Université Bordeaux 2 – Victor Segalen · sur la marche d’escalier résiduelle, créant une...

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Université Bordeaux 2 – Victor Segalen Année universitaire 2008-2009 Ostéotomie « idéale » dans les cals vicieux de fracture du pilon tibial. Analyse d’une série de 9 patients. Mémoire présenté en vue de l’obtention Du D.E.S.C. de Chirurgie Orthopédique Dr MOUTON Antoine Sous la direction du Professeur JUDET.

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Université Bordeaux 2 – Victor Segalen

Année universitaire 2008-2009

Ostéotomie « idéale » dans les cals vicieux de fracture du pilon

tibial. Analyse d’une série de 9 patients.

Mémoire présenté en vue de l’obtention

Du

D.E.S.C. de Chirurgie Orthopédique

Dr MOUTON Antoine

Sous la direction du Professeur JUDET.

Table  des  matières  

Physiopathologie  ...............................................................................................................  5  

Clinique  ..............................................................................................................................  9  

Technique  chirurgicale  .....................................................................................................  12  

Matériel  et  Méthode  ........................................................................................................  16  

Evaluation  clinique.  .........................................................................................................................................................  16  Evaluation  radiologique.  ...............................................................................................................................................  17  

Résultats  ..........................................................................................................................  18  

Mécanismes  .........................................................................................................................................................................  18  Traitement  initial  .............................................................................................................................................................  18  Séquelles  ...............................................................................................................................................................................  18  Suites  opératoires  ............................................................................................................................................................  19  Evaluation  finale  ...............................................................................................................................................................  20  Analyse  radiologique  ......................................................................................................................................................  21  

Discussion  ........................................................................................................................  22  

Conclusion  .......................................................................................................................  27  

Bibliographie  ....................................................................................................................  28  

3

Introduction

La prise en charge des chevilles douloureuses dans les séquelles de

fracture du pilon tibial est dans la plupart des indications, après un

traitement médical bien conduit, une arthrodèse tibio talienne, et dans

une moindre mesure une arthroplastie prothétique de cheville. De

façon rare mais non exceptionnelle, une incongruence articulaire

persiste après le traitement initial et une indication d’ostéotomie, dite

« idéale », visant à rétablir l’anatomie en reproduisant le trait de

fracture, peut être posée.

L’objectif de cette étude est de discuter des possibilités de sauvetage

secondaires de cheville, d’en discuter les indications et d’étudier

rétrospectivement les résultats de 9 patients opérés entre 2002 et 2008.

Le but du traitement dans les fractures articulaires du pilon tibial est

de restaurer le plus précisément possible l’anatomie. L’articulation

tibio-talienne supporte peu les défauts de réduction. Le moindre défaut

intra articulaire augmente considérablement le stress articulaire en c

réant des pics de contraintes et en modifiant les zones de contraintes

sur des zones non destinées à ces charges[1]. Ce stress est encore

majoré par le raccourcissement malléolaire latéral, et par les

malalignements talaires, même ci ceux-ci sont minimes, ces deux

défauts étant fréquemment retrouvés dans les fractures obliques de la

malléole latérale associées aux fractures marginales postérieures du

pilon tibial.[2]

4

La résultante de ces modifications est très fréquemment la survenue

d’une dégradation articulaire rapide, c’est-à-dire une arthrose tibio

talienne.

Dans des cas rares, mais non exceptionnels, il existe un cal vicieux

articulaire, avec des lésions cartilagineuses très localisées, et le reste

de l’articulation reste sain. Il faut pour cela réunir certaines

conditions : il s’agit de fractures - séparations pures sans enfoncement,

à trait simple. C’est le cas le plus souvent des fractures marginales

postérieures, mais peut survenir aussi dans le cadre de fractures

marginales antérieures, mais celles-ci s’accompagnent en règle de

tassements plus ou moins importants. Lorsque le déplacement a été

non ou insuffisamment corrigé, le talus peut venir se mettre à cheval r

sur la marche d’escalier résiduelle, créant une arthrose très localisée,

en bande, sur le dôme talien.

