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Université de Rouen Département des sciences de l’éducation MARDIF MASTER RECHERCHE 2 ème ANNÉE SECTEUR PRIVÉ DE SÉCURITÉ ET DE SURVEILLANCE HUMAINE : « ENTRE PRÉVENTION ET INTERVENTION, RISQUES ET ENJEUX DE LA PROFESSIONNALISATION » Mémoire de Master Présenté par Antonio ARROYO Sous la direction des professeurs : Jean HOUSSAYE et Alain KERLAN Promotion ROUSSEAU Année 2007

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Département des sciences de l’éducation MARDIF

MASTER RECHERCHE 2 ème ANNÉE

SECTEUR PRIVÉ DE SÉCURITÉ ET DE SURVEILLANCE HUMAINE :

« ENTRE PRÉVENTION ET INTERVENTION, RISQUES ET ENJEUX DE LA PROFESSIONNALISATION »

Mémoire de Master Présenté par Antonio ARROYO

Sous la direction des professeurs : Jean HOUSSAYE et Alain KERLAN

Promotion ROUSSEAU Année 2007

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R E M E R C I E M E N T S

Nous voudrions ici exprimer nos remerciements à tous ceux qui, d’une manière

ou d’une autre, ont contribué à notre projet. Nous exprimons notre profonde

gratitude particulièrement à :

- Messieurs Jean HOUSSAYE et Alain KERLAN, nos directeurs de

mémoire, qui ont bien voulu nous accompagner dans ce travail et qui,

malgré leurs nombreuses responsabilités, nous ont toujours consacré du

temps et nous ont assisté par de soigneuses orientations et conseils de

qualité.

Nous témoignons également notre profonde gratitude à :

- tous les enseignants du MARDIF pour la qualité de leurs formations,

- au ministère de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, Bureau des

libertés publiques – section activités privées de sécurité,

- au service départemental d’incendie et de secours du département de la

Gironde (SDIS 33),

- à la Mairie de Cenon (près de Bordeaux),

- au service de la police de l’air et des frontières de l’aéroport de Mérignac

(près de Bordeaux),

- au service de la police municipale de Bordeaux,

- au directeur départemental de la sécurité publique de la Gironde,

- au Conseil Régional, et Général de la gironde,

- à la communauté urbaine de Bordeaux,

- au service VAE du GRETA de Bordeaux,

- au DAVA du Rectorat de Bordeaux

Pour leur compréhension et leurs encouragements ;

- à toute notre famille, pour leur soutien moral et les sacrifices consentis,

- à nos amis pour leurs encouragements.

Que tous soient chaleureusement remerciés

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INTRODUCTION

Le changement social de la société post industrielle de l’après trente glorieuses est un générateur incontournable d’une nouvelle société du risque. La faillite de l’URSS et la destruction du Mur de Berlin accélèrent le processus de l’insécurité par la suppression des frontières. Ce processus décentrateur va internaliser des nouveaux risques et poser les bases d’une société réflexive et individualiste. Les risques ne sont plus de nature externe mais interne, produits de la rationalisation et de la science, mais aussi de la politique, du droit et de la « démocratie ». L’extérieur disparaît et il n’y a plus d’indépendance, les conséquences ne sont donc plus qu’internes. Nous nous trouvons donc, alors, face à un risque global, systémique, invisible et autoréférentiel qui place la société du risque comme une société de la catastrophe. Les risques sont partagés, distribués entre les individus, ce qui les oblige à s’en protéger. Ce changement de catégorie est également lié à la croissance exponentielle des forces productives dans le processus de modernisation, croissance qui donne naissance à des risques et des potentiels de mise en danger de soi-même dans l’ampleur et sans précédent. Le traitement des risques passe alors par un processus cognitif combinant science objective et subjective pour déterminer notre avenir, où c’est la connaissance des risques, « la prévention » qui détermine l’action (l’être) « l’intervention », et qui se limite à la gestion des risques ou à l’action opérationnelle, comme si plus rien ne pouvait changer. L’individu devient obligé de se prendre en charge lui-même pour assurer la réussite de la modernité, en conséquence de la rupture des liens familiaux qui ont détruit les solidarités et soumis nos vies à une insécurité grandissante et une perte des normes. L’état social, la formation, la division du travail, le salariat, etc.…, imposent aux personnes « l’autonomie » par rapport à leurs milieux et aux liens de provenance ou dans lesquels ils s’intègrent, et les faits sont là, massifs, de la différenciation et de la perte des solidarités sociales. On assiste alors à une personnalisation des parcours qui se généralisent par le Curriculum Vitae, qui matérialisera un destin personnel et non social (collectif). L’intérêt n’est plus celui de l’engagement dans une carrière, mais dans le sens donné à son travail dans lequel on est le plus impliqué. Mais cette personnalisation des parcours et des changements d’entreprises, surtout lorsque l’on est soumis par une relation de prestation de services, entraîne également une perte d’importance de l’entreprise et du travail, se traduisant surtout par une individualisation de l’inégalité sociale et du marché du travail.

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La division sociale devient division biographique (entre emploi et chômage, étudiant et cadre, « intervention et prévention », métiers et fonctions, tâches et activités). A travers cette individualisation, les causes extérieures se transforment alors en responsabilités individuelles, qui induisent une transformation des crises sociales en crises individuelles, car tout le monde n’est pas touché de la même manière. Les classes sociales disparaissent ainsi, et on assiste à une augmentation des inégalités individualisées et donc beaucoup plus insupportables car fruits de la responsabilité personnelle, et c’est l’estime de soi qui sera alors le plus souvent atteinte (et pouvant aller jusqu’à l’autodestruction). Mais c’est le prix à payer pour l’inadaptation à la réussite d’une société moderne qui impose l’individualisme. L’individu n’a plus le choix, mais il est obligé de se soucier de soi car il y a individualisation des risques, échecs personnels et responsabilité. C’est cette société du risque inductrice d’individualisation et d’utilité qui place notre secteur de surveillance humaine dans une dynamique de professionnalisation (et de responsabilisation), car la gestion des risques est le trait dominant des sociétés modernes. L’Etat se développe dans la gestion des risques, mais il ne peut pas tout faire, il prend un rôle de régulateur de cette dynamique de professionnalisation en tant que garant de l’ordre public. L’Etat intervient pour couvrir les citoyens, il y a changement dans la nature des risques, puisqu’il y a changement induit par la société post-industrielle. Le risque est devenu la matrice fondamentale qui permet de lire la société post-industrielle (et à travers les risques on peut comprendre le changement social). Les risques sont plus progressifs (atteintes à l’environnement, cas de l’amiante, pollution de l’air à Paris). Les atteintes aux personnes posent des problèmes plus complexes. Les risques sont plus durables, et parfois irréversibles. Ils sont plus indépendants et moins isolés (les risques sont correlés, l’amiante et le tabac). C’est ainsi que ce nouveau processus engendré par la modernité transforme l’analyse et le traitement des risques et des menaces, ou c’est l’événement non encore survenu qui motive l’action. En effet, nous constatons des menaces et des destructions qui sont déjà bien réelles, d’un côté, puis, d’un autre côté, la véritable force sociale de l’argument du risque réside dans les « dangers que l’on projette dans l’avenir » (Ulrick Berk – La société du risque P 61). Les attentats du 11 septembre 2001 ont généré les plus grosses pertes pour les USA depuis Pearl Harbon. Cette société du risque, tournée, autour de l’efficience nous oblige à repenser tout le dynamisme de professionnalisation engagé. Cela se matérialise par la nécessité d’une nouvelle donne entre l’Etat et les marchés de la prévention et de la sécurité privée, l’Etat ne peut plus prendre en charge toute la demande sociale sécuritaire et cède de l’espace. De par sa nature commerciale, la sécurité privée permet une meilleure adéquation entre le risque et son traitement, ce que démontre le paradigme de la « modernité réflexive » (Ulrick Beck).

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La modernisation et la rationalisation, qui avaient détruit la société médiévale et qui ont été accentuées avec la société industrielle, se poursuivent aujourd’hui sur un mode de modernité réflexive. C'est-à-dire une modernité qui se pense elle-même et qui attribue à l’individu une place centrale. On passe donc ainsi d’une logique de répartition des richesses à une logique de répartition des risques ; la production ne crée plus seulement de la richesse mais également des risques. Les conséquences néfastes, sur lesquelles réfléchit alors la modernité, ne viennent plus de l’extérieur de la société mais de l’intérieur, d’où la nécessité sociale de se penser elle-même de façon réflexive à travers notamment des politiques intérieures de prévention et de sécurité (concept de sécurité intérieure). Nous passons ainsi d’une société de la « faim » à une société de la « peur », qui devient le levier pour agir des marchands privés de sécurité. Dans ce contexte ambigu et complexe du risque engendré par un sentiment d’insécurité exagérée, comment se professionnalisent les acteurs privés de sécurité et de surveillance humaine ? Quels sont les risques encourus par un secteur qui doit sa professionnalisation à cette société du risque ? Quels défis doit-il combattre pour garder sa complémentarité avec les forces régaliennes de sécurité ? Quelle est sa véritable dynamique de professionnalisation entre l’état et le marché ? Pour comprendre notre problématique sur le secteur privé de sécurité et de surveillance humaine « entre prévention et intervention, risques et enjeux de la professionnalisation », nous avons structuré notre recherche en trois parties. Nous cherchons ainsi à étudier le secteur privé de sécurité et de surveillance humaine en nous inscrivant dans le paradigme de la société du risque et dans la perspective du « processus de professionnalisation » comme un ensemble de stratégies déployées par un groupe professionnel en vue de conquérir le contrôle exclusif de son activité de travail, et d’améliorer en conséquence sensiblement son statut économique et social. Nous nous proposons d’analyser ces stratégies au cours d’une période s’étendant de la création de la première entreprise de surveillance et de gardiennage (1926) jusqu’à nos jours. Nous cherchons ainsi à mettre en évidence la dynamique de professionnalisation engagée par les partenaires sociaux dans la société post-industrielle, pour comprendre les transformations opérées et la construction des identités. La première partie sera consacrée à la construction de l’objet de recherche : elle explicitera la problématique, passera en revue la littérature sur la question, puis situera le cadre théorique et l’hypothèse de réflexion. La deuxième partie sera consacrée au cadre méthodologique : elle se centrera sur la présentation des populations concernées par l’étude, les modalités d’échantillonnage et le recueil des données qui feront l’objet d’analyses et d’interprétations. Dans une troisième partie, un état des lieux des dynamiques de professionnalisation et des liens à la formation engagés par les divers partenaires en charge de la prévention, de la sécurité privée et de la surveillance humaine, sera établi. Nous essayerons alors de saisir les dynamiques de professionnalisation engagées pour comprendre les risques et les enjeux de cette forme de professionnalisation, et la construction des différentes identités qui en découlent, mais aussi les attitudes de résistances vis-à-vis des partenaires engagés dans ce processus de professionnalisation, et nous terminerons enfin par les perspectives qui semblent s’imposer pour identifier cette forme de professionnalisation engagée.

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PREMIÈRE PARTIE

CONTEXTE THÉORIQUE

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I-1- PROBLÉMATIQUE La problématique soulevée par notre étude appartient aux champs de la psychosociologie interactionniste, de la sociologie des professions, du droit de manière générale, et beaucoup plus spécifiquement aux champs de la formation continue et de l’éducation initiale des personnels de sécurité privée et de surveillance humaine. C’est donc à travers une approche multi référentielle que nous allons mener la présente étude. Notre secteur regroupe les entreprises privées de sécurité et de surveillance humaine qui fournissent des prestations commerciales visant à assurer la sécurité des biens et des personnes. Ces prestations peuvent être utilisées par des entreprises clientes privées, des administrations ou des particuliers. Nos activités, qui sont réglementées depuis 1983, ne nous donnent aucune prérogative d’ordre public, bien que nous y contribuions amplement de manière indirecte. Mais, avant d’évoquer notre intérêt pour cette recherche, nous allons essayer d’abord de justifier le choix de notre thématique.

I-1-1- Justification du choix du thème

Acteurs privés du secteur marchand de la sécurité et de la surveillance humaine depuis 1983, nous avons pu observer à travers notre occupation opérationnelle les divers postes de travail, acquis les compétences nécessaires sur le terrain, et défini les savoirs à appliquer aux divers contextes. Nous avons ainsi estimé, à partir du terrain, l’écart qui pouvait exister entre l’application des procédures sur le terrain et le manque de connaissances pour les appliquer. Autrement dit, nous avons pris conscience de notre manque de savoir pour les articuler à notre action. La recherche de ces savoirs à travers notre propre formation nous a permis d’analyser la sphère privée de sécurité et de sûreté sous tous ses aspects. Cette maîtrise de l’articulation entre le dire et le faire appliquée à nos situations de travail, depuis de nombreuses années, est confrontée aux sciences de l’éducation et de la formation (au travers de la formation initiale et continue des divers personnels de la sécurité et de la surveillance humaine, et des méthodes d’accompagnement leurs permettant la validation de leurs acquis issus des situations du faire). Nous voulons ainsi, à travers notre expertise de terrain, des sciences de l’éducation et de la formation, mettre nos compétences à la disposition de la recherche pour saisir au mieux notre problématique et appréhender la complexité de la société du risque qui induit la professionnalisation des acteurs privés de sécurité et de surveillance humaine.

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I-1-2- Problème de recherche

Notre problématique générale de recherche s’inscrit dans le cadre global du rôle de l’éducation et de la formation dans le processus de professionnalisation, et par son adéquation avec la nécessité de la société du risque et tout ce qui en découle pour le sujet en tant qu’acteur. Nous allons essayer de comprendre si la dynamique initiée par les acteurs sociaux, qui participent à la construction du système, est adaptée à la réalité des situations acteur-système social ou acteur-système professionnel voulu par la négociation partenariale et non la réalité sociale. Nous pouvons affirmer que la professionnalisation n’intéresse pas tous les acteurs. Compte tenu des risques qui pourraient porter atteinte au système privé et public (existant), nous voyons alors émerger une certaine forme de professionnalisation induite par la prescription législative et conventionnelle. Ce que nous souhaitons démontrer, c’est le degré de professionnalisation que l’on cherche à attribuer actuellement au secteur. Est-ce une professionnalisation voulue et qui prouve le déséquilibre des forces en présence ? Est-ce une professionnalisation adaptée ? Ou, tout simplement, est-ce une professionnalisation ou une adaptation à l’emploi exigée par le sentiment d’insécurité régie par le marché de la peur ? Dans quel pôle cette professionnalisation se situe t-elle ? Un pôle négatif (la peur) ou un pôle positif (le réel de la société du risque et la centration sur la personne) ? Est-ce une professionnalisation prescrite ou une professionnalisation réelle ?

I-1-3- Objectifs de l’étude

L’objectif global de notre étude consiste à expliquer, à travers l’analyse de la sphère privée de sécurité et de surveillance humaine, les fondements de la forme de sa professionnalisation à travers son histoire économique et sociale, et son évolution éducative législative et de formation, pour comprendre les risques ainsi que les enjeux qui freinent ou décalent ce processus de professionnalisation.

Questions de recherche

Quelles sont les actions majeures et les stratégies mises en œuvre par les acteurs professionnels et les acteurs de l’éducation et de la formation pour initier, freiner ou dévier le processus de professionnalisation ? Quelles identités professionnelles vise-t-on à construire à travers ces stratégies de professionnalisation ? Quels sont les risques encourus par une véritable professionnalisation ? En quoi la formation et l’éducation peuvent elles contribuer à la professionnalisation du secteur ? Et comment y contribuent-elles dans cette forme de professionnalisation engagée et pourquoi ?

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I-1-4- Intérêt de l’étude

Si le résultat de notre étude est atteint, nous contribuerons alors à l’avancée des recherches dans le domaine des sciences de l’éducation en général, et plus spécifiquement en ce qui concerne la problématique de la formation du personnel de sécurité et de surveillance humaine évoluant dans le secteur marchand européen. Notre étude pourrait orienter les autorités en charge de la sécurité et de l’éducation, afin d’améliorer les dispositifs d’éducation et de formation d’un personnel complémentaire des services officiels (de l’Etat), pour devenir véritablement des acteurs contribuant à la sécurité nationale (voir européenne), comme le prescrivent les textes législatifs. Mais essayons d’abord de définir la surveillance humaine.

I-2- LA SURVEILLANCE HUMAINE Cette prestation, qui consiste à fournir aux utilisateurs des agents formés (depuis 1991, et d’après la convention collective nationale) aux métiers de la sécurité, peut prendre la forme d’une surveillance « classique » (contrôle d’accès (filtrage), intervention, rondes ou patrouilles) ou d’une surveillance particulière (ou spécifique) en fournissant une équipe d’agents spécialisés en réponse à un besoin spécifique de sites ou secteurs sensibles (industriels classés, nucléaires, aéroportuaires ou administrations diverses) pour répondre à l’application de plans particuliers de sûreté tels que « Vigipirate », évènementiels, etc. … L’évolution des risques intentionnels dynamise l’évolution de notre secteur professionnel et oriente nos compétences vers de nouvelles actions de prévention et de gestion des risques, qui induisent des exigences de compréhension des conduites humaines. Mais, avant de décrire nos principaux facteurs d’évolution, nous allons d’abord essayer de comprendre la notion même du risque à travers quelques approches des sciences sociales et humanistes.

I-2-1- Analyse socio-économique

Ce n’est qu’à partir des années 80 que le secteur privé de sécurité connaitra une nette croissance par comparaison aux autres secteurs de l’économie nationale, et qui va se traduire par une forte augmentation de ses effectifs salariés et de son chiffre d’affaires. Les effectifs salariés atteindraient aujourd’hui le chiffre de 140 000 personnes selon les sources de l’INSEE (qui prend en compte l’ensemble des agents qui n’appartiennent pas à l’armée, ni à la police ou à l’administration pénitentiaire, et qui sont chargés pour le compte de leur employeur de la protection des biens contre les accidents et les actes de malveillance). L’INSEE intègre donc ainsi dans ses données les salariés travaillant pour le compte d’une entreprise privée de sécurité et ceux qui exercent des fonctions de sécurité dans une entreprise traditionnelle (services internes de sécurité des entreprises, ou simples agents exerçant des fonctions de sécurité). Toujours selon l’INSEE, le nombre total d’agents de sécurité serai passé de 93 000 en 1982 à 115 000 en 1992 pour atteindre le chiffre de 140 000 à l’heure actuelle. En 15 ans, le nombre d’agents s’est accru à un rythme de progression annuel légèrement inférieur à 3%.

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L’évolution des effectifs salariés du secteur repose en France sur quatre sources principales : les enquêtes annuelles d’entreprises gérées par l’INSEE, les statistiques de l’UNEDIC (qui prennent appui sur les déclarations annuelles des deux organisations syndicales patronales représentatives (le SNES et l’USP), et le recensement des sociétés de surveillance et des services internes de sécurité effectué par les préfectures et qui déclinent les agréments nécessaires au fonctionnement de ces entreprises, selon la loi cadre de 1983, qui réglemente leurs activités (et qui intègre également des services de sécurité des entités publiques et des transports en commun (SNCF et RATP). Nous pouvons constater que ce mouvement de forte croissance s’inscrit également dans un mouvement plus global et qui touche à des degrés divers tous les états occidentaux. Aux Etats Unis, les effectifs de sécurité privée ont dépassé les effectifs de police depuis 1980 et, depuis, le développement des activités privées de sécurité n’a cessé de se confirmer. En Europe, les activités de sécurité privée ont connu un développement très sensible et comparable à la situation de la France. Ainsi en Allemagne, le secteur concerne plus de 125 000 emplois, en Espagne 75 000 personnes, au Royaume Uni l’emprise du secteur serait encore plus importante (250 000 personnes), pour un chiffre d’affaires annuel de plus de 2 milliards de livres sterling. Dans ce dernier la sécurité privée a des missions encore plus larges que dans les autres Etats Européens ; on distingue ainsi : le convoyage des détenus, la garde statique des bâtiments officiels, y compris ceux de la police. I-2-2- Une nécessité de Professionnalisation

Si historiquement de nombreuses petites entreprises composaient le secteur, le marché se caractérise aujourd’hui par la coexistence de petites et de grandes entités, avec une tendance à la concentration et à l’internationalisation, regroupées au sein d’une organisation patronale fédérale unique, l’UFISS (Union Fédérale des Industries et Services de Sécurité Privée). Cette unité, longue à obtenir, a été mise en cause en 2004 avec la création de l’USP (Union des Entreprises de Sécurité Privée), créée par le Secrétaire Général du SNES (Syndicat National des Entreprises de Sécurité), confirmant ainsi une mouvance syndicale partagée depuis de nombreuses années. Pour mettre en valeur le professionnalisme et la qualification de leurs salariés, les plus grosses entreprises se lancent dans les processus de normalisation à travers les normes qualités ISO 9000 et AFNOR (Association Française de Normalisation).

I-2-3- Des pratiques qui remettent en cause la qualité moyenne des prestations

En l’absence d’une réglementation spécifique, et pour faire face à une demande contractuelle d’une clientèle de proximité (dont beaucoup sont des contractants publics), certaines grandes sociétés sous-traitent des prestations qui favorisent le moins disant, favorisant ainsi le non respect du droit du travail. La délégation interministérielle de lutte contre le travail illégal a fait de ce secteur une priorité nationale (embauche de main d’œuvre étrangère non déclarée), qui a dépassé de 13% les chiffres des autres secteurs d’activité.

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I-2-4- Un faible niveau de qualification

Le CAP d’agent de prévention et de sécurité, créé en 1986 par l’Education nationale à la demande des entreprises du secteur, n’est pas obligatoire pour l’accès à l’emploi (ou au secteur). Les acteurs de la sécurité publique (reconvertis) aux compétences (transversales) reconnues ne représentent que 17% (environ) des effectifs de sécurité privée (dont 4,2% sont des anciens policiers, 7,1% d’anciens militaires, 6,3% d’anciens pompiers). D’autre part, la validation des acquis de l’expérience par un diplôme est peu transposable, car les effets de l’apprentissage sur le terrain sont peu importants, compte tenu du manque de cadrage des organisations et du faible niveau culturel des salariés (pourtant de nombreux salariés d’une ancienneté supérieure à trois ans pourraient en bénéficier avec des mesures individuelles adaptées). Les agents d’exploitation (terme conventionnel) représentent 90% des effectifs de la branche ; la perspective d’une promotion en tant que cadre ou agent de maîtrise, dans ces conditions, est relativement limitée. La branche a bien réalisé des efforts de formation importants par convention, une formation minimale obligatoire de 32 heures pour les nouveaux entrants, mais celle-ci n’a jamais été suivie d’effet. Le ministère de l’intérieur (branche de la sécurité civile) impose également par les textes en 1998 une formation minimale obligatoire pour exercer la fonction de sécurité incendie dans les établissements qui reçoivent du public. Mais, malgré ces efforts, nous constatons tous les jours sur le terrain que la formation demeure encore très insuffisante. La Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité (CNDS) va d’ailleurs relever cette insuffisance dans son rapport annuel de 2006 par l’avis 2006-73. Dans la plupart des pays occidentaux, le dispositif législatif est beaucoup plus strict qu’en France en matière de formation. La loi suisse prévoit pour les dirigeants de justifier, par l’intermédiaire d’une formation qualifiante ou diplômante, de la connaissance de la législation relative à l’exercice de la profession d’agent de sécurité privée. La loi espagnole prévoit, quant à elle, une formation initiale de 200 heures. La comparaison avec les formations dispensées dans le domaine de la sécurité du secteur public et para public des transports est tout aussi significative ; les cas de la SNCF et de la RATP sont en effet révélateurs. Ces deux entreprises ont imprégné leurs formations initiales et continues d’une réelle dimension déontologique, qui s’est traduite dans les programmes approfondis ainsi que dans une organisation et une pédagogie fortement structurés (didactique professionnelle). Après avoir bénéficié d’une formation préalable à la prise de poste de plusieurs mois, les agents sont en effet suivis en permanence et de manière individualisée. Ils peuvent en outre bénéficier de deux sessions de recyclage par an à la RATP et d’une formation continue d’une durée minimum de quatre heures par mois à la SNCF.

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I-2-5- Une offre privée non liée à la défaillance de la puissance publique

C’est une demande sécuritaire non satisfaite qui semble expliquer l’émergence de l’offre de sécurité à caractère commercial. C’est le retrait de l’Etat qui inciterait les entreprises et les particuliers aisés vers cette sécurité à péage contractualisée. Consciente notamment de ses contraintes budgétaires, la puissance publique se replierait alors sur sa fonction de régulation et de réglementation de la sécurité sous tous ses aspects, aux dépends de sa fonction d’acteur de la sécurité. D’autre part, la pensée d’inspiration anglo-saxonne de la « prévention situationnelle » et de « l’espace défendable » semble légitimer la substitution de la sécurité privée à la sécurité publique. De toute façon, la puissance publique, en voulant continuer à agir sur les causes sociales de la criminalité plutôt que sur les motivations rationnelles du délinquant, et en se fondant sur des considérations autres que strictement dissuasives, serait condamnée à une moindre efficacité, tout au moins aux yeux des demandeurs solvables de protection. Les carences relatives de la puissance publique éclaireraient ainsi l’essor de l’offre de sécurité privée. Cette thèse répandue doit être prise avec réserve, les entreprises de sécurité privée semblant moins répondre à de telles défaillances que tirer partie du perfectionnement du marché de la gestion des risques. Mais on constate une augmentation des délits recensés par la police, quatre fois plus nombreux dans les années 60 et près de trois fois plus nombreux dans les années 90 que dans les années 80, alors même que les effectifs de la gendarmerie et de la police nationale seraient plutôt à la baisse. Cette croissance des crimes et des délits semble particulièrement forte en ce qui concerne la délinquance à caractère violent (coups et blessures volontaires et vols avec violence notamment) au cours des années 80-90 ; les incivilités se multiplient également de manière inquiétante. Ce décalage des effectifs officiels de sécurité va, par rapport à la demande sécuritaire de proximité, profiter au secteur privé qui va croître deux fois plus vite que ceux cumulés de la police et de la gendarmerie nationale et 1,5 fois plus vite que ceux cumulés de la police nationale, de la gendarmerie nationale et de la police municipale depuis les années 80. A ce décalage s’ajoute également l’inadéquation quantitative d’un redéploiement géographique des forces de sécurité publique que le rapport Carraz-Hyest a mis en évidence (en 1998). D’après les auteurs du rapport, il existerait une large déconnexion entre les dotations des effectifs de la police et de la gendarmerie et l’ampleur de la délinquance de voie publique, principale source du sentiment d’insécurité (et donc d’une demande potentielle de surveillance et de protection). C’est une situation « paradoxale » induite par l’inadéquation d’une répartition géographique des effectifs des fonctionnaires chargés d’assurer la sécurité citoyenne. En effet, l’offre publique de sécurité est inversement proportionnelle aux besoins. Un autre auteur spécialiste de la police urbaine, Monjardet, souligne que la difficulté s’enracinerait dans l’histoire car l’étatisation de la police en 1941 aurait contribué, en rompant le lien qui prévalait auparavant entre la police et la ville, à éloigner les forces de sécurité publique des préoccupations exprimées au plan local. En outre, la culture professionnelle de la police nationale ne la prédisposait pas à privilégier les tâches d’Ilotage sur celles de police judiciaire ou d’ordre public jugés plus prestigieuses et gratifiantes. En dernier lieu, le mode de gestion de la police nationale ne la préparait

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pas à renoncer au monopole de la détermination de ses tâches et à se laisser imposer une distinction trop nette entre gestion de la délinquance et gestion des incivilités1. Dans ce contexte d’évolution sécuritaire, nous pensons qu’il faut adapter la réponse à la demande sociale dans une logique d’action complémentaire des forces publiques et privées. Il faut également développer des obligations de résultats, sans rompre avec les obligations de moyens imposés par les textes et le respect des libertés individuelles. Mais ce désajustement entre l’offre publique de sécurité et le besoin réel de la société ne suffit pas à lui seul à éclairer le développement de l’offre privée et le besoin de professionnalisation. En effet, l’offre de sécurité privée est très différente par nature et par vocation de l’offre publique. En aucun cas la sécurité privée ne saurait prétendre suppléer l’offre publique ou la concurrence, donc la sécurité privée et la sécurité publique sont désormais engagées dans l’ère de la « coproduction » de la sécurité pour la nation. Le mot « nation » a été difficile à intégrer en 1995 dans la rédaction de la loi sur « la sécurité privée concourt à la sécurité de la nation ». Nous rencontrons toujours sur le terrain cette difficulté de la formule « investissement de l’Etat » puisque le cadre législatif et le processus qu’il induit en matière de professionnalisation n’est pas contrôlé par l’administration2. De plus, les textes législatifs et réglementaires encadrent strictement les compétences des sociétés et des agents privés de sécurité dans tous leurs domaines d’activités (aéroportuaire, établissements recevant du public, manifestations sportives et culturelles, maritime, voie publique, etc. …). Les services de sécurité ne peuvent donc pas se constituer en police auxiliaire car il n’y sont pas autorisés. Ils doivent se borner à leurs missions de surveillance ou de gardiennage de biens meubles ou immeubles privés, et accessoirement seulement, et à titre de conséquence, à la protection des personnes qui s’y trouvent. Ils ne peuvent même pas prétendre concurrencer les agents de police municipale qui jouissent d’un pouvoir de police administrative qui peuvent exercer des missions d’Ilotage et qui peuvent être armés dans certains cas. De plus, pour l’instant, le secteur privé de sécurité ne se développe pas en priorité dans les activités susceptibles de concurrencer les forces de sécurité publique. En effet, globalement, la surveillance humaine, principal domaine de chevauchement potentiel, est actuellement une activité faiblement rentable. Selon l’ATLAS Européen de sécurité3, les activités de gardiennage, de convoyage de fonds et de protection rapprochée, missions se rapprochant le plus des missions qui incombent à la police, à la gendarmerie ou à la police municipale, demeurent marginales en termes de chiffres d’affaires (à peine 14% du CA total de la sécurité en 1998). Ce sont les activités à caractère purement technologique qui prennent une place de plus en plus importante dans le CA total de la sécurité privée, alors qu’elles peuvent servir indifféremment à la sécurité publique ou privée, et qu’elles ne peuvent, par définition, que seconder la police et la gendarmerie et non se substituer à elles. Il serait donc imprudent, voir peu pertinent, de vouloir comparer directement les effectifs ou les dépenses rattachés aux secteurs de la sécurité privée à ceux relatifs à la sécurité publique (réalités profondément hétérogènes).

