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LA PEDAGOGIE DIFFERENCIEE EN EPS PROPOSITIONS ET RÉFLEXIONS PAR A. BAUDRIT ET A. ROBERT BASKET-BALL Ce serait réduire, voire déformer la réalité que de prétendre que l'ensei- gnement de l'EPS consiste la plu- part du temps à proposer les mêmes activités et les mêmes situations pédagogiques à des enfants par ail- leurs différents. D'un autre côté, l'individualisation du travail, certes facteur de réussite scolaire, apparaît souvent aux yeux des enseignants comme une mission impossible, un pari difficile à tenir. Au regard de ces deux systèmes souvent perçus comme antagonistes, et sans vouloir pour autant les ex- clure, la pédagogie différenciée pourrait trouver une place privilé- giée parce que plus sensible aux aptitudes des élèves et susceptible de faciliter le travail d'animation pé- dagogique de l'enseignant. Telles sont les questions auxquelles nous essaierons de répondre ici après avoir exposé les principales étapes et modalités de l'expérimentation pé- dagogique, réalisée avec les élèves d'une classe de CM2. Traditionnellement, dans le domaine de l'Education Physique, les différences entre les élèves sont perçues en termes de niveaux de réalisation dans les activités pratiquées. Cette approche conduit la plupart du temps à la constitution de groupes de « niveau-matière » hiérar- chisés en fonction de compétences ou de degrés de maîtrise acquis dans la disci- pline enseignée : niveaux d'adresse dans les lancers en précision, niveaux de jeu dans les sports collectifs... Ce modèle focalise donc l'attention de l'enseignant sur les résultats différenciés des élèves dans les apprentissages pro- posés. A l'inverse, il semble que la différencia- tion pédagogique définie par les Pro- grammes et les Instructions concernant les Ecoles et Collèges (1985) renverse quelque peu ces données en partant des caractéristiques initiales des enseignés afin « de répondre de façon lactique aux capacités spontanées et aux aspirations des apprenants » et de « chercher à les mener le plus loin possible vers l'atteinte d'objectifs valables pour tous » selon J.-P. Astolfi et L. Legrand [1]. Ces propositions qui peuvent sembler novatrices dans la pédagogie de l'EPS, ne sont pas pour autant nouvelles dans la mesure où nombre d'enseignants ont essayé de proposer des situations diver- sifiées et adaptées aux capacités et aux possibilités motrices des enfants, c'est le cas notamment des mini-enchaînements gymniques. Partant de ces réflexions, il nous a sem- blé intéressant de développer la notion de différenciation pédagogique dans le cadre d'une activité collective : le bas- ket-ball. Sachant qu'un enseignement uniforme ne peut convenir à l'ensemble des élèves, il devient nécessaire de diagnostiquer leurs caractéristiques dans l'activité pro- posée, de définir des objectifs d'appren- tissage et de mettre en place des situa- tions pédagogiques à partir des informa- tions recueillies sur les enseignés. Le cadre du projet L'étude présentée ici a été réalisée au cours d'un cycle de basket-ball de dix semaines consécutives à raison d'une séance hebdomadaire d'une heure avec une classe de CM2. Les éléments déclencheurs de ce travail furent de deux types. D'une part le niveau hétérogène de pra- tique du basket-ball chez les enfants, une pédagogie inspirée du « texte libre » en français, des essais de suivi individualisé dans les diverses activités. D'autre part des interrogations et ré- flexions pour lesquelles nous sommes à la recherche de réponses ou au moins d'éléments de réponse, et relatives à la mise en place d'une pédagogie différen- ciée en EPS. L'évaluation initiale « Le premier moment de toute différencia- tion réside dans la connaissance des popu- lations à enseigner ». (Legrand L. [4]). Afin de procéder à une évaluation ini- tiale, la première séance a été consacrée à l'observation des élèves en situation réelle de jeu (matches de basket-ball). Les équipes, constituées par les élèves, étaient hétérogènes dans leur composi- tion. Nous avons donc essayé de mettre en évidence des profils comportementaux, en nous limitant volontairement au do- « La pédagogie différenciée consiste à multiplier les itinéraires d'apprentissage en fonction des différences existant entre les élèves» (1). Comment gérer, mais aussi exploiter les différences ? 12 Revue EP.S n°207 Septembre-Octobre 1987 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

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  • LA PEDAGOGIE DIFFERENCIEE

