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UNE REPRÉSENTATION RADIOPHONIQUE DE BROADWAY 56’ (2013) Simon Ripoll-Hurier http://broadway.simonripollhurier.com

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UNE REPRÉSENTATION RADIOPHONIQUE DE BROADWAY

56’ (2013)

Simon Ripoll-Hurier

http://broadway.simonripollhurier.com

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LE MYTHE DE BROADWAY

Le mythe de Broadway est une succession de métonymies : il célèbre une rue, pour les théâtres qui la bordent, pour la ville qui les contient, pour l’idéologie qui produit cette ville. Il s’agit pour nous de questionner le mythe de Broadway en le prenant au pied de ses lettres, et en le traversant, à pied. Et donc de se poser la question : comment emprunter Broadway ? L’avenue est un ancien sentier indien, la seule concession diagonale des colons orthogonaux, d’où une autre question : comment biaiser Broadway ?

Dans l’imaginaire collectif, les mélodies des théâtres empiètent sur l’avenue et, à force, tous ces airs qui circulent finissent par émaner de la rue même, laquelle n’est peut-être plus composée que de ces empilements, successions et superpositions de mélodies. Un peu comme ces poteries qui conserveraient gravée à leur surface l’ambiance sonore de leur fabrication (archéoacoustique), le bitume s’est progressivement chargé des airs du temps.Alors quelle sorte d’outil faut-il fabriquer pour écouter la mélodie de Broadway ? Quelle sorte de diamant pour lire ce sillon ?

LA GENÈSE DU PROJET

C’est équipé de ces questions, et d’un enregistreur numérique, que je me rends à New York en juin 2010. J’emprunte Broadway, à pied, en descendant toute la section de biais (du croisement de la 72e rue à l’angle de la 9e), le matin du 17 juin 2010. J’enregistre toute la marche, qui dure environ 1h30. Le temps est dégagé, l’avenue aussi. De retour sur le vieux continent, je reprends l’enregistrement, avec l’intention d’en faire une transcription pour une petite formation musicale. Quelles mélodies se sont imprimées sur la bande ? Quelle grille appliquer, quels sons transcrire ou ignorer ? Comment mettre cela en partition ? Pour quels instruments ? Assez vite, un certain nombre d’éléments sonores plus remarquables que d’autres semblent se dégager de la confusion ambiante. J’entame la transcription selon la grille suivante : les conversations seront interprétées par un couple de chanteurs, les sifflements et sirènes par un saxophone sopranino, les crissements de freins par un saxophone alto, les klaxons par un piano, les ronflements de moteurs par une contrebasse, et les battements, frottements, claquements, par une batterie. Je prends le rôle de transcripteur, et de chef d’orchestre.C’est une transcription littérale de l’avenue, dont on célèbre non plus les lettres (les néons des théâtres, des commerces, les buildings) mais ce qu’il y a à leurs pieds (les circulations de machines, d’hommes, d’animaux).

There may be streets that have their sorrowA smile today a tear tomorrow

Buts there’s a street that lives in gloryIt always tells the same old story.

(The Broadway Melody, 1929 Arthur Freed / Nacio Herb Brown)

The Broadway Melody tire son titre de la comédie musicale du même nom, datée de 1929, premier film entièrement « parlant » de l’histoire du cinéma (« All talking, all singing, all dancing picture »).

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L’ATELIER DE CRÉATION RADIOPHONIQUE

Pour que le mythe de Broadway se constitue, il a fallu que les airs qui emplissaient l’avenue soient relayés, repris, diffusés au maximum. Le cinéma s’en est chargé dans une large mesure, mais l’opération n’aurait pas fonctionné sans le recours massif aux ondes hertziennes (ainsi bien sûr qu’à l’industrie du disque). Il semblait naturel alors, que l’exploration de ce mythe recoure à la voie radiophonique…

Entre la 53ème et la 42ème rue s’étend ce qu’on appelle la « Great White Way », c’est la section de l’avenue qui scintille le plus, parce qu’y sont concentrés tous les théâtres. C’est autour de ce tronçon que se concentre la pièce radiophonique.

À cette pièce musicale viennent s’ajouter d’autres éléments sonores :

- Des extraits de chansons de comédies musicales qui s’attellent à décrire la matérialité de la rue.

- Des fragments de l’histoire urbaine de Broadway, dits par Laurent Valière (producteur de 42ème rue sur France Musique)

- Des lectures d’extraits de The new New York, de J-C von Dyke (1909). Un historien de l’art américain qui tente une description de la ville en pleine mutation au tournant du 20ème siècle.

- Des sons de rue, de machines, de moteurs, etc., et des extraits de l’enregistrement de l’avenue qui a servi à la transcription.

La pièce radiophonique est une circulation entre tous ces matériaux. Une pièce hybride qui se veut l’occasion d’un rapprochement entre le manhattanisme décrit par Koolhaas et l’art des bruits de Russolo. Une mise à l’écoute horizontale des rythmes de la rue, de la circulation intense des signes et des sons, des corps, des machines et des chansons, en poursuivant au plus loin l’indistinction entre le Broadway propre et le Broadway figuré.

« Plan » de l’émission consultable sur le site du projet

Enregistrement de la pièce musicale dans le studio 106 de la Maison de la Radio, le 26 mai 2013.

The Broad Way (vidéo, 0’28 en boucle, muet. 2010) Dans la moitié supérieure de l’écran, des actualités filmées des années 30 aux Etats-Unis. Dans la moitié inférieure, des extraits de comédies musicales hollywoodiennes de la même période.

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CRÉDITS

Ecriture et direction musicale Simon Ripoll-Hurier

Chant (conversations) Jérémie Bastard, Nil Dinç

Saxophone sopranino (oiseaux / sirènes / sonneries) Raphael Quenehen

Saxophone alto (crissements de freins) Julien Molko

Piano (klaxons)Lucas Morin

Contrebasse (ronflements de moteurs)Nicolas Poignet

Batterie (sons percussifs)André Pasquet

Lecture bilingue de chansonsSarina Basta

Histoire de BroadwayLaurent Valière

Lecture de The new New York de John Charles Van Dyke (1909)Gilles Davidas

Prises de sons et mixageJean-Louis Deloncle, Kevin Le Bars

RetoursFrédéric Changenet

Attachées de productionInès De Bruyn, Alice Ramond

CoordinationIrène Omelianenko

RéalisationGilles Davidas

Première diffusion dans le cadre de l’Atelier de Création Radiophonique : 5 septembre 2013.

Merci à Harmonie Bénard et Guillaume Laurent, qui furent respectivement voix féminines et crissements de freins dans la première version de la pièce.

Merci à la MAM Galerie, qui a produit et accueilli la première version de la pièce en 2010

Commande du ministère de la Culture et de la Communication - Centre national des arts plastiques et de France Culture pour l’Atelier de Création Radiophonique.