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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À CHICOUTIMI
DÉPARTEMENT DES SCIENCES HUMAINES
RAPPORT DE STAGE
PRÉSENTÉ À
Mme MARIE FALL
PROJET INDIVIDUEL DE COOPÉRATION INTERNATIONALE
4COP601
MARIE-PIER DUFOUR-FORTIN
1er juillet 2016
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Table des matières Introduction ......................................................................................................................... 3
1. Motivations personnelles sur le choix du milieu de stage .......................................... 4
2. Mes objectifs académiques de stage ........................................................................... 4
3. Le milieu du stage ....................................................................................................... 5
4. Mes objectifs de stage assignés sur le terrain ............................................................. 6
5. Déroulement du stage ................................................................................................. 6
6. Résultats obtenus ...................................................................................................... 11
7. Défis relevés ............................................................................................................. 12
8. Leçons tirées ............................................................................................................. 13
9. Bilan personnel et professionnel ............................................................................... 14
10. Perspective retour .................................................................................................... 15
11. Recommandations ................................................................................................... 16
Conclusion ........................................................................................................................ 18
Extraits du journal de bord ................................................................................................ 19
Index ................................................................................................................................. 24
Quelques photos du stage .............................................................................................. 24
Bref résumé de la rencontre avec les étudiants de sociologie de l’Université Gaston
Berger (UGB) ................................................................................................................ 26
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Introduction
Peu importe les matières enseignées, les cours théoriques sont importants et
intéressants, mais réaliser un stage afin d’intérioriser la matière enseignée est
indispensable. La réalisation du stage, dans le cadre du cours Projet individuel de
coopération, joue donc ce rôle, soit d’intégrer les connaissances acquises pendant la
formation théorique en coopération internationale, un programme d’étude offert à
l’Université du Québec à Chicoutimi sous forme de certificat ou de mineure.
Ce stage est donc offert lorsque tous les cours théoriques ont été réussis afin de
permettre à l’élève de vivre la coopération internationale de manière concrète à travers un
projet de développement international. Plus précisément, le stage proposé se réalise à
Missirah, un village de pêcheurs situé au Sénégal dans la région du Delta du Saloum.
L’association écologique Fannabara, présidée par Ibrahima Sarr, surnommé Coly,
constitue l’organisme d’accueil et supervise les différents volets du stage, soit celui de
l’éducation, des femmes et du microcrédit, de l’agriculture durable et du reboisement, du
développement écotouristique et de la promotion des savoirs locaux.
Pour ma part, j’ai décidé de m’impliquer davantage dans le volet de l’éducation
ainsi que celui des femmes et du microcrédit. En fait, au cours de mon stage, j’ai donné des
cours de français aux jeunes du Collège d’étude moyen (CEM) et des séances
d’alphabétisation à un regroupement de femmes avec l’aide d’Émilie Duchesne. Ce stage
rejoint donc ma formation, autant celle en coopération internationale que celle de travail
social. En effet, de nombreux concepts et méthodes en coopération et en travail social se
rejoignent et c’est ces dernières que je voulais mettre en pratique pendant mon stage.
Ce rapport traitera de nombreux aspects de mon stage, soit mes motivations
personnelles, mes objectifs académiques de stage, mon milieu de stage, mes objectifs de
stage assignés sur le terrain, le déroulement du stage, les résultats obtenus ainsi que mes
perspectives de retour.
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1. Motivations personnelles sur le choix du milieu de stage
Le stage de coopération internationale au Sénégal m’intéressait pour de nombreuses
raisons. Tout d’abord, mon désir d’aventures, de me dépasser et de sortir de ma zone de
confort me dictaient de me lancer dans ce périple. Ayant réalisé auparavant un stage en
milieu interculturel au Burkina Faso en 2012, l’Afrique de l’Ouest avait déjà conquis mon
cœur et ainsi, je voulais y retrouver une occasion de me ressourcer et de me recentrer sur
mes véritables valeurs. Le Sénégal représentait donc la destination idéale pour moi afin de
revivre une aventure africaine, tout en découvrant un nouveau pays et des cultures
distinctes.
J’avais également des motivations professionnelles à réaliser ce stage, soit de mettre
en pratique toute la théorie que j’ai acquise à l’université, opportunité qui n’était pas
possible lors de mon expérience précédente au Burkina Faso. Je souhaitais donc combiner
mes deux principaux intérêts que sont la coopération internationale et le travail social. Ces
deux disciplines prônent des concepts semblables, tels que l’égalité et l’autodétermination,
des concepts que je voulais mettre concrètement en pratique lors de mon stage.
J’envisageais donc ce stage de coopération internationale comme une opportunité
d’améliorer mes compétences en travail social tout comme en coopération internationale.
En fait, je désire toujours réaliser d’autres projets de développement international au cours
de ma carrière, ce stage cadrait donc parfaitement avec mes aspirations personnelles et
professionnelles.
2. Mes objectifs académiques de stage
Mes objectifs académiques de stage étaient de m’initier à la coopération
internationale afin de faire des liens entre la théorie et la pratique. Plus précisément, mes
mandats de stage concernaient le volet 4 « microcrédit », c’est-à-dire l’alphabétisation
fonctionnelle des femmes du groupement d’intérêt économique ainsi que l’enseignement
du français au secondaire, au CEM. Avec Émilie Duchesne, nous devions monter des cours
d’alphabétisation pour plusieurs groupes de femmes ainsi que prendre en charge le cours
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de français pour une classe de 6e. Je devais également m’impliquer dans le projet de
pépinières de Fannabara avec les autres stagiaires.
3. Le milieu du stage
Le stage réalisé s’est fait dans le village de Missirah, situé au sud-ouest du Sénégal
tout près du Parc national du Delta du Saloum et dans la région administrative de Fatick. Il
fait partie de la communauté rurale de Toubacouta et est réputé pour son port de pêche
animé et pour son célèbre fromager millénaire, le plus gros du Sénégal selon certains. Ce
village créé vers 1856 compterait aujourd’hui environ 3000 habitants.
Sa proximité avec la Réserve de la Biosphère du Parc national du Delta du Saloum
caractérise Missirah comme un lieu stratégique pour des actions de sensibilisation et
valorisation auprès de la population afin qu’elle s’engage dans sa préservation. En effet,
les communautés locales doivent reconnaitre l’importance écologique et économique de
cette réserve naturelle afin d’adopter des habitudes de vie respectueuses de son écosystème.