    EN EPS

    PROPOSITIONS ET RÉFLEXIONS

    PAR A. BAUDRIT ET A. ROBERT

    BASKET-BALL Ce serait réduire, voire déformer la réalité que de prétendre que l'ensei-gnement de l 'EPS consiste la plu-part du temps à proposer les mêmes activités et les mêmes situations pédagogiques à des enfants par ail-leurs différents. D'un autre côté, l'individualisation du travail, certes facteur de réussite scolaire, apparaît souvent aux yeux des enseignants comme une mission impossible, un pari difficile à tenir. Au regard de ces deux systèmes souvent perçus comme antagonistes, et sans vouloir pour autant les ex-clure, la pédagogie différenciée pourrait trouver une place privilé-giée parce que plus sensible aux aptitudes des élèves et susceptible de faciliter le travail d'animation pé-dagogique de l'enseignant. Telles sont les questions auxquelles nous essaierons de répondre ici après avoir exposé les principales étapes et modalités de l'expérimentation pé-dagogique, réalisée avec les élèves d'une classe de C M 2 .

    Traditionnellement, dans le domaine de l'Education Physique, les différences entre les élèves sont perçues en termes de niveaux de réalisation dans les activités pratiquées. Cette approche conduit la plupart du temps à la constitution de groupes de « niveau-matière » hiérar-chisés en fonction de compétences ou de degrés de maîtrise acquis dans la disci-pline enseignée : niveaux d'adresse dans les lancers en précision, niveaux de jeu dans les sports collectifs... Ce modèle focalise donc l'attention de l'enseignant sur les résultats différenciés des élèves dans les apprentissages pro-posés. A l'inverse, il semble que la différencia-tion pédagogique définie par les Pro-grammes et les Instructions concernant les Ecoles et Collèges (1985) renverse quelque peu ces données en partant des caractéristiques initiales des enseignés afin « de répondre de façon lactique aux capacités spontanées et aux aspirations des apprenants » et de « chercher à les mener le plus loin possible vers l'atteinte d'objectifs valables pour tous » selon J.-P. Astolfi et L. Legrand [1]. Ces propositions qui peuvent sembler novatrices dans la pédagogie de l'EPS, ne sont pas pour autant nouvelles dans

    la mesure où nombre d'enseignants ont essayé de proposer des situations diver-sifiées et adaptées aux capacités et aux possibilités motrices des enfants, c'est le cas notamment des mini-enchaînements gymniques. Partant de ces réflexions, il nous a sem-blé intéressant de développer la notion de différenciation pédagogique dans le cadre d'une activité collective : le bas-ket-ball. Sachant qu'un enseignement uniforme ne peut convenir à l'ensemble des élèves, il devient nécessaire de diagnostiquer leurs caractéristiques dans l'activité pro-posée, de définir des objectifs d'appren-tissage et de mettre en place des situa-tions pédagogiques à partir des informa-tions recueillies sur les enseignés.

    Le cadre du projet

    L'étude présentée ici a été réalisée au cours d'un cycle de basket-ball de dix semaines consécutives à raison d'une

    séance hebdomadaire d'une heure avec une classe de CM2. Les éléments déclencheurs de ce travail furent de deux types. D'une part le niveau hétérogène de pra-tique du basket-ball chez les enfants, une pédagogie inspirée du « texte libre » en français, des essais de suivi individualisé dans les diverses activités. D'autre part des interrogations et ré-flexions pour lesquelles nous sommes à la recherche de réponses ou au moins d'éléments de réponse, et relatives à la mise en place d'une pédagogie différen-ciée en EPS.

    L'évaluation initiale

    « Le premier moment de toute différencia-tion réside dans la connaissance des popu-lations à enseigner ». (Legrand L. [4]). Afin de procéder à une évaluation ini-tiale, la première séance a été consacrée à l'observation des élèves en situation réelle de jeu (matches de basket-ball). Les équipes, constituées par les élèves, étaient hétérogènes dans leur composi-tion. Nous avons donc essayé de mettre en évidence des profils comportementaux, en nous limitant volontairement au do-

    « La pédagogie différenciée consiste à multiplier les itinéraires

    d'apprentissage en fonction des différences existant entre les élèves» (1).

    Comment gérer, mais aussi exploiter les différences ?

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    Revue EP.S n°207 Septembre-Octobre 1987 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

  • maine moteur , et en focalisant l 'observa-t ion sur qua t r e critères : l ' adresse , la vision d u j eu , le jeu en défense , l 'act ion du j o u e u r après la t ransmiss ion du bal-lon. Ainsi , cinq d o m i n a n t e s de j eu , sans rela-t ion h ié ra rch ique entre elles, ont émergé, caractér isant les condui tes motr ices des élèves dans la p ra t ique du basket -bal l ; ces profils c o m p o r t e m e n t a u x sont dé-crits dans le tab leau 1 et illustrés par les pho tos ci-contre.

