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1 UNIVERSITE PANTHEON-ASSAS (PARIS II) Année universitaire 2012-2013 Travaux dirigés - Première année, Licence Droit DROIT CIVIL Cours de Madame Astrid MARAIS Distribution : semaine du 18 février. Deuxième séance : La conception Etre ou ne pas naître, telle est la question… I. Ne pas naître L’embryon in utero ne naît pas : En raison d’une interruption volontaire de grossesse Document 1. Dispositions du Code de la santé publique relatives à l’interruption volontaire de grossesse. En raison d’une interruption involontaire de grossesse : Document 2 : CEDH, 8 juillet 2004, Communiqué du greffier. Document 3 : AP., 29 juin 2001, Bull. civ., n°8 ; D. 2001. Chron. 2907, note Pradel et 2917, note Mayaud ; JCP 2001, II, 10569, note Rassat ; Petites Affiches, 2001, n° 130 ; Dr. pénal, 2001, Chron. 34, obs. Demont. L’embryon in vitro ne naît pas : En raison de la destruction involontaire d’embryons in vitro Document 4 : CAA Douai, 6 décembre 2005 : D. 2005. pan.1205, obs. J.-C. Galloux ; Dr. Fam. 2006. étude 14, note J.-R. Binet. En raison du refus d’implantation des embryons in vitro Document 5 : CEDH, 10 avril 2007, Evans c./RU, RTDC 2007.285, obs. J.-P. Marguénaud II. Etre Naissance et personnalité: Acquisition de droits dès la conception de l’enfant né vivant et viable (Infans conceptus). Document 6. Civ. 1, 10 décembre 1985, Segers, Bull. civ., I, n°339 ; D. 1987.449, note G. Paire ; RTD Civ. 1987.309, obs. J. Mestre.

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UNIVERSITE PANTHEON-ASSAS (PARIS II)

Année universitaire 2012-2013

Travaux dirigés - Première année, Licence Droit

DROIT CIVIL

Cours de Madame Astrid MARAIS

Distribution : semaine du 18 février.

Deuxième séance : La conception

Etre ou ne pas naître, telle est la question…

I. Ne pas naître

L’embryon in utero ne naît pas :

En raison d’une interruption volontaire de grossesse

Document 1. Dispositions du Code de la santé publique relatives à l’interruption volontaire de

grossesse.

En raison d’une interruption involontaire de grossesse :

Document 2 : CEDH, 8 juillet 2004, Communiqué du greffier.

Document 3 : AP., 29 juin 2001, Bull. civ., n°8 ; D. 2001. Chron. 2907, note Pradel et 2917, note

Mayaud ; JCP 2001, II, 10569, note Rassat ; Petites Affiches, 2001, n° 130 ; Dr. pénal, 2001, Chron.

34, obs. Demont.

L’embryon in vitro ne naît pas :

En raison de la destruction involontaire d’embryons in vitro

Document 4 : CAA Douai, 6 décembre 2005 : D. 2005. pan.1205, obs. J.-C. Galloux ; Dr. Fam.

2006. étude 14, note J.-R. Binet.

En raison du refus d’implantation des embryons in vitro

Document 5 : CEDH, 10 avril 2007, Evans c./RU, RTDC 2007.285, obs. J.-P. Marguénaud

II. Etre

Naissance et personnalité:

Acquisition de droits dès la conception de l’enfant né vivant et viable (Infans conceptus).

Document 6. Civ. 1, 10 décembre 1985, Segers, Bull. civ., I, n°339 ; D. 1987.449, note G. Paire ;

RTD Civ. 1987.309, obs. J. Mestre.

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Naissance et responsabilité :

La naissance peut-elle être à l’origine d’une faute ?

Document 7 : Cass. civ. 2e, 12 juillet 2007 : Dr. Fam. 2007.comm. 171, note S. Rouxel ; D. 2008,

Pan. 1371, obs. Granet-Lambrechts ; JCP, 2008, I, 125, n° 1, obs. Stoffel-Munck.

La naissance peut-elle être à la source d’un préjudice ?

Document 8. Dispositions du Code d’action sociale et des familles relatives au préjudice de l’enfant

subi avant sa naissance.

Document 9 : F. Rome, L’enfant sauvé, D. 2009.2793, à propos de TA Nîmes, 2 juin 2009

Document 10 : Cass. crim. 23 septembre 2010 : D. 2010.2365, obs. M. Léna ; Resp. civ. et assur.

2010, comm. 313, note S. Hocquet-Berg.

3) Exercice : Commentaire d’arrêt au choix du chargé de TD.

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I. Ne pas naître.

L’embryon in utero ne naît pas en raison d’une interruption volontaire de grossesse

Document 1. Dispositions du Code de la santé publique relatives à l’interruption volontaire de

grossesse.

Interruption pratiquée avant la fin de la douzième semaine de grossesse.

Article L2212-1 La femme enceinte que son état place dans une situation de détresse peut demander à un médecin l'interruption

de sa grossesse. Cette interruption ne peut être pratiquée qu'avant la fin de la douzième semaine de grossesse.

Interruption de grossesse pratiquée pour motif médical

Article L2213-1 L'interruption volontaire d'une grossesse peut, à toute époque, être pratiquée si deux médecins membres d'une

équipe pluridisciplinaire attestent, après que cette équipe a rendu son avis consultatif, soit que la poursuite de la

grossesse met en péril grave la santé de la femme, soit qu'il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit

atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic.