C’est pour faire face à cet enjeu que l’association écologique Fannabara, notre
organisme d’accueil, s’est formée. Cette dernière, qui signifie en mandingue, la langue
locale, « on récolte ce que l’on sème », est une organisation locale ayant comme principal
objectif le développement du village de Missirah à travers la restauration des écosystèmes
en dégradation, la promotion de la culture locale, la valorisation du patrimoine collectif et
de la médecine naturelle, l’appui aux initiatives féminines et la formation des jeunes.
L’association Fannabara est impliquée dans plusieurs actions auprès de la communauté,
notamment dans l’éducation et la sensibilisation à l’écologie, dans la lutte contre le pillage
des ressources naturelles, dans la mise sur pied de pépinières et d’un jardin d’herbes
médicinales, dans la promotion des femmes productrices, dans la valorisation et la
transmission des connaissances traditionnelles à travers un recueil sur les plantes
médicinales et dans le développement écotouristique.
Plus spécialement, j’ai œuvré pendant mon stage auprès du CEM de Missirah, une
institution d’enseignement publique francophone qui offre des cours diversifiés aux élèves,
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notamment le français, l’anglais, l’arabe, les mathématiques, les sciences de la vie et de la
Terre, l’histoire et la géographie ainsi que l’éducation physique. J’ai également offert des
séances d’alphabétisation auprès des femmes d’un groupement d’intérêt économique
nommé Waamé, qui signifie marée en mandingue. Ce groupement était particulièrement
impliqué dans la transformation et la vente de produits halieutiques.
4. Mes objectifs de stage assignés sur le terrain
Arrivées dans notre milieu de stage, il a été convenu qu’Émilie et moi allions
prendre en charge la classe de 6e B au CEM, en raison de trois cours par semaine. Pour ce
qui est de l’alphabétisation, les monitrices et leur groupe d’apprenantes de l’année
précédente n’étaient plus disposés à participer à notre projet. Émilie et moi avions donc
seulement un groupe d’apprenantes qui se présentait pour deux séances par semaine. Dans
nos moments libres, nous nous sommes engagées, Émilie et moi, à aller arroser la pépinière
et le jardin d’herbes médicinales de Fannabara. Les samedis étaient pour leur part réservés
à des activités pour Fannabara, tel que convenu avant notre départ.
5. Déroulement du stage
Tout au long du stage, ce dernier ne s’est pas déroulé comme prévu. En effet, de
nombreuses adaptations ont été nécessaires. Avant même de partir de Montréal, nous avons
dû faire face à un imprévu important, soit un retard de près de 50h de notre vol. Nous
sommes donc arrivés deux jours en retard à Dakar et avons par conséquent écourté notre
séjour dans la capitale pour prendre le moins de retard possible dans notre stage à Missirah.
Dès la première rencontre avec Fannabara, une surprise de taille nous attendait
puisque notre organisme d’accueil, représenté par Coly et Landing, n’avait pas l’intention
d’encadrer notre stage si nous nous n’engagions pas à être hébergés dans leurs cases situées
sur un terrain loué dans le village. Ayant déjà des engagements auprès du Capitaine des
Bolongs et ne trouvant pas les commodités acceptables, nous n’étions pas enclins ni en
mesure de donner cet engagement. En fait, les personnes ressources pour notre stage, les
personnes qui étaient supposées nous superviser et nous référer aux autres personnes
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incontournables du village, refusaient de jouer ce rôle puisque ces responsabilités les
empêchaient de se consacrer à des activités génératrices de revenus. Ils ont également fait
ressortir que le partenariat qu’ils ont créé avec l’UQAC n’avait rien amené de durable à
Fannabara. En effet, dès le premier coup d’œil, le site semblait très peu entretenu et
prospère. Bref, nous étions une charge pour eux face à laquelle ils ne voyaient pas de
bénéfice si notre argent réservé pour notre hébergement ne leur était pas destiné.
De prime abord, cette réaction m’a beaucoup blessée. Alors que je participais à ce
projet de coopération internationale afin de me rendre utile, j’ai senti que ma présence
n’était pas appréciée et était au contraire une nuisance. Réaliser également que tous les
efforts des anciens stagiaires venus travailler à Fannabara — puisqu’ils croyaient en sa
mission — ne sont pas considérés ni reconnus m’a rendue furieuse. Comment pouvaient-
ils mettre la faute de l’insuccès de leur projet sur le dos du stage de coopération
internationale de l’UQAC? Je comprenais que les conditions de vie des Sénégalais ne sont
vraiment pas faciles, que les sources de revenus sont rares, mais je sentais que ces derniers
nous voyaient uniquement comme de l’argent. En fait, l’une des plus grandes difficultés
que j’ai vécues en Afrique, autant au Burkina Faso qu’au Sénégal, est cette impression
d’avoir un signe d’argent dans le visage, qu’ils ne s’intéressent pas réellement à moi, mais
seulement à mon argent. Je comprends les causes structurelles de ce phénomène,
notamment les grandes inégalités sociales et l’image qu’ils ont acquise des Occidentaux à
travers l’histoire et les médias, mais je n’en demeure pas moins blessée par cette attitude à
chaque fois. De surcroit, je ne m’attendais pas à vivre ce problème avec des hommes qui
travaillent avec des Occidentaux depuis sept ans.
Afin de nous sortir de cette impasse, nous avons dû faire des compromis, faire une
offre à Coly et Landing qu’ils ont presque refusée. En fait, nous avions l’impression de
jouer avec le sort des sept années de partenariat et nous ne sentions pas du tout à l’aise avec
cet enjeu. Nous, les quatre stagiaires, avons réussi néanmoins à poursuivre le stage, même
si ce dernier a pris du retard en raison des nombreuses rencontres nécessaires pour tisser
l’entente. Cette difficulté a tout de même renforcé notre autonomie, même si je dois avouer
ne pas avoir joué un rôle de premier plan dans les négociations.
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Il a été néanmoins entendu qu’aucun stagiaire ne pourrait réaliser exclusivement
son mandat avec Fannabara, mais que nous pourrions arroser la pépinière et le jardin
d’herbes médicinales dès que nous aurions le temps. Le samedi serait également réservé
tel que prévu pour des activités à Fannabara.
