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1 UNIVERSITE PANTHEON-ASSAS (PARIS II) Année universitaire 2015-2016 TRAVAUX DIRIGES – 3 ème année Licence Droit DROIT CIVIL – CONTRATS SPECIAUX Cours de Monsieur le Professeur Nicolas MOLFESSIS ____________________________________________ Distribution : du 30 novembre au 5 décembre 2015. NEUVIEME SEANCE LE DROIT DES CONTRATS SPECIAUX A L’EPREUVE DE L’ECONOMIE COLLABORATIVE ------------------------------------------------------------------------------------------------------- I-. Idées générales.- Apparue dans les années 70’s, l’économie collaborative - ou l’économie de partage - désigne un modèle économique visant à produire de la valeur en commun et reposant sur de nouvelles formes d’organisation du travail. La pratique collaborative consiste à proposer à une communauté déterminée un bien, un service ou encore un privilège dans un cadre non professionnel. Le développement des technologies numériques et plus particulièrement l’émergence de plateformes associées au Web 2.0 ont donné à ce modèle économique un nouveau souffle, extrêmement puissant. L’explosion des réseaux sociaux a fait de l’économie collaborative une pratique contemporaine et un sujet au cœur de l’actualité. Acheter sur Ebay, louer via AirBnb, voyager par Blablacar, ou encore participer à une collecte KissKissBankBank… Surfez donc sur http://ouishare.net/fr Ainsi, comme on l’a souligné justement, « tous les domaines de la vie quotidienne peuvent faire l’objet de pratiques de consommation collaborative ou participative, par exemple : la mobilité (l’autopartage, ou car sharing : location et utilisation partagée de véhicules, taxis, bicyclettes et places de stationnement; le covoiturage, ou car pooling, c’est-à-dire le fait d’utiliser les sièges vacants de véhicules pour d’autres passagers qui vont dans la même direction) ;

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UNIVERSITE PANTHEON-ASSAS (PARIS II)

Année universitaire 2015-2016 TRAVAUX DIRIGES – 3ème année Licence Droit DROIT CIVIL – CONTRATS SPECIAUX Cours de Monsieur le Professeur Nicolas MOLFESSIS ____________________________________________ Distribution : du 30 novembre au 5 décembre 2015.

NEUVIEME SEANCE

LE DROIT DES CONTRATS SPECIAUX A L’EPREUVE DE L’ECONOMIE COLLABORATIVE

------------------------------------------------------------------------------------------------------- I-. Idées générales.- Apparue dans les années 70’s, l’économie collaborative - ou l’économie de partage - désigne un modèle économique visant à produire de la valeur en commun et reposant sur de nouvelles formes d’organisation du travail. La pratique collaborative consiste à proposer à une communauté déterminée un bien, un service ou encore un privilège dans un cadre non professionnel. Le développement des technologies numériques et plus particulièrement l’émergence de plateformes associées au Web 2.0 ont donné à ce modèle économique un nouveau souffle, extrêmement puissant. L’explosion des réseaux sociaux a fait de l’économie collaborative une pratique contemporaine et un sujet au cœur de l’actualité. Acheter sur Ebay, louer via AirBnb, voyager par Blablacar, ou encore participer à une collecte KissKissBankBank… Surfez donc sur http://ouishare.net/fr Ainsi, comme on l’a souligné justement, « tous les domaines de la vie quotidienne peuvent faire l’objet de pratiques de consommation collaborative ou participative, par exemple :

− la mobilité (l’autopartage, ou car sharing : location et utilisation partagée de véhicules, taxis, bicyclettes et places de stationnement; le covoiturage, ou car pooling, c’est-à-dire le fait d’utiliser les sièges vacants de véhicules pour d’autres passagers qui vont dans la même direction) ;

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− l’efficacité énergétique (utilisation partagée d’un équipement domestique);

− l’hébergement et les espaces de culture (location de chambres, utilisation partagée de logements et de jardins, urbains ou ruraux) ;

− les entreprises (coworking, ou fait de partager des espaces de bureau) ; − les communications (plates-formes mobiles sur lesquelles les utilisateurs

peuvent acheter et vendre des biens et services à des personnes vivant dans la même communauté) ;

− le travail (microtâches, fait d’engager des personnes pour des missions spécifiques, dont celle de "factotum" à domicile, où le meilleur soumissionnaire se voit attribuer des tâches allant de la fixation de tableaux au montage de meubles en kit) ;

− la culture (bookcrossing et troc de livres, promotion d’échanges culturels entre jeunes de différents pays) ;

− l’éducation (communautés numériques pour l’apprentissage des langues); − le temps et les compétences (banques de temps) ; − les loisirs (partager des contenus numériques) ; − les finances (prêts entre particuliers, prêts directs de particuliers aux

petites et moyennes entreprises, crowdfunding, ou financement collectif, crowdfunding for crowdbenefits) ;

− le tourisme (expériences gastronomiques dans des maisons privées et échanges alimentaires peer-to-peer);

− l’art/l’artisanat, y compris les bourses d’échange et le don de vêtements et d’articles pour enfants, la réparation et le recyclage d’objets, parmi de nombreuses autres initiatives que l’on pourrait ajouter mais dont l’analyse exhaustive dépasse les objectifs du présent avis;

− la promotion de l’utilisation des énergies renouvelables, dès lors que les réseaux intelligents permettent de partager l’excédent d’énergie ».

Extrait de « La consommation collaborative ou participative : un modèle de développement durable pour le XXIe siècle », Comité économique et social européen, 22 Janvier 2014 (Rapporteur: M. Bernardo Hernández Bataller).

Faut-il s’en alarmer ? Document 1 : Maxime Baffert, « We Share vs Oui cher : faut-il avoir peur de l’économie collaborative ? », Chroniques de la transformation digitale, 26 mars 2014. https://medium.com/chroniques-de-la-transition-numerique/we-share-vs-oui-cher-faut-il-avoir-peur-de-leconomie-collaborative-66917d00a8f6 Les craintes politiques et économiques liées à l’explosion des modèles collaboratifs s’accompagnent d’enjeux juridiques fondamentaux. Le droit est évidemment concerné par un phénomène qui repose sur de nouvelles pratiques contractuelles, de nouveaux intermédiaires. Sans même évoquer la concurrence que subit l’économie traditionnelle, qui suscite des réflexes conservatistes. Le droit de la concurrence est

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également fortement mobilisé – on l’a vu déjà en étudiant la mise en cause des pratiques de Booking par les hôteliers. L’économie collaborative suppose une opération contractuelle comptant au moins trois acteurs. Et généralement trois contrats : le contrat entre la plateforme et l’usager-offrant, celui entre la plateforme et l’usager-bénéficiaire et celui entre les deux usagers offrant et bénéficiaire. Ces nouvelles pratiques contractuelles, qui naissent de la pratique avant d’être réglementées, le cas échéant, sont-elles licites : c’est la question même de leur insertion dans notre droit positif qui se trouve souvent posée – il suffit de songer aux controverses soulevées par Uber Pop ? Comment les faire entrer dans les cadres existants : c’est la question de leur qualification qui est en jeu ? Quel régime leur appliquer ? Le droit des contrats spéciaux, s’il n’est pas le seul concerné, l’est au premier chef. L’économie collaborative et d’ailleurs plus généralement l’économie numérique vient frapper à la porte des contrats spéciaux : Uber entre contrat de travail et prestation de services, Booking et le mandat, le crowdfunding et le contrat de prêt. Les contrats classiques, à leur manière, sont un frein au développement de ces nouvelles pratiques contractuelles : Airbnb et le bail font-ils bon ménage ? On se demandera aussi, en étudiant les documents de la fiche, si le droit des contrats spéciaux, ses catégories et ses régimes, permettent d’appréhender de manière satisfaisante l’essor de ces nouvelles figures contractuelles ; si et comment l’économie collaborative participe au phénomène d’hyperspécialisation des contrats spéciaux ; etc. II.- Les problèmes de qualification - Ils peuvent se rencontrer pour le contrat entre la plateforme et les usagers mais également pour le contrat liant les usagers. On ne manquera pas de se référer à ce qui a déjà été étudié lors de la séance de TD n°2. A.- La qualification du contrat entre la plateforme et les usagers. Quelle est la nature du contrat entre la plateforme et les usagers ? S’agit-il d’un contrat nommé ? Ou d’une nouvelle forme contractuelle inclassable dans les catégories préexistantes ? La jurisprudence a eu l’occasion de se prononcer sur la question : Document 2 : Civ. 1ère, 19 févr. 2013, pourvoi n° 11-23.287 ; D. 2013, p. 1188 ; RTD com. 2013, p. 326 ; JCP E 2013, 1464 ; Comm. com. électr. 2013, comm. 108 ; RJDA 2013, n° 500.

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Le gouvernement a également reconnu la qualité d’intermédiaire à certaines plateformes engagées dans l’économie collaborative. C’est le cas notamment en matière de crowfunding, signifiant littéralement « financement par la foule », qui permet de lever des fonds par le biais d’une plateforme internet auprès d’un grand nombre de particuliers pour des petites sommes qui mises à bout peuvent permettre de financer des projets d’une relative envergure. L’ordonnance du 30 mai 2014 a donné un cadre normatif au financement participatif et a notamment créé le statut d’intermédiaire en financement participatif pour les plateformes qui proposent aux particuliers des financements sous forme de prêt rémunéré ou non (crowdlending). Il s’agit d’un statut d’ordre public dont le non-respect peut conduire à des sanctions pénales (article L. 573-15 du Code monétaire et financier). Au passage, on notera qu’il a fallu ajouter une dérogation au monopole bancaire (art. 15 de l’Ordonnance du 30 mai 2014) :

L’article L. 511-6 du code monétaire et financier est complété par un alinéa ainsi rédigé : « 7. Aux personnes physiques qui, agissant à des fins non professionnelles ou commerciales, consentent des prêts dans le cadre du financement participatif de projets déterminés, conformément aux dispositions de l’article L. 548-1 et dans la limite d’un prêt par projet. Le taux conventionnel applicable à ces crédits est de nature fixe et ne dépasse pas le taux mentionné à l’article L. 313-3 du code de la consommation. Un décret fixe les principales caractéristiques de ces prêts, notamment leur durée maximale ».