Lorsque l'interruption de grossesse est envisagée au motif que la poursuite de la grossesse met en péril grave la

santé de la femme, l'équipe pluridisciplinaire chargée d'examiner la demande de la femme comprend au moins

trois personnes qui sont un médecin qualifié en gynécologie-obstétrique, un médecin choisi par la femme et une

personne qualifiée tenue au secret professionnel qui peut être un assistant social ou un psychologue. Les deux

médecins précités doivent exercer leur activité dans un établissement de santé.

Lorsque l'interruption de grossesse est envisagée au motif qu'il existe une forte probabilité que l'enfant à naître

soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic,

l'équipe pluridisciplinaire chargée d'examiner la demande de la femme est celle d'un centre pluridisciplinaire de

diagnostic prénatal. Lorsque l'équipe du centre précité se réunit, un médecin choisi par la femme peut, à la

demande de celle-ci, être associé à la concertation.

Dans les deux cas, préalablement à la réunion de l'équipe pluridisciplinaire compétente, la femme concernée ou

le couple peut, à sa demande, être entendu par tout ou partie des membres de ladite équipe.

L’embryon in utero ne naît pas en raison d’une interruption involontaire de grossesse :

Document 2 : CEDH, 8 juillet 2004, Communiqué du greffier.

La Cour européenne des Droits de l’Homme a prononcé aujourd’hui en audience publique son arrêt[1] de

Grande Chambre dans l’affaire Vo c. France (requête no 53924/00). La Cour conclut, par 14 voix contre trois, à

la non-violation de l’article 2 (droit à la vie) de la Convention européenne des Droits de l’Homme.

(L’arrêt existe en français et anglais.)

1. Principaux faits

La requérante, Thi-Nho Vo, est une ressortissante française née en 1967 et résidant à Bourg-en-Bresse (France).

Le 27 novembre 1991, elle se présenta à l’hôpital de l’Hôtel-Dieu de Lyon pour y subir la visite médicale du

sixième mois de sa grossesse. Le même jour, une autre femme nommée Thi Thanh Van Vo devait se faire

enlever un stérilet dans le même établissement.

A la suite d’une confusion résultant de l’homonymie entre les deux patientes, le médecin procéda à un examen

de la requérante et provoqua une rupture de la poche des eaux, rendant nécessaire un avortement thérapeutique.

Suite à la plainte déposée par la requérante et son époux en 1991, le médecin fut mis en examen pour blessures

involontaires et la poursuite fut élargie au chef d’homicide involontaire. Par un jugement du 3 juin 1996, le

tribunal correctionnel de Lyon relaxa le médecin. La requérante interjeta appel du jugement. Le 13 mars 1997, la

cour d’appel de Lyon infirma le jugement du tribunal correctionnel, déclara le médecin coupable d’homicide

involontaire et le condamna à six mois d’emprisonnement avec sursis et 10 000 francs (soit environ 1 500 euros)

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d’amende. Le 30 juin 1999, la Cour de cassation cassa l’arrêt de la cour d’appel au motif que les faits litigieux ne

relevaient pas des dispositions relatives à l’homicide involontaire, refusant ainsi de considérer le fœtus comme

une personne humaine pénalement protégée.

2. Procédure et composition de la Cour

La requête a été introduite devant la Cour européenne des Droits de l’Homme le 20 décembre 1999. Le 22 mai

2003, la chambre à laquelle l’affaire avait été attribuée s’est dessaisie au profit de la Grande Chambre. Le 25

novembre 2003, le président de la Grande Chambre a accordé aux organisations non gouvernementales Family

Planning Association (Londres) et Center for Reproductive Rights (New York), l’autorisation d’intervenir dans

la procédure en qualité de tiers intervenants. Une audience consacrée à la recevabilité et au fond de l’affaire s’est

déroulée à Strasbourg le 10 décembre 2003.

L’arrêt a été rendu par la Grande Chambre de 17 juges, composée en l’occurrence de : (…)

3. Résumé de l’arrêt

Grief

Invoquant l’article 2 de la Convention, la requérante dénonçait le refus des autorités de qualifier d’homicide

involontaire l’atteinte à la vie de l’enfant à naître qu’elle portait. Elle soutenait que la France a l’obligation de

mettre en place une législation pénale visant à réprimer et sanctionner une telle atteinte.

Décision de la Cour

De l’avis de la Cour, le point de départ du droit à la vie relève de l’appréciation des Etats. Cela tient, d’une part,

au fait que la majorité des pays ayant ratifié la Convention n’ont pas arrêté la solution à donner à cette question,

et en particulier en France où elle donne lieu à un débat et, d’autre part, à l’absence de consensus européen sur la

définition scientifique et juridique des débuts de la vie.

Il ressort de la jurisprudence française et d’un récent débat législatif sur l’opportunité de créer un délit

d’interruption involontaire de grossesse que la nature et le statut juridique de l’embryon et/ou du fœtus ne sont

pas définis actuellement en France et que la façon d’assurer sa protection dépend de positions fort variées au sein

de la société française. Quant au plan européen, il n’y a pas de consensus sur la nature et le statut de l’embryon

et/ou du fœtus ; tout au plus peut-on trouver comme dénominateur commun l’appartenance à l’espèce humaine.

C’est la potentialité de cet être et sa capacité à devenir une personne qui doivent être protégés au nom de la

dignité humaine sans pour autant en faire une personne qui aurait un droit à la vie au sens de l’article 2.

Eu égard à ces considérations, la Cour est convaincue qu’il n’est ni souhaitable, ni même possible actuellement

de répondre dans l’abstrait à la question de savoir si l’enfant à naître est une « personne » au sens de l’article 2

de la Convention.

