-Vienne dans la prise en charge de l’obésité et

pistes d’amélioration possibles. Cah Nutr Diététique. 2015;50(3):142‑9.

39. Barsamian C, Eole M, Delozé M, Vavelin A, Carette C, Czernichow S. Prescription diététique

dans les obésités. Traité Médecine Akos 2015;10(2).

40. Conseil National de l’Ordre des Médecins. Atlas de la Démographie Médicale en France au

1er janvier 2014 [en ligne]. 2014 [consulté le 25.03.2016]. Disponible sur:

https://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/atlas_2014.pdf

41. Reconnaître les personnes âgées atteintes de démence. Prescrire. 2014;34(368):437‑ 43.

42. Ramaroson H, Helmer C, Barberger-Gateau P, Letenneur L, Dartigues J-F. Prévalence de la

démence et de la maladie d’Alzheimer chez les personnes de 75 ans et plus : données

réactualisées de la cohorte PAQUID. Rev Neurol (Paris). 2008;159(4):405‑11.

43. INSERM, Kantar Health, Roche. ObEpi 2012, Enquête épidémiologique nationale sur le

surpoids et l’obésité.

44. Wagner A, Arveiler D, Ruidavets J-B, Cottel D, Bongard V, Dallongeville J, et al. Etat des

lieux sur l’hypertension artérielle en France en 2007 : l’étude Mona Lisa. BEH.

2008;(49‑ 50).

45. Bonaldi C, Romon I, Fagot-Campagna A. Impacts du vieillissement de la population et de

l’obésité sur l’évolution de la prévalence du diabète traité : situation de la France

métropolitaine à l’horizon 2016. BEH. 2006;10:69–71.

46. Vernay M, Chan-Chee C, Szego E, Castetbon K. Maigreur, obésité et perte d’autonomie

chez les personnes âgées à domicile en France : l’enquête nationale handicap-santé. BEH.

2013;33‑34:425‑32.

92

47. Visser M, Kritchevsky S-B, Newman A-B, Goodpaster B-H, Tylavsky F-A, Nevitt M-C, et al.

Lower serum albumin concentration and change in muscle mass: the Health, Aging and

Body Composition Study. Am J Clin Nutr. 2005;82(3):531‑7.

48. Baumgartner R-N, Koehler K-M, Romero L, Garry P-J. Serum albumin is associated with

skeletal muscle in elderly men and women. Am J Clin Nutr. 1996;64(4):552‑ 8.

49. Cynober L, Aussel C. Exploration biologique du statut nutritionnel. Nutr Clin Métab.

2004;18:49‑ 56.

50. Vincent J-L, Dubois M-J, Navickis R-J, Wilkes M-M. Hypoalbuminemia in acute illness : is

there a rationale for intervention ? Ann Surg. 2003;237(3):319‑ 34.

51. Laplantine. Anthropologie de la maladie. Payot. 1986. (Bibliothèque scientifique Payot).

52. Aghili R, Malek M, Baradaran H-R, Peyvandi A-A, Ebrahim Valojerdi A, Khamseh M-E.

General Practitioners’ Knowledge and Clinical Practice in Management of People with Type

2 Diabetes in Iran; The Impact of Continuous Medical Education Programs. Arch Iran Med.

sept 2015;18(9):582‑ 5.

53. Dowling S, Finnegan H, Collins C. Does participation in CME SLG (small group learning)

influence medical practice ? The experience of general practitioners attending CME SLG

after the introduction of the Medical Practitioners Act. Ir Med J. avr 2015;108(4):109‑ 11.

54. Ingemansson M, Bastholm-Rahmner P, Kiessling A. Practice guidelines in the context of

primary care, learning and usability in the physicians’ decision-making process – a

qualitative study. BMC Fam Pract. 2014;15:141.

55. Trépos J-Y, Laure P. Médecins généralistes et recommandations médicales : une approche

sociologique. Rev Epidémiologie Santé Publique 2008;56(S4):221‑ 9.

56. Donini L-M, Savina C, Gennaro E, De Felice M-R, Rosano A, Pandolfo M-M, et al. A

systematic review of the literature concerning the relationship between obesity and

mortality in the elderly. J Nutr Health Aging 2012;16(1):89‑98.