    Tab leau 1 : Evaluat ion init iale

    P1 : Le partenaire occasionnel.

    P4 : Le joueur en attente de la réception du ballon.

    P3 : Le joueur et ses aptitudes physiques. P2 : Le joueur spectateur. P5 : Le joueur agressif en défense.

    EPS № 207 - SEPTEMBRE-OCTOBRE 1987 13 Revue EP.S n°207 Septembre-Octobre 1987 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

  • Le choix des objectifs

    « La pédagogie différenciée doit, à partir d'objectifs communs, adapter les métho-des et les cursus à la réalité des élèves enseignés ». (Legrand L. [4]). La détermination des objectifs semble la plupart du temps spécifiée par un trai-tement de l'activité sur la base de la logique, allant du simple au complexe, en tenant compte des difficultés rencon-trées par les apprenants. Un des aspects majeurs de la différenciation pédagogi-que apparaît lorsque le choix des objec-tifs s'appuie sur les caractéristiques de l'activité, mais en étroite liaison avec l'évaluation initiale des élèves. Ce fai-sant, deux objectifs ont été mis en évi-dence pour le cycle de basket-ball : - la progression vers la cible adverse ; - l'amélioration du jeu sans ballon.

    L'action didactique

    Différencier la pédagogie, c'est égale-ment diversifier les formes de travail didactique proposées aux enseignés. Sur ce point, nous ne développerons pas de façon exhaustive toutes les étapes et séances du cycle, mais il semble cepen-dant nécessaire d'insister sur certains moments caractéristiques de cette ap-proche pédagogique, correspondant à différents modes de différenciation pé-dagogique.

    Différencier par les contenus d'enseignement à partir des caractéristiques des enseignés

    Premier objectif : progresser vers la cible adverse.

    Ainsi, les deux premières séances ont été proposées en tenant compte de l'objec-tif : progresser vers la cible adverse. Après un travail commun où les élèves évo-luaient d'un panneau de basket-ball à l'autre par groupes de trois (sans adver-saire), des situations pédagogiques diffé-renciées pour chaque groupe d'enfants ont été mises en place sous forme d'ate-liers (tableau 2).

    Remarques concernant ce type de fonctionnement

    - Si l'objectif a été respecté pour les élèves des profils P l . P3 et P5, il n'en a pas été de même pour les autres (P2 et P4) qui ne pouvaient progresser vers l'avant faute de pouvoir réceptionner et transmettre le ballon de façon relative-ment efficace ; d'où la mise en place de situations dans un espace non orienté pour ces deux groupes. - Le travail sous forme d'ateliers ne sem-ble pas avoir dérouté les enfants du fait qu'il est déjà utilisé dans l'enseignement d'autres disciplines.

    - Les groupes ont fonctionné en relative autonomie dans les situations 1 et 2. alors que le maître a dû relancer l'acti-vité des enfants dans la situation 3 et même diriger le travail dans la situation 4. - Par rapport à l'objectif, ce sont les élèves des profils PI et P5 qui ont le mieux profité de ce travail, alors que ceux du profil P3 semblent avoir ré-gressé : récupération de son ballon, jeu en « paquet ».

    Différencier une même situation pédagogique en diversifiant les contraintes et les exigences

    Deuxième objectif : amélioration du jeu sans ballon. Vers le milieu du cycle, la nécessité de travailler dans le sens du second objectif s'est faite sentir notamment parce que les enfants des profils P2 et P4 se mon-traient maintenant plus habiles pour progresser vers l'avant en jeu réel. Afin d'améliorer le jeu sans ballon (se-cond objectif) plusieurs activités ont été mises en place avec des consignes diffé-rentes selon les groupes : passe à dix avec surnombre, (tableau 3), passe à dix en zones, (tableau 4).

    Remarques concernant ce type de fonctionnement

    - Bien que, en général, les situations soient plus « ouvertes » pour les élèves du profil P4, ces derniers ont eu plus de difficultés que les autres dans la réalisa-tion de l'activité, d'où une attitude plus interventionniste de la part de l'ensei-gnant, aspect que nous avions déjà si-gnalé au chapitre précédent. - Le diagnostic pédagogique proposé apparaît ainsi comme révélateur d'ap-prentissages à « plusieurs vitesses ». Cet aspect s'amplifie d'ailleurs au cours du processus puisque les enfants du profil P3 surmontent un maximum de contraintes, ceux du profil P4 butent sur un minimum d'exigences, les autres (P1, P2 et P5) s'inscrivent dans un contexte intermédiaire. - Ces quelques remarques mettent en évidence une dérive possible de la diffé-renciation pédagogique, à savoir, le ren-forcement de différences entre les ensei-gnés au regard des objectifs ; phéno-mène qui s'inscrit à contre-courant de l'intention première : l'atteinte des ob-jectifs par tous les élèves. Dans le but d'éviter cet effet pervers nous avons été conduits à mettre en place une autre forme de différenciation.