L’accueil au CEM a été plus chaleureux, mais Émilie et moi nous sommes
questionnées à plusieurs reprises de la pertinence de ce mandat de stage. En effet, les
professeurs et les élèves étaient contents de notre présence, mais nous ne faisions que
remplacer un professeur pour lui laisser du temps libre. Nous remplacions un professionnel
certainement plus compétent que nous, nous faisions à sa place, sans rien apporter de plus,
au lieu de travailler avec ce dernier. Nous avons néanmoins accepté de remplir le mandat
qui était attendu de nous et de le faire du mieux de nos compétences. Pour se faire, nous
devions nous familiariser avec le système d’éducation sénégalais, les leçons que nous
serions appelées à livrer et les différents termes qu’ils utilisent, dont plusieurs diffèrent
dans l’enseignement québécois. Nous pensions que nous prendrions en charge rapidement
une classe de 6e, mais de nombreux imprévus sont également survenus et ont fait
considérablement retarder notre prise en charge, tels qu’une absence du professeur lors de
la période d’observation, la grève des professeurs, une journée réservée pour le grand
ménage, un examen qui devait se donner pour les deux classes de 6e simultanément, etc.
Émilie et moi avons néanmoins donné un cours d’une heure afin de nous présenter et inviter
les élèves à en faire autant et deux autres cours complets pour réaliser une dictée
diagnostique et pour donner différentes leçons.
Dès le départ, Émilie et moi voulions offrir des cours de rattrapage pour les élèves
en difficulté. Le Principal et Monsieur Senghor, le professeur de français des 6e, nous
soutenaient dans notre initiative. Ce cours serait une occasion d’amener une réelle plus-
value pour les élèves. Dans les faits, étant donné que nous n’avons pas pu donner la dictée
diagnostique plus tôt, un seul cours de rattrapage s’est donné et je n’y ai pas assisté puisque
mon état de santé ne le permettait pas. En fait, j’ai une petite déception face à ce projet
puisque j’y tenais beaucoup. Émilie en a donné quelques autres à son retour, mais je
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considère que les cours de rattrapage devraient être l’activité exigée dans le mandat au lieu
de remplacer un professeur.
Je n’ai pas trouvé aisé de livrer les cours puisque nous ne connaissions pas très
bien les procédures disciplinaires, leurs méthodes éducatives ainsi que les termes qu’ils
utilisent dans leur leçon. Aussi, l’incroyable écart entre la maitrise du français de chaque
élève ne nous facilitait pas la tâche. En effet, certains élèves étaient très doués tandis que
d’autres savaient peu lire et écrire. Certains élèves étaient turbulents et ne nous prenaient
pas au sérieux, surtout lors de notre dernier cours. Si mon stage s’était prolongé, j’aurais
appliqué davantage de discipline, mais j’ai laissé Émilie décider de la stratégie disciplinaire
qu’elle voudrait utiliser par la suite. Je préférais préparer les cours, les exercices et corriger
les dictées. Ce mandat a tout de même été très enrichissant pour moi et s’est bien déroulé
dans l’ensemble, même si je n’ai pas pu donner de nombreux cours.
En ce qui concerne les séances d’alphabétisation, nous avons été une fois de plus
confrontés à une question d’argent. En fait, lors de la première rencontre avec la présidente
du regroupement des femmes, leur facilitateur Alhasan Mbodj, Coly et les quatre
monitrices des groupes d’alphabétisation de l’année précédente, il nous a été expliqué que
peu de femmes seront motivées à suivre des cours d’alphabétisation si elles ne reçoivent
pas un petit montant d’argent en échange de leur participation. Une fois de plus, les activités
génératrices de revenus sont plus importantes pour elles. L’année dernière, les stagiaires
n’ont pas connu ce problème puisqu’ils sont tombés au milieu d’un programme
d’alphabétisation en mandingue. Les femmes ont donc pris l’occasion d’être alphabétisées
en français, tout en continuant le système de motivation de l’alphabétisation en mandingue.
Toutefois, cette année, le programme est terminé. Même si j’ai proposé aux femmes de les
soutenir dans les autres activités qu’elles font présentement, il y avait peu d’ouverture.
Les quatre monitrices se sont néanmoins engagées à motiver cinq femmes chacune
afin de monter un groupe d’au moins vingt femmes. Toutefois, lorsque nous les avons
rappelées à la date prévue pour fixer une rencontre, il nous a été répondu de rappeler lundi
de la semaine prochaine. Il était donc évident que nous ne pourrions pas compter sur ces
femmes pour suivre les cours. Entretemps, Coly a communiqué avec un autre groupe de
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femmes, le groupement Waamé, qui serait motivé à suivre des cours même sans revenu.
De plus, Coly a trouvé une femme, Fatou, qui était prête à se présenter à toutes les séances
afin de nous aider à communiquer avec les femmes, et ce, bénévolement. Pour elle, le
développement de la communauté était plus important. Les cours ont donc débuté, mais
avec beaucoup de retard. Le lieu de rencontre était dans la garderie de Fatou, actuellement
fermée puisque cette dernière attendait un enfant d’un jour à l’autre.
Les femmes du groupement n’avaient, pour la plupart, jamais suivi de cours
d’alphabétisation. En fait, dans la première séance, nous n’avons pu enseigner que les
lettres A B C D E. Nous les faisions dire ainsi qu’écrire dans les petits cahiers que nous
leur avions achetés avec des crayons plomb du Québec. Dire correctement chacune des
lettres était difficile pour elles, mais moins que la calligraphie. La plupart des femmes ne
semblaient jamais avoir écrit de leur vie. Il nous fallait donc être patientes et y aller
doucement en répétant de nombreuses fois. Toutefois, les femmes étaient chaleureuses,
motivées et enjouées. J’ai été très surprise de voir leur niveau de motivation et leur bonne
humeur. De surcroit, Fatou nous a été d’une aide précieuse et nous a donné des conseils
pédagogiques, étant donné qu’elle avait l’habitude d’enseigner le français aux enfants.
À la fin de chaque séance, nous demandions aux femmes de nous apprendre
quelques mots en mandingue afin de nous placer également en position d’apprenante. Nous
ne voulions absolument pas nous mettre sur un niveau supérieur à elles et préférions
renverser le rapport enseignant-apprenant, même pour quelques minutes.
Lors de la première séance, près d’une vingtaine de femmes se sont présentées.