Quant à la présente requête, la Cour considère qu’il n’est pas nécessaire d’examiner le point de savoir si la fin

brutale de la grossesse de Mme Vo entre ou non dans le champ d’application de l’article 2, dans la mesure où, à

supposer même que celui-ci s’appliquerait, les exigences liées à la préservation de la vie dans le domaine de la

santé publique n’ont pas été méconnues par la France. La Cour constate en effet que l’enfant à naître n’est pas

privé de toute protection en droit français. Contrairement à ce que soutient Mme Vo, l’obligation positive des

Etats - consistant dans le domaine de la santé publique à adopter des mesures propres à assurer la protection de la

vie des malades et à mener une enquête sur les circonstances du décès – n’exige pas nécessairement un recours

de nature pénale.

En l’espèce, en plus des poursuites pénales contre le médecin pour blessures involontaires sur sa personne, la

requérante avait la possibilité d’engager un recours administratif qui avait de sérieuses chances de succès. Ce

recours aurait permis d’établir la faute médicale et de garantir dans l’ensemble la réparation du dommage causé

par la faute du médecin. Des poursuites pénales ne s’imposaient donc pas en l’espèce.

Par conséquent, à supposer même que l’article 2 de la Convention trouve à s’appliquer en l’espèce, la Cour

conclut qu’il n’y a pas eu violation de cette disposition.

Le juge Rozakis a exprimé une opinion séparée à laquelle se joignent les juges Caflisch, Fischbach, Lorenzen et

Thomassen. Le juge Costa a exprimé une opinion séparée à laquelle se rallie le juge Traja. Le juge Ress a

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exprimé une opinion dissidente et la juge Mularoni a exprimé une opinion dissidente à laquelle la juge StráÏnická

déclare se rallier. Le texte des opinions se trouve joint à l’arrêt.

Document 3 : AP., 29 juin 2001, Bull. civ., n°8 ; D. 2001. Chron. 2907, note Pradel et 2917, note

Mayaud ; JCP 2001, II, 10569, note Rassat ; Petites Affiches, 2001, n° 130 ; Dr. pénal, 2001, Chron.

34, obs. Demont.

Attendu que le 29 juillet 1995 un véhicule conduit par M. Z... a heurté celui conduit par Mme X...,

enceinte de six mois, qui a été blessée et a perdu des suites du choc le fœtus qu'elle portait ; que l'arrêt

attaqué (Metz, 3 septembre 1998) a notamment condamné M. Z... du chef de blessures involontaires

sur la personne de Mme X..., avec circonstance aggravante de conduite sous l'empire d'un état

alcoolique, mais l'a relaxé du chef d'atteinte involontaire à la vie de l'enfant à naître ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi statué, alors que, d'une part, l'article 221-6 du

Code pénal réprimant le fait de causer la mort d'autrui n'exclut pas de son champ d'application l'enfant

à naître et viable, qu'en limitant la portée de ce texte à l'enfant dont le cœur battait à la naissance et qui

a respiré, la cour d'appel a ajouté une condition non prévue par la loi, et alors que, d'autre part, le fait

de provoquer involontairement la mort d'un enfant à naître constitue le délit d'homicide involontaire

dès lors que celui-ci était viable au moment des faits quand bien même il n'aurait pas respiré lorsqu'il a

été séparé de la mère, de sorte qu'auraient été violés les articles 111-3, 111-4 et 221-6 du Code pénal et

593 du Code de procédure pénale ;

Mais attendu que le principe de la légalité des délits et des peines, qui impose une interprétation stricte

de la loi pénale, s'oppose à ce que l'incrimination prévue par l'article 221-6 du Code pénal, réprimant

l'homicide involontaire d'autrui, soit étendue au cas de l'enfant à naître dont le régime juridique relève

de textes particuliers sur l'embryon ou le fœtus ;

D'où il suit que l'arrêt attaqué a fait une exacte application des textes visés par le moyen ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

L’embryon in vitro ne naît pas en raison de la destruction involontaire d’embryons in vitro

Document 4 : CAA Douai, 6 décembre 2005 : D. 2005. pan.1205, obs. J.-C. Galloux ; Dr. Fam.

2006. étude 14, note J.-R. Binet.

(…) Considérant que M. et Mme X ont formulé, le 20 mars 1996, une demande d'assistance auprès du

centre de procréation médicalement assistée du centre hospitalier régional universitaire d'Amiens,

conformément à la mission échue à celui-ci en vertu des dispositions de l'article L. 2141-1 du code de

la santé publique ; qu'après implantation de trois embryons chez Mme X, qui a pu donner naissance à

des jumelles en 1998, les embryons surnuméraires ont été congelés dans un conteneur d'azote liquide ;

que, par lettre en date du 6 octobre 2000,

M. et Mme X ont été prévenus par le directeur du centre de procréation médicalement assistée qu'un

incident était survenu quant aux conditions de conservation des embryons encore détenus ; qu'ils ont

saisi, par une requête enregistrée le 15 juillet 2002, le Tribunal administratif d'Amiens d'une demande

tendant à la condamnation du centre hospitalier d'Amiens à leur verser les sommes de 207 000 euros

en réparation du préjudice subi du fait de la perte des neuf embryons et de 76 225 euros au titre de la

perte de chance d'être parents ; qu'ils demandent à la Cour de réformer le jugement en date du 9 mars

2004 par lequel le Tribunal a condamné le centre hospitalier régional universitaire d'Amiens à leur

verser la somme de 10 000 euros qu'ils estiment suffisante, au titre des troubles dans les conditions

d'existence ; que le centre hospitalier d'Amiens demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation

dudit jugement en soutenant, d'une part, que sa responsabilité n'est pas engagée, d'autre part, qu'aucun

préjudice n'est établi ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier régional universitaire d'Amiens :