Document 3 : Article L. 548-1 et L. 548-2 du Code monétaire et financier créé par l’article 17 de l’ordonnance du 30 mai 2014. Mais la question de la qualification du contrat entre la plateforme et les usagers reste encore ouverte dans certains domaines. La qualité d’intermédiaire n’est, en effet, pas toujours reconnue ou clairement définie pour les plateformes électroniques proposant des biens ou services collaboratifs. Le législateur a par exemple exclu, comme le montre l’article L. 3132-1 du Code de transport, la qualité de commissionnaire de transport ou d’auxiliaire de transport prévue à l’article L. 1411-1 du Code des transports pour les plateformes proposant des services de covoiturage. Mais il n’a pas pris le soin de préciser quelle serait alors la qualification appropriée… Document 4 : Articles L. 3132-1 (crée par la loi du 17 août 2015) et L. 1411-1 du Code de transport. Certaines plateformes excluent également cette qualification dans leurs conditions générales. C’est le cas d’Airbnb qui rejette expressément la qualité de courtier en immobilier, d’agent immobilier ou d’assureur. On s’interrogera notamment sur les raisons de cette exclusion.

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Document 5 : Extraits des conditions générales d’Airbnb. Qu’est-ce donc que « faciliter la mise en relation », pour reprendre l’expression employée par Airbnb ? Le droit des contrats spéciaux, lui, connaît le courtage. Très récemment, le gouvernement a proposé de consacrer une définition juridique de la plateforme en ligne. Voilà un nouveau concept juridique ! Les plateformes en ligne sont des activités mais aussi les personnes qui les exercent. Quelle est donc l’opportunité d’une telle définition et son apport pour résoudre les problèmes de qualification ? Où l’on lira que la plateforme en ligne a des obligations, comme si elle avait la personnalité juridique. Document 6 : Article 19 de l’avant-projet de loi pour une République numérique transmis au Conseil d’Etat le 6 novembre 2015 après la consultation publique qui s’est tenue du 26 septembre au 8 octobre 2015. B/ La qualification du contrat entre les usagers de la plateforme. Il est ici question du contrat entre les usagers mis en relation via la plateforme. La qualification de ce contrat dépend de l’objet de la consommation collaborative. Il peut s’agir d’un contrat de vente lorsque le contrat a pour objet un transfert de propriété à titre onéreux, ou encore d’un contrat d’entreprise lorsque la consommation collaborative porte sur un service. La diversité des pratiques collaboratives entraîne immanquablement une multitude de qualifications possibles. Pour une présentation synthétique des différentes pratiques et les qualifications envisageables pour chacune, vous irez lire : Sabine Bernheim-Desvaux « La consommation collaborative ou participative. - Consommation collaborative portant sur un produit », Contrats Concurrence Consommation n° 1, Janvier 2015, étude 2. Si certaines pratiques collaboratives se classent facilement dans les catégories nommées du droit des contrats spéciaux, d’autres peuvent poser des difficultés de qualification. C’est le cas notamment pour le crowfunding. Le financement participatif peut en effet prendre plusieurs formes selon qu’il existe ou non une contrepartie et, le cas échéant, selon sa nature. En l’absence de contrepartie (crowdgiving), le contrat pourrait être qualifié de donation. Si la contrepartie prend la forme d’une récompense, le contrat pourrait s’analyser en une vente. La contrepartie peut également consister en un financement par souscription au capital (crowdequity) ou en une rémunération (crowdlending) qui offre alors la possibilité d’un financement sous la forme d’un prêt. Par une ordonnance du 30 mai 2014, le gouvernement a expressément inscrit le crowlending dans le cadre du contrat de prêt :

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Document 7 : article L. 511-6 du Code monétaire et financier crée par l’ordonnance du 30 mai 2014. La question de la qualification peut également soulever des difficultés pour le contrat entre l’hôte et le voyageur conclu via la plateforme Airbnb : contrat d’hôtellerie, contrat de bail, location saisonnière ou sous-location ? Vous penserez à développer cette question dans le cadre du travail de recherche qui vous est demandé pour cette séance (cf. IV de la fiche). En revanche, le contrat entre les usagers ne sera jamais un contrat de consommation, l’économie collaborative ayant justement pour objectif le développement de relations contractuelles entre des particuliers non professionnels. Document 8 : TI Dieppe, 7 févr. 2011, Igor D. c/ Priceminister : Comm. com. électr. 2011, comm. 37, notez A. Debet. A la condition, évidemment, que derrière le particulier ne se cache pas un professionnel qui flairerait l’aubaine (v. TGI Mulhouse, jug. corr. 12 janv. 2006 : Comm. com. électr. 2006, comm. 112, note L. Grynbaum. A propos d’un « particulier » qui vend un objet 470 fois par internet en moins de deux ans. Ca sent l’acte de commerce !) III-. La licéité des pratiques collaboratives - Les pratiques contractuelles issues de l’économie collaborative se développement souvent aux côtés ou en marge des règles existantes. Sont-elles toujours licites et peut-on considérer qu’elles sont autorisées par la loi ? La question s’est posée dans le cadre de la saga qui a opposé Uber aux chauffeurs de taxi. En 2012, la start-up américaine offre ses services d’intermédiaire aux professionnels en place sous le régime souple des voitures de transport avec chauffeur (VTC). L’application connaît un succès foudroyant. En janvier 2014, la société Uber décide d’étendre son service de réservation à tous les possesseurs de véhicules dans les principales villes français sous le nom d’UberPop. Désormais plus besoin d’être VTC ou professionnel de transport quelconque : les chauffeurs sont des particuliers, les particuliers sont des chauffeurs. On est donc en plein dans le modèle de l’économie collaborative. Les taxis furieux de la concurrence faite à leur monopole, réussissent à convaincre le législateur d’intervenir. La première mesure prise par la loi Thévenoud (du nom du député à son origine) du 1er octobre 2014 consiste à restreindre les conditions d’accès à la profession de VTC et à en brider les conditions d’exercice, notamment en leur interdisant d’informer les clients de leur localisation et de leur disponibilité (voir notamment les articles L. 3120-2 et L. 3122-9 du Code des transports). Dans une décision du 22 mai 2015, ces

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dispositions ont été considérées comme conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel qui avait été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité. Mais le législateur va aller plus loin puisqu’il décidera d’interdire le transport dit « collaboratif » en créant une incrimination pénale :

Document 9 : Article 3124-13 du Code de transport crée par la loi du 1er octobre 2014. Re-Conseil constitutionnel, qui va valider l’incrimination de la proposition de service collaboratif à titre onéreux dans le domaine du transport. Document 10 : QPC n°2015-484, 22 septembre 2015. Le Conseil précise que le covoiturage n’entre pas dans le champ d’application de l’incrimination. Cette interprétation est conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation qui avait déjà eu l’occasion de se prononcer sur l’absence de concurrence déloyale en matière de covoiturage (Com. 12 mars 2013, Bull. civ. IV, n°36). Dès lors, il faut bien distinguer le service de transport collaboratif à titre gratuit – le covoiturage (dont l’ancêtre est l’auto-stop, le pouce et le sourire remplaçant l’appli) – qui est autorisé et auquel le législateur s’est empressé de donner un cadre légal (cf. document 3 de la fiche) - du service de transport collaboratif à titre onéreux – UberPop – qui est interdit. D’où l’on voit le rôle déterminant que joue le prix dans la qualification des vrais et faux contrats de covoiturages. Partager les frais, oui ; rémunérer, non. La question de la licéité des pratiques collaboratives s’est également posée pour les services d’hébergement proposés par Airbnb. La société fondée en 2008 à San Francisco a connu un succès sans précédent ces dernières années. L’idée est simple et ingénieuse : mettre en relation par le biais d’une plateforme d’échanges des personnes prêtes à louer tout ou partie de leur logement à titre temporaire et des personnes à la recherche d’un logement pour cette durée. Parce qu’il peut potentiellement être source de concurrence déloyale envers les hôteliers et de fraude fiscale, parce qu’il transforme les immeubles parisiens en auberges espagnoles où l’on rencontre n’importe qui, mais surtout des gens de passage, le modèle proposé par Airbnb fait aujourd’hui l’objet de vif débat concernant sa réglementation. Le modèle pourtant est attirant : pour le tourisme, qui n’est pas un petit enjeu. Pour chaque particulier, qui y trouve facilement son compte en louant son logement. Voir la dernière campagne de publicité : mon logement, dit une jeune femme, « paye ma collection de chaussures » (comme si les filles aimaient les chaussures). La loi ALUR a fixé un premier cadre de réglementation interdisant notamment certaines pratiques

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collaboratives. Vous chercherez les dispositions relatives à ces questions dans le cadre du travail de recherche qui vous est demandé. IV-. Exercice : Travail de recherche. Sujet : Airbnb et le droit des contrats spéciaux Vos recherches porteront sur les problèmes de licéité et de qualification des pratiques collaboratives associées à la plateforme Airbnb. Dans cette perspective, votre travail consistera à :

-­‐ faire d’abord les recherches nécessaires : c’est-à-dire recenser toutes les informations utiles sur le sujet. Vos sources seront principalement juridiques mais pourront également être extra-juridiques (articles de presse). Vous n’oublierez pas d’aller consulter les conditions générales d’Airbnb : https://www.airbnb.fr/terms

-­‐ Il faudra avoir bien réfléchi sur la manière dont Airbnb s’insère dans notre droit des contrats en général et notre droit des contrats spéciaux en particulier. Votre recherche suppose en effet des cibles, c’est-à-dire des questions que vous aurez identifiées. Par exemple : quelle est la nature juridique de l’intervention de Airbnb, les liens contractuels entre les protagonistes, les règles liées à la licéité de l’activité et aux conditions de son exercice, l’influence du droit du bail et de la copropriété, etc. ?