Plusieurs sont arrivées beaucoup plus tard que l’heure convenue, mais nous n’étions pas
surprises du retard. Nous avons donc débuté les séances à 17h, mais nous les avons arrêtées
qu’à 19h afin de leur offrir au moins deux heures d’apprentissage. À la deuxième rencontre,
plusieurs sont revenues, mais de nouvelles se sont également présentées. J’ai cru que ça
poserait problème, mais ces dernières apprenaient très rapidement et n’ont, par conséquent,
pas ralenti le rythme d’apprentissage. Lors de la troisième séance, de nouvelles apprenantes
se sont encore une fois présentées tandis que plusieurs autres sont revenues pour une
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deuxième et troisième fois. En fait, le nombre de femmes devenait trop grand, la superficie
des nattes ne suffisait plus.
J’ai adoré réaliser cette partie du mandat. Je trouvais pertinent de réaliser cette
activité, surtout devant la motivation des apprenantes. Je suis très reconnaissante à Coly
d’avoir trouvé des femmes motivées à apprendre le français, ainsi qu’une monitrice, Fatou,
qui était présente pour nous aider à communiquer, mais également pour les méthodes
pédagogiques. De surcroît, Fatou a l’intention de poursuivre les cours d’alphabétisation,
même lorsque Émilie sera partie. La prise en charge par une personne locale qui le fait
bénévolement est donc un résultat notable de notre projet.
Par ailleurs, nous avons appris lors de la première séance d’alphabétisation que les
femmes du premier groupement étaient en fait motivées et auraient voulu avoir des séances
elles également. En fait, le facilitateur du premier groupement nous a mal expliqué la
situation puisqu’il n’y avait que les monitrices qui s’attendaient à avoir un revenu, les
apprenantes n’en avaient jamais eu et ne s’attendaient pas à en avoir. Nous avons donc eu
l’impression que le facilitateur Alhasan s’est en fait joué de nous et a tenté de nous
manipuler. Il est très frustrant de réaliser que la connaissance du français et des
mathématiques lui donne beaucoup de pouvoir auprès des femmes. Alhasan, mais
également les monitrices, nous ont fait croire qu’aucune femme n’était motivée à suivre
des séances d’alphabétisation, simplement puisqu’ils voulaient être rémunérés. Notre
incapacité à parler mandingue a donc été une limite importante à considérer dans notre
stage puisqu’elle nous a empêchés de communiquer directement avec les personnes
concernées. Nous devions passer par des intermédiaires, des personnes qui représentent
l’élite locale d’une certaine manière et qui voulaient profiter de leur pouvoir pour s’en
mettre dans les poches.
6. Résultats obtenus
Il est évident que tout le retard et les imprévus qui sont survenus pendant mon stage
ont limité l’ampleur des résultats obtenus. En tout, je n’ai livré que trois cours de français
pour les jeunes du CEM et trois séances d’alphabétisation. Pour ce qui est de la classe de
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6eB, j’avais l’intention au début de faire une seconde évaluation avant mon départ afin de
mesurer le progrès des élèves. Toutefois, il était totalement impertinent de le faire après
seulement deux cours. Pour ce qui est des séances d’alphabétisation, il est possible de
souligner que les femmes auront été initiées au français et à la calligraphie. Aussi, un
résultat que j’ai remarqué pendant les séances est l’amélioration de la dextérité des femmes
qui sont venues aux trois séances. En effet, en regardant dans le cahier, je pouvais
remarquer que les premières lettres étaient à peine visibles, tandis que les nouvelles étaient
reproduites assez facilement. Surtout, c’est l’intention de Fatou de poursuivre les séances
d’alphabétisation qui est le résultat le plus considérable à mon avis.
En ce qui concerne mes activités à Fannabara, j’ai participé à rendre le siège social
suffisamment confortable pour des futurs stagiaires. Aussi, je suis fière de mon implication
dans l’arrosage de la pépinière et les herbes médicinales. Je tenais à préserver ce que
Fannabara possédait déjà. De plus, j’étais fière d’arroser des plantes destinées à soigner la
communauté de Fannabara, encore plus lorsque Landing m’a demandé d’aller porter des
feuilles de Moringa à la femme de Bouh. Ce sont peut-être des gestes anodins et qui ont
peu d’effet, mais je me sentais utile en le faisant. Aussi, j’ai personnellement motivé
Landing à creuser le puits le plus tôt possible pour ne pas que les plantes passent plusieurs
jours sans eau et j’ai aidé autant que je le pouvais dans la construction du puits. Les petits
progrès réalisés par Fannabara auxquels j’ai participé, bien qu’ils soient moindres, sont
néanmoins des résultats à considérer.
En fait, avant même mon départ, j’étais déjà consciente qu’en moins d’un mois,
dans le cadre d’un projet de coopération internationale, je ne pouvais pas changer le monde.
Je reste néanmoins un peu déçue de n’avoir apporté que si peu pour Missirah.
7. Défis relevés
Au cours de mon stage, j’ai surmonté plusieurs défis, surtout sur le plan
académique. En effet, donner des cours de français, tout comme des cours
d’alphabétisation, était tout à fait nouveau pour moi. Ces deux tâches demandent beaucoup
de préparation et la mise en œuvre de techniques particulières. De plus, la préparation
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prédépart d’Émilie et moi était clairement insuffisante, nous nous en sommes aperçues au
début du stage. Malgré cette lacune, nous sommes parvenues à acquérir suffisamment
d’informations pour rattraper notre retard. Aussi, j’ai travaillé sur ma patience dans les
deux mandats, tout comme ma capacité à travailler en équipe.
Un défi qui a été de taille pour moi pendant tout mon stage a été la chaleur. En effet,
j’ai tendance à perdre considérablement mon énergie, ma concentration et ma patience. Je
m’y suis habituée tranquillement et la chance a été de mon côté puisque la température était
moins chaude qu’à l’habitude en ce temps de l’année.