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Considérant que, sans préjudice d'éventuels recours en garantie, le service public hospitalier est

responsable, même en l'absence de faute de sa part, des conséquences dommageables pour les usagers

de la défaillance des produits et appareils qu'il utilise dans le cadre de l'assistance médicale à la

procréation ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 16 août 2000, un technicien du centre de procréation

médicalement assistée d'Amiens a constaté l'existence de phénomènes de condensation sur le

revêtement externe d'une bonbonne d'azote ; qu'après ouverture de ladite bonbonne, il a constaté un

niveau de liquide anormalement bas provoquant une variation intempestive de température de -196 C°

à -15 C°, une fissure dans l'enveloppe du conteneur étant à l'origine d'une évaporation de l'azote ;

Considérant qu'il résulte également de l'instruction que, si les embryons contenus dans la bonbonne

d'azote incriminée n'ont pas été détruits et sont toujours cryoconservés, le centre hospitalier admet

qu'en l'état actuel des connaissances médicales, les conséquences de l'incident sur les embryons ne

sont pas connues et qu'une altération des cellules lors de leur décongélation n'est pas exclue ; que, dans

ces conditions, caractérisées par l'existence d'un risque à l'utilisation des embryons, l'impossibilité

d'utiliser lesdits embryons doit être regardée comme certaine ; que, par suite, le centre hospitalier est

responsable des conséquences dommageables de l'incident du 16 août 2000 ;

Sur le préjudice :

Considérant que la création médicalement assistée d'embryons in vitro ne peut être réalisée, ainsi que

le prévoient les dispositions de l'article L. 2141-2 du code de la santé publique, que dans le cadre du

projet parental du couple bénéficiaire ; que, dès lors, la perte d'embryons dont les requérants ne

peuvent sérieusement soutenir que ceux-ci constituent des êtres humains ou des produits humains

ayant le caractère de chose sacrée auxquels est attachée une valeur patrimoniale, n'est source de

préjudice indemnisable que pour autant que ce couple poursuit un projet de procréation auquel cette

perte porte une atteinte ;

Considérant qu'en l'espèce, le centre hospitalier fait valoir que M. et Mme X n'avaient plus de projet

parental ; qu'il indique notamment que ces derniers n'ont plus entretenu de relations avec le centre de

procréation après la naissance de leurs deux premiers enfants à l'automne 1998 avant qu'ils ne

reçoivent la lettre du chef du service de l'hôpital en date du

6 octobre 2000 ; qu'il ont attendu plus de huit mois après la réception de cette lettre pour solliciter un

rendez-vous qu'ils ont obtenu le 19 juin 2001 ; qu'ils n'ont pas répondu, à l'issue de ce rendez-vous, ni

à la demande du centre de lui transmettre leurs instructions et leur volonté sur le sort des neuf

embryons conservés, ni à la proposition d'enclencher un nouveau cycle de fécondation in vitro pris en

charge par l'hôpital ; qu'eu égard à ces indications précises,

M. et Mme X se bornent à faire état, d'une manière générale, de la perte de chance d'être parent et ne

produisent aucun élément de nature à démontrer qu'ils entendent poursuivre un projet parental, alors

qu'ils n'ont indiqué, à aucun moment, ni devant les premiers juges, ni devant la Cour, souhaiter avoir

d'autres enfants, et précisent même dans leurs écritures que la naissance de leurs filles a satisfait à leur

demande de parentalité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X, auxquels incombe la charge de prouver

l'existence du préjudice dont ils demandent réparation, ne sont pas fondés, en tout état de cause, à

soutenir, en l'absence de tout projet parental, que l'incident ayant conduit à la perte des neuf embryons

in vitro est à l'origine pour eux tant d'une perte de chance d'être parent que d'un préjudice lié à la

difficulté de mener une nouvelle procréation médicalement assistée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X ne sont pas fondés à demander la

réformation du jugement du Tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit

à leur demande d'indemnisation ; qu'en revanche, le centre hospitalier régional universitaire d'Amiens

est fondé, par la voie de l'appel incident, à demander l'annulation du même jugement en tant qu'il l'a

condamné à verser à M. et Mme X la somme de 10 000 euros en réparation des troubles divers dans

les conditions d'existence ; (…)

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif d'Amiens du 9 mars 2004 est annulé en tant qu'il a

condamné le centre hospitalier régional universitaire d'Amiens à verser la somme de 10 000 euros à

M. et Mme Marc X.

Article 2 : La requête de M. et Mme Marc X est rejetée. (…)

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L’embryon in vitro ne naît pas en raison du refus d’implantation des embryons in vitro

Document 5 : CEDH, 10 avril 2007, Evans c./RU, RTDC 2007.285, obs. J.-P. Marguénaud

Par un arrêt du 7 mars 2006 (RTD civ. 2006. 255), une chambre de la Cour de Strasbourg avait jugé que le refus

d’un homme de laisser implanter dans l’utérus de son ex-compagne les embryons in vitro créés de leur commun

consentement avec leurs gamètes respectives n’entraînait aucune violation des droits garantis par la Convention

EDH.

Elle avait néanmoins prolongé les mesures provisoires tendant à empêcher la destruction des embryons litigieux

de façon à ce qu’ils puissent être mis à la disposition de la requérante si sa décision venait un jour à être

démentie par une Grande Chambre. L’affaire Evans a effectivement été renvoyée en Grande Chambre mais les

embryons in vitro du couple désuni seront détruits : l’arrêt du 10 avril 2007 décide à son tour que ni l’article 2, ni

l’article 8, ni l’article 14 combiné avec l’article 8 n’ont été violés.

Le premier arrêt Evans n’était déjà pas un chef d’œuvre ; le second en accentue les dérives.

