UNIVERSITÉ MONTPELLIER III – PAUL...

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UNIVERSITÉ MONTPELLIER III – PAUL VALERY Arts et Lettres, Langues et Sciences Humaines et Sociales UFR IV Sciences Economiques, Mathématiques et Sociales Département d’Administration Economique et Sociale. L’impact des réseaux professionnels des femmes sur l’entrepreneuriat féminin: De la reconnaissance à la lutte contre l’isolement dans des clubs des créatrices de Montpellier et ses alentours Présenté pour l’obtention du Master Professionnel Intermédiation et Développement Social 1 ère année Par ORTIZ-DIAZ Sara Sous la direction de Madame Sophia Belghiti-Mahut Juin 2013

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UNIVERSITÉ MONTPELLIER III – PAUL VALERY

Arts et Lettres, Langues et Sciences Humaines et Sociales

UFR IV Sciences Economiques, Mathématiques et Sociales

Département d’Administration Economique et Sociale.

L’impact des réseaux professionnels des femmes sur

l’entrepreneuriat féminin: De la reconnaissance à la lutte contre l’isolement dans des clubs des créatrices

de Montpellier et ses alentours

Présenté pour l’obtention du Master Professionnel

Intermédiation et Développement Social 1ère année

Par ORTIZ-DIAZ Sara

Sous la direction de Madame Sophia Belghiti-Mahut

Juin 2013

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REMERCIEMENTS

Dans un premier temps, je voudrais remercier Madame Martine Viguier, pour m’avoir

accompagnée dans la réalisation de ce mémoire, pour m’avoir guidée pendant mon stage et

surtout pour m’avoir fait confiance. Son soutien et ses enseignements ont été fondamentaux

pour ma formation professionnelle, et m’ont permis de me reconnaître personnellement en

tant que féministe et en tant qu’actrice sociale.

Je tiens également à remercier toutes les femmes créatrices et entrepreneuses pour avoir

partagé avec moi leurs expériences, leurs réussites et leurs difficultés. Elles ont pris du temps

pour me parler de leurs parcours et m’ont ouvert les portes des clubs de créatrices pendant

près de 9 mois.

Je remercie également Madame Sofia Belghiti-Mahut, qui m’a guidée dans la construction de ce

mémoire et m’a aidée dans l’avancement de mon étude !

Merci aussi aux camarades de ma promotion à l’université Paul Valéry qui ont fait de cette

année une expérience très enrichissante. Leurs encouragements et leur présence m’ont été

d’une aide précieuse au niveau académique et personnel. Je remercie Serge Caze pour son

soutien moral et la confiance qu’il m’a accordée.

Enfin, un grand merci à ma famille qui, malgré la distance, est toujours à mes côtés pour me

soutenir, pour m’écouter et me donner des conseils quand je croyais que je n’avais plus la force

de continuer.

Merci à toutes et tous.

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Table des matières

REMERCIEMENTS .................................................................................................................. 2

INTRODUCTION ..................................................................................................................... 6

METHODOLOGIE DE RECHERCHE............................................................................................ 9

PARTIE I. APPROCHE THÉORIQUE SUR L’ENTREPRENEURIAT FEMININ ET LES DISPOSITIFS DE

RÉSEAUTAGE FEMININ AUTOUR DE CETTE DEMARCHE. ....................................................... 11

CHAPITRE 1. L’ENTREPRENEURIAT FÉMININ COMME MECANISME DE PARTICIPATION SOCIO-

ÉCONOMIQUE ET SES SPÉCIFICITÉS ...................................................................................... 11

1.1. Les spécificités des projets de création chez les femmes créatrices et entrepreneuses : une

dynamique propre ou une reproduction des stéréotypes? ......................................................... 13

1.1.1. La caractérisation de la démarche entrepreneuriale ................................................ 13

1.1.2. Les motivations des entrepreneuses pour créer leur entreprise ............................. 18

1.1.3. Les difficultés rencontrées par les créatrices et entrepreneuses ............................. 19

1.1.4. La promotion de l’entrepreneuriat féminin et les dispositifs à son égard ............... 21

1.2. Le contexte de l’entrepreneuriat féminin à Montpellier et ses alentours. ........................... 23

CHAPITRE 2. LES RÉSEAUX PROFESSIONNELS FEMININS ET LEUR CAPACITÉ A MOBILISER LE

CAPITAL SOCIAL DES CRÉATRICES ET DES ENTREPRENEUSES ................................................. 26

2.1. L’analyse de réseaux sous la loupe du capital social ............................................................. 27

2.1.1. La notion de capital social et le rôle inhérent des réseaux dans sa mobilisation ...... 27

2.1.2. Les réseaux comme leviers de création et de développement des entreprises ........ 30

2.2. Les réseaux professionnels féminins favorisant la création et développement d’entreprises

par les femmes. ............................................................................................................................. 34

2.2.1. Le développement des réseaux des femmes créatrices et entrepreneuses .............. 34

2.2.2. Les particularités des réseaux professionnels des femmes créatrices et

entrepreneuses ..................................................................................................................... 36

4

II. APPROCHE PRATIQUE DE L’ENTREPRENEURIAT FÉMININ AU SEIN DES CLUBS DES

CRÉATRICES DE MONTPELLIER ET SES ALENTOURS. .............................................................. 39

CHAPITRE 3. LA DEMARCHE ENTREPRENEURIALE DES FEMMES ADHERENTES AUX CLUBS DES

CREATRICES DE MONTPELLIER ET SES ALENTOURS. .............................................................. 42

3.1. Le public accueilli : Une photographie de l’hétérogénéité dans le parcours de la création . 42

3.2. Les spécificités de la démarche entrepreneuriale des femmes participant aux clubs des

créatrices de Montpellier et ses alentours. .................................................................................. 46

3.2.1. Les caractéristiques d’entreprises portées par les femmes ....................................... 46

3.2.2. Les particularités et les obstacles dans le processus de création et de développement

d’entreprises par des femmes participant aux clubs des créatrices .................................... 48

CHAPITRE 4. LA DYNAMIQUE DES CLUBS DES CREATRICES VIS-A-VIS DE L’ENTREPRENEURIAT

FEMININ A MONTPELLIER ET SES ALENTOURS. ..................................................................... 53

4.1. Les raisons poussant les femmes à intégrer et participer à un club des créatrices .............. 56

4.2. L’utilité des clubs des créatrices : des résultats spécifiques favorables à la création et au

développement de l’entrepreneuriat féminin.............................................................................. 57

4.2.1. Les particularités des clubs des créatrices face aux réseaux mixtes ou masculins : un

moyen d’être plus fortes pour aller vers la mixité. .............................................................. 63

4.2.2. Focus sur le capital social décerné par les clubs des créatrices de Montpellier et ses

alentours. .............................................................................................................................. 65

4.3. Les limites et les risques d’instrumentalisation des réseaux professionnels: éléments

contraignants pour le développement du capital social à l’intérieur de clubs des créatrices ..... 67

CONCLUSION ....................................................................................................................... 70

BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................... 73

Annexe 1 : Dispositifs d’aide à la création d’entreprises par les femmes ............................... 81

Annexe 2 : Réseaux Professionnels Féminins favorisant l’entrepreneuriat féminin à

Montpellier et ses alentours ................................................................................................ 84

5

Annexe 3 : Guide d’entretien ............................................................................................... 90

Table des tableaux et graphiques

Graphique 1: Part des femmes dans la création d’entreprises individuelles en 2012 ................. 14

Tableau 1: Répartition des créateurs selon la taille en 2011 ....................................................... 15

Tableau 2 : Répartition des créateurs selon les moyens au démarrage ...................................... 16

Tableau 3 : Principales raisons ayant poussé à créer une entreprise en 2010 en % .................... 19

Tableau 4 : Distribution des créatrices et entrepreneuses selon secteur d’activité ................... 47

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« Tu veux avancer dans ton projet ou ton activité....alors sors

de ton cocon, car à la rencontre des autres, on y voit plus clair,

on partage ses difficultés et réussites, on renforce sa dynamique

et on avance mieux...

solution déjà testée et approuvée par celles qui réussissent !!!

Je t’invite à partager ce moment d’échanges et d’expériences

riches de vécus et de savoir-faire validés par le terrain, pour

savoir mieux : préparer, tenir et valoriser un rdv professionnel :

en atelier, ensemble. »

Martine Viguier

INTRODUCTION

Ce mémoire veut rendre compte d’un stage avec un double objectif : d’un côté,

l’accompagnement des femmes, de manière collective et dynamique, pendant la période pré et

post création de leur activité ou entreprise ; et de l’autre côté, la promotion des clubs des

créatrices à Montpellier et ses alentours. Ces dispositifs agissent comme leviers de

l’entrepreneuriat féminin, en même temps qu’ils permettent la promotion et le soutien des

entreprises créées par les femmes dans le département, les activités de formation et de

réseautage d’entrepreneuses, ainsi que la diffusion d’informations. Ce sont des lieux pour

échanger les pratiques et savoir faire, rencontrer des consultants, bénéficier de l’expérience

des autres et partager les projets de création.

Pendant cette période nous avons participé et observé plusieurs réseaux féminins formels

accessibles aux travailleuses indépendantes, aux créatrices, aux associées et dirigeantes des

entreprises, aux entrepreneuses-salariées en portage ou en couveuse, et aux repreneuses

d’activités et d’entreprises implantés à Montpellier et ses alentours, dont l’objectif essentiel est

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d’aider les femmes à créer leurs entreprises et de les accompagner dans leurs développements.

La participation à ces réseaux féminins a généré toute une série de questionnements non

seulement sur les rôles des femmes dans la société, mais aussi sur la méconnaissance du

processus entrepreneurial féminin et les dynamiques socioéconomiques autour de cette

démarche si entravée par des stéréotypes liés au genre. Hormis certaines études récentes,

l’entrepreneuriat féminin reste un domaine insuffisamment valorisé, voire marginalisé dans les

recherches.

Cela a amené à prendre en compte l’entrepreneuriat féminin comme objet de recherche,

impulsé aussi sur deux autres motivations :

D’un côté, l’importance de consolider un lien entre le développement économique et le

développement social. En effet, la création d’entreprises par les femmes constitue un double

enjeu : celui de la situation des femmes dans la société et le rôle de l’entrepreneuriat dans

cette même société (OCDE, 2004). En effet, l’entrepreneuriat féminin contribue au

développement économique via la création d’emploi, la croissance économique et la

valorisation de toutes les compétences d’un territoire ; il contribue au développement social en

tant que mécanisme de participation, voire d’insertion sociale, il est également un moyen qui

permet évoluer vers l’égalité entre les femmes et les hommes.

De l’autre côté, une démarche personnelle pour revendiquer la position active des femmes dans

la société. Aujourd’hui, il existe encore des différences entre les hommes et les femmes sur le

plan familial et de travail qu’il faut essayer de réduire. De même, la contribution des femmes

sur le développement économique et social est sous-évaluée. Cela implique de dépasser les

stéréotypes et représentations sexuées concernant les rôles des femmes dans la société, ainsi

que leur propre positionnement en tant que femmes créatrices et entrepreneuses.

Il faut tenir compte du fait que cette société est le résultat d’un processus de construction, avec

une dynamique et des caractéristiques propres qui vont ainsi affecter l’entrepreneuriat, son

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évolution et sa pérennisation. C’est pourquoi rendre l’entrepreneuriat féminin visible et lisible

est, d’après Martine Viguier, un moyen de valoriser tout le capital humain d’un territoire mais

aussi ré-humaniser le monde économique et lui donner un meilleur équilibre.

Dans cette logique, les réseaux professionnels féminins constituent un cadre d’observation

pertinent, voire idéal. Ils seraient le point de convergence des forces individuelles que chaque

femme créatrice et entrepreneuse mobilisent pour atteindre ses objectifs professionnels et

personnels, en consolidant, au fur et à mesure des rencontres, une force sociale immatérielle

qui va au-delà des intérêts particuliers. Tel que B. Duchéneaut le signale : « les réseaux

constituent une force de lobbying, reliée par le sentiment d’appartenance à une même

communauté, partageant les mêmes désirs et difficultés » (Duchéneut et Orham, 2000, p.340).

Étant décidé le cœur de notre étude, la problématique consiste à comprendre quel impact ont

les réseaux professionnels des femmes sur l’entrepreneuriat féminin. Cela implique d’analyser

les enjeux de cette « force sociale immatérielle » et de répondre aux questionnements : Est-ce

que les réseaux des femmes créatrices et entrepreneuses influencent positivement le

développement de l’entrepreneuriat féminin ? Et si c’est le cas, de quelle manière? Qu’est-ce

qu’ils apportent ?

Dans cette perspective, il faut observer les particularités dans les réseaux féminins : leur

constitution, la nature et la forme des échanges, les contenus qu’ils mobilisent, la façon dont

les relations et les contacts ont lieu, enfin, tout élément révélateur d’une dynamique

spécifique.

Dans un premier temps, nous allons aborder l’entrepreneuriat féminin et les réseaux des

femmes entrepreneuses, d’un point de vue théorique. Les définitions sont appuyées sur

différentes lectures et analyses des travaux académiques publiés ces dernières années et

répondent à un intérêt croissant des organismes internationaux et de l’opinion publique sur ces

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sujets. Ensuite, elles sont enrichies par des statistiques nationales et régionales, les

observations des experts et leurs conclusions.

La deuxième partie présente les aspects pratiques mobilisés pendant la période de stage pour

réaliser cette étude et l’analyse des résultats dans les clubs des créatrices de Montpellier et ses

alentours.

METHODOLOGIE DE RECHERCHE

Pour mener à bien cette recherche qualitative exploratoire, nous avons choisi de mobiliser

plusieurs outils, appuyés sur des sources primaires et secondaires, qui enrichissent l’analyse de

contenus et le processus d’observation de différents clubs de créatrices à Montpellier et ses

alentours.

Une première étape d’observation nous a permis de comprendre la dynamique des clubs des

créatrices. En tant que stagiaire, la participation aux clubs des créatrices nous a permis de nous

rendre compte de ce qui se passe dans les réunions, de rencontrer des femmes créatrices et

entrepreneuses et de nous y intégrer. Parlant de ce processus, les échanges d’informations et

le partage d’expériences, avec et entre les créatrices et entrepreneuses, se sont établis sur

une relation de confiance, de respect et de liberté d’expression.

Nous avons également participé aux conférences sur les réseaux féminins à Montpellier et ses

alentours, aux colloques sur la condition des femmes dans la société, et à différentes

manifestations socio-économiques. Cela nous a permis de recueillir des informations, de

repérer le contexte et vérifier des données qualitatives et quantitatives.

Dans un deuxième temps, huit entretiens semi-directifs auprès des femmes porteuses de

projet, créatrices et entrepreneuses ont été conduites, ayant pour objectif d’identifier

l’importance des réseaux dans le processus entrepreneurial des femmes, comprendre la

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dynamique d’un réseau féminin et comment elles s’en servent pour développer leur projet

professionnel, voire personnel. Toutefois, cela ne constitue pas un échantillon représentatif

sinon une photographie d’une réalité à un moment donné.

En plus, ces entretiens vont fournir des outils d’analyse pour évaluer si dans ce tissu relationnel

quelque peu hétérogène, nous pouvons parler de l’existence ou pas d’une force sociale

immatérielle. Puis, si c’est le cas, observer sa nature, sa création et son évolution. Ceci dit, nous

ne sommes pas dans une démarche quantitative ni comparative, bien que le terme impact nous

renvoie à une notion de mesure.

D’un autre côté, ces entretiens seront accompagnés des témoignages, des interventions de

créatrices au sein des clubs, des conclusions faites lors des conférences sur l’entrepreneuriat

féminin, et de colloques et séminaires liés à ce sujet.

L’analyse de contenus sera appuyée également sur des données secondaires telles que des

rapports d’activités, des articles de presse, des informations issues des sites internet, des

statistiques officielles et produites par des organismes nationaux et internationaux.

Ces techniques permettront de décrire et de comprendre les pratiques des femmes créatrices

et entrepreneuses au sein d’un réseau professionnel, la nature des échanges, la façon dont

elles mobilisent ce capital relationnel, voire social, et situer l’importance de la participation au

sein des réseaux dans le processus entrepreneurial.

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PARTIE I. APPROCHE THÉORIQUE SUR L’ENTREPRENEURIAT FEMININ

ET LES DISPOSITIFS DE RÉSEAUTAGE FEMININ AUTOUR DE CETTE

DEMARCHE.

CHAPITRE 1. L’ENTREPRENEURIAT FÉMININ COMME MECANISME DE PARTICIPATION

SOCIO-ÉCONOMIQUE ET SES SPÉCIFICITÉS

« La création d’entreprise est un projet professionnel qui se propose un triple objectif,

l’intégration socio-économique du créateur, l’intégration de l’entreprise dans son

environnement économique et l’harmonisation des dynamiques qui caractérisent l’individu et

son projet qui devient entreprise » (Brasseur, 2010, p.283).

Si on part du fait que les entrepreneurs sont des personnes qui détiennent la totalité ou une

part significative de la propriété d'une entreprise, et exercent de ce fait un contrôle direct sur

ses activités, l’entrepreneuriat féminin est donc le processus de création, de gestion et de

croissance des entreprises développées par les femmes, y compris la catégorie de travailleuses

indépendantes, les créatrices, les associées et dirigeantes des entreprises, les entrepreneuses-

salariées en portage ou en couveuse, et les repreneuses d’activités et d’entreprises.

Cela constitue non seulement un mode d’insertion professionnelle et d’affirmation de soi, mais

aussi un moyen de transformation et d’appropriation du territoire, ayant une incidence sur la

croissance économique et la génération d’emplois. En effet, l’OCDE dispose de certaines études

qui estiment l’impact économique de l’entrepreneuriat féminin notamment dans sa capacité à

créer des emplois pour elles-mêmes et pour d’autres (OCDE, 2004).

Bien qu’il y ait eu quelques progrès, la contribution des femmes et leur importance pour le

développement économique et social restent inconnues, voire dévalorisées par l’ensemble de

la société. Nous constatons ainsi un manque de reconnaissance de l’entrepreneuriat féminin et

d’une insuffisance de mesures capables de prendre en compte la force de cette ressource. En

12

effet, hors certaines études, les données statistiques sexuées et les études sur le sujet restent

rares et parcellaires (Bel ; 2009). Nous sommes ainsi face à une structure sociale génératrice de

nouvelles formes d’inégalités envers les femmes.

En France, d’après les données de l’INSEE, les femmes représentent en moyenne 47,8% de la

population active en 2012. Par contre, seulement un créateur d’entreprise sur trois est une

femme. En effet, 38% des entreprises créées en 2012 l’ont été par des femmes, pourtant elles

ont tout autant l’envie de créer que les hommes (Filatriau et Batto, 2012). Les femmes restent

ainsi moins nombreuses parmi les non-salariées1 et doivent faire face à plusieurs obstacles pour

créer/reprendre leur entreprise.