Le prochain défi, c’est l’autonomie; nous l’avons surmonté tous ensemble, nous les
quatre stagiaires. En effet, n’ayant personne pour nous guider dans les moments plus
difficiles au début de notre stage, nous nous sommes épaulés, concertés et nous avons réussi
à trouver des ententes ou des alternatives. Je suis fière du chemin que nous avons parcouru
ensemble et de tout ce que nous avons appris dans ces situations. En fait, nous avons dû
composer avec des obstacles inhérents aux projets de coopération internationale. Nous
avons dû faire face à la réalité, nous n’avons pas été accueillis en sauveur et nous n’avons
jamais eu l’illusion que nous l’étions. Ces défis ont donc été très formateurs sur le plan
professionnel et pour les possibles projets futurs de coopération auxquels j’ai l’intention de
participer.
8. Leçons tirées
Par conséquent, ces défis nous ont servi de leçons qui nous seront très utiles si nous
voulons réaliser d’autres projets de coopération internationale.
D’abord, la barrière de langue nous a obligés à nous fier à des intermédiaires afin
de connaitre les besoins de la communauté. Or, ces intermédiaires, ou du moins un en
particulier, en ont profité pour essayer de s’en mettre dans les poches à la place de se
soucier réellement des besoins de la communauté dont ils sont les porte-paroles. Ces
derniers, grâce à leur savoir — c’est-à-dire la connaissance du français et des
mathématiques — se donnent la légitimité de se placer comme intermédiaire entre la
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communauté ainsi que le groupement de femmes et les organismes extérieurs. Bien
souvent, des acteurs de la coopération internationale se fient sur eux pour la diffusion de
l’information et de l’argent. Par contre, ces personnes ne sont pas toujours transparentes :
elles peuvent déformer l’information à leur avantage et se garder une somme d’argent à la
place de la distribuer aux véritables destinataires. Nous avons tous tiré des leçons de cette
situation. Pour ma part, j’ai vu l’ampleur du pouvoir que le savoir a sur les communautés.
J’ai pu voir l’importance capitale de la communication et à quel point nous sommes
vulnérables lorsque nous ne pouvons pas discuter directement avec la population cible de
notre projet. Cette situation a également augmenté notre méfiance envers ces personnes.
Par conséquent, engager un second traducteur, une personne neutre qui n’a aucun intérêt
en jeu afin de nous assurer de l’exactitude de la traduction peut être une solution face à cet
enjeu déterminant qu’est la communication.
Nous avons également eu à composer avec des attentes mutuelles irréalistes. Même
après sept années de partenariat, nous avons vu à quel point il était important de
constamment discuter des attentes de chacun des partenaires afin que chacun soit satisfait
des résultats attendus. Pour notre part, nous n’étions pas des bailleurs de fonds, ce qui limite
considérablement l’impact de nos actions. Toutefois, les partenaires sur place s’attendaient
certainement à des résultats beaucoup plus importants et visibles de notre coopération. Le
simple fait d’être blanc crée une attente incroyable des Sénégalais envers nous. Je crois
qu’il est donc important de recentrer constamment, chaque année, des objectifs réalistes
considérant les moyens financiers du projet et des stagiaires.
9. Bilan personnel et professionnel
Pour ce qui est du bilan personnel que je me fais de cette expérience, je peux dire
qu’elle m’a enlevé les illusions que je me faisais de la coopération internationale, même de
manière inconsciente. L’intensité de mes émotions lors de la première rencontre avec Coly
et Landing, lorsqu’ils nous ont fait comprendre que le stage ne leur avait rien apporté depuis
sept ans, m’a fait comprendre, après coup, que je gardais en moi le sentiment du sauveur.
Je m’attendais à être reçue comme telle et je suis contente que cette expérience m’ait fait
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voir la réalité. Grâce à cette dernière, je ne me ferai plus d’illusions lors de mes projets
futurs à l’international. Aussi, sur le plan personnel, j’ai appris à négocier avec les
demandes constantes et irréalistes que les Africains ont envers les blancs, ou plus
simplement avec le sentiment d’avoir un signe d’argent dans le front. En fait, grâce à cette
expérience, je suis davantage consciente que c’est un comportement qui me blesse et que
je devrai travailler sur cette réaction dans le futur. Apprendre à connaître une autre culture,
être confrontée aux pratiques et aux traditions musulmanes et africaines, apprendre à vivre
en groupe et dans un village très peu développé sont tous d’autres acquis personnels qui
m’ont permis d’apprendre à mieux me connaitre, mes faiblesses, mes limites, mais
également mes forces, tout en augmentant considérablement ma culture générale.
En ce qui concerne le bilan professionnel, mes acquis sont très nombreux. J’ai pu
goûter à une expérience d’enseignement et je me suis initiée à l’alphabétisation auprès de
femmes qui n’avaient jamais écrit de leur vie. J’ai assurément renforcé également mes
capacités à travailler en équipe et à faire confiance à ma partenaire. De plus, toutes les
embûches que nous avons rencontrées tout au long du stage m’ont fait voir les difficultés
de la coopération internationale et m’ont certainement rendue une meilleure coopérante. Si
le stage s’était déroulé sans aucun problème, j’aurais sûrement donné davantage de cours
de français et d’alphabétisation et je serais certainement partie avec le sentiment de leur
avoir été utile. Toutefois, les difficultés que nous avons rencontrées m’ont fait apprendre à
leur faire face et je serai prête à les affronter de nouveau lors de mes expériences futures.
Bref, vivre cette expérience m’a donné le goût d’en vivre d’autres dans le futur et a
confirmé mon intérêt pour la coopération internationale et le développement international.
10. Perspective retour
Mon retour au Québec s’est très bien déroulé, il s’est même trop bien déroulé à mon
avis. J’ai vite repris mes habitudes et j’ai eu très peu de chocs. En fait, j’ai réalisé seulement
à mon retour que lors de mon retour de mon stage interculturel au Burkina Faso, j’ai vécu
un plus grand choc que je le pensais. J’ai peut-être appris avec l’expérience à faire la part
des choses entre l’Afrique et le Québec, ou peut-être aussi qu’un mois n’a pas été suffisant
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pour moi pour vivre un choc à mon retour. Aussi, le fait de ne pas vivre dans une famille
m’a peut-être aidé.
J’ai l’intention de m’impliquer pour le stage de l’année prochaine, particulièrement
en ce qui concerne les conférences destinées à faire connaitre le stage auprès des étudiants
de l’UQAC.