1 D. MONJARDET, Frédéric OCQUETEAU – « La police une réalité plurielle, problèmes politiques et sociaux » – La documentation française N°905, octobre 2004. 2 Pierre MONZANI, Directeur et Administrateur Civil de l’Institut National des Hautes Etudes de Sécurité (INHES) dans Sécurité privée magazine des donneurs d’ordre parisien 2007, éditeur USP (Union des Entreprises de Sécurité Privée). 3 Patrick HASS – Magazine sécurité privée N°1, janvier 2007, USP (Union des Entreprises de Sécurité Privée)

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I-2-6- Un développement « semi-autonome »

Le développement du secteur privé ne semble donc pas être lié directement à une crise éventuelle de l’efficacité de l’Etat en matière de sécurité, car d’autres facteurs sont à l’œuvre et entraînent des relations directes avec les acteurs de la puissance publique4 (Ocqueteau). L’externalisation des activités de sécurité par un certain nombre d’administrations ou d’entreprises résulte d’une minimisation des coûts. Le recours aux sociétés de sécurité vient également, dans certains cas, de l’évolution du mode des organisations des activités industrielles ou commerciales génératrices de risques (grandes surfaces commerciales, etc.). Cette évolution liée à la modernité engendre de nouvelles techniques de prévention et de protection, de nouvelles cibles telles que l’home au travail, et ces installations (sécurité, incendie, industrielle, informatique), sans rapport avec la problématique de la protection contre les vols ou les agressions (la sûreté), et développe ainsi le secteur indirectement de la demande de protection citoyenne. Ce sont les entreprises et non les ménages qui induisent majoritairement la demande actuelle de sécurité privée. Cette demande est générée par les obligations de l’imposition des textes réglementaires en matière de sécurité et de sûreté, et surtout par l’influence des sociétés d’assurances, (influence des assurants), qui n’a pas cessé de croitre si l’on en juge par la quantité prescriptive des normes et des certifications de produits et/ou services en matière de protection, voire même de prise de contrôle de certaines entreprises privées de sécurité (installation et/ou fabrication d’équipements de sécurité). L’origine directe de la demande de sécurité privée incombe paradoxalement au simple citoyen, c’est pourquoi la carte d’implantation des services de sécurité privée ne correspond pas à celle de la délinquance, mais à celle de la richesse marchande et productrice. Le Marché français de a sécurité ne se résume pas, en ce sens, au « Marché de la peur ».

I-2-7- Risques d’atteintes aux libertés publiques (par l’action dans les lieux publics)

Les missions de police, qu’elles soient administratives ou judiciaires, ne peuvent être déléguées à des acteurs privés (ce principe a été confirmé par décision du Conseil Constitutionnel du 25/12/1992). Mais, sans porter atteinte à ce principe, nous constatons depuis plusieurs années l’amplification du recours à des agents privés pour effectuer de nombreuses missions de sécurité dans le secteur public, que ce soit pour le compte de l’Etat, des collectivités territoriales ou d’établissements privés ouverts au public. On retrouve dans l’offre publique pratiquement les mêmes motivations et stratégies d’externalisation des entreprises du secteur privé : centrage sur les métiers de base des administrations, recherche d’amélioration des coûts par le recours au Marché, utilisation de la concurrence. C’est ainsi que nous intervenons sur le domaine public (bien que la voie publique nous soit interdite), dans les immeubles administratifs des collectivités territoriales (que celles-ci reçoivent ou non du public), mais également dans les ministères, les mairies, les gares, les écoles, les commissariats de police (sécurité incendie). Certaines préfectures sont également partiellement surveillées par des agents privés.

4 Fréderic OCQUETEAU – Les défis de la sécurité privée - l’Harmattan – Paris, 1997, 183 P.

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I-2-8- Des territoires publics particuliers

Les transports ferrés et aériens font l’objet de mesures réglementaires particulières. La loi du 15 juillet 1945 complétée par le décret n° 730 du 22 mars 1942 confère aux agents de surveillance de la SNCF (assermentés) le pouvoir de constater par procès-verbal les infractions à la loi et à la réglementation des chemins de fer. Les agents de la SUGE (SNCF), ou du groupe de protection et de surveillance du réseau (GPSR pour la RATP), et qui avaient à l’origine des missions axées sur la protection du patrimoine de ces entreprises, ont progressivement été réorientés vers des missions de sécurité des usagers et des personnels de ces entreprises en raison de la progression de la délinquance. La responsabilité civile du transporteur pouvant être engagée par des manquements au minimum de moyens de sécurité. Ces personnels, agents publics de sécurité assermentés, ne peuvent qu’intervenir (outre leurs pouvoirs de police spéciale) dans le cadre de l’article 73 du code de procédure pénale pour appréhender l’auteur d’un crime ou délit flagrant et le conduire devant l’officier de police le plus proche. L’autorisation de port d’armes dont ils bénéficient les prédispose à mener ces missions de sécurité sans aucune confusion avec les missions des forces de l’ordre. Les forces de sécurité publique reconnaissent le grand professionnalisme de ces services et la qualité de la formation initiale et continue des agents. Le nombre de plaintes enregistrées par les médias ou les rappels aux règles de déontologie de la commission nationale de la déontologie de la sécurité (CNDS) paraissent limités, compte-tenu du nombre d’interventions effectuées. Ces acteurs des services publics des transports, qui refusent pourtant d’être assimilés à des agents de sécurité privée (pour des raisons culturelles probablement), sont théoriquement concernés par la loi du 12 juillet 1983 qui les intègre pourtant dans le même champ d’activité. D’ailleurs ces sociétés emploient également des agents de sécurité privée pour compléter les missions de ses agents assermentés (surveillance d’entrepôts et de marchandises). En ce qui concerne le transport aérien, la sécurité était traditionnellement assurée par les forces de police PAF, devenue la DICILEC, (….), dans les aérogares, et la gendarmerie du transport aérien pour les pistes. La loi du 10 juillet 1989 permet le recours à des agents privés pour effectuer certaines mesures de contrôle sous la responsabilité des forces de police. L’article L. L8L.8 du code de l’aviation civile permet le recours à des agents ressortissants de l’Union Européenne pour effectuer, sous la responsabilité des officiers de police judiciaire, le contrôle des personnes, des bagages, du frêt, des colis postaux. L’arrêté du 29 décembre 1997 fixe les modalités d’intervention de ces agents de sûreté limitées à la mise en œuvre des dispositifs de contrôle, à l’exclusion des fouilles à corps et de la visite manuelle des bagages à main. Dans les autres transports publics, il n’existe pas de régime dérogatoire. Toutefois la loi sur les polices municipales prévoit que les agents de contrôle de ces compagnies pourront, après accord d’un OPJ (officier de police judiciaire), relever l’identité d’un contrevenant. Dans ces secteurs de transports publics particuliers, ferrés et aériens, on assiste bien à une véritable coproduction par des conventions signées entre l’Etat et les établissements publics, qui précisent notamment les moyens mis à disposition et les modalités pratiques de coopération.

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I-2-8-1- D’autres territoires publics particuliers (magasins et centres commerciaux

Bien qu’ils ne représentent que 10% du CA généré par le secteur privé de sécurité (d’après le SNES – Syndicat National des Entreprises de Sécurité), ces zones ouvertes au public concentrent, d’une part, les risques en raison des phénomènes liés à la foule (un hypermarché peut facilement accueillir 20 000 personnes un samedi, et certains magasins parisiens atteignent même le chiffre de 100 000 personnes sur des journées exceptionnelles), et d’autre part les risques liés à la délinquance par l’exposition des articles divers sur les étalages en libre service. La loi de 1995 (dite LOPS - loi d’orientation et de programmation de la sécurité) est venue encadrer les deux missions principales de ces agents (externalisés et qualifiés autrefois d’inspecteurs) de sécurité incendie et de lutte contre la démarque inconnue (sûreté), en exigeant la présence d’agents de sécurité dans les établissements recevant du public ; la loi conforte ainsi la jurisprudence qui avait rendue civilement responsable un grand magasin au motif qu’il n’avait pas mis en place des mesures de sécurité alors qu’il avait fait l’objet de menaces terroristes. Les agents de sécurité internes au magasin ou dépendant d’entreprises privées de sécurité, et chargés principalement de lutter contre la démarque inconnue, ne disposent que des pouvoirs dont dispose tout citoyen, c’est-à-dire ceux prévus par l’article 73 du code de procédure pénale. Mais, confrontés à une délinquance permanente en raison des vols commis et chargés d’appréhender les auteurs, ils ont parfois des interventions qui peuvent être « Musclées ». Certaines personnes appréhendées vont reconnaître facilement « l’oubli » de paiement, et l’intervention des agents se réduit alors à l’encaissement du prix ou à la restitution de , avec pour des montants de faible valeur, l’envoi d’une plainte (sur un document type) au procureur de la république. Mais d’autres « interventions » sont plus sensibles conduisant les opérateurs à interpeller des personnes n’ayant commis aucun délit, ou dans certains cas nécessitent l’appel aux forces de police. Ils vont alors utiliser les possibilités de rétention offertes par l’article 73 du code de procédure pénale, ce qui peut conduire à des dérives, notamment quand les délais d’intervention de la police sont élevés. On s’interroge alors sur le professionnalisme de certains intervenants : les sociétés. Certaines sociétés leaders du marché ont longtemps refusé d’intervenir sur ce secteur d’activités, au motif que les prix sont « trop tirés » vers le bas par les distributeurs. On y retrouve le plus souvent des petites sociétés dont le taux d’encadrement est relativement faible avec un fort turnover du personnel, ce qui interdit le plus souvent une formation efficace de ces agents, alors qu’ils sont confrontés sans cesse à des situations conflictuelles. D’autre part, la pratique des primes liées aux arrestations, pratiquées par certains donneurs d’ordre et entreprises de sécurité, peut inciter les agents à certaines dérives. Mais nous constatons que certaines enseignes veulent conserver en interne la surveillance de leurs points de vente et mettent également l’accent sur la fonction d’accueil. Il existe toutefois dans ces entités internes une sous-traitance d’ajustement. La loi de 1997 sur la sécurité des manifestations sportives récréatives et culturelles contraint également les organisateurs à mettre en place une structure de sécurité en coordination avec les forces de police. Les « stadiers » remplacent ainsi les forces de police à l’intérieur des stades ; celles-ci se consacrent maintenant à la voie publique et n’interviennent qu’en cas de trouble dans l’enceinte sportive. Ces stadiers, parfois bénévoles, sont aussi parfois sous-traités à des entreprises privées et peuvent être confrontés à des phénomènes de violence induits par les mouvements de foule face auxquels ils ne sont pas formés.

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I-2-8-2- Espaces privés « cœur du territoire du secteur marchand de sécurité »

La prévention des risques industriels et commerciaux génère la principale demande des marchands de sécurité privée. La réglementation impose des mesures prescrites pour prévenir (au minimum) les risques industriels et commerciaux spécifiques (usines chimiques, raffineries, centrales nucléaires). Mais l’Etat impose également des mesures en matière de défense de l’industrie d’armement (domaines sensibles). « L’intervention » des agents privés de sécurité se limite alors à la surveillance générale des locaux par une action préventive et dissuasive qui consiste à prévenir les risques générés par les activités des bâtiments placés sous la surveillance. Dans ce contexte, l’atteinte aux libertés publiques est bien plus souvent le fruit de l’entreprise utilisatrice, par négligence d’information des partenaires sociaux de la mise en place de certains moyens électroniques de sécurité (vidéosurveillance, contrôle des accès) à travers les organes représentatifs du personnel (comités d’hygiène et de sécurité, délégués syndicaux, délégués du personnel, etc.). Ce manque d’information des instances internes représentatives de l’entreprise utilisatrice de la prestation marchande de sécurité peut directement porter atteinte aux libertés des salariés (ou du public, s’il s’agit d’espaces privés ouverts au public). Ces dérives parfois relevées par la presse ou les tribunaux incombent plus aux utilisateurs qu’aux fournisseurs (marchands de sécurité), malgré la présence d’agents, qu’ils soient internes ou sous-traités, utilisateurs de ces moyens. En matière de logement, la France ne semble pas encore vouloir choisir librement la restriction des libertés publiques, en comparaison avec d’autres pays (Espagne, USA, Afrique du Sud par exemple). On préfère alors développer les systèmes de télésurveillance à moindre coût et peu fiables dans les logements individuels, générateurs de tensions vis-à-vis des forces de l’ordre à travers les appels intempestifs des stations de télésurveillance. La guerre de l’information via INTERNET, décentre les menaces informatiques de l’intérieur de l’entreprise (origine des fraudes informatiques des années 90) vers l’extérieur. L’information WARFARE (guerre de l’information) concerne trois niveaux : l’individu, l’entreprise, le patrimoine national. Trois éléments définissent ainsi cette guerre de l’information : obtenir et utiliser l’information détenue par un ennemi, modifier ou détruire ses données, protéger ses propres systèmes d’information. Ce « cyberspace » génère sa propre criminalité.

I-3- COPRODUCTION ET REGULATION DE SECURITE

« La sécurité privée contribue à la sécurité de la Nation » (loi d’orientation et de programmation de la sécurité, 1995). L’Etat garant des libertés publiques intervient, par l’intermédiaire du législateur, afin de mettre en œuvre une véritable coproduction de sécurité conforme aux droits fondamentaux des personnes : « la sécurité est l’une des conditions de l’exercice des libertés individuelles et collectives » (article 1 de la LOPS). L’adoption de la loi du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité souligne la volonté du législateur à vouloir protéger les libertés publiques, ainsi que la dissolution des milices patronales (voir associatives) générant le risque de constitution de polices parallèles. D’autres textes législatifs et réglementaires sont intervenus antérieurement pour réglementer

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certaines activités privées ; ils sont animés par les mêmes motivations et élaborés dans le même esprit que celui de la loi du 12 juillet 1983 : loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et les milices privées, intervenue à une époque où les ligues menaçaient l’existence de la république. Ce texte s’appliquera lors de la dissolution du service d’action civique (SAC), dans un contexte différent au début des années 80. Puis la loi de 1942 sur les agences privées de recherche aura pour objet d’encadrer les agences de détectives privés se développant exagérément dans les années 20, et « stigmatisées comme des polices parallèles par les pouvoirs publics » en menaçant les intérêts de la police publique.

I-3-1- Motif d’intervention de l’Etat Le développement des nouvelles technologies va faire émerger progressivement un encadrement législatif et réglementaire (17 octobre 1996, vidéosurveillance) et pose de nouvelles questions législatives. En effet, l’implantation d’un centre de contrôle à l’étranger peut déclencher l’intervention des forces de police depuis un pays tiers. La validation de l’état de la notion de coproduction fait alors émerger deux exigences : la définition des domaines d’exercice de la sécurité privée et de la sécurité publique. A partir de cette prise de responsabilité, l’Etat devient régulateur de l’offre privée de sécurité et se doit d’exiger les garanties de sérieux et de moralité nécessaires à la professionnalisation de cette nouvelle force de sécurité. Les professionnels de sécurité privée souhaitent également l’intervention du législateur. Les textes doivent ainsi contribuer à améliorer l’image du secteur, ternie depuis les années 70, et qui perdure aujourd’hui (sous-traitance sauvage, manque de formation des cadres et des salariés). Mais les pouvoirs publics contribuent à cet écart de professionnalisme par les modalités de prix de certaines sociétés retenues lors d’appels d’offres publics, favorisant ainsi des situations contraires à la loi et au code du travail. D’autre part, compte tenu des règles actuelles désignant la création d’entreprises, il est facile pour un dirigeant de faire disparaître une entreprise identifiée par les services de police et d’en créer une nouvelle ou un centre de formation à la sécurité. Mais il ne faut pas perdre de vue que le législateur peut favoriser des entreprises déjà installées au détriment de nouvelles sociétés, en rendant ainsi beaucoup plus difficile le secteur. Le législateur doit, en effet, tenir compte de ces revendications du secteur qui peuvent induire des stratégies économiques visant à favoriser les entreprises déjà existantes (ou d’une certaine toile). On constate également que les centres de formation à la sécurité rattachés à l’UNAFOS (Union nationale des organismes de formation sécurité) et le SNOFOPS (Syndicat national des organismes des organismes de formation à la sécurité) imposent leur propre système à travers les conventions de branche. C’est ainsi que pour obtenir l’agrément pour former au CQP, le centre de formation doit également posséder l’agrément SSIAP depuis un certain temps et s’introduire dans une démarche qualité. Ces aspects ne sont pas forcément les signes d’un professionnalisme d’un organisme de formation, mais d’une stratégie économique. Le secteur d’activité représente un enjeu important en matière d’emploi (et de formation). L’Etat va reconnaître comme complémentaires les activités privées de sécurité à travers la loi de 1995 (LOPS), traduisant la mise en place d’une véritable coproduction sur certains espaces. La coproduction de sécurité, au sens des pouvoirs publics à travers la réglementation et la législation existante, intègre le concept de « Prévention situationnelle ». Pour autant, la LOPS ne prévoit pas de concertation avec les autres acteurs de la sécurité ; il s’agit le plus souvent de collaboration de terrain imposés par les textes (aéroportuaire,

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évènementiel, etc.) Une structure traitant spécifiquement de la sécurité privée et des relations avec le secteur semble émerger de l’organigramme du ministère de l’intérieur : unité de sécurité privée (services des libertés publiques). En matière de formation, la police ou les pompiers ne semblent pas participer à cette complémentarité. Leur action en matière de formation dans les dispositifs de formation initiale ou continue ne semble pas être pensée pour donner le sens imposé. Cette complémentarité différencie les territoires d’action faible en sites privés et forte en sites publics (ou ouverts au public). Cette coproduction, si elle est efficace, peut rendre plus réelle l’action des forces de sécurité ou de sûreté et place les acteurs privés comme des auxiliaires d’action à part entière. Le début de reconnaissance induit une concentration des forces publiques sur leurs lieux de métier. On assiste ainsi, sur un certain territoire (comme l’aéroportuaire) au transfert, non pas de la compétence qui demeure étatique, mais des tâches d’exécution concernant l’inspection filtrage (transfert encadré par la loi du 26/02/1996 et le décret du 30/05/1997).

I-3-2- Evolution des menaces criminelles contemporaines et évolution du marché privé de sécurité

On dénombrait en 1964 moins de 500 000 crimes et délits constatés ou avérés, on atteint les 3,5 millions en 1994. Entre 1950 et 1994, la criminalité en France est insignifiante et le développement des entreprises suit ce rythme indolent5. A partir des années 70, les agents de sécurité deviennent plus présents. Le nombre de victimes agressées physiquement est passé de moins de 100 000 victimes par an pendant 50 ans à près de 500 000 en 2005. Dehors la sécurité publique protège nos rues, dedans c’est aux propriétaires de se protéger. Cette criminalité contemporaine entraîne des conséquences inévitables sur les entreprises, les employés, les prix, les besoins des clients et de la profession de sécurité privée « le crime change et les acteurs de sécurité privée doivent changer aussi ». Ces conséquences vont faire émerger une position étatique de régulation et de contrôle. C’est ainsi que, pour mieux anticiper sa lutte contre la criminalité, l’Etat décide de professionnaliser le secteur par la délivrance d’une carte professionnelle à partir des obligations d’aptitude. Cette volonté commune de professionnalisation se heurte donc aux intérêts économiques, aux enjeux de la professionnalisation et aux risques liés à cette professionnalisation. Après cette description des principaux facteurs socio-économiques d’évolution, nous allons maintenant essayer de comprendre la notion même du risque à travers quelques approches des sciences sociales et humanistes.

5 Alain BAUER – Magazine sécurité privée N°1 – janvier 2007- édité USP (Union des Entreprises de Sécurité Privée).

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I-4- HISTOIRE ET EVOLUTION DE LA NOTION DU RISQUE A TRAVERS L’APPROCHE PSYCHOLOGIQUE

Le mot risque vient du grec Rhiza « Rocher », qui représentait un danger considérable pour ces peuples de navigateurs. On le retrouve ensuite dans l’italien du XVème siècle, risco, qui signifie écueil. Les définitions du mot risque, que l’on retrouve dans les dictionnaires de base, insistent sur la notion de « danger éventuel, plus ou moins prévisible », et la plupart introduisent d’emblée une notion économique dans la définition : « événement contre la survenance duquel on s’assure ». Pour toutes les approches quantitatives, le risque n’est pas un danger à proprement parler, mais une possibilité de danger. Le risque est scientifiquement défini (techniquement) comme la probabilité de survenance d’un événement, c’est-à-dire un nombre entre 0 et 1. la probabilité de survenance d’un dommage est influencée par des facteurs de risques (individuels ou collectifs) directement associés au danger ou qui le déterminent. Les sciences humaines apportent d’autres dimensions. La psychologie ne parle pas de risque, mais de « personne à risque », c’est-à-dire d’un individu qui présente une fragilité particulière susceptible de compromettre sa survie ou de développer des troubles biologiques ou mentaux. De cette vision apparaît la notion de « risque subjectif », qui est l’estimation personnelle du risque par l’individu qui accomplit l’action et qui est fonction, entre autres, de son environnement professionnel (ou social).

I-4-1- Approche psychosociologique des conduites à risques et nécessité de la professionnalisation d’un secteur à partir de la société du risque

Les conduites qui comportent des risques objectifs pour le bien être physique (ou mental) des individus peuvent être extrêmement variées en fonction du niveau et du type de risque que cet individu reconnaît. Par ailleurs, tout comportement peut engendrer des risques selon la valeur que l’on donne aux conduites. L’intérêt, c’est de savoir que les individus effectuent leurs choix et prennent réellement des décisions, qu’ils soient ou non rationnels, pour voir dans quelles mesures ces comportements effectifs sont compatibles avec un modèle rationnel. La probabilité objective d’un événement représente soit la vraie valeur de la probabilité, soit une estimation reposant sur l’observation passée d’évènements similaires. La probabilité subjective relève de croyances ou de jugements et représente une valeur construite de la pensée. Les psychologues effectuent pour ce faire des études de classification de la perception des risques (rôle des représentations et des champs sémantiques auprès des scientifiques, des hommes et des femmes d’une population donnée, par rapport à des risques plus objectivables ou plus subjectifs). Les psychologues proposent de nombreuses études sur les représentants de ces faits. Les représentations subjectives du risque sont fortement chargées d’objectivité et renvoient pour chacun aux sentiments d’incertitude et d’insécurité qui l’habitent. La peur du gendarme ou de l’agent privé de sécurité génère un comportement d’insécurité, de méfiance, d’incertitude qui va modifier le comportement du malveillant et le poussera à se détourner de sa cible. Cet effet provoqué chez l’individu par la seule présence d’un agent régulateur de l’ordre privé ou

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public, ou n’importe quel moyen de sécurité, donne naissance au concept de « prévention situationnelle ». Cette situation consiste à déplacer le risque vers une autre cible. Mais la compréhension de ces divers mécanismes à travers la professionnalisation peut induire une préconisation de prévention et de surveillance humaine à partir seulement de ce sentiment d’insécurité, ou le provoquer pour mettre en avant les bases d’un marché de la peur. Ce n’est pas la peur qui doit servir les fins commerciales, mais la réalité de ses prestations au besoin réel de la société du risque, et c’est là que la professionnalisation prendra tout son sens. Le risque induit par le besoin de professionnalisation d’un secteur commercial en quête de profit ne peut être maîtrisé que par des règles déontologiques claires et contrôlées par un organisme indépendant.

I-4-2- Vers le paradigme identitaire d’une société du risque

L’insécurité que cette société du risque impose à l’humanité tourmentée a pour nous un autre intérêt : elle donne là l’acteur la capacité réflexive6, qui lui permet d’agir sur lui-même en nous permettant de nous placer comme sujet (et non comme acteur passif d’une société industrielle) d’une société du risque démunie d’extériorité et point de départ d’un paradigme « identitaire »7. Cette époque tardive et décadente détruit les cadres sociaux de la modernisation, par sa réussite même, et selon 3 axes dont nous devons tenir compte :

1)- Les progrès de la productivité en diminuant la pression de la nécessité mènent à une inversion des priorités entre risques et profits, le progrès et ses effets secondaires : ils développent la critique de la science et de l’économie ;

2)- L’individuation résultant de l’état social, de la diversification des processus et de la division du travail fait éclater la famille et les normes salariales, généralisant incertitudes et insécurité ;

3)- La victoire de la démocratie vide de substance le centralisme politique qui perd son pouvoir sur la société. C’est la fin du double monopole de la science et de la politique, du savoir et du pouvoir. Le risque n’est pas une imperfection du progrès, mais bien sa contrepartie.

I-4-3- L’individuation

C’est toujours par la réussite de la modernité, et de l’instrument de libération, que l’état social permet à chacun de s’affranchir des liens familiaux conduisant à l’individuation et à la destruction des solidarités (sociales et professionnelles). Le processus soumet nos vies à une perte de normes (ou de repères) et à une insécurité grandissante. L’existence des gens s’autonomise par rapport aux milieux et aux liens dont ils proviennent ou dans lesquels ils s’intègrent. Mais l’état social n’est pas la seule cause de l’individuation, il y en a bien d’autres comme la formation et la division du travail, et les faits sont là, massifs, de la différenciation et de la perte des solidarités sociales8. Là où chacun suivait une voie tracée, il n’y a plus désormais que parcours individuels. La biographie réservée aux grands hommes se généralise par le Curriculum Vitae. Notre

6 Antony GIDDENS – Les conséquences de la modernité – Paris, L’Harmattan, 1994 7 Guy BADJOIS – Le changement social. Approche sociologique des sociétés occidentales contemporaines – A. Colin, collection-cursus, 2003 8 François DUBET : Le déclin des institutions – Seuil, 2002.

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destin n’est plus social (collectif), mais personnel. Il ne s’agit plus dès lors de s’engager à vie dans une carrière mais de donner sens à son travail dans lequel on est plus impliqué. Cette personnalisation des parcours et les changements d’entreprise entraînent pourtant aussi une certaine perte d’importance de l’entreprise et du travail. Cette individualisation va transformer les causes extérieures en responsabilités individuelles contre lesquelles l’individu doit être armé au risque d’en subir les conséquences. L’estime de soi est donc bien souvent atteinte, conduisant parfois à l’autodestruction, et les psychologues prennent de plus en plus de place. Mais on voit revenir aussi toutes sortes de discriminations (âge, sexe, race) contre lesquelles nous devons également lutter, et c’est le prix à payer par l’inadaptation. Cette société postmoderne a sa réussite. Nous n’avons alors plus le choix, sinon nous soucier de nous-mêmes, en planifiant et en organisant notre propre existence, impératifs de nouveaux défis dans le domaine de la formation pour atteindre l’équilibre exigé par le changement social.

I-5- FACTEURS D’EVOLUTION

Accentuée par les évènements récents, la sécurité des entreprises et des administrations s’externalise. Parallèlement, le secteur traverse d’importants mouvements de concentration, fusion – acquisition. On observe pourtant un ralentissement depuis 2001 et des petites entreprises se sont créées. Patrick Haas, Directeur de la lettre économique « En toute sécurité » qualifie pourtant le secteur de « sinistré », compte tenu des nombreuses fermetures et de la durée dans le temps de ces entreprises, ainsi que de la pratique des bas prix, car, pour l’auteur économique, « la sécurité n’a pas de prix, elle a un coût ». Ces mouvements d’acquisitions ont toujours profité aux groupes étrangers (ou européens) au détriment des entreprises françaises. Le secteur marchand de la sécurité privée et de la surveillance humaine est aujourd’hui contrôlé par des firmes étrangères à plus de 40%, contre moins de 20% il y a 10 ans9. Compte tenu des risques, techniques et méthodes utilisées pour les prévenir (ou les réduire), le gardiennage classique évolue au profit d’une plus grande technicité et de plus de compétence (formation des salariés et des clients, habilitations diverses sur sites sensibles ou applications de plans de sécurité et de sûreté particuliers). Nous assistons également au développement de la normalisation et de la qualité, qui trace également les lignes prescrites d’une nécessaire professionnalisation. Mais le développement du secteur privé de sécurité et de surveillance humaine est principalement lié à deux facteurs :

� Le sentiment d’insécurité Les récentes émeutes des banlieues ont accentué ce sentiment et les entreprises privées de sécurité n’ont pas cessé, dès lors, d’être sollicitées pour protéger les biens des particuliers et des collectivités.