De plus, l’écart de rémunération entre hommes et femmes travailleurs et travailleuses

indépendantes est de 40%. Cet écart pourrait s’expliquer pour certains facteurs tels que le

secteur d’activité, l’ancienneté comme non-salariée, l’âge, la taille de l’entreprise, la

pluriactivité et la durée du travail plus faible pour les femmes que pour les hommes (Favre,

2009). Martine Viguier, consultante en entrepreneuriat féminin, y ajoute l’impact de

l’éducation chargée de stéréotypes, la structuration patriarcale, patrilinéaire et patrimoniale de

la société et la disparité de répartition des tâches domestiques et familiales. D’après elle, la plus

haute barrière à franchir se trouve dans la tête des femmes et des hommes, ainsi que dans leur

représentation du monde économique où les femmes sont (ou se sentent) dans l’invisibilité,

même si les médias commencent à en parler.

Malgré ces barrières, ce qui est clair c’est que les femmes sont de plus en plus nombreuses à

vouloir entreprendre et la façon dont elles s’impliquent pour leur création répond à un besoin

de légitimité et de reconnaissance de leur métier. Selon le sondage mené par OpinionWay

(2012) l’appétence des femmes pour la création d’entreprise est une réalité : près d’une femme

1 Les travailleurs non salariés sont des créateurs d’entreprise (Eurl), des gérants majoritaires d’une Sarl, des travailleurs individuels indépendants (commerçant, artisan, professionnel libéral)

13

sur cinq (18%) se dit prête – ou est en train- de créer ou reprendre sa propre entreprise, soit

près de 5 millions d’entrepreneuses potentielles au sein de la population française.

Face à cette réalité, il est important d’analyser les parcours des femmes dans la création et

gestion de leur entreprise, en particulier, leurs déterminantes spécifiques, leurs motivations et

leurs obstacles qui constituent leur expérience entrepreneuriale.

1.1. Les spécificités des projets de création chez les femmes créatrices et

entrepreneuses : une dynamique propre ou une reproduction des stéréotypes?

Les études liées à l’entrepreneuriat féminin en France et dans le monde constatent certaines

tendances dans le processus entrepreneurial féminin. Comprendre ces tendances permettra

d’expliquer, d’une certaine façon, le potentiel économique de l’entrepreneuriat féminin, et

d’envisager des stratégies de croissance et de consolidation à son égard.

Cependant, il faut garder une position critique par rapport à ces résultats et éviter de tomber

dans une définition sexuée des métiers, voire des préjugés sur les capacités des hommes et des

femmes ; car cela soulève la question de la reproduction de stéréotypes et le risque de

banalisation des métiers.

1.1.1. La caractérisation de la démarche entrepreneuriale

En premier lieu, on retrouve la plupart des femmes non-salariées dans les activités de

commerce de détail, les services aux personnes (coiffure, soins de beauté, pressing, etc.),

l’industrie textile, la santé (service paramédical, dentiste, infirmière, kinésithérapeute), les

services aux entreprises (dont conseils, formations, assistance et services opérationnels), la

restauration, les activités récréatives et culturelles. Par contre, elles sont moins nombreuses

dans le secteur de transport dont le commerce et la réparation d’automobile, le secteur de

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l’information, de la communication, des finances, de la construction et de l’industrie (Hagege,

Masson ; 2012). D’après la DGCIS, la proportion des femmes en profession libérale2 est de

42,8% en 2011 dont 65% dans le secteur juridique et médical.

Graphique 1

Part des femmes dans la création d’entreprises individuelles en 2012

Lecture : dans le secteur de l’enseignement, de la santé humaine et de l’action sociale, la part des femmes dans les créations d’entreprises individuelles s’élève à 60,5 % en 2012 après 56,8 % en 2002. Champ : ensemble des activités marchandes non agricoles. Source : Insee, Répertoire des entreprises et des établissements (Sirene).

En 2012, la part des femmes qui ont crée leurs entreprises individuelles dans le secteur de

l’enseignement, la santé humaine et l’action sociale est 60,5%, et à 57% dans les services aux

ménages. Quant aux hommes créateurs, ils sont très présents dans l’information et la

communication (83%) et dans la construction (97%) (Hagege, Masson ; 2012).

Malgré l’évolution, on retrouve ces attributions stéréotypées : aux femmes la sollicitude,

l’éducatif, la santé, autrement dit les services et le « care », et aux hommes la technique, la

2 La définition des professions libérales à été introduite par l’article 29 de la loi 2012-387: « Les professions

libérales groupent les personnes exerçant à titre habituel, de manière indépendante et sous leur responsabilité, une activité de nature généralement civile ayant pour objet d'assurer, dans l'intérêt du client ou du public, des prestations principalement intellectuelles, techniques ou de soins mises en œuvre au moyen de qualifications professionnelles appropriées et dans le respect de principes éthiques ou d'une déontologie professionnelle, sans préjudice des dispositions législatives applicables aux autres formes de travail indépendant » (DGCIS, 2012).

15

construction, l’innovation, autrement dit l’industrie (Fédération Nationale Des Caisses

D’Épargne ; 2012). D’ailleurs, Dominique de la Garanderie, première femme élue bâtonnière en

1998, constate dans le domaine juridique cette division stéréotypée : « Aux femmes, le droit de

la famille, celui des étrangers et, éventuellement, le droit social. Aux hommes, le droit pénal

des affaires, qui mêle argent et pouvoir ».

D’un autre côté, les femmes entrepreneuses créent d’avantage des PME et des TPE,

notamment pour créer leur propre emploi. Ceci s’explique en partie par le tissu économique

français qui compte une majorité d’entreprises sans salariés. D’après l’INSEE, en 2011, la

proportion des créations d’entreprise sans salarié est élevée, que l’on considère toutes les

entreprises (94 %) ou uniquement celles ne relevant pas du régime de l’auto-entreprise (88 %).

Tableau 1

Répartition des créateurs selon la taille en 2011

Nombre de salariés Créations totales dont hors auto-entreprises

0 salarié (ou non déterminé) 94,3 87,9

1 à 2 salariés 4,2 8,8

3 à 9 salariés 1,1 2,4

10 salariés ou plus 0,4 0,9

Ensemble (en nombre) 549 788 258 067

Champ : France, activités marchandes hors agriculture. Source : Insee, REE (Répertoire des Entreprises et des Établissements - Sirene).

Selon la direction du commerce, de l’artisanat, des services et des professions libérales les

femmes ont 4 fois moins de chances que les hommes de diriger une entreprise comptant de 1 à

3 salariés, et de 7 et 33 moins de chances de diriger une entreprise comptant de 4 à 9 salariés

et de 10 salariés ou plus, plutôt qu’une entreprise sans salarié (DCASPL ; 2008). Le ministère du

redressement productif estime aujourd’hui à 820.000 le nombre d’entreprises de moins de 10

salariés dirigées par des femmes en France.

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Depuis 2009, les créateurs d’entreprise sur le régime auto-entrepreneur 3 forment une

composante de la population non-salariée dont 295.000 sont des femmes. Elles représentent la

moitié des nouveaux auto-entrepreneurs dans l’enseignement, la santé et l’action sociale, dans

les services aux ménages et dans l’industrie (fabrication des vêtements, d’articles de bijouterie

fantaisie). En 2012, parmi l’ensemble de demandes de créations, 56% des nouvelles

immatriculations le font sous ce régime, de plus elles représentent 79% des seules créations

d’entreprise individuelle (Filatriau et Batto, 2013).

Nous pouvons constater que les femmes ont moins le goût du risque ou le prennent moins : les

femmes entrepreneuses ont tendance à emprunter moins que les hommes et démarrent plus

souvent avec moins de capitaux qu’eux. En 2010, 46,4% des femmes ont réuni moins de 8000

euros de capitaux initiaux dont 34,1% ont réuni moins de 4000 euros. De l’autre côté, 21,1%

ont réuni 40000 euros ou plus pour démarrer leur activité, étant presque aussi nombreuses que

les hommes (22.9% des hommes ont réuni 40000 euros ou plus) (INSEE; 2010b).

Tableau 2

Répartition des créateurs selon les moyens au démarrage

Moyens nécessaires Entreprises

créées en 2010

F H

Moins de 4 000 euros 34,1 27,9

De 4 000 euros à moins de 8 000 euros 12,3 14,2

De 8 000 euros à moins de 16 000 euros 15,4 17,5

De 16 000 euros à moins de 40 000 euros 17,1 17,5

40 000 euros ou plus 21,1 22,9

Ensemble 100,0 100,0 Champ : France, entreprises créées (hors reprises) au cours du 1er semestre 2010, actives en septembre 2010 et exerçant des activités marchandes non agricoles. Source : Insee, enquête Sine 2010 - première interrogation (2010).

3 Le statut d’auto-entrepreneur vise à faciliter la création de petites entreprises. Pour bénéficier de ce régime

d'entrepreneur individuel, le chiffre d'affaires doit être inférieur à certains montants selon l'activité. Ce statut est cumulable avec un salaire, une pension retraite ou des allocations chômage. L'auto-entrepreneur doit contribuer à l'impôt à proportion de son chiffre d'affaires, selon un choix d'imposition qui lui est proposé. L'auto-entrepreneur peut monter une petite entreprise dans sa résidence principale et cette, même s'il n'est que simple locataire, sous réserve de ne pas nuire à son voisinage. Le créateur peut, par simple déclaration devant un notaire, rendre sa résidence principale insaisissable, et également ses biens fonciers bâtis ou non-bâtis non affectés à l'usage professionnel (Les Echos,

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Les femmes qui se lancent dans la création d’entreprise sont plus diplômées que les hommes et

légèrement plus âgées 4 : 58% des femmes entrepreneures sont diplômées de l’enseignement

supérieur contre 47% des hommes. Le domaine dans lequel elles ont étudié correspond, dans la

majorité des cas, au secteur d’activité de leur entreprise. Cela explique l’importante présence

féminine dans des activités réglementées comme les activités de la santé ou les activités de

conseils et d’assistance. Cependant elles sont moins expérimentées car souvent elles sont

employées, au chômage ou inactives avant de créer leur(s) entreprise(s) : 15,8% des créatrices

étaient sans activité avant la création. (Fédération Nationale Des Caisses D’Épargne ; 2012)

D’ailleurs, les femmes se sont davantage lancées seules dans la création d’entreprise : 56% des

femmes ont créé leur société seule et par la suite, la majorité a fait le choix de rester

indépendante. Cependant, elles affichent le besoin d’être accompagnées en matière de

gestion/finance, lors du montage de projet, dans leurs démarches par des organismes

spécialisés dans la création d’entreprise (Laboratoire de l’égalité, 2012).

Un autre point sur lequel les femmes sont en disparité est en lien avec le niveau de

développement à l’international. L’étude OSEO (2012) signale la dimension nationale des

projets portés par des femmes : 60% des créations féminines s’adressent à des marchés

uniquement français, contre seulement 40% pour les hommes.

En général, l’entrepreneuriat féminin en France est toujours influencé par les représentations

des rôles que la société attribue aux hommes et aux femmes. Pourtant, nous ne pouvons pas

définir un seul type de femme créatrice et entrepreneuse car chacune d’entre elles a ses

propres motivations, que nous reprendrons ci-dessous, mais aussi son propre parcours

professionnel et sa propre démarche de création avec ses difficultés et réussites. Nous

parlerons ainsi d’une hétérogénéité de l’entrepreneuriat féminin qui contribue au

4 D’après l’INSEE, l’âge moyen des créateurs d’entreprises individuelles est de 38 ans.

18

développement du pays (dans une approche économique) et à la reconnaissance des femmes

dans la société.

1.1.2. Les motivations des entrepreneuses pour créer leur entreprise

Les motivations des femmes sont proches de celles des hommes. Cependant, d’après Viviane

de Beaufort, la stagnation de carrière et l’opportunité de briser le plafond de verre5 et de

s’affranchir d’une hiérarchie qui ne leur offre pas de perspectives, peuvent aussi les inciter à se

tourner vers l’entrepreneuriat (BEL ; 2009). Selon l’enquête de l’INSEE, voici les principales

raisons ayant poussé les entrepreneures à créer leur entreprise en 2010:

• L’indépendance financière: Pour 61% des femmes le désir d’indépendance est la première

des raisons car elle répond à cette recherche d’autonomie et de flexibilité dont elles ont

besoin.

• Le goût d’entreprendre et le désir d’affronter de nouveaux défis : 41,3% des femmes

cherchent la réalisation de soi, voire l’affirmation de leurs valeurs et leurs croyances, à

travers leurs projets de création. La création de leur propre entreprise peut donc constituer

une étape importante de leur parcours professionnel.

• Assurer un emploi, par défaut d’un emploi salarié : l’objectif de 20,4% des entrepreneuses

est d’assurer leur propre emploi, se constituant ainsi une condition de survie financière.

Cela fait de l’entrepreneuriat une alternative aux formes d’emplois traditionnels.

• Une opportunité de création ou une passion transformée en création: 25,4% ont saisi

l’opportunité qui s’est présentée.

5 Le phénomène du plafond de verre désigne les barrières invisibles, créées par des préjugés comportementaux et organisationnels, qui empêchent les femmes d’accéder aux postes de direction (OIT ; 1997)

19

Tableau 3

Principales raisons ayant poussé à créer une entreprise en 2010 en %

Hommes Femmes Ensemble

Etre indépendant – e 60,5 61,3 60,7

Goût d’entreprendre et désir d’affronter de nouveaux défis 45,4 41,3 44,2

Perspective d’augmenter des revenus 27,3 24,7 26,6

Opportunité de création 21,5 25,4 22,6

Idée nouvelle de produit, de service ou de marché 14,7 13,4 14,3

Exemples réussis d’entrepreneurs dans l’entourage 8,4 9,1 8,6

Sans emploi, a choisi de créer son entreprise 19,8 20,4 20,0

Sans emploi, y a été contraint 4,2 3,6 4,0

Seule possibilité pour exercer sa profession 6,8 10,6 7,8

Note : les créateurs d’entreprise pouvaient indiquer jusqu’à trois raisons différentes. La somme des

pourcentages pour les hommes et pour les femmes dépassent ainsi 100%

Source : Insee, enquête 2010 – première interrogation (2010)

L'aspiration à une meilleure qualité de vie est également une motivation des femmes

créatrices. Selon le sondage « Les femmes et la création d’entreprise en France», 61% des

femmes estiment que l’activité professionnelle idéale doit, avant tout, leur permettre de

s’épanouir pleinement dans leur travail, et pour 69% des femmes la création d’entreprise

constituerait une voie plus épanouissante que le salariat. En outre, l’autonomie, voire la

flexibilité d’organiser leur temps, est très valorisée car cela leur permet de gérer leurs multiples

responsabilités. Un chiffre d'autant plus fort que 60 % estiment que l'activité professionnelle

idéale doit permettre d'équilibrer vie professionnelle et vie personnelle, et près de la moitié

d'entre elles (46 %) pensent que la fonction de chef d'entreprise peut permettre d'atteindre cet

équilibre (APCE ; 2012).

1.1.3. Les difficultés rencontrées par les créatrices et entrepreneuses

Selon une enquête commandée par le Laboratoire de l’Egalité, les principaux problèmes

rencontrés par les entrepreneuses concernent « le manque de soutien » et la « difficulté à

trouver des fonds pour financer le projet ». Les femmes jugent également « l’inégalité dans la

répartition des taches familiales » comme un frein dans leur processus d’émancipation et

20

d’autonomie professionnelle car elles auraient moins de temps pour le développement de leur

projet, ainsi que la difficulté de concilier la vie professionnelle et personnelle. D’après les

chiffres-clés de l’égalité entre les femmes et les hommes en 2011, les femmes assurent encore

80% des tâches domestiques, ce qui démontre une dissymétrie importante entre les femmes et

les hommes concernant le partage des tâches familiales.

De plus, beaucoup de femmes n’ont pas une culture d’entreprise et se sentent moins à l’aise

dans un monde professionnel « traditionnellement masculin » primé par la prise de risque

économique et financière. Le sondage mené pour l’APCE, CER France et le Salon des

Entrepreneurs en 2012 montre que 35% des femmes ont le sentiment d’avoir un manque de

compétences nécessaires à la fonction de chef d’entreprise, notamment dans le domaine

gestion/finance. Cela est accentué par des cursus de formation générale, l’existence d’un

« plafond de verre » qui les auraient privées d’expérience de direction et un manque

d’information sur les solutions spécifiques dont elles peuvent bénéficier.

Dans la même étude, les femmes expriment la difficulté à convaincre leur entourage du bien

fondé de leur démarche comme un frein très lourd à soulever: 56% avancent « le manque de

crédibilité » tandis que 42% des femmes expriment de la « difficulté à convaincre les banquiers

ou investisseurs ».

Plusieurs travaux indiquent aussi l’absence d’un réseau professionnel dont bénéficie le créateur

en amont (contacts clients ou fournisseurs) grâce notamment à ses expériences

professionnelles antérieures. Le Centre d’Analyse Stratégique constate que les femmes sont

plus isolées que les hommes : parmi les repreneuses d’entreprises, 65% déclarent n’avoir

bénéficié d’aucune aide de l’entourage pour leur création, dont 58% parmi les créatrices

d’entreprises.

Cependant, l’obstacle plus contraignant est le manque de confiance en elles, renforcé par

l’acceptation des stéréotypes qui les conduisent à se méprendre sur leurs propres compétences

21

et à avoir du mal à convaincre leur entourage (OCDE, 2004). « C’est comme si elles se sentaient

moins légitimes sur le terrain économique. Elles sont moins enclines que les hommes à prendre

des risques, à demander des capitaux (sous-capitalisation entraînant fragilité au départ), à

rechercher un pouvoir, à valoriser leurs compétences et savoir-faire sur le marché, voire à oser

dire qu’elles ont un projet» (Viguier ; 2012).

Sur le plan technique, les créateurs et les créatrices ont les mêmes difficultés à surmonter dans

leur processus de création : l’accès au financement, le manque de connaissances et

d’informations pour faire un budget prévisionnel, calculer le Besoin en Fonds de Roulement

(BFR), établir un prix, faire les études de marché, l’établissement des contacts avec la clientèle,

entre autres. Cependant, elles sont plus nombreuses à avoir peur d’échouer (23% contre 15%

pour les hommes) (EGEE ; 2011).

1.1.4. La promotion de l’entrepreneuriat féminin et les dispositifs à son égard

L’entrepreneuriat féminin représente aujourd’hui un enjeu économique et social pour l’Union

Européenne, notamment comme un moyen de relancer la croissance économique et de créer

des nouveaux emplois dans le climat de crise économique actuelle. Bien que la grande majorité

des dispositifs sur la création d’entreprise concernent aussi bien les hommes que les femmes, il

existe en France et en Europe certains dispositifs destinés à développer l’entrepreneuriat

féminin.

La Commission Européenne encourage les femmes à devenir chefs d’entreprise : elle a créé en

2009 un Réseau européen d’ambassadrices de l’entrepreneuriat féminin visant à promouvoir

l’entrepreneuriat dans les écoles, les universités, les groupes locaux et des médias, afin d’inciter

les femmes et les jeunes filles à se mettre à leur compte. Ce réseau a été suivi par le Réseau

européen de mentors pour femmes entrepreneures qui fournit des conseils et du soutien aux

femmes ayant récemment créé leur entreprise.