Il semble alors logique, et ce de façon intuitive, de corriger ce défaut

en rabaissant le fragment concerné afin de restaurer l’anatomie.

L’objet de cette étude est d’étudier rétrospectivement les résultats

cliniques et radiologiques d’une série continue de 9 patients opérés

entre 2002 et 2008.

5

Physiopathologie  

Dans le cadre d’une cheville séquellaire d’un traumatisme, il faut

comprendre le mécanisme fracturaire, c’est-à-dire comprendre les

traits fondamentaux, le sens des déplacements élémentaires,

l’importance des éventuels enfoncements. En effet c’est de cela que

vont être discutées les indications thérapeutiques.

Les chevilles qui présentent un certain degré d’incongruence

articulaire après une fracture séparation seront celles qui seront

candidates à une chirurgie secondaire de correction visant à rétablir

l’anatomie.

Le cas le plus fréquent est une fracture séparation marginale

postérieure associée à une fracture bimalléolaire. Cette fracture est en

effet une fracture qui nous le verrons a peu de composante de

tassement ostéochondral et entraîne rapidement une incongruence

articulaire.

Le mécanisme lésionnel le plus fréquent est le traumatisme de cheville

en rotation externe et abduction de Duparc, réalisant des fractures inter

tuberculaires à trait spiroïde, avec fragment marginal postérieur.

Le trait malléolaire latéral est oblique en bas et en avant. Le

déplacement élémentaire du fragment distal malléolaire est une

ascension et un recul autour d’un axe horizonto-frontal, et une rotation

externe autour d’un axe vertical.

6

Sens des déplacements élémentaires du fragment malléolaire latéral.

Le trait de fracture tibial est frontal, également oblique en bas et en

avant, le plus souvent postéro-externe, dans la continuité du trait de

fracture malléolaire. Le déplacement élémentaire du fragment

marginal postérieur est identique à celui du fragment malléolaire :

Le fragment marginal postérieur est reculé, ascensionné et présente

également un trouble de rotation.

Dépalcement élémentaire du fragment marginal postérieur.

7

Il existe donc un déplacement d’un bloc composé du fragment

malléolaire distal, du fragment marginal postérieur, solidarisés par

l’intermédiaire du ligament tibio fibulaire postérieur, et également du

talus, l’articulation talo-fibulaire restant intacte. Les ligaments fibulo-

taliens, et fibulo calcanéen ne sont en effet pas rompus. Ce bloc

comprenant le talus suit donc les déplacements élémentaires des 2

fragments en rotation, ascension et recul, et le talus vient alors se

mettre à cheval sur la marche d’escalier tibiale créée.

Trait de fracture élémentaire sur une coupe axiale. Conflit localisé et subluxation postérieure.

Déplacement d’un bloc postéro-externe incluant le talus

8

Si ce déplacement n’a pas été réduit, ou insuffisamment, la fracture

consolide en position vicieuse. Le talus reste subluxé en postéro

externe, et à cheval sur l’incongruence articulaire, créant des douleurs,

une raideur et un défaut d’axe de l’arrière pied.

9

Clinique  

La présentation clinique est alors souvent un patient qui consulte pour

des douleurs sur une cheville enraidie en équin. Les articulations sous

jacentes de l’arrière pied et du médio pied peuvent s’enraidir

considérablement, en réaction, comme c’est en règle le cas lorsqu’une

cheville souffre. Il existe un valgus de l’arrière pied.

Les radiographies de cheville sont systématiquement en charge, de

face, face rotation interne 30° et profil. Elles montrent un aspect de

faux pincement tibio talien à prédominance externe qui peut sembler

complet, une pince bimalléolaire élargie, un talus subluxé en dehors.

Le talus est en flexion plantaire, à cheval sur la marche d’escalier

tibiale. Il peut exister une déminéralisation plus ou moins pommelée

de décharge qui fait souvent évoquer le diagnostic d’algodystrophie.

Ceci est souvent la cause d’un retard thérapeutique dans les problèmes

de cal vicieux de cheville.