9 Christelle Castell-Leclercq : Etude réalisée pour la Chambre Régionale de Commerce et d’Industrie Centre – Décembre 2003

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Différents études ont démontré qu’en une trentaine d’années, le risque d’être cambriolé a considérablement augmenté, il a été multiplié par plus de deux. Ce sentiment d’insécurité a cru proportionnellement. Une attention insuffisante a été portée à l’accessibilité des domiciles, et les exigences des particuliers vont à des dispositifs (électroniques) qui n’empêchent pas l’accès et ne freinent donc pas l’intrusion comme la protection physique ou mécanique. Ceci est troublant, alors que les particuliers ont saisi que c’est l’accès qui conditionne les cambriolages, mais cela rassure, et c’est moins coûteux, à court terme, qu’une prestation axée sur la surveillance humaine. Nous savons tous que le risque n’est pas interprété par les individus de la même façon ; il est sujet à une interprétation du risque qui lui est propre, chacun possède sa vérité du risque ; ce qui est très étonnant, c’est qu’un groupe d’individus homogène perçoive le risque comme un même individu. Ce phénomène peut s’expliquer par une perception plus qualitative que quantitative : l’homme ayant le souci de sa sauvegarde, l’instinct de conservation, il ressent alors davantage l’élément matériel ou pseudo-matériel, c’est-à-dire les conséquences du risque, occultant ainsi, intuitivement, l’appréciation de l’incertitude. Or cette incertitude, que l’on estime scientifiquement par une probabilité, n’est représentée que par une notion purement théorique, exclusivement mathématique. Cette virtualité, et plus précisément cette inexistence, n’est donc pas ressentie par l’individu. Il est bien établi que le risque est perçu comme la probabilité de réalisation d’un danger et cette inexistence de la probabilité nous autorise à dire que le risque n’existe pas. « La perception matérielle du risque s’apparente alors à une appréciation simplifiée d’une notion complexe comprenant un ensemble d’éléments virtuels vecteurs d’éléments matériels, qui finalement est ressentie comme un seul élément : L’aléa, l’aléa est la réalisation spatio-temporelle d’un risque, c’est-à-dire qu’il est la concrétisation à un endroit et à un moment donné d’un événement. « Cet événement n’est pas le risque, il ne constitue que la réalisation d’une atteinte à une ressource, un effet sur une cible »10 L’homme ne perçoit que la matérialité de l’aléa, il va tenir compte de cette matérialité et non de celle du risque. C’est donc un raisonnement simpliste et matérialiste de la probabilité de survenance d’un éventuel risque qui va pousser l’homme à réagir face à un éventuel risque et non à sa matérialité, et qui va dépendre d’un ensemble de facteurs (la réaction de l’expert, quant à elle, sera différente dans la même situation), et l’élévation du risque perçu par l’individu va augmenter la peur engendrée par le sentiment que le risque se réalise. On comprend alors tout l’intérêt d’une professionnalisation du secteur engendrée par le sentiment d’insécurité où cette perception naïve du risque est la dynamique d’un marché de la peur où la seule présence humaine rassure et apaise. D’après les statistiques de police et de gendarmerie, nous avons observé une explosion du nombre de cambriolages entre 1972 et 1982, ce qui est supérieur à la moyenne des pays occidentaux (International Crime Victimisation Survey 1996). L’augmentation des cambriolages s’accompagne d’une augmentation du sentiment d’insécurité.

10 Georges JOUSSE, Le risque cet inconnu – P44, Editions IMESTRA 2004 (comprendre et savoirs)

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� La non concurrence avec les services de l’Etat

On retrouvera des dispositions dans la loi cadre de 1983 qui stipule l’interdiction aux anciens fonctionnaires de faire état de leurs précédentes fonctions sous peine de sanctions, compte tenu de la facilité avec laquelle, historiquement, ces anciens fonctionnaires montaient leurs entreprises privées de sécurité (ou agences privées) de recherche au début du XXème siècle dans la région parisienne. L’Etat va se désengager progressivement de certaines missions de « sécurité » telles les zones aéroportuaires en délégant leurs contrôles (des personnes et des bagages) des services de police vers les entités privées de sécurité.

Compte tenu de ces éléments, nous allons assister ainsi à un partage étatique des obligations régaliennes de sécurité, vers un concept marchand de coproduction dynamisée par une réglementation qui n’a évolué que par à-coups, comme une réponse consécutive à des évènements mettant en péril la sécurité des personnes et des biens ; c’est la prescription par la loi de certaines conduites à adopter.

I-5-1- Du prescrit législatif au besoin du terrain

La première étape est la loi cadre du 12 Juillet 1983 ; c’est la loi fondatrice du secteur privé de la surveillance et du gardiennage ou, en d’autres termes, de sécurité et de surveillance humaine pour tenir compte du contexte d’évolution (mais les lois sont politiques) ; «c’est elle qui fonde le droit de la sécurité privée », elle impose les obligations, les interdictions, elle définit les activités, le cadre et les limites des interventions. Elle est la conséquence de deux évènements qui vont ternir l’image du secteur depuis 1981 :

- Le décès d’un clochard du Forum des Halles (à Paris), battu à mort par un vigile maître-chien pendant la nuit ;

- La « libération » de l’usine de fabrication de camemberts d’Isigny, où les organisateurs du piquet de grève ont été fortement bousculés par un commando dont tous les membres appartenaient à une entreprise de sécurité privée et parallèlement étaient affiliés à une même organisation d’extrême droite.

Ces deux évènements marquent directement le point de départ d’une profession à l’image dégradée et qui aura du mal à s’en défaire, dans l’étroite lignée des polices d’ordre privée, qui vont suppléer les milices patronales dans les entreprises industrielles des XIX et XXème siècles, notamment la police interne aux grands magasins qui lutte contre la démarque inconnue11.

Puis, ces professions se développeront en banlieue parisienne dès 1907, sous l’impulsion de la deuxième commission du conseil municipal de Paris, qui va proposer à l’administration la création d’un corps autonome de gardes de nuit recruté et organisé par la préfecture de police, mais payé par une contribution volontaire des habitants (un peu comme les SERENOS espagnols de l’époque). La loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité (LOPS) de 1995 étend le champ de compétences des sociétés de sécurité privée, et va donner au secteur ses lettres

11 F. OCQUETEAU : Les défis de la sécurité privée – L’harmattan – Paris, 1997, P 183.

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de noblesse, le reconnaissant comme un acteur incontournable des forces de sécurité de l’Etat : « La sécurité privée concourt à la sécurité générale de la nation »12 (ce qui n’est pas négligeable). Cette nouvelle législation va répondre à de nouveaux attentats à Paris. Certaines dispositions seront d’ailleurs reprises dans la loi sur la sécurité quotidienne (LSQ), après le 11 septembre 2001.

Mais c’est la loi de 2003 (dite loi Sarkozy) sur la sécurité intérieure qui va modifier la loi du 12 Juillet 1983 en plaçant le secteur dans l’axe de la professionnalisation, en renforçant la condition de Moralité par la recherche de l’incompatibilité des personnels auprès des fichiers de police, et en instaurant par décrets des aptitudes préalables pour les cadres et pour les salariés. Ce début de professionnalisation suscite de nombreuses contestations des forces en présence qui font sans cesse repousser les décrets et induisent nos interrogations. Mais pourquoi y-a-t-il autant de freins ? Allons-nous vers une véritable professionnalisation ? Quels sont les risques et les enjeux d’un système marchand de sécurité privée qui s’alimente en majeure partie par le sentiment d’insécurité ? Est-on en train de professionnaliser le secteur et d’en faire des métiers à part entière, ou tout simplement de le professionnaliser pour le diviser à partir d’un système existant qui fixe les règles pour mieux le contrôler ? La peur du risque ne se transforme t-elle pas alors en peur de perte de marchés, de pouvoir par la professionnalisation des opérationnels ? Ou est-ce, tout simplement, un semblant de professionnalisation, un premier niveau qui divise les identités professionnelles ? Est-ce une professionnalisation d’adaptation à l’emploi pour répondre à des besoins de placements ou des exigences du secteur en terme de quantités générées par une nécessité de profit ? Est-ce une véritable professionnalisation induite par les nouveaux risques produits par le changement social, la réussite d’une société postindustrielle ? Puis, au fond, quelque soit la forme de professionnalisation, quel est l’intérêt et la forme de la formation ? Les opérateurs doivent-ils prévenir les risques (lutter pour éviter leurs survenances) ou intervenir (constater leurs survenances) ? Autant de questions qui justifient notre projet de nous intéresser à la problématique de la professionnalisation à travers l’intitulé suivant : « Entre prévention et intervention, risques et enjeux de la professionnalisation ». Un tel projet s’engage dans une recherche nomothétique et de dimension pragmatique et pluridisciplinaire. Nous prendrons appui sur notre observation participante comme méthode de compréhension de la complexité, afin d’appréhender les diverses interactions de la sphère publique et privée de la professionnalisation pour déterminer les pratiques actuelles de terrain, dans quels sens vont-elles, pourquoi ?, que produisent-elles, doit-on les changer ?, dans quels sens ?, pourquoi et comment (dans un contexte commercial de prestations de services dans un entre deux, anxiogène pour le sujet) ? Mais avant d’essayer d’apporter des réponses à ces interrogations par un recours à des données de terrain, nous allons d’abord interroger la recherche pour voir si le problème a déjà été discuté.

12 Loi N° 93-75 du 21 Janvier 1995 pour la sécurité (LOPS)

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I-6- REVUE DE LITTERATURE La recherche documentaire sur le thème spécifique de la prévention et de l’intervention du secteur privé de sécurité fait clairement apparaître, à travers la législation existante (et compte tenu du pouvoir régalien qui est dévolu aux forces de sécurité de l’Etat ou de la proximité locale), que la « prévention » est la principale exigence à suivre. Cette non prérogative officielle, matérialisée par les textes réglementaires, lesquels étendent de plus en plus leurs fonctions, autrefois dévolues à la sécurité publique, les place dans un contexte « préventif, et non répressif ». L’intervention se limite alors aux rétablissements de situations dégradées diverses (suivant les contextes professionnels contractualisés), mal définies par la coproduction de sécurité de la relation contractuelle de sous-traitance, qui place l’opérateur dans des situations délicates pouvant exposer sa vie, ou le conduire à la passivité, par le manque de réactivité due à la compréhension d’une situation au risque de le condamner par son action. Mais il s’expose alors à la réaction par la sanction d’une organisation qui n’a pas encore compris, depuis les années 80, que la professionnalisation était la démarche principale à suivre13. Mais, dans tous les cas, la prévention et l’intervention sont deux capacités exigées par le référentiel de certification du CAP d’agent de prévention et de sécurité (diplôme délivré par le Ministère de l’éducation nationale), et définie par l’ensemble des partenaires sociaux en 1985 (et qui a du mal à prouver son existence). L’intitulé de la convention collective nationale « Entreprises de prévention et de sécurité »14, place également le secteur, depuis 1990, dans une optique de professionnalisation. Mais il s’agit d’une professionnalisation prescrite et mal cadrée, sans aucun repérage de métiers, qui divise l’emploi entre les cadres et les salariés. Le pouvoir donné à l’organisation de décider du positionnement du salarié est le fruit d’une négociation collective non professionnalisée, qui place l’avantage du côté de l’entreprise et induit la dynamique de contractualisation du moins disant, et qui détériore ainsi le secteur en voulant l’améliorer. Pourtant la voie de la professionnalisation ne va pas dès lors cesser de s’ouvrir par la création en 1987 du Brevet Professionnel d’agent technique de prévention et de sécurité15. Ces deux diplômes (l’un de niveau V et l’autre de niveau IV) placent le secteur dans la voie de la professionnalisation, et leur libellé même confirme les exigences de la « prévention » (ou de cette démarche de professionnalisation) qui est définie comme : l’ensemble de mesures qui peuvent être prises pour éviter l’occurrence des accidents ou pour anticiper ou éviter certains risques ; ce qui en dit long sur la professionnalisation et la conception de la formation pour conduire à la professionnalisation. L’intervention, quant à elle, est plus logiquement entendue alors comme les limites opérationnelles de l’acteur, posées par les barrières législatives et réglementaires du secteur, et qui doivent être maitrisées par l’ensemble des acteurs, car c’est plus dans l’action que se joue la complémentarité avec les acteurs officiels. L’action devient alors l’interaction avec les autres acteurs du système global de prévention et de sécurité ; c’est donc cette interaction qui devient la marque de la professionnalisation. Mise à part l’abondance des textes législatifs qui ne font que cadrer le secteur et définir la dynamique d’un Etat qui se place comme animateur, les documents fondamentaux spécifiques au thème sont très limités, pour ne pas dire inexistants, mais les questions plus ou moins proches du thème tels la question de la formation professionnelle au sens large, l’identité sociale et professionnelle, la sécurité et les risques, font l’objet d’une abondante littérature. Il nous reste alors les documents et les normes professionnelles, les revues syndicales et les accords des partenaires sociaux.

13 Frédéric OCQUETEAU – Les défis de la sécurité privée – Paris -L’Harmattan, 1997, 183 P. 14 Convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité N° 3196 15 Référentiel du diplôme – Ministère de l’éducation nationale – Centre national de documentation pédagogique

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L’analyse de ces diverses sources documentaires, associée à notre observation participante, nous permettra alors d’évaluer les risques et les enjeux qui induisent la professionnalisation. Nous pourrons alors prendre position sur la forme de cette professionnalisation. Mais voyons d’abord les bases essentielles d’un langage professionnel spécifique, qui nous permettra de spécifier notre didactique à cette nouvelle science de la prévention et de la sécurité privée.

I-6-1- Principaux concepts relatifs à la sphère privée de sécurité et de surveillance humaine :

I-6-1-1 Définition du secteur privé de sécurité :

Pour Frédéric Ocqueteau la sécurité privée est une secteur de services au fonctionnement semi-autonome, principalement caractérisé par son orientation vers le profit. Il obéit aux mécanismes du marché de l’offre et de la demande dans un rapport de nature privative, liant prestataire et client (lequel est une entité collective publique, privée ou un particulier).

Ce secteur n’est pas entièrement autonome, car, dans la mesure où ses domaines d’action ont des incidences sur la gestion de l’ordre dans la société en général, il a besoin, pour asseoir sa viabilité économique et sa légitimité légale, de bénéficier de l’aval des autorités publiques et de faire la démonstration de son efficacité, non seulement en direction de ses différents clients mais, de plus en plus, en direction des compagnies d’assurances16. Dans ce ménage à trois : Etat – secteur marchand de sécurité - compagnie d’assurances, la gestion prévisionnelle des risques en entreprise devient une composante intrinsèque de la performance et de la compétitivité. Externaliser la responsabilité à des prestataires dont c’est la vocation première est aujourd’hui une démarche de plus en plus courante et performante, car le retour sur investissement est évaluable. C’est ainsi que, au fil de la dernière décennie (années 90), le marché des services de la sécurité privée va commencer à se structurer, s’organiser. Mais voyons d’abord quelques définitions structurantes du contexte professionnel :

I-6-1-2- Sécurité :

Elle concerne les moyens préventifs et réactifs destinés à lutter contre les risques accidentels engendrés par l’homme, la machine, la nature. Il s’agit de l’incendie, de machines, des accidents du travail, de la pollution, des inondations, etc. … La sécurité est liée à la notion d’accident volontaire ou involontaire, autrement dit tout ce qui concerne l’accidentel.

I-6-1-3- Sûreté :

Il s’agit des mesures préventives et réactives qui vont lutter contre les risques liés à l’homme. Il s’agit principalement des appropriations frauduleuses, des dégradations, du vandalisme, du sabotage, des interceptions informatiques, etc.

16 Frédéric OCQUTEAU – Les défis de la sécurité privée - Paris -l’Harmattan, 1997 P. 42

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La sûreté est liée à la notion d’accident volontaire, de malveillance, autrement dit tout ce qui concerne l’intentionnel. Ces deux notions, qui placent les opérateurs dans leurs contextes de travail (soit l’une, soit l’autre, ou bien dans les deux), imposent la maîtrise d’actions opérationnelles de prévention et d’intervention, et génèrent des exigences de formation et de professionnalisation. Mais qu’est-ce que la professionnalisation ?

I-7- DES METIERS A LA PROFESSION :

I-7-1- Professionnalisation :

C’est un processus par lequel une activité (occupation) devient une profession du fait qu’elle se dote d’un cursus universitaire qui transforme des connaissances empiriques acquises par expérience en savoirs scientifiques appris de façon académique et évalués de manière formelle, sinon incontestable. La formation spécialisée sert également à transmettre et reproduire les règles professionnelles, mais elle le réalise en les justifiant par des savoirs scientifiques. Ce schéma sera repris par de nombreux sociologues américains des années 1960. Ainsi la définition de profession proposée par Wilensky dans un article célèbre (1964) repose sur six critères ordonnés, chacun étant plus « sélectif » que le précédent et implicitement considéré comme mis en œuvre plus tardivement dans l’histoire des occupations professionnelles. C’est le concept fonctionnaliste. Pour Thierry Ardouin, c’est un concept à trois dimensions : sociologique – individuel – pédagogique, « c’est la volonté de renforcer la dimension opératoire de la formation vers et par des activités de contenus professionnels. Parler de professionnalisation, c’est s’interroger sur l’un ou l’autre de ces aspects ou la combinaison des trois qui sont de fait liés et indépendants ». Pour un autre auteur (Wittorski – 2000), le mot professionnalisation, quant à lui, revêt trois sens différents :

- La professionnalisation des activités, voire des métiers au sens de l’organisation sociale d’un ensemble d’activités (création de règles d’exercice et de ces activités, reconnaissance sociale de leur utilité, construction de programmes de formation à ces activités) ;

- La professionnalisation des acteurs, au sens à la fois de la transmission, de la production de savoirs et de compétences (considérés comme nécessaires pour exercer la profession) et de la construction d’une identité de professionnel ;

- La professionnalisation des organisations, au sens de la formalisation d’un système d’expertise par et dans l’organisation.

La professionnalisation est donc soit un processus de négociation par le jeu des groupes sociaux, en vue de faire reconnaître l’autonomie et la spécificité d’un ensemble d’activités, soit un processus de formation d’individus aux contenus d’une

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profession existante. Dans le premier cas il s’agit de construire une nouvelle profession, et dans le second de former des individus à une profession existante.

La professionnalisation « met en scène » des acquis personnels ou collectifs tels les savoirs, les connaissances, les capacités et les compétences. Bien plus, nous pourrions dire qu’elle réside dans le jeu de la construction et/ou de l’acquisition de ces éléments, qui permettent au final de dire de quelqu’un qu’il est un professionnel, c’est-à-dire qu’il est doté de la professionnalité (l’ensemble des connaissances, des savoirs, des capacités et des compétences caractérisant sa profession).

La finalité de la professionnalisation, pour les acteurs privés de sécurité et de surveillance humaine, consiste à prouver que l’existence de leur profession est indispensable à la sécurité des biens et des personnes liées directement ou indirectement à l’objet de leurs missions (comme le stipule la loi cadre de 1983), d’où la nécessité de détenir un savoir spécifique. C’est probablement là, la place que doit prendre la formation pour donner une véritable place au secteur et développer la « prévention de la sécurité privée » comme une réelle expertise.

I-7-1-2- Profession :

Pour être reconnue comme profession, une occupation doit selon Wilensky (1964) acquérir successivement six caractères17 :

1- être exercée à plein temps, 2- comporter des règles d’activités, 3- comprendre une formation et des écoles spécialisées, 4- posséder des organisations professionnelles, 5- comporter une protection légale du monopole, 6- avoir établi un code de déontologie.

Ces caractères sont-ils acquis par la profession ou les professions de la surveillance et du gardiennage ? En tout cas pas avant la réglementation du secteur professionnel (donc pas avant la loi du 12 juillet 1983) et ses décrets d’application de 1986 et 1987 qui définissent les activités.

I-7-1-3- Professionnalisme :

Le professionnalisme s’apprécie à partir de la stabilité et de la fiabilité de réponse d’une personne en termes de performance, de qualité, de relation. Le professionnalisme dépend donc de la maîtrise des compétences, mais aussi de l’implication personnelle (motivation, initiative, sens des responsabilités)18. « Pour le fonctionnalisme, une profession est, pour l’essentiel, une communauté relativement homogène dont les membres partagent identité, valeurs, définition des rôles et intérêts. Cette conception laisse, certes, une place pour une certaine diversité et différenciation […]. L’initiation des nouveaux membres consiste à les intégrer à ce noyau central »19 (R. Bucher, A. Strauss, 1998, P. 67)

17 Sociologie des professions : Claude DUBAR et Pierre TRIPIER – Armand Colin 1998 – P. 90 18 André GUILLET – Dictionnaire de la formation et du développement personnel – ESF 1996 – P. 242 19 R. BUCHER – A. STRAUSS (1961-1992) « La dynamique des professions » la trame de la négociation, Paris l’Harmattan – P. 68 /Dans une sociologie des professions – Claude DUBAR et Pierre TRIPIER – Armand Colin – 1998 –P67

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I-7-2- Un autre courant théorique l’interactionnisme

En contradiction avec le courant fonctionnaliste, qui privilégie l’enjeu de l’organisation sociale, la posture interactionniste valorise les professions (métiers, emplois) comme des formes d’accomplissement et de soi. L’activité professionnelle doit être alors étudiée comme un processus biographique et même identitaire (HUGHES).

I-7-2-1- Le point de vue interactionniste sur les professions

1)- Les groupes professionnels (occupationnel groups) sont des processus d’interactions qui conduisent les membres d’une même activité de travail à s’auto organiser, à défendre leur autonomie et leur territoire et à se protéger de la concurrence ;

2)- La vie professionnelle est un processus biographique qui conduit les identités tout au long du déroulement du cycle de vie, depuis l’entrée dans l’activité jusqu’à la retraite, en passant par tous les tournants de la vie (turning points) ;

3)- Les processus biographiques et les mécanismes d’interaction sont dans une relation d’indépendance : la dynamique d’un groupe professionnel dépend des trajectoires biographiques (carrés) de ses membres, elles mêmes influencées par les interactions existant entre eux et avec l’environnement ;

4)- Les groupes professionnels cherchent à se faire connaître par leurs partenaires en développant des rhétoriques professionnelles, et en recherchant des protections légales. Certains y parviennent mieux que d’autres, grâce à leur position dans la division du monde du travail et à leur capacité de se coaliser. Mais tous aspirent à obtenir un statut protecteur. A travers ces concepts, nous pouvons constater sur le terrain que la profession de la sécurité privée et de la surveillance humaine se professionnalise. Mais vers quelle approche cette nouvelle profession se dirige t-elle ?, le fonctionnalisme ou l’interaction ? Quelle est la voie de la professionnalisation engagée et pourquoi ? Cette voie est-elle en adéquation avec la société actuelle du risque, ou en contradiction ?, et pourquoi prendre plutôt une voie que l’autre ?

I-7-2-2- La dynamique des emplois d’un secteur qui se professionnalise

Le besoin social de sécurité incite les forces régaliennes à adopter un nouveau redéploiement et, par ce fait, cèdent de l’espace au secteur privé de sécurité, malgré les résistances corporatistes qui font plutôt un obstacle au partage du pouvoir. En effet, la sécurité des biens et des personnes n’est pas du ressort exclusif de l’Etat et des collectivités locales. On assiste alors à une tendance de désengagement de certaines tâches qui n’apparaissent pas comme l’expression de la souveraineté nationale (Touitou et Guislain, 1995). C’est dans ce partage d’un espace étatique cédé (non voulu) que va s’affairer et se développer le secteur marchand de la sécurité

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et de la surveillance humaine. Et c’est en cela qu’il contribue à la sécurité générale de la nation par la complémentarité interactionnelle imposée. Parallèlement à ce processus de partage et de complémentarité des statuts d’intervention (des forces de sécurité régaliennes), l’appareil économique tend lui même à se restructurer par déplacement des fonctions sécuritaires vers des sous-traitants spécialisés20.

L’offre de sécurité des entreprises traditionnellement internalisées tend de plus en plus à s’externaliser vers la recherche d’une meilleure adéquation de l’offre à la demande (puisque des spécialités existent depuis 1987, date de l’application des textes réglementaires). L’évolution est alors guidée par le principe de la rationalité économique et sollicite les jeux de la concurrence entre prestataires. Cette forme d’externalisation fonctionnelle fragilise la main d’œuvre pour réguler l’offre marchande et rend vulnérable les petites entreprises. Cette nouvelle main d’œuvre fragilisée va perdre de sa stabilité et prendre de la distance vis-à-vis du collectif de travail . Mais compte tenu de ces éléments indicateurs d’une rationalité économique de profit, la branche favorise sa reconnaissance et devient un partenaire économique comparable aux autres prestataires de services.

Cette division du travail externalisée va profiter au sous-traitant qui en tire ses avantages et ses profits en répercutant sa propre vulnérabilité sur ses salariés. Puis, sa présence chez le donneur d’ordre va favoriser l’ouverture de nouveaux marchés par la référence ou l’image du donneur d’ordre. Si, par principe, le secteur est ouvert à la prévention et à la surveillance humaine de tous types de risques, qu’ils soient liés à la sécurité des personnels employés ou à des publics accueillis, on peut parallèlement observer une organisation périphérique par spécialisation, suivant les risques et les procédures d’intervention (sécurité des établissements qui reçoivent du public, télésécurité et télésurveillance ou vidéosurveillance, filtrage et contrôle des accès, sûreté portuaire et aéroportuaire). On voit alors apparaître des structures spécialisées au sein (ou issues) des structures traditionnelles, qui créent de nouvelles qualifications et forment leurs propres salariés par des structures parallèles de formation au sein de la même entreprise. Tous les dispositifs organisationnels et opérationnels se transforment et, avec eux, se renforcent l’identité professionnelle et la reconnaissance du secteur. Mais nous constatons alors que l’émergence et la consolidation du groupe professionnel prennent appui sur les formes de gestion quantitative, dont le modèle dominant est l’appel et le rejet de la main d’œuvre en fonction des besoins du marché. « Il s’installe alors un même rapport d’externalité entre l’activité et la force de travail qui est mobilisée et qui déstructure les relations salariales antérieures au profit d’une main d’œuvre instituée »21 (P. Simula, 1999, P. 20)

Le partage du marché est fortement inégalitaire, l’offre est historiquement éclatée entre une majeure partie de petites entreprises. On est sur une logique de concentration économique favorable aux quatre entreprises européennes dominantes (Sécuritas – Proségur – Groupe 4 Sécuricor – Sécurifrance).

20 Pierre SIMULA – La dynamique des emplois dans la sécurité – Centre d’études et de recherches sur les qualifications (CEREQ) et l’Institut des hautes études de la sécurité intérieure (IHESI) – Novembre 1999, P. 12-13 21 Pierre SIMULA – La dynamique des emplois dans la sécurité – Centre d’études et de recherches sur les qualifications (CEREQ) et l’institut des hautes études de la sécurité intérieure (IHESI) – Novembre 1999, P. 20

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Ce large espace, source d’hétérogénéité, induit de nouveaux métiers qui dépassent les nomenclatures professionnelles et d’activités (INSEE).

Nous pouvons constater que le modèle organisationnel dominant vise l’adaptabilité du personnel à court terme. En effet, le noyau des titulaires des postes sont relativement peu nombreux et le taux de rotation est particulièrement rapide en fonction des marchés (pour les postes d’exécution). On trouve un personnel jeune (18 à 35 ans) généralement masculin, peu qualifié et peu stable. « Notre métier est la sécurité des biens et des personnes dans les entreprises, les collectivités locales et chez les particuliers », rappelle Michel Mathieu, PDG de SECURITAS FRANCE (numéro 1 de la sécurité privée en France avec un chiffre d’affaires de 831 millions d’Euros en 2004). Deux réponses structurent la politique interne chez Sécuritas (d’après Michel Mathieu) : la première est une intégration en amont, de plus en plus forte, de solutions techniques ; la deuxième, la compétence des agents de sécurité. C’est pourquoi (toujours d’après son PDG) cette entreprise travaillerait depuis plusieurs années sur la spécialisation. Depuis 1998, cette entreprise aurait créé des agences de sécurité mobiles, dédié une filiale à l’activité aéroportuaire (en 2001), puis se positionnerait depuis 2004 sur des marchés nouveaux pour elle, comme la distribution spécialisée, l’évènementiel, la santé et les pompiers industriels22. Pour le PDG de Sécuritas, la sécurité est un métier qui appellerait à un professionnalisme des agents, soutenu par des moyens technologiques de plus en plus élaborés. Existe t-il donc une différence entre métier et profession ?

I-7-3- Distinction entre métier et profession

Quelle différence opérer entre métier ou profession ? Quand on parle de profession, on pense souvent à une occupation qui nous permet de vivre. Il s’agit souvent d’une activité qui évoque son prestige de part son caractère intellectuel ou artistique (profession de médecin, d’avocat, de professeur). Généralement on fait la distinction suivante : le métier serait à dominante manuelle (mécanicien, électricien, maçon, grutier, etc. …), et la profession à dominante intellectuelle ou relationnelle, et dont l’utilité sociales s’accompagne d’une position sociale plus ou moins prestigieuse (Wittorski)23 . C’est l’apprentissage sur le tas qui faisait parler de métier au Moyen-âge, c’est donc une attache à une forme particulière de travail, et de transmission de savoirs et de compétences à partir du faire, de la situation de travail ; l’apprenti acquiert lui-même ses compétences. Accompagner cette forme ancienne permet, depuis 2002 (loi de modernisation sociale), l’accès à la certification professionnelle, où le terrain professionnel devient l’école. Puis l’évolution industrielle du XXè siècle fera apparaître des métiers plus industriels, avec eux, la formation à ces nouveaux métiers industriels s’est alors organisée : création des filières de formation initiale.

22 Dossier Presse – Sécuritas – 2005 – Corine GEORGEAN, Responsable Marketing et Communication. 23 Richard WITTORSKI dans – Savoirs en action et acteurs de la formation sous la direction de Jean-Pierre ASTOLFI – Laboratoire CIVIIC (Centre interdisciplinaire de recherche sur les idées, les valeurs, les identités et les compétences en éducation et en formation).

