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L EDITO ( fenêtres sur cours ) Hebdomadaire du Syndicat National Unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC - 128 Bd Auguste Blanqui - 75013 Paris - Tel: 01.44.08.69.30 - e-mail [email protected] Directeur de la publication : Gilles Sarrotte Rédaction : William Bolle, Lydie Buguet, Laurence Chartier, Lise Dobrecourt, Michelle Frémont,Bernadette Groison, Delphine Henry, Philippe Hermant , Eliane Lancette,Pierre Magnetto, Arnaud Malaisé, Christelle Mauss, Gilles Moindrot, Jacques Mucchielli, Pascale Pizzato, Guy Pourchet,Gilles Sarrotte, Carole Signes, Sébastien Sihr, Sophie Zafari Photographie : Mira - Impression : la SIEP-Bois-le-Roi Régie publicité : Mistral Media, 365 rue Vaugirard 75015 Paris - Tél : 01.40.02.99.0 Prix du numéro : 2 euros Abonnement : 23 euros ISSN 1241 - 0497 • CPPAP 3695 D 73 S Adhérent du Syndicat de la Presse Sociale a cinquième édition de l’Université d‘automne du SNUipp, organisée en partenariat avec la Ligue de l’enseignement, s’est déroulée à La Londe-les-Maures dans le Var, du 21 au 23 octobre. Une nouvelle fois, enseignants des écoles et chercheurs se sont réunis le temps d’un week-end pour débattre de l’avenir de l’école et des conditions de la réussite des élèves. Loin des préoccupations immédiates liées à la gestion de leur classe et de leurs élèves, plus de 400 participants ont parlé d’évaluation, de petite enfance, de la place des parents à l’école, de la scolarisation des enfants en situation de handicap, de l’entrée des débutants dans le métier, de la déontologie, des ségrégations, de la for- mation, de la laïcité… Trente-deux conférences et ateliers se sont déroulés en trois jours avec, comme intervenants, des chercheurs, historiens, mathématiciens, géographes, psychologues, formateurs, ergonomes, conseillers pédagogiques, plas- ticiens, sociologues, etc. Leur préoccupation com- mune, comprendre les difficultés de l’école à faire réussir tous les élèves et proposer des pistes pour l’améliorer, la transformer. Ce numéro spécial de Fenêtres sur cours propose des entretiens avec les participants de l’Université d’au- tomne, relate les débats, rappelle le contexte du terrain pour rendre compte de la richesse des discussions à La Londe. L L L’Université d’automne du SNUipp de La Londe les Maures a été organisée en partenariat avec la Ligue de l’enseignement et le Conseil régional de PACA.

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LEDITO

( fenêtres sur cours)Hebdomadaire du Syndicat NationalUnitaire des instituteurs, professeurs

des écoles et PEGC - 128 BdAuguste Blanqui - 75013 Paris -

Tel: 01.44.08.69.30 - [email protected]

Directeur de la publication : Gilles Sarrotte

Rédaction : William Bolle, LydieBuguet, Laurence Chartier, Lise

Dobrecourt, MichelleFrémont,Bernadette Groison,

Delphine Henry, Philippe Hermant ,Eliane Lancette,Pierre Magnetto,

Arnaud Malaisé, Christelle Mauss,Gilles Moindrot, Jacques

Mucchielli, Pascale Pizzato, GuyPourchet,Gilles Sarrotte, CaroleSignes, Sébastien Sihr, SophieZafari Photographie : Mira -

Impression : la SIEP-Bois-le-RoiRégie publicité : Mistral Media,365 rue Vaugirard 75015 Paris -

Tél : 01.40.02.99.0Prix du numéro : 2 euros Abonnement : 23 euros

ISSN 1241 - 0497 • CPPAP 3695 D73 S Adhérent du Syndicat de la

Presse Sociale

a cinquième édition de l’Université d‘automne duSNUipp, organisée en partenariat avec la Ligue del’enseignement, s’est déroulée à La Londe-les-Mauresdans le Var, du 21 au 23 octobre. Une nouvelle fois,enseignants des écoles et chercheurs se sont réunis letemps d’un week-end pour débattre de l’avenir del’école et des conditions de la réussite des élèves.Loin des préoccupations immédiates liées à la gestionde leur classe et de leurs élèves, plus de 400 participantsont parlé d’évaluation, de petite enfance, de la place desparents à l’école, de la scolarisation des enfants ensituation de handicap, de l’entrée des débutants dans lemétier, de la déontologie, des ségrégations, de la for-mation, de la laïcité…Trente-deux conférences et ateliers se sont déroulés entrois jours avec, comme intervenants, des chercheurs,historiens, mathématiciens, géographes, psychologues,formateurs, ergonomes, conseillers pédagogiques, plas-ticiens, sociologues, etc. Leur préoccupation com-mune, comprendre les difficultés de l’école à faireréussir tous les élèves et proposer des pistes pourl’améliorer, la transformer.Ce numéro spécial de Fenêtres sur cours propose desentretiens avec les participants de l’Université d’au-tomne, relate les débats, rappelle le contexte du terrainpour rendre compte de la richesse des discussions à LaLonde.

LL

L’Université d’automne du SNUipp de La Londe les Maures a été organiséeen partenariat avec la Ligue de l’enseignement et le Conseil régional dePACA.

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4Universitéd’Automne

2005

La londe

Sommaire

Est joint à ce numéro un supplément 4 pages numéroté de I à IV.

POURQUOI TRANS-FORMER L’ÉCOLE ?