10

Aspect de faux pincement tibio talien. L’examen qui permet de préciser les lésions articulaires est le scanner

couplé à l’arthroscanner. Les acquisitions du scanner avec

reconstructions dans les 3 plans de l’espace permettent de préciser les

anciens traits de fracture malléolaires et du pilon tibial, leur direction,

le déplacement élémentaire de chaque fragment ; le scanner permet de

confirmer le caractère de séparation de la fracture, et l’absence

d’enfoncement. Il confirme le conflit localisé.

L’arthroscanner montre alors le respect des surfaces cartilagineuses en

dehors de la zone de conflit. Il existe une arthrose très localisée, avec

des lésions taliennes en bande, correspondant à la zone au contact

avec la marche d’escalier.

Cet examen permet donc de confirmer l’indication d’une chirurgie de

correction articulaire, et de planifier l’intervention.

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Coupe de scanner confirmant le trait simple, d’une fracture séparation pure, sans enfoncement, la marche

d’escalier avec zone de contact localisée, subluxation postérieure du talus ; arthroscanner confirmant le respect

des surfaces cartilagineuses en dehors de cette zone de contact.

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Technique  chirurgicale  

Les principes fondamentaux de ce type de chirurgie de sauvetage

seront de rétablir la perte de congruence articulaire et la désaxation en

reproduisant les traits élémentaires de la fracture initiale de façon à

mobiliser les fragments et les réduire en position anatomique.

Nous décrivons ici l’exemple le plus fréquent d’une fracture

bimalléolaire avec fracture marginale postérieure consolidée en cal

vicieux du tibia et de la malléole. Nous l’avons vu il s’agit en fait d’un

déplacement initial simultané des 2 fragments, le talus suivant les

fragments mobilisés, et la correction de ces défauts ne peut se

concevoir que de façon simultanée, permettant de cooriger

l’incongruence articulaire, et en réduisant le talus, la désaxation.

Le patient est installé en décubitus latéral du coté opposé à la cheville

opérée, un garrot pneumatique à la racine de la cuisse, le membre

inférieur laissé libre dans le champ opératoire de manière à le laisser

libre pour pouvoir réaliser des clichés de fluoroscopie.

Un coussin rigide est placé sous la cheville, laissant l’arrière pied dans

le vide afin de permettre des manœuvres de varus valgus.

L’incision est latérale, légèrement en arrière de la malléole, et

arciforme à sa partie basse. L’abord tibiotalien est ensuite

transfibulaire, reprenant le trait de fracture selon un plan oblique en

bas et en avant. La localisation des traits peut être plus ou moins

difficile, la difficulté augmentant en général avec l’ancienneté des

lésions.

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La face postérieure de l’épiphyse et de la métaphyse tibiale est

exposée par une fenêtre passant en arrière des fibulaires, en respectant

leur gaine. Un contrôle du trait de fracture est alors réalisé par la

fenêtre postérieure et par la fenêtre transmalléolaire. Il s’agit en fait du

point de sortie corticale du trait.

Le fragment malléolaire distal est laissé solidaire du talus, et récliné

légèrement vers l’arrière, permettant d’avoir un contrôle

endoarticulaire.

On confirme la présence de cartilage sain sur la majeure partie des

surfaces articulaires tibiale et talienne.

Le point d’entrée du trait d’ostéotomie articulaire est repéré.

La direction du trait est alors définie en contrôlant de façon simultanée

les 2 fenêtres, en se guidant également avec le scanner.

Le fragment marginal a consolidé en cal vicieux en créant un

élargissement antéro – postérieur de quelques millimètres.

L’ostéotomie du pilon tibial est réalisée au ciseau fin, dans la direction

de l’ancienne fracture, guidée par le scanner. Un premier trait est

réalisé, puis l’épaississement de 3 à 5mm est réséqué. C’est cette

résection qui permet de mobiliser, et donc redescendre et de déroter le

fragment marginal à sa position anatomique.

Le contrôle visuel de la réduction est réalisé au niveau articulaire,

mais il devient difficile, car la malléole doit être redescendue, avec le

talus, de façon obligatoirement simultanée à la correction du

déplacement marginal postérieur pour obtenir une bonne réduction. Le

fragment malléolaire distal est en effet descendu en bas et en avant et

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en dérotation. Ceci est permis par les larges surfaces de contact qu’a

créées l’ostéotomie oblique.