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C’est la sociologie anglo-saxonne qui étudiera largement le mot « Profession » dans une acception particulière qui est celle de l’économie libérale. Plusieurs sociologues français vont s’intéresser également à ce mot. C’est ainsi que Raymond Bourdoncle (1991) nous dit qu’une profession est constituée de quatre attributs :

- une base de connaissances à la fois assez générales, mais aussi relativement spécifiques à l’exercice de la profession ;

- des individus qui ont le souci de servir l’intérêt général plutôt que leur intérêt particulier ;

- un code éthique qui organise les comportements des professionnels vis-à-vis de leurs clients ;

- un système de rétribution ou d’honoraires correspondant effectivement aux services rendus.

François Aballéa (1992), va faire un travail de synthèse à partir des conceptualisations anglo-saxonnes ; notamment, il propose de considérer qu’une profession existe si cinq conditions sont remplies :

- il existe un objet de travail délimité, qui circonscrit un domaine d’intervention au regard de finalités d’ordre sociétal. En ce sens, il n’y a de profession qu’accompagnée d’une société donnée ;

- il existe un système d’expertise fondé sur des savoirs complexes (cela correspond à la base de connaissances proposée par Bourdoncle) ;

- il existe un système de références, un univers moral (le code éthique dont parle Raymond Bourdoncle). C’est là, au moins autant qu’à propos des savoirs spécifiques à la profession, que se fonde et se définit l’identité professionnelle ;

- il y a une reconnaissance sociale du système d’expertise et du système de références ;

- il existe, enfin, un système institutionnalisé de contrôle qui définit les modalités de recrutement et les règles de discipline de la profession considérée, c’est-à-dire qui garantit la capacité de celle-ci et régule les rapports entre la société et les professionnels.

Dans l’article de Guy Jobert24, « Processus de professionnalisation et production de savoir », on retrouve l’idée d’une terminologie équivoque et assez anglo-saxonne. En effet, il mentionne que le statut de profession, par rapport à celui de métier, se différencie par la procession d’un certain nombre d’attributs dont la composante constante est qu’ils tendent à conférer à l’activité une autonomie, un pouvoir d’auto contrôle explicitement reconnu par la société (1985, P. 123-145.

24 JOBERT G. (1985) – Processus de professionnalisation et production de savoirs, Education permanente – 80 (P.123-145).

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Selon Eliot Freidson, parmi l’ensemble de ces attributs, cinq concernent l’autonomie et constituent des critères discriminant de ce que sont les métiers et les professions :

- la profession définit ses propres normes d’étude et de formation ;

- la pratique professionnelle reçoit souvent sa reconnaissance légale sous la forme d’un permis d’exercer ;

- les instances d’admission et d’habilitation sont composées par des membres de la profession ;

- la législation relative à la profession est en majeure partie l’œuvre de la profession elle même ;

- le praticien est relativement indépendant du jugement et du contrôle des profanes.

Contrairement à la distinction classique entre métier et profession (l’un à dominante technique et l’autre à dominante intellectuelle), ces travaux montrent que ce sont les niveaux d’organisation du champ d’activité et de formalisation de celui-ci qui permettent de faire la différence entre les deux mots. Autrement dit, une profession est un métier socialement organisé et reconnu doté d’une autonomie.

I-7-4- Compréhension des dynamiques de professionnalisation (individus, activités, organisations)

Pour comprendre la forme de professionnalisation engagée par notre secteur, nous nous inspirons des concepts définis par la Laboratoire CIVIIC (Centre interdisciplinaire de recherche sur les idées, les valeurs, les identités et les compétences en éducation et en formation) de l’Université de ROUEN. L’appréciation de ces concepts doit nous permettre de faire la différence entre les pratiques de professionnalisation proposées par le secteur privé de sécurité et de surveillance humaine et correspondantes au produit de la négociation (partenaires sociaux états), sous l’angle de la dynamique « prescrite », et les pratiques de professionnalisation « en actes », mises en œuvre par les individus. Dans les deux cas, nous utiliserons également l’expression de « voie de professionnalisation » pour rendre compte de l’organisation particulière des dynamiques à l’œuvre.

Voyons d’abord les pratiques de professionnalisation, celles qui sont mises en œuvre par les individus (dynamique réelle). Constatées dans des situations sociales très diverses, elles ont en commun l’efficacité de l’action d’un individu dans une situation donnée. C’est donc la « relation efficace de l’action » qui met l’individu au centre de ses préoccupations, autrement dit l’individu va tout faire pour atteindre l’objectif qu’il s’est lui même fixé. Les savoirs qui dynamisent son action devront être en accord pour qu’il agisse. C’est ainsi que l’action, poussée par des savoirs (en action), mobiliseront une compétence (ou des compétences), plaçant alors les pratiques au cœur de la professionnalisation. Il existerait plusieurs voies possibles en liaison directe qui constitueraient une

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professionnalisation réelle issue de la pratique. On distingue alors six voies de professionnalisation qui engloberaient un processus de professionnalisation « dynamique réelle ».

I-7-4-1- Pratiques de professionnalisation (savoir en action et acteurs de la formation)

(CIVIIC) PROFESSIONNALITÉ SAVOIR CONNAISSANCE : Savoirs et expériences CAPACITÉ

Ces diverses voies de professionnalisation, qui sont des logiques d’action induites par les pratiques professionnelles, ont du mal à apparaître dans une démarche de validation des acquis de l’expérience (VAE) des métiers de la sécurité et de la surveillance humaine, si l’on en croit nos pratiques de terrain. En effet, la démarche VAE est faible dans notre secteur d’activité et il s’agit toujours d’une démarche individuelle et non de l’entreprise ; malgré l’intérêt que représente une telle démarche dans le cadre d’une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.

Le faible taux de participation à la démarche VAE est, à notre sens, un indicateur incontournable de la non professionnalisation du secteur, compte tenu de la variété des certifications existantes, sachant que les textes législatifs placent le secteur professionnel depuis 1983 dans une dynamique de professionnalisation.

COMPÉTENCE

6

3

1 2-5

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Cette non matérialisation des parcours professionnels par l’intermédiaire de l’outil VAE est à notre sens un indicateur de la non professionnalisation.

On pourra dire que la VAE correspond aux pratiques de professionnalisation, car c’est le « faire » qui pousse l’individu à la recherche de son efficacité, laquelle sera réalisée par l’action et les savoirs associés qui lui permettent d’agir mieux (c’est l’action qui mobilise les savoirs). C’est une démarche inductive à partir du faire, qui va permettre à l’individu de donner un sens plutôt opérationnel à partir du réel et non du prescrit. Voyons maintenant les « dispositifs de professionnalisation » proposés par les organisations ou les institutions, que nous appellerons « dynamique prescrite ». L’intention dominante de leurs promoteurs est la professionnalisation souvent en référence à des catégories de savoirs, que celles-ci soient d’ordre théorique ou d’action. Le transfert de ces savoirs dans les situations professionnelles, de manière à devenir un professionnel efficace, reste, le plus souvent, l’affaire de l’individu, même si des moyens d’accompagnement sont prévus dans les organisations. On peut dire que la plupart de ces dispositifs mobilisent de façon plus ou moins explicite une théorie de l’action professionnelle, selon laquelle le savoir fonde la légitimité de la pratique (et non l’inverse). Le savoir objectivé et socialement validé est souvent au centre des dispositifs. C’est plus ici le programme institutionnel qui est pris en compte et non son contenu.

I-7-4-2- Dispositifs de professionnalisation (savoir en action et acteurs de la formation)

(CIVIIC)

Le terme de professionnalisation, tel que nous l’employons, renvoie à la mise en œuvre organisée de processus de développement de compétences qui vont combiner l’acquisition de savoirs théoriques avec des savoirs d’action (savoirs-faire), précisant les contours des identités professionnelles en œuvre.

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La professionnalisation suppose alors, de la part des entreprises et des partenaires sociaux du secteur (Etat, salariés et patrons), la définition d’une politique concrète et professionnalisante de formation et de gestion des apprentissages et des savoirs issus de l’expérience (VAE). A travers ces concepts de dynamiques de professionnalisation, nous allons dégager celle initiée par notre secteur, pour comprendre les risques et enjeux qui induisent cette dynamique et les stratégies à travers la voie engagée, et saisir ainsi la place des savoirs qui lui correspondent. Le métier désigne l’ensemble des tâches, la plupart du temps physiques ou manuelles, et nous voyons alors apparaître des référentiels métiers qui figurent au ROME de L’ANPE ou définis par les entreprises. Après quinze ans de discussion et une année 2006 riche en réunions et négociations sur le chantier social, un accord organisant la mise en place d’une classification professionnelle pour la branche sécurité privée vient d’être signé le 1er décembre dernier par l’union des entreprises de sécurité privée (USP) et quatre centrales syndicales : la CFDT, la CFE, la CGC et FO. D’après Claude Tarlet, Président de l’USP, qui représente quarante pour cent des entreprises du secteur, cet accord est historique en raison de son effet structurant sur le marché et de la durée des négociations : « Il s’inscrit dans la stratégie de notre organisation et de sa volonté de professionnaliser le métier ».25 Cet accord a pour objectif de :

- définir les principaux métiers entrant dans la catégorie des agents

d’exploitation, - définir un cadre précis pour l’exercice des missions, - fixer un contenu de formation obligatoire pour chacun d’entre eux,

- préciser un positionnement hiérarchique minimum, - organiser une progression par filière, permettant aux agents une évolution

dans leurs carrières au sein des entreprises de sécurité.

Dix sept métiers, tous « d’agent de sécurité », sont ainsi repérés, mais cet accord définit à notre sens beaucoup plus des fonctions que des métiers. En effet, c’est ainsi que l’on peut lire agent de sécurité chef de poste, agent de sécurité filtrage, agent de sécurité confirmé, etc. … Pourtant, toujours d’après l’USP, cet accord est une première pierre dans la construction d’une relation équitable entre tous les acteurs (clients, prestataires, salariés). Et Claude Tarlet affirme « que cette première étape favorise une réelle évolution des métiers et de profonds changements dans la perception de la valeur ajoutée des prestations. Continuons, ensemble, à creuser le sillon, et bâtissons, ensemble, un métier dont nous soyons fiers ». Cet accord est actuellement dénoncé par le SNES, l’autre organisation syndicale patronale, qui représente la majorité des petites, moyennes et très petites entreprises.

25 Flash d’information de l’USP (Union des entreprises de sécurité privée) le 07 décembre 2006

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Les prestataires sociaux de la branche parlent donc de métier et non de profession, sauf dans les publicités où les toutes petites entreprises n’hésitent pas à dire : « notre entreprise met à votre disposition des professionnels compétents ». Nous pouvons donc constater que le métier désigne l’ensemble des tâches, la plupart du temps physiques ou manuelles, regroupées en fonctions (ou activités), alors que la profession serait une forme de travail davantage intellectuel et s’exercerait avec autonomie, de manière libérale. Cependant la distinction ne semble pas toujours évidente. Dans les faits, la distinction est donc plutôt sociale. Elle n’est pas aussi nette dans la réalité. Les deux termes ont en effet beaucoup en commun. Métier et profession regroupent les gens qui s’y consacrent en corps professionnel. Ce corps professionnel reconnaît la qualification de ses membres, et la qualification vient elle-même de connaissances et de compétences acquises dans le cadre d’un programme de formation dite professionnelle. C’est-à-dire la maîtrise d’un savoir et d’un savoir-faire au moyen d’études pratiques, techniques ou abstraites, faisant appel aux meilleurs modèles théoriques et pratiques qui se sont accumulés à l’intérieur d’un domaine de travail. Une formation professionnelle permet parfois l’exercice de plusieurs professions apparentées. De même, une profession peut être exercée par des gens qui ont des formations différentes.

L’accord du 1er décembre, signé par l’USP, définit spécifiquement les programmes de formation se rapportant à un seul métier défini et classifié à un niveau conventionnel (un programme de formation pour un seul métier). Nous définissons également la carrière comme l’évolution de la vie de travail. Elle correspond à la succession des emplois occupés et des professions qui ont été exercées au cours d’une période donnée. Ce terme renvoie aussi à l’itinéraire d’avancement que l’on retrouve dans des grandes organisations comme les forces armées et la fonction publique. Jusqu’à présent, un agent de sécurité pouvait rester avec le même coefficient conventionnel jusqu’à son départ à la retraite, perspective de carrière que ne prévoit toujours pas l’accord sur les métiers repères du 1er décembre 2006, qui divise le travail en le rapprochant de la société de la peur et non de la société du risque.

I-7-5- La professionnalisation de la police municipale

Les policiers municipaux sont à notre sens les acteurs les plus proches de notre secteur, de par leurs actions préventives (police administrative) de proximité ; c’est pourquoi nous avons étudié leur professionnalisation à titre de comparaison. Un protocole d’accord relatif à la professionnalisation de la police nationale vient d’être signé par Monsieur Brice Hortefeux, Ministre délégué aux collectivités territoriales, et plusieurs syndicats représentant les policiers municipaux, après deux ans de négociations. Il concerne notamment la création des postes de directeur de police, la restructuration du cadre d’emplois d’agents, les déroulements de carrières et la formation.

Monsieur Brice a rappelé la « montée en puissance » de la police municipale, les effectifs ayant triplé en vingt ans (17 500 policiers municipaux aujourd’hui) et le nombre de communes disposant d’une police municipale (3 350 communes aujourd’hui) ayant doublé sur la même période.

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Au terme de ce protocole, une nouvelle architecture est mise en place. Un emploi de directeur de police pourra être créé, dès lors qu’une commune compte plus de 40 policiers municipaux (la mesure ne devrait concerner que 52 communes, une même commune pouvant prévoir le recrutement de plusieurs directeurs). Il est également prévu de renforcer l’encadrement intermédiaire, avec un accroissement des effectifs des chefs de service. Près de 900 chefs de police municipale devraient être concernés par cette disposition. Le deuxième grand objectif du protocole est la reconnaissance de la qualification et des responsabilités demandées aux agents de police municipale. Enfin le troisième axe concerne la formation, avec une modification du contenu de la formation initiale et continue pour « tenir compte de l’évolution rapide du métier tant en ce qui concerne les connaissances juridiques et réglementaires que les aspects comportementaux en situations de fortes tensions ». Une partie des dispositions prévues par l’accord doit encore, pour se concrétiser, faire l’objet de textes réglementaires, lesquels devraient être élaborés avant la fin 2006.

C’est ainsi que le décret N°20006-1409 du 20 novembre 2006 instaure une véritable carte professionnelle de Police Municipale, pris en application de l’article L.412-52 du code des communes ; il fixe ces caractéristiques communes à tous les policiers municipaux.

I-7-5-1- Le métier : entre repli et ouverture d’un travail sur autrui :

Il apparaît ainsi, à travers cet exemple de professionnalisation de la Police Municipale, que la profession absorbe non seulement le métier mais vise à lui conférer une dimension dynamique. Dans le langage commun, il est couramment évoqué le métier d’infirmière et la profession de médecin ; le premier se réfère à un ensemble d’actes circonscrits à une technicité établie, la qualification en ce cas suffit à garantir la compétence ; la seconde induit en plus de cette dernière un espace effectif de décision. C’est cette latitude de l’acteur qui est au centre des enjeux d’une redéfinition de la professionnalité. Le métier de policier municipal a constitué une référence forte sur laquelle a pu se construire une identité professionnelle et personnelle revendiquée. En effet le métier (d’une manière générique) offrait, jusqu’à il y a peu, un cadre de références stabilisateur pour la raison qu’il repose sur la recherche de réponses invariantes, dont les acteurs attendent qu’elles « marchent », sans analyse singulière de chaque situation et avec un investissement personnel limité (J.P. Astolfi : 2003, P. 38)26. Certaines associations, à l’exemple des compagnons du devoir, tentent de concilier évolution et pérennisation de certains modèles d’organisation des métiers (François Dubet)27.

26 ASTOLFI J.P. (dir), Education et formation : Nouvelles questions nouveaux métiers, Paris ESF, 2003. 27 DUBET F. Le déclin des institutions, Seuil, 2002

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Lorsqu’il s’agit des médecins, E.C. Hughes28 considère la translation effective du métier vers la profession comme résultant et relevant d’une question d’intérêt public. P. Perrenoud note que « si toutes les professions sont des métiers, l’inverse n’est pas vrai (2001) ; il part du principe que la professionnalisation d’un métier qu’il soit signifie l’autonomie offerte au professionnel de choisir ses méthodes et ses moyens d’action et en assurer la responsabilité. En ce sens une « sortie du métier ne peut s’opérer que lorsque la part d’initiative, de décision devient prépondérante, lorsque le rapport au savoir se modifie en profondeur. On passe alors d’une logique du « commandement » à une logique de la « compétence ».)29. Les savoirs d’expérience acquis dans le cadre d’une transmission initiative sont alors revisités, reconsidérés dans le sens d’une nouvelle disponibilité. Des savoirs théoriques renouvelés complètent le repositionnement engagé. Un autre élément qu’il convient de considérer, c’est le passage de la relation à autrui dans l’exercice évolutif des métiers de prévention, de la sécurité et de la surveillance humaine. Cette relation, qui est véhiculée par la société du risque immatériel, exige de l’acteur opérationnel sa contribution au maintien du lien social comme « agent régulateur » d’un ordre contextuel défini par un acte marchand délégué en droit. L’opérateur ne se positionne plus dans le rôle du « passif » dévolu par les logiques organisationnelles à dominante prescriptive. A l’exemple des professions de la santé dans lesquelles la relation entre le soignant et le soigné ne peut plus se réduire aux soins exclusifs du corps, expropriant systématiquement « l’esprit ». C’est ainsi que le rapport au savoir va se trouver alors questionné par un ensemble de facteurs. C’est l’état régulateur du système sécuritaire qui, en reconnaissant les contenus des formations, impose, dans la loi sur la prévention de la délinquance du 07 mars 2007, des dispositions diverses comme moyens complémentaires contribuant à la régulation de l’ordre public, et notamment une carte professionnelle préalable aux emplois du secteur (privé de sécurité).

Dans ce modèle moderniste, la formation tend à devenir progressivement le critère décisionnel de toute professionnalité. Les modèles de formation sont non seulement reconsidérés mais plus encore surinvestis de tous les enjeux : progression, adaptation, reconnaissance, professionnalité, etc. … Les diplômes d’Etat, tels que le CAP d’agent de prévention et de sécurité, à l’exemple de celui d’infirmière, sont de facto obsolètes dans le contexte européen, en raison des diverses dispositions réglementaires. D’autre part, la formation initiale, qui dure deux années, ne tient pas compte des conditions exigées par la professionnalisation qui place l’acteur en position de régulateur et non d’applicateur. Cette transition du passif à l’actif d’un travail sur autrui transforme le Métier de « vigile » en « agent de sécurité » où la prévention prime sur l’intervention.

Les deux syndicats patronaux de la branche sécurité et surveillance humaine, l’U.S.P. (Union Nationale de Sécurité privée) et le S.N.E.S. (Syndicat National des Entreprises de Sécurité), s’inspirent des décrets ministériels de 2005 sur les obligations d’aptitudes professionnelles et revendiquent indépendamment la professionnalisation. Ils créent un CQP (Certificat de Qualification Professionnelle) de la branche par l’intermédiaire de leur CPNEFP (Commission Paritaire Nationale de l’Emploi et de

28 HUGHES E.C., « La fabrication du médecin », les sciences de l’éducation – Pour l’école nouvelle, la formation des soignants, 2003, vol.36, N02, PP.57-70 29 ARDOUIN T. Ingénierie de formation pour l’entreprise : Dunod 2003, 272 P.

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la Formation Professionnelle Prévention Sécurité) censé intégrer le programme imposé par le décret sur l’aptitude professionnelle. La Commission Nationale de la Certification Professionnelle refusera de l’inscrire, renvoyant ainsi les partenaires sociaux à de nouvelles négociations, car aptitude ne voudrait pas dire qualification, mais « accès » à la profession.

I-7-6- Evolution d’un secteur économique à travers une histoire dégradée

350 EURL (entreprises unipersonnelles à responsabilité limité) se sont créées au 1er trimestre 2006. On constate également milles dispositions par an (depuis cette date), engendrant 28% de pertes par rapport au marché global de la surveillance humaine. Plus de 130 000 salariés composent actuellement le secteur (avec un turn-over de 27%. On constate également une montée en puissance du travail illégal (sous-traitance illicite, travail dissimulé). Le centre d’analyse stratégique des entreprises (ex commissariat au plan), prévoit un besoin de main d’œuvre de plus de 90 000 personnes d’ici 2015.

Cette histoire dégradée du secteur est source d’actions illégales depuis les années 1970, un cadrage réglementaire mal défini ; des formations professionnelles initiales et continues inadaptées au contexte de la modernité30, divisent l’acteur plus qu’elles ne l’accompagnent vers l’autonomie et la capacité réflexive. Dans ce nouveau contexte immatériel, induit par la société du risque, l’acteur se voit obligé de décentrer ses capacités techniques (objectives) vers des capacités subjectives de plus en plus complexes. Ce changement oblige le secteur, malgré les résistances de risques économiques d’un marché de la peur existentiel, à se placer vers la voie de la professionnalisation. C’est pourquoi nous avons intitulé notre recherche sur le secteur privé de sécurité et de surveillance humaine : entre prévention et intervention – risques et enjeux de la professionnalisation. Nous voulons démontrer, à travers les paradigmes descriptifs et explicatifs, cette typologie de professionnalisation et l’écart existant avec la société du risque pour faire évoluer la connaissance et faire avancer la recherche. L’évolution du secteur et les stratégies engagées par les acteurs économiques et institutionnels induisent des typologies identitaires que nous cherchons à mettre en évidence, en interrogeant concrètement le rapport au savoir qui structure ces nouvelles formes identitaires. Cette professionnalisation est le produit d’une politique institutionnelle qui vise à mieux contrôler le marché, et d’une professionnalisation d’adaptation à l’emploi d’une économie de Marché animée par le profit. C’est donc une professionnalisation qui vise l’adaptation et non l’autonomie de l’individu. C’est le fruit d’une négociation partagée qui s’oppose à l’évolution de l’individu et favorise l’économique.

30 Anthony GIDDENS – Les conséquences de la modernité – Paris, L’Harmattan, 1994

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I-8- THEORIES DE REFERENCES La problématique de la professionnalisation du secteur privé de sécurité et de surveillance humaine, telle que nous l’observons, peut être examinée à l’aune de deux théories. La première émane de la didactique professionnelle et d’une réflexion de Pierre Pastre qui consiste dans « la mise de la situation professionnelle au cœur de la formation ». D’après Brousseau (1998), les situations sont des ingrédients indispensables pour la mise en œuvre de l’activité didactique. Mais il faut qu’il existe au préalable un processus d’analyse de la situation. On sait que l’apprentissage sur le tas, par immersion, constitue le moyen le plus répandu de professionnalisation. Mais tout ne s’apprend pas sur le tas, et nous constatons sur le terrain la difficulté permanente de distinguer ce qui relève de l’ordre des routines, de l’application stricte des procédures, ou des stratégies qui reposent davantage sur un diagnostic et une analyse. L’action de formation ne devient professionnaliste que si elle intègre alors cette analyse de l’activité. Et dans une perspective de développement des compétences, on peut dire qu’elle consiste à voir comment se fait la conceptualisation dans l’action.

Nous introduisons ainsi deux notions :

� La structure conceptuelle d’une situation :

C’est-à-dire les dimensions essentielles d’une situation qui permettent aux professionnels de ne pas se noyer dans la complexité de la situation, et de faire ainsi un vrai diagnostic ;

� Les relations de signification : Repérer les connaissances nécessaires à l’action (les savoirs savoureux de J. P. Astolfi).

La seconde émane de la sociologie des professions et de la réflexion de Mokhtar Kaddouri, et qui porte sur les questions que soulèvent les rapports entre professionnalisation et dynamiques identitaires. Mokhtar Kadouri 31considère d’une part les politiques et les dispositifs de professionnalisation comme l’une des expressions du projet identitaire institutionnel sur les personnes (place assignée), et d’autre part l’engagement dans ces dispositifs comme l’un des indicateurs des dynamiques identitaires individuelles (place revendiquée).

Mais, comme le note Vincent Lang (1999)32, le terme de professionnalisation est utilisé de façon intensive dans différents champs et contextes socioprofessionnels et « fait l’objet d’interprétations et de polémiques multiples », et notamment dans des « corps de métiers qui ne disposent pas de modèle achevé en la matière ».

31 Maryvonne SOREL et Richard WITTORSKI – La professionnalisation en actes et en questions – L’Harmattan 2005, P. 271 32 Maryvonne SOREL et Richard WITTORSKI – La professionnalisation en actes et en questions – L’Harmattan 2005, P. 271

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Sa polysémie, amplifiée par son usage indifférencié, laisse subsister des confusions et des ambigüités qui risquent de cacher les fonctions et les rôles des dispositifs et des pratiques qu’il désigne. Ces confusions concernent, notamment, l’objet cible et la direction de la professionnalisation :

- Objet cible : Ce sur quoi porte la professionnalisation (n’est pas explicitement

indiqué dans et par le terme en question). De quelle professionnalisation s’agit-il ? S’agit-il de la professionnalisation des « métiers », des personnes ou des postes qu’elles occupent ? Un hiérarchique peut être d’accord sur la professionnalisation d’une activité mais en opposition à celle qui concerne la personne qui l’effectue, ce qui peut conduire à l’éjection de son titulaire et à son remplacement par quelqu’un d’autre jugé plus stratégique.

- La direction33 qu’emprunte la professionnalisation n’est pas non plus indiquée par la notion, d’où la question de qui professionnalise qui ? S’agit-il d’une professionnalisation à l’initiative d’un individu à son propre égard ? S’agit-il d’une professionnalisation à l’initiative des responsables institutionnels en direction de leurs personnels ? S’agit-il, encore, d’une professionnalisation collective revendiquée par un groupe professionnel ?

Dans le premier cas, on est face à un projet de soi sur soi qui témoigne d’un engagement personnel dans une démarche pour se professionnaliser. Dans le deuxième, on est face à une décision exogène. C’est-à-dire devant un projet d’autrui visant à professionnaliser quelqu’un d’autre que soi même. Dans le troisième cas, il s’agit d’une démarche d’un groupe social donné, qui œuvre pour la professionnalisation collective de ses membres et pour la reconnaissance sociale et institutionnelle de la professionnalité qui en résulte.

On distingue trois types de professionnalisation :

� Le projet institutionnel relève de l’initiative des responsables et exprime la politique institutionnelle de professionnalisation du personnel. Il vise, notamment, l’intériorisation des normes et des valeurs institutionnelles par les membres de l’organisation ;

� Le projet collectif est porté par un groupe professionnel. C’est à ce niveau que l’on

trouve ce que Raymond Bourdoncle (1991) appelle « professionnisme ». Terme qu’il utilise « pour désigner les stratégies collectives de transformation de l’activité en profession » ;

� Le projet personnel relève d’une initiative individuelle. Sa différence avec le

projet institutionnel réside dans le fait que, dans un cas, c’est l’institution qui porte le projet avec ou sans l’accord de l’individu, alors que, dans le deuxième cas, c’est l’individu qui est porteur du projet avec ou sans l’accord de l’institution.

33 Entendue dans le sens de « ligne suivant laquelle un corps se déplace », dictionnaire actuel de la langue française, 1991.

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La professionnalisation est donc un processus complexe et multiforme qui vise la construction d’une professionnalité individuelle ou collective. Ce processus s’alimente et se nourrit du croisement des trois projets, institutionnel, collectif et personnel.

Schématisation34 : Mais quel est le rapport entre ces différents projets, et plus précisément entre projet institutionnel et projet personnel d’un côté, et/ou collectif de l’autre ? Leur complémentarité ou leurs décalages vont générer des tensions dans les rapports de l’individu aux responsables de son organisation. Les opérateurs mettront alors en place différentes stratégies identitaires pour faire face à ces décalages et tenter de se sortir sans conséquences déséquilibrantes ou dévastatrices pour eux.

I-8-1- Hypothèse de réflexion

Notre hypothèse générale en l’amorce de cette étude est que la voie actuelle de la professionnalisation est une voie institutionnelle auto régulée par l’état garant de la sécurité citoyenne. Il s’agit donc d’une professionnalisation « assignée » et non d’une professionnalisation « voulue » ou revendiquée. Et, même si elle correspond plus à la société du risque, « la prévention », qu’à la société de la peur, « l’intervention », elle est immédiate et suscite la méfiance et au pire l’hostilité des bénéficiaires.

Pour corroborer ou infirmer cette hypothèse, nous nous sommes proposé de la soumettre à l’épreuve de terrain, à travers des entretiens, des analyses de documents principalement, mais aussi à travers des observations directes, étant entendu que les principales interrogations qui nous préoccupent sont : quelle est la perception des différents acteurs chargés de la formation de l’éducation et des opérateurs face au processus de professionnalisation en marche, ainsi que des forces officielles de sécurité de l’état, et finalement quelles différences y a-t-il entre ces perceptions ?

34 Maryvonne SOREL et Richard WITTORSKI – La professionnalisation en actes et en questions – L’Harmattan 2005, P. 271

Projet institutionnel de professionnalisation

Projet personnel de professionnalisation

Projet collectif de professionnalisation

Professionnalisation

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Mais, avant d’en arriver là et d’explorer le contexte général de la collecte des données, faisons d’abord quelques précisions sur les dynamiques identitaires mises en jeu.