Du point de vue de l’article 2, il fait s’éloigner encore un peu l’espoir d’une solution harmonieuse et novatrice

qui concilierait reconnaissance du droit à la vie de l’enfant à naître et droit au respect de la vie privée de la

femme enceinte (cf. RTD civ. 2004. 800). En effet, alors que la requérante n’avait pas maintenu ce grief, la

Grande Chambre n’a pas hésité à faire usage du privilège d’examiner, si bon lui semble, n’importe quel aspect

de l’affaire renvoyée qu’elle s’était arrogé par son arrêt K. et T. c/ Finlande du 12 juillet 2001, pour examiner à

nouveau la question et affirmer que « les embryons créés (par Mme Evans et son ancien compagnon) ne peuvent

se prévaloir du droit à la vie protégé par l’article 2 ». Voilà qui est dit d’une manière claire, nette et précise, qui

s’éloigne résolument de la formule équivoque, naguère retenue pour l’embryon in utero, envisageant à titre

d’hypothèse que l’article 2 puisse lui être appliqué (cf. RTD civ. 2003. 373). C’est également le souci d’établir

des règles juridiques claires nettes et précises dans des domaines ou se posent de délicates interrogations d’ordre

moral et éthique échappant aux certitudes de la science et de la médecine qui explique la solution retenue au titre

de l’article 8.

Pour juger que la requérante n’avait pas subi de violation du droit au respect de sa vie privée garanti par cet

article, la grande chambre invoque, évidemment « l’ample marge d’appréciation » qu’il faut reconnaître aux

Etats face à des difficultés aussi sérieuses et l’absence de consensus européen pour les résoudre. Il n’y a là rien

de surprenant quand on sait que la Cour a l’habitude de déployer de tels paravents pour éviter de trancher les

questions les plus sensibles à la place des Etats ou autrement qu’ils ne l’ont fait (cf. supra n° 3). Ce qui est plus

original, c’est la consolidation par l’arrêt du 10 avril 2007 de la compatibilité, déjà affirmée par l’arrêt du 7 mars

2006, entre l’article 8, qui consacre des droits relatifs, et le caractère absolu des lois, qui, à l’exemple de la loi

anglaise n’admettant aucun contournement de la volonté de l’homme de ne plus permettre l’implantation

d’embryons à la création desquels il avait librement participé, leur portent atteinte dans les circonstances les plus

douloureuses, pour la femme en l’occurrence. Sans aller jusqu’à reprendre expressément à son compte la notion

de « règles claires ou intangibles » que la chambre avait puisée dans les arrêts Odièvre et Pretty, la grande

chambre, qui se réfère elle aussi à ces célèbres arrêts, admet à son tour ce verrouillage national des règles

applicables à la question. Elle le fait après avoir souscrit à l’argument suivant lequel la législation ne s’en tenait

pas simplement à résoudre des conflits entre individus mais qu’elle poursuivait également un certain nombre

d’intérêts plus vastes. Il est permis de penser, avec les quatre juges dissidents, que ces aspects de politique

générale constituaient seulement la toile de fond de l’affaire Evans et que, au premier plan, il y avait bien à

arbitrer entre deux intérêts individuels. On concèdera néanmoins que ces intérêts plus vastes, à savoir la primauté

du consentement, la promotion de la clarté et de la sécurité juridiques, peuvent conduire à une réorganisation des

règles conventionnelles classiques. Il importe d’ailleurs de souligner dans cette Revue la portée considérable

pour le droit des contrats, le droit de la bioéthique et plus généralement le droit des contrats portant sur l’humain

(comp. F. Bellivier et Ch. Noiville, Contrats et vivant, LGDJ, 2006) du brevet de conventionnalité délivré par

l’arrêt Evans du 10 avril 2007 aux lois interdisant absolument d’utiliser des gamètes sans le consentement de la

personne qui les a données. Rattachée à la dignité humaine, cette absolue primauté du consentement dont il y

avait déjà une manifestation trop peu remarquée dans le sulfureux arrêt K. A. et A. D. c/ Belgique du 17 février

2005 (cf. RTD civ. 2005. 342) promet d’avoir d’autres applications pour d’autres questions complexes où la

certitude et la sécurité juridiques devraient contrebalancer les hésitations de la science ou de la morale. A

supposer que l’on ait convenablement identifié les domaines d’application de cette primauté absolue du

consentement indispensable à la sécurité juridique, encore faudrait-il en tirer les conséquences logiques au regard

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des principes conventionnels. La plus imparable d’entre-elles devrait être la mise à l’écart du principe de

proportionnalité (cf. RTD civ. 2006. 257). Ainsi, dans leur commune opinion dissidente, les juges Türmen,

Tsatsa Nikolovska, Spielmann et Zielme font-ils utilement observer que « du fait de sa nature absolue, la

législation incriminée empêche dans un cas tel celui de l’espèce la mise en balance des intérêts en conflit ».