La vision articulaire devenant nulle, il faut s’aider de clichés de

fluoroscopie pour confirmer la bonne réduction.

La correction du trouble rotationnel est un des aspects les plus

difficiles à réaliser, et il faut s’aider de multiples incidences

radioscopiques pour confirmer la bonne congruence articulaires.

Il faut parfois procéder à une libération de la fibrose qui a pu

s’interposer en avant de l’articulation tibio-talienne, pour permettre au

talus de retrouver sa position anatomique.

Le fragment tibial ainsi redescendu est maintenu en place par une

plaque console postérieure de 3 à 5 trous.

La malléole latérale est réparée, en veillant à maintenir la réduction en

position anatomique. Une synthèse solide est assurée par une plaque

latérale, plus ou moins associée à des vis de neutralisation.

L’incision est refermée sur un drain et une immobilisation plâtrée est

alors immédiatement réalisée.

L’immobilisation est conservée 45 jours par une botte platrée,

bivalvée pour permettre de débuter une rééducation douce précoce.

L’appui est autorisé entre le 45è et le 60ème jour post opératoire.

15

Clichés post-opératoires de la même patiente. L’interligne est restauré

(clichés non en charge)

16

Matériel  et  Méthode  

Il s’agit d’une série continue de 9 patients opérés de 2002 à 2008. Le

groupe est composé de 4 hommes et de 5 femmes, dont l’age moyen

au moment du traumatisme était de 48 ans, avec des extrêmes de 33 à

66 ans.

Un patient a été suivi jusqu’à 8 mois après l’intervention, puis a été

perdu de vue.

Le délai moyen entre le traumatisme initial et l’ostéotomie est de 12

mois, avec des extrêmes de 3 mois à 28 mois.

Deux fractures sont survenues dans un contexte d’arrêt de travail.

Huit patients étaient en activité au moment de l’accident, le dernier

étant retraité. Cinq avaient un travail physique ou nécessitant des

déplacements quotidiens.

Evaluation  clinique.  

Les patients ont été revus en consultation par le même clinicien,

permettant d’interroger le patient, d’examiner ses mobilités et

d’établir un score de Kitaoka de la cheville[3].

Les mobilités de l’articulation sous talienne ont été évaluées

cliniquement sur une échelle de 0 (ankylose) à 3 (mobilité normale,

symétrique au coté sain)

17

Evaluation  radiologique.  

Un bilan radiographique a été réalisé, comprenant des incidences de

cheville en charge de face, face en rotation interne de 30°, profil

standart, profil en hyperflexion et hyperextension.

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Résultats  

Mécanismes  

Le traumatisme initial était 3 fois une chute d’un lieu élevé, une fois

un traumatisme à haute vitesse (moto), et 5 fois une chute de la

hauteur du patient. Les lésions initiales étaient 6 fois une fracture

bimalléolaire avec fracture marginale postérieure du pilon tibial, une

fracture diaphysaire de tibia irradiée au pilon tibial, une fracture

comminutive du pilon tibial avec ascension d’un fragment marginal

antero-interne, une fracture du pilon tibial antéro interne emportant la

malléole médiale, une fracture du pilon tibiale associée à une fracture

bifocale de la fibula.

Deux fractures étaient ouvertes, stade II de la classification de Gustilo.

Un patient avait une luxation sous talienne du coté opposé, et un

patient une fracture de L1 associée.

Traitement  initial  

Huit patients avaient eu un traitement chirurgical initial, comprenant

des ostéosynthèses internes associées dans 2 cas à un fixateur externe.

Les deux patients avec un fixateur externe posaient un problème

d’écoulement sur fiche.

Séquelles  

Les patients se plaignaient de douleurs, de limitation du périmètre de

marche. Les articulations sous jacentes étaient enraidies.

L’articulation sous talienne était estimée en moyenne à 1,6 (min 0

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max 3), la mobilité globale du médio-pied était moins limitée, évaluée

à 2,25 en moyenne (min 1, max 3).

Six patients présentaient un cal vicieux malléolaire latéral associé au

cal vicieux marginal postérieur, et ont été opérés par voie

transmalléolaire latérale permettant de réaliser des gestes de dérotation

et d’abaissement de la malléole.

Un patient qui ne fait pas partie du groupe prédominant des 6 fractures

bimalléolaires avec marginale postérieure a eu une ostéotomie de la

tubérosité calcanéenne de valgisation associée au geste intra

articulaire tibial, ce patient ayant eu une traumatisme de pilon tibial et

du calcanéum par une chute d’un lieu élévé (accident de parapente),

avec fusion spontanée en varus de l’articulation sous talienne. En

postopératoire ce patient a eu une lésion du nerf tibial postérieur avec

anesthésie plantaire post-opératoire.

Suites  opératoires  

Un patient a eu un démontage précoce nécessitant une réintervention à

3 semaines. Il ne fait pas partie non plus du groupe « malléole externe

– marginale postérieure ». Ce patient a eu une arthrodèse tibio-talienne

6 mois après l’intervention dans un autre établissement.

Les autres patients ont eu des suites opératoires simples, avec un appui

repris entre le 45ème jour et le 3è mois post-opératoire.

Quatre patients ont nécessité une réintervention pour ablation de

matériel d’ostéosynthèse.

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Evaluation  finale  

Le recul moyen est de 22 mois (min 6- max 57).

Au dernier recul 6 patients étaient satisfaits et se déclaraient améliorés

par l’intervention.

Une patiente reste douloureuse mais a refusé l’arthrodèse tibio

talienne jusqu’à présent, à 10 mois de recul.

Une autre patiente à 26 mois de recul reste douloureuse, avec un score

de Kitaoka à 29 et un pincement complet tibio-talien. L’anatomie du

pilon et de la pince bimalléolaire ayant été restituée, une solution

d’arthroplastie prothétique a été envisagée, mais celle-ci n’a pas été

réalisée.

Pour les 8 patients non arthrodésés l’arc de mobilité moyen de

l’articulation tibio-talienne est de 26° (min 10- max 40).

La mobilité sous talienne clinique moyenne préopératoire en excluant

le patient arthrodésé est de 1,6 (min 0 max 3), celle post opératoire est

de 2,5 (min 1 max 3).

Le score de cheville de Kitaoka moyen au dernier recul est de 68,

correspondant à 5 patients avec des bons résultats (score compris entre

75 et 89) et 2 patients avec des mauvais résultats (inférieur à 60), un

patient arthrodésé (score non réalisé), et un patient perdu de vue.

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Analyse  radiologique  

Radiologiquement, les chevilles observées ne sont jamais normales et

présentent toujours un certain degré de remaniement, associant un

pincement articulaire dont l’importance est variable selon les patients.

Deux patientes ont un pincement complet, global pour l’une et localisé

en externe pour la deuxième, ce sont les patientes avec un mauvais

résultat.

Il n’y a pas d’insuffisance de correction.

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Discussion  

Il n’a pas été retrouvé d’article dans la littérature reportant des séries

d’ostéotomie de cheville pour cal vicieux articulaire. Cheleuitte en

2003 décrit une série de techniques « à la carte », dont certaines sont

similaires, mais il ne publie pas de résultats cliniques[2].

Pourtant ce type de « sauvetage » de cheville peut sembler logique

dans certains cas.

Dans le cadre des séquelles de fracture de la cheville, il faut dégager

les indications chirurgicales en fonction de plusieurs éléments.

L’âge est un premier facteur à prendre en compte, en effet plus le

patient est jeune plus on sera tenté « de se battre » pour sauver la

cheville. Les tares du malade interviennent également dans la décision

finale.

L’état du cartilage restant est primordial à évaluer. C’est le rôle du

scanner et de l’arthroscanner. Les patients qui ont le plus de chance

d’avoir un cartilage préservé sont ceux qui ont des mobilités

extrêmement réduites. En effet on comprend que des mobilités

conservées sur une arête tibiale ainsi créée par le cal vicieux entraînent

une dégradation articulaire rapide. En revanche si la cheville n’a

quasiment aucune mobilité, parce que le talus est à cheval sur la

marche d’escalier, le reste du cartilage est préservé, et cela peut durer

longtemps, même chez des patients qui ont repris l’appui, c’est ce qui

explique l’intervalle très long entre le traumatisme initial et

l’ostéotomie « idéale » de la série.

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La cause d’une désaxation doit être évaluée, soit incongruence

articulaire, susceptible d’être corrigée par le rétablissement

anatomique, soit désordre extra articulaire, faisant orienter le

traitement vers une autre technique.

Il faut également évaluer l’état des articulations sous jacentes, et l’état

de la cheville controlatérale, qui a pu avoir des traumatismes, une

éventuelle arthrodèse. En effet faudra se battre pour préserver des

mobilités tibio-taliennes si les articulations sous jacentes sont très

enraidies, et/ou si la cheville opposée est déjà arthrodésée.

En fonction de ces éléments on s’orientera alors vers une arthrodèse

tibio-talienne, une arthroplastie prothétique, et parfois une ostéotomie

« idéale » visant à restituer l’anatomie.

Cette étude porte sur un nombre limité de patients. Par nature (post

traumatique), le groupe de malade est peu homogène, mais les patients

avaient tous en commun un cal vicieux intra articulaire, avec une

arthrose localisée, et ont tous eu une chirurgie comportant une

ostéotomie intra articulaire. Il ressort cependant un groupe

prédominant de patients avec des séquelles de fracture de cheville par

rotation externe et abduction présentant un cal vicieux d’un bloc

composé d’un fragment tibial marginal postérieur, et du fragment

distal malléolaire qui reste solidaire du talus.

Les résultats sont assez variables, sans que l’on puisse faire de

statistique fiable compte tenu du faible nombre de malades. Il est

24

intéressant de savoir que quelques patients ont des résultats

fonctionnels remarquables

Proposer une telle intervention à un patient peut être considéré comme

un pari. Il est essentiel d’informer le patient de l’inconnue et de

l’absence de pronostique possible sur l’avenir de sa cheville, il faut

donc expliquer sa démarche pour justifier une telle intervention.

.

Le fait de supprimer une butée intra articulaire ne permet jamais de

retrouver des mobilités de chevilles complètes, et laisse souvent une

arthrose. Mais la restauration de la congruence articulaire permet de

rééquilibrer les contraintes et de corriger une désaxation frontale de

l’arrière pied. L’arthrose est alors souvent centrée, et bien tolérée ou

mieux tolérée, et on assiste dans certains cas à un assouplissement des

articulations sus et sous taliennes, ce qui participe aux bons résultats

globaux.

25

Arthrose tibio talienne, mais bien tolérée. Le talus a été recentré.

La prépondérance des séquelles de fracture marginale postérieure

associée à une fracture bimalléolaire par abduction et rotaion externe

dans cette étude soulève de nouveau le débat sur l’importance de

restituer l’anatomie en réalisant une réduction à foyer ouvert lors du

traumatisme. McDaniel et Wilson en 1977[4] avaient montré la

supériorité en termes de résultats fonctionnels, de critères cliniques

objectifs et radiologiques des patients opérés à foyer ouvert par

rapport aux patients ayant eu un traitement à foyer fermé. Les auteurs

avaient démontré cette supériorité pour les fractures de volume

important. La surface seuil nécessitant une réduction est alors

controversée dans les différentes études.

Comme l’a montré Ferries[5] il est très difficile d’apprécier le volume

réel emporté sur des clichés radiographiques, l’incidence faisant varier

considérablement l’estimation que l’on peut faire. En pratique en

traumatologie le scanner est rarement réalisé en cas de fracture

bimalléolaire, même associée à une fracture marginale postérieure.

Le volume réel a également une importance moindre si on considère

que le fragment marginal postérieur se déplace en bloc avec le

fragment malléolaire distal, en emportant le talus.

Les détracteurs de la chirurgie à ciel ouvert s’appuient essentiellement

sur des études cadavériques, dont certaines en enlevant jusqu’à 40%

de la surface tibiale postérieure ne retrouvent pas de modification de

la position du talus. L’étude de Raasch de 1992[6] montre qu’associée

26

à une lésion fibulaire et du ligament tibiofibulaire antérieur, une

fracture marginale postérieure s’accompagne d’une forte instabilité

postérieure. Sa conclusion est qu’une réduction anatomique et une

stabilisation de la fracture de la fibula peut suffire à stabiliser une

cheville traumatisée. Fitzpatrick[1] dans une autre étude cadavérique

montrait après fracture postérieure une modification des zones de

contraintes, le stress étant majoré sur des zones non en charge.

Lindsjö a montré dans une étude clinique le taux beaucoup plus

important d’arthrose dans les fracture bimalléolaires avec fragment

marginal postérieur que dans les fractures bimalléolaires isolées.[7]

Dans notre pratique quotidienne en traumatologie, nous observons

qu’il est difficile de réduire anatomiquement une malléole tant que le

fragment marginal n’est pas réduit. C’est ce que souligne Gardner

dans son étude[8], montrant que pour stabiliser une malléole latérale,

celle-ci doit être parfaitement en position anatomique, et cela implique

une réduction du fragment marginal postérieur. Cela est conforté par

la notion de déplacement en « bloc ».

Ce geste de réparation en aigu est également beaucoup plus simple

qu’à distance et moins couteux, avec des résultats beaucoup plus

stéréotypés. La prépondérance de ces fractures dans cette étude nous

incite à continuer à réduire et ostéosynthéser ces fractures, quel que

soit leur volume.

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Conclusion  

Devant une cheville post traumatique douloureuse, le diagnostic

d’algodystrophie est trop souvent posé, scintigraphie à l’appui. Il faut

réaliser un scanner à la recherche d’une incongruence articulaire, d’un

défaut de réduction d’un déplacement simple pouvant être corrigé.

L’ostéotomie idéale de correction d’un cal vicieux intra articulaire est

une indication rare, mais il faut savoir en poser l’indication dans

quelques cas particuliers. Les résultats fonctionnels en sont

difficilement prévisibles, mais certains patients ont des résultats

remarquables, et les patients de cette série ont été majoritairement

améliorés. Cette chirurgie ne coupe pas les ponts à d’autres

interventions. Il faut savoir prévenir le patient de l’aléa thérapeutique.

Une chirurgie intra articulaire n’est donc pas vouée à l’échec

lorsqu’elle est logique et systématisée, avec une planification pré-

opératoire précise.

Cette chirurgie est difficile, et il faut pour l’éviter continuer à réparer

les lésions et à restaurer l’anatomie en aigu.

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Bibliographie    

1. Fitzpatrick, D.C., et al., Kinematic and contact stress Analysis of Posterior Malleolus fractures of the Ankle. J Orthop Trauma, 2004. 18(5): p. 271-278.

2. Cheleuitte, D. and J. Early, Failed Internal Fixation About the Distal Tibia. Techniques in Orthopaedics, 2003. 17(4): p. 479-489.

3. Kitaoka, H.B., L.J. Alexander, and R.S. Adelaar, Clinical rating systems for ankle hindfoot, midfoot, hallux and lesser toes. Foot Ankle, 1991. 15: p. 349-353.

4. McDaniel, W.J. and F.C. Wilson, Trimalleolar fractures of the ankle. An end result study. Clin Orthop Relat Res, 1977(122): p. 37-45.

5. Ferries, J.S., et al., Plain radiographic interpretation in trimalleolar ankle fractures poorly assesses posterior fragment size. J Orthop Trauma, 1994. 8(4): p. 328-31.

6. Raasch, W.G., J.J. Larkin, and L.F. Draganich, Assessment of the posterior malleolus as a restraint to posterior subluxation of the ankle. J Bone Joint Surg Am, 1992. 74(8): p. 1201-6.

7. Lindsjo, U., Operative treatment of ankle fracture-dislocations. A follow-up study of 306/321 consecutive cases. Clin Orthop Relat Res, 1985(199): p. 28-38.

8. Gardner, M.J., et al., Fixation of posterior malleolar fractures provides greater syndesmotic stability. Clin Orthop Relat Res, 2006. 447: p. 165-71.