22

En France, l’actuel gouvernement s’est engagé pour le développement de l’entrepreneuriat

féminin. La ministre, Najat Vallaud-Belkacem, prépare donc un plan pour inciter les femmes à

créer leur entreprise, construit autour de trois priorités : développer une orientation pour la

mixité ; renforcer et compléter les prestations d’accompagnement et faciliter l’accès au

financement (Ministère des droits des femmes).

Concernant le financement, le Fond de Garantie pour la création et le développement des

entreprises à l’Initiative des femmes (FGIF) facilite l’accès au crédit bancaire en apportant à la

banque la caution garantie par l’Etat (à hauteur de 70%) pour un montant d’emprunt garanti

limité à 27000€, en offrant un soutien en phase de création. La durée de remboursement oscille

entre 2 à 7 ans. Ces prêts sont distribués par Initiative France et France Active, et ils sont

destinés à financer des besoins en fonds de roulement ou des investissements en phase de

création, reprise ou développement d’une entreprise (hors crédit bail) au cours des 5 premières

années suivant la création.

En cas de maternité, la créatrice ou entrepreneuse est dans le régime travailleur non-salarié, il

existe deux types d’allocations : l’allocation forfaitaire de repos maternel et l’indemnité

journalière forfaitaire d’interruption d’activité6.

Il existe aussi des structures, du genre pépinières, des associations ou des incubateurs, qui

offrent aux femmes et aux hommes des services spécialisés pour la création d’entreprise tels

que formations à la gestion, des services logistiques, le soutien à la création et à l’innovation,

l’accès aux réseaux, entre autres.

6 L’allocation forfaitaire de repos maternel est destinée à compenser partiellement la diminution de l’activité, et

dont le montant correspond au plafond mensuel de la sécurité sociale, c'est-à-dire 3031 euros au 01/01/2012 ; et l'indemnité journalière forfaitaire d'interruption d'activité, en cas d'arrêt pendant 44 jours consécutifs, dont 14 jours au moins avant la date présumée de l'accouchement, arrêt pouvant être prolongé de 15 ou 30 jours. Le montant de l'indemnité est égal, par jour calendaire, à 1/60 du plafond de la sécurité sociale. Il correspond donc, au 01/01/2012, à 2 192,08 euros pour 44 jours, à 2 939,38 euros pour 59 jours et à 3 686,68 euros pour 74 jours.

23

Cependant, la proportion des femmes qui accèdent à ce type d’outils est minoritaire soit parce

qu’elles ignorent leur existence ou la nature de l’appui, ou soit parce qu’elles ont le sentiment

de ne pas avoir le droit ou la possibilité d’y accéder. Selon l’étude du Centre d’Analyse

Stratégique sur l’entrepreneuriat féminin, seulement 11% des femmes entrepreneuses

connaissent le FGIF (17% parmi les créations les plus récentes et 33% parmi celles qui ont été

aidées par des réseaux d’accompagnement au démarrage de leur activité). En plus, beaucoup

d’entre elles préfèrent ne pas prendre le risque. (Bernard, Le Moign et Nicolaï ; 2013)

Pour ces raisons, et afin que la méconnaissance des dispositifs ne continue pas à être une

barrière de plus à la création d’entreprises par les femmes, nous avons essayé de les repérer et

participer ainsi à la visibilité de l’entrepreneuriat féminin. (Annexe 1 : Dispositifs d’aide à la

création d’entreprises par les femmes)

Cet état de choses met en évidence l’importance de faire évoluer les dispositifs visant à

supprimer les barrières à l’entrepreneuriat féminin car les femmes ont besoin de mesures de

soutien adaptées lorsqu’elles créent leur entreprise. Déjà en 2002, tous les observateurs

constatent l’insuffisance des données capables de décrire la réalité de l’entrepreneuriat

féminin, ainsi que le manque d’évaluation et des dispositifs adaptés. (Fiducial, 2002). Les

pouvoirs publics jouent donc un rôle déterminant dans la reconnaissance de l’entrepreneuriat

féminin, voire dans sa lisibilité et visibilité, de même que dans l’accès au financement et le

développement d’actions adaptées à son égard.

1.2. Le contexte de l’entrepreneuriat féminin à Montpellier et ses alentours.

La situation économique en Languedoc-Roussillon, comme au niveau national, s’est modifiée au

cours des dernières années, ayant une répercussion sur l’activité économique et

professionnelle des femmes. Bien que les écarts entre les hommes et les femmes se réduisent,

il y a encore des clivages très marqués.

24

D’après une étude de l’INSEE sur la situation entre hommes et femmes en Languedoc-

Roussillon, les femmes représentent 52% de la population, mais le taux d’activité féminine

reste inférieure : 63% d’actives contre 72% d’actifs (AlbertI, Mas ; 2012). D’ailleurs, Montpellier

Agglomération est l’une des 3 intercommunalités les plus féminisées du Languedoc-Roussillon.

La création d’entreprises par les femmes n’y est pas exclue. C’est en raison de ce constat, que

nous ferons dans un premier temps une brève description de la région, pour éclairer ensuite la

place que prennent les femmes créatrices et entrepreneuses dans ce tissu socio-économique.

La région est l’une des plus fragiles de la métropole : l’Insee, dans son dossier sur « L’année

économique et sociale 2012 en Languedoc-Roussillon », signale la création de 29927

entreprises dans la région, dont 13677 dans l’Hérault, avec un recul par rapport à 2011. La

baisse est imputable au recul des créations d’entreprises individuelles hors auto-entrepreneurs

et de sociétés, qui ont diminué respectivement de -22% et de -4%. En revanche, les

immatriculations d’auto-entreprises repartent à la hausse, +8% en 2012. Depuis 2009, les

créations d’entreprises individuelles sous le régime de l’auto-entreprise restent majoritaires à

niveau régional, elles représentent 58%. Néanmoins, seulement 48% des auto-entrepreneurs

sont économiquement actifs (INSEE, 2013a).

La création d’entreprises, notamment des TPE, a ralenti dans tous les secteurs, principalement

dans les secteurs du « commerce » et des « activités immobilières ». Les secteurs de la

« construction » et celui des « autres services aux ménages » sont également affectés par la

baisse des créations. Néanmoins, les secteurs du commerce et de la construction concentrent

un grand nombre d’entreprises dans la région, soit respectivement 21% et 16% (INSEE, 2013b).

Dans ce contexte régional, le maillage institutionnel joue un rôle très important dans

l’accompagnement des porteuses de projets. Parmi eux, le CIDFF exerce une mission

d’information, d’orientation, d’accompagnement, de rencontres, de suivi et de réorientation en

cas de non aboutissement du projet de création d’entreprise.

25

Grâce à l’initiative du Conseil Général de l’Hérault et la Direction Départementale du Travail, de

l’Emploi et de la Formation Professionnelle, il existe, dans la région la Plateforme

Interdépartementale de la Création d’Activité qui rassemble des structures d’appui centrées sur

la création, la transmission et la reprise d’entreprise.

Trois créateurs sur dix sont des femmes. Elles créent notamment dans les services aux

particuliers et aux entreprises, un secteur où la quasi-totalité des entreprises n’a aucun salarié

et qui répond plutôt à la génération de leur propre emploi.

Les âges, aux dates des créations des entreprises, se situent dans la moyenne nationale des

femmes, c’est-à-dire entre 35 et 40 ans. Elles ont un niveau d’études très satisfaisant, avec des

diplômes supérieurs qui se reconvertissent plus souvent dans les services aux entreprises.

Cette approximation sur les conditions de l’entrepreneuriat féminin à Montpellier et ses

alentours reste insuffisante, car il n’y a pas un système statistique moderne capable de rendre

compte du poids de l’entrepreneuriat féminin sur l’économie ni de son rôle sur le processus

d’empowerment de femmes dans la société. Ceci limite nos propos, dans le sens où nous

sommes allées sur le terrain avec des informations pas forcements à jour et qui ne reflètent pas

la réalité des femmes créatrices et entrepreneuses dans le territoire.

26

CHAPITRE 2. LES RÉSEAUX PROFESSIONNELS FEMININS ET LEUR CAPACITÉ A

MOBILISER LE CAPITAL SOCIAL DES CRÉATRICES ET DES ENTREPRENEUSES

Les réseaux professionnels sont des espaces de rencontres, d’information, de dialogue et

d’échanges qui regroupent des personnes ayant un intérêt commun et une volonté d’entraide.

De même, ce sont des structures, voire des processus, qui permettent l’interaction et la

socialisation entre les individus. Ceci favorise la gestion et le tissage des liens intra-

organisationnels et inter-organisationnels à multi-niveaux (Brass, 2004).

Outre un moyen pour acquérir des contacts et accéder à des marchés déterminants pour le

développement de l’entreprise, le réseau devient ainsi un système en constante évolution où

les acteurs participent de manière interdépendante à la construction d’une identité et

mobilisent leurs ressources pour intervenir sur le contexte socio-économique dont ils

dépendent. En effet, ils permettent le partage d’expériences, l’échange d’apprentissages

collectifs, la circulation d’informations et l’acquisition de connaissances individuelles dont une

meilleure connaissance des étapes du processus entrepreneurial et de leur contenu.

Les réseaux se tissent au niveau local comme à l’échelle nationale voire internationale. Ils

peuvent être formels (ayant un cadre juridique défini) ou informels (sans cadre formalisé,

faisant référence à l’ensemble des relations d’une personne, liées à elle par des rapports

d’estime mutuelle). Il existe aussi des réseaux généralistes, des réseaux par métier, par

branche, par secteur d’activité, par diplôme et par genre. En effet, face à l’explosion des

réseaux et de leur influence, les femmes se sont emparées du phénomène pour créer leurs

propres structures et s’inscrire dans un mouvement d’égalité professionnelle et d’action

collective (Boni – Le Goff, 2012).

En effet, les ressources mobilisées dans les réunions régulières et les interactions répétées

constitueraient une forme de capital social pour les femmes créatrices et entrepreneuses. Mais,

27

qu’est-ce que le capital social ? Quel type de ressources mobilise-t-il? Quelle est leur

importance dans une démarche entrepreneuriale?

2.1. L’analyse de réseaux sous la loupe du capital social

Afin de comprendre les enjeux sociaux et économiques des réseaux professionnels dans le

cadre de l’entrepreneuriat féminin et comment ils favorisent la communication, la

reconnaissance et la mise en commun d’objectifs, nous reviendrons dans un premier temps sur

les notions de capital social et de réseaux, au sens général du terme. Dans un deuxième temps,

nous analyserons le lien entre le capital social mobilisé par les réseaux et son impact sur

l’entrepreneuriat.

2.1.1. La notion de capital social et le rôle inhérent des réseaux dans sa mobilisation

Il existe plusieurs perspectives pour analyser le concept de capital social et malgré la grande

quantité des travaux depuis une vingtaine d’années, il reste un concept flou, difficile à mesurer.

Cela explique le caractère multidimensionnel du capital social, mais ce n’est pas pour autant

qu’il faut dénier son importance. Néanmoins, la notion générale du capital social repose sur

l’idée que la participation à des groupes et les normes qui y sont attachées peut avoir des effets

bénéfiques pour les individus et pour la collectivité (Ponthieux, 2004).

Selon Bourdieu, le capital social est « l’ensemble des ressources actuelles ou potentielles qui

sont liées à la possession d’un réseau durable de relations plus ou moins institutionnalisées

d’interconnaissance et d’interreconnaissance ; ou, en d’autres termes, à l’appartenance à un

groupe, comme ensemble d’agents qui ne sont pas seulement dotés des propriétés communes

(susceptibles d’être perçues par l’observateur, par les autres ou par eux-mêmes) mais sont

aussi unis par des liaisons permanentes et utiles » (Bourdieu, 1980, p. 2). Cependant, pour lui le

capital social n’est pas une notion centrale et n’a pas de sens séparé de son contexte

28

conceptuel, en l’occurrence les autres formes de capital (économique et culturel) avec

lesquelles il s’articule.

Pour James Coleman, le capital social désigne « la capacité des individus à travailler ensemble

pour un objectif commun dans des groupes ou des organisations » (Coleman, 1988). Cette

définition renvoie à l’idée que le capital social est inhérent à la structure des relations entre les

personnes et parmi les personnes. Le capital social se manifeste donc sur trois formes : 1) le

système des obligations et attentes réciproques qui dépendent du degré de confiance mutuelle

au sein d’une structure sociale ; 2) les réseaux de circulation de l’information, car les acteurs se

procurent mutuellement de l’information même si l’acquisition d’information n’est pas la

motivation des relations ; 3) l’existence des normes et l’assurance de leur application

(Lallement ; 2004)

D’autre part la Banque Mondiale définie le capital social comme les normes et les réseaux qui

permettent l’action collective. « Le capital social englobe les institutions, les relations et les

normes qui façonnent la qualité et la quantité des interactions sociales d’une société. D’ailleurs,

la cohésion sociale est essentielle pour que les sociétés prospèrent économiquement et que le

développement soit durable. « Le capital social n’est pas seulement la somme des institutions

qui sous-tendent une société – c’est le ciment qui les maintient ensemble » (Banque Mondiale).

Cette approche macro-sociale est basée sur les travaux de R. Putnam qui met l’accent sur le

rôle des institutions dans la construction d’un tissu social capable de contribuer à l’efficience

économique d’un territoire en diminuant les coûts de coordination et de coopération, c’est-à-

dire les coûts de transactions. Il définit le capital social comme « les caractéristiques des

organisations sociales telles que les réseaux, les normes, et la confiance sociale qui facilitent la

coordination et la coopération pour un bénéficie mutuel » (Putnam, 1995, p.67). Si en tant que

processus, le réseau est le liant, ce sont les personnes qui créent la qualité des liens d’un

réseau. (Viguier, 2013)

29

La perspective macro-sociale est aussi avancée par Fukuyama qui met en évidence l’existence

de corrélations significatives entre développement économique et performances des structures

individuelles d’une part, et de degré de confiance d’autre part : « le capital social est une

aptitude qui découle de la confiance dans une société ou dans certaines de ses composantes. Il

peut être incorporé dans les groupes sociaux les plus petits et les plus élémentaires, la famille,

aussi bien que dans les plus grands comme la nation et dans tous les groupes intermédiaires. Le

capital social diffère des autres formes de capital humain parce qu’il est généralement créé et

transmis par des mécanismes culturels, comme la religion, la tradition, et les habitudes

historiques » (Lallement, 2004, p. 18).

Dans les approches de Putnam et Fukuyama, les effets du capital social sont associés au capital

social lui-même. La confiance, la civicness, la coopération, les liens de solidarité, jusqu’aux

associations sont identifiables au capital social des sociétés. (Bucolo; 2004)

Dans le cadre de ce mémoire, nous aborderons la dimension relationnelle et microsociale du

terme, a savoir : les ressources qu’un individu peut atteindre et qui sont produites à travers les

relations qu’il entretient avec d’autres personnes, notamment au cours des groupes et aux

réseaux durables, au sein desquelles circulent confiance, normes partagées,

interreconnaissance, réciprocité et possibilités d’échange (Lecourtre, 2006). Il peut s’agir,

d’après Alain Degenne (2004) d’acquérir de l’information, des connaissances ou plus

prosaïquement de se voir rendre des services, de se faire aider dans la vie quotidienne,

d’obtenir enfin soutiens, conseils ou recommandations en cas de besoin.

Basé sur cette approche du capital social en tant que somme des ressources inhérentes aux

interrelations sociales, voire encastrées à l’intérieur, disponibles au travers, et dérivées du

réseau de relations possédé par un acteur individuel ou collectif, nous prenons la distinction

faite par Piselli entre les réseaux et le capital social : « Les réseaux sociaux peuvent être

appréhendés par leur texture morphologique (densité, extension, etc.) par la nature des liens

concernés (d’amitié, de mariage, de filiation, etc.) et par la nature des contenus qu’ils

30

transmettent dans les relations (contenu symbolique ou matériel) avec des effets positifs ou

négatifs. En revanche, le capital social est encastré dans les relations sociales, il ne pourrait pas

exister sans celles-ci, mais ce n’est pas identique. » (Bucolo, 2004).

Ainsi, la participation à des réseaux et les relations qu’y se nouent valent à la fois comme

supports ou canaux de circulation d’informations, de normes, de directives ou de ressources

économiques, et comme relations sociales. Ils permettent aux acteurs de mobiliser ces

ressources pour atteindre leurs objectifs et de renforcer des synergies, ayant des conséquences

positives pour l’action individuelle et collective (T. Dezalay, E. Eliot, A. Gueissaz ; 2004). La

dimension «sociale» de ce capital met ainsi l’accent sur sa dimension intangible, non matérielle

car aucun acteur n’a sa propriété exclusive (Plociniczak ; 2003).

Or, face à cette approche qui montre l’importance des réseaux dans le processus

d’accumulation du capital social et le bénéfice socio-économique pour les acteurs qui l’utilisent,

nous nous confrontons à l’incapacité de valider empiriquement le concept car le capital social a

été approché par des mesures très variées, voire réductrices (Ponthieux, 2004)7. C’est ainsi que

dans le cadre de notre étude, nous nous limiterons à une analyse qualitative de ce que les

réseaux ont apporté aux femmes créatrices et entrepreneuses, c’est-à-dire, les effets de la

mobilisation des réseaux comme ressource et comme système de relations.

2.1.2. Les réseaux comme leviers de création et de développement des entreprises

Pour expliquer comment les réseaux des relations sociales, voire professionnelles - de part les

ressources qu’ils pourvoient - s’avèrent être des éléments décisifs dans le processus de

création, développement et pérennisation d’entreprises, notamment des très petites

7 D’après Sophia Ponthieux les mesures sont rapprochées de ce qui constituerait les principales “dimensions” du

capital social : la participation associative, le bénévolat, les contacts et relations sociales informelles (sociabilité, échanges de services), l’engagement civique, la participation politique et la confiance (en général, en particulier dans certains groupes ou certaines institutions). Nous voyons ainsi le caractère réductif de mesures, en plaçant les réseaux comme une dimension du capital social.

31

entreprises (TPE), nous reprenons les travaux de Plociniczak (2003) qui observe la nature des

ressources, l’accessibilité et l’habileté des entrepreneurs à mobiliser de telles ressources.

D’abord, il avance l’hypothèse que les réseaux de relations sociales offrent aux entrepreneurs

les opportunités pour le développement des entreprises, car ils fournissent un capital social

complément contextuel irréductible aux autres formes de capital (physique, financier et

humain) concourant à la dynamique même du territoire sur lequel ils sont implantés.

Effectivement, penser l’entreprise nous renvoie à une structure et à un contexte social dans

lesquels elle est insérée et qui permettent aux entrepreneurs la mobilisation des ressources à

travers les réseaux de relations sociales : « Le succès d'une entreprise repose sur ses relations

avec d'autres ; sa réussite, c'est un peu son réseau. Ne pouvant exister dans un vacuum, la

valeur du capital social de l’entrepreneur dépend ainsi des interactions entre les acteurs de la

structure sociale, du réseau au sein duquel il est irréductiblement encastré » (Plociniczak ;

2003).

Ainsi, quels types de ressources sont mobilisés au sein des réseaux ? En quoi ce cadre

relationnel local peut-il influer le développement de l’entreprise? Comment l’entrepreneur

parvient-il à articuler ces ressources dont sont porteurs les réseaux sociaux?