D’ailleurs, l’arrêt du 10 avril 2007 admet lui-même que le caractère absolu de la règle en cause vise aussi à éviter

les problèmes d’arbitraire et d’incohérence inhérents à la mise en balance d’intérêts parfaitement

incommensurables. Or, quelques lignes plus loin, la Grande Chambre croit devoir estimer que, en l’espèce, il n’y

a pas lieu d’accorder davantage de poids au droit de la requérante au respect de son choix de devenir parent au

sens génétique du terme qu’à celui de son ancien partenaire au respect de sa volonté de ne pas avoir un enfant

biologique avec elle. Par son existence, cette affirmation n’est pas loin de constituer une contradiction

puisqu’elle revient à faire jouer le principe de proportionnalité que tout conduisait à exclure. Par son contenu,

elle n’est pas loin de constituer une aberration car, dans cette affaire douloureuse, tout conduisait à accorder plus

de poids au choix de Mme Evans, victorieuse du cancer dont les embryons in vitro représentaient les six

dernières chances de devenir mère par le sang (sur les raisons d’inverser l’appréciation du poids des intérêts dans

la balance V. RTD civ. 2006. 258 et l’opinion dissidente préc.). Humainement, on peut s’étonner de ce que la

Grande Chambre ne lui ait exprimé sa compassion qu’en une seule ligne et de ce que, pour toute consolation, elle

lui ait fait finement remarquer que la loi ne l’empêchait pas de devenir mère au sens social ni même de donner

naissance à un enfant conçu in vitro avec les gamètes d’un donneur (et d’une donneuse aurait-il fallu avoir le

courage d’ajouter compte tenu de l’ovariectomie qu’elle avait dû subir pour pouvoir guérir). Juridiquement, un

élément nouveau introduit par la Grande Chambre rend encore plus contestable le résultat de la pesée des intérêts

auquel elle est parvenue. Ainsi, le droit rattaché au droit au respect de la vie privée qui est en jeu en l’espèce

n’est-il plus, comme dans l’arrêt de 2006, le droit au respect de la décision d’avoir un enfant ou de ne pas en

avoir : c’est, désormais, le droit au respect de la décision de devenir parent au sens génétique du terme. En

conséquence, le choix n’est plus à faire entre une femme qui veut absolument devenir mère par le sang et un

homme qui ne veut pas devenir père biologique et qui, pour des raisons philosophiques, s’interdit de le devenir

jamais avec quelque femme que ce soit, mais entre une femme toujours déterminée à saisir les ultimes chances

qui lui restent de devenir mère par le sang et un homme qui, par un caprice interdit (pour le moment ?) à celui

qui est l’auteur d’une fécondation consécutive à un rapport sexuel, ne veut plus être le père biologique du seul

enfant qu’une femme peut encore avoir, tout en se réservant de plus belles occasions d’en concevoir plusieurs

avec d’autres partenaires épargnées par la maladie. En cédant à la tentation de placer le débat sur le terrain de la

proportionnalité que tout appelait à abandonner, la Grande Chambre a donc pris le risque inconsidéré de faire

prévaloir le droit du mâle désinvolte sur le droit de la femme en détresse. En outre, elle incite toutes les femmes

qui se trouveraient dans la douloureuse situation de Mme Evans à ne plus commettre l’insigne maladresse de

laisser féconder leurs derniers ovocytes par les spermatozoïdes du même homme : l’arrêt Evans du 10 avril 2007

est un appel à la polyandrie procréative. Heureusement, il n’est pas que cela.

II. Etre

Naissance et personnalité:

Acquisition de droits dès la conception de l’enfant né vivant et viable (Infans conceptus).

Document 6. Civ. 1, 10 décembre 1985, Segers, Bull. civ., I, n°339 ; D. 1987.449, note G. Paire ;

RTDCiv. 1987.309, obs. J. Mestre.

SUR LE MOYEN UNIQUE : VU LE PRINCIPE SELON LEQUEL L'ENFANT CONCU EST REPUTE NE CHAQUE

FOIS QU'IL Y VA DE SON INTERET ;

ATTENDU QUE BERNARD Y..., AU SERVICE DE LA SOCIETE COMEX, AVAIT ADHERE, LE 20 AOUT 1979, A

UNE POLICE D'ASSURANCE-GROUPE SOUSCRITE PAR SON EMPLOYEUR POUR SON PERSONNEL AUPRES

DE LA COMPAGNIE EUROPEENNE D'ASSURANCES SUR LA VIE (EURAVIE), LAQUELLE GARANTISSAIT, EN

CAS DE DECES, LE PAIEMENT D'UN CAPITAL D'UN MONTANT DE 200 % DU SALAIRE DE BASE, MAJORE DE

30 % PAR ENFANT A CHARGE VIVANT AU FOYER DE L'ASSURE ;

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QUE BERNARD Y..., DEJA PERE DE TROIS ENFANTS, DONT DEUX ISSUS D'UN PREMIER MARIAGE, A

DESIGNE COMME BENEFICIAIRE DE L'ASSURANCE-GROUPE SA SECONDE EPOUSE, BRIGITTE Y..., NEE X...

ET, A DEFAUT, SES ENFANTS ;

QU'IL EST DECEDE LE 1ER MARS 1980 ;

QUE MME Y... A MIS AU MONDE DEUX JUMEAUX LE 24 MAI 1980 ;

QUE LA COMPAGNIE EURAVIE LUI A REGLE LA SOMME DE 522.300 FRANCS MAIS A REFUSE DE TENIR

COMPTE DES DEUX ENFANTS QUI N'ETAIENT PAS NES AU MOMENT DE LA REALISATION DU RISQUE ;

QUE MME Y... A, LE 30 JUILLET 1981, ASSIGNE CET ASSUREUR EN PAIEMENT DE LA SOMME

COMPLEMENTAIRE DE 108.062 FRANCS, 25 ;

ATTENDU QUE L'ARRET ATTAQUE A REJETE SA DEMANDE, AUX MOTIFS ESSENTIELS QUE LA SEULE

BENEFICIAIRE CONTRACTUELLEMENT DESIGNEE DE L'ASSURANCE DECES ETAIT MME Y..., QUE LA

CLAUSE DE LA POLICE ETAIT "ENVISAGEE COMME UNE NOTION DE SEUL FAIT" ET QUE LES ENFANTS

SIMPLEMENT CONCUS DONT IL S'AGIT NE VIVAIENT PAS AU FOYER DE L'ASSURE" ;