1-8-2- Précisions sur les dynamiques identitaires mises en jeu35

En effet, l’identité n’est pas figée, mais elle est à considérer dans son évolution. Ce n’est pas qu’un « état », mais également un « devenir ». Sa construction n’est pas le résultat de la norme des expériences personnelles et sociales mais de « remaniements et de tentatives d’intégration plus ou moins réussies » (Marc E. 1996). D’autre part, « les dynamiques identitaires » constituent « le potentiel énergétique » du sujet (Kadouri, 2001), elles sont composées d’un ensemble de tensions : des tensions entre les différentes composantes de l’identité et des tensions vers un projet identitaire. Le entre et le vers sont importants. En effet, le « entre » sans le « vers » risque d’enfermer la dynamique dans un cercle figé ne permettant pas l’évolution. Le « vers » constitue l’orientation identitaire à laquelle l’individu aspire et souhaite pour lui. C’est cette orientation et les tensions qui la sous-tendent, qui donnent lieu à des stratégies identitaires. Ces stratégies identitaires, identifiées par Mokhtar Kadouri (1999), sont entendues ici dans le sens de l’ensemble des actes et des discours ayant pour fonction de réduire, de maintenir ou d’empêcher l’avènement des écarts entre « l’identité pour soi » et « l’identité pour autrui », et entre « l’identité héritée » et « l’identité visée ». Ces stratégies auront pour but de combler les écarts entre « l’identité pour soi », et « l’identité pour autrui », et entre « l’identité héritée » et « l’identité visée », exprimée à travers le projet personnel de professionnalisation. Nous cherchons ainsi à mettre en évidence le processus de professionnalisation pour comprendre comment les individus vont pouvoir construire leurs identités professionnelles. Nous verrons alors si cette professionnalisation peut combler les écarts entre « identité pour soi », exprimée à travers le projet personnel de professionnalisation. Nous verrons également comment le projet institutionnel de professionnalisation de l’individu est véhiculé par les dynamiques sociales engagées et produites par les risques et les enjeux des forces en présence. Nous en déduirons alors les diverses typologies identitaires induites par une politique de partage entre « l’Etat et le Marché ».

35 Maryvonne SOREL et Richard WITTORSKI, La professionnalisation en actes et en questions – L’Harmattan – 2005, P. 271

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DEUXIEME PARTIE

APPROCHE METHODOLOGIQUE

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II-1- POPULATON ET ECHANTILLONNAGE

II-1-1- Des forces de sécurité publique acteurs de proximités de sécurité et de sûreté

Les acteurs publics de sécurité constituent une des populations qui nous a particulièrement intéressé dans le cadre de cette étude. En effet, ils sont au cœur du processus car ce sont eux qui complètent les actions sur le terrain. Une investigation auprès des responsables des divers services de sécurité de l’Etat (nous a t-il semblé) était nécessaire pour comprendre ce que ceux-ci pensent et attendent des interventions des acteurs publics de sécurité dans les différents contextes sécuritaires. Ils sont mieux placés pour dire s’ils y trouvent une suffisante ou nécessaire complémentarité. Cette complémentarité est-elle visible sur le terrain, correspond elle à leurs attentes et sont-ils favorables à cette complémentarité ? Les responsables qui ont effectivement participé aux entretiens ont été sélectionnés en fonction de leur statut hiérarchique, de leur connaissance de notre secteur, mais aussi et surtout de leur expérience et de leur disponibilité à participer à l’enquête.

Tableau 1 : Récapitulatif des personnes interviewées – Acteurs publics de sécurité

Statut

Sexe

Age

Activité

Localité

Entretien 1

Chef de service

Masculin

52 ans

Police de l’air et des frontières aéroport

Mérignac (près de Bordeaux

Entretien 2

Chef de service

Masculin

55 ans

Police municipale

Bordeaux

Entretien 3

Chef de service

Masculin

50 ans

Formation Police Nationale

Bordeaux

Entretien 4

Chef de service

Masculin 50 ans

Formation Sapeurs Pompiers

Bordeaux

Entretien 5

Chef de service

Masculin 47 ans

Service Prévention Sapeurs Pompiers

Bordeaux

Le premier entretien avec les acteurs publics de sécurité s’est effectué avec le chef de service de la police de l’air et des frontières de l’aéroport de Mérignac. La police de l’air et des frontières contrôle et évalue les actions des agents de sûreté aéroportuaires chargés du contrôle des bagages et des passagers. Le service de la police de l’air et des frontières contrôle et évalue leurs activités spécifiquement réglementées par le code de l’aviation civile en terme de formation et de moralité. D’autre part, ce service procède à des évaluations opérationnelles simulées de ces personnels afin de vérifier la fiabilité du dispositif mis en place par les entreprises privées de sécurité, il rédige un rapport aux autorités compétentes (Procureur de la république et préfet). Ce service conseille également le donneur d’ordre (la chambre de commerce), lors du lancement d’un appel d’offres aux prestataires privés, compte tenu des interférences possibles en matière de sécurité générale (cette fonction n’est pas obligatoire).

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Le second entretien s’est déroulé avec le chef de service de la police municipale de Bordeaux. 55 ans et ancien gendarme reconverti, il dirige la police municipale et rencontre souvent les acteurs privés de sécurité sur le terrain, car la mairie fait appel à eux pour compléter certaines activités de la police municipale (surveillance et gardiennage). Le troisième entretien s’est déroulé avec le chef de service de la formation de la police nationale de Bordeaux. Agé de 50 ans, ce policier ayant exercé des fonctions de police judiciaire connaît bien tous les secteurs d’intervention des acteurs privés de sécurité et leurs missions réglementées sur leurs divers territoires d’action. Il connaît également les formations initiales et diplômantes des acteurs privés de sécurité. Le quatrième entretien s’est déroulé avec le chef de service des sapeurs pompiers rattaché au SDIS 33, chargé de la plateforme technique de formation de la communauté urbaine de Bordeaux. Ce chef de corps des sapeurs pompiers, âgé de 50 ans, coordonne les formations initiales avec le Lycée Professionnel de Bègles (Banlieue bordelaise) des métiers de la sécurité. Le cinquième entretien s’est déroulé avec le représentant du service départemental d’incendie et de secours de la Gironde (SDIS 33), chargé des questions relatives à l’application de l’arrêté du 02 mai 2005 sur les services permanents de sécurité incendie et d’assistantes à personnes. Ce service est chargé de vérifier sur le terrain l’aptitude des agents à exercer leurs fonctions, expertiser les dossiers des demandes d’agréments des centres de formation.

II-1-2- Des donneurs d’ordre (et chefs de services internes de sécurité)

Ces acteurs interviennent avant et pendant la mise en place des organisations opérationnelles que ce soit en phase d’élaboration ou de réception de l’appel d’offre (ou pendant la mise en place de l’organisation opérationnelle). Ils choisissent et évaluent sur le terrain les prestations, et à ce titre sont coresponsables de l’action du fournisseur de la prestation. Notre échantillonnage, ici, comprend quatre donneurs d’ordre, dont deux sont également chefs de services internes de sécurité. Ces donneurs d’ordre ont été sélectionnés sur la base de leurs expériences et compte tenu de la disposition de leurs territoires représentatifs de la société de risque.

Tableau 2 : Récapitulatif des donneurs d’ordre (et chefs de services internes de sécurité)

Statut

Sexe

Age

Site

Localité

Entretien 1

Ingénieur

Masculin

55 ans

Administratif

Bordeaux

Entretien 2

Chef de sécurité

Masculin

52 ans

Administratif

Bordeaux

Entretien 3

Chef de sécurité

Masculin

46 ans

Grande surface

Bordeaux

L’entretien n°1 s’est déroulé avec E. A ; ingénieur en chef d’un site administratif. Il occupe des fonctions techniques à usage de tous les bâtiments, rattaché de la fonction publique territoriale

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du département de la Gironde et en charge, entre autres fonctions, de la sécurité des bâtiments (sécurité et sûreté).

L’entretien n°2 s’est déroulé avec D.A., chef de service de sécurité incendie d’un bâtiment classé de type établissement recevant du public et immeuble de grande hauteur. D. A. est un ancien militaire reconverti.

L’entretien n°3 s’est déroulé avec PH. D., chef de service de sécurité d’une grande enseigne. Ph. D. est un ancien militaire reconverti depuis une dizaine d’années.

II-1-3- Des acteurs chargés de la formation et de l’emploi

Ces acteurs interviennent à plusieurs niveaux du processus de formation, et contribuent à ce titre à la professionnalisation.

Tableau n°3 : Récapitulatif des acteurs de la formation et de l’emploi

Statut

Sexe

Age

Entité

Activité

Localité

Entretien 1

Responsable Régional du secteur

Féminin

36 ans

Conseil Régional

Chargée du plan régional de formation(P R F)

Bordeaux

Entretien 2

Formateur

Masculin

35 ans

AFPA

Enseignant des matières professionnelles (titre AFPA ,agent de sécurité et de sureté privé)

Lyon

Entretien 3

Enseignant

Masculin

55 ans

Education Nationale

Enseignant des matières professionnelles ( CAP agent de prévention et de sécurité)

Bordeaux

Entretien 4

Conseiller en validation des acquis de l’expérience

Féminin

44 ans

Education Nationale

Chargée de l’analyse de la demande (collective et individuelle), et projet VAE Européen

Bordeaux

L’entretien n°1 s’est déroulé avec A.A., responsable de l’analyse des besoins de formation du secteur pour la région Aquitaine. Cette personne est chargée d’analyser le demande des besoins de recrutement et de formation du secteur pour le placement de personnes (jeunes ou adultes) en difficulté.

L’entretien n°2 s’est déroulé avec un formateur AFPA des matières professionnelles du titre « agent de sécurité et de sûreté privée ». Ce formateur est un ancien gendarme reconverti à la formation des acteurs privés de sécurité et de surveillance humaine pour l’AFPA depuis 20 ans. L’entretien n°3 s’est déroulé avec C.K. 55 ans, enseignant de filière d’électronique reconverti à la filière des métiers de la sécurité depuis une dizaine d’années. C.K. est chargé de dispenser les matières professionnelles des diplômes CAP – BP et mention

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complémentaire dans un lycée d’enseignement professionnel à Bègles (ville de la région de Bordeaux). L’entretien n°4 s’est déroulé avec S.P., conseillère en validation des acquis de l’expérience par la DAVA (Délégation académique de validation des acquis de l’académie de Bordeaux). S.P. intervient dans le cadre de l’analyse de la demande collective et individuelle des divers secteurs d’activité et notamment des métiers de la sécurité.

II-1-4- Des acteurs opérateurs, anciens élèves de formation initiale

Ces acteurs ont reçu la formation initiale en continue (actuelle) et exercent des fonctions de sécurité privée et de surveillance humaine. Ils sont donc en mesure de vérifier si leur formation correspond à leurs fonctions.

Tableau n°4 : Récapitulatif des anciens élèves (formation initiale et continue)

Statut

Sexe

Age

Entité

Localité

Entretien 1

Agent de sécurité

Féminin

20 ans

Entreprise privée de sécurité

Bordeaux

Entretien 2

Stagiaire Brevet Professionnel de sécurité

Féminin

21 ans

Entreprise publique

Bordeaux

Entretien 3

Agent de sécurité

Masculin

36 ans

Entreprise privée de sécurité

Bordeaux

Entretien 4

Agent de sécurité

Masculin

40 ans

Entreprise privée de sécurité

Bordeaux

L’entretien n°1 s’est déroulé avec E.B., agent de prévention et de sécurité (titulaire du CAP) en poste de contrôle des accès et de filtrage « Plan Vigipirate » pour une entreprise privée de sécurité et détachée sur un site administratif. Cette opératrice est chargée d’appliquer le plan départemental de vigilance aux accédants d’un immeuble administratif au cœur de Bordeaux. Elle est titulaire du CAP d’agent de sécurité et de la mention complémentaire sécurité civile et d’entreprise. L’entretien n°2 s’est déroulé avec un agent de sécurité stagiaire dans le cadre du Brevet professionnel d’agent technique de prévention et de sécurité, en poste (pendant le stage) dans un service de sécurité incendie d’un bâtiment administratif. Cette jeune fille est titulaire du CAP d’agent de prévention et de sécurité et de la mention complémentaire (au CAP) de sécurité civile et d’entreprise et se dirige vers des postes d’encadrement. L’entretien n°3 s’est déroulé avec S.S., agent de sécurité pour une entreprise privée de sécurité ayant une expérience privée de 10 années dans le secteur privé de la sécurité et de la surveillance humaine et titulaire du CAP d’agent de prévention et de sécurité depuis 1996.

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L’entretien n°4 s’est déroulé avec G.M., agent de sécurité pour une entreprise privée de sécurité ayant une expérience de 10 années dans le secteur de la sécurité et de la surveillance humaine et titulaire du CAP d’agent de prévention et de sécurité depuis 1997.

II-2- COLLECTE DE DONNEES Nous avons privilégié trois modèles d’investigation pour le recueil des données dans la présente recherche. Il s’agit des entretiens semi-directs, des observations directes et d’explicitation documentaire.

II-2-1- Des entretiens

Notre étude exigeait à la fois (d’après nous) un paradigme aussi bien descriptif qu’explicatif (procédure clinique). Aussi, avons-nous privilégié les entretiens plutôt que les questionnaires, étant entendu que nous nous intéressions au sens que les divers acteurs donnent au processus de professionnalisation à travers les interprétations qu’ils faisaient de leurs pratiques. Nous avons pensé que l’entretien nous offrait davantage de possibilités pour recueillir des éléments d’analyse beaucoup plus profonds. L’enquête a consisté à interroger les personnels des services de sécurité officiels qui rencontrent sur le terrain les acteurs privés (de sécurité) lors de leurs interventions, les personnes chargés de la formation et de l’emploi de la région Aquitaine, le personnel enseignant et les opérateurs donneurs d’ordre sur leurs expériences, leurs missions, leurs relations et leurs opinions sur le dispositif de professionnalisation en général et sur leurs interventions directes ou indirectes dans le secteur privé de sécurité et de surveillance humaine en particulier. Nous avons élaboré quatre guides d’entretien : un destiné aux acteurs publics de sécurité policiers et pompiers, un autre destiné aux donneurs d’ordre et chefs de sécurité, un autre destiné aux acteurs chargés de la formation et de l’emploi, puis un enfin un dernier destiné aux opérateurs. Les entretiens se sont étendus d’avril à juin 2007, en fonction de l’emploi du temps de nos interviewés. Ils se sont déroulés dans un parfait climat de confiance, de sincérité et de courtoisie. Notre connaissance approfondie des deux milieux (celui de la formation et de l’enseignement, et celui du monde professionnel public et privé) nous a permis d’établir de très bons rapports interprofessionnels, permettant à nos différents interlocuteurs d’être à l’aise au cours des entretiens. Même si notre position d’expert et de formateur a sans doute pu influencer le contenu de certains entretiens, nous estimons dans l’ensemble nous être entretenu avec des personnes expérimentées et conscientes des enjeux d’une telle recherche, de sorte qu’elles se sont exprimés sans fard.

II-2-2- Des observations directes

Nous avons une idée concrète et précise des situations de travail et de la formation initiale et continue des opérateurs, car nous les vivons tous les jours sur le terrain depuis plus d’une vingtaine d’années, et nous pouvons les décrire dans tous les états. C’est pourquoi nous avons mis l’accent sur notre observation participante.

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En effet, la faible visibilité que présente le champ de la sphère privée de sécurité et de surveillance humaine, et sa difficulté d’accès, rendent nécessaire une méthode qui permette le contact direct avec tous les acteurs sur le Terrain : « l’observation participante ». Nous pensons tout de même qu’une telle méthode reste délicate, étant donné que l’implication personnelle du chercheur entraîne la modification de l’objet et va nous conduire à une certaine subjectivité, mais elle nous a semblé la mieux adaptée pour permettre grâce à notre parcours professionnel (et de formation) comprenant une carrière induite par un changement constant d’activités sectorielles, de position hiérarchique ou de distance par rapport à l’objet, de diversifier nos points de vue pour rendre compte de la complexité de l’objet étudié. Nous pensons en effet, que l’observation participante est la méthode la plus appropriée pour essayer de comprendre la complexité d’un champ comme la sécurité privée et la surveillance humaine. Mais nous devons préciser que ce dispositif nous a facilité l’accès aux données ; il fait émerger le risque de ne voir qu’un point de vue (celui du professionnel), ce qui nous a poussé à un moment donné à mettre l’objet à distance, pour le voir comme un observateur et non plus comme un acteur. C’est dans un rapport plus individualisé et profond avec la personne, grâce à l’entretien, que le sociologue tente de s’imprégner du sens que les acteurs donnent à leur pratique. Le défi consiste ensuite à dépasser les simples énoncés individuels pour faire émerger à partir d’extraits particulièrement éclairants des aspects fondamentaux qui permettent de comprendre le groupe social étudié36 (Diaz, 2005 P. 3). L’entretien est pour nous un outil privilégié. Il nous a permis de repérer les personnes rencontrées et de croiser les informations obtenues avec celles des autres acteurs du champ. C’est grâce aux entretiens que nous avons une vision plus exhaustive de l’ensemble des acteurs. Nous nous sommes rapidement rendu compte à travers les entretiens du décalage entre le discours et la réalité que ne peut déceler un étudiant ordinaire. Nous avons pris également conscience des écarts entre le discours qui nous était donné (mais aussi les comportements, les positionnements, les activités, les actions et décisions, etc.) par les acteurs et les pratiques (discours très positif de leur méthode et de leur mode de fonctionnement, évoquant rarement les problèmes rencontrées). Au fil de la recherche, nous avons acquis de l’expérience, notre réseau de connaissance s’est agrandi et notre questionnement est devenu plus pertinent et plus légitime. C’est la prise de conscience de nos propres limites qui nous a permis de prendre le recul nécessaire. Durkheim (1895) considère que les descriptions de l’acteur sont trop vagues, trop ambigües pour permettre au chercheur d’en faire un usage scientifique.

Pour Bourdieu (1978) le sociologue n’a quelque chance de réussir son travail d’objectivation que si, observateur observé, il soumet à l’objectivation non seulement tout ce qu’il est, ses propres conditions sociales de production et par là les « limites de son cerveau », mais aussi son propre travail d’objectivation, les intérêts cachés qui s’y trouvent investis, les profits qu’ils promettent. Deuxième limite mise en évidence par Bourdieu (1978), on ne peut pas nier la contradiction pratique : chacun sait combien il est difficile d’être à la fois pris dans le jeu et de l’observer. Quand on joue on ne peut pas tout faire à la fois, on ne peut pas jouer et prendre le temps de voir ce que l’on fait.

Au contraire, plusieurs auteurs (notamment Chapoulie – 1985, 1996, 2001), s’appuyant sur la tradition sociologique de l’école de Chicago, ont montré l’apport irremplaçable de l’observation

36 Frédéric DIAZ : « L’observation participante comme outil de compréhension du champ de la sécurité » – Revue champ pénal, 2005 – CNRS (Centre National de Recherche Scientifique).

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(à commencer par Thrasher -1927, Whyte – 1943) et plus tard de l’observation participante (Anderson – 1923) et d’une autre façon Shaw – 1930, 1931), il en est de même des interactionnistes théoriciens de l’étiquetage et disciples de Hughes (1996), mais aussi de Mead (1934), de Blumer (1962, 1969), et plus tard de Becker (1963, 2002). On pourrait enfin ajouter des ethnométhodologues dans la suite des travaux de Garfinkel (1967) qui cherchent à appréhender la manière dont les acteurs construisent leur réalité au fil de leurs activités quotidiennes. Le sociologue doit cesser d’être un étranger observant des étrangers (Coulon, 1992). Il doit rendre compte dorénavant d’observations qu’il a faites non pas comme un étranger à part entière mais dans une certaine mesure en tant que membre d’un groupe (Hughes, 1996). « Pour comprendre le processus (d’interprétation), le chercheur doit prendre le rôle de l’acteur dont il se propose d’étudier le comportement. Etant donné que l’interprétation est donnée par l’acteur, dans les termes des aspects désignés et appréciés, de significations acquises et de décisions prises, le processus doit être considéré du point de vue de l’acteur (…). Essayer de saisir le processus d’interprétation en restant à l’écart, comme observateur dit « objectif », et en refusant de prendre le rôle de l’acteur, c’est risquer la pire forme de subjectivisme : celle dans laquelle l’observateur objectif, au lieu de saisir le processus d’interprétation tel qu’il se produit dans l’expérience de l’acteur, lui substitue ses propres conjectures »37 (Diaz, 2005, P. 4). Il faut prendre le rôle de l’acteur et voir son monde de son point de vue. Cette approche méthodologique contraste avec la soi-disant approche objective, si dominante aujourd’hui, qui voit l’acteur et son action dans la perspective d’un observateur détaché et extérieur (…). L’acteur agit dans le monde en fonction de la façon dont il le vit, et non dont il apparaitrait à un observateur étranger35. Il s’agit de les rencontrer là où ils se trouvent, de rester en leur compagnie en jouant un rôle qui, acceptable pour eux, permette d’observer de près certains de leurs comportements et d’en donner une description qui soit utile pour les sciences sociales tout en ne faisant pas de tort à ceux que l’on observe. Le sociologue note désormais des observations à part entière du microcosme qu’il étudie. Il observe en tant que membre d’un groupe mais, dès qu’il objective et note ses expériences, il devient nécessairement une sorte de témoin extérieur. On est bien là au cœur de la question fondamentale du rôle du chercheur et de sa subjectivité dans la production de connaissance. Patricia et Peter Adler (1987) distinguent trois grandes catégories :

1- Rôle « périphérique » : en contact mais sans participer,

2- Rôle « actif » : avec participation et prise de responsabilité,

3- Rôle « immergé » comme un membre naturel avec les mêmes sentiments et poursuivant les mêmes buts que les acteurs du champ.

Nous nous sommes placé entre les trois rôles, mais nous avons adopté une posture entre « actif » et « immergé ». « Actif » car, depuis 1983, nous agissons dans les groupes comme salariés et, depuis 1994, comme formateur, avec plus ou moins de responsabilité et ayant des relations de collègue à collègue. « Immergé » car plus qu’un travail salarié, la sécurité et la surveillance humaine nous poussent à nous dépasser, à adhérer à des idées, et ce dans un but commun, « assurer la sécurité des personnes et des biens ». D’autre part, pour limiter le « parti pris », le manque d’objectivité et le recul nécessaire, il nous a semblé pertinent d’adopter des positions diverses sur les situations étudiées. Ce changement

37 Frederick DIAZ : L’observation participante comme outil de compréhension du champ de la sécurité – Revue champ pénal 2005 – CNRS (Centre national de la Recherche Scientifique)

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nous a permis de mieux comprendre les points de vue des différents acteurs de la sécurité publique et privée. C’est ainsi que nous avons été bien souvent participant en privé et observateur en public, ce qui nous a permis rapidement d’extraire la matière pour affiner l’analyse et prendre de la distance par rapport à l’objet étudié.

II-2-3- Des données documentaires

On ne saurait mener une étude sur le secteur privé de sécurité et de surveillance humaine sans se référer aux textes officiels relatifs à la sphère privé de sécurité et de surveillance humaine. Aussi l’étude a-t-elle accordé une place importante à l’analyse des textes officiels relatifs à la professionnalisation du secteur. De même, et puisque la professionnalisation est le fruit d’une négociation entre l’état et les partenaires sociaux, l’étude s’est intéressée à l’analyse des contenus des documents appartenant aux entreprises et aux organisations syndicales diffusés par voie de presse ou publicitaire. Cette exploitation s’avèrerait capitale dans une recherche qui se veut non seulement descriptive mais aussi compréhensive et explicative d’une action de professionnalisation.

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TROISIEME PARTIE

ANALYSE ET INTERPRETATION DES DONNEES

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III-1- PRESENTATION GLOBALE DES RESULTATS DES INVESTIGATIONS

III-1-1- Synthèse des entretiens avec les acteurs publics de sécurité (police, pompiers)

Les entretiens avaient pour support une grille de cinq questions principales (cf. annexe), auxquelles venaient s’ajouter selon l’évolution de l’entretien des questions secondaires pour appréhender certaines précisions.

La première question adressée aux policiers était de savoir depuis combien d’années ils étaient amenés à rencontrer les acteurs privés de sécurité sur le terrain de leurs compétences. Cette question nous a permis de savoir que, dans l’ensemble, ces acteurs des forces de sécurité officielles, qui ont participé à l’enquête, sont des praticiens assez expérimentés (plus de dix années d’expérience). Ils connaissent tous bien le secteur privé de sécurité et de surveillance humaine. La seconde question visait à savoir quelle était la nature des relations exercées avec les acteurs privés de sécurité pour définir la forme de complémentarité. Les réponses révèlent que, suivant les acteurs, la complémentarité revêt plusieurs formes, suivant les contextes des territoires de compétences. Celle-ci prend la forme d’un témoignage en matière de police judiciaire, de relais ou d’assistance en matière de prévention situationnelle, voire d’accueil et de guidage en matière de lutte contre l’incendie, et même d’évaluation en matière de sûreté aéroportuaire. La troisième question visait à recueillir les appréciations générales, les commentaires et les jugements des acteurs publics de sécurité et de sûreté interrogés sur ce que représentent pour eux les acteurs privés de sécurité et de surveillance humaine, tout en reconnaissant l’importance de l’évolution du secteur et la nécessité de l’introduire comme acteur complémentaire (et non supplémentaire) des forces de sécurité régaliennes. La quatrième question avait pour but d’évaluer le niveau de cette complémentarité des services officiels de sécurité à travers les deux capacités principales des opérateurs : « La Prévention », « L’Intervention ». C’est en effet à travers l’intervention sur le terrain que les services de l’Etat peuvent estimer un certain degré de professionnalisme. C’est à travers l’action que s’évaluent les compétences. Nous avons ainsi pu estimer que les actes des acteurs publics concernaient surtout l’efficacité complémentaire des interventions pour régler ensemble les problèmes relatifs à la sécurité des personnes et des biens, « Axe de la société du risque », sans aucune connotation commerciale (de sécurité à péage), ni même de caractère privé lié à la fonction du secteur privé, mais bien la réaction face aux risques pour protéger la « nation ». La cinquième question présentait aux acteurs interviewés une énumération de trois notions : Sécurité, Sûreté, Médiation. Il leur était demandé de retenir, par ordre de priorité, à leur avis, celui qui leur correspond le mieux. L’objectif visé à travers cette question était de voir comment les acteurs publics de sécurité percevaient la complémentarité à travers leurs domaines de compétences. Ces domaines, induits par la société du risque, vont nous permettre ainsi de situer les exigences de la complémentarité. Les classifications obtenues se présentent selon le tableau suivant :

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Tableau 5 : Classification proposée par les acteurs publics de sécurité

Interviewé 1 : Police air

Interviewé 2 : Police municipale

Interviewé 3 : Formateur police

Interviewé 4 : Formateur pompier

Interviewé 5 : Pompier

Sécurité (3) Médiation (2) Sûreté (1)

Sécurité (1) Médiation (2) Sûreté (3)

Sécurité (1) Médiation (2) Sûreté (3)

Sécurité (1 Médiation (2) Sûreté (3)

Sécurité (1) Médiation (2) Sûreté (3)

On peut retenir de ce tableau que tous les acteurs partagent ces compétences à un niveau plus ou moins élevé, selon leurs territoires d’action. Ces trois domaines de compétences fixent les points d’ancrage de la complémentarité (et donc de la professionnalisation).

III-1-2- Synthèse des entretiens avec les donneurs d’ordre (publics et privés) des services internes et externes de sécurité

Les donneurs d’ordre que nous avons interrogés représentent les services internes (qui appartiennent directement aux entreprises qui ne font pas ou presque pas appel aux entreprises privées de sécurité car possédant leurs propres services) et les services des entreprises publiques ou privées qui externalisent leurs besoins de sécurité par l’intermédiaire d’un prestataire de services (entreprises privés de sécurité). Ces acteurs ont tous une expérience continue de plus de dix années et sont de gros consommateurs de sécurité privée. L’entretien avec eux visait à recueillir, entre autres données, les rapports qu’ils entretiennent avec les services officiels de sécurité, les appréciations qu’ils font de la formation (initiale et continue), leurs besoins de compétences opérationnelles, et leurs perception vis-à-vis de la contractualisation des prestations de sécurité et de surveillance humaine. A la question de savoir quels étaient les critères qu’ils privilégient lors des appels d’offres aux prestataires de sécurité, les avis étaient partagés entre les deux entités administratives, l’une privilégiant le prix à 60% et à 40% la compétence technique de la prestation, et l’inverse pour l’autre entité. Le prix est également privilégié par l’enseigne de la grande surface. A la question de savoir quelle priorité donneraient-ils aux domaines de compétences Sécurité, Sûreté, Médiation, les réponses sont variables suivant les spécificités des contextes, d’après le tableau suivant : Tableau 6 : Classification proposée par les donneurs d’ordres

Interviewé 1 : Ingénieur Administratif

Interviewé 2 : Chef de sécurité (Administration)

Interviewé 3 : Chef de sécurité (Grande surface)

Sûreté (1) Sécurité (2) Médiation (3)

Sécurité (1) Sûreté (2) Médiation (1)

Sûreté (1) Médiation (2) Sécurité (3)

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On peut retenir des réponses que certaines entités administratives privilégient le critère prix (ce qui les place plus vers l’axe du marché de la peur) et d’autres la compétence professionnelle (ce qui les place plus vers la société du risque). Les grandes surfaces privilégient quand à elles le prix. D’autre part, on observe également que les acteurs reconnaissent les trois domaines de compétences et qu’ils les privilégient en fonction de leur territoire. « Dans notre enseigne nous faisons de la sécurité des personnes et des biens […]. La communication (et non la médiation) fait partie intégrante de notre politique de sécurité », nous dit un chef de sécurité. Dans le même ordre d’idées et dans le même registre, cet autre chef de sécurité d’un site administratif dira : « chez nous c’est d’abord la sécurité incendie et le secourisme, après la sûreté et bien sûr la médiation ». Cet autre chef (ingénieur de sécurité) exprimera quand à lui une approche globale conforme à la réglementation du secteur en privilégiant les compétences induites par les spécificités de son territoire. Ce tableau montre que chaque acteur donneur d’ordre privilégie ses spécificités quels que soient les critères définis lors de la commande (prix ou compétences), mais ils sont tous d’accord sur les compétences exigées et la polyvalence des opérateurs.