11. Recommandations
En lien avec l’expérience que j’ai vécue et les difficultés que nous avons
rencontrées lors de notre stage, j’ai quelques recommandations à faire afin de maximiser
la pérennité du projet. Tout d’abord, je crois que le stage est actuellement dans une période
critique où une étude qui permettrait d’analyser les sept années de stage est nécessaire. Une
évaluation de la situation doit être faite, tout comme l’évaluation des résultats, des besoins,
des moyens ainsi que les bons coups comme les mauvais coups. Cette étude devrait faire
ressortir les résultats du stage, tout ce que les actions des stagiaires ont apporté à Missirah
depuis le début du stage ainsi que les facteurs de réussite tout comme d’échec. Aussi,
comme je l’ai déjà souligné plus tôt, recadrer les attentes mutuelles de chacun vers des
objectifs communs et réalistes est selon moi également indispensable. Tout en étant
consciente des importantes limites budgétaires et temporelles des principaux responsables
du stage, je crois que cette étude, cette réflexion afin de mieux rajuster le tir pour les
prochains stages, est réellement nécessaire. Peut-être que cette étude pourrait être l’objet
d’une thèse?
De plus, je crois qu’un stage de 35 jours est réellement insuffisant pour un projet de
coopération internationale. Je proposerais au minimum six semaines afin d’avoir au moins
quatre semaines complètes de stage. Du moins, si le stage de 35 jours se poursuit, je crois
que les élèves devraient faire un travail prédépart de préparation plus élaboré que nous.
Pour ce faire, même si la faisabilité est incertaine, je propose tout de même de créer un
cours de préparation au stage de coopération internationale d’un crédit qui durerait, par
exemple, qu’une heure par semaine, mais dans laquelle tous les participants devront être
présents et préparer leur stage. Aussi, je crois qu’il serait très facilitant si quelques
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rencontres se faisaient avant les vacances de Noël afin de débuter les activités de
financement le plus tôt possible.
Je considère également que donner un cours de français à la place d’un
professionnel ne correspond pas aux fondements de la coopération internationale qui
signifie faire avec et non faire à la place de. Puisque le français est une difficulté néanmoins
importante pour les jeunes, je suggère que les prochains stagiaires qui seraient intéressés
par des cours de français offrent des cours de rattrapage à plusieurs niveaux, autant au
primaire qu’au CEM. Les retombées de ces actions seraient à mon avis beaucoup plus
pertinentes.
Finalement, ma plus importante recommandation est de poursuivre le projet de
stage d’initiation à la coopération internationale à Missirah avec le partenariat de
Fannabara. Malgré toutes les difficultés vécues, je suis convaincue que les stages ont
apporté beaucoup à Missirah, même si aucune infrastructure imposante ne vient le rappeler
constamment à ses habitants. Aussi, je crois beaucoup en la mission de Fannabara, tout
autant dans la volonté de Coly et Landing. Je considère que ce sont des personnes
extraordinaires qui ont apporté énormément à tous les stagiaires qui ont fait leur
connaissance.
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Conclusion
Pour conclure, ce stage d’initiation à la coopération internationale a été très
enrichissant pour moi. En effet, en plus de m’initier à l’enseignement du français et aux
séances d’alphabétisation, j’ai pu vivre de nombreux défis auxquels doivent souvent faire
face les projets de coopération internationale. Faire des liens entre la théorie et la pratique
a donc été nécessaire pour moi tout au long du stage. J’ai pu voir concrètement comment
se vit la coopération internationale, ses bons côtés tout comme ses mauvais. Les apports
professionnels et personnels que le stage m’a apportés sont par conséquent considérables.
Je considère que les difficultés que nous avons traversées nous ont permis d’apprendre
beaucoup plus que la majorité des stagiaires des années précédentes et j’en suis
reconnaissante. En effet, je suis pour ma part beaucoup plus habilitée à surmonter des
difficultés lors de mes prochains projets de coopération internationale. Bref, même si le
partenariat avec Fannabara semble vivre des difficultés actuellement, j’espère
profondément que le stage va se poursuivre dans le temps malgré tout.
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Journal de bord
Jour 2 – Jeudi 12 mai
Aujourd’hui, nous avons commencé la journée en rencontrant Coly et Landing pour
faire le point sur notre partenariat. Au début de la rencontre, les représentants de Fannabara
sont demeurés sur leur position, sans faire de compromis. Par conséquent, étant donné que
la proposition que nous leur avons présentée la veille était le plus que l’on pouvait leur
offrir, le partenariat semblait se diriger vers la fin. Cependant, lorsque Nathalie a fait le
compte concernant tout l’apport financier que comprenait notre proposition et en leur
faisant comprendre qu’ils renonçaient à cette somme considérable, ils ont finalement
accepté notre proposition.
Dès cette entente établie, nous avons pris rendez-vous avec le principal du Collège
d’enseignement moyen (CEM) de Missirah, Monsieur Martin Sembou, qui nous a référé à
son assistante Émilie Diouf, étant donné qu’il était à l’extérieur du village. Tout en se
dirigeant tranquillement vers le CEM, Coly nous a présenté Animata Dieme, la présidente
du regroupement des femmes de Missirah. Nous en avons profité pour établir une rencontre
avec les autres femmes du regroupement le lendemain, donc vendredi à 16h. Aussi,
Nathalie a reçu son nom de village en l’honneur de la présidente du regroupement des
femmes, soit Animata Dieme. Le mien me sera octroyé lors de la rencontre de demain.
Nous sommes allés par la suite au CEM qui nous a réservé un très bel accueil. Tous
les professeurs nous ont été présentés, dont M. Senghor, le responsable des cours de
français des deux classes de 6e. Émilie et moi avons établi avec M. Senghor que nous ferons
une période d’observation qui durera deux cours avant de prendre en charge une des deux
classes de 6e. Cette période d’observation commencera donc le lendemain matin à 8h et
elle se poursuivra le mardi à 12h30. Nathalie, Laurent, Émilie et moi avons également été
présentés à l’ensemble de l’école en faisant le tour des classes. Aussi, Émilie a reçu son
nom de village, soit Aysatou Diouf.
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Suite à ces rencontres, nous sommes rentrés au campement pour diner avant de
retourner au siège social de Fannabara — les cases situées dans le village — pour discuter
et prévoir avec Coly et Landing plus concrètement des actions qui seront entreprises
pendant le stage. Cette rencontre s’est terminée sur une note positive par un partage du thé
et un petit cours de mandingue par Coly.
Jour 12 – Mardi 24 mai
Aujourd’hui, c’était une très grosse journée pour Émilie et moi. En effet, nous avons
donné notre premier vrai cours au CEM à 12h30 et le premier cours d’alphabétisation à
16h, en plus de se faire évaluer par Marie pour nos deux cours. En arrivant au CEM, nous
avons réussi à emprunter un cahier de notes de français d’une élève afin de nous assurer
quelles leçons ont été données plus tôt dans l’année scolaire. Nous avons débuté le cours
en corrigeant le devoir que le professeur avait donné le cours précédent. Nous avons
demandé que chaque élève aille écrire au tableau l’une des dix phrases que le professeur
M. Senghor avait demandées avec les verbes du 1er groupe. La plupart des phrases étaient
bien formulées, mais plusieurs ne comptaient pas de verbes du 1er groupe. Émilie et moi
avons donc corrigé chacune des phrases en soulignant les verbes qui n’étaient pas du 1er
groupe. Par la suite, j’ai commencé la dictée afin de s’assurer que tous les élèves jouissent
suffisamment de temps. Pendant la dictée, je me suis rendu compte rapidement de l’énorme
décalage qu’il y avait entre les élèves. Certains étaient très rapides et me demandaient
d’accélérer le rythme, tandis que plusieurs autres n’arrivaient pas du tout à suivre. Émilie
s’occupait donc d’aider les élèves plus lents. À la fin de la dictée, Émilie a eu la brillante
idée de demander aux élèves de lire eux-mêmes la dictée et nous leur avons permis de
corriger avec leur cahier de notes, mais très peu en ont profité pour se vérifier. Donc, les
élèves ont pris moins de temps que prévu avant de redonner la dictée. Lorsque toutes les
feuilles ont été remises, nous avons expliqué que les trois meilleurs et les trois élèves qui
se sont le plus améliorés recevront une récompense. Nous sommes ensuite passés à
l’explication du devoir en insistant pour qu’ils le prennent en note. Toutefois, cette tâche
complétée, il restait encore 30 minutes au cours et nous n’avions rien prévu d’autre pour
combler ce temps. Émilie a donc suggéré de conjuguer le 2e groupe au futur. Elle l’a donc
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fait pour quatre verbes différents, tandis que j’essayais de la soutenir dans sa leçon. Les
élèves semblaient comprendre très rapidement ces conjugaisons. Avant de mettre fin au
cours, nous avons demandé aux élèves qui devaient faire une copie — exigée par professeur
Senghor le cours précédent — de nous la montrer. Pendant que je vérifiais, Émilie s’est
aperçue que deux élèves ont échangé leurs copies pendant que je ne regardais pas.
Bref, j’ai trouvé difficile, mais très enrichissant, de donner ce cours avec Émilie,
surtout que nous étions évaluées par Marie Fall dès notre premier cours. Aussi, Émilie et
moi avons eu quelques confusions en ne donnant pas les mêmes consignes, notamment en
ce qui concerne les élèves qui n’avaient pas fait leur devoir. Le manque de matière à livrer
pour combler les deux heures a également été un problème, mais la capacité
d’improvisation d’Émilie a sauvé les meubles.
Après le cours, nous sommes retournées au campement pour diner, mais Émilie et
moi devions repartir rapidement vers la garderie de Fatou pour le cours d’alphabétisation.
Arrivées sur les lieux, il nous a fallu organiser l’espace et amener de l’eau pour en offrir
aux femmes. Toutefois, ces dernières ne sont pas arrivées avant 17h puisque le marché a
occupé tout leur début de journée et qu’elles n’avaient pas encore mangé.
Nous avons débuté le cours lorsqu’une dizaine de femmes étaient présentes. Nous
nous sommes rendu compte que les femmes n’avaient aucune connaissance en français
puisque la majorité ne semblait jamais avoir entendu les lettres de l’alphabet. J’ai été
surprise de constater cette ignorance totale du français dans un pays où cette langue est la
langue officielle. En fait, les deux heures de cours que nous avons offertes se sont résumées
aux lettres ABCDE. Les femmes ont fini par bien les connaitre dans l’ordre, mais mélanger
l’ordre les rendait confuses. L’écriture était également très difficile pour la plupart. Elles
savaient toutes tenir un crayon, mais certaines avaient très peu de dextérité et étaient
incapables de reproduire les formes. Cependant, les femmes étaient plus motivées et
enjouées par nos leçons que je m’y attendais.
Tout au long de la séance, des femmes se rajoutaient progressivement au groupe,
ce qui nuisait à sa cohésion. Toutefois, pendant qu’Émilie demeurait davantage au tableau
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en faisant répéter les lettres verbalement et en encourageant les femmes à aller se pratiquer
à écrire les lettres au tableau, je restais pour ma part auprès des femmes en les aidant avec
la calligraphie et en rattrapant le retard avec les femmes arrivées plus tard. Tel que prévu,
la séance s’est terminée par un petit cours de mandingue pour nous. Malgré sa grossesse
avancée, Fatou, la directrice de la garderie, s’est beaucoup impliquée et nous a été d’une
grande aide. En aidant les femmes à écrire, j’ai regretté ne pas avoir amené des cahiers de
calligraphie qui proposent de se pratiquer à écrire en joignant des pointillés. Cette méthode
d’apprentissage aurait facilité la progression des femmes.
Bref, dans l’ensemble, cette journée a été des plus enrichissantes. De plus, de retour
au campement, Émilie et moi avons commencé à corriger les dictées et nous nous sommes
aperçues que certains élèves ont écrit absolument n’importe quoi, tandis que d’autres
avaient une très bonne maitrise du français.
Jour 14 – Jeudi 26 mai
C’est tôt ce matin que nous nous sommes levées Émilie et moi pour aller arroser à
Fannabara, étant donné que le cours de ce matin est annulé puisque les professeurs font la
grève. En partant du campement, un chien a commencé à nous suivre et il est resté près de
nous jusqu’à Fannabara.
Une fois l’arrosage terminé, nous sommes revenues au campement afin de décider
la stratégie pédagogique que nous allions utiliser pour la dictée. Nous avons décidé
conjointement de redonner la dictée avec des commentaires. Ceux que j’avais notés dans
mon cahier 0 ou 1, nous avons inscrit « cours de rattrapage nécessaires », tandis que ceux
qui étaient notés 2 ou 3, « cours de rattrapage suggéré » était indiqué sur leur copie. Aussi,
nous avons décidé de cibler cinq mots qu’ils ont faussé chacun qu’ils devront recopier cinq
fois. De cette manière, tous les élèves feront un apprentissage puisque cinq mots sont
faciles à retenir et le devoir ne sera pas trop long. De plus, les mots les plus souvent faussés
ont été pris en note afin de revenir sur la matière qui ne semble pas assimilée par la classe.
Dès cette tâche terminée, nous nous sommes dirigées vers la garderie de Fatou pour
le deuxième cours d’alphabétisation. Le cours a encore une fois débuté vers 17h lorsqu’une
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dizaine de femmes était arrivée. Graduellement, 17 femmes se sont présentées, dont
environ cinq nouvelles apprenantes. Pendant qu’Émilie révisait les premières lettres et
expliquait les nouvelles, je m’occupais des nouvelles arrivées. Par chance, ces dernières
semblaient assimiler la matière assez rapidement. Les cinq premières lettres semblaient
être acquises pour la majorité, mais nous n’avons qu’ajouté les cinq lettres suivantes. Les
femmes savent donc épeler jusqu’à maintenant de A à J. Certaines avaient toutefois des
connaissances antérieures, j’ai donc avancé l’apprentissage avec ces dernières jusqu’à U
afin de préserver leur motivation. Émilie motivait les femmes à écrire les nouvelles lettres
au tableau, tandis que je passais entre les femmes pour les aider en révisant constamment
les lettres précédentes. Encore cette fois, les femmes étaient motivées et enjouées. Nous
sommes satisfaites du nombre de femmes qui sont revenues et du nombre de nouvelles.
Toutes celles qui étaient à leur deuxième séance avaient ramené leur cahier et leur crayon
et certaines s’étaient même entrainées à la maison. En soirée, Émilie et moi avons complété
les derniers commentaires à inscrire sur les copies des élèves.
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Index
Quelques photos du stage
Le cours d’alphabétisation avec les femmes du GIE Waamé
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L’activité pédagogique de Laurent
Cours de français à la 6eB du CEM de Missirah
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Bref résumé de la rencontre avec les étudiants de sociologie de l’Université
Gaston Berger (UGB)
La rencontre s’est déroulée dans un contexte de grève générale illimitée des
étudiants. Ces derniers revendiquent la construction de nouvelles chambres, puisque le
nombre d’étudiants surpasse grandement le nombre de places dans les chambres situées sur
le site universitaire. Beaucoup se sont présentés tout de même, des étudiants du niveau de
la licence jusqu’au doctorat. Il existe trois branches de sociologie dans le programme de
sociologie d’UGB, soit le développement communautaire et rural, la sociologie du travail
et la sociologie de la famille de l’éducation.
Tous les étudiants, ainsi que nous les stagiaires se sont présentés à tour de rôle.
Monsieur Dimé nous a ensuite invités à présenter notre programme de coopération, son but
et ses différents volets. Le professeur a ensuite posé la question d’échange, c’est-à-dire
« Avez-vous foi en l’Afrique et en son développement? ».
Un étudiant dit avoir foi en l’Afrique puisqu’il est un continent d’opportunité.
Cependant, le professeur souligne que les multinationales qui viennent profiter de ces
opportunités ne pensent qu’au profit et n’ont que faire du développement des communautés
locales.
Nathalie a souligné l’important besoin de formation concernant le microcrédit
tandis qu’Émilie a amené le dilemme de la coopération, soit le besoin d’argent qui prime
sur les projets et le savoir que nous voulons leur apporter.
Les étudiants ont donc expliqué que cette attitude attentiste de la part des
communautés a été créée et construite par l’histoire et les méthodes de coopération qui
amenaient systématique de l’argent. Ils s’attendent donc à la même chose à chaque fois
qu’un blanc se présente et tente de monter un projet. Toutefois, l’argent n’est pas durable
contrairement au savoir. Un étudiant a même proposé de mieux expliquer notre approche
et nos objectifs pour diminuer les problèmes de compréhension.
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Un autre étudiant a souligné que le Sénégal est le pays chouchou de la coopération
internationale et toutes ses initiatives de coopération transforment les régions rurales.
Devant cette situation, la population devient stratège.
Laurent a ensuite demandé aux étudiants comment ils percevaient la venue
d’Occidentaux qui diffusent leur savoir et qui jouissent, que par leur provenance, d’une
crédibilité et d’une influence en Afrique, tandis que la situation inverse n’est pas réciproque
lorsque les Africains se présentent en Occident. La réponse de l’un des étudiants m’a
étonnée, puisqu’il a affirmé que cette situation est normale étant donné que les pays
occidentaux sont en avance sur les pays africains; dans une course, celui qui est en retard
ne peut pas tirer celui qui est en avant de lui.
Un étudiant souligne que les étudiants africains, qui jouissent de savoir également,
devraient s’impliquer davantage dans le développement des communautés rurales. Le
professeur continue en appuyant son étudiant et en insistant sur l’importance de sensibiliser
les jeunes étudiants sénégalais auprès de la population. Un autre étudiant poursuit en
soulignant que des étudiants de l’extérieur viennent aider leur communauté à leur place;
qu’il faut arrêter d’attendre de l’aide des Occidentaux et se donner les moyens sur le plan
personnel.
Le professeur propose par la suite de discuter des défis du développement africain.
Nathalie souligne le problème de gestion des déchets, un problème dont tous les étudiants
sont conscients. Émilie amène également le problème de la fuite des cerveaux causé par la
représentation attractive de l’Occident comme étant l’Eldorado.
Pour finir, des étudiants ont proposé des solutions intéressantes à ces défis, soit
d’étendre le savoir de l’université dans les zones rurales dans des centres de formation pour
alphabétiser les femmes notamment. En fait, il est important de former et d’éduquer la base
de la société. Un autre a proposé de développer l’esprit d’entrepreneuriat et d’inverser la
perspective Top Down. Il faudrait également repenser la conception occidentale de la
richesse, basée sur l’accumulation de la richesse, afin de l’orienter sur le développement
communautaire et l’autonomie, c’est-à-dire un développement Bottom. Il faut également
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changer la conception d’acquisition des ressources pour l’acquisition du savoir et de la
formation. Finalement, il faut sortir l’université de sa tour d’ivoire et se rapprocher de la
communauté.