ATTENDU, CEPENDANT, QUE SI LES CONDITIONS D'APPLICATION DU CONTRAT D'ASSURANCE DECES

DOIVENT ETRE APPRECIES AU MOMENT DE LA REALISATION DU RISQUE, LA DETERMINATION

DES ENFANTS A CHARGE VIVANT AU FOYER, DOIT ETRE FAITE EN SE CONFORMANT AUX PRINCIPES

GENERAUX DU DROIT, SPECIALEMENT A CELUI D'APRES LEQUEL L'ENFANT CONCU EST REPUTE NE

CHAQUE FOIS QU'IL Y VA DE SON INTERET, ETANT OBSERVE QUE LA MAJORATION DU CAPITAL-DECES,

LORSQU'IL EXISTE DES ENFANTS A CHARGE, EST DESTINEE A FACILITER L'ENTRETIEN DE CES ENFANTS ;

QU'EN STATUANT COMME ELLE L'A FAIT, EN ECARTANT, POUR LE CALCUL DE LA MAJORATION DU

CAPITAL-DECES, LES ENFANTS SIMPLEMENT CONCUS ET QUI, EN L'ESPECE, SONT NES VIABLES, LA COUR

D'APPEL A VIOLE LA REGLE ET LE TEXTE SUSVISE ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE L'ARRET RENDU LE 24 MAI 1984, ENTRE LES PARTIES, PAR LA COUR

D'APPEL DE PARIS ;

REMET, EN CONSEQUENCE, LA CAUSE ET LES PARTIES DANS L'ETAT OU ELLES SE TROUVAIENT AVANT

LEDIT ARRET ET, POUR ETRE FAIT DROIT, LES RENVOIE DEVANT LA COUR D'APPEL DE VERSAILLES, A CE

DESIGNEE PAR DELIBERATION SPECIALE PRISE EN LA CHAMBRE DU CONSEIL ;

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Naissance et responsabilité :

La naissance peut-elle être à l’origine d’une faute ?

Document 7 : Cass. civ. 2e, 12 juillet 2007 : Dr. Fam. 2007.comm. 171, note S. Rouxel ; D. 2008,

Pan. 1371, obs. Granet-Lambrechts ; JCP, 2008, I, 125, n° 1, obs. Stoffel-Munck.

(...) Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (CA Orléans, 21 mars 2006) que M. X. a, courant 1991,

rencontré sur annonce de presse Mme Y. et a eu avec elle des relations sexuelles ; que Mme Y. a

donné naissance le 29 mars 1992 à un enfant qu'elle a reconnu, et dont M. X., sur l'action en recherche

de paternité engagée par Mme Y., a été déclaré père naturel par un arrêt définitif du 29 mars 2002, qui

l'a en outre condamné à verser une pension alimentaire ; qu'estimant que Mme Y... avait commis des

fautes pour avoir accepté des relations sexuelles sans prendre des mesures propres à éviter ou à

combattre le risque de conception, M. X. l'a assignée, sur le fondement des articles 1382 et 1383 du

Code civil, en responsabilité, en garantie des sommes mises à sa charge pour contribution à l'entretien

de l'enfant, et en réparation ;

Attendu que M. X. fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de ses demandes et condamné à verser une

somme à Mme Y. à titre de dommages-intérêts ;

Mais attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de violation des articles 1382 du Code civil et 8

de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le moyen ne tend

qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine de la valeur et de la

portée des éléments de preuve par la cour d'appel, qui a pu en déduire qu'ayant librement et pleinement

consenti à avoir avec Mme Y. un rapport sexuel non protégé dès leur première rencontre, M. X.,

homme sexuellement expérimenté, à qui il incombait, tout autant qu'à sa partenaire, de prendre les

mesures propres à éviter une procréation, n'établissait ni la faute de la mère de l'enfant pour s'être

prêtée à un tel rapport ou pour avoir ensuite agi en reconnaissance de paternité et en contribution à

l'entretien de l'enfant, ni l'existence d'un préjudice direct ou indirect indemnisable ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que le pourvoi revêt un caractère abusif ;

Par ces motifs :

Rejette le pourvoi ;

Condamne M. X. aux dépens ;

Vu l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X. ;

Le condamne à une amende civile de 3 000 euros envers le Trésor public ; (...)

La naissance peut-elle être à la source d’un préjudice ?

Document 8. Disposition du Code d’action sociale et des familles relative au préjudice de l’enfant

subi avant sa naissance.

Article L114-5 Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance.

La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque

l'acte fautif a provoqué directement le handicap ou l'a aggravé, ou n'a pas permis de prendre les mesures

susceptibles de l'atténuer.

Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d'un

enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, les parents

peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges

particulières découlant, tout au long de la vie de l'enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève

de la solidarité nationale.

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Document 9 : F. Rome, L’enfant sauvé, D. 2009.2793, à propos de TA Nîmes, 2 juin 2009

L'enfant sauvé, Félix Rome

Lorsque l'enfant paraît, ce 12 décembre 2002, dans le centre hospitalier d'Orange, sa situation est

grave, désespérée : il est en état de mort apparente. L'équipe médicale, composée du gynécologue, de

l'anesthésiste, d'une infirmière puéricultrice, d'une sage-femme et d'une aide soignante, se mobilise

alors. Elle met toute son énergie et sa compétence au service de cet enfant en danger de mort, et

entreprend de le réanimer. En pure perte, dans un premier temps, à tel point qu'après vingt-cinq

minutes d'insistance, le gynécologue se résigne à annoncer à ses parents le décès de leur enfant.