57. Bourdel-Marchasson I, Traissac T. Place et impact des régimes chez les personnes très

âgées. Nutr Clin Métab. 2004;18(4):224‑ 30.

93

7. LES ANNEXES

Annexe 1 : Présentation brève de la thèse lors des appels téléphoniques :

Bonjour, je suis interne en dernière année de médecine générale à Paris, je réalise ma thèse sur la prise

en charge du poids chez les personnes âgées. J’ai créé un questionnaire à remplir sur internet. Pour

aboutir à mon travail de thèse, je demande aux médecins généralistes de toute la France de sélectionner

2 patients de plus de 75 ans : un patient obèse et un patient maigre, puis de répondre à des questions

simples sur le poids, les conseils diététiques… Si vous acceptez de m’aider, puis je vous demander votre

adresse mail pour vous envoyer mon questionnaire ?

Annexe 2 : Questionnaire envoyé par mail aux médecins généralistes :

Le médecin généraliste face aux problèmes de

poids des personnes âgées. Ma thèse analyse la surveillance du poids chez les patients âgés de plus de 75 ans, par le

médecin généraliste. L’étude compare le suivi des personnes âgées obèses de celles qui sont maigres.

L'étude se fait auprès de médecins généralistes travaillant depuis au moins un an en France. Si vous êtes interne, cette étude ne vous concerne pas.

Pour m'aider à réaliser ma thèse, je vous demande de choisir DEUX PATIENTS > 75 ANS que vous suivez depuis au moins 1 an :

- un patient obèse : c'est à dire avec un indice de masse corporel (IMC) > 30 - un patient maigre : c'est à dire avec un IMC < 18.

Ce questionnaire comporte 4 questions sur vous, et 10 questions sur chaque patient que vous avez sélectionné. Il faut 10 minutes pour y répondre.

Je vous remercie d'avance,

Lucie Bolignano, interne en médecine générale, faculté de médecine Pierre et Marie Curie, université Paris 6.

Directeur de thèse : Pr Philippe Cornet, professeur de médecine générale, directeur du département d'enseignement et de recherche, faculté de médecine Pierre et Marie Curie, université Paris 6.

94

Première partie : 4 questions sur vous

1) Quelle est votre année de naissance ?

2) Depuis quelle année exercez-vous la médecine générale ?

3) Avez-vous une formation en nutrition (un DU, plusieurs FMC...) ?

- Oui

- Non

4) Quelle est votre pratique ?

- Rurale

- Semi-rurale

- Urbaine

- je pratique dans plusieurs centres ou cabinets

Renseignements sur le premier patient que vous avez sélectionné : celui dont l'indice de masse

corporel est supérieur à 30

1) Quel est le sexe du patient 1 ? (Le patient 1 est celui qui a un IMC > 30)

- femme

- homme

2) Quel est l'âge du patient 1 ? (Le patient 1 est celui qui a un IMC > 30)

3) Quels sont les principaux antécédents du patient 1 ? (Le patient 1 est celui qui a un IMC > 30)

- insuffisance cardiaque chronique

- coronaropathie (infarctus du myocarde, angor)

- dyslipidémie

- tabagisme actif ou sevré depuis moins de 3 ans

- HTA

- Diabète

- Insuffisance respiratoire chronique

- BPCO

- Asthme

- Insuffisance rénale chronique

- Cancer

- Démence (Alzheimer, vasculaire…)

- Accident vasculaire cérébral

- Maladie auto-immunes, connectivites, vascularites…

- Autres :

95

4) Quelle est la taille (cm) du patient 1 ? (Le patient 1 est celui qui a un IMC > 30)

5) Quel était le poids du patient 1 au début de votre prise en charge ? (Le patient 1 est celui qui a

un IMC > 30)

6) Avez-vous utilisé un questionnaire de dépistage de la dénutrition chez le patient 1 ? (Le patient 1

est celui qui a un IMC > 30)

- oui

- non

7) Au cours de l’année, avez-vous donné des conseils diététiques au patient 1, dans le but de

PERDRE du poids ?

- Oui

- Non

8) Au cours de l’année, avez-vous donné des conseils diététiques au patient 1, dans le but de

PRENDRE ?

- oui

- non

9) Quel est le poids actuel du patient 1 ?

Si vous n’avez pas de poids récent pour ce patient, passez à la question suivante

10) Citez les principaux examens biologiques dosés au cours de l’année chez le patient 1 ? (Le patient

1 est celui qui a un IMC > 30)

Renseignements sur le 2ème patient : IMC < 18

11) Quel est le sexe du patient 2 ? (Le patient 2 est celui qui a un IMC < 18)

- femme

- homme

12) Quel est l'âge du patient 2 ? (Le patient 2 est celui qui a un IMC < 18)

13) Quels sont les principaux antécédents du patient 2 ? (Le patient 2 est celui qui a un IMC < 18)

- insuffisance cardiaque chronique

- coronaropathie (infarctus du myocarde, angor)

- dyslipidémie

- tabagisme actif ou sevré depuis moins de 3 ans

- HTA

- Diabète

- Insuffisance respiratoire chronique

96

- BPCO

- Asthme

- Insuffisance rénale chronique

- Cancer

- Démence (Alzheimer, vasculaire…)

- Accident vasculaire cérébral

- Maladie auto-immunes, connectivites, vascularites…

- Autres :

14) Quelle est la taille (cm) du patient 2 ? (Le patient 2 est celui qui a un IMC < 18)

15) Quel était le poids du patient 2 au début de votre prise en charge ? (Le patient 2 est celui qui a

un IMC < 18)

16) Avez-vous utilisé un questionnaire de dépistage de la dénutrition chez le patient 2 ? (Le patient

2 est celui qui a un IMC < 18)

- oui

- non

17) Au cours de l’année, avez-vous donné des conseils diététiques au patient 2, dans le but de

PERDRE du poids ?

- Oui

- Non

18) Au cours de l’année, avez-vous donné des conseils diététiques au patient 2, dans le but de

PRENDRE du poids ?

- oui

- non

19) Quel est le poids actuel du patient 2 ?

Si vous n’avez pas de poids récent pour ce patient, passez à la dernière question.

20) Citez les principaux examens biologiques dosés au cours de l’année chez le patient 2 ? (Le patient

2 est celui qui a un IMC < 18)

Merci de votre participation

97

Annexe 3 : Mini Nutritional Assessment (MNA)

98

Annexe 4 : Ebauche d’article en vue d’une publication

Titre : L’obésité : un obstacle au dépistage de la dénutrition des personnes âgées par les

médecins généralistes en France métropolitaine.

Auteurs : Lucie Bolignano, Philippe Cornet

Introduction : Actuellement, la majorité des sujets âgés sont à leur domicile. Les personnes

âgées sont à risque de dénutrition. Les médecins généralistes sont donc concernés en première

ligne pour le dépistage et la prévention de la dénutrition. Par ailleurs l’obésité a augmenté ces

dernières années. Les personnes obèses sont représentées comme des personnes qui mangent

excessivement. Il est de ce fait difficile de se représenter une personne obèse et dénutrie.

Pourtant l’association fréquente de ces deux états pathologiques entraine une obésité

sarcopénique. La personne âgée en obésité et dénutrie s’expose au double risque lié à son

obésité et à sa dénutrition. L’hypothèse est de considérer que la dénutrition chez les personnes

âgées obèses est moins dépistée que chez les personnes âgées maigres du seul fait de leur

obésité.

Méthodes : Nous avons interrogé des médecins généralistes en constituant un échantillon

aléatoire par tirage au sort sur toute la France métropolitaine, à partir du site du Conseil

National de l’Ordre des médecins. Notre analyse est de type quantitatif. Les médecins ont été

contactés par téléphone d’avril 2015 à décembre 2015. S’ils acceptaient de participer à l’étude,

ils recevaient le questionnaire par mail. Chaque médecin devait sélectionner deux de ces

patients de plus de 75 ans : un patient maigre (IMC < 18 kg/m2) et un patient atteint d’obésité

(IMC > 30 kg/m2) pour répondre au questionnaire. Le questionnaire comportait des questions

sur le médecin ainsi que des questions sur le poids, les conseils diététiques donnés, l’utilisation

d’un test de dépistage de la dénutrition et le bilan biologique effectué chez les deux patients

sélectionnés. Le critère de jugement principal était le dépistage de la dénutrition par le dosage

de l’albuminémie. Les critères de jugement secondaires étaient les facteurs influençant le

dépistage de la dénutrition : l’âge, la formation, la durée d’exercice du médecin, et les conseils

diététiques donnés aux patients ; l’âge, le genre, le poids, la taille, l’IMC et les pathologies du

patient. Les associations entre le dépistage biologique de la dénutrition (c’est-à-dire le dosage

de l’albuminémie, de la pré-albuminémie ou de l’électrophorèse) et les caractéristiques des

médecins et des patients ont été étudiées en analyse univariée. Enfin celles qui étaient

significatives ont été analysées en multivarié. L’impact d’une variation de 10 ans sur la durée

d’exercice de la médecine et sur l’âge du patient a été évaluée.

Résultats : 1641 médecins généralistes ont été contactés par téléphone, 567 ont accepté de

communiquer leur adresse mail pour participer au questionnaire. 161 réponses au

questionnaire ont été obtenues, soit 28 % de participation. Par comparaison à un patient maigre

99

(IMC < 18,5 kg/m2), la probabilité d’avoir une recherche de la dénutrition par un dosage

biologique, tel que l’albuminémie, chez un patient en surcharge pondérale (IMC ≥ 25 kg/m2), est

diminuée de 89 % (OR = 0,11 ; p < 0,01). La recherche de la dénutrition diminue de 4% par

année d’exercice de la médecine en plus (OR = 0,96 ; p = 0,002). Le dépistage de la dénutrition

augmente de 8 % par année d’âge en plus du patient (OR = 1,08 ; p = 0,003). Par comparaison à

un patient en état de maigreur, un sujet en surpoids et âgé de 10 ans de plus que le patient

maigre et qui consulte un médecin exerçant depuis 10 ans de plus que son confrère prenant en

charge le sujet maigre a une probabilité d’avoir un test biologique de dépistage de la dénutrition

qui est diminuée de 85% (OR = 0,15 ; IC95% [0,06 ; 0,38] ; p < 0,01).

Discussion : Aucune étude ne prouve que la prévalence de la dénutrition des personnes âgées

en obésité est moins importante que chez les sujets maigres. On peut supposer que le les

personnes âgées en surpoids sont moins dépistées seulement du fait de leur poids. Les

médecins généralistes ne pensent pas à rechercher la dénutrition donc ils utilisent moins les

outils biologiques. L’obésité, le diabète, l’hypertension artérielle, la dyslipidémie sont souvent

associées, c’est-à-dire qu’un patient qui a un excès de poids va plus souvent avoir un surplus de

sucre, de cholestérol et de tension artérielle. Donc face à un patient en obésité le médecin

s’imagine qu’il a un surplus dans tous les domaines. Et il est difficile de s’imaginer un patient en

obésité manquer de quelque chose. D’autant plus lorsque ce manque est lié à l’alimentation par

déficit d’apport en protéines.

La réduction de la préoccupation du dépistage de la dénutrition chez la personne âgée avec

l'ancienneté de l'exercice professionnel du médecin peut être expliquée par un enseignement à

la faculté plus axé sur la nutrition et la gériatrie. Le fait d’avoir une formation en nutrition ne

modifie pas la prise en charge. La perception, c’est-à-dire la représentation subjective qu’un

médecin a de son patient a plus d’impact dans sa prise en charge que des éléments objectifs tels

que des recommandations médicalement prouvées.

L’augmentation du dépistage avec l’âge du patient peut être expliquée par le fait que la

prévalence de la dénutrition augmente avec l’âge. De plus les patients âgés donnent une

impression de fragilité, c’est-à-dire un manque de ressources pour faire face à un stress aigu. A

l’inverse du surpoids, cette situation de manque facilite la représentation de la dénutrition chez

les personnes plus âgées par les médecins.

Conclusion : L’obésité, associée à un excès d’apport, prive le médecin de considérer à risque de

dénutrition toutes les personnes âgées indépendamment de leur IMC. La modification de cette

représentation, éviterait d’infliger une double peine qui associe les complications de l’obésité et

celles liées au retard au dépistage de la dénutrition.

Bibliographie : La bibliographie sera complétée ultérieurement.

100

Annexe 5 : Résumé traduit en anglais

Obesity is commonly associated with a substantial food intake, and malnutrition with a lack of

food intake. The hypothesis is to consider that malnutrition among elderly obese patients is less

detected than in lean elderly patients only because of their overweight.

This is a quantitative study by questionnaire of a random sample selected from the National

Council of the College of Physicians website. Doctors were contacted by telephone and received

the questionnaire after agreement by email. Two patients aged over 75 years were chosen, one

with a BMI > 30 kg/m2, the other with a BMI < 18 kg/m2. The questionnaire included questions

about weight, diet advice, the use of a screening test and the blood tests. The primary endpoint

was the screening of malnutrition by albumin.

1641 GPs were contacted, 567 agreed to receive the questionnaire and 160 actually responded.

Compared to a lean patient (BMI < 18.5 kg/m2), the probability of having a search of

malnutrition by albumin in an overweight patient (BMI ≥ 25 kg / m2) is reduced by 89 % (OR =

0.11, p <0.01). Malnutrition screening decreased by 4% per year of medical practice (OR = 0.96 ;

p = 0.002). It increased by 8% per year of age in addition to the patient (OR = 1.08 ; p = 0.003).

GPs are less tracking malnutrition among elderly obese than in lean elderly patients. Obesity

being associated with an excess of intake does not encourage physicians to consider at risk of

malnutrition seniors suffering from this condition. Changing this representation would avoid

inflicting a double penalty which combines complications of obesity and those related to the

delay in screening for malnutrition.

101

8. RESUME

L’obésité est associée communément à des apports alimentaires trop conséquents, et la

dénutrition à un manque. L’hypothèse est de considérer que la dénutrition chez les personnes

âgées obèses est moins dépistée que chez les personnes âgées maigres du seul fait de leur

obésité.

Etude quantitative par questionnaire, à partir d’un échantillon aléatoire de médecins

généralistes constitué à partir du site du Conseil National de l’Ordre des médecins. Les

médecins, contactés par téléphone, recevaient après accord le questionnaire par mail. Deux

patients âgés de plus de 75 ans étaient choisis, l’un avec un IMC > 30 kg/m2, l’autre un IMC < 18

kg/m2. Le questionnaire comportait des questions sur le poids, les conseils diététiques,

l’utilisation d’un test de dépistage et le bilan biologique effectué. Le critère de jugement

principal était le dépistage de la dénutrition par l’albuminémie.

1641 médecins généralistes ont été contactés, 567 ont souhaité recevoir le questionnaire, et

160 ont répondu. Par comparaison à un patient maigre (IMC < 18,5 kg/m2), la probabilité d’avoir

une recherche de la dénutrition par l’albuminémie, chez un patient en surcharge pondérale

(IMC ≥ 25 kg/m2) est diminuée de 89 % (OR = 0,11 ; p < 0,01). La recherche de la dénutrition

diminue de 4% par année d’exercice de la médecine en plus (OR = 0,96 ; p = 0,002). Elle

augmente de 8 % par année d’âge en plus du patient (OR = 1,08 ; p = 0,003).

Les médecins généralistes dépistent moins la dénutrition chez les patients âgés obèses que chez

les maigres. L’obésité, associée à un excès d’apport, prive le médecin de considérer à risque de

dénutrition toutes les personnes âgées indépendamment de leur IMC. La modification de cette

représentation, éviterait de leur infliger une double peine qui associe les complications de

l’obésité et celles liées au retard au dépistage de la dénutrition.

9. MOTS-CLES

Dépistage, Dénutrition, Personnes âgées obèses, Médecine générale