III-1-3- Synthèse des entretiens des chargés du secteur de la formation et de l’emploi

L’entretien que nous avons eu avec eux visait à recueillir les rapports qu’ils entretenaient avec le monde professionnel, ainsi que les significations qu’ils donnent à leur conception de la formation. Les personnes que nous avons interrogées ont dans l’ensemble une expérience de plusieurs années du monde de la formation et plus particulièrement du secteur privé de sécurité et de surveillance humaine, soit parce qu’elles participent à la formation initiale ou continue par l’intermédiaire d’organismes de formation (publics ou privés), soit parce qu’elles interviennent à un moment ou à au autre au processus de formation. Une seule question visait ici à recueillir la perception de ces acteurs par rapport aux besoins de sécurité exprimés par la société du risque. Ceci pour essayer d’évaluer leur prise de conscience et estimer d’une certaine manière l’adéquation des formations proposées. Tableau 7 : Classification proposée par les personnels chargés du secteur de la formation et de

l’emploi

Interviewé 1 : Responsable

Régional

Interviewé 2 : Formateur

AFPA

Interviewé 3 : Formateur

Education Nationale

Interviewé 4 : Conseiller VAE

Education Nationale

Interviewé 5 : Responsable de formation privé

Médiation (1) Sûreté (2) Sécurité (3)

Médiation (1) Sûreté (3) Sécurité (2)

Médiation (1) Sûreté (3) Sécurité (2)

Médiation (1) Sûreté (3) Sécurité (2)

Médiation (3) Sûreté (2) Sécurité (1)

A la question de la priorité des domaines de compétences exigées par les situations de travail, tous les acteurs ont compris la nécessité d’adapter la formation et ont pris conscience de la polyvalence exigée. L’acteur du centre de formation privé se place, lui, plus prêt de sa

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formation catalogue, la formation sécurité (incendie), et reconnaît les exigences évolutives vis-à-vis des deux autres domaines (la sûreté, la médiation). La plupart des acteurs voient la médiation (communication) comme une compétence transversale des deux autres domaines, la sécurité et la sûreté.

III-1-4- Synthèse des entretiens des anciens élèves ou stagiaires

L’entretien que nous avons eu avec eux visait à recueillir leur perception de la formation reçue par rapport aux fonctions opérationnelles exercées sur les postes de travail. A la question, » la formation initiale que vous avez reçue correspond elle aux exigences de vos fonctions ? », ils répondent tous : « Non cela n’a pas grand chose à voir, ici c’est autre chose que nous n’avons jamais en cours ». Puis, quelque soit le poste de travail occupé, la priorité donnée à chaque domaine de compétence est la suivante : Tableau 8 : Classification proposée par les personnels ancien élèves ou stagiaires

Interviewé 1 :

Interviewé 2 :

Interviewé 3 :

Interviewé 4 :

Médiation (1) Sûreté (2) Sécurité (3)

Médiation (1) Sûreté (2) Sécurité (3)

Médiation (1) Sûreté (2) Sécurité (3)

Médiation (1) Sûreté (2) Sécurité (3)

Ce tableau montre que, pour les anciens élèves de la formation initiale ou stagiaires de la formation continue, les situations professionnelles dans lesquelles ils sont placés n’ont pas grand chose à voir avec les cours qu’on leur a dispensés dans le cadre de leurs formations CAP, BP, MC (mentions complémentaires) et divers niveaux des SSIAP. Ils ont tous exprimé le décalage des savoirs avec la réalité du terrain et le manque de formation pratique. Le placement en stages dans le cadre du processus de formation correspondrait plus à des situations d’observations qu’à un véritable apprentissage. D’autre part, la majorité des élèves de la filière sécurité privé se destinerait à des carrières du corps des sapeurs pompiers ou autres filières publiques de sécurité et non au secteur privé de sécurité, pour lequel ils ne se sentent pas préparés lorsqu’ils sont confrontés avec le terrain. Ce tableau montre que, pour les anciens élèves ou stagiaires de la filière sécurité, trois principaux domaines de compétences sont induits par la société du risque et viennent confirmer les représentations de tous les autres acteurs (évoluant sur plusieurs niveaux de la sphère de sécurité privée). Tous les élèves confrontés aux situations de terrain placent la médiation (1) au premier niveau de leurs exigences professionnelles, suivi de la sûreté (2) et de la sécurité (3). Ces trois domaines d’exigences professionnelles définissent les compétences nécessaires à la résolution des diverses problématiques opérationnelles, et deviennent ainsi la base de la conception des référentiels de certification et des formations. « La sécurité incendie, nous ne la faisons pas tous les jours, mis à part lors des rondes pour déceler les causes génératrices de feu et la vérification du matériel de lutte contre l’incendie, alors que la sûreté et la médiation appliquée à la gestion des conflits dans le cadre de nos activités, nous les pratiquons tous les jours sur divers sites. Pourtant nous sommes plus

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formés à la sécurité incendie et au secourisme qu’à la sûreté ou à la médiation, nous manquons de formation théorique et pratique dans ces domaines », nous disait une ancienne élève titulaire du CAP d’agent de prévention et de sécurité, ainsi que de la mention complémentaire (au CAP) sécurité civile d’entreprise. En théorie, semble t-il, le dispositif de formation initiale dispensant les formations professionnelles semble bien ficelé car il est évalué par les inspecteurs de l’éducation nationale et il correspondrait aux référentiels des certifications définis par les commissions professionnelles consultatives. En pratique, cependant, les stages sur le terrain et leur articulation aux référentiels manqueraient de cohérence en raison, d’une part, de la non professionnalisation du secteur et, d’autre part, du manque de ressources enseignantes dans les divers domaines de compétences à transmettre. Il existerait donc un décalage entre théorie et pratique du dispositif de formation de la filière sécurité et de l’évaluation des candidats aux examens. Il ressort de ces différents commentaires que le dispositif de formation initiale et continue de la filière sécurité privée doit être amélioré par la création d’une véritable didactique professionnelle qui permette aux apprenants de se retrouver dans les situations de faire. Il ressort également que les domaines de compétences des acteurs privés de sécurité et de surveillance humaine ont évolués avec la société du risque. Les formations initiales et continues ne sont pas adaptées aux réalités de terrain. Les forces publiques de sécurité affirment la nécessaire complémentarité, mais cette complémentarité n’est pas vraiment définie ou seulement dans certains territoires spécifiques (aéroports et ports, gares et activités sportives ou culturelles).

III-1-5- Bilan de l’investigation documentaire

La prospection de l’environnement pédagogique mais surtout professionnel pour trouver les textes officiels (arrêtés ministériels, lois, circulaires, instructions, journaux syndicaux, etc.) qui fixent et organisent spécifiquement le secteur professionnel et la formation initiale et continue du secteur est assez riche. L’ensemble des documents nous permet de faire le tour de la question sur l’évolution de la formation par rapport à la professionnalisation. Il n’y a pas de formation professionnelle reconnue par les acteurs privés de sécurité et de surveillance humaine avant 1985, date de création de la convention collective nationale N° 3196 « Entreprises de prévention et de sécurité »( les partenaires sociaux vont préférer ces termes, à ceux de surveillance et de gardiennage), imposés par le législateur en 1983 ,dans la loi cadre. On peut commencer dès lors à parler de début de professionnalisation (convention collective et loi cadre), mais les textes législatifs et conventionnels sont peu appliqués.

III-1-5-1- Des formations spécifiquement réglementées en fonction des territoires

Des formations spécifiquement réglementées existent depuis 1978 : « Formation imposée par arrêté du Ministère de l’intérieur ». Cet arrêté va imposer deux niveaux de qualification des opérateurs en sécurité incendie dans les immeubles de grande hauteur :

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- Agent de sécurité incendie IGH1

- Chef d’équipe de sécurité incendie IGH2 Cette formation obligatoire imposée par le législateur va obliger ces services et les équipes opérationnelles à se structurer dans ce type d’immeubles. Mais ces acteurs auront du mal à s’identifier à leurs activités réelles de prévention et de lutte contre l’incendie, et s’identifieront plus au bâtiment, les décalant ainsi de leur corps de métier à partir d’une formation extraite bien plus d’un programme législatif (théorie) que d’une réelle pratique38. D’ailleurs la plupart de ces personnels exercent des fonctions de sapeurs pompiers volontaires, qui sont très différentes des activités exercées dans les services de sécurité incendie, où la « Prévention » prime sur « l’Intervention » et non l’inverse. Ce décret relatif aux qualifications des services de sécurité sera élargi en 1995 à d’autres types de bâtiments recevant du public (puis en 1998), jusqu’à l’abroger complètement par un autre arrêté du 25 mai 2005. Dans cet arrêté, le législateur, confronté aux difficultés d’application sur le terrain, va chercher à mieux définir les activités des opérateurs pour mieux les faire correspondre à la réalité du terrain. Dans notre mémoire de Master « Ingénierie et conseil en formation »39, nous constations déjà le défaut d’identité professionnelle dont souffraient à l’époque ces personnels. L’arrêté du 02 mai 2005 semble mieux définir les référentiels d’emploi de ces personnels et structure les niveaux de qualification, mais aucune compétence pédagogique n’est exigée des formateurs ni du responsable de la formation, si ce n’est un niveau de qualification supérieure à la formation transmise. Les dossiers d’agréments des centres de formation sont instruits par les préfectures et expertisés par les SDIS (Services Départementaux d’Incendie et de Secours). D’après le lieutenant colonel Belhache, rédacteur de l’arrêté et interrogé lors de notre enquête, les partenaires sociaux de la branche privée de sécurité n’auraient pas été interrogés avant la rédaction. Seules les associations de chefs de services de sécurité l’auraient été. Cet arrêté ne s’applique pas seulement au secteur privé de sécurité et de surveillance humaine, il impose un service sécurité et assistance aux personnes (SSIAP) suivant des conditions réglementaires applicables à certains types de bâtiments. Là encore, l’Etat impose des conditions minimales pour sauvegarder la sécurité des personnes et des biens. Ces conditions débutent ici au stade de la construction de certains bâtiments (en exploitation et hors exploitation, présence ou pas de public). Ces acteurs ont des fonctions exclusives de sécurité incendie et d’assistance à personnes et sont qualifiés selon trois niveaux :

- Agent de sécurité incendie et d’assistance à personnes (SSIAP 1)

- Chef d’équipe de sécurité incendie et d’assistance à personnes (SSIAP 2)

- Chef de service de sécurité incendie et d’assistance à personnes (SSIAP 3)

38 ARROYO Antonio – Mémoire de Master professionnel «La structuration de l’identité professionnelle des agents de prévention, de sécurité et de sûreté privée à travers la professionnalisation par la formation » sous la direction de Jean HOUSSAYE – Université de Rouen département des sciences de l’éducation. 39 Mémoire Master « Ingénierie et conseil en formation », sous la direction de Jean HOUSSAYE –« La structuration de l’identité professionnelle des agents de prévention, de sécurité et de sûreté privée à travers la professionnalisation par la formation » – Antonio ARROYO – Université de Rouen 2004-2005

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III-1-5-2- La sûreté aéroportuaire

Le cadre législatif renforcé par la réglementation de l’aviation civile, s’inscrit dans les mêmes obligations fondamentales que la surveillance humaine et de la sécurité privée, loi 83-629 du 12 juillet 1983 (modifiée en 2003). Le secteur de la sûreté aéroportuaire délègue ainsi les visites de sécurité aux sociétés privées avec :

- L’obligation pour ses agents d’un double agrément Préfet/Procureur, et le placement de ses « interventions » sous l’autorité des services de l’état, obligations soumises bien sûr à des conditions de formations spécifiques au secteur.

C’est un créneau spécialisé de la surveillance humaine : l’activité de sûreté aérienne et aéroportuaire est une profession jeune dont le décollage en tant que métier à part entière est récent. L’émergence initiale date de 1994 avec les besoins en inspection filtrage. Progressivement, la structuration du métier s’est affirmée, notamment en réponse aux demandes de plus en plus importantes de la Direction Générale de l’Aviation Civile (DGAC) et d’Aéroports de Paris (ADP), tant d’un point de vue quantitatif que qualitatif. Ce contexte a conduit les professionnels à anticiper en constituant, en mai 2000, une organisation patronale dédiée : le SPESSAA (Syndicat Professionnel des Entreprises exerçant des activités de Sûreté Aérienne et Aéroportuaires) qui, quelques mois plus tard, rejoignait l’UFISS (Union Fédérale des Industries et Services de Sécurité, aujourd’hui dissoute), pour y représenter officiellement l’ensemble de la branche. Depuis l’organisation du métier s’st engagée de façon volontariste et s’est accélérée, notamment sous la pression des évènements dramatiques de septembre 2001 à New-York. Prestations réalisées Les sociétés privées de sûreté aérienne et aéroportuaires sont des prestataires de services de sécurité mettant en œuvre des mesures destinées à empêcher l’introduction à bord des aéronefs en exploitation de toutes personnes ou éléments de nature à compromettre la sûreté des vols. Elles ne sont pas des acteurs primaires du transport aérien, mais des prestataires de services ne décidant pas de la nature des mesures à appliquer. Cela entraîne une très forte implication de leurs donneurs d’ordre : aéroports et compagnies aériennes.

Principales missions effectuées :

- inspection, filtrage des passagers et de leurs bagages de cabine (IFPBC), - inspection, filtrage des bagages de soute (IFBS), - interventions cynotechniques, - contrôle d’accès en ZR (Zone Réservée), - contrôle du Fret, - gardes d’avions, - contrôle documentaire, - profiling, etc.

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Principales qualifications opérationnelles :

- Agent d’exploitation de sûreté aéroportuaire, - Profiler, - Opérateur qualifié et confirmé, - Coordinateur, - Chef d’équipe, - Superviseur.

III-1-5-3- La sécurité des manifestations sportives, récréatives ou culturelles à but lucratif

La mise en place d’un service d’ordre par les organisateurs de manifestations sportives, récréatives ou culturelles à but lucratif est réglementée par le décret N° 97-646 du 31 mai 1997. Le Décret N° 2005-307 du 24 mars 2005, pris pour l’application de l’article 3-2 de la loi N° 83-629 du 12 juillet 1983, stipule les conditions des agréments des agents des entreprises de surveillance et de gardiennage et des membres des services d’ordre affectés à la sécurité d’une manifestation sportive, récréative ou culturelle de plus de 1 500 personnes. Cet agrément, délivré par le préfet du département où l’organisateur qui emploie ces personnels à son siège (à Paris il est délivré par le préfet de police), est accordé pour une durée de trois ans. La demande d’agrément est présentée par l’organisateur et comprend un dossier avec les renseignements suivants :

1°- la dénomination de l’organisme ou l’identité de la personne dispensant la formation ;

2°- le contenu, les conditions d’organisation et la durée de la formation ; 3°- le mode d’évaluation des compétences acquises à l’issue de la formation.

S’il estime que ce dispositif est de nature à garantir le bon accomplissement des missions mentionnées à l’article 1er, c’est-à-dire :

- procéder aux palpations de sécurité, à l’inspection visuelle et à la fouille des bagages à main dans les conditions prévues à l’article 3-2 de la loi du 12 juillet 1983 susvisée,

le préfet, et à Paris le préfet de police, approuve, par arrêté publié au recueil des actes administratifs du département, le contenu et les modalités de la formation décrits dans le dossier de l’organisateur. L’article 4 du Décret 97-646 du 31 mai 1997 précise les tâches des personnels de ce service d’ordre :

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- procéder à l’inspection du stade, des installations ou de la salle avant que ne commence la manifestation pour déceler les risques apparents pouvant affecter la sécurité ;

- constituer, avant la manifestation mais aussi dès l’arrivée du public et

jusqu’à l’évacuation complète de celui-ci, un dispositif de sécurité propre à séparer le public des acteurs de la manifestation, et à éviter dans les manifestations sportives la confrontation de groupes antagonistes ;

- être prêts à intervenir pour éviter qu’un différend entre particuliers ne

dégénère en rixe ;

- porter assistance et secours aux personnes en péril ;

- alerter les services de police ou de secours ;

- veiller au maintien de la vacuité des itinéraires et des sorties de secours. Nous pouvons observer à partir de ce texte, compte tenu des tâches imposées aux opérationnels, que la sécurité et la sûreté se conjuguent, contrairement aux SSIAP qui ne tiennent compte que de la sécurité incendie et des risques liés aux personnes de manière beaucoup plus accidentelle qu’intentionnelle. Sur ce territoire l’Etat impose un partage plus généraliste en matière de sécurité.

III-1-6- Mouvance des organisations syndicales patronales, image économique d’un secteur en voie de professionnalisation

La fédération française des organisations de prévention et de sécurité apparaît en 1987 présidée par l’ancien préfet de police Jean Vaujour (fondateur de la loi cadre de 1983). La FFOPS « des manageurs fonctionnaires » est représentée à l’époque par trois organisations patronales : le Syndicat National des Entreprises de Prévention et de Sécurité (SNEPS), la Chambre Syndicale Nationale des Entreprises de Transport de Fonds et de Valeurs (SYTRAVAL) et le Syndicat National des Entreprises de gardiennage (SNEG).Cette fédération, qui regroupait à cette époque une centaine de sociétés employant 30 000 personnes, va induire de nouvelles stratégies patronales initiées par « les nouveaux manageurs des écoles de commerce ». On retrouve aujourd’hui cette politique financière qui fait passer l’économie devant l’aspect sécuritaire de préservation des personnes et des biens. L’année 1989 conduit à la création de l’UNISS (Union Nationale des Industries et Services de Sécurité). C’est la désignation révélatrice d’un mouvement modernisateur qui dit fédérer trois branches d’activités : la branche surveillance (objet de la présente étude), la branche télésécurité et la branche transports de fonds. Le terme de « gardiennage », signe des temps, disparaît de toutes les terminologies syndicales officielles alors que le législateur continue à le maintenir dans tous ses textes officiels relatifs au secteur. Ce n’est qu’en 1992 que les entreprises privées de sécurité vont parvenir à se rassembler au sein d’organisations patronales clairement identifiables et distinctement identifiées. Cette organisation comprendra deux niveaux jusqu’à la création de l’Union Fédérale des Industries et services de la Sécurité (UFISS), fusion de la FFOPS et de l’UNISS (en 1992), rassemblant au sein d’une structure unique les six syndicats professionnels patronaux représentatifs des métiers de la sécurité :

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- le Syndicat National des Entreprises de Sécurité (le SNES), - le Groupement Professionnel des Métiers de la Sécurité Electronique (GPMSE),

- le Syndicat Professionnel des Entreprises de Sécurité exerçant des Activités de

Sûreté Aérienne et Aéroportuaire (SPESSAA), devenu le syndicat des entreprises aériennes et aéroportuaires (SESA),

- le Syndicat des Entreprises de Logistique des Valeurs (SYLOVAL),

- L’Union des Acteurs de Formation en Sécurité (UNAFOS),

- Le Syndicat National des Organismes de Formation en Prévention et sécurité

(SNOFOPS). L’organisation de la profession de la sécurité privée, c’est une fédération et des branches en rupture depuis 2003 où un autre syndicat l’USP (Union des Entreprises de Sécurité Privée) se détache du SNES. La création de l’UFISS (en février 1992) a permis aux différents membres de la fédération d’améliorer le dialogue social et d’aborder les thèmes tels que la formation, la qualité ou la déontologie. Aujourd’hui ces mêmes thèmes semblent être abordés différemment par les deux organisations patronales (le SNES et l’USP). Sur le plan international, l’UFISS a participé aux travaux de la Confédération européenne des Entreprises et Services de Sécurité (COESS), qui regroupe l’ensemble des syndicats patronaux des pays membres de l’Union Européenne. Même si les normes applicables dans le secteur privé de sécurité sont d’origine nationale et non communautaire, un dialogue s’est engagé avec la Commission Européenne en ce qui concerne les critères de qualité qui devraient être recommandés en matière d’appels d’offres européens. La structuration aux niveaux des branches va contribuer en proximité, par son action et ses prises de positions, à assainir et structurer le secteur. Le SNES, syndicat représentant les entreprises de sécurité humaine, donne ainsi, dans son programme, la priorité à la qualité et à la déontologie. A cette fin, il va élaborer un guide d’achat pour les acheteurs publics et met en place des programmes de formation. Il établit également une charte professionnelle de la sécurité privée dont le contenu demeure encore éloigné d’un véritable guide déontologique (voir annexes 1 et 2).

III-1-7- L’engagement dans un processus de certification

L’amélioration de l’image, l’assainissement du secteur passent nécessairement par un processus de certification avec la définition des normes ISO 9002 et AFNOR engagées par les syndicats patronaux et les grandes entreprises du secteur. La norme ISO 9002 consacre une démarche qualité au sein de l’entreprise qui n’est pas propre au secteur privé de sécurité. En l’espèce, elle sanctionne la mise en place des procédures internes, régulièrement auditées, afin d’assurer la qualité des prestations fournies. La norme AFNOR « NF Service Prévention Sécurité », homologuée le 20 mai 1998, constitue le résultat d’une négociation qui, pendant quatre ans, a réuni les organisations

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patronales, les plus grandes entreprises de sécurité et leurs principaux clients (AP-HP, EDF, l’OREAL, SNCF, SYNTHELABO, etc.). En décrivant avec précision les moyens matériels, humains et organisationnels nécessaires à la mise en œuvre de services standards, la norme AFNOR donne désormais la possibilité aux clients de choisir leurs prestataires en ayant au préalable une information relative à la qualité du service auquel ils pourront prétendre. Mais celle-ci est difficile à mettre en œuvre pour les très petites entreprises, et les services de sécurité organisés par les grosses entreprises ne sont pas une référence à suivre en terme de management de gestion et d’évaluation des risques et des compétences (opérationnelles) pour les prévenir.

III-1-8- Résultats des observations directes

Comme nous l’avons signalé précédemment, cette recherche a privilégié l’observation post participante comme modèle de compréhension de la complexité et de collecte de données. Nos observations directes nous ont permis de percevoir les attitudes des uns et des autres pendant tout le processus. Ainsi nous avons pu observer les attitudes des acteurs institutionnels motivés bien plus par une volonté de contrôle et de régulation (voir d’efficacité), des activités avec pour finalité « l’ordre public », et des manageurs entrepreneurs des services de sécurité (internes ou externes) avec pour finalité « le profit ». Deux logiques différentes qui engendrent des tensions et conduisent à la construction de typologies identitaires différentes d’autonomie et d’adaptation, induites par la dynamique prescrite d’un dispositif de professionnalisation proposé par les organisations et les institutions. L’interprétation de ces éléments sera faite dans la partie suivante.

III-2 Principes et modalités de la professionnalisation parla formation (organisation – institution)

Les données issues des entretiens avec les acteurs publics et privés de la profession et de la formation, ainsi que notre observation participante réalisée, permettent de faire un état des lieux en matière de professionnalisation et de repérer les risques et les enjeux de cette professionnalisation. La loi cadre définit les activités et la moralité des dirigeants et des employés depuis 1983 ; elle laisse à la charge des entreprises (et services internes de sécurité s’ils existent) la question de la formation. Les prestataires sociaux vont créer un CAP (Certificat d’Aptitude Professionnelle) en 1985 et un BP (Brevet Professionnel) en 1987. Les titulaires de ces diplômes peuvent exercer dans l’ensemble du secteur de la branche surveillance humaine ; pourtant on trouve peu de salariés titulaires de ces diplômes dispensés par une cinquantaine de lycées en formation initiale (pour le CAP). Les formations « courtes » de type SSIAP (service de sécurité incendie et d’assistance à personnes) et les formations qualifiantes conventionnelles semblent mieux se négocier sur le marché. On retrouve ainsi sur le terrain bien plus de salariés titulaires de formations de sécurité incendie et de secourisme que de véritables acteurs généralistes de la prévention et de la sécurité privée « acteurs de la société du risque ». Ces formations réglementées pour des domaines spécifiques sont plus faciles à vendre et à mettre en œuvre par les acteurs chargés de la

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formation. D’autre part, à travers les compétences opérationnelles, le prestataire externe (ou interne), producteur de sécurité, prétend ainsi facilement remplir ces obligations de sécurité. Cette dynamique de la sécurité incendie ne suffit plus à faire face aux risques de la société du risque. Ces décalages fréquents en matière de professionnalisation, associés souvent au bas prix de la prestation, conduisent la plupart des entreprises à disparaître. Pour rétablir la situation, les prestataires sociaux réagissent alors par la professionnalisation. Mais comment professionnaliser le secteur sans porter atteinte à l’existant (créé par les organisations), permettre de répondre aux besoins de l’ensemble des clients, et faire face à la crise de recrutement ? Autrement dit, comment essayer d’améliorer le dispositif en place tout en continuant de s’orienter vers le maximum de profit et le minimum de conflit (achat de la paix sociale des entreprises) ? Ou comment adapter le personnel à l’emploi sans le rendre autonome (c’est à dire critique à l’égard des organisations existantes) ?

III-2-1- Des principaux partenaires en présence

III-2-1-1- Des organisations patronales

Les organisations patronales sont les syndicats des patrons qui présentent à la négociation des organisations syndicales représentatives de salariés leur dispositif de professionnalisation dans le cadre de la négociation. Deux organisations sont actuellement présentes dans le secteur privé de sécurité et surveillance humaine : l’USP (Union des Entreprises de Sécurité Privée) et le SNES (Syndicat National des Entreprises de Sécurité Privée). Ces deux organisations définissent avec les acteurs privés et publics, chargés de la formation et représentés par leurs organisations syndicales, le SNOFOPS (Syndicat National des Organismes de Formation en prévention et Sécurité) et l’UNAFOS (Union Nationale des Organismes de Formation à la Sécurité), la politique de formation servant de base à la professionnalisation. Un besoin d’aptitude au secteur sera défini par l’Etat en 2005 et exigible en 2008. ce besoin d’aptitude correspondant à un minimum de formation sera attesté par une carte professionnelle rendant l’opérateur apte à l’exercice de ces activités ;il est initié par la loi de prévention contre la délinquance en mars 2007. Nous constatons sur le terrain, depuis 2005, une forte augmentation de la vente de formation de la majorité des organismes de formation rattachés aux deux organisations syndicales (en interrogeant les nouveaux entrants dans le secteur). Cette aptitude est dispensée par les organismes de formation agréés par la commission paritaire de la branche, bien avant même que le CQP soit officialisé par le ministère de l’intérieur comme valant aptitude pour les salariés. Il convient de préciser que l’aptitude au sens du décret de 2005 ne veut dire que accès au secteur et pas forcément compétence par rapport au poste de travail, compétence d’adéquation au poste qu’il appartient à l’entreprise de vérifier. Il y a donc aujourd’hui véritablement partage ou coproduction de sécurité puisque l’Etat délivre la carte d’accès au secteur, car il y a interférences sur l’ordre public, et que c’est à l’entreprise de former le salarié à son poste de travail (ordre social).

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Pour l’USP, cette professionnalisation se fait selon trois leviers véritables enjeux de la professionnalisation40 :

1- l’aptitude préalable, issue de la loi,

2- les métiers repères (véritable acte de volontarisme au niveau de la convention collective),

3- la revalorisation des salariés pour reconnaître les qualifications et pallier la

crise de recrutement. Dix-sept métiers sont ainsi repérés par l’USP et les organisations dites (actuellement) représentatives des salariés : CGT-FO (Prévention sécurité), CFTC, CFE/CGC, et leurs correspondances conventionnelles en terme de coefficients de salaires. Mais le SNES (Syndicat National des Entreprises de Sécurité) conteste l’accord auprès du ministère du travail sous prétexte qu’il s’agirait d’une stratégie syndicale de Sécuritas plus qu’une véritable négociation paritaire de la branche sectorielle. Cette stratégie syndicale viserait l’atteinte économique aux petites entreprises membres du SNES. Le MEDEF et a FNSEA contestent également cet accord. « Les coefficients correspondant aux métiers repères sont identiques à la grille salariale interne de l’entreprise Securitas » dira le secrétaire de la fédération des métiers de la prévention et de la sécurité (branche de salariés), rattachée à l’Union Nationale des Syndicats Autonomes (UNSA). Ces métiers repères sont :

- Agent de sécurité qualifié coef. : 120 - Agent de sécurité confirmé coef. : 130

- Agent de sécurité chef de poste coef. : 140 - Agent de sécurité cynophile coef. : 140 - Agent de sécurité mobile coef. : 140 - Agent de sécurité magasin pré-vol coef. : 130 - Agent de sécurité magasin vidéo coef. : 130 - Agent de sécurité magasin arrière caisse coef. : 140 - Agent de sécurité filtrage coef. : 140 - Agent de sécurité opérateur filtrage coef. : 150 - Agent des services de sécurité incendie (réglementée) coef. : 140

40 Patrick ROBART, DRH et affaires juridiques groupe SECURITAS et président de la commission Affaires Sociales de l’USP (Union des Entreprises de Sécurité Privée), Sécurité privée – janvier 2007 (magazine de l’USP)

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- Chef d’équipe des services de sécurité incendie (réglementée) coef. : AM 150 (Agent de Maitrise)

- Agent de sécurité opérateur (station centrale)de télésurveillance) SCT1 coef. : 140 - Agent de sécurité opérateur (station centrale de télésurveillance) STC2 coef. : AM 150

- Pompier d’aérodrome (réglementée) coef. : 150

- Pompier d’aérodrome chef de manœuvre (réglementée) coef. : AM 185

- Responsable SSLIA (réglementée) coef. : AM 235

Cet arrêté conventionnel signé à Paris (par les partenaires sociaux déjà cités) le 1er décembre 2006, et qui serait applicable à l’ensemble du secteur, stipule en son préambule : « Conscients de la nécessité de prendre en compte les importantes évolutions :

� de l’accroissement quantitatif et qualitatif des besoins de sécurité � des techniques et moyens mis en œuvre pour y répondre

� de la spécialisation des emplois

� de la réglementation et/ou de la normalisation encadrant certaines

qualifications ou typologies de sites. Les organisations signataires des présentes ont estimé indispensable de renforcer la professionnalisation des métiers de la sécurité en :

� relevant les pré-requis de formation nécessaires à l’exercice des différents emplois au-delà de la formation initiale et de l’aptitude préalable fixée par la loi,

� reconnaissant et valorisant les compétences acquises,

� favorisant les évolutions professionnelles notamment au sein de filières ou de

métiers ou transversalement par des passerelles. « C’est pourquoi, par le présent accord, les organisations signataires sont convenues d’inscrire dans la convention collective les seuils minimum de classification des emplois repères dont elles ont préalablement défini, d’une part, les missions et les responsabilités générales (fiches descriptives de métier) et, d’autre part, les formations qui y sont nécessairement attachées (fiches formation) ». Il convient de préciser que, mis à part les formations réglementées de type SSSIAP ou aéroportuaires pour lesquelles les textes prévoient le nombre d’heures de formations, l’accord ne prévoit aucune durée pour les formations correspondantes aux métiers repères ; les conditions d’évaluation et les qualifications des formateurs (dispensant les formations) ne sont pas également prévues. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il semble qu’il s’agit bien plus d’une « Adaptation » ou d’une tentative « d’adaptation » du personnel présent et à venir aux postes d’emploi qu’une véritable professionnalisation conforme aux exigences de la société du risque.