Pourtant, le reste de l'équipe fait preuve d'une telle persévérance pour gagner son combat contre la

nature que sa ténacité est récompensée puisque l'enfant est finalement sauvé. Tout est bien qui finit

bien ??? Non, car l'enfant sauvé est très gravement handicapé et il est probable que le handicap qui les

condamne, lui et sa famille, à une vie infernale de souffrances et de sacrifices est dû à une faute

imputable à l'équipe médicale. Raison pour laquelle le tribunal administratif de Nîmes, dans une

décision rendue le 2 juin 2009 qui entrera sans doute dans les annales du droit de la responsabilité

médicale, a retenu la responsabilité du centre hospitalier d'Orange.

La décision retient l'attention sur le strict plan de la responsabilité médicale, laquelle suppose, en

principe, la preuve d'une faute. La question est alors de savoir pourquoi la « renaissance » d'un enfant

mort-né peut être constitutive d'une faute médicale. Le tribunal, pour caractériser la faute, s'appuie sur

un article du code de déontologie médicale qui dispose qu' « En toutes circonstances, le médecin doit

s'efforcer de soulager les souffrances de son malade, l'assister moralement et éviter toute obstination

déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique » (CSP, art. R. 4127-37). Or, en l'espèce,

l'équipe médicale avait fait preuve d'un acharnement thérapeutique coupable en s'obstinant à ramener à

la vie un enfant que la mort avait pourtant choisi, « sans prendre en compte les conséquences néfastes

hautement prévisibles » inhérentes à une réanimation pratiquée bien trop longuement après la

naissance. Ce à quoi il est permis de répliquer, comme l'ont fait certains anesthésistes, que le devoir

d'un réanimateur est... de réanimer, de toujours donner sa chance à la vie et qu'il est difficile, sinon

impossible, dans une situation d'urgence de perdre le temps de se livrer à un savant calcul de

probabilités sur ce que sera la vie de l' enfant sauvé. Toujours sur un plan technique, on relèvera que si

le préjudice et la faute médicale sont caractérisés dans sa décision, en revanche, le tribunal ne parvient

pas à établir le lien de causalité entre celle-ci et celui-là, et renvoie dans cette perspective à une future

expertise. De là à considérer que la responsabilité du centre hospitalier est retenue en dépit de

l'absence de lien de causalité, il y a un pas qu'il est assez tentant de franchir.

Mais l'essentiel n'est pas là. C'est évidemment la question éthique que pose la décision du tribunal qui

vaudra à celle-ci une notoriété certaine. En effet, brevitatis causa, si l'équipe médicale n'avait pas fait

preuve de l'acharnement thérapeutique qui lui est reproché, l'enfant serait mort ; comme l'a affirmé

l'avocat de l'enfant sauvé, en l'occurrence, « la juste décision était de permettre à la mort naturelle de

prendre ses droits ». « Naître ou ne pas naître... », pour reprendre le mot du professeur Christophe

Radé, telle est encore et toujours la question que posait déjà en creux le célébrissime arrêt Perruche

(Cass., ass. plén., 17 nov. 2000, Bull. AP, n° 9 ; D. 2001. Jur. 332, notre note, et 336, note P. Jourdain)

et qui surgit à nouveau avec la décision gardoise. Puisque, en raison de l'acharnement thérapeutique

dont l'équipe médicale s'est rendue coupable, l' enfant était né et handicapé, l'intérêt dont il avait été

lésé était fatalement celui de ne pas naître, ce qui revient, mécaniquement, il est vrai, à considérer que

l'intérêt dont l' enfant a été lésé est... la mort et donc à conférer une valeur positive à celle-ci et une

valeur négative à la vie, ce qui ne va pas de soi, quelle qu'elle soit. Ce à quoi, évidemment, on

répliquera que le dommage réparable réside uniquement dans la vie handicapée, ce qui ne convainc

pas pleinement dans la mesure où, en l'espèce, une vie normale n'était pas à l'ordre du jour pour

l'enfant sauvé à cause de la déraisonnable obstination de ses médecins, acharnés à lui sauver la vie.

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Document 10 : Cass. crim. 23 septembre 2010 : D. 2010.2365, obs. M. Léna ; Resp. civ. et assur.

2010, comm. 313, note S. Hocquet-Berg.

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, par jugement du 21 août 2008, le

tribunal correctionnel d'Angers, statuant dans les conditions prévues par l'article 469, alinéa 4, du code

de procédure pénale, a condamné M. X... à six ans d'emprisonnement pour agressions sexuelles

aggravées en récidive, après avoir constaté qu'il avait imposé à sa fille, Mme X..., des rapports sexuels

et qu'un enfant, Kenzo X..., était né de ces relations incestueuses ; que, sur l'action civile, les juges du

premier degré ont notamment déclarées irrecevables les demandes formées par Mme X... en qualité de

représentante légale de son fils mineur, aux motifs que l'enfant ne pouvait alléguer d'un préjudice

résultant uniquement de sa naissance et qu'il n'était pas la victime directe de l'infraction ; que la partie

civile a relevé appel de cette décision ;

Attendu que, pour déclarer recevable l'action de Mme X..., agissant en qualité de représentante légale

de son fils mineur Kenzo et condamner M. X... à réparer le préjudice moral de l'enfant, l'arrêt

prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que, d'une part, aux termes de l'article 3 du code de

procédure pénale, l'action civile est recevable pour tous chefs de dommages, aussi bien matériels que

corporels ou moraux, qui découlent des faits, objet de la poursuite, d'autre part, le préjudice indemnisé,

en l'espèce, ne résulte pas de la seule naissance de l'enfant, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi