Universalis Les Amours de Ronsard

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  • Les Amours(Pierre deRonsard - 1552-1578)Article crit par Yvonne BELLENGER

    Le titre Les Amours dsigne chez Ronsard une srie de publications qui vont de ses dbuts littraires la fin desa vie. Clbrant Cassandre, Marie, puis Hlne, il invente un lyrisme qui renouvelle la posie amoureuse.

    I-Un recueil tripartiteEn 1552, Pierre de Ronsard commence par clbrer Cassandre, figure rve autant et plus que relle, dans

    un recueil de sonnets dcasyllabiques intitul Les Amours, dont il donne l'anne suivante une rditioncorrige, remanie, augmente, comme toujours lorsqu'il reprend ses uvres. En 1555, nouvelle inspiration etnouveau recueil: c'est la Continuation des Amours (c'est--dire la suite des Amours), en sonnets encore,mais cette fois de dcasyllabes et d'alexandrins, que va prolonger en 1556 la Nouvelle Continuation desAmours, compose de pomes de factures diverses. Ces deux nouveaux recueils introduisent le personnage deMarie.

    En 1560, Ronsard regroupe ses uvres en plusieurs tomes. Le premier porte le titre Amours et se partageen deux livres: Premier Livre des Amours pour Cassandre, Second Livre des Amours pour Marie. Le volumes'accrot considrablement dans la rdition de 1578: il ajoute une suite (Sur la mort de Marie) au SecondLivre et se complte de diverses pices nouvelles, parmi lesquelles les Sonnets pour Hlne (sonnetsd'alexandrins).

    Trois inspiratrices donc: Cassandre, Marie, Hlne. On s'est perdu leur propos en considrationsbiographiques aussi vaines qu'illusoires. Leur intrt, leur existence mme ne tient pas une ventuellerencontre avec la ralit. Leur seule vrit est d'tre d'admirables crations potiques, de pures inventionsde Ronsard, et de reprsenter chacune une image de l'amour, du monde et de la posie dans un universmental et dans un dcor particuliers. Car si les trois canzonieri s'inscrivent dans la tradition ptrarquiste,Ronsard renouvelle et transforme cette tradition, donnant lieu trois styles, trois visions du monde, troismusiques diffrentes.

    II-Ronsard, prince des potesDans une langue labore et tincelante, le recueil de Cassandre se compose de dcasyllabes au rythme

    dansant comme la jeunesse, qui disent l'illumination amoureuse dans un univers quasi panthiste: Amour,Amour, que ma matresse est belle!/ Soit que j'admire ou ses yeux, mes seigneurs,/ Ou de son front la grce etles honneurs,/ Ou le vermeil de sa lvre jumelle (49)

    L'hrone du Second Livre est une paysanne, Marie, et le style qui la chante, familier et enjou, sediffrencie de celui qui convenait Cassandre, noble demoiselle: Marie, vous avez la joue aussi vermeille/Qu'une rose de mai, vous avez les cheveux/ De couleur chtaigne, entrefriss de mille nuds,/ Gentementtortills tout autour de l'oreille (10). Ronsard le qualifie de beau style bas. partir de 1578, avec l'ajoutde la deuxime partie Sur la mort de Marie, de ton videmment plus grave, le recueil semble se rapprocher dumodle de Ptrarque (qui clbrait d'abord la vie, puis la mort de Madonna Laura), mais c'est de loin. Dans lesAmours de Marie, malgr les tristesses, les dpits, les jalousies et la mort, c'est la joie d'aimer, la beaut desdames et l'allgresse de la nature qui l'emportent: Comme on voit sur la branche au mois de mai la rose...(Second Livre, 4).

    Le dernier canzoniere, Hlne, est beaucoup plus tardif. Il parat vingt-cinq ans aprs les premiresAmours et s'adresse une demoiselle de la cour formellement identifie, Hlne de Surgres. Le schmanarratif, plus clair, cesse d'tre orthodoxement ptrarquiste, si tant est que les prcdents recueils l'aientt: le pote aime non point par un coup de foudre mais par lection, parce qu'il l'a voulu. Il se lamente dela cruaut de la dame, il la loue, il l'encense, mais il lui arrive aussi de la traiter sans mnagement: Quandvous serez bien vieille, au soir, la chandelle,/ Assise auprs du feu, dvidant et filant,/ Direz chantant mesvers, en vous merveillant:/ Ronsard me clbrait du temps que j'tais belle (43). la fin, il s'en lasse et ledit sans ambages: Te serve qui voudra, je m'en vais... (74). Les Sonnets pour Hlne crent un nouveaustyle de canzoniere: la dame ne ressemble gure ses devancires. Le pote la chante dans une languesuperbe, sur un ton de noblesse familire qui surprend parfois. Jamais l'alexandrin n'a t pareille fte.

  • La plus grande partie de l'uvre immense de Ronsard, salu en son temps comme le prince despotes, n'est plus gure frquente que par les spcialistes. Aprs le purgatoire que lui ont inflig lesclassiques (Boileau, dans l'Art potique (1674) le traite d'orgueilleux et voque son faste pdantesque),c'est en redcouvrant ses Amours que le XIXesicle a rhabilit le pote, et c'est surtout pour ses Amours qu'ilest aujourd'hui connu et apprci du public.

    Yvonne BELLENGER

    Bibliographie. P.DE RONSARD, Les Amours, F.Joukovsky d., coll. Posie, Gallimard, Paris, 1974; Les Amours, C. et H.Weber d., Classiques

    Garnier, Paris, 4ed. 1999.

    tudes Y.BELLENGER, Lisez la Cassandre de Ronsard, Champion, Paris, 1997

    F.DESONAY, Ronsard pote de l'amour, Palais des Acadmies, Bruxelles, 2ed. 1962 et 1965

    A.GENDRE, Ronsard, pote de la conqute amoureuse, Slatkine, Genve, 2ed. 1998.