Pour comprendre comment les entrepreneurs mobilisent des ressources au travers de leurs

relations et comment les mécanismes de la structure sociale dans laquelle ils évoluent

influencent l’allocation des ressources, Plociniczak poursuit la thèse de l’encastrement suggéré

par Granovetter dont l’action des entrepreneurs et la structure relationnelle de leur territoire

sont deux dimensions intrinsèquement inséparables, c’est à dire que les activités économiques

dépendent des relations sociales dans lesquelles les acteurs sont engagés.

« L’action économique de l’entrepreneur est modelée et contrainte par la structure de

relations sociales dans lesquelles celui-ci est inscrit et souligne deux aspects fondamentaux de

32

l’acte entreprenant : son caractère situé et relationnel. Situé, dans le sens où chacune de ses

actions est irréductiblement associée à d’autres acteurs, objets, événements et circonstances.

Relationnel, dans le sens où les entrepreneurs ne se comportent ni ne prennent leurs décisions

comme des atomes indépendants de tout contexte social, pas plus qu’ils ne suivent docilement

un scénario écrit pour eux et qui serait fonction de l’ensemble des catégories sociales

auxquelles ils appartiennent. Au contraire, les actions qu’ils entreprennent pour atteindre un

objectif sont encastrées dans des systèmes concrets, continus de relations sociales »

(Granovetter, 1985, p.487)

Cette analyse met en avant le processus relationnel et la nature de ces relations comme

variables stratégiques dans l’accès et la mobilisation des ressources critiques pour

l’entrepreneur.

Ainsi, les ressources informationnelles conférées par les relations au sein des réseaux

constituent un type de ressource particulièrement pertinent pour les entrepreneurs car elles

leur permettent d’étendre, de mobiliser et de valoriser leurs compétences ; de perfectionner

leurs méthodes de gestion ; d’identifier et d’acquérir un avantage sur les opportunités

entrepreneuriales disponibles où d’autres formes de capital (physique, humain et économique)

seraient mobilisées.

Etant donné le degré d’incertitude associé à la création d’entreprises, le réseau de relations

interpersonnelles au sein duquel tout entrepreneur est encastré sur son territoire

d’implantation peut être le dépositaire d’une information riche et pertinente sur les

opportunités et les contraintes associées à ce territoire, en diminuant ses coûts de recherche et

en donnant accès à des informations bien plus abondantes que ne peut en récolter un seul

acteur isolé. « Cet avantage informationnel conféré par les relations interpersonnelles

territorialisées de l’entrepreneur lui permet d’anticiper et d’élargir son processus

d’apprentissage et d’évolution, ce qui ex post influe sur le niveau de l’échange lui-même et ce

faisant, sur la profitabilité de son entreprise » (Plociniczak ; 2003, p. 451).

33

Parallèlement, les relations sociales véhiculent des ressources normatives, voire morales qui

confèrent au territoire sa spécificité (l’identité locale, les valeurs, la culture). Les entrepreneurs

doivent en avoir conscience et parvenir ainsi à se faire reconnaître et admettre par la structure

relationnelle en place.

Cette structure relationnelle se caractérise également par son un rôle actif de prospection

relationnelle afin d’acquérir la reconnaissance des acteurs en présence. En effet, le capital

social accumulé par les entrepreneurs leur assure une insertion à l’intérieur du maillage socio-

économique du territoire qui influence sa réputation et sa visibilité, éléments si importants

dans une démarche entrepreneuriale, et qui leur permet également de construire leur

légitimité et de lutter contre l’isolement (Messeghem et Sammut, 2010).

Bien que le capital social ait un impact dans le processus entrepreneurial, il exige d’être

entretenu, c’est-à-dire, il ne vient pas de soi et a besoin d’une certaine réciprocité et

coopération au sein des relations : « la réciprocité fait référence à l’engagement, à la

mobilisation, aux promesses tenues, aux conseils, aux échanges d’expériences, aux

dépannages, à la transmission » (Pecqueur, 1989).

En somme, les entrepreneurs font partie d’un système des relations qui interviennent dans le

processus de création et développement des entreprises en exerçant des effets

particulièrement significatifs sur le processus de socialisation, sur la capacité à effectuer ou à

observer de près les activités des petites entreprises, ainsi que sur les modèles à émuler (ou

non). De plus, le réseau procure différents moyens utiles à l’entrepreneur, actuel ou futur, sous

la forme d’une aide et un échange d’expériences, savoir-faire, encouragements, financements

et idées (Lye, 1996 ; Ramachandran et Rammarayan, 1993)

D’après Adler et Kwon (2002), cela renvoie à la capacité des réseaux de construire un capital

social qui peut être utilisé pour la réalisation d’objectifs personnels et professionnels, en

34

l’occurrence la création d’entreprises par les femmes : les réseaux durables plus ou moins

institutionnalisés, qui lient divers acteurs – individuels ou collectifs – par des relations

mutuelles de confiance, constituent une ressource que les femmes membres peuvent mobiliser

pour atteindre leurs objectifs.

2.2. Les réseaux professionnels féminins favorisant la création et développement

d’entreprises par les femmes.

En France comme en Europe, nous pouvons constater la création de plus en plus de réseaux

professionnels de femmes qui cherchent à rendre visible et à affirmer la place des femmes dans

les sphères de responsabilité et du pouvoir. Cela répond à une dynamique européenne pour

l'égalité des droits et des chances entre les femmes et les hommes.

Cependant, certaines études indiquent que les femmes s’engagent moins dans des réseaux

d’affaires à cause d’un manque de temps lié aux responsabilités familiales, au manque de

crédibilité, au manque d’information, au coût financier et surtout à leur manque de croyance

en leur légitimité dans le monde économique. Ces éléments peuvent être accentués par des

facteurs individuels tels que l’âge, l’éducation et l’expérience professionnelle antérieure.

Puis, les réseaux des femmes et le capital social dont elles peuvent disposer via ces réseaux

seraient différents de ceux des hommes. (OCDE ; 2004). De ce fait, nous essayerons d’identifier

les particularités et la nature des échanges, en faisant aussi une révision sur l’évolution et la

dynamique des réseaux professionnels féminins.

2.2.1. Le développement des réseaux des femmes créatrices et entrepreneuses

Aujourd’hui nous pouvons trouver en France et ailleurs des associations ou des réseaux de

femmes promouvant la mise en valeur des femmes entrepreneures. D’après Isabel Boni Le

35

Goff, le développement des réseaux des femmes est la résultante de plusieurs changements,

démographiques, juridiques, politiques et culturels visant l’égalité entre les hommes et les

femmes.

En 1945, avec la création de l’association Femmes Chefs d’Entreprise (FCE), les réseaux féminins

gagnent en influence et en visibilité. FCE aura pour vocation « d’inciter la prise de

responsabilité des femmes dans les mandats patronaux, d’informer et de former ses membres,

et de promouvoir la solidarité, l’amitié et le partage d’expériences au travers des liens

privilégiés » (FCE France). La participation dans ce genre d’associations devient ainsi un moyen

d’acquérir visibilité, reconnaissance et légitimité en tant que chef d’entreprise.

Beaucoup des réseaux de femmes créatrices et entrepreneuses sont institutionnalisés ou

portés par des associations, agissant de façon plus formelle sur une communauté d’intérêt plus

large. De l’échelle globale où les raisons d’être renvoient à la construction d’un système

d’action de mise en visibilité à travers des forums, de tables rondes, débats, concours ; l’échelle

locale favorise l’entraide sous la forme d’un soutien, l’équilibre entre vie professionnelle et vie

personnelle et l’instrumentalisation des échanges (Boni – Le Goff, 2012).

Leurs objectifs et actions visent principalement à:

• Mener des actions pour promouvoir l’entrepreneuriat féminin

• Accompagner à la création et au développement d’entreprises

• Promouvoir la prise de responsabilités des femmes chefs d’entreprise dans la vie

économique

• Renforcer la présence des femmes chefs d’entreprises dans les instances décisionnelles

• Donner visibilité aux femmes et à leurs projets

• Développer leurs compétences, lutter contre l’isolement, informer et former

• Partager et échanger les expériences et informations

• Favoriser les échanges économiques entre les adhérentes et élargir le réseau d’affaires en

créant des liens professionnels

36

A cette fin, ils organisent

• Réunions et conférences

• Ateliers et rencontres thématiques

• Annuaire de créatrices et entrepreneuses

• Accompagnement individuel et marrainage

A Montpellier, nous pouvons trouver plus d’une trentaine des réseaux professionnels

féminins qui aident à la création d’entreprise et/ou soutien des créatrices notamment dans

l’accompagnement, la formulation du projet et/ou l’orientation vers des aides financières, y

compris le bon développement de l’entreprise. D’autres réseaux professionnels féminins sont

ouverts pour promouvoir la place des femmes dans l’espace socio-économique (Annexe 2).

2.2.2. Les particularités des réseaux professionnels des femmes créatrices et entrepreneuses

Notre perspective pour analyser les réseaux professionnels féminins et leur effet sur la création

et le développement des entreprises par les femmes, porte principalement sur les travaux de

Christina Constantinidis (2010), basés sur les représentations du genre et leur impact sur la

construction de réseaux.

Les réseaux professionnels féminins comprennent l’ensemble des relations sociales

entretenues par des femmes entre elles, dans un but d’échange sur des questions

professionnelles et économiques (Boni – Le Goff, 2010). Ces réseaux, en plus de fournir des

informations, des possibilités et des aides, donnent le soutien émotionnel, la légitimité et la

reconnaissance professionnelle dont les femmes ont besoin.

En outre, l’appartenance à un réseau augmente la confiance en soi, diminue le sentiment

d’isolement assez commun dans une démarche de création de très petite entreprise et les

encourage dans ce processus : « Le réseau dont fait partie l’individu fournit le soutien

37

émotionnel, la persuasion sociale et l’expérience indirecte (ou vicariante), qui feront qu’une

personne se lance ou non dans l’entreprenariat et qu’elle réussit » (OCDE ; 2004, p. 44).

En ce qui concerne les attitudes et les motivations pour participer à des réseaux, les femmes

créatrices et entrepreneuses évoquent leur engagement comme un moyen de « se faire

connaître, nouer des contacts d’affaires, échanger des informations, des pratiques et des

conseils au niveau professionnel, s’entraider et trouver des solutions à leurs problèmes, de se

remettre en question en tant que chef d’entreprise ». Néanmoins, leurs motivations pour

participer aux réseaux féminins sont majoritairement relationnelles : « les rencontres avec

d’autre femmes ayant des situations comparables, l’échange d’expériences professionnelles, de

façons de faire et de voir, la convivialité et le fait de ne pas se sentir seule en tant que femme,

en même temps que la recherche d’informations, l’apprentissage et le travail commun sur des

projets liés au secteur » (Constantinidis, 2010). A cela, Boni Le Goff ajoute l’idée d’un

investissement militant centré sur la défense d’un intérêt commun qui s’exprime pourtant de

façon hésitante : l’égalité n’est pas une fin en soi et elle est associée à la performance

économique.

De plus, et pour faire face au manque de crédibilité et/ou de soutien de son entourage ainsi

que pour construire leur identité de femme chef d’entreprise, elles participent à des réseaux

féminins. Cela leur permet également d’acquérir de la confiance, d’obtenir la motivation dont

elles ne bénéficient pas, et de passer de bons moments : « tisser des liens forts d’entraide et de

support mutuel devient une priorité pour pouvoir briser l’isolement et préserver » (Boni – Le

Goff, 2010).

Cet échange entre femmes, construit dans un esprit d’entraide et interaction, leur permet une

parole plus libre sans crainte d’être jugée ou sous-estimée par leurs paires, ainsi que créer des

liens, évaluer le contexte et avoir un regard distancié sur leurs problématiques. Cela leur

procure également des opportunités et des moyens utiles dans leur démarche de création et de

développement de leurs entreprises sous la forme de modèles, d’idées ou de comportements à

38

prendre en compte, de expériences et des savoir-faire, de conseils, de contacts, de aides

financières, et d’autres informations utiles.

A cela, s’ajoute le caractère hétérogène des réseaux féminins qui offre la possibilité de

bénéficier des ressources diversifiées (transsectorielles, transgénérationnelles et transversales)

auxquelles elles n’auraient pas accès autrement.

Un réseau peut devenir ainsi un outil de concertation et de promotion de l’entrepreneuriat

féminin auprès des pouvoirs publics, des partenaires et des citoyens. Il donne plus de visibilité

aux femmes chefs d’entreprises, afin d’accroître leur impact dans la vie économique et

institutionnelle : « La capacité à être reconnue et crédible est un moyen de renforcer son

insertion dans son environnement » (Messenghem et Sammut, 2010).

D’ailleurs, l’OCDE reconnaît que la coopération et les partenariats entre les réseaux de femmes

entrepreneuses au niveau national et international peuvent faciliter l’activité entrepreneuriale

des femmes dans une économie mondialisée (OCDE ; 2004).

Ceci dit, nous allons constater comment cette dynamique de réseaux féminins se traduit, se

reflète et vit à Montpellier et ses alentours. En fait, ce qui est intéressant c’est la transition

entre la théorie et la réalité : d’un côté, voir comment les femmes, dans un contexte déterminé,

s’approprient et se servent de ces dispositifs pour faire évoluer leurs projets et se faire

reconnaître ; et de l’autre côté, les enjeux que cela soulève à l’intérieur de la société et de

l’existence des réseaux.

39

II. APPROCHE PRATIQUE DE L’ENTREPRENEURIAT FÉMININ AU SEIN

DES CLUBS DES CRÉATRICES DE MONTPELLIER ET SES ALENTOURS.

Assister et participer régulièrement aux 4 clubs des créatrices (trois à Montpellier et l’autre à

Cœur ‘Hérault) ont constitué le cadre d’observation de notre approche pratique, enrichi pour la

présence ponctuelle dans d’autres réseaux. Voici une description de chaque club :

• CIDFF de l’Hérault :

Le centre d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) est représenté dans

chaque département de France, ayant mission déléguée du ministère des droits des femmes et

de l’égalité. Il a pour objectif de favoriser l’autonomie des femmes en proposant des services

chargés d’accueillir, d’informer, d’accompagner et d’orienter le public dans le domaine

juridique, familial, économique, social et professionnel. La création d’activité par les femmes

est un axe fort du secteur emploi – formation du CIDFF de l’Hérault.

Le « Club des Créatrices à Montpellier » est une action du CIDFF depuis 1995 à Montpellier.

C’est un espace d’entraide et de solidarité que permet aux femmes de se rencontrer,

d’échanger des informations et des pratiques autour de la création d’activités et d’entreprises,

ainsi que de développer leurs relations d’affaires. Il y a lieu une fois par mois, avec un thème ou

atelier lié aux problématiques spécifiques à la création et au développement de leurs activités

professionnelles. A Montpellier, le Club des Créatrices a lieu tous les 2ème mercredis du mois

(sauf août).

Le Club de Créatrices « en Cœur d’Hérault » est une initiative menée depuis 2007 en Cœur

d’Hérault entre porteuses de projets, créatrices et entrepreneuses qui permet un échange

d’informations et des pratiques autour de thèmes liés à la création et au développement

d’activités et d’entreprises. L’objectif est d’accompagner les femmes dans cette période en les

incitant à développer leur autonomie et leurs réseaux. Réunion mensuelle le 3ème lundi du mois.

40

• Centre de Ressources pour l’Entrepreneuriat au Féminin (CREF) :

Il a été créé en décembre 2001 par les Femmes Chefs d’Entreprises de l’Hérault afin

d’accompagner bénévolement les femmes porteuses d’un projet de création ou de reprise

d’entreprise et les nouvelles entrepreneuses. Son objectif est de leur apporter l’expérience de

terrain pour devenir chef d’entreprise, de leur faciliter l’accès aux réseaux économiques et de

les aider dans leurs démarches de création et de développement, sous forme de réunions

collectives et de rendez-vous individuels. Chaque dernier mardi du mois, toutes les créatrices et

entrepreneuses peuvent échanger, s’informer, poser leur problématique du moment et tisser

des liens.

• Mosson Créatives :

C’est le nom de l’action portée par l’AETE (Association Euro méditerranéenne pour le travail et

les Echanges) et dédiée aux porteuses de projets, aux créatrices et aux entrepreneuses, pour

l’accompagnement au montage, à l’élaboration et puis au suivi de leurs parcours vers la

création d’activités et d’entreprises. Un lieu de rencontre entre créatrices et professionnels de

la création d’activité avec des ateliers ou des réunions thématiques mensuels permettant

l’échange d’expériences et des informations sur la création d’entreprise, ainsi que la

valorisation de leurs parcours.

D’autres réseaux professionnels féminins qui viennent enrichir cette étape pratique sont le

« Réseau des Créatrices », le Club des Créatrices dans l’Aude, « Femmes Actives Montpellier »

et « Mampreneurs Montpellier ». Voici une description :

• Réseau des Créatrices:

Créé en 2002, ce réseau informel est la suite du Club des Créatrices du CIDFF, proposé aux

anciennes créatrices du club, qui ont créé leur entreprise depuis 4 à 15 ans, et qui souhaitent

poursuivre leurs échanges de pratiques autour du développement et de la pérennisation de

leur activité ou entreprise. Elles se rencontrent tous les mois autour d’une thématique choisie

par toutes, chez l’une ou au bureau de l’autre, sans budget, avec une gestion collective et très

41

fonctionnelle simplifiée. Elles sont un puissant « réservoir d’intervenantes » pour les clubs des

créatrices, et viennent assez régulièrement témoigner aux clubs.

• Club des créatrices de l’Aude :

Action du CIDFF de l’Aude dédié aux femmes chefs d’entreprise, créatrices et porteuses de

projets afin de partager des conseils, des outils, des témoignages, des compétences et des

expériences tout en développant de relations d’affaires. Basé sur l’entraide et la solidarité entre

les femmes qui rencontrent les mêmes problématiques, il a lieu tous les derniers mardis du

mois au CIDFF Narbonne

• Mampreneurs Montpellier :

Cette délégation fait partie d’une association nationale qui permet aux mamans

entrepreneuses de sortir de l’isolement, d’échanger et de rencontrer d’autres mamans

créatrices qui font face au même quotidien et aux mêmes problématiques qu’elles. Elles se

réunissent tous les mois lors d’un « Mamcafé » pour travailler autour d’une thématique et d’un

intervenant consultant ou expert dans un domaine de la création et du développement des

entreprises.

• Femmes Actives Montpellier :

Association qui met en avant la communication des femmes salariées, en création d’entreprise,

en projet de création ou en recherche d’emploi, en leur permettant de développer leur visibilité

dans leur région, leur ville et sur internet, au sein d’un réseau. Sur le Languedoc-Roussillon,

l’association organise des rencontres, des évènements, des ateliers autour de la

communication.

En vue d’arriver à comprendre et à décrire quel est l’impact des réseaux professionnels des

femmes sur l’entrepreneuriat féminin à Montpellier, nous allons d’abord observer les

spécificités de ce processus pour ensuite intégrer la dynamique de réseaux, voire leurs

particularités et ce qu’ils représentent pour les créatrices et entrepreneuses qui y participent.

42

CHAPITRE 3. LA DEMARCHE ENTREPRENEURIALE DES FEMMES ADHERENTES AUX

CLUBS DES CREATRICES DE MONTPELLIER ET SES ALENTOURS.