-­‐ faire enfin une note de synthèse dans laquelle vous expliquez et distinguez les différents enjeux soulevés par le sujet. Vous essayerez également de donner des éléments de réponse.

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Document 1 : Maxime Baffert, « We Share vs Oui cher : faut-il avoir peur de l’économie collaborative ? », Chroniques de la transformation digitale, 26 mars 2014.

Le développement de l’économie collaborative est une tendance lourde de la transition numérique. Mais cela commence à faire grincer des dents chez les acteurs traditionnels. Leurs craintes sont-elles justifiées ?

L’explosion des modèles collaboratifs, également appelés P2P (peer-to-peer) ou C2C (consumer-to-consumer), est probablement un des phénomènes les plus intéressants de la transition numérique. L’économie collaborative contourne les acteurs habituels d’un secteur en mettant en relation directement des internautes et en leur permettant d’échanger grâce à une plate-forme numérique.

L’exemple le plus emblématique est bien sûr la société AirBnB qui met en relation des internautes disposant de chambres ou d’appartement à louer avec d’autres internautes qui cherchent un hébergement temporaire à l’occasion d’un déplacement personnel ou professionnel. En l’espace de 5 ans, la société a développé une offre de plus de 600 000 logements qui ont permis de loger plus de 11 millions de voyageurs. AirBnb est en passe de devenir le premier « groupe hôtelier » du monde avec une valorisation estimée à 10 Mds$ !

Le développement de cette économie collaborative suscite l’enthousiasme des internautes et l’intérêt de toute une génération d’entrepreneurs et de capitaux risqueurs. Mais elle génère aussi des réticences et des craintes, en particulier de la part des entreprises des secteurs concernés, qui crient à la concurrence déloyale et agitent la menace de la destruction d’emplois.

Qu’en est-il réellement ? L’économie collaborative est-elle une opportunité de croissance ou un risque de destruction d’emplois ? Voici quelques éléments de réflexion.

L’économie collaborative, un gisement inépuisable

Le développement de l’économie collaborative s’inscrit au carrefour de plusieurs tendances de fond.

D’abord, évidemment, le développement du Web et donc la mise en réseau de près d’un tiers de la population mondiale, ce qui permet de créer des plate-formes pour établir des relations directes entre les internautes. Les échanges directs de consommateur à consommateur existent quasiment depuis toujours (vide-greniers, brocante etc…) mais Internet leur donne une toute autre dimension.

Au-delà de cette logique technologique, la consommation collaborative reflète également deux profondes évolutions socio-économiques :

• d’un point de vue optimiste, une évolution de la notion de propriété et de son importance est en cours dans les sociétés occidentales. La propriété s’efface (un peu) au profit de l’usage. Le rapport à la propriété change, si bien que l’on veut moins être propriétaire de certaines choses et qu’on est prêt à les louer, à les prêter, à les revendre etc…

• de façon plus pessimiste, le développement du collaboratif traduit aussi la stagnation des revenus de la classe moyenne dans les pays développés, qui conduit, d’une part, les individus à rechercher des revenus complémentaires , et d’autre part à se détourner des circuits « officiels » trop chers, au profit de solutions moins onéreuses.

Le croisement de ces trois tendances lourdes fait que l’économie collaborative a de très beaux jours devant elle et, de fait, elle conquiert chaque jour de nouveaux secteurs et de nouveaux adeptes.

Ebay a été un des pionniers de cette économie C2C en permettant tout en chacun de revendre ses objets et en transformant ainsi le monde en une gigantesque brocante ou vide-greniers. Ebay a ensuite été suivi par bien d’autres (Priceminister en France, plate-formes spécialisées etc…). Aujourd’hui, d’après le baromètre du « CtoC PriceMinister-Rakuten & La Poste » réalisé par OpinionWay, « l’emballement des Français pour le e-commerce entre particuliers se confirme (…) Le CtoC est pratiqué par près de

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7 internautes sur 10 (72 %). ». Le commerce C2C est tellement entré dans les mœurs que c’est devenu un « maronnier » pour les journalistes : plus un Noel sans son reportage sur les cadeaux de Noel qui seront revenus du ebay, Priceminister ou Le Bon Coin….

Mais l’économie collaborative, la sharing economy, s’étend désormais bien au delà des simples ventes de biens d’occasion :

• le secteur du voyage et du transport, un des tout premiers concernés avec une offre très abondante d’hébergement chez les particuliers grâce non seulement à AirBnB mais aussi Housetrip ou encore les français Windu et Morning Croissant… De même, pour se déplacer, on peut aujourd’hui voyager à plusieurs grâce à un site de co-voiturage (par exemple Blablacar ou encore louer la voiture d’un particulier (par exemple avec Livop ou Buzzcar, qui propose déjà 7500 véhicules et compte 65000 membres).

• l’alimentation et la restauration, avec par exemple La Ruche qui dit oui qui permet de sortir des circuits habituels de la distribution alimentaire en mettant directement en contact producteurs et consommateurs. De même, si on ne veut pas aller au restaurant, on peut acheter de « bons petits plats » directement chez des habitants de son quartier (avec super-marmite.fr) voire dîner directement chez eux.

• l’échange de services entre particuliers, également appelé “jobbing”, par exemple le bricolage (Les troc’heures ou encore Troc-services.com), le soutien scolaire, le ménage et le repassage… (voir par exemple le site jemepropose.com) ;

• la location de biens d’équipement (qui permet d’éviter de les acheter alors qu’on en n’aura qu’un usage ponctuel). L’exemple désormais presque classique est celui de la perçeuse, que l’on sera amené à n’utiliser que quelques minutes dans toute une vie, et qu’on peut désormais louer sur des plate-formes comme e-loue.com ou encore Zilok. Même principe appliqué aux objets de luxe que l’on peut louer sur Sacdunjour.com… ()

• la finance, enfin, alors même que l’on aurait pu s’attendre à ce que ce soit un des secteurs les plus « cadenassés » par les acteurs traditionnels, les initiatives collaboratives s’y multiplient avec : le financement de projets(KissKissBankBank, Mymajorcompany….), le financement d’entreprises en fonds propres (Wiseed, Anaxago…) ou par endettement (Unilend…) et même le crédit aux particuliers (Prêt d’union….).

Comme on le voit, les initiatives en France sont extrêmement nombreuses et le secteur est en pleine ébullition.

Ces initiatives sont de taille et de nature extrêmement variées : depuis des coopératives associatives jusqu’à des start-ups avec les dents qui rayent le plancher, en passant par des projets de grandes entreprises. Toutes ces idées ne rencontreront pas le succès mais il n’en demeure pas moins que le phénomène de l’économie collaborative est bien en train de prendre une importante croissante dans nos économies et nos sociétés avec toujours le même principe : une plate-forme digitale qui permet de mettre directement en relation des particuliers et de faire se rencontrer une offre et une demande.

L’empire contre-attaque : la levée de boucliers des industries traditionnelles

L’économie collaborative est devenu aujourd’hui suffisamment significative dans certains secteurs pour commencer à susciter les réticences voire la franche hostilité des acteurs traditionnels. En effet, tant que les échanges entre particuliers restent marginaux en volume, ils ne sont pas considérés comme une menace pour les entreprises qui évoluent sur ces marchés. Mais lorsque leur poids devient plus important, la question de la coexistence entre un secteur « traditionnel » et un secteur « collaboratif » sur un même marché soulève de nombreuses questions.

A ce jour, les frictions se concentrent sur les secteurs où l’économie collaborative commence à apparaître sur les radars du fait de son succès : l’hôtellerie et le transport. Par exemple, dans l’hôtellerie, on compte environ 17 000 hôtels en France avec 620 000 chambres disponibles (source : INSEE). Donc, avec ses 30 000 logements disponibles à la location en France, AirBnB représente déjà 5 % de la capacité hotelière française. Et la dynamique est clairement du côté de la plate-forme

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collaborative : en un an, le nombre d’annonces disponibles a été multiplié par 3 alors que, entre 2009 et 2013, le nombre de chambres d’hôtel traditionnelles n’a progressé que de … 1,2 %.

Dans le domaine du transport, les chiffres deviennent également significatifs. On ne parlera pas ici des VTC et du conflit avec les taxis, car Uber et ses équivalents ne sont pas vraiment des entreprises collaboratives. Mais si on prend l’exemple du covoiturage, c’est déjà près d’un million de personnes qui pratiquent régulièrement le covoiturage d’après plusieurs études. A lui seul, le site Blablacar compte plus de 6 millions de membres.

Les acteurs traditionnels ont donc commencé à organiser la riposte avec pour argument principal « la concurrence déloyale » de l’économie collaborative. En effet, celle-ci s’exerçant (normalement) à titre non professionnel, elle a la capacité de s’affranchir d’une grande partie de la réglementation du secteur concerné et donc d’offrir des tarifs plus compétitifs ou une offre plus riche.

Les professionnels de ces secteurs soulignent d’ailleurs que beaucoup d’intervenants exercent leur activité sur les plate-formes comme AirBnB, à titre professionnel. Le problème n’est pas tellement le couple qui a une chambre en plus et la loue de temps en temps à des voyageurs de passage. Le problème vient plutôt du propriétaire qui a acheté plusieurs appartements pour les louer à plein temps sur AirBnB.