    Différencier les formes de travail didactique

    Au cours du jeu « la défense du piquet », l'enseignant est intervenu de façon « impositive » au niveau des élèves des profils P1, P2, P3 et P5 alors que les enseignés du profil P4 ont travaillé en relative autonomie (tableau 5). Le fait d'avoir introduit les consignes progressivement a favorisé la construc-tion du jeu pour les élèves des profils P1, P2, P4 et P5 alors qu'un effet de lassitude s'est rapidement fait ressentir au niveau des autres (P3) sans doute lié à une situation stagnante.

    Action volontaire pour récupérer son ballon. Tableau 2 : Situations pédagogiques différenciées proposées

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  • Les enfants appartenant au profil P4 ont amélioré leurs formes de démarquage (jeu sans ballon) dans la mesure où la consigne « tirer lorsque le joueur se trouve seul face à la cible » s'est avérée facilitatrice pour l'organisation du jeu (les tirs ont été réalisés plus tardivement mais dans de meilleures conditions). Le fonctionnement autonome n'a fait que renforcer la recherche de solutions par rapport à cette consigne alors que dans les autres groupes, le maître a suggéré les réponses adaptées (par exemple : passes diamétralement opposées par rapport au porteur du ballon) ce qui a souvent conduit les élèves à adopter un compor-tement répétitif, voire parasitaire.

    L'évaluation

    Afin d'évaluer les progrès réalisés au regard des objectifs spécifiques du cycle, les élèves ont retrouvé la situation réelle de jeu : des équipes hétérogènes de jeu ont, de nouveau, été constituées. Il ressort de l'observation (réalisée selon les mêmes critères que pour l'évaluation initiale) que les comportements des en-fants ont évolué de façons sensiblement différentes. Par rapport au premier objectif, progresser vers la cible adverse, ce sont les élèves du profil P4 qui semblent avoir réalisé la meilleure évolution dans le sens d'une participation accrue au jeu. En revan-

    che, il y aurait stagnation pour les autres enseignés et même régression pour cer-tains (élèves du profil P3). Par rapport au second objectif, améliora-tion du jeu sans ballon, les observations effectuées en jeu réel n'ont pas mis en évidence de progrès significatifs quels que soient les profils comportementaux. Dans l'ensemble, l'évaluation terminale fait ressortir des progrès pour les élèves des profils P1, P2 et P5 dans la mesure où ils participent mieux au jeu, mais hésitent encore à prendre des responsa-bilités, notamment lors des tirs au pa-nier. Ces enfants s'investissent davan-tage dans la préparation, et moins dans la finition des actions offensives.

    Tableau 3 : Passe à dix avec surnombre

    Tableau 4 : Passe à 10 en zones

    Tableau 5 : « La défense du piquet »

    DESSINS : CARMEN MULLER

    EPS N° 207 - SEPTEMBRE-OCTOBRE 1987 15

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  • Par ailleurs, il apparaît que cette forme de travail a moins profité aux enfants du profil P3, ceux-ci ayant stagné, voire régressé par rapport aux objectifs du cycle.

    Quelques axes de réflexion

    • Cette étude, certes limitée à une classe et à un cycle d'enseignement, nous permet cependant de faire quelques commentaires. En premier lieu, il convient d'insister sur le fait que nos bases de travail nous ont conduit à valoriser le fonctionnement en ateliers par rapport aux autres formes de tra-vail : individualisation et enseignement commun notamment. Le système des groupes a certainement permis une meil-leure adaptation des activités par rap-port aux caractéristiques de départ des