Pendant le période de stage nous avons accueilli 181 femmes à une ou plusieurs réunions des

clubs de créatrices. Nous intégrons toutes celles qui sont passées de porteuses de projets à

entrepreneuses directement, celles qui sont parties en formation courte ou longue à la création

d’entreprise, celles qui sont en quête d’entreprises à reprendre, celles qui n’ont rien facturé

dans l’année, celles qui cumulent plus ou moins simultanément emploi salarié et préparation

de leur projet et celles qui sont dirigeantes associées. Entre celles qui participent

régulièrement, nous constatons la création d’un « noyau dur » au sein de chaque club.

3.1. Le public accueilli : Une photographie de l’hétérogénéité dans le parcours de la

création

La provenance géographique des femmes est assez élargie territorialement. Pour le club des

créatrices de Montpellier, le CREF et Mosson Créatives, la majorité vient de Montpellier et de

son agglomération ; le club des créatrices Cœur d’Hérault est fréquenté la plupart du temps

par des femmes venant du triangle Lodève – Clermont l’Hérault – Gignac.

Les nouvelles porteuses de projets

Nous pouvons ici, distinguer 2 typologies de porteuses de projets particulières : celles qui

veulent entreprendre par choix, et celles qui veulent le faire par défaut d’emploi salarié.

Les porteuses de projets qui le font par défaut d’emploi salarié sont dans une situation très

vulnérable à cause d’un manque de confiance en elles et leur « incapacité » à trouver un travail

salarié. Elles arrivent donc au club, en croyant y trouver toutes les réponses à leurs attentes -

très fortes et souvent urgentes- pour résoudre toutes leurs problématiques.

43

Elles ont souvent fait une formation à la création d’entreprise et développent leur projet dans

un domaine où elles ont l’expertise, mais elles ont du mal à l’intégrer dans leur vie et à se

positionner face aux autres. En fait, c’est comme si elles étaient dans une situation limitrophe

entre trouver un emploi (parce que « on sait jamais ») en attendent que leur projet démarre.

« Maintenant, tu as plus de créatrices qui viennent par nécessité puisqu’il n’y a pas boulot, donc

pour créer leur propre emploi. Ce qui est tout à fait honorable, ce n’est pas du tout une critique

méchante. Mais ça change la façon de voir la création d’une entreprise, d’en discuter. Ça change

les choses. » (Extrait entretien M. P., 2013).

Les porteuses de projets qui le font par choix : se forment, écoutent les conseils des

professionnels, font leur étude de marché (parfois avec l’aide d’autres créatrices du club) et

prennent le temps de travailler, voire de repositionner leur projet avant immatriculation, pour

bien l’intégrer à leur vie, à leurs valeurs et au monde économique.

Entrepreneuses salariées en coopératives d’activités et d’entrepreneurs (CAE)

Si les créatrices d’entreprises représentent 30% des créateurs, il est à noter la fréquentation

plus égalitaire voire majoritaire de femmes, notamment en couveuses d’activités, en

pépinières, ou en coopératives d’emplois. Ce sont des hébergements juridiques rassurant sur

leurs parcours vers la création via un soutien, une assistance, un échange d’information et des

bonnes pratiques (Brasseur, 2010).

Dans les clubs des créatrices de Montpellier, elles sont nombreuses à être entrepreneuses

salariées chez Crealead qui accueille principalement les métiers aux services des entreprises

dans la formation et le conseil, l’ingénierie et la communication8. Cette couveuse leur permet

8 La couveuse de Crealead, permet à tout porteur de projet d’entreprise de tester son activité, en facturant dès

l’entrée, pendant une période d’essai avant de faire des choix juridiques et financiers éclairés, avec l’option supplémentaire d’opter pour la coopérative d’entrepreneurs.

44

d’exercer leur activité pendant une période d’essai avant immatriculation. Ce besoin de

rassurance préalable est une des spécificités de l’entrepreneuriat féminin !

« Je ne savais pas sur quel statut m’y mettre, et à la réunion elles m’ont dit d’aller voir Crealead

car cela pourrait être intéressant en ma phase de démarrage. Je m’étais déjà renseignée sur le

portage salarial aussi parce que je voulais me rassurer. Je suis quelqu’un qui aime bien être

prudente dans le sens « prudence raisonnée » donc je me suis dit « je vais tester et puis après on

verra si effectivement ça marche plutôt que me lancer et de m’immatriculer de suite ». J’ai

préféré d’abord tester, donc je suis rentrée assez rapidement chez Crealead.» (Extrait

d’entretien P.G., 2013).

Parmi les créatrices des secteurs artistiques et cultures, il y en a certaines qui ont choisi d’être

conseillées et accompagnées par ContexArt, qui propose de tester le projet avant de se lancer

sous la forme d’un contrat CAPE. Ceci permet à l’entrepreneur de tester son activité dans le

cadre de la couveuse tout en conservant son statut antérieur.

Entrepreneuses

Ce sont des femmes chefs d’entreprise, associées ou indépendantes, qui ont leur propre

inscription Siret, elles sont déjà installées sur la région et sont en phase de développement et

pérennisation de leur activité.

Depuis 2009, beaucoup des femmes créent leur entreprise sous le régime d’auto-

entrepreneuse, ce qui permet aux porteuses de projets et créatrices de s’immatriculer

rapidement (en un clic, en effet !). La minimisation de l’acte d’entreprendre à travers ce

nouveau régime « allégé » (qu’elles croient être un nouveau statut !), fait que beaucoup d’entre

elles ne sont pas assez préparées pour affronter le marché.

45

Ce qui caractérise les « auto-entrepreneuses » majoritairement : c’est un manque de

préparation de leur projet et d’intégration de ce projet dans leur vie de femme et de maman, -

n’ayant même pas conscience parfois qu’elles créaient une entreprise-, un décalage conséquent

entre leurs croyances de départ du monde économique et la réalité de leurs situations difficiles

car elles n’arrivent pas toujours à vivre de leur travail.

Ces situations donnent lieu à des volontés de retours vers des emplois salariés, soit en

complément de leurs activités, soit en attendant que celles-ci « décollent », alors même que ce

marché de l’emploi est particulièrement tendu dans la région, notamment dans les domaines

où elles sont compétentes (exemples : secrétaires, couturières, communicantes, formatrices...).

En général, toutes les entrepreneuses trouvent dans les clubs de créatrices de l’écoute, du

réalisme et souvent des orientations vers des formations complémentaires ou personnes

ressources, ainsi que des réponses à leurs attentes.

Pendant cette année, nombreuses sont celles qui ont transformé ce statut - convenable pour

démarrer- en SARL, entreprise individuelle classique, EURL ou EIRL, professions libérales…

mieux adapté pour développer leur activité et leur chiffre d’affaires.

Ce récapitulatif est le panorama des situations majoritaires des créatrices, sachant que sur les

181 femmes, nombreuses sont passés de porteuses de projets à salariées-entrepreneuses, de

salariées-entrepreneuses à entrepreneuses et notamment depuis deux ans, de demandeuses

d’emploi à auto-entrepreneuses. D’autres qui cherchent (et/ou trouvent) un emploi de salariée,

en attendant que leur activité indépendante leur permettre d’en vivre et aussi dans le cas où

les revenus de leur activité indépendante ne sont pas suffisants et pour venir compenser le

« déficit clients » ou le « déficit chiffre d’affaires ». Il y a aussi celles qui sont salariées tout en

étant porteuses de projets et aussi celles qui redeviennent salariées car leur activité ne

démarre pas comme elles le souhaitaient, et là, il s’agit souvent d’abandon ou de report de leur

projet.

46

La diversité des projets et entreprises des créatrices, qui œuvrent maintenant dans tous les

secteurs d’activités est grande et de même l’est la diversité des niveaux de maturité et des

phases de l’entrepreneuriat féminin : du projet de création… à la phase de développement,

voire de cession ou de reprise d’entreprises.

3.2. Les spécificités de la démarche entrepreneuriale des femmes participant aux clubs

des créatrices de Montpellier et ses alentours.

3.2.1. Les caractéristiques d’entreprises portées par les femmes

La quasi-totalité ce sont des entreprises individuelles (classiques ou avec le régime d’auto-

entrepreneuses), avec aussi quelques associations. Nous avons aussi des EURL et des SARL plus

nombreuses dans les nouvelles créations que par le passé, du fait de la libération du capital de

base des SARL.

Un peu plus d’un tiers (36%) des projets de création et des entreprises portées par les femmes

dans les clubs des créatrices à Montpellier est dans le secteur de services aux entreprises et/ou

aux particuliers (dont conseils, assistance et services opérationnels). Puis, 17% des femmes ont

un projet ou ont créé leur entreprise dans le secteur de la santé et l’action sociale, suivi par des

métiers de l’art et l’artisanat (15%) et le commerce (10%). Par contre, elles sont très

minoritaires dans l’industrie (2%) et la construction (1%), et aucune créatrice ou entrepreneuse

est dans le secteur de transport.

47

Tableau 4

Distribution des créatrices et entrepreneuses selon secteur d’activité

SECTEUR D’ACTIVITE CREF CIDFF

Montpellier

CIDFF

Cœur

d’Hérault

Mosson

Créatives

TOTAL

Services aux entreprises et/ou particuliers 25 30 6 5 66

Santé et action sociale 10 10 4 7 31

Industrie 1 2 1 0 4

Tourisme, restauration et hébergement 2 6 0 1 9

Art et Artisanat 2 17 3 5 27

Commerce 5 7 5 2 19

Enseignement, Formation 2 4 1 0 7

Communication et information 2 6 1 0 9

Immobilier 3 4 0 0 7

Construction-BTP 0 2 0 0 2

TOTAL 52 88 21 20 181

Champ : Tableau construit sur la base des feuilles de présence de chaque club entre septembre 2012 et mai

2013.

En fait, beaucoup d’entre elles ont ouvert leur marché à un public plus élargi pour faire face aux

difficultés rencontrées à cause de la crise économique

La majorité des entreprises créées par les femmes participantes aux clubs des créatrices sont

des TPE, ayant pour objectif d’assurer leur propre emploi (ex. auto-entrepreneuses), donc

n’envisagent pas le recrutement de salariés.

Elles ont un budget limité (voire aucun capital de départ) pour préparer leur projet de création

et se faire connaître. Nonobstant, les femmes interviewées n’ont pas fait une démarche auprès

de la banque ou d’autres institutions de financement : soit elles préfèrent commencer petit à

petit car elles n’aiment pas prendre de risques, soit leur projet est plutôt dans le secteur de

services et elles cherchent à garantir leur propre emploi, donc elles manifestent ne pas en avoir

besoin. Par exemple, pour la création d’une société de formation et conseil en création et

développement des entreprises, elle dit n’avoir pas eu besoin de plus de financements:

« puisque c’est surtout du papier, du service. Puis j’interviens dans les centres de formation. Au

48

début j’intervenais dans les cours, et je n’avais pas besoin de choses à moi » (Extrait entretien

M. P., 2013). Le développement de celles qui sont en train de bien réussir leur création,

s’appuie majoritairement sur l’autofinancement qu’elles dégagent de leur bon démarrage

d’activité.

3.2.2. Les particularités et les obstacles dans le processus de création et de développement

d’entreprises par des femmes participant aux clubs des créatrices

La réalité et les expériences vécues par les femmes participant aux clubs des créatrices à

Montpellier et ses alentours, se rapprochent de celles affichées au niveau national. Les âges, à

la date de création des entreprises, se situent en phase avec la moyenne nationale, entre 35 et

40 ans. Cependant, nous pouvons voir de plus en plus de jeunes femmes qui décident de créer

leur entreprise grâce à une opportunité de création, une nouvelle idée ou un marché ou

comme seule possibilité d’exercer sa profession.

D’après leurs témoignages, leurs motivations sont les mêmes que pour le niveau national :

l’indépendance financière et l’autonomie pour gérer leurs temps, assurer un emploi, une

opportunité de création ou comme seul moyen d’exercer leur profession. Pour N. R.,

consultante installée à Montpellier, la création d’entreprise permet une véritable

reconnaissance personnelle et de valorisation individuelle, familiale et sociale.

Elles ont un niveau d’études très satisfaisant, avec même des diplômées de thèse ou de

nombreux masters (comme au club de Cœur d’Hérault, le CREF ou celui de Montpellier) qui se

reconvertissent souvent dans les services aux entreprises, notamment à travers le consulting.

Les femmes créatrices et entrepreneuses des clubs des créatrices ont eu l’expérience d’être

salariées à un moment donné de leur parcours professionnel. Juste avant la création, beaucoup

d’entre elles étaient chômeuses (du fait d’un licenciement économique), salariées ou femmes

au foyer (qui se sont arrêtés pur éduquer leurs enfants). Nous pouvons dire que 50% à 60% ont

49

continué ou vont le faire dans le même domaine d’expérience. Certaines d’entre elles se sont

confrontées au « plafond de verre » : « J’ai eu un licenciement économique, parce que quand tu

es trop dans la comptabilité des entreprises et qui gagnent beaucoup d’argent, ça gène les

dirigeants. D’ailleurs, pour avoir une augmentation de salaire je devais me battre tous les ans »

(Extrait d’entretien C. V., 2013). Nous pouvons dire qu’entre 50% et 60% ont continué ou vont

le faire dans le même domaine d’expérience.

Les femmes démarrent toujours leur activité en prenant compte l’avis de leur entourage, c’est-

à-dire, elles ne vont créer que si leur famille, y compris leur conjoint, est d’accord. Florence

Bono, présidente du réseau Bâtir au féminin, constate que « certaines laissent tomber pour

raisons familiales, parce qu’elles ne sont pas assez soutenues dans le couple ». Or, pour 1/3 de

créatrices et d’entrepreneuses, leur projet professionnel a constitué une de causes de la

décomposition familiale, donnant lieu à de nombreux divorces.

De même, elles vont se projeter en termes d’accès réel de leur famille à leur processus

entrepreneurial (p. ex. si les enfants sont petits, elles vont préférer attendre qu’ils soient en âge

d’aller à l’école avant de créer leur entreprise, ce qui n’est pas le cas chez les hommes). En plus,

après le départ des enfants, les femmes prennent souvent la charge des grands parents.

Les témoignages au sein des clubs des créatrices insistent sur la difficulté qu’ont les

entrepreneuses pour équilibrer les rôles au sein de la famille. Elles assurent encore un grand

pourcentage des tâches domestiques, et en plus, certaines d’entre elles ressentent de la

culpabilité si elles prennent du temps pour se détacher du stéréotype de « mère » et/ou

«d’épouse » encore imposé par la société.

D’un autre côté, un phénomène assez récurrent chez les femmes créatrices et entrepreneuses

des clubs des créatrices, c’est que leur espace de vie est aussi leur espace de travail. C’est-à-

dire qu’elles prennent une pièce de leur maison, voire un coin du salon ou de leur chambre,

pour l’adapter en bureau. Cela n’est pas toujours évident pour travailler du fait de la présence

50

des enfants et/ou l’impossibilité de séparer la vie personnelle de la vie professionnelle. De

même, cela augmente leur isolement.

Dans cette difficulté qu’ont les femmes à séparer la sphère privée de la sphère professionnelle,

elles cherchent le sens de leur projet donc de leur vie en construisant un lien très particulier

avec lui : d’après elles, la création et développement de leur entreprise a un parallèle avec « la

naissance et croissance d’un bébé, leur entreprise vue comme leur bébé », donc leur existence

en tant que femme chef d’entreprise aurait, de manière inconsciente, un sens grâce à leur

« nature » de maman.

Les femmes créatrices et entrepreneuses se sentent dans une lutte constante pour

« répondre » et faire face aux expectatives et stéréotypes/préjugés de leur entourage, voire les

fournisseurs, les financeurs, les clients et les collègues. C’est comme si elles étaient dans un

champ de bataille où il leur faut toujours se justifier et démontrer leur expérience, notamment

quand leurs prestations sont immatérielles ou issus d’un métier considéré « masculin » : « Ma

plus grosse difficulté a été de faire comprendre quelle était mon activité, quel en était l’intérêt,

le bénéfice de savoir bien parler… » (Extrait d’entretien P.G., 2013).

D’ailleurs, dans ce « champ de bataille » les femmes se trouvent souvent seules, socialement et

professionnellement parlant. Elles vont se confronter à un manque de réseau social,

notamment celles qui viennent de débarquer à Montpellier et qui n’ont ni leur famille ni leurs

amis sur place. Donc, en dehors du club des créatrices, elles se sentent seules et ont du mal à

comprendre la mentalité du Sud de la France et à trouver leur place dans la région.

Certes, la plus haute barrière se trouve dans la tête de chacune d’entre elles : le manque de

confiance en soi renvoie d’ailleurs à un problème de légitimité pour assumer sa position en tant

que femme chef d’entreprise : « est-ce que je vais être assez solide ? Est-ce que je suis

capable ? ». Même, dans les expressions de quelques femmes il y a un sentiment d’incrédulité,

voire de dérangement, à développer une stratégie commerciale pour se vendre et vendre leurs

51

produits, voire créer de la croissance ou avoir un chiffre d’affaires représentatif : c’est comme si

elles avaient des chaines que les empêchées d’avancer, de se positionner et de valoriser leur

travail, voire même d’établir le prix de leurs prestations, en acceptant le caractère lucratif de

leur activité.

Une remarque révélatrice de ce manque de confiance c’est le fait qu’entre 20% et 30% des

femmes ne marquent par leur nom sur leurs cartes de visite afin que les gens ne sachent pas

leur genre. Une créatrice avoue : « Je n’ai jamais vu une seule carte d’homme où son nom n’est

pas marqué en gros ou bien visible. » (Extrait d’entretien P.G., 2013).

En outre, les femmes qui ont tendance à voir les choses en petit, á dire qu'elles ont « une petite

idée » ou qu'elles envisagent de lancer leur « petit business », sont confortées à leur propre

représentation et ne sont que peu sensibilisées aux possibilités de croissance de l'entreprise :

« Au lieu d’établir des business plans ambitieux comme le font les hommes, on se contente trop

souvent de projets d’action minimum, de peur de ne pas être crédibles» (Témoignage au CREF

2013).

Sur le plan technique et juridique, la première difficulté c’est de choisir leur statut. Au-delà d’un

manque d’information ou de connaissance, il y a des créatrices qui laissent les autres choisir

pour elles leur statut, par exemple leur comptable, même si elles ne comprennent pas tout ce

que cela implique pour la suite. Quand elles se retrouvent bloquées sur d’aspects comme le

budget prévisionnel, le calcule du BFR ou l’étude de marché, elles ont plus de difficultés pour

justifier la pérennité de leur projet et donc accéder aux financements.

Ces particularités et obstacles que les femmes rencontrent sur le chemin de la création

d’entreprises sont le reflet d’une incorporation stéréotypé de la notion du genre et le rôle des

femmes dans la société. En fait, nous n’avons pas un registre des mesures discriminatoires (à la

base nous sommes tous égaux devant la loi), mais plutôt des comportements inégalitaires

envers les femmes, que la société à adoptés comme « naturels ».