L’ÉVALUATION DES ÉLÈVESJean-Claude EminRoland CharnayPhilippe Watrelot

MATERNELLEAnne-Marie Gioux

ELÈVES EN SITUATION DEHANDICAPCharles Gardou

TRAITEMENT DE LADIFFICULTÉSerge BoimareAnne-Marie Mallet

FILLES/GARÇONSLeila AcherarReportage : « Le CP qui déconstruit lesstéréotypes »

PETITE ENFANCEAgnès Florin

LANGUESFrançoiseBonnet-Falandry

MATHÉMATIQUESRémi Brissiaud

LECTUREGérard ChauveauVéroniqueLe Goaziou

LANGAGE ORALSylvie Chevillard

SCIENCESCatherine LapérouseYves Girault

ENVIRONNEMENT ETDÉVELOPPEMENT DURABLECécile Fortin

RYTHMESOdile Rhomer

ARTS PLASTIQUESJoëlle Gonthier

PHILOSOPHIE AU PRIMAIRCarole CalistriReportage : « Toulon : grandephilosophie pour les petits »

AVEC LES ENSEIGNANTS…Portraits : « Caroline,ATSEM, Rachida, aide-éducatrice »Nouveaux Emplois deVie Scolaire (EVS)

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SALAIRES

InformaTICApprendre avec les TIC

SERVICE PUBLICRééquilibrer lesterritoires

EXTRASCOLAIRELe temps hors del’école

ÉCOLE ET SOCIÉTÉ

L’école esttraversée etinterrogée par lesenjeux et lesinjustices de lasociété. Elle ne fait pasque les subir…

ECOLE ET PARENTSMarie-Rose CornuManuel RodriguesMartins

LAÏCITÉFrançoise Lorcerie

VIOLENCE SOCIALELaurent Mucchielli

SÉGRÉGATION SOCIALEL’école face au défiethnique

COLLECTIVITÉS TERRITO-RIALESPhilippe Joutard

DISCRIMINATIONSCatherine Marjollet

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ENSEIGNER UN MÉTIER TRÈS REVENDIQUÉ

Analyse des conditions du métier

RASEDChristine BrissetChristine Berzin

ENTRER DANS LE MÉTIERFrédéric Saujat

FORMATIONJean-Claude Guérin

EFFECTIFSMathieu Valdenaire

DÉONTOLOGIEErick Prairat

TRAVAIL EN ÉQUIPEAndré Ouzoulias

DU TEMPSTémoignage : « Préchac : le tempsmanque au temps »

PLUS DE MAÎTRESQUE DE CLASSESReportage : « Profession : enseignante surnuméraire »

RÉUSSIR L’ÉCOLE 94Philippe MeirieuBenoit Falaize

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a multiplication des connais-sances, le partage des cultures,l’exigence de démocratie qui

modifient les attentes auprès de l’école,et un système scolaire qui, après quaranteans de progression, ne parvient pas àfaire réussir tous les élèves : voilà deuxréalités qui tiraillent les enseignants etamènent à s’interroger sur les évolutionsnécessaires de l’école. La massification, l’arrivée de toute uneclasse d’âge au collège dans les années70, ont produit des évolutions en chaînesur le système éducatif. A leur suite, leprincipe de l’égalité des chances s’est tra-duit en termes quantitatifs par « donnerplus à ceux qui ont le moins » : la créa-tion des ZEP en est l’illustration. Maisles inégalités scolaires demeurent, voirese creusent et la démocratisation est enpanne. Il reste cet échec scolaire qui, s’il n’estpas massif, n’en est pas moins doulou-reux : échec de l’école dans ses mis-sions ou échec des élèves qui n’ont pus’adapter à des exigences trop éloignéesde leur univers ou de leurs préoccupa-tions ? Aujourd’hui, les politiques d’éducationrenoncent à la réussite de tous. C’est lagestion des moyens qui prime, sur labase d’indicateurs contestables et d’éva-luations à répétition. Et à l’heure de laréduction des services publics, on voitpoindre des solutions qui concentrent

L

Pourquoi tl’école ?

UNE SOCIÉTÉ EXIGEANTE,

UNE DÉMOCRATISATION EN PANNE,

L’ÉCOLEA BESOIN DE

CHANGEMENTS.QUELQUES CLÉS POUR

TRANSFORMER L’ÉCOLE.

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l’école sur une base plus réduite, voiretransfèrent des missions vers l’extérieur del’école : plan Borloo et les politiques dela ville, médicalisation de certaines diffi-cultés…Pour toutes ces raisons, la réussite de tousnécessite une rupture avec la politiqueéducative actuelle et un véritable sautqualitatif d’une transformation de l’école.

Contenus et modes d’apprentissage

Pour lutter contre l’échec scolaire, unedes premières réflexions à mener porte surla définition des contenus et les modesd’apprentissage. La notion de « soclecommun », inscrite dans la loi sur l’écoledite « loi Fillon » et non encore définie,suscite des débats par son aspect restric-tif . Plus ambitieuse, l’idée de culture com-mune ne se limite pas à l’acquisition de « fondamentaux ». Elle veut offrir auxélèves des connaissances plus diversi-fiées et une culture générale qui intègrentles nouveaux savoirs, des savoir-faire etdes savoir-être afin d’aider les individusà construire leur autonomie, leur sens cri-tique... Les programmes de 2002 vontdans ce sens et sont assez ambitieux. Lesenseignants savent combien sont essen-tiels, pour ceux qui sont le plus en diffi-culté, la multiplicité des entrées, la diver-sité des enseignements comme celles dessituations pédagogiques permettant deredonner du sens à l’apprentissage et delever des blocages importants.

Culture commune

L’aspiration à la culture commune sefonde d’abord sur l’idée que tout élève estéducable, qu’il peut prétendre au plushaut niveau de culture, de formation et dequalification. Pour autant il y a de mul-tiples approches sur la manière dont onconstruit ses apprentissages et ce choixn’est jamais neutre : il renvoie à desconceptions différentes de l’individu et de

la vie en société. On n’apprend jamaisseul et l’école est un des lieux qui permetdes formes à la fois personnelles et col-lectives d’appropriation. La réussite detous, c’est aussi une exigence de plusd’égalité, plus de mixité, plus de solida-rité. Interroger l’école sur sa capacité à fonc-tionner pour tous les élèves, c’est aussiremettre en cause sa structure et sonorganisation. Le noyau de l’échec sco-laire, mais aussi la multiplication desdifficultés de tous ordres que lesenseignants ont l’impression

i transformer

Socle commun n’est pasculture communeQuand Jules Ferry demandait à l’école de transmettre « ce qu’il n’est pas permis d’ignorer », c’était dans un système scolaire dual : un jeune de 10 ans n’abordait pas les mêmescontenus à l’école primaire — jusqu’à 16 ans — qu’au « petit lycée », donc, selon son appar-tenance et sa vocation sociale. Pour autant, l’école offrait déjà des enseignements plus com-plexes que lire-écrire-compter.Aujourd’hui la notion de socle commun est définie comme un « ensemble de connaissanceset de compétences qu’il est indispensable de maîtriser ». Ce socle comprend « la maîtrise dela langue française, des principaux éléments de mathématiques, une culture humaniste et scien-tifique permettant le libre exercice de la citoyenneté, la pratique d’au moins une langueétrangère, la maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication » (articleL.122-1-1 du code de l’éducation). On s’interroge toujours sur l’avenir de l’EPS, des ensei-gnements artistiques… L’ensemble des savoirs et des compétences comme la variété des situa-tions peuvent permettre des déblocages importants. Cela préviendrait les inégalités et appor-terait aux élèves des éléments culturels et sensibles nécessaires à la construction de leursapprentissages. Les textes présentent cette acquisition des connaissances et des compétences sous un angleessentiellement instrumental, modélisé et surtout individuel : l’élève pourra alors être tenucomme responsable de son propre échec puisque ses résultats sont liés exclusivement à ses« potentialités ».

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d’accumuler interroge aussi ce qui se passe dans l’école, dansles classes. Beaucoup d’études font état des effets

« maître » et « établissement » auxquels les élèves les plus fragilessont les plus sensibles.

À l’élève de s’adapter

Pour autant les enseignants sont confrontés à des changementsimportants : obligation de résultats, performances mesurées à l’aulned’évaluation disciplinaire et/ou comportementale. Les exigenceséludent complètement les aspects affectifs, éducatifs, psycholo-giques, développementaux qui accompagnent les processus d’ap-prentissage chez les jeunes. Ainsi le PPRE, présenté comme laréponse aux difficultés dans la Loi Fillon, ne propose à l’élèvequ’un soutien pour lui permettre de se « rattraper » sans prendre encompte les conditions, les méthodes différentes qui pourraientrépondre à la nature de ses difficultés. C’est à l’élève de s’adapter,pas au système. L’échec viendrait alors sanctionner le manque de tra-vail ou le manque de talents. Ce dispositif ne règle rien quant auxréponses à trouver face à la diversité des publics dans leurs différentsenvironnements sociaux et culturels ou bien, comme récemment, faceà la scolarisation des jeunes en situation de handicap.

Diversifier les situations

Beaucoup d’expérimentations mettent en avant des propositionsde modification de la structure scolaire. Toutes les logiques quivisent à différencier les parcours des élèves (filières précoces, usageintensif du redoublement, ségrégation des établissements) contribuentà l’accroissement des inégalités à l’école. Des chercheurs commeDenis Meuret ou Marcel Crahay démontrent par exempleque le redoublement remplace surtout les aides spéci-fiques dont l’élève aurait eu et aura besoin. Enfin lescontournements de la sectorisation s’ajoutentaux inégalités territoriales pour produire des ghet-tos où les difficultés scolaires et sociales se cumu-lent. Permettre à tous les élèves d’avoir une place à l’école et d’y réus-sir nécessite bien une autre organisation de l’école. Il importe de pouvoir diversifier les situations d’apprentissage en fai-sant alterner travail en classe et travail en petits groupes, de fairereconnaître le temps nécessaire à la construction de ces situationsen fonction des élèves et des objectifs assignés, de trouver dans laformation initiale etcontinue les élémentsqui permettent d’appréhendertoutes les dimensions de l’apprentissage.

« Les enseignants savent combien sontessentiels, pour ceux qui sont le plusen difficulté, la multiplicité desentrées, la diversité desenseignements comme celle dessituations pédagogiques permettantde redonner du sens à l’apprentissageet de lever des blocages importants. »

Le SNUipp, pour la réussitede tous les élèves

Le SNUipp s’est construit sur leprojet de faire réussir tous les élèves.Il propose de transformer l’école, dèsla maternelle, un fonctionnement qui

repose sur plus de maîtres que declasses, pour mieux appréhender

toutes les facettes des apprentissageset aider les élèves qui rencontrent

des difficultés. Le travail en équipe, devenu

incontournable, doit enfin êtrereconnu par l’attribution de temps :

travail en équipe entre enseignantsmais aussi avec — au sein de

l’école — d’autres enseignants(Rased, spécialisés), ou personnels(Atsem) — pour étayer ce travail,

accompagner les élèves dansl’éducation, l’acquisition de la

culture, les soins… auxquels ils ontdroit. Ce travail facilitera les échanges

nécessaires avec tous les acteurs del’école et notamment les parents.

Il est aussi nécessaire d’allégerpartout les effectifs pour aider les

élèves les plus fragiles. Cetteexigence est également impérative enmaternelle. Une politique ambitieusede création d’emplois d’enseignants

s’impose pour réaliser tous ces objectifs.

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L’évaluationdes élèves

Un point sur les compétences des élèves et leur mesure

Quels différents types de dispositifs d’éva-luation peut-on rencontrer ? Nous mettons en place, à la DEP, différentsdispositifs d’évaluation des acquis des élèves.On peut en distinguer deux catégories. Sur lapremière, je voudrais particulièrement insis-ter, puisqu’il s’agit d’outils professionnelsque l’on met à la disposition des enseignants.Ce sont les outils d’évaluation diagnostique,telles les évaluations nationales d’entrée enCE2 et en 6ème et la banque d’outils d’évalua-tion. Elles ont pour fonction de permettre auxenseignants d’apprécier points forts et pointsfaibles de chacun de leurs élèves, notam-ment lorsqu’ils les reçoivent endébut d’année, de façon àcadrer au mieux possible lesprogressions qu’ils leur pro-poseront. Il s’agit donc d’unoutil d’appréciation individuellequi n’a pas de vocation certificative. Par ailleurs, il y a les évaluations-bilans, qui,elles, poursuivent des buts plus globaux, don-nent des appréciations de niveau. Ces éva-luations, comme par exemple PIRLS(enquête internationale sur la maîtrise de lalangue au CM1) ne disent, en revanche, abso-lument rien sur chaque élève. Ces évalua-tions sont passées par des échantillons repré-sentatifs d’élèves et donnent des élémentsd’appréciation sur le niveau moyen de l’en-semble des élèves et de groupes d’élèves, parrapport à des objectifs de compétences. Cesdispositifs n’ont pas de finalité pédagogiqueindividuelle.

Quel est le but des évaluations internatio-nales?Les comparaisons internationales présententl’intérêt de porter sur le système éducatif et ses

TROIS ATELIERS ONT TRAITÉ DU PROBLÈME DEL’ÉVALUATION RESPECTIVEMENT ANIMÉS PAR

JEAN-CLAUDE ÉMIN, ROLAND CHARNAY, PHILIPPE WATRELOT.

Jean-ClaudeEmin

résultats, un regard extérieur, décalé par rap-port à ce que nous faisons, ce qui permet des’interroger sur nos objectifs, nos façons defaire. Si je prends l’exemple de PISA, quis’adressait aux élèves de 15 ans, l’évaluationa montré que les élèves français ne répondentsouvent pas plus mal que les élèves d’autrespays, mais préfèrent ne pas répondre plutôtque de risquer de donner une mauvaiseréponse. Ils sont plus nombreux à s’abstenirque les autres, pour une même proportion debonnes réponses. On peut, à partir de là, s’in-terroger sur le statut de l’erreur dans notre

enseignement, est-ce qu’on ne culpabilisepas, peut-être, les élèves (même

si le mot est un peu fort !) aulieu de prendre appui sur ceserreurs pour leur apprentis-sage.

Les évaluations bilans permet-tent-elles, par exemple, de revoir les pro-grammes?Oui. Elles permettent d’éclairer des choixdidactiques et des choix de programmes ; etde s’interroger sur les programmes à undouble titre : sur leur contenu, sur ce quepeut être le socle commun de connaissanceset de compétences à différents moments de lascolarité, mais aussi sur leur signification.Est-ce que les programmes doivent êtreatteints par tous les élèves, ce qui peut êtreextrêmement ambitieux, ou est-ce qu’aucontraire ils ont pour fonction de tirer tout lemonde le plus haut possible ?

Qui conçoit précisément ces dispositifs,quel est le cheminement ?Quand nous « fabriquons » un protocoled’évaluation, nous commençons avec l’ins-

pection générale, la direction de l’enseigne-ment scolaire et un certain nombre de spé-cialistes, à mettre au point un tableau descompétences que l’on va s’efforcer d’éva-luer. Ceci dit, la démarche n’est pas la mêmepour les évaluations diagnostiques et les éva-luations/bilans : pour les premières, la ques-tion préalable à se poser est « qu’est ce quifreine les apprentissages ? » puisqu’on sou-haite surtout apprécier le processus que l’élèvea suivi, le type d’erreur qu’il a pu commettre.Ce qui est un renseignement précieux pour lepédagogue. Pour les secondes, la questionest plutôt celle du niveau de difficulté, duniveau d’exigence des épreuves que l’on pro-pose aux élèves par rapport à des objectifs telsceux des programmes, puisque ce que l’onveut savoir, c’est comment se situent lesélèves par rapport à ces objectifs.

Propos recueillis par Carole Signes

«L’évaluation

diagnostique fournit desrenseignements précieux

au pédagogue »

SOUS-DIRECTEUR DE

L ’ É V A L U A T I O N , DIRECTION DE

L’ÉVALUATION ET

DE LA PROSPECTIVE,MINISTÈRE DE L’É-DUCATION NATIO-NALE,SECRÉTAIRE GÉNÉRAL

DU HAUT CONSEIL DE

L’ÉVALUATION DE

L’ÉCOLE.

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PROFESSEUR DE MATHÉMATIQUES, AÉTÉ FORMATEUR EN ECOLE NORMALE

ET EN IUFM ET CO-RESPONSABLE DU

GROUPE DE RECHERCHE ERMEL.MEMBRE DU GROUPE D’EXPERTS

POUR LES PROGRAMMES DE L’ÉCOLE

PRIMAIRE ET DU

GROUPE

« SCIENCES

» POUR LES

PRO-GRAMMES

DU

COLLÈGE.

Vous proposez une évaluation de l'éva-luation. A quelles fins ?

L'évaluation a été beaucoup plus étudiéesous un angle technique « comment fairel'évaluation ? » que sur l’information qu’elleapporte réellement et, surtout, sur l’influencequ’elle exerce sur les pratiques. En quoiconstitue-t-elle un miroir — déformant ounon — des compétences et des connais-sances des élèves ? Quel mes-sage nous adresse-t-elle surce qu’il convient d’en-seigner et d’apprendre?Il me paraissait doncintéressant d'aborderce deuxième aspect.

Dans le cas des mathéma-tiques, que doit savoir un élève ?

Le rôle de l'école est d'enseigner des com-pétences et des connaissances aux élèves.Celles-ci ne prennent leur véritable dimen-sion et leur finalité qu'au travers de ce que lesindividus sont capables d'en faire, aussi biendans le cadre scolaire que dans différentscontextes où ces connaissances sont utiles.Autrement dit, le plus important c'est l'au-tonomie donnée aux individus dans l’utili-sation et la mobilisation de ce qu'ils ontappris, même si certains ont appris moins dechoses que d’autres. Il faut donc des connais-sances à la fois maîtrisées et, surtout, dis-ponibles pour traiter diverses questions.

Mais n'est-ce pas ce que mesure l'évalua-tion institutionnelle ?

Sur 29 questions posées lors des évaluations6ème de 2004, sur 3 thèmes, 25 portent surdes techniques et seulement 4 sur ce quirelève du sens des notions et sur leur utili-sation pour résoudre des problèmes. Etre capable de résoudre un problème, êtrecapable d'argumenter, être capable d'exami-ner ses erreurs, autant de compétences géné-rales qui ne sont même pas référencées dansle récapitulatif des évaluations 2005.Autre exemple concernant les nombres déci-

maux : la connaissance cruciale pour lesélèves est celle qui consiste à déterminer lavaleur d'un chiffre suivant sa position dansl’écriture du nombre. C'est tout autre choseque d'être capable de dire que le deuxièmechiffre à droite après la virgule est celuides centièmes ! On se rend compte que cetaspect est très faiblement évalué (voiremême pas du tout) alors que c'est uneconnaissance fondamentale parce qu'elle a

un très fort pouvoir explicatifsur l'ensemble des connais-

sances relatives auxnombres décimaux.

Pourquoi ces choixréducteurs en

matière d'évaluation?

Les compétences techniques sonttrès faciles à évaluer. Il est simple de bâtirun exercice destiné à faire comparer deuxnombres décimaux, même si l'analyse desréponses est plus complexe. Par contre, éva-luer des compétences générales comme fairepreuve d'initiatives face à un problème inéditest d’une difficulté bien plus grande (choixdu problème, contexte). On voit aussi que larésolution de tels problèmes mobilise tout untas de compétences qu'il est difficile d’iso-ler les unes des autres et donc de coder.L'évaluation devient donc plus complexedès qu'on veut la codifier comme ledemande et le nécessite l'évaluation insti-tutionnelle. Il y a donc une réelle difficultéà trouver les bons instruments pour évaluerles compétences les plus fondamentales.

Quelles conséquences ces choix en matièred'évaluation produisent-ils sur lesapprentissages et les contenus d'ensei-gnement ?

Les choix faits par l'institution en termed'évaluation informent les enseignants d'unepart et les élèves d'autre part sur ce que l'onattend d'eux.Les enseignants regardent ce qui est évaluépour savoir ce qu'il faut enseigner, demanière prioritaire. Par exemple, la tech-

nique de la soustraction a été longtempsprésente dans les items de l'évaluation CE2.Beaucoup d'enseignants se sentaient obligésde l'enseigner dès le CE1, alors qu'elle n'estpas au programme de cette classe.

Si on se place au niveau de l'élève, il sepasse le même phénomène. En effet, si unélève n'est jamais interrogé sur certainesconnaissances et compétences, il va fairel'impasse sur celles-ci au risque de minorerdes compétences et des connaissances quipeuvent être pourtant fondamentales. Il y adonc une responsabilité de l'institution parrapport aux enseignants et une responsabi-lité des enseignants par rapport aux élèvesdans les choix de ce qui est utilisé pourl'évaluation.

Propos recueillis par Sébastien Sihr

L’évaluation : cuisine et dépendances. Lecas des mathématiques

«Autrement dit, le plus

important c'est l'autonomiedonnée aux individus dans

l’utilisation et la mobilisation de cequ'ils ont appris, même si certains ont

appris moins de choses qued’autres.

»

Roland Charnay

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PROFESSEUR DE SCIENCES ÉCONOMIQUES

ET SOCIALES DANS UN LYCÉE DE L’ES-SONNE. IL EST ÉGALEMENT SECRÉTAIRE GÉNÉRAL

DE L’ASSOCIATION CRAP QUI ÉDITE LA

REVUE “LES CAHIERS PÉDAGOGIQUES”.

Vous prétendez que les formes actuellesd’évaluation nuisent à la réussite du sys-tème éducatif. Pourquoi ?

Parce qu’une bonne partie du système sco-laire et des pratiques pédagogiques tourneautour du principe de l’évaluation sommative,qui mesure simplement l’aptitude de l’élèveà réciter par cœur des connaissances. Cela sefait au détriment d’une évaluation réelle-ment formative, qui prenne notamment encompte sa capacité à maîtriser descompétences. Or le risque del’évaluation sommative, c’estqu’elle est généralementassociée à la notation chif-frée, sous la forme d’une éva-luation finale/sanction qui est propice àl’exclusion d’une partie des élèves. En effet,quel que soit le niveau de la classe, on saittrès bien que la notation conduit inévitable-ment à partager les élèves entre un tiers debons, un tiers de moyens et un tiers de faibles.On fabrique donc systématiquement desexclus.

Pourquoi la notation est-elle destructri-ce ?

L’évaluation sommative finale n’est pas des-tructrice en soi. Elle le devient lorsqu’elletombe comme un couperet, sans que l’élèvesoit en mesure de comprendre pourquoi il aune bonne ou une mauvaise note, lorsquerien ne lui permet de se situer par rapport àun objectif à atteindre. Elle le devient aussiau travers de certaines pratiques d’évalua-tion/notation quotidiennes qui remettent enquestion l’estime de soi des élèves. Rendreles copies dans l’ordre décroissant des notesou placer géographiquement les élèves dansla classe en fonction de leurs résultats pro-voque des ravages chez ceux qui ne réussis-sent pas. Tout comme la soi-disant « exi-gence » de certains enseignants pour lesquelsmettre des bonnes notes serait une forme delaxisme nuisible à leur réputation. Pour moi,être exigeant, c’est avoir de l’ambition pourses élèves, pas de les noter sévèrement.

Peut-on évaluer sans noter ?

Bien sûr, évaluer ne veut pas dire noter.L’évaluation formative existe dans le pri-maire et certains enseignants du secondaireont mis en pratique un système basé surl’obtention de ceintures, comme pour lejudo. A chaque fois que l’on franchit undegré de compétence pratique, par exemplesavoir répondre à des questions précisesdans un texte, savoir distinguer tel phéno-

mène de tel autre, on obtient uneceinture. Evaluer consiste

alors à « mettre en va-leur » et non à sanction-

ner. Si parents et enseignantssont parfois réfractaires à ce

genre d’expériences, les élèves appré-cient quant à eux que l’on valorise leurfaculté à prendre la parole en groupe ou àtravailler en équipe et pas uniquement leursconnaissances. Une des raisons pour les-quelles les lycéens sont descendus dans larue, c’était pour s’opposer à la suppressiondes TPE, qui constituaient une manière deles évaluer autrement.

Comment mettre en place un meilleursystème d’évaluation ?

Il faut d’abord définir ce que l’élève doitsavoir mais aussi ce qu’il doit maîtriser,c’est à dire non seulement les connaissancesmais aussi les compétences, ce qui renvoieà la problématique du socle commun. Je nepense pas qu’il faille rejeter en bloc l’éva-luation sommative finale, elle est impor-tante, elle marque des étapes. Mais je pensequ’il faut néanmoins desserrer la contraintedu brevet ou du baccalauréat et introduireune dose de contrôle continu au bac. Jepense aussi que l’on n’exploite pas suffi-samment les évaluations diagnostiques —comme celles qui sont pratiquées à l’entréedu CE2 ou de la 6e — qui permettent auxélèves d’aller plus loin en apportant desréponses précises et individualisées à leursdifficultés. Il faut également aller vers moinsd’implicite dans nos pratiques évaluatri-ces : trop souvent, les objectifs et les critères

d’évaluation ne sont pas clairement expli-qués aux élèves qui ne comprennent pasvraiment ce que l’on attend d’eux. Il fautaussi un vrai travail d’équipe, même en pri-maire, pour définir des objectifs communset rendre clair, aux yeux des élèves, la cohé-rence entre les membres de l’équipe péda-gogique.

Propos recueillis par William Bolle

L’évaluation, clé ou verrou de l’évolutiondu système scolaire ?

«La formation de

l’intelligence s’apprend etse travaille àl’école

»

Philippe Watrelot

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« L’enseignant est un passeur »Vous avez beaucoup travailléautour de la question de la « lecture ». Qu’est-ce quivous a amenée à vous inté-resser à la question des « apprentissages sociaux »à la maternelle ?

Cette évolution est parallèle àmon propre cheminement intel-lectuel et professionnel. Aprèsdes études de lettres, je suisdevenue IEN pour comprendrecomment les élèves appre-naient à lire. Aujourd’hui jem’intéresse aux conduitessociales des élèves de la mater-nelle à l’université. J’étudie lesprocessus qui font que lesélèves s’intègrent dans unecommunauté d’appartenance.C’est une approche ethnolo-gique de la société scolaire,dans le sillage des travaux d’A.Coulon et de P. Perrenoud.Quand il entre à la maternelle,l’enfant entre dans un mondeplus large que celui de safamille : comment dans lasociété de l’école — de laclasse pour les plus jeunes —les enfants vont-ils apprendreleur métier d’élève ? Quels

sont les apprentissages sociauxqu’ils doivent construire en vuede leur longue vie d’élève ?

Pouvez-vous nous citerquelques uns de ces « apprentissages sociauxfondamen-taux » ?

Les apprentissages sociauxsont d’abord les éléments quiparticipent à la construction dela personne. Dès l’école mater-nelle l’enfant doit se dire : « je suis une petite personnedans une société plus large. J’yai une place et je peux, je doisl’occuper ». Pour cela, l’en-fant doit avoir une représenta-tion positive de lui-même. Ilapprend à se respecter lui-même et à respecter les autres,à relativiser ses propres envies.Puis il prend conscience desrègles de vie et de sa respon-sabilité à l’égard du « biencommun » : les jouets, lemobilier, les documents de laclasse. L’institution école eten son sein le savoir, opèrent lacoupure qui permet à l’indi-vidu de se construire, libre,autonome, responsable et dési-

rant apprendre.

Quelles sont, devotre point devue, les pra-tiques ensei-gnantes quifavorisent cesapprentissagessociaux ?

Plutôt que de parler de pratiques,je parlerai d’état d’esprit de l’en-seignant. L’enseignant est unpasseur, un médiateur social. Ildoit être intimement convaincude la potentialité de réussite detous ses élèves. A l’école mater-nelle, l’enseignant fait 80 % duchemin vers l’enfant. Il le sécu-rise, « l’apprivoise » et leconduit vers les apprentissages.Plus tard, l’enthousiasme desenfants pourra prendre le relais.Après le désir de sécurité, ledésir de savoir peut s’imposer. Mais avant cela, le geste pro-fessionnel, la posture de l’en-seignant doit consister à consi-dérer l’enfant, en cours deconstruction de sa personne, entant qu’individu. Avant d’êtreun membre de la classe (il s’agit

là d’une acquisition socialeessentielle mais plus tardive),c’est un partenaire à qui onadresse la parole en tant qu’ac-teur premier de ses apprentis-sages. L’enseignant n’est pas unadulte-modèle-nourricier, ilintroduit la possibilité d’une rup-ture fondatrice pour l’enfant :je suis capable – comme cetadulte là, distinct et différent demoi – de faire, de dire, de pen-ser… La médiationenseignante et éducativevise à ne plus fonder laconfiance sur la seuleaffectivité interperson-nelle, mais à introduiredans un environnementsans danger (ni physique,ni moral) des objets desavoirs. L’enfant peut

u mois de septembre, chaqueannée, les pleurs de la séparationdans les classes de maternelle

marquent le passage de l'enfant dans unmonde inconnu. L’enfant va devoir s’adap-ter à de nouvelles règles de vie, auxcontraintes de la collectivité, à des attentesscolaires. Pour lui, la maternelle est un nou-veau lieu d'apprentissage où, peu à peu, ilprendra ses repères d'élève. Elle est unevéritable école, des programmes d'ensei-

A

QUELS APPRENTISSAGES SOCIAUXFONDAMENTAUX POUR L’ÉCOLE

MATERNELLE ?UN ATELIER ANIMÉ PAR ANNE-MARIE GIOUX.

MaternelleCahier 1 (3-19) 25/10/05 16:07 Page 16

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gnement lui sont spécialement alloués. Lesmoyens budgétaires donnés à cette écolene sont pourtant pas à la hauteur de ses mis-sions. A la rentrée 2005 encore, les insuffi-sances du budget ne permettaient pas decompenser la hausse des effectifs et le pro-chain budget s'inscrit dans la continuité. Lesremplacements des personnels y sont moinsassurés qu'ailleurs. La formation demeureune peau de chagrin. Les fusions avec lesécoles élémentaires conduisent à fermer despostes. Des grandes sections de trouventparfois rattachées au CP. La scolarisation des2 / 3 ans connaît un net recul (voir pages 26-27) et la tendance dans certains départe-ments est à la création de postes à mi-temps.Autant de pressions qui freinent la garantied'une scolarisation de qualité pour unemeilleure réussite scolaire. La spécificitéde cette école mérite par ailleurs d'être pré-

Ce lundi, Lola est revenue avec,dans son cahier de vie, le

souvenir de son week-end passéavec la peluche de l'école : une

photo, quelques mots de la mainde maman : « Je l'ai couchée

dans le petit lit que j'avaispréparé à côté du mien ». Lolaévoque devant ses camarades,

avec ses mots et avec l'aide deséléments que ses parents ont

laissés dans le cahier, l'aventuredu week-end. Martine,

l'enseignante, explique que lecahier de vie favorise le

dialogue entre les « mondes »de l'enfant, entre la famille et

l'école. Il constitue, de ce fait,un excellent prétexte pour

parler, évoquer, raconter deséléments dont la trace figuredans les pages du cahier. Les

enfants ont besoin dugribouillage pour exprimer une

pensée symbolique. Le cahier devie participe à l'acquisition de

cette compétence. Le cahier estaussi mémoire de vie et est, à ce

titre, un outil qui est supportd’apprentissages autour de

l’écrit, du temps et de lamémoire.

Un cahiertrace de vie

servée, voire réfléchie et renforcée. Elle estencouragée dans les programmes de 2002qui supposent en préambule l'applicationdu « cadre spécifique de la pédagogie del'école maternelle » pour l'ensemble du cycle1, y compris donc la grande section. Lamaternelle se doit de s'adapter aux enfantset ne peut en aucun cas être une réplique del’école élémentaire, en terme d'organisa-tion comme de contenus. Le rôle de l’écolematernelle n’est plus aujourd’hui à démon-trer. C’est notamment vrai pour les enfantsdes milieux les plus défavoriséss. Raisonde plus pour qu’elle profite d’un engagementpartagé du ministère de l'éducation nationale,mais aussi des municipalités, des parents, etdes enseignants.

alors construireson esprit cri-tique sans secontenter d’ac-cepter un savoir

hérité, sans subir un gavage,sans chantage à l’affection.

Votre discours fait unegrande place aux valeurs dumétier d’enseignant…

Oui, car un discours de fatalitésociale risque de s’imposer. Ilfaut inverser la tendance. Ilexiste un bonheur à enseigner

même si on n’en parle jamais.Alors reposons-nous des ques-tions fondamentales comme :pourquoi et comment devient-on enseignant ? Pourquoi etcomment maintient-on, au fildes années, la passion d’en-seigner ? La philosophie, lasociologie de l’éducation per-mettent à l’enseignant de don-ner du sens à son travail et deretrouver confiance en lui-même, sans pour autant fairepreuve d’angélisme. Les faitssont têtus, la réalité des classesen particulier, qui sans cesse

Anne-Marie Gioux,inspecteur pédagogique régional,établissements et vie scolaireacadémie de Bordeaux,docteur en sciences humaines,membre du conseil scienti que del'AGIEM

interrompt, disperse et troublela réflexion sur le sens dumétier. Il faut un réel effortpour remobiliser cette force dela pensée professionnelle, cri-tique et généreuse car l’ensei-gnant est perpétuellementtiraillé entre ce qu’il a envie defaire, ce qu’il espère faire demieux et ce qu’il peut faireau quotidien.

Propos recueillis parLydie Buguet

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Élèves en situation de handicap

Inquiétudesur

l’applicationde la loi

LES NOUVEAUX TEXTES

PLUSIEURS TEXTES

D’APPLICATION DE LA LOI

DU 11 FÉVRIER 2005SONT EN COURS DE

PARUTION. ILS PRÉCISENT

LES CONDITIONS DE MISE

EN ŒUVRE DE LA MAISON

DU HANDICAP,L’ÉVOLUTION DES

COMMISSIONS

SPÉCIALISÉES, CCPE ET

CDES, LA MISE EN PLACE

D’UN RÉFÉRENT…

Conseillère pédagogique enAIS dans les Bouches-du-Rhône, chargée d’accompa-gner, sur le terrain, le person-nel affecté sur des postesspécialisés (notamment dansles CLIS), Pascale Daumalin-Alessandri s’interroge à justetitre sur la façon dont lesenseignants vont s’approprierla nouvelle loi sur l’intégra-tion. Son expérience, en effet,l’amène à pointer du doigt unécueil majeur : « la loi faitbeaucoup parler d’elle sur l’as-pect pédagogique, la forma-tion nécessaire aux collègues.Cependant, avant cela, il fau-drait instituer des temps d’in-formations. En effet, de lacompréhension des colères del’enfant sourd, qui, du fait de

son handicap, ressent la frus-tration liée à son incapacitéd’anticiper les situations, à laprise en compte des difficultéstechniques liées à l’intégra-tion des polyhandicapésmoteurs, il y a toute uneconnaissance de ces publics àlaquelle on ne pense pas parceque l’information ne circulepas ». Un besoin à traiter,selon Pascale Daumalin-Ales-sandri, de façon prioritaire etpour lequel elle évoque unesolution de mise en place, danschaque école, d’un maître sup-plémentaire spécialisé.

ès l’ouverture des échanges, unparticipant reprend une réflexionde Philippe Meirieu selon laquelle« l’Etat ne se donne pas lesmoyens d’appliquer en actes cequ’il donne en paroles » : c’estun leurre de proposer comme ça la

scolarisation des enfants en situation dehandicap car il n’y a pas de formation. Ledébat est lancé et les nombreux participantssont intarissables. Il est vrai que depuis plusieurs années l’écolematernelle et élémentaire a multiplié lesexpériences et les efforts. Mais la « bonnevolonté » s’essouffle et les enseignantsattendent de l’Etat qu’il donne des signesconcrets pour assurer cette mission que lasociété, à travers la loi du 11 février 2005,a réaffirmé à l’école. Mais, aujourd’hui l’ab-sence des moyens adéquats pour la forma-tion, les effectifs, l’adaptation des locaux,l’accompagnement des élèves… suscite l’in-quiétude.La circulaire au BO du 1er septembre adavantage semé l’inquiétude que réponduaux attentes quant aux conditions d’accueil(aménagements, effectifs) et d’accompa-gnement stables et pérennes (AVS) égale-ment quant à la réalisation des projets édu-catifs et scolaires : quels apprentissages etdémarches pédagogiques adaptées ? Quelleprésence d’enseignants spécialisés ? Laseule solution des emplois de vie scolaire —contrats précaires sur 6 mois renouvelables— soulève du mécontentement. Les nouvelles responsabilités des conseilsgénéraux — maison du handicap, commis-sion des droits — vont-elles être réellementassumées avant janvier 2006 ? Certainss’inquiétent que cette intégration, sans aideparticulière, risque de produire un effet derejet ou de recul.

DLA SCOLARISATION DES ENFANTS ET

ADOLESCENTS EN SITUATION DE HANDICAP.UN ATELIER ANIMÉ PAR CHARLES GARDOU.

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PROFESSEUR À L’UNIVERSITÉ LUMIÈRE

LYON 2 ET PRÉSIDENT, AVEC JULIA

KRISTEVA, DU CONSEIL NATIONAL

« HANDICAP : SENSIBILISER, INFOR-MER, FORMER ».

FRAGMENTS SUR LE HANDICAP ET LA

VULNÉRABILITÉ. POUR UNE RÉVOLU-TION DE LA PENSÉE ET DE L'ACTION -ÉDITIONS ÉRÈS

A PARAÎTRE :C U L T U R E ,CRÉATION,HANDICAP.C O R P S

ACCORDS,É D I T I O N S

ÉRÈS, N O V E M B R E

2005

Quelles vont être les conséquences del’inscription à l’école de tous les élèves ensituation de handicap ?

Dès à présent l’inscription est de droit et nonune obligation. Mais dans l’attente desdécrets d’application, nous sommes dansune période transitoire jusqu’au 1er janvier2006. Pourtant déjà, les parents qui espèrentbeaucoup sont inquiets. L’accessibilité desécoles est loin d’être généralisée. Ensuite ilss’interrogent sur les compétencesdes personnels, sur leur for-mation pour répondre auxbesoins des enfants, quece soient les enseignantsou les auxiliaires de viescolaire. Pour ces derniers,les CDD, les contrats d’ac-compagnement à l’emploi renou-velables sur 2 ans sont des emplois fragilesavec un turnover défavorable notammentpour les enfants vulnérables. D’où un soucide stabilisation de ces emplois d’accompa-gnement. A côté de ce droit à l’école devenu impres-criptible, c’est aussi la volonté d’associer lesparents à toutes les étapes du projet per-sonnalisé de scolarisation, c’est l’affirmationde la nécessité d’une continuité des par-cours scolaires et d’une évaluation régu-lière. Et le problème majeur est l’imprépa-ration des acteurs de l’éducation :enseignants mais aussi personnels d’admi-nistration, principaux, proviseurs, inspec-teurs…

Une question récurrente : comment va-t-on faire ?

Ce que vit l’école depuis sa massification etqu’elle va vivre plus intensément avec cetteloi, c’est une tension très pénible entre deuxexigences. La première est une attente deperformance : les parents dont les enfantsvont bien attendent légitimement que ceux-ci accèdent au plus haut niveau le plus vitepossible. La seconde est qu’elle s’adaptesimultanément à des enfants plus vulné-rables, avec des besoins spécifiques et unetemporalité différente. Pendant longtemps ona cru que la question d’accueil d’enfantsde ce type relevait du caritatif, de la com-

passion et qu’il y aurait quelques « mis-sionnaires laïques » qui se dévoueraient.Or, on va bien mesurer le fait que cela pro-cède d’une formation, qu’il y a là quelquechose à professionnaliser.

Quels sont donc les nouveaux enjeux ?

Aujourd’hui, on fonctionne dans une culturede la fragmentation, chacun dans sa classe,dans sa discipline, les généralistes d’un côté,

les spécialisés de l’autre : ce quiconcerne les uns ne donne

pas l’impression auxautres que cela lesconcerne aussi. Chacuntend à vivre dans son

monde. L’école a besoinde se construire une culture

commune. Et comment le faire sice n’est en agissant sur la formation. Beau-coup d’enseignants le deviennent en passanttout à fait à côté de ces problèmes. Pourquoiles nouveaux enseignants en IUFM ne vont-ils pas en stage dans le spécialisé, en IME,ou en IMPro ? Les différents métiers del’éducation se méconnaissent ou ne se recon-naissent plus, voire se redoutent commel’école et le secteur médico-social. Or, l’en-fant en situation de handicap va appeler lebrassage des compétences. L’enseignant nepeut plus être seul dans sa classe, il faitdonc partie d’un plateau de professionnels.Tant que cette mutation fondamentale nese produira pas, on risque de rester dansquelque chose d’assez superficiel, n’indui-sant parfois qu’une mise en conformitéadministrative.

Quelles suggestions proposez-vous ?

D’abord, il importe que les petits enfants,dès la maternelle, côtoient des enfants dif-férents, qu’ils n’aient plus peur : ils devien-dront des adultes plus perméables à cette réa-lité. Les questions sur le handicap ont àrejoindre l’ordinaire de la préparation desfutures générations de professionnels (ensei-gnants, médecin, architecte, tourisme…)tout en ayant des systèmes d’arborescencesspécialisées par profession. L’idée d’uneformation commune interprofessionnelleest essentielle. Contrairement aux autres

pays, les recherches demeurent chez nousà visée médicaliste et existent peu ensciences humaines et sociales. Ce qui inté-resse pourtant les enseignants et les acteurssociaux, c’est la manière de relever ce défi ? D’où la nécessité de s’éloigner d’uneculture de la compassion et du soin en fai-sant œuvre d’éducation et formation.

Propos recueillis par Michelle Frémont

« l’enfant en situation de handicap vaappeler le brassage des compétences »

«Les questions sur le

handicap ont à rejoindrel’ordinaire de la préparation des

futures générations deprofessionnels

»

Charles Gardou

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