    élèves mais il convient d'éviter son ex-clusivité. En effet, le fait de proposer aux élèves du même profil comportemental les mêmes itinéraires d'apprentissage peut conduire à une certaine stérilité du jeu dans la mesure où les diverses caractéris-tiques comportementales ne peuvent s'exercer en complémentarité. L'hétéro-généité retrouvée dans la constitution des équipes lors de l'évaluation termi-nale a été révélatrice de cet aspect. • Sous le même angle, il est également difficile pour l'enseignant d'éviter cer-taines dérives et nous pensons en parti-culier à celle constituée par « l'effet Pygmalion » [3]. Ainsi, les élèves regrou-pés selon des profils comportementaux initiaux peuvent être sujets à un « mar-

    quage » tout au long de la période de formation. 11 devient donc nécessaire d'effectuer des évaluations intermédiai-res afin de mettre en évidence, le cas échéant, l'évolution, la disparition ou l'émergence de nouveaux profils. L'éva-luation terminale nous a d'ailleurs per-mis de faire un constat sur ces processus avec l'extinction des profils P2 et P4 et l'inflation des profils P1 et P5. • Toujours dans le cadre de l'évalua-tion terminale, l'observation des élèves en situation réelle de jeu a mis en lu-mière une évolution générale des conduites motrices vers les profils P1 et P5 qui expriment à l'évidence les com-portements dominants des enseignés en fin de cycle. L'analyse de ces données conduit à quelques réflexions à caractère encore provisoire :

    - en s'appuyant sur la diversité des élè-ves, le processus de différenciation pé-dagogique conduirait à une relative ho-mogénéité dans les résultats des appren-tissages ; - la pédagogie différenciée pourrait éga-lement favoriser un « noyau moyen » d'élèves (ici les profils P1 et P5). • Par ailleurs, se pose également pour le maître le problème de la « gestion de la classe ». Ce mode de fonctionnement s'inscrit dans le cadre d'« une école plurielle » [5] et nécessite la mise en place de différentes méthodes par un enseignant « singulier ». Nous sommes tout naturellement enclins à mettre en exergue l'équipe d'enseignants comme postulat à toute différenciation pédago-gique.

    Ce système, qui remet en question le schéma classique des mêmes contenus proposés à tous les élèves, n'est pas sans présenter certaines difficultés en rapport avec la cohérence de l'enseignement. L'alternance des méthodes, des fluctua-tions dans les groupes d'élèves, l'utilisa-tion d'outils d'apprentissage diversifiés sont autant de paramètres, qui, à terme, peuvent conduire à une certaine disper-sion. A ce niveau, il semble que les objectifs peuvent servir de repères, pour l'enseignant comme pour les élèves, afin que cette diversité, perçue à l'origine comme une richesse, ne s'évanouisse, selon L. Legrand, dans un « bricolage pédagogique » [4]. • Enfin, comment ne pas évoquer l'écueil de la « pédagogie à rebours » signalé par P. Meirieu [5], qui, à partir de l'évaluation initiale consistait à « envisa-ger l'avenir des élèves que comme dévelop-pement unique de leur passé ». Les profils comportementaux moteurs mettent en évidence l'état d'un enfant ou d'un groupe d'enfants à un moment donné, par rapport à une activité précise, mais ils ne sauraient conduire l'enseignant à adopter des stratégies qui, à partir de la diversité et des différences, aboutiraient à la division ou à la discrimination de la population scolaire.

    Ces quelques réflexions ont pour seule ambition de situer la pédagogie diffé-renciée dans le cadre de l'innovation éducative en EPS : elles peuvent égale-ment nous inviter à enrichir le regard porté sur les enseignés en n'oubliant pas, avec R. Cousty [2], « qu un système péda-gogique est fermé quand il n'admet plus la différence ».

    Alain Baudrit Professeur Agrégé d'EPS

    Ecole Normale Mixte, La Rochelle Alain Robert

    Instituteur Maître Formateur Ecole Annexe, La Rochelle

    (1) Cette citation est extraite d'un article inti-tulé : « Pédagogie différenciée : l'essentiel en une page » situé à la fin du numéro 239 des Cahiers Pédagogiques.

    BIBLIOGRAPHIE

    Ouvrages appelés dans le texte. [1] - Astolfi (J.-P.), Legrand (L.). - Différencier la pédagogie. In « pour un collège démocrati-que ». Paris ; La documentation française, 1982. [2] - Cousty (R.). - Le traitement pédagogique du sport. Cahiers pédagogiques, 1980. [3] - Jacobson (L.), Rosenthal (R.). - Pygmalion à l'école. Paris ; Casterman, 1972. [4] - Legrand (L.). - La différenciation pédagogi-que. Paris ; Editions du Scarabée, 1986. [5] - Meirieu (P.). - Itinéraires des pédagogies de groupe. Lyon ; Chronique sociale. 1984. Ouvrage non appelé dans le texte Jeu (B.). - Le sport, l'émotion, l'espace. Paris ; Vigot, 1977.

    Mais aussi, le plaisir de jouer...

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