52

Face à cette réalité, les clubs des créatrices s’inscrivent dans une dynamique de changement de

l’organisation sociale qui va au-delà de la création même d’entreprises. Autrement dit, les clubs

des créatrices, autant que réseaux professionnels, sont porteurs de la transformation de

l’image de genre à travers une logique socio-économique, en donnant aux femmes des

éléments pour réussir dans cette société basée sur des critères d’efficience et d’efficacité ainsi

que en leur permettant de créer des liens capables de réduire les inégalités.

53

CHAPITRE 4. LA DYNAMIQUE DES CLUBS DES CREATRICES VIS-A-VIS DE

L’ENTREPRENEURIAT FEMININ A MONTPELLIER ET SES ALENTOURS.

Afin de comprendre la dynamique au sein des clubs des créatrices, nous allons nous appuyer

sur quelques constantes essentielles pour la vie et la continuité d’un club et les pratiques

communes qui s’y installent entre les uns et les autres. Certes, chaque club va constituer un

tissu relationnel unique. D’abord parce que les créatrices et les entrepreneuses ne sont pas les

mêmes, ce que le club leur apporte est différent pour chacune, et puis les liens qui se

construisent, voire les synergies qui se créent à l’intérieur, sont le résultat d’un contexte et d’un

moment particuliers.

L’objectif général d’un club des créatrices est d’accompagner et d’orienter les femmes dans la

période pré et post création de leur activité/entreprise, ayant comme principes fondamentaux

l’accueil des femmes, et la facilitation d’échanges d’expériences, d’informations thématiques et

de pratiques inhérentes au processus de création et/ou développement des activités qu’elles

portent.

Dans les clubs des créatrices, il n’y a pas un public homogène, mais des personnes qui

choisissent librement et individuellement d’y participer, chacune aà son niveau (de bac – 3 à

bac + 8) et sont dans une situation différente (sociale, économique, personnelle,

professionnelle, familiale, patrimoniale, juridique, fiscale, psychologique ou financière) à

l’entrée comme à la sortie de l’année en cours. Il est à noter toutefois, que chaque club

accueille une ou plusieurs nouvelles créatrices (à toutes les périodes de l’année, par principe

d’entrées-sorties permanentes) motivées et volontaires pour y participer.

En général, les réunions ont lieu une fois par mois avec un rythme de rencontres régulier (ex. :

tous les 2ème mercredis du mois) et elles sont animées par une consultante spécialiste de

l’entrepreneuriat féminin avec une connaissance suffisante des acteurs socio-économiques et

des organismes locaux d’appui à la création ou reprise d’entreprise.

54

Durant le temps du club, il s’agit d’une mission d’animation, de régulation et de formation, ainsi

que des réponses techniques aux questions des créatrices en matière de structuration d’un

projet économique et de développement d’entreprise. Parallèlement, il s’agit d’une mission de

coordination, d’information, de repérage des complémentarités et de mise en lien entre les

créatrices, et entre elles et les réseaux professionnels.

Quant au fonctionnement des clubs des créatrices, ils sont harmonisés tous les mois selon le

calage suivant :

• temps de présentation chronométré de chacune et de son projet (Equité de temps de

parole et entraînement pédagogique pour faire peu à peu, une présentation réaliste,

synthétique et valorisante de leur projet, puis de leur entreprise)

• échanges de dates de manifestations socio-économiques de la ville, département ou région,

pour favoriser les réseaux,

• Déroulement du thème de la soirée, choisi par et avec les créatrices (ex. : Clubs des

Créatrices CIDFF et Réseau des Créatrices) ; soit un temps d’échange pour répondre aux

problématiques et aux questions spécifiques des créatrices et des entrepreneuses avec

l’expression des passages difficiles comme ceux de réussites, de trophées et de fierté

d’arriver à vivre de son travail (ex. : CREF et Mosson Créatives).

Les partages des difficultés, des réussites et des questionnements sur les problématiques

spécifiques à la création et au développement des activités professionnelles, sont la base de

chaque rencontre. Puis, entre les thématiques et les points majeurs sur lesquels les échanges

ont été portés, entre octobre 2012 et mai 2013, nous avons travaillé sur :

• L’énergie d’entreprendre

• Etre efficace pour un rendez-vous

• Transmissions et conseils des anciennes créatrices

• Droits de la propriété industrielle et intellectuelle

55

• Apprendre à vendre ses produits ou services

• Fixer et poser ses objectifs

• Le travail et la projection en collectif

• Améliorer sa présentation professionnelle

• Construire son réseau professionnel

• Forum ouvert à l’intelligence collective

• Réunion interclubs : « Speed Business Meeting »

Ces rencontres peuvent être fréquentées par des intervenant (es) extérieurs (es) et des acteurs

du monde de l’entreprise, ce qui permet d’élargir le circuit d’informations et d’échanges. Ce

circuit est également enrichi par la mise à jour d’un agenda sur le site internet et l’inscription

aux réseaux numériques favorables à la participation socioéconomique des créatrices et des

entrepreneuses.

La vie d’un club des créatrices est basée sur la confiance, néanmoins comme toute organisation

formelle, elle a besoin de certaines règles pour le réguler. D’abord, tout ce qui est dit dans le

club, notamment les problèmes et les difficultés des créatrices, ne sort pas du groupe. C’est-à-

dire, les présentes aux réunions du club n’ont pas le droit de divulguer des informations

personnelles sur les autres membres du club, ni de les utiliser, ce qui pourrait nuire à leur

réputation. D’un autre côté, un club de créatrices n’est pas fait pour vendre : les membres

peuvent constituer des prescripteurs, mais pas des prospects. Ensuite, le réseau est source

d’épanouissement : on l’intègre par choix, on y reste par valeur ou par reconnaissance ; et

finalement intégrer un club des créatrices, c’est entrer dans une logique de donneur : il ne faut

pas y aller pour prendre des autres, mais pour donner, c’est ensuite que l’on recevra des autres.

Les clubs sont témoins du processus de création et de l’évolution des entreprises portées par

de nombreuses femmes. Beaucoup d’entre elles, une fois que leur entreprise démarrée,

partent d’un club pour intégrer de nouveaux réseaux professionnels ou décident de continuer

56

pendant la phase de développement (et souvent réajustements ou repositionnements pour

mieux coller au marché, repéré par chacune).

4.1. Les raisons poussant les femmes à intégrer et participer à un club des créatrices

Chaque créatrice et entrepreneuse a ses propres raisons pour intégrer un réseau, lesquelles

convergent pour donner lieu à des dynamiques d’échanges et des partages complémentaires et

enrichissantes basées sur la confiance et la solidarité. Dans ce processus, chacune va prendre

ou retenir ce que lui permettra d’avancer, non seulement sur son projet professionnel mais

aussi sur sa réalisation personnelle, en donnant la même opportunité aux autres.

Dans cette compilation il n’y a pas de meilleures raisons que d’autres, elles sont toutes valables,

légitimes et constitutives d’une ressource immatérielle de développement économique et

social.

Elles recherchent d’abord, l’accompagnement vers la création et le développement de leur

entreprise. D’un côté, comme un moyen de ne pas rester seules dans leur bureau/maison et

pour partager ce qui leur arrive, ou de l’autre côté, être suivies pendant l’évolution de leur

activité sans être contraintes d’obtenir un résultat quantifiable et mesurable : « Un club est

idéal car il va me permettre de me poser les questions que les autres créatrices se sont posées »

(Témoignage Mosson Créatives, 2013). C’est également un moyen de se faire connaître, de

nouer des contacts, d’échanger des informations, des pratiques et des conseils au niveau

professionnel ainsi que de se remettre en question en tant que chef d’entreprise : la charge de

travail et la responsabilité individuelle est partagée « moralement » par le collectif.

En général, les femmes expriment le besoin d’être encouragées, notamment dans la phase de

création, par des gens qui ont déjà crée et qui traversent ou ont traversé le même chemin. Ceci

est un moyen de se rassurer et de se dire : « oui, si elle peut le faire, je peux le faire aussi ». Par

exemple, une jeune créatrice voulait rencontrer des femmes qui avaient commencé comme elle

57

(une mère seule en charge d’un enfant, sans formation certifiée dans son corps de métier mais

pourtant avec l’expérience) et qui avaient réussi.

Pour d’autres comme Elsa, le but c’est de pouvoir échanger, entre personnes qui ont des

centres d’intérêts communs, sur leurs problématiques, de pouvoir s’aider et se donner des

avis : « Ça allait me permettre d’échanger avec des personnes sur toutes les problématiques

qu’on peut avoir et d’avoir du soutien, parce que c’est vrai qu’aujourd’hui ce sont encore les

hommes qui règnent, en quelque sorte, sur le monde du travail. Des fois, c’est bien d’avoir les

expériences de chacune pour savoir, pour arriver à se positionner, savoir comment le faire, pour

travailler face à des gens qui pensent qu’ils sont les meilleurs du monde » (Extrait d’entretien E.

V., 2013.)

Nous pouvons confirmer ainsi que les motivations des femmes pour participer aux clubs des

créatrices sont majoritairement de caractère relationnel : les rencontres, l’échange et le

partage, la convivialité et le soutien, tout en faisant un lien avec la création et le

développement d’entreprises. Les raisons liées au business, voire la recherche des clients à

l’intérieur du réseau, restent secondaires : elles essayerons que leurs consœurs aient le réflexe

de leur prescrire, de leur recommander. Le but est de trouver des synergies pour travailler en

interconnexion. Elles y cherchent des conseils et un suivi bienveillant dans leur processus de

création.

4.2. L’utilité des clubs des créatrices : des résultats spécifiques favorables à la création

et au développement de l’entrepreneuriat féminin

D’après les femmes créatrices et entrepreneuses participantes, ainsi que pour les structures

portant les clubs, le travail en réseaux constitue une démarche relationnelle avec plusieurs

finalités qui se complètent les unes avec les autres. Nous rassemblons les objectifs et l’utilité

réelle des clubs de créatrices puisque les témoignages des femmes nous ont permis de

constater qu’une grande partie de ce qui est affiché au cœur des clubs des créatrices rejoint ce

58

qu’elles ressentent en y allant. Certes, il y a des nuances à faire dont nous parlerons après.

Tout d’abord, ce qu’il faut bien noter c’est que nous ne sommes pas dans une réalité

unidimensionnelle, mais dans une réalité systémique. Cela veut dire que les résultats des

échanges au sein de clubs des créatrices s’intègrent dans un processus générateur et

potentialisateur des ressources. Ainsi, comprendre l’utilité de clubs des créatrices doit se faire

en prenant compte le contexte et le système où ils s’inscrivent.

Tous les réseaux féminins veulent, d’une manière ou d’une autre, interpeller les décideurs

politiques pour faire avancer la situation des femmes dans la société et mettre en valeur leur

place dans les enjeux socioéconomiques. Ainsi, chacune des créatrices et entrepreneuses tend,

de manière consciente ou inconsciente, pour participer aussi à ce combat vers l’égalité entre les

hommes et les femmes.

Dans un premier temps, rompre le sentiment d’isolement, notamment dans la phase de

création, fait partie de la nature même d’un réseau. Le réseau génère un sentiment

d’appartenance à travers la rencontre avec d’autres femmes qui vivent ou ont vécu le même

parcours ; ainsi que la sensation d’être moins seules grâce à l’écoute et au réconfort qu’elles se

donnent entre elles. Les porteuses de projets, les créatrices et les entrepreneuses sont plus

soutenues dans la maturation, voire la revitalisation de leur projet ou entreprise.

Ceci est lié à la recherche de légitimité et de visibilité dans le processus entrepreneurial où le

fait d’exister (être connue) et celui de devenir une référence dans sa profession ou son

environnement (être reconnue) sont des éléments clés pour leur succès, comme une vitrine

pour celles qui n’en ont pas. En effet, il faut avoir une réputation bien établie pour pouvoir

avoir du travail en tant qu’entreprise, voire être capable d’influencer l’espace socio-

économique et politique local. D’après une créatrice qui a préféré rester dans l’anonymat, le

but est de «construire une réputation ; c’est avoir une reconnaissance d’un savoir-faire, et puis

un soutien de discussion permettant d’avoir un retour même pour sa propre activité, d’avoir des

nouvelles idées, de pouvoir travailler en commun ». En fait, selon M. Brasseur « c’est en

59

construisant leur légitimité que les réseaux aident à rompre l’isolement des entrepreneuses »

(2010, p. 24).

Ainsi, témoigner de leur parcours, partager leurs expériences et échanger leurs savoirs et

pratiques professionnelles leur permet de résoudre un problème et/ou de progresser dans le

métier de chef d’entreprise. L’échange se fait avec celles moins avancées dans leur projet,

comme avec celles qui ont déjà créé et développé, en instaurant souvent des liens en interne

qui vont au-delà de réunions et qui favorisent l’appel pour conseils, les partenariats et/ou les

affaires.

A ce sujet, nous avons constaté par exemple, la consolidation d’un collectif professionnel qui a

été créée en 2011 pour trois femmes qui se sont rencontrées au CIDFF et le CREF à Montpellier.

Ces femmes ont d’abord engagé des actions vers l’extérieur (stand commun sur des

manifestations et salons professionnels depuis 3 ans), et puis, étant donné la complémentarité

de leurs compétences et leurs formations, elles ont décidé d’œuvrer ensemble pour un même

projet : la « Maison Papillon » à Montpellier.

Le collectif informel « 3 Drôles de Dames » a émergé en 2011, regroupant les compétences

d’une graphiste, d’une secrétaire libérale et d’une informaticienne qui en se regroupant, ont

créé une méthodologie de travail coopératif et collaboratif intéressante. Nous les avons

rencontrées un an après, et elles ont avoué que cette méthode de travail leur avait permis non

seulement de sortir de l’isolement mais aussi d’augmenter leur chiffre d’affaires de 30%

chacune.

Les clubs des créatrices incitent également les femmes à participer au maximum dans les

manifestations à caractère socio-économique de notre région: salons, conférences ... et

rencontres professionnelles; à devenir une veille informationnelle pour soi-même et pour les

autres et à se former afin d’être en phase avec l’actualité et de rester professionnelle devant

les changements : « Rester en éveil et en réseaux : C’est en levant le nez du guidon de la gestion

60

de votre entreprise que vous trouverez d’autres manières de gérer, de manager, d’innover, de

vendre… Votre créativité, votre veille informationnelle et vos relations professionnelles seront

activées par votre capacité à sortir dans les réseaux, colloques, clubs... » (Extrait de la

transmission faite par Martine Viguier, 2012)

Autrement dit, les réseaux favorisent le maintien, voire la création des liens avec la réalité

socioéconomique, y compris les autres acteurs économiques, les rencontres professionnelles et

les opportunités à saisir. Une tête de réseau affirme qu’elle retrouve régulièrement les

créatrices dans des manifestations de relations publiques: « certaines participent et elles ont

même pris des responsabilités dans d’autres clubs ... » (Témoignage à la Rencontre des Réseaux

Féminis, 2013). A ce sujet, il faut reconnaître également le rôle de réseaux numériques et les

technologies de l’information et de la communication (TIC) dans la mise à jour de l’agenda

professionnel des créatrices et entrepreneuses.

La richesse de ces réseaux féminins réside en la diversification des compétences et

d’expériences, réaffirmant un caractère hétérogène. Ces femmes, avec des parcours différents,

sont capables de faire resurgir ce qui est commun à chacune d’entre elles : l’envie de créer,

d’être autonomie et de partager. Cela constitue un élément favorable à l’innovation car les

femmes ont développé des logiques d’action fondées sur la notion « nous sommes plus fortes

ensemble, que chacune seule dans son coin ! » (Bilan Club des créatrices Montpellier, 2013).

Ces relations qui s’établissent au sein de clubs des créatrices permettent de collecter et de

diffuser des informations et d’autres ressources qui pourraient ne pas être générées en

l’absence de telles relations. En effet, la façon dont les femmes utilisent les contacts et les

ressources mises à disposition par les clubs des créatrices va influencer leur parcours

entrepreneurial, et donc leur statut : « Elles se livrent des richesses inestimables, se prescrivent

du fait de leurs liens de confiance, se rassurent avec la convivialité et la dynamique du groupe,

se retrouvent entièrement : femmes, actrices et créatrices » (Témoignage Martine Viguier,

2012).

61

A cela nous pouvons ajouter le soutien, entre et par les paires, comme un élément essentiel

dans la création et la maturation de leur projet. La solidarité entre femmes est donnée comme

un constat important et motivant, pour celles qui la vivent. Cela leur permet d’avoir une

meilleure compréhension des situations, d’être soutenues par une ou des consœurs quand une

difficulté se présente et de se sentir ainsi plus à même de la franchir. Par exemple, nous avons

eu le cas où une créatrice aide l’autre à réaliser sa carte de visite en lui redonnant par là même

plus de confiance ; ou l’une qui accompagne par sa présence une autre débutante dans ses

premières actions commerciales.

De plus, la solidarité qui nait au sein des clubs des créatrices répond avant tout à un besoin de

s’intégrer ou de réintégrer le monde économique dont les créatrices et les entrepreneuses se

sent souvent exclues. Cela est enrichi par une vision bienveillante et réaliste que donne

l’animatrice par rapport à elles, à leur projet ou à leur problématique : « Pour réussir, il est

nécessaire s’entourer des bonnes personnes et de rejoindre des réseaux de créatrices (teurs)

d’entreprises ou tout autre réseau professionnel. Cela a également été ma démarche dès le

démarrage de mon installation, j’ai rejoint le tout nouveau « Club des créatrices de

Montpellier ». J’y ai trouvé dynamisme et solidarité et je ne l’ai plus quitté ! Mon credo, c’est le

réseau » (Extrait de la transmission faite par C. P., 2012).

Ces éléments permettent, ainsi, aux porteuses de projets d’affirmer sereinement leur identité,

d’apprendre et de se positionner dans l’environnement professionnel de leur activité, de se

surpasser tout en étant encouragées à assumer pleinement leur rôle ou futur rôle de chef

d’entreprise : « Les réunions du club m’ont permis de conforter que j’avais envie d ‘être

entrepreneuse, que mon activité avait sa place. Ça m’a permis aussi de me faire connaître, ça

c’est la plus grande force du réseau. Ça m’a permis aussi d’améliorer ma présentation, sur

l’identification et comment je voulais être prescrite » (Témoignage au CREF, 2013).

Ainsi, une plus-value de clubs des créatrices pour les porteuses des projets, créatrices et

entrepreneuses, c’est d’intérioriser et d’incorporer l’entreprise dans leur vie, de savoir ce

62

qu’est une entreprise et tous les enjeux que cela soulève en partant de l’idée jusqu’à la

concrétisation : « Ce qui est bien dans les clubs des créatrices, c’est qu’entre nous toutes, avec

l’animatrice ou d’autres têtes du réseau, on apprend à se poser les bonnes questions sur le fait :

« j’ai une idée, comment je vais pouvoir mettre tout en œuvre pour qu’elle devienne réalité » en

ayant à la fois les bons côtés et les mauvais, en ayant assez de connaissances pour me dire

« oui, je peux le faire, oui c’est faisable, il y a un potentiel » (Extrait d’entretien B.T., 2013).

OSER serait le maître mot, pour franchir les étapes, de l’idée au projet, du projet à la création,

puis au développement de leur entreprise… grâce à la perception de l’exemplarité : « si elle

peut le faire, je le peux aussi! » et grâce à la pro-activité qu’implique la démarche de création.

Eliane Moyet-Laffon, d'HRM Women avertit « Il faut oser demander, oser prendre. Oser, aussi,

assumer nos choix et leurs conséquences ».

Même si l’entreprise n’est pas créée, il y a une prise de conscience et une avancée vers

l’insertion professionnelle, vers l’emploi ou vers la révision de leur projet pour l’améliorer, car

la dynamique créée pour la personne est facilitatrice. Une orientation surprenante pour les

unes, recherchée indirectement par les autres : celles qui s’étaient orientées vers la création

pour pallier à leurs difficultés dans leur recherche d’emploi, se retrouvent embauchées alors

qu’elles ne sont plus engagées dans cette démarche-là. Leur manière de se présenter plus sûre,

de savoir parler de leur métier avec plus d’enthousiasme, de donner envie de travailler avec

elles ... et les voilà recrutées alors qu’elles ne demandent plus rien. Elles ont réussi, avec l’aide

du club, à passer de demandeuses d’emploi à ... proposantes de services.

Nous avons vu, par exemple, le cas d’une créatrice qui, ayant développé son activité, a

embauché une porteuse de projet comme collaboratrice ; ou d’autres qui ont trouvé au club

leur complémentaire parfaite pour démarrer à deux ce qu’elles n’osaient plus engager seules.

Dans cette même logique, il y a des porteuses de projet ou des créatrices qui ont l’opportunité

de travailler à temps partiel en attendant que leur projet démarre suffisamment pour en vivre,

pour mieux le préparer ou pour le financer : à Mosson Créatives, une jeune créatrice travaillera

63

à l’AETE pendant le congé maternité d’une salariée, tout en continuant la mise en place de son

projet.

Ces éléments constitueraient une pile des ressources immatérielles au sein des clubs des

créatrices qui favorisent la création et le développement des entreprises développées par les

femmes, en les plaçant ainsi au cœur des dynamiques socioéconomiques. Certes, le rapport à la

création et à l’entrepreneuriat n’est pas le même entre les hommes et les femmes, d’abord

parce que les femmes doivent se battre encore plus pour trouver leur place, ensuite parce

qu’elles ont moins de temps à consacrer à leur projet et qu’elles réfléchissent beaucoup avant

de passer à l’action, légitimant encore plus l’existence des réseaux professionnels féminins.

4.2.1. Les particularités des clubs des créatrices face aux réseaux mixtes ou masculins : un

moyen d’être plus fortes pour aller vers la mixité.

L’existence, le développement et la réussite des clubs et réseaux féminins ne doivent rien au

hasard. Comme disent les créatrices « s’il existe un club des créatrices c’est parce il est utile et

doit apporter quelque chose, plus qu’un réseau mixte » (Extrait d’entretien P. G., 2013).

A la différence d’un réseau économique mixte, dans les clubs des créatrices de Montpellier et

ses alentours ainsi que dans d’autres réseaux féminins, les femmes ne parlent pas que

d’affaires, elles vont partager aussi leurs difficultés et leurs réussites sur le plan professionnel et

personnel. En fait, ce qui pour quelques-uns est de la « digression », serait plutôt la capacité

qu’ont les femmes à créer des liens entre éléments qui apparemment n’ont rien à voir, et

répondre stratégiquement aux demandes faites. Les hommes, eux, vont se concentrer

exclusivement sur la thématique.

Dans les réseaux féminins, les échanges se déroulent dans un autre registre : celui de la liberté

de parole. « Lors de nos réunions, la parole tourne beaucoup. Chacune raconte ses bonheurs,

ses difficultés, ses problèmes car c'est mieux de le faire entre femmes, sans avoir peur d'être

jugées. Mais nous sommes là aussi pour échanger sur nos projets, transmettre des contacts,

64

ouvrir nos carnets d'adresses... Dans une logique de solidarité, de chaleur, qui fait beaucoup de

bien » explique une participante à Mosson Créatives.

En effet, dans un réseau féminin les femmes osent d’avantage et il y a une plus grande

sincérité : quand ça ne va pas, ça ne va pas ! Dans les réseaux mixtes ou masculins ce genre de

déclaration n’a pas lieu, mais il y a une autre façon d’avancer qui est beaucoup plus combative,

ils ne vont pas forcement échanger sur les difficultés qu’ils rencontrent, sur les soucis, sur la

résolution d’un problème car ils vont le faire seuls ou en petit comité. D’ailleurs, « il y a moins

de compétitivité dans un réseau féminin » estime G.A., une créatrice d’un club.

Dans les réseaux féminins, elles discutent, elles mutualisent et dialoguent plus. C’est-à-dire

qu’elles peuvent profiter de l’expérience des autres, les aider et s’aider elles-mêmes. En

partageant leurs expériences et leurs compétences dans ces réseaux, elles bénéficient de leurs

échanges, de témoignages réels, de pratiques professionnelles et d’exemples concrets. Les

femmes sont dans une dynamique d’entraide, elles travaillent à être en synergie pour acquérir

cette mentalité d’entrepreneure.

En revanche, avec les hommes ce n’est pas possible de profiter de l’expérience de quelqu’un

d’autre parce qu’ « ils sont les meilleurs » : « Une vraie différence c’est que dans les réseaux

mixtes, immédiatement les hommes se mettent dans « moi, je… » : « Moi, je suis capable »,

« moi, je suis meilleur ». Dans les réseaux des femmes on n’a pas cette envie-là, on n’a pas ce

besoin-là, non plus de dire « je réussis » (Extrait d’entretien R.S., 2013).

Le rapport à l’argent est aussi différent chez les hommes. Même si dans les réunions ils ne

parlent pas d’argent, la notion de « faire du business » et de « l’autopromotion » est plus

présente chez les hommes. Ils essaient vraiment de faire du business à l’intérieur du réseau.

« Ce qui est bien dans les réseaux féminins, c’est qu’à un moment on dissocie le business et on

s’intéresse plus à qui on est, ce qu’on fait, pourquoi on le fait et comment on veut le faire »

(Extrait d’entretien P. G., 2013).

65

En outre, dans un club féminin, les échanges ne sont ni affectés par la séduction ni par un

besoin de justifier la pertinence de leur projet. En fait, dans un réseau mixte les femmes

essaient de convaincre les autres, voire les hommes, sur l’utilité de leur prestation. Dans un

réseau féminin, par contre, les consœurs ont un regard plus bienveillant et se retrouvent dans

la démarche ou les problématiques de l’autre, comme dans un « effet miroir » (Témoignage

Club en Cœur d’Hérault).

4.2.2. Focus sur le capital social au sein des clubs des créatrices de Montpellier et ses

alentours.

En faisant un parallèle avec l’approche de Plociniczak, les clubs des créatrices permettent,

certainement de construire un capital social basé sur la connaissance du milieu entrepreneurial

à Montpellier et la proximité de la structure sociale, en favorisant le bon déroulement des

projets économiques. Cependant, nous ne pouvons pas affirmer que le succès de l’entreprise

ne repose que sur les relations que les femmes participantes entretiennent avec leur réseau. En

fait, leur succès est déterminé par tout un ensemble de facteurs qui ne dépendent pas d’un

club des créatrices.

En revenant sur la validité de la base théorique de Granovetter, nous pouvons constater que les

femmes participant aux clubs des créatrices de Montpellier et ses alentours modèlent leur

activité économique en prenant en compte la structure de relations socio-économiques dans

lesquelles celle-ci est inscrite. Donc, dans une phase de projet d’entreprise, par exemple, le

réseau joue un rôle déterminant pour comprendre le contexte relationnel, voire

socioéconomique assez difficile à saisir, en leur permettant d’agir en conséquence. Pour celles

qui ont déjà créé, la connaissance et le repérage de la structure sociale ouvrent des

opportunités de développement.

Nous pouvons observer également que son hypothèse, en termes de capacité des réseaux à

construire des liens de confiance et donc une certaine forme de capital social, est vérifiée.

D’abord, les porteuses de projet, les créatrices et les entrepreneuses vont faire confiance à

66

leurs consœurs et à quelqu’un recommandé directement par elles ainsi qu’aux associations

porteuses de dispositifs aidant les femmes à la création de l’entreprise. Par exemple, les

femmes créatrices vont faire confiance au CIDFF ou à l’AETE car elles les considèrent comme

des acteurs légitimes capables de mobiliser et d’influencer la société civile ainsi que d’intervenir

dans le processus de décision politique.

Les réseaux professionnels sont donc le résultat d’un processus de construction sociale.

Lorsque les réunions ont lieu, une certaine solidarité et complicité s’installent et les échanges

ouvrent le champ des possibilités pour le développement de leurs projets professionnels. En

fait, c’est une forme de communauté basée sur la confiance, l’entraide et le respect. Le capital

social est représenté par ce que chacune est capable de donner, de rendre et de recevoir même

si il n’y a pas réciprocité mais multi-latéralité.

De même, l’insertion des créatrices dans la structure socio-économique du territoire influe sur

leur réputation et leur visibilité en leur permettant également de construire leur légitimité et de

lutter contre l’isolement. D’après Messenghem et Sammut (2010), ceci est le résultat d’une

accumulation de capital social si importante dans la démarche entrepreneuriale.

Néanmoins, de nombreuses femmes, au sein des clubs des créatrices, ont des difficultés pour

mobiliser les ressources qui y « naissent » à cause d’un manque de confiance en elles-mêmes

déguisé en timidité ou en « prudence ». Des fois, par exemple, elles n’osent pas demander aux

autres ce qu’elles cherchent concrètement, ce qui diminue les bénéfices potentiels que le

capital social pourrait leur apporter9. A ce sujet une créatrice affirme : « ce que je peux observer

en étant objective, c’est qu’il y a un tel travail personnel à faire que parfois, et pour bon nombre,

elles ont du mal à parler d’elles, de pourquoi elles veulent être entrepreneuses et que c’est elles

9 Toutes les richesses relationnelles, ce que nous appelons « le capital social », ne servent à rien si les femmes

n’arrivent pas à l’utiliser, à s’en servir pour développer leur projet professionnel et/ou personnel car c’est un capital que nous ne pouvons pas accumuler mais qu’il faut faire vivre à travers l’échange, la solidarité et la confiance.

67

qui sont entrepreneuses. Il faut qu’elles s’affirment et qu’elles s’affichent comme ça » (Extrait

d’entretien P.G, 2013).

Ces particularités et ces spécificités sont porteuses d’une richesse immatérielle donnant aux

femmes des outils pour être plus fortes pour aller vers la mixité (rencontrer des clients et

fournisseurs, établir des relations avec d’autres confrères et consœurs appartenant au même

secteur d’activité et/ou des secteurs complémentaires, etc.) en prenant conscience que

« seules nous sommes invisibles, ensemble nous sommes invincibles » comme le disent les

Femmes Chefs d’Entreprise dont c’est la devise. Toutefois, il faut apporter des nuances sur ce

constat plutôt positif, spécialement sur les limites et les risques de détournements dans l’usage

des réseaux professionnels féminins.

4.3. Les limites et les risques d’instrumentalisation des réseaux professionnels:

éléments contraignants pour le développement du capital social à l’intérieur de clubs

des créatrices

Jusque là nous avons mis en avant les apports des réseaux pour les porteuses de projets, les

créatrices et les entrepreneuses tout au long de leur démarche entrepreneuriale. Cependant,

cette réalité n’est pas absente de limites, voire de contraintes à leur développement.

Comme dans tout groupe humain, existe le risque que le réseau soit instrumentalisé par l’une

des consœurs : utilisation du réseau pour son propre intérêt et/ou détournement de

l’information. Même si ce genre de comportement est sanctionné par le groupe (parce qu’elles

en parlent à l’intérieur du club des créatrices ou décident de l’expulser du cercle de confiance),

la trace, elle, reste.

D’ailleurs, les clubs des créatrices peuvent être également instrumentalisés, voire banalisés par

des personnalités politiques ou même par les institutions/associations porteuses du dispositif

afin de satisfaire des intérêts particuliers ou électoraux. Cela a des conséquences négatives sur

68

l’image d’autres réseaux qui travaillent sur l’empowerment féminin via la création

d’entreprises.

Une divergence d’objectifs peut également rompre la dynamique du réseau et donc bloquer les

effets positifs de clubs des créatrices: « Donc, on n’était pas au même niveau des besoins, de

l’envie de faire, de publicité et tout. Donc, c’était difficile, et puis ceux qui n’avaient pas

beaucoup de travail voulaient se réunir dans la journée, et ceux qui en avaient voulaient se

réunir le soir. » (Extrait d’entretien M. P., 2013). Bien que le nom du réseau mette en évidence

le public envisagé, il vaut mieux le rappeler, ainsi que les objectifs de chaque réunion.

De même, les tensions à l’intérieur des clubs des créatrices, entre une créatrice et l’autre ou

entre l’animatrice et l’une de créatrices, peuvent empêcher la stratégie collective et casser la

confiance : du fait que les clubs des créatrices ne se limitent pas à un échange professionnel et

qu’il n’y a pas un consensus sur une charte déontologique, il existe le risque de dépasser la

frontière du respect et parler, voire faire des jugements sur la vie privée des autres.

En outre, pour que un club de créatrices soit porteur d’informations, d’échanges et

potentiellement capable de développer des relations de confiance riches d’opportunités et

d’ouvertures, il est nécessaire que les porteuses de projets, les créatrices et les entrepreneuses

y participent régulièrement et activement. Cela veut dire que le fait de créer un club (p.ex. pour

une association) n’est pas enrichissant en soi, sauf si les femmes participantes rentrent dans

une dynamique d’interdépendance, et font vivre les réseaux à travers la mobilisation de ces

ressources. Si ce n’est pas le cas, le club risque d’être cloisonné et de tourner sur lui-même.

De même, l’appartenance à un club de créatrices n’est pas non plus une garantie de succès ou

de réussite entrepreneuriale car il y a plusieurs facteurs qui influent et qui sortent de sa

compétence. Les clubs des créatrices apportent une ouverture à l’élaboration d’un réseau

professionnel, mais il est essentiel que les femmes soient bien entourées de professionnels

multisectoriels, rencontrent leurs pair(e)s et se constituent leur propre réseau porteur.

69

Il faut également nuancer l’image que les réseaux professionnels (dont les clubs des créatrices)

sont forcément porteurs de business. En fonction de la façon dont ils sont utilisés, ils peuvent

ou non avoir un impact sur le volume d’affaires : « Au niveau financier, ça ne m’a pas apporté

grande chose, mais c’est à cause de moi, car je n’ai pas su utiliser bien le réseau. Je n’exprimais

pas assez ma demande personnelle, je ne faisais pas travailler mon réseau. Pourtant j’étais

connue » (Extrait d’entretien P. G., 2013).

Des risques tels qu’une perte identitaire (en disant ou en agissant comme tout le monde) ou de

se faire piquer les idées, sont également pris dans les clubs des créatrices. Toutefois, ce sont

des risques difficiles à évaluer, et nous n’en avons pas été témoins.

Pour l’instant, l’idée de construire une charte déontologique à l’intérieur de chaque club des

créatrices et une autre entre les réseaux féminins à Montpellier est la seule proposition pour

contrebalancer le risque d’instrumentalisation et d’un détournement d’usage. Il est important

également que les réseaux de la création et les réseaux féminins travaillent ensemble pour

dynamiser l’entrepreneuriat féminin, en évitant une stagnation, voire une monotonie dans les

échanges entre les créatrices.

En fait, pour qu’un club des créatrices évolue il faut avoir un projet derrière, avec des

propositions de transformation claires, et qui soit capable de donner des outils aux porteuses

des projets et aux créatrices pour faire face à cette réalité socio-économique construite sur des

stéréotypes de genre. Se réunir pour se réunir, pour la simple raison que nous sommes des

femmes n’y a pas de sens. L’objectif d’un réseau est de porter une idée à plusieurs, et si les

clubs des créatrices s’éloignent de leur but, la capacité de construire un capital social porteur

de légitimité est perdue. Il faudra revenir à l’essence même du club des créatrices pour

retrouver la dynamique et la force de proposition, qui n’est pas toujours mise en avant.

70

CONCLUSION

Tout au long de ce travail nous avons essayé d’élucider l’impact des réseaux professionnels

féminins sur l’entrepreneuriat féminin et de répondre ainsi aux multiples questions qui se sont

soulevées pendant la période de stage : est-ce que les réseaux des femmes créatrices et

entrepreneuses influencent positivement le développement de l’entrepreneuriat féminin ? Et si

c’est le cas, de quelle manière? Quels types de ressources sont mobilisés au sein des réseaux ?

Qu’est-ce qu’ils apportent ?

En prenant les cas de quatre clubs des créatrices qui ont lieu à Montpellier et ses alentours

nous pouvons constater que leurs effets sont multiples, pourtant pas mesurables puisque nous

sommes dans des registres assez subjectifs, avec des référentiels que ne sont pas les mêmes

pour toutes les porteuses de projets et créatrices.

Dans un premier temps nous avons considéré important d’aborder le sujet de l’entrepreneuriat

féminin sur deux volets souvent considérés comme opposés, pourtant complémentaires : le

social et l’économique. Sous ce regard, l’entrepreneuriat féminin est révélateur de l’insertion

des femmes dans le monde économique en étant une alternative de création de leur propre

emploi, en leur donnant de la visibilité et de l’indépendance aux femmes : « Une créatrice

vivant de son activité-entreprise, est une responsable locale insérée, actrice en même temps

dans son métier, dans sa vie, participante dans le contexte socio-économique de la ville, donc

concrètement à l’évolution de la société » (Conférence Entrepreneuriat féminin Martine Viguier,

2013).

Dans un deuxième temps, nous nous sommes interrogés sur la place des réseaux professionnels

féminins dans ce scénario. A partir du constat fait au niveau de l’utilité et les particularités des

clubs des créatrices, nous pouvons affirmer que dans leur sein sont mobilisés notamment des

ressources relationnelles et informationnelles stratégiques influant sur le développement

économique et social de porteuses des projets et de créatrices.

71

Les liens relationnels qui ont lieu au sein de clubs des créatrices peuvent être porteurs

d’information riche et pertinente sur les opportunités à saisir sur le territoire, ainsi que des

pratiques et méthodes de gestion plus adaptés aux problématiques de chacune : grâce au

processus d’apprentissage collectif, les réseaux professionnels féminins permettent aux

femmes de se ressourcer pour mieux réussir chacune des étapes et stimuler leur créativité pour

adapter les apports des autres à leur situation particulière. Les réseaux permettent d’établir

donc une relation professionnelle et donnent à la fois des instruments et des informations

utiles pour le développement de l’entreprise et pour le développement des compétences de

l’entrepreneuse.

La réciprocité dans les échanges est un élément transversal de tous les clubs des créatrices :

nous passons de l’indépendance à l’interdépendance. A chaque réunion les porteuses de

projets et les créatrices peuvent recevoir et donner des conseils, être encouragées ou

encourager les autres, partager des informations et/ou intervenir sur un sujet de leur domaine

d’expertise. Cela a lieu dans un contexte de libre expression et solidarité. Ceci serait renforcé

par la convivialité et l’estime vis-à-vis des autres femmes partageant la passion d’entreprendre

et qui se construisent autour de la critique constructive, la bienveillance et la remise en

question sur la pratique professionnelle et le rôle de chef d’entreprise.

Nous avons pu constater également que les clubs des créatrices, outre que fournir des

informations, des possibilités et des aides, donnent le soutien émotionnel, la légitimité et la

reconnaissance professionnelle dont les femmes ont besoin. En effet, les porteuses des projets

et les créatrices disent sortir de chaque réunion reboostées, plus sûres d’elles mêmes et avec le

sentiment qu’elles ne sont pas toutes seules dans leur parcours entrepreneurial : c’est comme

si elles avaient l’énergie pour poursuivre leur démarche et ne pas baisser les bras dans le

processus de la création et du développement de l’entreprise.

72

C’est ainsi que les réseaux professionnels sont un outil efficace de développement personnel et

social : confiance en soi, accès à une information privilégiée, compréhension des situations et

création des synergies à l’intérieur des réseaux.

Dans cette optique, il faudra signaler l’importance de clubs de créatrices comme un moyen de

sortir de l’isolement et de légitimer la création d’entreprises par les femmes. D’un côté, parce

que les femmes créent plutôt des TPE, voire des entreprises sans salariés, notamment pour

assurer leur propre emploi, ce qui les laisse toutes seules face au marché. Cet élément est

également accentué par la mise en place du régime d’auto-entrepreneur depuis 2009, et la

tendance à travailler de chez elles. D’un autre côté, les femmes doivent se battre toutes seules

pour démontrer qu’elles sont compétentes dans leur domaine. Cela est d’autant plus vrai

quand elles exercent un métier considéré masculin.

A cela s’ajoute une autre mission des réseaux féminins : la lutte contre les stéréotypes de

genre. La société a adopté, voire naturalisé, une représentation sexuée des métiers dont il faut

prendre conscience car elle est problématique sur le parcours vers la parité et l'égalité des

droits et des chances entre les femmes et les hommes. A ce sujet, les réseaux professionnels

féminins ont un long chemin à parcourir, car hormis quelques exemples, la majorité ne travaille

sur ce registre.

Toutefois, pour que les clubs évoluent et aient un impact sur l’entrepreneuriat féminin il faut

un vrai engagement de la part de tous les acteurs impliqués (associations, participantes et

professionnelles). La permanence régulière aux réunions est la seule façon d’instaurer des

relations mutuelles de confiance et de reconnaissance, pour ensuite pouvoir mieux se

recommander, travailler et échanger en réseaux, donnant ainsi à chacune plus d’opportunités

et d’ouvertures de leur champ des possibles ! Celles-ci donneront plus de visibilité aux femmes

chefs d’entreprises et leur permettront également prendre leur place dans l’organisation socio-

économique.

73

Tout bien considéré, un réseau professionnel il faut le faire vivre pour arriver à construire des

liens sociaux et économiques et devenir ainsi un outil de concertation et de promotion de

l’entrepreneuriat féminin auprès des pouvoirs publics, des partenaires et des citoyens. Pour

consolider les avancées réelles dans cette direction il est important de promouvoir les liens

avec d’autres clubs et réseaux socio-économiques et de construire un projet qui aille au-delà de

la dénonciation des inégalités.

Pour conclure, il faut signaler que cette approche de la réalité des femmes porteuses de projets

et créatrices témoigne de la constante interaction entre la vision économique et la vision

sociologique du système. Nous sommes dans une organisation sociale qui change en

permanence et qui nous modifie également : les réseaux sociaux-professionnels, les nouvelles

technologies de l’information et de la communication (TIC), les nouveaux mouvements sociaux,

les nouveaux besoins, entre autres, modifient notre rapport à l’argent et notre place dans la

société.

Ces deux registres sont alors intrinsèques au développement social, et demandent aux

professionnels de prendre en compte la complexité de cette réalité pour comprendre et pour

envisager des réponses pertinentes et adaptées aux problématiques de chacun et de chacune.

Nous avons perçu les réseaux professionnels féminins comme un réel trait d’union entre le

socio et l’économique !

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CREF : www.cref-france.com

European Institute for Gender Equality : www.eige.europa.eu

Ministère des Droits des Femmes : http://femmes.gouv.fr/

Place des réseaux : www.placedesreseaux.com

Women Equity : www.women-equity.org

81

Annexe 1 : Dispositifs d’aide à la création d’entreprises par les

femmes

Fonds de garantie à l’initiative des femmes (FGIF)

Dispositif géré par l’association France Active, le FGIF a comme objectif faciliter l’obtention de

prêts bancaires pour couvrir des besoins en fonds de roulement et/ou investissement en phase

de création, reprise ou développement d’une entreprise.

Bénéficiaires : Il peut être attribué à toutes les femmes qui veulent créer, développer ou

reprendre une entreprise ; et ce quels que soient le statut de la créatrice, la forme juridique de

l’entreprise, son secteur d’activité. La responsabilité de l’entreprise doit être assumée en titre

et en fait par une femme. L’entreprise bénéficiaire doit avoir été créée ou reprise depuis moins

de cinq ans.

Caractéristiques : Le dispositif garantit des prêts obtenus auprès d’un organisme bancaire sur

une durée de deux à sept ans et d’un montant supérieur à 5000 euros. La garantie s’élève à

70% du prêt et le montant garanti est limité à 27 000 €.

www.franceactive.org

Les CLEFE (Clubs locaux d’Epargne pour les femmes qui entreprendre)

Le CLEFE regroupent environ 25 clubs qui accordent des prêts à des entreprises gérées et

créées par des femmes (montant du prêt : entre 3 049 à 7 622 euros). Outre cette aide

financière, la structure assure un accompagnement d'une durée minimale de deux ans. Ces

prêts son assortis d’un intérêt que la créatrice rembourse selon une convention signée avec le

club d’épargnants.

82

Cet outil a été mis en place par Racines, une structure d'appui au développement d'entreprise

ayant pour objectif l'insertion des femmes dans la vie économique et financière

www.racines-clefe.com

L’ARAF (Aide à la Reprise d’Activité des Femmes)

Ce dispositif aide à payer les frais de garde des enfants de moins de 6 ans pour les femmes qui

ont la garde habituelle. Cette aide est réservée aux femmes inscrites comme demandeuses

d’emploi (mais non indemnisées au titre de l’assurance chômage) et elle attribuée aux femmes

qui reprennent une formation, une activité salariée ou qui créent leur entreprise (individuelle

ou sociétale).

L’ARAF est versée par l’ANPE et ne peut être attribuée qu’une seule fois pendant une période

de 12 mois. L’aide peut être renouvelée au-delà d’un an si la bénéficiaire remplit de nouveau

les conditons.

www.anpe.fr

Paris Pionnières

Paris Pionnières est la première structure en France d'accompagnement et d'hébergement

dédiée aux femmes créatrices d'entreprises dans le domaine des services innovants à la

personne et aux entreprises. Ils proposent un accompagnement « sur mesure » ainsi que la

mise à disposition des bureaux.

www.parispionnieres.org

83

IRFED Europe

Irfed Europe a mis en place un dispositif de formation et d'accompagnement à l'intention des

femmes en situation de précarité devant l'emploi, notamment immigrées ou issues de

l'immigration. Ce dispositif comporte diverses activités : information, accueil, orientation ;

formations généralistes et en comptabilité ; accompagnement individuel ; recherche de

partenaires financiers ; suivi après la création et animation d’un réseau des créatrices.

Femmes Business Angels

Le réseau Femmes Business Angels met en relation des femmes investisseurs à forte expérience

managériale avec des porteurs de projets (création d'entreprises à haut potentiel). Ces femmes

sont des consultantes et femmes d'entreprise attentives à l'évolution du pouvoir de décision

des femmes dans l'économie. Ce réseau est destiné à promouvoir l'implication des femmes

dans l'investissement et le coaching d'entreprises en création.

www.femmesbusinnessangels.org

84

Annexe 2 : Réseaux Professionnels Féminins favorisant

l’entrepreneuriat féminin à Montpellier et ses alentours

Assemblée Des Femmes

Association militant pour la parité femmes-hommes au niveau social, économique et politique.

Créatrices de l’Observatoire de la Parité du Languedoc-Roussillon. Ouvre pour faciliter et

promouvoir l’accès des femmes dans toutes les sphères de la vie publique (organise des

colloques a thèmes, analyse des résultats des élections, etc.)

Association Française Des Femmes Diplômées des Universités

Groupement de femmes diplômées de l’université de notre région.

En travaillant en réseau national et international, les femmes membres de l'AFFDU veillent à

promouvoir toutes les femmes diplômées ou étudiantes dans l'enseignement supérieur, en leur

permettant d'accéder à des bourses ou à des aides financières mais aussi en les informant sur

les offres d'emplois. Par ailleurs, elles mènent des conférences, et mettent en place les

"Olympes de la parole" auprès des écoles primaires afin de faire réfléchir sur la place des

hommes et des femmes dans la société.

Bâtir Au Féminin

Association de femmes entrepreneuses du bâtiment (second œuvre essentiellement) se

regroupant pour faciliter leur accession professionnelle et leur activité dans ce monde

masculin. Elles partagent leur savoir avec d’autres femmes aux parcours multiples et facilite

l’orientation des femmes vers le secteur du bâtiment. Réunion mensuelle à la Chambre de

Métiers et de l’Artisanat de Montpellier, le 3ème mercredi du mois (19h – 21h).

Cercle Des Femmes D’actions

Association de femmes actives de Montpellier et sa région, commerçantes, chefs d’entreprises,

professeurs, médecins, etc. qui se retrouvent chaque mois autour de thèmes de réflexion,

économiques, culturels, sociologiques, médicales, politiques, lors de dîners-débats associant un

85

intervenant de qualité. Elles définissent leurs actions autour du “Coeur”, de la “Raison” et de la

“Fête”.

CIDFF de l’Hérault

Centre d’information sur les droits des femmes et des familles, est représenté dans chaque

département de France, ayant mission déléguée du ministère des droits des femmes et de

l’égalité. A pour objectif favoriser l’autonomie des femmes en proposant des services chargés

d’accueillir, d’informer, d’accompagner et d’orienter le public dans le domaine juridique,

familial, économique, social et professionnel. La création d’activité par les femmes est un axe

fort du secteur emploi – formation du CIDFF de l’Hérault.

Citoyennes Maintenant

Association de féministes (femmes et hommes), issue d’un collectif d’associations, œuvrant

pour la reconnaissance des compétences et la présence paritaire des femmes à des postes de

responsabilités et de décisions : civiques, politiques, sociales, culturelles et économiques.

CREF

Centre de Ressources pour l’Entrepreneuriat au Féminin, le 1er en France, créé en décembre

2000 par les Femmes Chefs d’Entreprises de l’Hérault afin d’accompagner les femmes

porteuses d’un projet de création ou de reprise d’entreprise et les nouvelles entrepreneuses.

Le CREF reçoit les créatrices et entrepreneuses pour faciliter leur travail en réseaux

(économique) et les aider dans leurs démarches de création et développement, sous forme de

réunions mensuelles et de rendez-vous individuels. Réunion tous les derniers mardis du mois de

10 à 12h30.

Evénementi’elles

Association permettant aux personnes indépendantes : VDI, auto-entrepreneurs, entreprises

individuelles, TPE, de se regrouper et d’organiser ensemble les actions qu’elles jugent

nécessaires pour leurs activités ou pour augmenter leur visibilité.

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Féminin Plurielles

Organisation de rencontres mensuelles à thème, dans un café de Montpellier où elles

présentent ce que les femmes d’ici ou d’ailleurs, font d’extraordinaire... et reçoivent des

femmes extraordinaires dans tous domaines.

Féminin Pluriel

Féminin Pluriel est un réseau international qui rassemble des femmes solidaires et

entreprenantes, des femmes de projets qui souhaitent partager leurs expériences, s’informer,

apprendre, s’engager et se mobiliser sur des actions d’ouverture professionnelle.

Les ambitions de Féminin Pluriel sont :

- développer et optimiser l’activité professionnelle et le réseau des membres,

- favoriser le partage d’expériences et de ressources et sceller des liens d’amitié,

- cultiver l’esprit d’entraide en aidant ses membres ponctuellement en difficulté,

- accélérer l’ascension sociale des plus jeunes

Les femmes du club, animées par l’esprit de curiosité, apprécient notamment les déjeuners

mensuels qui ont lieu, chaque 3ème mardi du mois, à La Réserve Rimbaud à Montpellier.

Féminin Pluriel sélectionne avec vigilance ses membres, dont le nombre n’excède pas 100. Les

femmes sont cooptées pour avoir prouvé leur réussite professionnelle tout autant que

leurs qualités de cœur.

Femmes 3000 :

Réseau ayant pour mission de donner de la visibilité aux femmes et à leurs projets. La

Fédération Femmes 3000 rassemble les femmes pour :

- Augmenter la participation des femmes dans la vie publique, économique et sociale ;

- Développer des projets qui les rendent visibles ;

- Faire reconnaître leurs compétences ;

- Encourager la prise de risque ;

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- Travailler sur l'égalité des chances dans tous les domaines.

"Femmes 3000" encourage la prise de risque et travaille pour l'égalité des chances dans tous

les domaines. La fédération Nationale "Femmes 3000", reconnue par les instances

décisionnelles de notre pays, s'appuie sur ses délégations régionales, départementales, et sur

les associations de Femmes adhérentes, pour tenir ses objectifs.

Femmes Actives Montpellier

Réseau de communication qui agroupe de femmes entrepreneuses qui travaillent et valorisent

leur communication professionnelle en commun (sur internet et au sein de l’association).

Réunions mensuelles, ateliers et rencontres pour évoluer professionnellement.

Femmes Et Leader

Femme et Leader est un réseau dont la volonté est de rompre l’isolement, d’échanger des

compétences et de continuer à se former. C’est un Club Business de femmes actives dans

toutes les sphères économiques qui ont surtout l’énergie d’entreprendre et d’agir pour

promouvoir le leadership au féminin et favoriser la mixité en entreprise.

Leur objectif est d’être initiatrices de bonnes pratiques et force de proposition pour faire

évoluer les modèles de management et briser le plafond de verre. Elles travaillent également à

nouer des partenariats avec des entreprises qui ouvrent la voie de la mixité et développent des

attitudes gagnantes pour que les relations entre les hommes et les femmes soient justes,

équitables et équilibrées

Femmes Chefs D’entreprises

Réseau mondial de femmes chefs d’entreprises, qui ont en France 19% des mandats patronaux

(ça vient de doubler en 2012), et qui échangent leurs savoirs, informations et pratiques pour

mieux œuvrer dans leur rôle et renforcer leur présence dans les instances décisionnelles.

Soutien des engagements individuels de chaque adhérente. La délégation de l’Hérault est très

active ; elle a créé le 1er CREF.

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Femmes De Décisions Et D’action – FDA

L’objectif est la promotion des femmes dans tous les circuits de décision. Lieu convivial, de

rencontres et réaliser des actions sociaux.

Fonds Pour Les Femmes En Méditerranée

Agit pour l’amélioration de la condition féminine et la promotion de l’égalité des sexes dans

l’ensemble des pays du bassin méditerranéen en contribuant au renforcement du mouvement

des femmes de la région, tant au niveau local que régional. Elle soutient 45 programmes en

faveur de l’émancipation des femmes dans 13 pays de la Méditerranée.

Mampreneurs

Association de femmes entrepreneuses et mamans qui échangent mensuellement autour de la

conciliation de leur vie de maman et de celle de chef d’entreprise autour d’un intervenant ou

d’une mampreneur partageant ses compétences dans un domaine

Mosson Créatives

Nom de l’action portée par l’AETE et dédiée aux porteuses de projets, aux créatrices et aux

entrepreneuses, pour l’accompagnement au montage, élaborer puis suivi la réalisation de leurs

parcours vers la création d’activités et d’entreprises, avec atelier ou réunion thématique

mensuels, tous les derniers lundis/mois de 14h à 16h30.

Réseau Des Créatrices

Créé en 2002, est né à la demande des anciennes du Club des Créatrices au CIDFF, qui ont créé

leur entreprise depuis plusieurs années, et qui souhaitent poursuivre leurs échanges de

pratiques autour du développement et de la pérennisation de leur activité ou entreprise.

Soroptimistes International

Le Soroptimist International (« SI ») est un réseau mondial de femmes exerçant une activité

professionnelle et aidant de leurs compétences les communautés locales, nationales et

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internationales en faveur des droits humains et du statut de la Femme. Club-service d’utilité

sociétale

- Du Soutien aux femmes à acquérir leur autonomie financière et à accéder au leadership

- De la lutte contre toutes les formes de violences à l’égard des femmes

- De l'aide à l’éducation au développement durable sur la question de l'eau

- De l’encouragement aux apprentissages

- Aux contributions aux grandes causes de santé publique.

Vinifilles

Association de vigneronnes engagées dans la viticulture en Languedoc Roussillon fédérées en

2009, adeptes du plaisir et de la richesse de leur métier. Son but c’est partager leur savoir-faire

et développer une entraide entre vigneronnes, ainsi que transmettre la culture du vin.

Zonta

Organisations mondiales de femmes, ayant des responsabilités et engagées

professionnellement, qui travaillent ensemble pour faire avancer la situation des femmes en

utilisant les actions de service et l’advocay.

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Annexe 3 : Guide d’entretien

INFORMATION PERSONNELLE

Prénom et Nom :

Age :

Secteur d’activité :

Date de création de son entreprise* :

Statut Juridique :

Nombre de salariés :

CRÉATION ET DEVELOPPEMENT:

• Avant de créer cette entreprise, quelle était votre situation professionnelle ?

• Pourquoi vous avez décidé de créer une entreprise ? (Motivations)

• Quelles sont les difficultés que vous aviez rencontrées dans votre phase de création ?

(Obstacles)

• Qui vous a soutenu pendant votre phase de création? Qu’est-ce vous a été le plus utile ?

• Avez-vous reçu une aide financière ou soutien institutionnel ? (Accompagnement)

RÉSEAU

• Qu’est ce pour vous « un réseau » ? (en fonction de la réponse donnée par les répondants,

soit nous continuons par ce que la définition qu’on nous donne est celle que nous

privilégions dans notre travail, soit ce n’est pas le cas et nous donnons une définition claire

du « réseau » (formel/ informel) et nous partons sur cette définition)

• Pourquoi avez- vous décidé d’intégrer un réseau féminin ? Quel plus y trouvez-vous ? Que

cherchez vous dans un réseau féminin ?

• Comment vous constituez votre réseau ? (Quel moyens : les contacts déjà acquis, les

clients, les prescripteurs, la recommandation, le bouche à oreille, les amis, les occasions

conviviales – dîners, salons professionnels- ou « au fil de l’eau »)

* Date d’inscripción SIRET

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• Comment interagissez-vous avec votre réseau ? (demande de l’information, demande des

contacts, demande de l’aide, ouvrir le carnet d’adresses, recommande des personnes

• Vous êtes adhérente d’autre réseau (formel) ? Il est mixte ou féminin ?

• Qu’est-ce que le réseau vous apporte?

CERTAINS REFLEXIONS

Pour résumer : Quels facteurs de réussite pouvez vous énoncer dans votre parcours

entrepreneurial ? (Réseaux, partenaires business, soutien des proches, expérience)