De fait, l’économie collaborative a connu plusieurs revers au cours des derniers mois. Cela a commencé aux Etats-Unis et dans les pays anglo-saxons :

• en mai 2013, un « hôte » d’AirBnB a été attaqué devant un tribunal par la ville de New York et s’est vu condamné pour concurrence indue aux hôteliers. L’amende de 2400 $ a ensuite été annulée mais sans que le problème de fond soit vraiment réglé ;

• toujours en mai 2013, la startup Relayrides de location de voitures entre particuliers a dû fermer ses portes, encore à New York, suite à l’action du Département des Services Financiers de l’Etat de New York qui estimait que la couverture d’assurance des usagers de la plate forme était insuffisante ;

• au Québec, l’autorité du tourisme a lancé une enquête de grande ampleur contre les hôtes du service AirBnb en mai 2013.

Mais la France n’est pas en reste :

• en mars 2013, la Cour de cassation a admis que le covoiturage ne constituait pas une concurrence déloyale pour les entreprises de transport, mais uniquement parce que celui-ci était effectué à titre bénévole. Lors du conflit entre les taxis et Uber, et au moment où Uber avait annoncé son intention de lancer en France la partie collaborative de son service (les particuliers pouvant se transformer en taxis), la DGCCRF s’est d’ailleurs empressée de rappeler, dans un communiqué de presse que « « sous couvert de covoiturage, le transport de passagers, réalisé dans un but lucratif est illégal et les personnes qui s’engageraient dans cette activité s’exposeraient à des sanctions pénales » ainsi qu’à une amende « d’un montant maximal de 1,5 million d’euros »;

• en novembre 2013, plusieurs députés, probablement téléguidés par les sociétés de location de voiture traditionnelles, ont déposé un amendement à la loi de finances pour durcir le régime fiscal de la location de véhicule entre particuliers. Cet amendement n’a finalement pas été adopté ;

• enfin, la loi ALUR (aide au logement et urbanisme rénové), adoptée en février 2014, oblige les propriétaires qui louent sur AirBnB à demander une autorisation à la Mairie quand il ne s’agit pas de leur résidence principale.

Il n’est pas étonnant que cette nouvelle économie suscite des questions par rapport à la réglementation en place et que l’on s’interroge sur l’application de celle-ci à ces nouvelles activités.

Mais ce qui est frappant, c’est la coalition qui s’est tout de suite formée entre les pouvoirs publics et les acteurs traditionnels concernés (hôteliers, taxis….) pour essayer de faire rentrer la sharing economy dans les cadres existants. Cela peut s’expliquer par la crainte de perdre des recettes fiscales ou

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bien aussi par un effet de « capture » des autorités par les représentants des secteurs concernés, avec lesquels ils ont l’habitude de travailler (sur cette “capture” des autorités publiques par les acteurs traditionnels, on pourra d’ailleurs lire cet article très intéressant sur comment la Mairie de Seattle a sciemment décidé de bloquer la compétition “pour protéger les taxis”).

Mais cela montre en tout cas les réticences spontanées des pouvoirs publics face au numérique et à la transformation qu’il entraîne sur l’économie et la société. Alors qu’on aurait pu imaginer une attitude ouverte et prudente face à un secteur naissant et ayant un potentiel de développement, beaucoup des gouvernements ou municipalités concernés se sont spontanément rangés aux arguments des acteurs traditionnels et cherchent à contraindre le développement de l’économie collaborative.

En principe, l’économie collaborative agrandit les marchés et ouvre de nouvelles opportunités

Malgré tout, la question reste posée : le développement du collaboratif se fait-il forcément au détriment de l’économie traditionnelle ?

A court terme, rien n’est moins sûr. D’abord parce que l’économie collaborative représente une part encore faible de l’économie et que même si sa dynamique est incontestable, celle-ci n’est pas encore de taille à inquiéter vraiment les acteurs traditionnels.

Il est d’ailleurs frappant de constater que dans les protestations des hôteliers ou des taxis, on ne trouve jamais de chiffres sur les baisses de chiffre d’affaires qu’auraient entraîné l’arrivée des nouvelles plate-formes collaboratives, probablement pour une raison très simple : il n’y en a pas eu car l’effet de l’économie collaborative reste encore assez confiné. Ainsi, les acteurs traditionnels crient bien souvent « au loup » pour dénoncer un risque plutôt qu’une réalité (ce qui, au passage, suffirait à justifier un peu de modération de la part des pouvoirs publics).

Ce risque est d’autant plus limité qu’en réalité, l’économie collaborative n’est pas vraiment en concurrence directe avec les acteurs traditionnels : elle permet d’élargir l’offre existante, en introduisant de nouvelles modalités de consommation, et donc de générer une demande supplémentaire qui, jusqu’ici, ne trouvait pas d’offre correspondant à son besoin.

Ca n’est d’ailleurs pas un hasard si l’économie collaborative fonctionne le mieux dans les marchés en situation de pénurie :

• dans le transport de personnes, surtout en région parisienne et dans les agglomérations, où la pénurie est particulièrement forte et où le potentiel d’emplois supplémentaires possibles était estimé en 2008 par le rapport Attali à 35 à 40000 emplois ;

• dans l’hôtellerie où l’on peut se rappeler qu’AirBnB a été créée après qu’un de ses fondateurs ait eu du mal à trouver une chambre d’hôtel à l’occasion d’un congrès de design à San Francisco en 2007 (et le site a connu son premier décollage à l’occasion des conventions républicaines et démocrates de 2008 dans des villes où l’offre hôtelière était totalement saturée).

Ainsi, et c’est un point fondamental, l’économie collaborative apparaît comme davantage complémentaire que véritablement concurrente de l’économie traditionnelle. Elle permet d’apporter sur le marché une nouvelle catégorie d’offre, potentiellement moins chère mais en tout cas différente. Pour ceux qui préfèrent manger bio et être certains de la provenance de leurs aliments, l’économie collaborative peut apporter une solution sans nécessairement remettre en cause la distribution traditionnelle. De même, pour ceux qui souhaitent voyager en famille mais n’ont pas forcément les moyens de se payer plusieurs chambres d’hôtels, AirBnB apparaît comme une solution intéressante. Le point important ici, c’est que sans l’existence d’une offre collaborative, il est probable que la famille ne serait pas allée à l’hôtel pour autant.

On peut donc penser que l’économie collaborative a un impact plutôt positif en termes de création de richesses et de création d’emplois, en permettant à un nouveau type d’offre de répondre à une demande non satisfaite. Ainsi, le site AirBnB fait désormais réaliser des études d’impact de son activité : à Paris, celui-ci atteindrait environ 185 millions d’euros de mai 2012 à avril 2013,

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l’équivalent de 1100 emplois induits. Cette enquête, dont la méthodologie n’est pas forcément très claire, nous apprend aussi que 70% des logements AirBnB se situent en dehors des grands quartiers hôteliers de la capitale, ce qui renforce l’idée d’une offre complémentaire plus que concurrente de l’offre traditionnelle.

Sans compter que les plate-formes collaboratives génèrent elles-même de nouvelles business et de nouveaux services liés à leur activité : services de ménage, de pressing et de conciergerie pour les hôtes d’AirBnB avec Urban Bellhop à New York, la serrure qui s’ouvre avec le téléphone mobile de Skybell, des services spécifiques d’assurance etc…

Au demeurant, la complémentarité entre une offre “traditionnelle” et une offre collaborative semble intéresser de plus en plus de marques et on voit ainsi se multiplier les partenariats, joint-ventures et autres prises de participation entre les start-up de la sharing economy et les grandes entreprises :

• la SNCF a ainsi investi dans plusieurs plate-formes de covoiturage depuis quelques années ; • le Crédit Mutual Arkéa est un des principaux actionnaires institutionnels de la start-up de

finance P2P Prêt d’union ; • Castorama a lancé un service d’échanges de services de bricolage entre particuliers (cf.

supra) ; • en janvier 2013, aux Etats-Unis, la société de location bien connue Avis a racheté Zipcar,

société de location de voitures entre particuliers, pour 500 M$ ; • etc….

Pour le moment, ces exemples ne vont véritablement au-delà de simples expérimentations et je n’ai pas encore trouvé d’exemples d’intégration poussée entre offre traditionnelle / offre collaborative. Par exemple, en allant sur le site d’Avis aux USA par exemple, vous ne trouverez nulle part de mention de l’offre Zipcar. C’est probablement encore un peu trop tôt mais il n’y a pas à douter que ce type d’initiatives va se multiplier et que le rapprochement entre ces deux offres va soulever énormément de questions intéressantes.

Mais les effets à long terme de l’économie collaborative pourraient être plus ambigus

Néanmoins, à plus long terme, on peut s’attendre à davantage de frictions et de contestations au fur et à mesure de l’extension du périmètre du collaboratif. Et ce pour plusieurs raisons.

D’abord, l’offre collaborative peut « ringardiser » toute une partie de l’offre traditionnelle, surtout quand celle-ci n’a pas su faire d’efforts pour se moderniser et pour s’adapter aux goûts et aux attentes des clients. Et notamment, lorsqu’il n’y a pas de demande insatisfaite à combler.

Par exemple, si vous êtes amené à vous déplacer dans une ville pas spécialement touristique, qu’il y a de la place dans un hôtel miteux près de la gare mais aussi dans une chambre proprette chez l’habitant via AirBnB, il n’est pas impossible que vous choisissiez la seconde solution au détriment de l’hôtel, même si celui-ci a encore des chambres de libre. Dans ce cas, l’offre collaborative supplante directement l’offre traditionnelle.

Pour aller dans ce sens, dans ce qui est à ma connaissance un des premiers papiers d’économiste au sujet de l’économie collaborative, trois chercheurs américains ont montré que la croissance d’AirBnB au Texas impacte négativement le chiffre d’affaires des hôtels de catégorie inférieure sur la période. Plus exactement, une augmentation de 1% de l’offre d’AirBnB réduit de 0,05% le chiffre d’affaires de ce type d’hôtel. Cela peut paraître peu, mais quand on voit que l’offre sur AirBnB peut progresser de 100 ou 200% par an, cela pourrait signifier un impact très significatif pour le marché hôtelier, principalement pour les hôtels les plus communs.

Cette étude en appelle d’autres pour mieux évaluer l’impact de l’économie collaborative et sa relation avec l’offre traditionnelle. Elle a néanmoins le mérite de montrer que la complémentarité entre les deux offres ne joue pas nécessairement et qu’elle peut se transformer en concurrence lorsque les conditions de marché s’y prêtent.

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D’un autre point de vue, se pose aussi la question de l’impact des modèles de location (location d’objets, locations de biens d’équipement) sur les industries qui produisent ces biens. Si ce phénomène de location prend une certaine ampleur, il ne pourra que créer des difficultés pour les entreprises productrices concernées. D’ailleurs, c’est un peu ce que l’on observe en ce moment dans le secteur de l’automobile. Même si le secteur collaboratif est loin d’être le seul responsable, on sent bien une nette évolution du rapport à la propriété d’une automobile (cf. les Autolib et autres expériences d’auto-partage) et cette évolution contribue certainement aux graves difficultés du secteur. De mon point de vue, on ne peut pas exclure des évolutions similaires si le modèle de la location ou du prêt prend une part de marché significative….

L’économie collaborative, une opportunité à ne pas étouffer trop tôt

A court terme, la menace que représenterait l’économie collaborative pour l’économie traditionnelle semble grandement exagérée. La sharing economy n’en est encore qu’à ses débuts et ne représente pas une part suffisamment significative du marché pour remettre en cause la position des entreprises déjà en place. Mais cet argument ne tiendra pas très longtemps, compte tenu du dynamisme de cette économie et de la puissance des tendances dans lesquelles elle s’inscrit.

Ce qui est plus important, c’est qu’une complémentarité peut se mettre en place entre les deux types d’offre, répondant à des types de demande différents et faisant augmenter la taille du marché, surtout pour les marchés où il existe une demande non satisfaite, comme l’hébergement ou le transport. C’est d’ailleurs ce que beaucoup de grandes entreprises sont en train d’essayer d’expérimenter.

A long terme, les effets pourraient être plus mitigés et l’offre collaborative pourrait se substituer en partie à l’offre traditionnelle, surtout si celle-ci n’est pas capable de se moderniser et de s’adapter aux attentes des consommateurs.

Mais cette substitution ne se ferait pas nécessairement au détriment de l’emploi ou de l’économie en général. L’économie collaborative va aussi créer de nouveaux emplois, de nouvelles richesses et de nouveaux services qui ne sont pas forcément aujourd’hui identifiés.

Pour toutes ces raisons, il est fondamental que les autorités de régulation dans les secteurs concernés adoptent une attitude prudente, ouverte et même bienveillante. Plutôt que de systématiquement se ranger du côté des acteurs traditionnels et d’essayer de contraindre la croissance des acteurs collaboratifs, il serait préférable de chercher le meilleur moyen de concilier les offres et de trouver les nouveaux outils et le nouveau cadre pour réguler ce mouvement collaboratif.

Il n’y a aucun doute que l’économie collaborative est là pour durer. Plutôt que de n’y voir que les risques, il est grand temps pour les pouvoirs publics de comprendre l’opportunité qu’elle peut représenter.

Document 2 : Civ. 1ère, 19 févr. 2013. Sur le moyen unique, pris en ses six branches : Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 16 juin 2011), que prétendant que la société Exlinea aux droits de laquelle vient la société Auto Contact Group, aux droits de laquelle vient la société Dekra Automotive Solutions France, organisait sur son site Internet des enchères par voie électronique en vue de la vente de véhicules d’occasion, le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques a engagé une action pour que soit

interdite la poursuite de cette activité exercée sans agrément ; Attendu que le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques fait grief à l’arrêt de le débouter de ses prétentions, alors, selon le moyen : 1°/ que l’article 6-4 du contrat d’abonnement Carsat stipule que « Exlinea animera les enchères : elle fixera, pour chaque lot, le montant de la mise à prix qu’elle pourra modifier, pendant toute la durée de la vente,

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dans la limite du prix de réserve fixé par l’abonné vendeur. Exlinea vendra le lot ou le retirera de la vente si le prix de réserve n’est pas atteint » ; que l’article 7-1 précise en outre que « avant la vente d’un lot de voitures en faveur de l’abonné, Exlinea demandera à celui-ci de confirmer sa volonté d’acquérir en appuyant sur le bouton de validation approprié » ; qu’il résulte de ces stipulations claires et précises que la société Exlinea agit en tant que mandataire du vendeur, puisque c’est elle qui "vend le lot" et qui demande à l’acheteur la confirmation de son enchère par le biais du bouton de validation ; qu’à aucun moment le propriétaire de la voiture mise en vente n’intervient dans la conclusion du contrat, étant représenté à toutes les étapes de celle-ci par la société Exlinea, sa mandataire ; qu’en décidant cependant que le mandat signé par l’abonné est une demande d’expertise et de mise du véhicule sur le catalogue de vente qui ne vaudrait pas mandat de vendre, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat d’abonnement Carsat et violé l’article 1134 du code civil ; 2°/ que la qualification de vente aux enchères publiques suppose qu’un tiers intervienne, en qualité de mandataire du propriétaire, pour proposer un bien aux enchères ; que la cour d’appel a elle-même relevé en l’espèce que le propriétaire donnait mandat à la société Exlinea pour faire expertiser sa voiture et la mettre sur le catalogue de vente et que, de son côté, c’est bien la société Exlinea qui enregistrait l’accord de l’acheteur après confirmation par celui-ci de sa volonté d’acquérir ; que ces éléments établissaient que la société Exlinea intervenait en qualité de mandataire du propriétaire pour proposer un bien aux enchères ; qu’en décidant cependant que la vente avait lieu par l’intermédiaire du site et des opérateurs de la société Exlinea qui « n’a pas reçu mandat », la cour d’appel a refusé de tirer les conséquences légales qui s’évinçaient de ses propres constatations et violé l’article L. 321-3 du code de commerce ; 3°/ que la qualification de vente aux enchères publiques suppose qu’un tiers intervienne, en qualité de mandataire du propriétaire, pour proposer un bien aux enchères ; qu’en se focalisant en l’espèce, pour dénier la qualité de mandataire du vendeur à la société Exlinea, sur le fait qu’à l’issue des enchères, l’acquéreur doive confirmer sa volonté d’acquérir en cliquant sur le bouton de validation, circonstance totalement étrangère à l’existence ou à l’absence de mandat entre la société Exlinea et le vendeur, la cour d’appel a statué

par un motif impropre à justifier sa décision et violé l’article L. 321-3 du code de commerce ; 4°/ que la qualification de vente aux enchères publiques suppose qu’un tiers intervienne, en qualité de mandataire du propriétaire, pour proposer un bien aux enchères ; qu’en déniant en l’espèce la qualité de mandataire du vendeur à la société Exlinea, sans constater que le propriétaire du véhicule mis aux enchères aurait un quelconque rôle personnel et direct à jouer lors de la conclusion de la vente de celui-ci, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 321-3 du code de commerce ; 5°/ que constitue une vente aux enchères publiques le fait de proposer, en agissant comme mandataire du propriétaire, un bien aux enchères publiques à distance par voie électronique pour l’adjuger au mieux-disant des enchérisseurs ; que fait ainsi l’objet d’une vente aux enchères publiques par voie électronique le bien que son propriétaire donne mandat de proposer aux enchères en s’engageant, avec éventuellement un prix de réserve, à l’adjuger, c’est-à-dire le vendre au mieux-disant des enchérisseurs ; qu’en retenant en l’espèce que la vente ne serait pas conclue par adjudication au motif qu’à l’issue des enchères il est demandé à l’acquéreur de confirmer sa volonté d’acquérir en appuyant sur le bouton de validation, ce qu’il peut refuser, en sorte que le bien ne serait pas automatiquement attribué au dernier enchérisseur mieux-disant, sans rechercher si le vendeur ne s’est pas, de son côté, engagé à adjuger, c’est-à-dire à vendre le bien au mieux-disant des enchérisseurs, la cour d’appel a statué par un motif inopérant, en violation de l’article L. 321-3 du code de commerce ; 6°/ que l’opérateur qui, agissant comme mandataire du propriétaire, propose un bien aux enchères publiques à distance par voie électronique avec l’engagement du vendeur d’adjuger, c’est-à-dire de vendre son bien au mieux-disant des enchérisseurs, ne peut, détournant ainsi les règles régissant les ventes aux enchères publiques par adjudication selon lesquelles la vente doit être considérée parfaite dès la désignation du meilleur enchérisseur, subordonner la conclusion de la vente à la condition que le meilleur enchérisseur confirme ultérieurement sa volonté d’acquérir, c’est-à-dire à une condition purement potestative ; qu’en retenant que la vente ne serait pas en l’espèce conclue par adjudication aux motifs que l’acheteur doit, à l’issue des enchères, confirmer sa volonté d’acquérir en

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appuyant sur le bouton de validation et pourrait refuser d’acquérir, en sorte que l’accord n’interviendrait pas à l’issue des enchères mais ultérieurement et que le bien ne serait pas automatiquement attribué au dernier enchérisseur, la cour d’appel, qui a ainsi admis que la conclusion de la vente puisse être soumise à une condition purement potestative, a violé ensemble les articles 1174 du code civil et 321-3 du code de commerce ; Mais attendu d’une part, que par une interprétation souveraine des clauses du contrat, exclusive de dénaturation, que rendait nécessaire leur ambiguïté, la cour d’appel a retenu que la société Auto Contact Group était un intermédiaire qui mettait en relation vendeurs et acheteurs de véhicules d’occasion et définissait une procédure pour parvenir à la vente sans pour autant la conclure, et que son

rôle restait celui d’un courtier ; que d’autre part, ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que si la vente était proposée au plus offrant, ce dernier devait, par la suite, procéder seul, sans l’intervention de la société Auto Contact Group, à une nouvelle manoeuvre pour confirmer son accord, de sorte que le bien mis en vente n’était pas adjugé à l’issue des enchères et que le dernier enchérisseur restait libre de ne pas contracter, la cour d’appel en a exactement déduit que l’activité litigieuse n’était pas soumise à la réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ; Que le moyen, inopérant en sa quatrième branche, n’est pas fondé pour le surplus ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

Document 3 : Article L. 548-1 et L. 548-2 du Code monétaire et financier crée par l’article 17 de l’ordonnance du 30 mai 2014. « Art. L. 548-1. - L’intermédiation en financement participatif consiste à mettre en relation, au moyen d’un site internet, les porteurs d’un projet déterminé et les personnes finançant ce projet dans les conditions suivantes : « 1° Les personnes morales et les personnes physiques agissant à des fins professionnelles peuvent obtenir les crédits mentionnés au 7 de l’article L. 511-6, des prêts sans intérêt et des dons ; « 2° Les personnes physiques souhaitant financer une formation initiale ou continue peuvent obtenir les crédits mentionnés au 7 de l’article L. 511-6, des prêts sans intérêt sous réserve que les prêteurs n’agissent pas dans un cadre professionnel ou commercial, et des dons ; « 3° Les personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels peuvent obtenir des prêts sans intérêt, sous réserve que les prêteurs n’agissent pas dans un cadre professionnel ou commercial, et des dons. « Au sens du présent chapitre, un projet consiste en un achat ou un ensemble d’achats de biens ou de prestations de service concourant à la réalisation d’une opération prédéfinie en termes d’objet, de montant et de calendrier. « Les organismes mentionnés au 5 de l’article L. 511-6 peuvent être bénéficiaires de prêts sans intérêt dans les conditions prévues à ce même article, et de dons. « Un décret fixe les plafonds respectifs du prêt avec intérêt et du prêt sans intérêt, consentis par prêteur, ainsi que le montant total du prêt qui peut être souscrit par chaque porteur de projet. « Le cumul des encours de prêts souscrits sous forme de financement participatif ne peut excéder pour un même projet le plafond du montant total du prêt consenti mentionné à l’alinéa précédent. « L’intermédiaire en financement participatif recueille auprès du porteur de projet tout élément permettant de s’assurer que ce dernier remplit cette condition. Toute information fournie par le porteur de projet erronée ou susceptible d’induire l’intermédiaire en financement participatif en erreur engage la responsabilité du porteur de projet. « Art. L. 548-2. - I. ― Sont intermédiaires en financement participatif les personnes qui exercent, à titre habituel, l’intermédiation au sens de l’article L. 548-1 pour les opérations de prêt à titre onéreux ou sans intérêt. Seules les personnes morales peuvent être intermédiaires en financement participatif. « II. ― Les personnes qui ne proposent que des opérations de dons peuvent être intermédiaires en financement participatif. Dans ce cas, elles se soumettent aux dispositions du présent chapitre. « III. ― Les intermédiaires en financement participatif ne sont pas autorisés à exercer d’autres activités que celles mentionnées à l’article L. 548-1 ou, le cas échéant, celles qu’ils sont autorisés à exercer en leur qualité d’établissement de crédit, de société de financement, d’établissement de paiement, d’établissement de monnaie électronique, d’entreprise d’investissement, d’agent de

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prestataire de services de paiement ou de conseiller en investissements participatifs. Toutefois, lorsque cette activité d’intermédiaire en financement participatif est exercée à titre accessoire par un établissement de crédit, établissement de paiement ou de monnaie électronique ou une société de financement, cette activité est cumulable avec l’activité d’intermédiaire en assurance. Document 4 : Articles L. 3132-1 (crée par la loi du 17 août 2015) et L. 1411-1 du Code de transport.

Ø Article  L.  3132-­‐1    

Le covoiturage se définit comme l’utilisation en commun d’un véhicule terrestre à moteur par un conducteur et un ou plusieurs passagers, effectuée à titre non onéreux, excepté le partage des frais, dans le cadre d’un déplacement que le conducteur effectue pour son propre compte. Leur mise en relation, à cette fin, peut être effectuée à titre onéreux et n’entre pas dans le champ des professions définies à l’article L. 1411-1.

Ø Article  L.  1411-­‐1   II. ― Pour l’application du présent livre sont considérés comme : 1° Commissionnaires de transport : les personnes qui organisent et font exécuter, sous leur responsabilité et en leur propre nom, un transport de marchandises selon les modes de leur choix pour le compte d’un commettant ; 2° Auxiliaires de transport : les personnes qui concourent à l’opération de transport sans toutefois l’exécuter, ni fournir les moyens d’exécution, les courtiers de transport mentionnés aux articles L. 131-1 et L. 131-3 du code de commerce, ainsi que les courtiers en affrètement aérien. II. ― Les dispositions du présent livre s’appliquent aux transports maritimes sous réserve des dispositions particulières figurant à la cinquième partie. Document 5 : Extraits des conditions générales d’Airbnb.

Le site, l’application et les services constituent une plateforme en ligne sur laquelle les hôtes peuvent créer des annonces pour des hébergements que les voyageurs peuvent consulter pour obtenir des informations ou réserver lesdits hébergements directement auprès des hôtes. Vous comprenez et acceptez qu’Airbnb ne soit partie à aucun accord passé entre les hôtes et les voyageurs, et qu’elle n’a pas la qualité de courtier en immobilier, d’agent immobilier ou d’assureur. Airbnb n’exerce aucun contrôle concernant le comportement des hôtes, des voyageurs et autres utilisateurs du site, de l’application et des services ou concernant les hébergements, et Airbnb exclut toute responsabilité à ce titre dans les limites autorisées par la loi.

Veuillez noter que, comme indiqué plus haut, l’utilisation du site, de l’application et des services est destinée à faciliter la mise en relation des hôtes et des voyageurs ainsi que la réservation d’hébergements directement entre eux. Airbnb ne peut pas contrôler et ne contrôle pas le contenu des annonces ni l’état, la légalité ou le caractère adapté des hébergements. Airbnb exclut toute responsabilité relative aux annonces et aux hébergements. En conséquence, les membres effectueront ou accepteront leurs réservations à leurs propres risques. Document 6 : Article 19 de l’avant-projet de loi pour une République numérique transmis au Conseil d’Etat le 6 novembre 2015 après la consultation publique qui s’est tenue du 26 septembre au 8 octobre 2015. L’article L. 111-5-1 du code de la consommation est ainsi modifié : I.1° Le premier alinéa est remplacé par les alinéas suivants dispositions suivantes :

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« Sans préjudice des obligations prévues la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique : 1° Sont qualifiées de plateformes en ligne, au sens du présent article, les activités consistant à classer ou référencer des contenus, biens ou services proposés ou mis en ligne par des tiers, ou de mettre en relation, par voie électronique, plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service, y compris à titre non rémunéré, ou de l’échange ou du partage d’un bien ou d’un service. Sont qualifiées de plateformes en ligne les personnes exerçant cette activité à titre professionnel. « 2° Toute plateforme en ligne est tenue de délivrer une information loyale, claire et transparente sur les conditions générales d’utilisation du service d’intermédiation qu’elle propose et sur les modalités de référencement, de classement et de déréférencement des contenus, biens ou services auxquels ce service permet d’accéder. Elle fait notamment apparaître clairement l’existence ou non d’une relation contractuelle ou de liens capitalistiques avec les personnes référencées ; l’existence ou non d’une rémunération par les personnes référencées et, le cas échéant, l’impact de celle-ci sur le classement des contenus, biens ou services proposés. II. 2° Aux deuxième et troisième alinéas, les mots : « la personne mentionnée au premier alinéa du présent article est également tenue » sont remplacés par les mots : « l’opérateur de la plateforme en ligne est également tenu ». Document 7 : article L. 511-6 du Code monétaire et financier crée par l’ordonnance du 30 mai 2014. Sans préjudice des dispositions particulières qui leur sont applicables, les interdictions définies à l’article L. 511-5 ne concernent ni les institutions et services énumérés à l’article L. 518-1, ni les entreprises régies par le code des assurances, ni les sociétés de réassurance, ni les institutions de prévoyance régies par le titre III du livre IX du code de la sécurité sociale, ni les organismes agréés soumis aux dispositions du livre II du code de la mutualité, ni les entreprises d’investissement, ni les établissements de monnaie électronique, ni les établissements de paiement, ni les organismes collecteurs de la participation des employeurs à l’effort de construction pour les opérations prévues par le code de la construction et de l’habitation, ni les OPCVM ni les FIA relevant des paragraphes 1,2,3 et 6 de la sous-section 2, et des sous-sections 3,4 et 5 de la section 2 du chapitre IV du titre Ier du livre II. L’interdiction relative aux opérations de crédit ne s’applique pas : 1. Aux organismes sans but lucratif qui, dans le cadre de leur mission et pour des motifs d’ordre social, accordent, sur leurs ressources propres, des prêts à conditions préférentielles à certains de leurs ressortissants ; 2. Aux organismes qui, pour des opérations définies à l’article L. 411-1 du code de la construction et de l’habitation, et exclusivement à titre accessoire à leur activité de constructeur ou de prestataire de services, consentent aux personnes physiques accédant à la propriété le paiement différé du prix des logements acquis ou souscrits par elles ; 3. Aux entreprises qui consentent des avances sur salaires ou des prêts de caractère exceptionnel consentis pour des motifs d’ordre social à leurs salariés ; 3 bis. Aux sociétés par actions ou aux sociétés à responsabilité limitée dont les comptes font l’objet d’une certification par un commissaire aux comptes qui consentent, à titre accessoire à leur activité principale, des prêts à moins de deux ans à des microentreprises, des petites et moyennes entreprises ou à des entreprises de taille intermédiaire avec lesquelles elles entretiennent des liens économiques le justifiant. L’octroi d’un prêt ne peut avoir pour effet d’imposer à un partenaire commercial des délais de paiement ne respectant pas les plafonds légaux définis aux articles L. 441-6 et L. 443-1 du code de commerce. Un décret en Conseil d’Etat fixe les conditions et les limites dans lesquelles ces sociétés peuvent octroyer ces prêts. Les prêts ainsi accordés sont formalisés dans un contrat de prêt, soumis, selon le cas, aux articles L. 225-38 à L. 225-40 ou aux articles L. 223-19 et L. 223-20 du même code. Le montant des prêts consentis est communiqué dans le rapport de gestion et fait l’objet d’une attestation du commissaire aux comptes selon des modalités prévues par décret en Conseil d’Etat. Nonobstant toute disposition ou stipulation contraire, les créances détenues par le prêteur ne peuvent, à peine de nullité, être acquises par un organisme de titrisation mentionné à l’article L. 214-168 du présent code ou un fonds professionnel spécialisé mentionné à l’article L. 214-154 ou faire l’objet de

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contrats constituant des instruments financiers à terme ou transférant des risques d’assurance à ces mêmes organismes ou fonds. 4. Abrogé ; 5. Aux associations sans but lucratif et aux fondations reconnues d’utilité publique accordant sur ressources propres et sur ressources empruntées des prêts pour la création, le développement et la reprise d’entreprises dont l’effectif salarié ne dépasse pas un seuil fixé par décret ou pour la réalisation de projets d’insertion par des personnes physiques. Ces associations et fondations ne sont pas autorisées à procéder à l’offre au public d’instruments financiers. Elles peuvent financer leur activité par des ressources empruntées auprès des établissements de crédit, des sociétés de financement et des institutions ou services mentionnés à l’article L. 518-1. Elles peuvent également financer leur activité par des ressources empruntées, à titre gratuit et pour une durée qui ne peut être inférieure à deux ans, auprès de personnes morales autres que celles mentionnées au présent alinéa ou auprès de personnes physiques, dûment avisées des risques encourus. Ces associations et fondations sont habilitées dans des conditions définies par décret en Conseil d’Etat. Elles indiquent dans leur rapport annuel le montant et les caractéristiques des prêts qu’elles financent ou qu’elles distribuent répondant à la définition visée au III de l’article 80 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale et bénéficiant à ce titre de garanties publiques. 6. Aux personnes morales pour les prêts participatifs qu’elles consentent en vertu des articles L. 313-13 à L. 313-17 et aux personnes morales mentionnées à l’article L. 313-21-1 pour la délivrance des garanties prévues par cet article ; 7. Aux personnes physiques qui, agissant à des fins non professionnelles ou commerciales, consentent des prêts dans le cadre du financement participatif de projets déterminés, conformément aux dispositions de l’article L. 548-1 et dans la limite d’un prêt par projet. Le taux conventionnel applicable à ces crédits est de nature fixe et ne dépasse pas le taux mentionné à l’article L. 313-3 du code de la consommation. Un décret fixe les principales caractéristiques de ces prêts, notamment leur durée maximale ; 8. Aux sociétés de tiers-financement définies à l’article L. 381-2 du code de la construction et de l’habitation dont l’actionnariat est majoritairement formé par des collectivités territoriales ou qui sont rattachées à une collectivité territoriale de tutelle. Ces sociétés de tiers-financement ne sont autorisées ni à procéder à l’offre au public de titres financiers, ni à collecter des fonds remboursables du public. Elles peuvent se financer par des ressources empruntées aux établissements de crédit ou aux sociétés de financement ou par tout autre moyen. Un décret précise les conditions dans lesquelles elles sont autorisées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution à exercer des activités de crédit, ainsi que les règles de contrôle interne qui leur sont applicables à ce titre. L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution statue sur la demande d’exercice des activités de crédit dans un délai de deux mois à compter de la réception d’un dossier complet. L’absence de notification de sa décision par l’autorité au terme de ce délai vaut acceptation. Lorsque l’autorité demande des informations complémentaires, elle le notifie par écrit, en précisant que les éléments demandés doivent lui parvenir dans un délai de trente jours. A défaut de réception de ces éléments dans ce délai, la demande d’autorisation est réputée rejetée. Dès réception de l’intégralité des informations demandées, l’autorité en accuse réception par écrit. Cet accusé de réception mentionne un nouveau délai d’instruction, qui ne peut excéder deux mois. Les sociétés de tiers-financement vérifient la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à leur demande. Elles consultent le fichier prévu à l’article L. 333-4 du code de la consommation dans les conditions prévues par l’arrêté mentionné à l’article L. 333-5 du même code. Elles indiquent dans leur rapport annuel le montant et les caractéristiques des avances qu’elles consentent au titre de leur activité de tiers-financement et des ressources qu’elles mobilisent à cet effet.

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Document 8 : TI Dieppe, 7 févr. 2011, Igor D. c/ Priceminister : Comm. com. électr. 2011, comm. 37, notez A. Debet. Vu l’article 1134 du Code civil, Vu l’article L. 121-16 du Code de la consommation, Les dispositions de la présente sous-section s’appliquent à toute vente d’un bien ou toute fourniture d’une prestation de service conclue, sans la présence physique simultanée des parties entre un consommateur et un professionnel qui pour la conclusion de ce contrat utilisent exclusivement une ou plusieurs techniques de communication à distance. Toutefois, elles ne s’appliquent pas aux contrats portant sur des services financiers. Vu l’article L. 121 20 du Code de la consommation, Le consommateur dispose d’un délai de sept jours francs pour exercer son droit de rétractation sans avoir à justifier de motifs ni à payer de pénalités à l’exception, le cas échéant des frais de retour. Le consommateur peut déroger à ce délai au cas où il ne pourrait se déplacer et ou simultanément il aurait besoin de faire appel à une prestation immédiate et nécessaire à ses conditions d’existence. Dans ce cas il continuerait à exercer son droit de rétractation sans avoir à justifier de motifs ni à payer de pénalités. La société Priceminister est un service d’annonces en ligne permettant la mise en relation de vendeur annonceur et d’acheteur. Les conditions générales de vente de la société Priceminister prévoient expressément que : – « Priceminister n’est en aucun cas revendeur des produits dans le cadre de la mise en relation et n’entre pas, sauf mention disposition particulière figurant au présent contrat, en possession des produits. – Le contrat de vente est conclu entre l’acheteur et le vendeur sous la condition suspensive de la confirmation de la disponibilité du produit par le vendeur ». Force est de constater que la société Priceminister ne vend aucun bien, son activité consistant seulement à mettre à disposition de ses utilisateurs une structure fonctionnelle et organisationnelle permettant la conclusion des contrats de vente. En l’espèce, le vendeur « Jual X. » est un particulier. La société Priceminister verse aux débats une copie permettant de visualiser des offres de vente sur leurs sites et la distinction entre vendeur particulier et professionnel. Un macaron « pro » est accolé au nom d’utilisateur des vendeurs agissant à titre professionnel et permettant de les identifier. L’article L. 121-20 du Code de la consommation permet à l’acheteur de disposer d’un droit de rétractation pour les ventes conclues à distance et notamment par le biais du commerce électronique. L’article L. 121-16 du Code de la consommation prévoit expressément que cette prérogative de rétractation ne trouve à s’appliquer que lorsque le contrat de vente à distance a été conclu par un consommateur avec un vendeur professionnel. La transaction litigieuse a été réalisée de particulier à particulier, en conséquence l’acquéreur ne pourra bénéficier du droit de rétractation. M. D. ne pourra se prévaloir des dispositions relatives au démarchage à domicile, la technique du commerce électronique relevant du régime des ventes à distance. En tout état de cause, l’ensemble de ces régimes protecteurs du consommateur ne s’applique qu’en présence d’une transaction entre particuliers et professionnels. M. D. soutient que la société Priceminister aurait validé sa demande de rétractation dans sa correspondance électronique du 14 septembre 2010. En effet, une erreur a été commise dans l’envoi de ce courrier électronique mentionnant les modalités d’exercice du droit de rétractation. Néanmoins, il convient de préciser que la société Priceminister : – avait déjà indiqué par correspondance électronique adressée à M. D. en date du 7 septembre 2010 que faute pour le vendeur d’être professionnel il ne saurait y avoir au droit de rétractation au profit de l’acquéreur. – a adressé une correspondance électronique rectificative en date du 14 septembre 2010 mentionnant l’absence de droit de rétractation. Force est de constater que M. D. ne pourra bénéficier d’un droit de rétractation, la vente ayant été conclue entre particuliers. Il y aura lieu de débouter M. D. de sa demande de remboursement de la somme de 180 €. Il n’y aura pas lieu de condamner M. D. lgor sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, en raison du principe d’équité. M. D. Igor perdant à l’instance, sera tenu aux entiers dépens.

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Document 9 : Article 3124-13 du Code de transport crée par la loi du 1er octobre 2014. Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende le fait d’organiser un système de mise en relation de clients avec des personnes qui se livrent aux activités mentionnées à l’article L. 3120-1 sans être ni des entreprises de transport routier pouvant effectuer les services occasionnels mentionnés au chapitre II du titre Ier du présent livre, ni des taxis, des véhicules motorisés à deux ou trois roues ou des voitures de transport avec chauffeur au sens du présent titre. Les personnes morales déclarées responsables pénalement du délit prévu au présent article encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues à l’article 131-38 du code pénal, les peines prévues aux 2° à 9° de l’article 131-39 du même code. L’interdiction mentionnée au 2° du même article 131-39 porte sur l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise. Les peines prévues aux 2° à 7° dudit article ne peuvent être prononcées que pour une durée maximale de cinq ans. Document 10 : QPC n°2015-484, 22 septembre 2015. Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code des transports ; Vu la loi n° 2014-1104 du 1er octobre 2014 relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour les sociétés requérantes par Me Emmanuelle Trichet, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, et Me Calvet, enregistrées le 15 juillet 2015 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 16 juillet 2015 ; Vu les observations produites pour l’Union nationale des taxis, partie en défense, par la SCP Thouin-Palat, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, et la SCP Lévy Soussen, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 16 juillet 2015 ; Vu les observations produites pour les sociétés Voxtur, Greentomatocars et Transdev Shuttle France, parties en défense, par l’AARPI de Guillenchmidt et associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 16 juillet 2015 ; Vu les observations en intervention produites pour l’Union nationale des industries du taxi, par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées les 16 et 30 juillet 2015 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Calvet pour les sociétés requérantes, Me Maxime de Guillenchmidt, avocat au barreau de Paris et Me Françoise Thouin-Palat, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, pour les parties en défense, Me Emmanuel Piwnica, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, pour la partie intervenante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l’audience publique du 15 septembre 2015 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 3124-13 du code des transports dans sa rédaction résultant de la loi du 1er octobre 2014 susvisée : « Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende le fait d’organiser un système de mise en relation de clients avec des personnes qui se livrent aux activités mentionnées à l’article L. 3120-1 sans être ni des entreprises de transport routier pouvant effectuer les services occasionnels mentionnés au chapitre II du titre Ier du présent livre, ni des taxis, des véhicules motorisés à deux ou trois roues ou des voitures de transport avec chauffeur au sens du présent titre » ; 2. Considérant que, selon les sociétés requérantes, ces dispositions portent atteinte aux principes de légalité des délits et des peines, de nécessité et de proportionnalité des peines et de présomption d’innocence ; qu’elles reprochent également à ces dispositions de méconnaître la liberté d’entreprendre ainsi que le principe d’égalité devant les charges publiques ; 3. Considérant que, selon les sociétés requérantes, les dispositions contestées méconnaissent le principe de légalité des délits et des peines ; qu’elles font valoir qu’en sanctionnant pénalement toute personne qui organise un système de mise en relation de particuliers en vue d’effectuer une prestation de

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transport « à titre onéreux » sans préciser les modalités, la destination et la forme de rétribution du service rendu, ces dispositions ont pour effet d’interdire toute forme innovante de transport entre particuliers à titre occasionnel ; qu’en particulier, ces dispositions incrimineraient toute organisation d’un système de réservation proposant des services de transport de personnes, y compris ceux dans lesquels les conducteurs demandent une simple indemnisation pour couvrir leurs frais de carburant et d’utilisation du véhicule ; 4. Considérant que l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; qu’aux termes de l’article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant... la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables » ; que le législateur tient de l’article 34 de la Constitution, ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l’article 8 de la Déclaration de 1789, l’obligation de fixer lui-même le champ d’application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire ; 5. Considérant, d’une part, que le titre II du livre Ier de la troisième partie du code des transports est relatif au cadre d’exercice de l’activité de transport public particulier de personnes à titre onéreux ; qu’en vertu de son article L. 3120-1, ce titre est applicable aux prestations de transport routier de personnes effectuées à titre onéreux avec des véhicules de moins de dix places, à l’exclusion des transports publics collectifs et du transport privé routier de personnes ; qu’en vertu des dispositions de ce titre, sont seuls autorisés à pratiquer ces activités les taxis, les voitures de transport avec chauffeur, les véhicules motorisés à deux ou trois roues ainsi que les entreprises de transport routier pouvant effectuer les services occasionnels mentionnés au chapitre II du titre Ier de ce livre ; que le premier alinéa de l’article L. 3124-13 du même code réprime le fait d’organiser un système de mise en relation de clients avec des personnes qui se livrent aux activités mentionnées à l’article L. 3120-1 sans y être autorisées ; 6. Considérant, d’autre part, que le covoiturage est défini par l’article L. 3132-1 figurant au titre III du livre Ier de la troisième partie du code des transports, relatif au transport privé routier de personnes ; qu’aux termes de cet article : « Le covoiturage se définit comme l’utilisation en commun d’un véhicule terrestre à moteur par un conducteur et un ou plusieurs passagers, effectuée à titre non onéreux, excepté le partage des frais, dans le cadre d’un déplacement que le conducteur effectue pour son propre compte. Leur mise en relation, à cette fin, peut être effectuée à titre onéreux et n’entre pas dans le champ des professions définies à l’article L. 1411-1 » ; que, par suite, le covoiturage n’est pas au nombre des activités mentionnées à l’article L. 3120-1 de ce code ; 7. Considérant que les dispositions contestées n’ont ni pour objet ni pour effet d’interdire les systèmes de mise en relation des personnes souhaitant pratiquer le covoiturage tel que défini par l’article L. 3132-1 ; que le législateur a défini de manière claire et précise l’incrimination contestée ; que, par suite, le grief tiré de l’atteinte au principe de légalité des délits et des peines doit être écarté ; 8. Considérant que, selon les sociétés requérantes, en permettant de réprimer l’organisation du covoiturage, les dispositions contestées méconnaissent le principe de nécessité des peines ; que le niveau des sanctions encourues méconnaîtrait le principe de proportionnalité des peines ; 9. Considérant que l’article 61-1 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité des dispositions législatives soumises à son examen aux droits et libertés que la Constitution garantit ; que, si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d’appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s’assurer de l’absence de disproportion manifeste entre l’infraction et la peine encourue ; 10. Considérant qu’en instituant l’incrimination prévue par les dispositions contestées, le législateur a entendu assurer le respect de la réglementation de l’activité de transport public particulier de personnes à titre onéreux ; qu’il n’a pas incriminé l’organisation des systèmes de mise en relation des personnes souhaitant pratiquer le covoiturage tel que défini par l’article L. 3132-1 ; 11. Considérant qu’en punissant le fait de mettre en relation des clients avec des chauffeurs non professionnels d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende, le législateur n’a pas institué une peine manifestement disproportionnée ; 12. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de la méconnaissance des principes de nécessité et de proportionnalité des peines doivent être écartés ; 13. Considérant que, selon les sociétés requérantes, les dispositions contestées, faute d’être suffisamment claires et précises, présument « que le seul fait de mettre en relation une offre et une demande emporte "délit de faux covoiturage" » ; qu’il en résulterait une méconnaissance du principe de présomption d’innocence ;

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14. Considérant qu’en vertu de l’article 9 de la Déclaration de 1789, tout homme est présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable ; qu’il en résulte qu’en principe le législateur ne saurait instituer de présomption de culpabilité en matière répressive ; 15. Considérant que les dispositions contestées n’ont ni pour objet ni pour effet d’instaurer une présomption de culpabilité ; que le grief tiré de la méconnaissance du principe de présomption d’innocence doit être écarté ; 16. Considérant, selon les sociétés requérantes, que le service d’intermédiation visé par l’incrimination en cause permet de répondre à une demande de transport non satisfaite et que l’activité des professionnels du transport de personnes n’en est pas affectée ; qu’en interdisant un tel service, les dispositions contestées méconnaîtraient la liberté d’entreprendre ; 17. Considérant qu’il ressort des dispositions de l’article L. 3120-1 du code des transports que l’activité de transport routier de personnes effectuée à titre onéreux avec des véhicules de moins de dix places ne peut être exercée que dans les conditions prévues par le titre II du livre Ier de la troisième partie de ce code ; que l’exercice de cette activité est donc interdite aux personnes qui ne sont ni des entreprises de transport routier pouvant effectuer les services occasionnels mentionnés au chapitre II du titre Ier de ce livre, ni des taxis, des véhicules motorisés à deux ou trois roues ou des voitures de transport avec chauffeur ; que le législateur a entendu, par les dispositions contestées, réprimer des agissements facilitant l’exercice d’une activité interdite ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d’entreprendre, qui n’est pas dirigé à l’encontre des dispositions réglementant l’activité de transport public particulier de personnes à titre onéreux, est inopérant ; 18. Considérant, selon les requérants, qu’en imposant aux organisateurs des systèmes de mise en relation de personnes souhaitant pratiquer le covoiturage des dispositifs coûteux et complexes de contrôle de la fraude au covoiturage, les dispositions contestées font peser une charge excessive sur ces organisateurs en méconnaissance du principe d’égalité devant les charges publiques ; 19. Considérant qu’est inopérant un grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant les charges publiques à l’encontre de dispositions instituant une sanction ayant le caractère d’une punition au sens de l’article 8 de la Déclaration de 1789 ; 20. Considérant que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution, D É C I D E : Article 1er.- Le premier alinéa de l’article L. 3124-13 du code des transports est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.