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Un opérationnel exerçant une ou plusieurs fonctions limitées à un poste de travail (arrière caisse par exemple, appelé métier dans l’arrêté négocié) peut-il remplir ses obligations d’assistance et de secours à personnes ou d’obligation d’éteindre un début d’incendie (code du travail), sans avoir reçu la formation nécessaire et obligatoire pour toute personne en charge de la sécurité des personnes et des biens ? D’autre part, le contenu des formations semble léger pour construire un professionnel de la sécurité, tout comme les durées de formation réglementaires, 70 heures en sécurité incendie ou aéroportuaire. Peut-on devenir un agent de sécurité incendie avec seulement 70 heures de formation ? Un agent arrière caisse pourra rester à ce même poste de travail sans aucune possibilité d’évolution de carrière qui dépendra exclusivement de l’entreprise. Ce contexte, négocié d’un partage entre les forces sociales actuellement en présence, semble négliger les aspects imposés par la société : c’est un repérage de fonctions, qui décale les opérateurs de la législation et du réel. On ne distingue pas dans ces métiers le fil conducteur de la Médiation et de la relation sociale (sous-entendues) qui structurent les identités professionnelles dans le contexte social et législatif qui les fait évoluer. L’opérateur semble adapté à une relation contractuelle, plus qu’aux besoins de la société du risque.

III-2-1-2- Des acteurs chargés de la formation (publics et privés)

Nous pensons qu’il convient de professionnaliser avant tout les acteurs de la formation « publics et privés » et de concevoir une véritable Didactique professionnelle pour que les opérateurs et les formateurs donnent du sens à la problématique de la professionnalisation. Il faut donner du sens qui ne soit pas le « sens commun », l’intuition... Il faut convoquer les approches scientifiques et théoriques, c’est la question de l’émergence des compétences dans les situations de travail. La Didactique professionnelle se propose d’étudier, de conceptualiser et d’agir sur les phénomènes liés au développement et à la transmission des compétences professionnelles dans les situations de formation et de travail. Elle étudie la construction et le développement des compétences professionnelles à partir de l’analyse du travail et s’intéresse donc aux situations de travail pour faire émerger des apprentissages. La didactique professionnelle a d’abord pour but d’analyser et de comprendre comment les individus construisent et développent des compétences professionnelles, dans et par l’expérience, et, en premier lieu, l’expérience du travail. Analyser les compétences et les processus de leurs constructions revient à analyser l’action et « l’intervention » (de l’agent de sécurité), et les conditions dans lesquelles l’action est amenée à se réaliser. Trois particularités de la didactique professionnelle :

1- La place qu’occupe « la notion de situation » dans la démarche didactique professionnelle :

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En formation professionnelle ce ne sont pas les savoirs scientifiques et techniques qui sont premiers, mais les situations. Celles-ci sont complexes, globales, diverses et marquées par la variabilité. Il s’agit donc de partir des situations et de l’activité déployée par les professionnels dans ces situations pour caractériser la manière dont leur action est organisée et la nature des connaissances utilisées dans l’action efficace. Ce qui est pratiquement impossible à réaliser aujourd’hui par les centres de formation publics ou privés, les formateurs ne connaissant les métiers de la sécurité privée et de la surveillance humaine que de manière intuitive. Peu d’entre eux sont en effet formés aux métiers de la sécurité privée d’une part, et aux métiers de la formation d’autre part. C’est donc, en effet, l’analyse des situations qui devient première. Mais les situations sont liées à la finalité de la démarche, puisque c’est la maîtrise des situations qui est visée par une formation professionnelle. Enfin les situations sont aussi un moyen de formation : situation de travail ou situations simulées, aménagées, transposées.

2 L’importance accordée à l’analyse du travail : Analyse des situations d’actions et analyse des activités : c’est pourquoi la didactique professionnelle emprunte à l’ergonomie et à la psychologie du travail une série de concepts et de méthodes propres à analyser le travail en situation. Ce n’est pas pour autant qu’un psychologue du travail sera capable de concevoir une action de formation relative à la médiation appliquée à des situations de travail. Un responsable d’un centre de formation nous disait pourtant qu’il avait un psychologue du travail vacataire parmi ses formateurs.

3 L’action ne se réduit pas à sa part d’exécution quelles que soient les situations : Quelles que soient les tâches à accomplir, l’action comporte une dimension conceptuelle. Autrement dit, l’action efficace est organisée au niveau conceptuel. C’est ainsi que l’on peut caractériser ce que l’on appelle l’intelligence de l’action. L’analyse du travail consiste donc, d’une part, à caractériser le type et le niveau de conceptualisation propres à un ensemble de situations et, d’autre part, à repérer et à organiser les conditions propices à la mise en œuvre des processus de conceptualisation.

« Les métiers de la formation aux différentes activités de la sécurité se structurent en France avec la prochaine mise en place d’une certification. L’adhésion à notre syndicat passera obligatoirement par une démarche de certification et les adhérents actuels auront une période de 18 mois pour se mettre en conformité41 ».

Les candidats à la certification de la norme QUALICERT doivent s’engager à respecter 17 critères de spécification ayant attrait au mode d’évaluation des formations, aux outils pédagogiques utilisés et aux qualifications requises (précise Philipe Maquin). Malheureusement, on observe sur le terrain que peu de formateurs ont des formations de type universitaire (en sécurité ou en formation). Nous observons également que l’aptitude des opérateurs et des dirigeants va être progressivement contrôlée par l’Etat, alors pourquoi n’est ce pas le cas pour l’aptitude des formateurs et responsables pédagogiques ?

41 Philippe MAQUIN, Président de l’UNAFOS, lettre économique – En Toute Sécurité – 15 mars 2005.

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III-2-1-3- L’Etat, régulateur des activités de sécurité privée

La loi 2003-239 du 18 mars 2003 modifie la loi fondatrice du secteur (83-629 du 12 juillet 1983) et instaure entre mesures une obligation d’aptitude professionnelle préalable à l’exercice d’un métier rentrant dans le champ de l’application de la loi cadre pour les agents et dirigeants d’entreprises (de sécurité privée) ou de services internes de sécurité. Cette obligation d’aptitude préalable, imposée par l’Etat à travers le décret n°2005-1122 du 6 septembre 2005, va générer d’importants besoins de formation (voir annexe n°1). Le 4 mai 2006, la branche surveillance humaine répond aux exigences réglementaires 42 par la création d’un CQP (Certificat de qualification professionnelle) de la branche Prévention Sécurité, avec obligation d’agrément par la CNNEFP (Commission paritaire de branche) pour les centres de formation désireux de réaliser les formations CQP d’agent de prévention et de sécurité. Le dossier d’agrément semble s’adresser aux centres de formation existant en sécurité, puisque l’un des critères est l’exigence d’exercice de plus de trois années comme centre de formation en sécurité et de posséder également l’agrément préfectoral centre de formation SSIAP. Presque immédiatement (après le 4 mai 2006), les formations de type CQP fleurissent un peu partout en France, sans que le CQP soit officialisé par arrêté du ministère de l’intérieur comme prévu par le législateur. Le décret n°2005-1122 du 06 septembre 2005 définit le programme de formation valant d’aptitude et reconnaît les certifications professionnelles au RNCP (Répertoire National de la Certification Professionnelle) se rapportant à l’activité exercée. Un titre reconnu par un Etat membre de l’Union Européenne ou par un des Etats partis à l’accord sur l’Espace Economique, se rapportant à l’activité exercée, vaut également Aptitude. Compte tenu de ces dispositions, nous nous voyons obligé de nous poser la question suivante : pourquoi le CQP d’agent de prévention et de sécurité défini par la branche ne figurerait-il pas au Répertoire national de la Certification Professionnelle ? Notre expérience de la profession nous permet de répondre à cette question en nous posant une nouvelle question : comment peut-on faire un agent de prévention et de sécurité avec les 70 heures de formation imposées par la branche au CQP ? Nous n’avons pas de réponse, pourtant certains termes de son programme nous surprennent dans le sens de la conception pédagogique « information sur le code pénal ». On se demande, en effet, comment on peut professionnaliser un acteur opérationnel et lui transmettre des informations. Pourtant, en l’absence de validation juridique ministérielle, nous avons vu arriver sur le terrain de nombreux CQP d’agent de prévention et de sécurité (quelle est la validité juridique de ces formations sans la validation du Ministère de l’intérieur ?). Ce n’est qu’à travers le décret n°2007-1181 du 03 août 2007 que l’Etat reconnaît le CQP et modifie certains termes du décret n°2005-1122 du 06 septembre 2005 en y ajoutant notamment un cahier des charges en vue de délivrer l’agrément du CQP pour une durée maximale de cinq ans (et valant également pour l’aptitude des dirigeants). Cette aptitude professionnelle est exigible « Au 1er janvier 2008 » pour les nouveaux entrants.

42 Journal d’information UNAFOS (Union Nationale des acteurs de formation en sécurité), N°1 décembre 2006

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Les dirigeants et les salariés en activité ont jusqu’au « 09 septembre 2008 inclus » pour justifier de cette aptitude. Les autres, « soit de manière continue entre le 10 septembre 2004 et le 9 septembre 2005 inclus », « soit pendant 1607 heures durant une période de dix huit mois comprise entre le 10 septembre 2004 et le 09 septembre 2008 inclus », mais également « les fonctionnaires de la police nationale ayant la qualité d’officier de police judiciaire, d’agent de police judiciaire ou d’agent de police judiciaire adjoint, en application des 1° et 1° bis de l’article 21 du code de procédure pénale, ainsi que les adjoints de sécurité qui ont la qualité d’agent de police judiciaire adjoint en application du 1er ter de cet article, justifient en cette qualité de l’aptitude professionnelle à être salarié ». L’Etat distingue ainsi plusieurs populations aptes à exercer dans le secteur privé de sécurité. Un autre décret du ministère de l’intérieur du 03 août 2007 définit quant à lui le cahier des charges relatif à l’agrément prévu à l’article 1er du décret n°2005-1122 du 06 septembre 2005 modifié (voir annexe n°2). Le décret du ministère de la défense du 19 juillet 2007 prévoit, quant à lui, l’aptitude au secteur pour le personnel cynotechnique de la défense nationale. Compte tenu de leur domaine d’activité « d’intervention » de ces entreprises, l’Etat, garant de la sécurité citoyenne, cherche à professionnaliser le secteur en le moralisant, en créant des conditions minimales d’aptitude professionnelle et en simplifiant la procédure d’observation préfectorale préalable à toute embauche par un dispositif conditionnel d’embauche, à la détention d’une carte professionnelle nationale et pluriannuelle, délivrée au vue des conditions de moralité et d’aptitude, et élaborée avec les partenaires sociaux du secteur.

III-2-1-3-1- La recherche d’une certaine efficacité dans la complémentarité

Les besoins privés de sécurité et de surveillance humaine relèvent de l’intérêt général de la société. L’Etat a identifié cet intérêt général comme complémentaire de ses forces publiques de sécurité. Ces besoins liés aux changements de la société post-industrielle (progrès, équipements, voir attitudes culturelles) ne vont cesser d’évoluer au fil du temps. Aujourd’hui l’Etat a tranché et reconnaît l’initiative des acteurs privés de sécurité et de surveillance humaine comme satisfaisante en la réglementant plus sérieusement. C’est ainsi que l’exercice de la profession est soumise à la possession d’un titre ou d’un diplôme, à certaines restrictions de temps et de lieu, ainsi qu’à un contrôle des nuisances. C’est également le cas pour d’autres professions soumises à la possession d’un diplôme (médecin, architecte). La puissance publique intervient ainsi par l’intermédiaire de sa police administrative pour fixer les règles d’intervention et de prévention du personnel privé de sécurité. L’époque où l’activité première était la présence dissuasive est maintenant révolue. La formation sur le tas n’est donc plus possible dans la société post-industrielle, où la complexité des missions des acteurs aux différents niveaux hiérarchiques nécessite une approche différente.

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L’Etat, les clients, le public ou les sociétés d’assurance, sont en droit de réclamer une prévention efficace, c’est-à-dire en adéquation avec les territoires d’action où la « Médiation » (la communication et le dialogue) devient le point d’ancrage qui transforme l’agent régulateur de l’ordre privé technique en agent régulateur de l’ordre social.

La refonte des contenus de formation devient donc obligatoire, et le ministère de l’intérieur en a pris conscience, si on en juge à travers les textes, en imposant un minimum d’aptitudes aux cadres et aux salariés.

La formation demeure, en effet, la condition essentielle de la performance et de la compétitivité d’un secteur orienté vers le profit économique.

Les référentiels de certifications de l’éducation nationale qui se veulent (sans aucun doute) ambitieux pour leur technicité et leur approche pédagogique du savoir, du savoir-être et du savoir-faire, laissent apparaître des lacunes. C’est ainsi que toute l’ingénierie pédagogique et de formation de l’entrée en formation à l’évaluation est remise en cause.

La résolution sur le terrain des conflits liés aux rappels à la loi, aux consignes de sécurité et de sûreté, aux règlements intérieurs des sites placés sous la surveillance privée, sont des compétences de plus en plus nécessaires. Les acteurs chargés de la formation et de l’emploi ne semblent pas disposer des ressources nécessaires à ces transformations.

Les fonctions d’intervention (sur le plan social) dans les espaces publics sont de plus en plus présentes dans les activités privées de sécurité pour lesquelles les opérateurs ne sont pas formés. Démunis et impuissants, face à la résolution de ces problèmes, et obligés malgré tout d’intervenir, ils accentuent alors les risques bien plus qu’ils ne les préviennent. Ce sentiment d’impuissance, accentué souvent par un mauvais traitement hiérarchique, et également dû au manque de formation de l’encadrement, entraîne l’affaiblissement et la perte de significations de leur corps de métier. « La valeur du travail n’a plus véritablement de raison d’être et peut alors se limiter aux avantages matériels et à la nécessité de gagner sa vie »43

L’agent de prévention et de sécurité est chargé d’assurer la sécurité des personnes et des biens placés sous sa surveillance (loi du 12/07/1983) et, à ce titre, il doit assistance et secours aux personnes sans porter atteinte à sa vie.

Si l’on se base sur le nombre des interventions constatées sur le terrain, la « Médiation » et le droit appliqué aux situations deviennent aujourd’hui les activités principales de ces opérateurs et des cadres qui assurent le suivi sur le terrain et doivent répondre aux exigences de la clientèle. Ces nouvelles exigences obligent l’ensemble des acteurs à repenser la formation.

L’autre axe à suivre en terme de formation, et dont l’université de Paris va prendre conscience, c’est le « droit à la sécurité » posé par le législateur en 199544 comme un droit fondamental, et dont il a fait une condition de l’exercice des libertés. C’est dans l’exercice des libertés que se situent les activités privées

43 Christophe DUPORTAL, La formation des sapeurs-pompiers – connaissances et savoirs – Paris 2004, 235 P. 44 Jean DANET, Justice pénale le tournant – Folio Le Monde Actuel, Gallimard, 2006, P 393.

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de sécurité. La licence professionnelle « Sécurité des biens et des personnes » de l’université de Paris V tient compte de ce droit appliqué à la sécurité. « La liberté est la règle, et l’intervention de l’agent privé de sécurité l’exception ».

Le droit appliqué aux fonctions de l’agent de prévention et de sécurité et la médiation induisent les compétences nécessaires à l’exercice des métiers de la prévention et de la sécurité privée, quelles que soient les territoires d’action. Les compétences induisent elles-mêmes l’autonomie nécessaire à l’exécution de l’action et de la prévention. Alors, quelles que soient les situations rencontrées par les acteurs (cadres et salariés) sur le terrain, il faut axer la formation sur l’autonomie de l’acteur nécessaire à l’exécution de ces fonctions, et non sur l’adoption divisée et partagée des emplois d’une politique axée uniquement vers le profit d’une relation économique contractuelle qui apparaît dans tous les discours des acteurs privés de la sécurité et de la formation.

L’Etat, régulateur de l’ordre public, va aussi faire émerger, à travers son pouvoir juridique, un nouveau statut de l’agent de prévention et de sécurité. Ce statut, par délégation des fonctions régaliennes plus proche de la société du risque, assoit une complémentarité, produit de la négociation collective, et impose un minimum d’aptitude. Cette aptitude génère alors un besoin de formation pour répondre à la demande massive du marché que les acteurs marchands, producteurs de formations et de surveillance, vont chercher à mettre à profit. Cette nouvelle demande engendre de nouveaux risques liés, cette fois-ci, à la professionnalisation.

III-2-1-3-2- Schéma récapitulatif de l’aptitude professionnelle

Date d’embauche effective des salariés

-

Avant le 1er janvier 2008 A partir du 1 er janvier 2008

Cas n°1 Expérience > 1 année continue + présence effective au 09/09/05

Cas n°2 Expérience mini 1607 heures sur 18 mois

comprise entre le 10/09/2004 et le 09/09/2008

Cas n°3 Aucune expérience ou n’entrant pas cas 1 ou 2

Validation de l’aptitude professionnelle par attestation d’employeur

Formation obligatoire à l’embauche : Titre enregistré au RNCP ou CQP de branche

Formation obligatoire avant le 09 sep 2008 : Titre enregistré au RNCP ou

CQP de branche

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II-2-1-3-3- Formation, autonomie et mécanismes à l’œuvre (du point d’ancrage identitaire au système personne)

Nous insistons ici sur les mécanismes de compréhension qui devraient servir pour préconiser la construction de dispositifs pédagogiques professionnalisants. C’est, en effet, à partir de la structure de ces dispositifs que l’acteur pourra donner sens à sa formation et à ses situations professionnelles. Nous cherchons ainsi à rendre un individu autonome pour l’aider à se positionner dans la société individualiste, à choisir des parcours et à réagir à ses diverses problématiques de travail. C’est pourquoi la formation professionnelle agit sur l’individu à deux niveaux pour lui permettre de donner du sens.

Rapport au savoir Rapport à l’environnement

Le système de formation professionnelle agit pour un individu sur deux plans :

- celui de son rapport au savoir,

- celui de son rapport à l’environnement. En conséquence, le dispositif pédagogique qui doit être mis en place doit se structure autour d’un double objectif :

1- acquérir les compétences définis en termes de savoirs dans la description modulaire de formation (savoirs induits par les situations de faire),

2- développer l’autonomie des stagiaires par une pédagogie spécifique basée sur la construction d’un rapport à l’environnement qui soit un rapport de projection.

Les stagiaires vont s’adapter, en modifiant leurs comportements généraux, pour tendre vers un but extérieur et se projeter vers leurs situations de faire. Cette pédagogie, qui vise l’autonomie des stagiaires, va s’exercer en modifiant leur système de représentation initial, si les stagiaires font le lien entre réalité des situations et sens donné à ces mêmes situations par la relation pédagogique. De notre point de vue, l’autonomie est la capacité à donner un sens à ses actes à partir de ses propres conceptions, « c’est une pédagogie du projet » ; c’est le triangle pédagogique qui nous permet de comprendre la pédagogie dispensée.

FORMATION PROFESSIONNELLE

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En effet, dans son modèle de compréhension pédagogique, Jean Houssaye définit tout acte pédagogique comme l’espace entre trois sommets d’un triangle : l’enseignant, l’étudiant, le savoir.

Derrière le savoir se cache le contenu de la formation, la matière, le programme à enseigner. L’enseignant est celui qui a quelques enjambées d’avance sur celui qui apprend et qui transmet ou fait apprendre le savoir. Quant à l’étudiant, il acquiert le savoir grâce à une situation pédagogique, mais ce savoir peut être aussi du savoir-faire, du savoir être, du savoir agir, du faire savoir. Les côtés du triangle sont les relations nécessaires à cet acte pédagogique. La relation didactique est le rapport qu’entretient l’enseignant avec le savoir.

Le Triangle pédagogique de Jean HOUSSAYE45

Savoir

Enseigner Apprendre Enseignant Etudiant

Former Jean Houssaye fait remarquer qu’en règle générale, toute situation pédagogique privilégie la relation de deux éléments sur trois du triangle pédagogique. Alors le troisième fait le fou ou le mort. « Enseigner », « Apprendre », « Former », « Eduquer » ne sont pas que des mots différents signifiant des facettes d’une même réalité. Au contraire, ils traduisent autant de postures pédagogiques possibles, selon que l’on privilégie un sommet ou une relation entre deux sommets. Nous privilégions la posture Former, et parmi les méthodes c’est la méthode expérientielle pour apprendre en faisant. Mais, dans ce ménage à trois de la relation pédagogique qui privilégie le processus former, c’est le contenu du savoir à transmettre qui fait le mort. Pour faire fructifier la relation pédagogique au maximum (travail d’accompagnement de médiation), nous tenons compte de l’apport de Vygotski à l’étude du développement (socio-constructivisme). Avec la zone proximale de développement (ZPD) de Vygotski, nous touchons à l’essentiel de la médiation pédagogique et à l’origine social du développement mental.

45 Le Triangle pédagogique (théorie et pratique de l’éducation scolaire – Vol. 1 – Berne : Peter LANG 1988).

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Repères théoriques : la ZPD « c’est la distance entre le niveau de développement actuel tel que qu’on peut le déterminer à travers la façon dont l’enfant résout des problèmes seul et le niveau de développement potentiel tel qu’on peut le déterminer à travers la façon dont l’enfant résout des problèmes seul lorsqu’il est assisté par l’adule ou collabore avec d’autres enfants plus avancés ».

Autrement dit, le développement actuel marque ce qu’un individu maitrise déjà seul, le type et le niveau de fonctionnement cognitif qu’il est capable de mettre en œuvre de façon autonome pour résoudre un problème. La zone proximale marque ce qui peut constituer la prochaine étape de son développement actuel pour peu qu’une interaction sociale (avec un adulte ou des pairs) soit limitée en formation, mais aussi en intervention (action) dans le travail. Cette distinction entre développement actuel et zone proximale permet à Vygotski de préciser le sens du développement du social (médiation) vers l’individu (développement actuel). Le médiateur (le travail et/ou la formation) doit, en effet, situer son intervention dans la zone proximale de développement pour permettre à l’apprenant de dépasser ses compétences actuelles grâce à une activité conjointe avec le médiateur ou avec d’autres apprenants. Le médiateur doit également permettre l’intériorisation des procédures acquises dans l’interaction sociale pour que l’apprenant puisse les mettre en œuvre de façon autonome. L’apprenant va alors intégrer une nouvelle forme de penser et d’agir à partir de l’autonomie, moteur de la réflexivité. Le sujet va se décentrer en prenant conscience de ses actes : « prévenir avant d’intervenir », et réduire ainsi l’écart entre le prescrit et le réel. Dans cette réduction répétée de l’écart entre le prescrit et le réel, se situe le « point d’ancrage identitaire ». C’est la prise de conscience des actions par les situations réelles de travail, qui structure l’identité professionnelle de l’agent de prévention, de sécurité et de sûreté privée.

L’intervention pédagogique doit se situer dans la zone proximale de développement des apprenants (fonctionnement interpsychique), point crucial avec des publics dits « en difficulté », « en souffrance », et c’est à partir de cette compréhension contextuelle que doit être induite l’ingénierie pédagogique (éducabilité cognitive). A partir de là, il y a place pour la créativité et l’intelligence pratique va se mettre en action en faisant émerger la ruse et les ficelles du métier. L’agent de métier va naître et le biais du gars avec lui (Demoyel) ; le symptôme disparaît car il devient conscient (Freud), et c’est la structuration de l’identité professionnelle.

L’individu va maintenant construire son propre sens et s’auto-organiser. C’est la deuxième Cybernétique.

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L’information délivrée se transforme alors en savoir officiel. Comment je mets du sens ? Ce sens va permettre à l’individu, à travers des contenus de formations adaptés, de se reconnaître et reconnaître les situations qui l’aideront à structurer son identité professionnelle.

II-2-1-3-4- Vers la structuration de l’identité professionnelle de l’agent de prévention, de sécurité et de sûreté privée46

REGLEMENTATION (médiation) Sécurité Sûreté (médiation) (médiation)

Prévention Privée Intervention (médiation) (médiation) (médiation) La prévention et l’intervention sont les capacités principales des acteurs quels que soient leurs contextes (ou territoires d’action). Le terme privé indique le caractère du cadre global. L’importance donnée à l’interaction de ces éléments à travers la didactique professionnelle va servir à structurer l’identité professionnelle des apprenants. Ces éléments constitutifs du contexte professionnel global dans lequel évolue l’acteur vont lui permettre de structurer son identité. La réglementation est le cadre général spécifique de ces situations professionnelles. La sécurité et la sûreté sont, comme on l’a dit précédemment, des contextes professionnels de partage avec les forces régaliennes (ou territoires d’action) :

- Sécurité : pour tout ce qui touche à l’accidentel,

- Sûreté : pour tout ce qui touche à l’intentionnel.

La médiation (ou techniques de communication) est transversale à l’ensemble de ces éléments. A partir de ce modèle que nous avons mis en évidence, dans le cadre de notre mémoire de Master « Ingénierie et conseil en formation », il existe probablement des typologies identitaires professionnelles structurées et construites par les

46 Antonio ARROYO – Master ingénierie et conseil en formation, « La structuration de ‘identité professionnelle de l’agent de prévention, de sécurité et de sûreté privée à travers la professionnalisation par la formation », université de Rouen, 2006, sous la direction de Jean Houssaye.

L’APSSP

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forces actuelles en présence : Etat, partenaires sociaux, compagnies d’assurance et donneurs d’ordre.

C’est l’ensemble des typologies identitaires construites dans le partage d’une relation régulatrice où le principe de « Précaution » de l’état de droit est le moteur de la dynamique de professionnalisation pour construire la didactique professionnelle correspondante et faire ainsi évoluer la société de la connaissance. Nous devons tenir compte de cette dynamique proche de la société du risque pour concevoir les didactiques professionnelles, et faire ainsi évoluer la société de la communication.

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CONCLUSION Le secteur marchand de la prévention, de la sécurité et de la surveillance humaine est un secteur complexe qui fait de plus en plus appel à des compétences nouvelles. C’est un secteur sensible soumis à une réglementation spécifique, qui limite ses domaines d’actions. Sa fonction préventive le place en amont des actions des services de police, de gendarmerie (police municipale) et des services d’incendie et de secours. Cette position préventive et complémentaire, imposée par le législateur (et pas toujours visible sur le terrain), le place face aux risques (techniques, naturels et sociaux) de plus en plus étendus et nouveaux. L’analyse des divers textes législatifs nous démontre la position délicate des opérateurs face aux exigences et au partage d’un espace sécuritaire de plus en plus vaste déléguée par un état qui, malgré l’élévation au rang de partenaire, ne lui reconnaît aucune prérogative officielle mais cherche pourtant à la professionnaliser. Ce contexte, associé à de nouvelles formes de management induites par les quatre grands groupes Européen (Securitas, groupe 4S Securicar, Prosegur et Securifrance) qui dominent actuellement le marché, et aux exigences des donneurs d’ordre et compagnies d’assurance, institutionnalise cette professionnalisation. La question de départ de cette réflexion, à savoir quelle était la forme de professionnalisation engagée, a conduit à l’hypothèse selon laquelle cette professionnalisation est une dynamique de professionnalisation engagée par l’Etat et les organisations. C’est une professionnalisation que nous appelons « professionnalisation prescrite ». Cette dynamique de professionnalisation, prescrite par le projet institutionnel et collectif, est une professionnalité collective qui répond à des stratégies des acteurs économiques et de l’état de droit institutionnel. C’est dans une logique de répartition des risques, liés à la modernité et à la stratégie des grands groupes européens de sécurité et de surveillance humaine, qu’évolue l’acteur privé de sécurité. Ce contexte d’évolution individualiste est le produit de la modernité et du secteur marchand qui répond davantage au sentiment d’insécurité (marché de la peur) qu’à la société réelle (du risque). Cette dynamique économique sécuritaire, initiée par les manageurs des écoles de commerce depuis les années quatre vingt, est recentrée vers la société du risque par l’Etat régulateur de l’ordre public à partir de l’année 2005. En effet l’Etat, garant de la sécurité citoyenne, va imposer, par la loi au secteur privé de sécurité, un minimum de compétences aux salariés et aux dirigeants. Ce minimum de compétences va se traduire par les exigences d’un certificat de qualification professionnelle, un titre ou un diplôme, inscris au répertoire national de la certification professionnelle en lien avec l’activité exercée. Ce réajustement institutionnel tien compte de l’organisation du secteur en branches (surveillance humaine, logistique de valeur, télésurveillance), découpées en territoires d’actions partagés avec les forces régaliennes (aéroportuaire). Ces aptitudes, qui ouvrent une certaine voie de professionnalisation, complexifie le secteur et divise les acteurs opérationnels qui se voient contraints à la spécialisation. Mais comment faire autrement, compte tenu de l’existant ? On assiste alors à une nouvelle forme de professionnalisation voulue par les organisations et qui accentue la dynamique économique en la décentrant légèrement vers la société du risque.

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De nouveaux langages émergent alors et on assiste à la création massive de CQP (Certificats de qualifications professionnelles) de branches, et à des tentatives d’inscription de titres au registre national de la certification professionnelle, sans même la parution du cahier des charges ministériel relatif aux agréments des centres de formation. Les soixante-dix heures de formation d’un CQP de branche sont la voie la plus rapide d’accès à la profession mais sont insuffisantes pour faire un agent de prévention et de sécurité. Les diplômes de l’Education Nationale (CAP et BP), les titres AFPA ou les titres inscrits au répertoire, censés transmettre polyvalence et autonomie, répondent prescriptivement aux besoins réels de la société du risque en matière de prévention et de sécurité privée. Mais en l’absence d’une véritable didactique professionnelle, construite à partir du faire, les dispositifs de formation répondent mal aux exigences opérationnelles de la société du risque. Il nous semble avoir relativement bien montré, en nous fondant sur les faits, les compétences, les sentiments des personnes concernées, que si le secteur se professionnalise dans la complémentarité des forces régaliennes, cette professionnalisation ne correspond pas aux exigences de la société du risque qui induit autonomie, médiation et projet personnel de l’acteur. Notre observation participante nous a permis d’approcher la complexité des interactions entre les différents acteurs sur le terrain, afin de mieux appréhender les comportements développés. En effet les moyens, les savoirs-faire, les méthodes et les outils utilisés couramment par les acteurs dans leurs actes quotidiens sont représentatifs des capacités et des compétences développées par leurs pratiques professionnelles et leurs relations sociales, et sont donc des éléments structurants de l’identité professionnelle et sociale. C’est pourquoi nous avons cherché à les identifier. Nous avons également cherché à identifier les stratégies de pouvoir qui viennent les contrarier entre l’Etat et le Marché. Cette professionnalisation d’institutionnalisation assignée semble entraîner le passage de l’obligation de moyens à l’obligation de résultat. Il s’agit plus d’une professionnalisation de l’adaptation à l’emploi, pour adapter les ressources de personnels en présence et celles à venir afin de répondre aux recrutements massifs (90 000 personnes) d’ici 2015. Ce besoin massif en recrutement accentue l’offre prescrite de sécurité et de formation qui complète le décalage des opérateurs, lesquels ont du mal à se reconnaître entre prescrit et réel, prévention et intervention. Pourtant cette forme nouvelle de professionnalisation génère inconsciemment un besoin de création d’une véritable didactique professionnelle, à entendre les acteurs de la formation qui n’hésitent plus à faire appel à des professionnels ou des psychologues du travail pour répondre à leurs demandes de formation. En résumé, les opérateurs sur le terrain sont particulièrement septiques quant à la professionnalisation n’ayant pas reçu la formation adéquate à leurs exigences de terrain. Les acteurs publics de sécurité confirment pourtant la complémentarité et l’amélioration du secteur même si des lacunes existent. Mais cette complémentarité n’est pas réversible aux yeux des acteurs privés, même s’ils sont amenés à rencontrer souvent les forces de sécurité publiques. La police municipale est carrément invisible de ces acteurs, alors qu’ils exercent également des fonctions de proximité. Nous pensons que les résultats obtenus correspondent, pour ainsi dire, aux termes de l’hypothèse émise au départ de l’étude. Il s’agit en effet d’une professionnalisation d’ajustement relative et contractualisée par l’état de droit et des forces économiques en présence.

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Au terme de notre travail, nous reconnaissons à cette étude des limites. La principale est liée à la collecte des données. Il aurait été intéressant de recueillir et d’analyser les discours informels des responsables des organisations syndicales patronales représentatives sur la position étatique de professionnalisation. Par ailleurs, l’étude n’a pas pris en compte les impressions des acteurs de sécurité privée travaillant pour la défense nationale ou les ports, ni des concepteurs des référentiels de certification. En dépit de ces insuffisances, l’étude présente quelques intérêts :

� c’est la première fois qu’un travail porte spécifiquement sur la professionnalisation du secteur privé de sécurité et de surveillance humaine,

� l’étude fait des propositions pour l’amélioration de cette professionnalisation.

Nous osons espérer que ce mémoire contribuera à l’avancement des recherches sur les pratiques de professionnalisation de ce secteur en pleine mutation et son rapport à la formation, pour peu qu’il trouve écho du côté des acteurs qui contribuent à la professionnalisation (professionnels et formateurs). Nous osons, en outre, croire quelle suscitera l’émergence de travaux similaires sur la question ou, de façon plus large, sur les constructions des identités professionnelles qui découlent de la forme de professionnalisation engagée, des situations de travail et leurs rapports à la formation, que personnellement nous comptons étudier dans le cadre de la thèse.

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A N N E X E S

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Bibliographie commentée

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ASTOLFI J. P. : « Education et formation : nouvelles questions, nouveaux métiers », Paris ESF, 2003 Cet ouvrage est un ensemble de contribution coordonné par Astolfi et dont le fil rouge est l’évolution actuelle des mots de l’apprendre, l’impact des nouvelles technologies dans l’évolution des métiers de l’éducation, les nouveaux statuts et la nouvelle situation identitaire des personnels de l’éducation y sont examinés par les auteurs et la nouvelle situation identitaire des personnels de l’éducation. BADJOIT G. : « Le changement social. Approche sociologique des sociétés occidentales contemporaines », A. Colin, collection cursus, 2003. En quelques décennies, les sociétés occidentales ont connu des mutations si diverses et considérables qu’il y a tut lieu de se demander s’il ne faudrait pas les définir, en toute priorité, comme des sociétés de changement. Rien d’étonnant en tout cas à ce que la notion même de changement social, au-delà de l’approche détaillée des diverses mutations opérées, se soit imposée comme un objet majeur d’analyse et d’interrogation, t à ce que sa prise en compte soit aujourd’hui de rencontre obligée dans tout apprentissage des sciences sociales un tant soit peu axé sur le concret. D’où tout l’intérêt de la présente synthèse qui ré-interroge les principaux concepts de la sociologie pour dégager la voie d’une approche théorique et pratique extrêmement efficace et ouverte du changement social. L’acteur procède, avec une constante clarté d’exposition, à une véritable remise en perspective de la manière sociologique, qui fait de cet ouvrage, de manière indissociable, à la fois un manuel d’introduction à la sociologie telle qu’elle a désormais à se pratiquer et à s’enseigner, et un outil de compréhension du contemporain dans sa nature si décidément évolutive. Outil privilégié de formation et d’ouverture au social pour les étudiants en sociologie et plus généralement en sciences de l’homme et de la société en général en SHS, ce livre s’adresse aussi aux acteurs sociaux, aux responsables associatifs et à tous ceux qui veulent garder prise sur l’évolution de la société. BECK U. : « La société du risque sur la voie d’une autre modernité », Flammarion – Champs, 2003, 522 P. La principale œuvre du sociologue Ulrich Beck n’est pas un livre sur le risque mais un livre sur la transformation de la société actuelle en une société post-industrielle où les rapports sociaux, l’organisation politique, la structure familiale, etc. …seraient profondément modifiés. Selon Ulrich Beck, nous passons d’une société industrielle, où le problème central était la répartition des richesses, à une société centrée sur la répartition des risques. Autrement dit, le risque n’est plus une menace extérieure mais bien un élément constitutif de la société. Les risques apportés par la civilisation ont pour caractéristique qu’ils se déroulent à la perception tant physique que géographique et temporelle. Le risque est d’une nature nouvelle et entraîne une redéfinition de la dynamique sociale et politique en devenant un critère supérieur à la notion de répartition des richesses qui structurait jusque là notre société capitaliste. S’inscrivant dans la tradition allemande de la sociologie de Max Weber, Ulrich Beck cherche à faire une sociologie générale : chômage, vie familiale, inégalités sociales, politiques. Pour l’auteur, le mot risque est connoté d’une acceptation bien plus large que l’idée d’un risque technologique majeur, mais il met alors sur le même plan ce qui peut être critiquable : risques industriels (modernité réflexive), incertitudes scientifiques (risques scientifiques) et insécurité sociale (individualisme).

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Aujourd’hui ce n’est pas l’ampleur du risque qui change mais sa « scientification » qui ne permet plus de se décharger de ses responsabilités en accusant la nature. On sait que le risque est généré par la société industrielle elle-même et généralisé au delà de l’organisation traditionnelle de la société en classes, production et reproduction, partis et sous-systèmes, comme si les formes traditionnelles, sociales, institutionnelles et familiales de maîtrise de l’insécurité n’étaient plus assurées dans « la société du risque », et comme si le poids de cette insécurité reposait sur le seul individu. DUBAR C., TRIPIER P. : « Sociologie des professions », Paris, A. Colin, 1998 Sous-discipline de la sociologie, la sociologie des professions occupe de longue date une place importante aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne où plusieurs manuels lui sont consacrés ; mais, en langue française, le présent ouvrage est le premier qui présente ce champ de recherches. Il s’efforce de retracer l’architecture des grands modèles des professions qui se sont succédé en Occident (1ère partie), puis il expose les principales théories sociologiques des professions qui continuent à s’affronter – et parfois à se combiner – dans les travaux récents (2ème partie). Enfin, il regroupe de nombreuses recherches empiriques menées sur les groupes professionnels dans la France des années 1960 à 1990 (3ème partie). A travers les modèles, théories et recherches, l’ouvrage tente de clarifier le vocabulaire qu’utilisent les sociologues pour décrire le travail professionnel, analyser la dynamique des groupes professionnels et des marchés du travail, interpréter l’évolution des systèmes professionnels et des identités salariales. Il constitue ainsi un instrument utile à tous les chercheurs et étudiants en sciences sociales qui s’intéressent aux évolutions des réalités professionnelles. DUBET F. : « Le déclin de l’institution », Le seuil, 2003, 422 P. Au centre du livre, une idée force : le programme institutionnel n’est plus la constitution de la société, les individus comptent bien faire entendre leurs droits personnels contre la contrainte collective. L’institution dont il s’agit c’est plutôt l’idée d’institution dont le déclin serait caractéristique d’une nouvelle façon de vivre ensemble qui se cherche dans la douleur. Il n’y a pas si longtemps, le monde social était unifié par l’institution, une « machine » à transformer les valeurs en normes, qui était suffisamment acceptée par tous : au départ des individus, des individus ayant intégré à la fois les valeurs et la façon dont elles ont été mises en place dans la société font fonctionner les institutions. L’individu devient sujet, à la fois conforme, adapté et capable de critique, de « dissidence ». le programme implique, c’est-à-dire assure (en aval), et suppose (en amont) une certaine cohérence de la société. De par l’aspect universel des valeurs, l’institution est liée à l’Etat et a pour objet principal le travail sur autrui. Ce programme institutionnel ne fonctionne plus vraiment, que faut-il en garder pour rester dans une société démocratique vivable ? Le débat tourne beaucoup autour du regret de cette période bénie où le programme institutionnel fonctionnait bien. La massification bouleverse le métier. La compétence disciplinaire est insuffisante, il y faut rajouter de la pédagogie. Les professeurs doivent motiver les élèves, créer les conditions pour faire cours. Les travailleurs sociaux, les médiateurs ont leur part dans ces mutations. Il est difficile de dire comment traiter cette nouvelle forme de sociabilité, cela appartient à l’avenir, à une longue suite de décisions et d’actions qui feront la plus u moins grande maîtrise de cette évolution. Le travail de socialisation continue dans les formes d’actions plus éclatées.

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L’hypothèse de François DUBET est qu’il repose sur un principe d’homologie des expériences du professionnel et du socialisé, le travail sur autrui est devenu un travail comme les autres moins soumis à la « vocation » qu’à la technicité. Il faut bâtir des institutions démocratiques de petite taille fondées sur le métier reconnu en évitant trois voies sans issues : le retour de l’autorité, le libéralisme et le droit. GUIDDENS A. : « Les conséquences de la modernité », Paris, L’Harmattan, 1994. Quelle est la nature de la modernité ? Pourquoi la modernité s’étend à toute la planète ? Le monde est-il moderne ou post-moderne ? L’auteur propose une analyse sociologique de la modernité conçue en quatre institutions : le capitalisme, l’industrialisme, la surveillance et la puissance militaire. Leur dynamique continue, par les mécanismes de délocalisation, de séparation du temps et de l’espace et la réflexivité du savoir, marque la radicalisation de la modernité. La globalisation de ces institutions met l’humanité en face de risques d’une ampleur jamais vue, transforme les relations interindividuelles et l’intimité en mettant en jeu la confiance dans des systèmes abstraits. La modernité peut être source de danger mais également de développement. Penser des futurs souhaitables, proposer une utopie réaliste sont les conclusions de l’auteur pour maîtriser l’emballement du camion fou sur lequel nous sommes embarqués. OCQUETEAU F. : « Les défis de la sécurité privée, protection et surveillance dans la France d’aujourd’hui », L’Harmattan, 1995, 183 P. En France, l’industrie des équipements de sécurité est en constante progression. Cette croissance du commerce de la sécurité privée dans nos sociétés repose, de façon inédite, sur des questions traditionnelles au sujet de la mise en œuvre de la discipline, de l’ordre et du contrôle social. Les pouvoirs publics jouent un rôle clé dans la législation de ce secteur, par une redéfinition permanente des responsabilités des différents agents de l’ordre : redéfinition des tâches à mesure que s’ouvre l’emprise des techniques de vidéosurveillance et de surveillance à distance, et que progresse le sentiment d’insécurité. Cet ouvrage oblige le citoyen a bien mesurer la complexité du phénomène s’il entend le combattre à bon escient. 1990 : le montant des dépenses privées pour se protéger dépasse les dépenses publiques de prévention et de répression de la délinquance. 1 700 entreprises de gardiennage sont recensées et 270 entreprises de télésurveillance (surveillance électronique à distance). Cette émergence indique une redéfinition de la place de l’Etat dans la régulation des dysfonctionnements de la société. L’objectif de prévention des manifestations d’insécurité réapparaît depuis la fin des trente glorieuses. Or l’Etat, du fait de ses difficultés financières, se pose comme un animateur plus que comme un entrepreneur. La sécurité devient donc une valeur à co-produire (la sécurité c’est l’affaire de tous). Les citoyens sont invités à mieux protéger leur habitat, sous la pression des assurances. Les entreprises doivent également concourir (centres commerciaux, transports publics). Parallèlement, les prestataires de service ont réussi à conquérir une légitimité quasi complète. La sécurité privée est difficile à cerner car on confond l’organe et la fonction. L’émergence de la sécurité privée pose différends problèmes inédits à la démocratie et à l’Europe : la crainte classique de l’opposition sécurité – liberté ; le devenir des missions de la police administrative.

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WITTORSKI R, SOREL Maryvonne : « La professionnalisation en actes et en questions », L’Harmattan, 2005 La professionnalisation devient un sujet d’étude d’autant plus important que ce concept impacte Désormais toute action formative ou relative à la pratique à la pratique de son travail. Des exemples concrets sont donc donnés dans le cadre d’une professionnalisation relative à des individus, des organisations, des métiers ou des activités. Ils permettent de faire surgir des bases théoriques pour définir ce concept ainsi que les problèmes et les débats qui lui sont associés. Un modèle théorique est enfin proposé, permettant la définition de notions telles que les compétences, le savoir, la connaissance, la capacité, dans deux logiques : celles de la demande (pratique) et de l’offre (dispositif).

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Bibliographie complémentaire

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ABRIC Jean Claude, FLAMENT Claude, GUIMELLI Christian, MARDELAT René, MORIN Michel, SINGERY Jachy, « Pratiques sociales et représentation » ; PUF, Paris. 2001 (4ème édition) 256 P.

ARDOUIN Thierry, « Ingénierie de formation pour l’entreprise » : Dunod 2003, 272 P.

AMALBERTI, DE MONTMOLLIN, THEUREAU, « Modèles en analyse du travail », Mardaga, 1979

BARBIER Jean Marie, « Savoirs théoriques et savoirs d’action », PUF, Paris, 1998 (2ème édition), 305 P.

BAILER L. (1998), « Les enjeux de la formation des formateurs ». In la formation des enseignants sur le territoire : former, organiser pour enseigner, Paris, Hachette Education.

BELHACHE Christian, « Droits et métiers de la sécurité privée », Ed La Mouette, La Baule, 2003, 557 P.

BELLENGER Lionel, PIGOLLET Philippe, « Dictionnaire de la formation et du développement personne »l, ESF, Paris, 1996, 335 P.

CARRÉ Philippe, CASPAR Pierre, « Traité des sciences et des techniques de la formation », Dunod, 1999, 512 P.

CLOT Yves, « La fonction psychologique du travail »l, PUF, Paris, (le travail humain), 1999, 245 P.

DUPORTAL Christophe, « La formation des sapeurs pompiers, connaissances et savoirs », 2004, 235 P.

DEJOURS Christophe, « Travail et usure mentale », Bayard, 1993, 263 P.

DE MONTMOLLIN Maurice, « Vocabulaire de l’ergonomie » (2ème édition), Ed Octarés, Toulouse, 1995, 287 P.

DENOYEL Noël, « Travail manuel et culture personnelle », (le cas de deux artisans du fer en Savoie et Dauphiné), Mémoire DUEPS, 307 P. Tours, 1990, Le Biais du gars, travail manuel et culture de l’artisan, Ed Universitaires, Mésonance, 202 P.

DORON Roland, PAROT Françoise, « Dictionnaire de psychologie », PUF, Paris, 1991, 759 P.

DUBARD Claude, TRIPIER Pierre, « Sociologie des professions », Armand Colin, Paris 2003, 255 P.

DUBET François, « Le déclin des institutions », le Seuil, 2003.

GEIBEN Bernard, NASSET Jean-Jacques, « Sécurité Sûreté la gestion intégrée des risques dans les organisations », Ed d’organisation, Paris, 1998, 150 P.

GOGUELIN Pierre, « La formation continue des adultes », PUF, Paris, 1994 (4ème édition), 246 P.

HASSID Olivier., « La gestion des risques », Dunod (topos), Paris, 2005, 124 P.

HOUSSAYE Jean, « La pédagogie : une encyclopédie pour aujourd’hui », ESF, Paris, 2001, 351 P.

JOUSSE Georges, « Le risque cet inconnu », (collection comprendre et savoir), ED Imestra, Paris, 2004, 169 P.

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KERVERN Georges-Yves, RUBISSE Patrick, « L’archipel du danger »r (introduction aux cindyniques), Economica CPE, Paris, 1991, 444 P.

LERBERT Georges, « Système personne et pédagogie », ESF, Paris, 1993, 156 P.

MARTIN Jean Paul, SAVARY Emile, « Formateur d’adultes », Ed Chronique sociale, Lyon, 2001, 364 P.

MILGRAM Stanley, « Soumission à l’autorité », ED, Colman – Levy, 1974, 268 P.

OCQUETEAU Frédéric, « Polices entre état et marché », Presses de sciences Po, Paris, 2004, 189 P.

PAUVERT Bernard, « La sécurité des spectacles », Collection Droit de la sécurité et de la défense, L’harmattan, Paris, 2004, 197 P.

PLANCHETTE Guy, NICOLET Jean Louis, VALANCOGNES Jacques, « Et si les risques m’étaient comptés », Ed Octarés, Toulouse, 2002, 171 P.

ROGERS Carl R, « Le développement de la personne », Dunod, Paris, 2005, 270 P.

SIMULA Pierre, « La dynamique des emplois dans la sécurité », Ed de l’Institut des Hautes Etudes de la Sécurité Intérieure (IHESI), Paris, Novembre 1999, 117 P.

VARELA Francisco J, « Autonomie et connaissance », (essai sur le vivant), Seuil, Paris, 1989, 247 P

VASSILEFF Jean, « La pédagogie du projet en formation », Ed Chronique sociale, Lyon, 1997, 153 P.

VYGOTSKI Leve Somenovittch, Seve Lucien, « Pensée et langage, La dispute », 1997, 536 P.

ZARIFIAN Philippe, « Le modèle de la compétence », Editions liaisons, Paris, 2001, 115 P.

ZAVALLONI M, GUERNI C. « Louis », ED Privat, Toulouse, 1994, P. ARROYO Antonio : Mémoire de master « Ingénierie et conseil en formation », Université de Rouen, 2005 (sous la direction de J. HOUSSAYE).

Convention Collective Nationale : « Entreprises de prévention et de sécurité », Ed des journaux officiels, Paris, 2003, 300 P.

Editions, Sciences Humaines : « L’identité »Auxerre, 2004, 331 P.

Lettres info SNES (Syndicat National des Entreprises de sécurité), 2004.

Lettres info USP (Union des Entreprises de Sécurité Privée), 2004, 2005.

Norme Française : NFX 50 – 777, Service des entreprises privées de sécurité « services de surveillance par agents en poste, par agents itinérants et d’intervention sur alarme », Ed AFNOR, Paris, 1988, 35 P.

Territoires et sécurité, Séminaire de questions sociales, ENA, promotion Averroès 1998 – 2000, « La sécurité : le rôle de la puissance publique face à l’émergence d’un bien économique », 51 P.

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S I T O G R A P H I E

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SYNDICATS

- Syndicat National des Entreprises de Sécurité (SNES) – [email protected]

- Confédération Européenne des Services de Sécurité (COESS) – www.coess.org

- Union des Entreprise de la Sécurité Privée (USP) – [email protected] – www.uspsecurite

- Association Nationale des Métiers de la Sécurité (ADMS) – www.adms.asso.fr

- Fédération Nationale des Sapeurs-pompiers de France – www.pompiersdefrance.org

LIENS DIVERS UTILES

- Ministère de l’Intérieur – Observatoire National de la Délinquance – www.interieur.gouv.fr

- Ministère de la défense – www.defense.gouv.fr

- Journal Officiel – www-officiel.gouv.fr

- Legifrance – Le service public de l’accès aux textes légaux et à la réglementation – www.legifrance

- Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité – www.cnds.fr

- AFNOR, association française de normalisation – www.afnor.fr

- Site officiel marque NF – www.marque-nf.com

- Certification Qualicert SGS – www.qualicert.fr

FORMATION

- Union Nationale des acteurs de la formation – www.unafos.org

- Organisme Paritaire Collecteur Interbranches – www.opcib.com

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TABLE DES MATIERES INTRODUCTION ................................................................................................................................2 PREMIERE PARTIE : CONTEXTE THEORIQUE ......................................................................5

I-1- PROBLEMATIQUE ..............................................................................................................6

I-1-1- Justification du choix du thème ...............................................................................6 I-1-2- Problème de recherche..............................................................................................7 I-1-3- Objectifs de l’étude....................................................................................................7 I-1-4- Intérêt de l’étude .......................................................................................................8

I-2- LA SURVEILLANCE HUMAINE ....................... ................................................................8

I-2-1- Analyse socio-économique ........................................................................................8 I-2-2- Une nécessité de professionnalisation......................................................................9 I-2-3- Des pratiques qui remettent en cause la qualité moyenne des prestations ..........9 I-2-4- Un faible niveau de qualification .............................................................................10 I-2-5- Une offre privée non liée à la défaillance de la puissance publique......................11 I-2-6- Un développement semi-autonome ..........................................................................13 I-2-7- Risques d’atteintes aux libertés publiques ..............................................................13

(par l’action dans les lieux publics) I-2-8- Des territoires publics « particuliers » ....................................................................14

I-2-8-1- D’autres territoires publics particuliers ........................................................15 (magasins et centres commerciaux°

I-2-8-2- Espaces privés « cœur du territoire du secteur marchand de sécurité » ....16

I-3- COPRODUCTION ET REGULATION DE SECURITE ........ ..........................................16 I-3-1- Motif d’intervention de l’Etat ..................................................................................17 I-3-2- Evolution des menaces criminelles contemporaines et évolution du marché .....18

privé de sécurité I-4- HISTOIRE ET EVOLUTION DE LA NOTION DU RISQUE A TRAVERS .................19

L’APPROCHE PSYCHOLOGIQUE I-4-1- Approche psychosociologique des conduites à risques et nécessité de la ............19

professionnalisation d’un secteur à partir de la société du risque I-4-2- Vers le paradigme identitaire d’une société du risque...........................................20 1-4-3-L’individuation...........................................................................................................20

I- 5- FACTEURS D’EVOLUTION..............................................................................................21

I-5-1- Du prescrit législatif au besoin du terrain ..............................................................23

I-6- REVUE DE LITTERATURE................................................................................................25 I-6-1- Principaux concepts relatifs à la sphère privée de sécurité et de surveillance ....26

humaine I-6-1-1- Définition du secteur privé de sécurité...........................................................26 I-6-1-2- Sécurité..............................................................................................................26 I-6-1-3- Sûreté.................................................................................................................26

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I-7- DES METIERS A LA PROFESSION..................................................................................27 I-7-1 Professionnalisation....................................................................................................27

I-7-1-2- Profession......................................................................................................28 I-7-1-3- Professionnalisme.........................................................................................28

I-7-2- Un autre courent théorique l’interactionnisme ......................................................29 I-7-2-1- Le point de vue interactionnistes sur les professions................................29 I-7-2-2- La dynamique des emplois d’un secteur qui se professionnalise.............29

I-7-3- Distinction entre métier et profession......................................................................31 I-7-4- Compréhension des dynamiques de professionnalisation .....................................33

(individus, activités, organisations) I-7-4-1 Pratiques de professionnalisation ................................................................34

(savoir en action et acteurs de la formation) I-7-4-2- Dispositifs de professionnalisation..............................................................35

(savoir en action et acteurs de la formation) I-7-5- La professionnalisation de la police municipale .....................................................37

I-7-5-1- Le métier : entre repli et ouverture d’un travail sur autrui ....................38 I-7-6- Evolution d’un secteur économique à travers une histoire dégradée...................40

I-8- THEORIES DE REFERENCES...........................................................................................41

I-8-1- Hypothèse de réflexion..............................................................................................43 I-8-2- Précisions sur les dynamiques identitaires mises en jeu ........................................44

DEUXIEME PARTIE : APPROCHE METHODOLOGIQUE .......... ............................................45

II-1- POPULATION ET ECHANTILLONAGE................. .......................................................46

II-1-1- Des forces de sécurité publique acteurs de proximités de sécurité et de sûreté .46 II-1-2- Des donneurs d’ordre (et chefs de services internes de sécurité) ........................47 II-1-3- Des acteurs chargés de la formation et de l’emploi ..............................................48 II-1-4- Des acteurs opérateurs, ancien élèves de formation initiale ................................49

II-2- COLLECTE DES DONNEES .............................................................................................50

II-2-1- Des entretiens ...........................................................................................................50 II-2-2- Des observations directes ........................................................................................50 II-2-3- Des données documentaires ....................................................................................53

TROISIEME PARTIE : ANALYSE ET INTERPRETATION DES DO NNEES.........................54

III-1- PRESENTATION GLOBALE DES RESULTATS DES INVES TIGATIONS.............55 III-1-1- Synthèse des entretiens avec les acteurs publics de sécurité ..............................55

(police, pompiers) III-1-2- Synthèse des entretiens avec les donneurs d’ordre .............................................56

(publics et privés) des services internes et externes de sécurité III-1-3- Synthèses des entretiens des chargés du secteur de la formation et ..................57

de l’emploi III-1-4- Synthèse des entretiens des anciens élèves ou stagiaires.....................................58 III-1-5- Bilan de l’investigation documentaire ..................................................................59

III- 1-5-1- Des formations spécifiquement réglementées en fonction ...............59 des territoires

III-1-5-2- La sûreté aéroportuaire........................................................................61 III-1-5-3- La sécurité des manifestations sportives, récréatives ou ..................62

culturelles à but lucratif

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III-1-6- Mouvance des organisations syndicales patronales, image économique...........63 d’un secteur en voie de professionnalisation

III-1-7- L’engagement dans un processus de certification...............................................64 III-1-8- Résultats des observations directes.......................................................................65

III-2- PRINCIPES ET MODALITES DE LA PROFESSIONNALIS ATION.........................65

PAR LA FORMATION (ORGANISATION – INSTITUTION) III-2-1- Des principaux partenaires en présence...............................................................66

III-2-1-1- Des organisations patronales ...............................................................66 III-2-1-2- Des acteurs chargés de la formation (publics et privés) ....................69 III-2-1-3- L’Etat, régulateur des activités de sécurité privée.............................71 III-2-1-3-1- La recherche d’une certaine efficacité dans la complémentarité..72 III-2-1-3-2- Schéma récapitulatif de l’aptitude professionnelle.........................74 III-2-1-3-3- Formation, autonomie et mécanismes à l’œuvre ............................75

(du point d’ancrage identitaire au système personne) III-2-1-3-4- Vers la structuration de l’identité pr ofessionnelle de l’agent de ..78

prévention, de sécurité et de sûreté privée CONCLUSION ....................................................................................................................................80 ANNEXES ............................................................................................................................................83 BIBLIOGRAPHIE COMMENTEE...................................................................................................84 BIBLIOGRAPHIE COMPLEMENTAIRE ....................... ...............................................................89 SITOGRAPHIE ...................................................................................................................................92