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Une médecine personnalisée L’analyse ADN permet de faire des diagnostics et de trouver le traitement adapté à chaque patient De nouvelles technologies médicales Des entrepreneurs développent des dispositifs portables pour redonner le contrôle aux patients De nouveaux paradigmes pour la santé Des dirigeants d’entreprise proposent des traitements accessibles aux populations des marchés émergents Des rendements sains Pictet analyse les titres de la santé Un chef qui nous inspire Un maestro japonais aide les jeunes musiciens à s’épanouir NUMÉRO 18 | HIVER 2015 SANTÉ ET TECHNOLOGIE

Transcript of Une médecine personnalisée L’analyse ADN permet de€¦ · L’analyse ADN permet de ......

Une médecine personnaliséeL’analyse ADN permet de faire des diagnostics et de trouver le traitement adapté à chaque patient

De nouvelles technologies médicalesDes entrepreneurs développent des dispositifs portables pour redonner le contrôle aux patients

De nouveaux paradigmes pour la santéDes dirigeants d’entreprise proposent des traitements accessibles aux populations des marchés émergents

Des rendements sainsPictet analyse les titres de la santé

Un chef qui nous inspireUn maestro japonais aide les jeunes musiciens à s’épanouir

NUMÉRO 18 | HIVER 2015 SANTÉ ET TECHNOLOGIE

AVANT-PROPOS

Illustration en page de couverture Coupes de tissus au microscope, centre contre le cancer et de médecine moléculaire appliquée USC Westside

Equipe éditoriale de Pictet – Ninja Struye de Swielande Edition et relecture version française – Sabine Jacot-Descombes Conception et conseil éditorial – Forth Studio | Rapporteur – John WillmanPhotographies – Alex Teuscher, Aurélien Bergot, Zakaria Zainal, Roderick Aichinger, Jan Sondergaard, Oliver Oettli, Jean-Marc Falconnet, Carlotta Cardana, Patrick Strattner, Emmanuel Fradin, Wes Sumner, Nicolas Righetti et Christoffer Rudquist

Hiver 2015 Pour en savoir plus sur les modalités d'abonnement, veuillez vous adresser à: [email protected]

La santé est vitale, pour nous tous, et avec l’augmentation du niveau de vie, nous voulons vivre mieux, et plus longtemps. Dans cette édition du Pictet Report, vous découvrirez les avancées impressionnantes réalisées dans les domaines du diagnostic et du traitement de certaines maladies, ainsi que de nouveaux modèles de soins accessibles au plus grand nombre.

Aujourd’hui, la clé du progrès dans le domaine de la santé est l’innovation technologique, avec notamment la baisse des coûts du séquençage ADN et l’augmentation de la puissance de traitement des outils informatiques. Et les nombreux entretiens avec des entrepreneurs d’exception qui mettent à profit ces développements pour analyser des données à grande échelle, diagnostiquer des maladies et choisir des traitements personnalisés le montrent. Leurs produits, très variés, englobent des dispositifs portables, des appareils de diagnostic à domicile ou encore des applications intelligents qui peuvent aider les patients à contrôler leur santé.

Deux médecins ont évoqué pour vous leur approche novatrice pour traiter des maladies telles qu’Alzheimer ou le cancer. Et nous nous sommes également entretenus avec une entreprise suisse qui fabrique des implants en titane pour traiter les maladies osseuses. Quant au directeur du nouveau Campus Biotech de Genève, il nous a expliqué comment réunir différentes disciplines afin de trouver des traitements pour des maladies qui tiennent les grands laboratoires en échec.

Nous avons aussi interrogé deux entrepreneurs qui ont développé des modèles différents pour fournir des soins de santé dans les pays en voie de développement et sur les marchés émergents, et deux analystes de Pictet démontrent ici que les entreprises innovantes dans le secteur de la santé représentent des titres attrayants pour les investisseurs.

Enfin, le philanthrope que nous avons choisi de vous présenter ici est Seiji Ozawa, le grand chef d’orchestre japonais qui a fondé des académies internationales pour aider les jeunes musiciens à mettre en valeur leur potentiel.

En espérant que la découverte de ce domaine vous passionnera tout autant que nous, car une nouvelle ère s’annonce clairement dans le domaine de la santé, et en vous souhaitant d’excellentes fêtes de fin d’année.

Rémy BestAssocié-gérantGroupe Pictet

Malawi

table des matières 3

1 Californie Stefan Roever Pr David Agus

2 New York Pr Richard Isaacson

3 Royaume-Uni Sentrian

4 France Withings

5 Suisse Benoît Dubuis Sophia Genetics Medartis

6 Danemark Atonomics

7 Kenya Seven Seas Technologies

8 Singapour Fullerton Healthcare

9 Japon et Suisse Seiji Ozawa

LES LIEUX

2

3

1

4 5

6

7 8

9

9

p23 Medartis Des implants de haute précision

p37 Pr David Agus Des soins personnalisés

p41 Sophia Genetics Une médecine personnalisée

p47 Stefan Roever Le séquençage ADN

p13 Fullerton Healthcare Des soins accessibles à tous

p28 Seven Seas Technologies

Des cliniques en container au Kenya

p51 Investir dans la santé Des rendements sains dans

un monde vieillissant

p9 Seiji Ozawa Le chef d’orchestre

p5 Benoît Dubuis La «health valley» Suisse

p15 Pr Richard Isaacson Réduire le risque d’Alzheimer

p21 Atonomics Le diagnostic à domicile

p31 Sentrian Gérer son traitement à domicile

p45 Withings Des produits et applis intelligents

LE «SWISS MADE»

UNE MÉDECINE PERSONNALISÉE

DES OUTILS POUR LES PATIENTS

RÉINVENTER LA SANTÉ LE PHILANTHROPE LE POINT DE VUE DE PICTET

pictet report | hiver 2015santé et technologie

réinventer la santé: la «health valley» suisse 4 pictet report | hiver 2015

santé et technologie

Depuis le début de la pharmacologie moderne, les patients dépendent de progrès en médecine et en biologie capables de les guérir ou de les soulager. Aujourd’hui, de nouvelles approches se concentrent sur des cibles biologiques précises, identifient les prédispositions et trouvent des traitements personnalisés qui mettent les technologies numériques à profit.

Le Campus Biotech, centre de recherche ultra-moderne à Genève, veut faire œuvre de pionnier en regroupant un large éventail de compétences en biotechnologies et technologies médi-cales afin de trouver des traitements contre des maladies qui ont jusqu’à présent tenu en échec les grands labo-ratoires. Sa nouvelle approche en matière de recherche et de développe-ment créera des opportunités de colla-boration entre chercheurs, techniciens, spécialistes informatiques et l’industrie pharmaceutique afin de commercialiser des produits novateurs.

«Nous sommes à un tournant dans l’histoire de la médecine, affirme Benoît Dubuis, directeur du Campus Biotech. La convergence des innova-tions en informatique, ingénierie et biotechnologie va révolutionner la santé. La médecine doit répondre aux

besoins d’une population vieillissante, pouvoir être financée et être en mesure de faire face à de nouveaux problèmes tels que les maladies chroniques, qui coûtent cher.»

L’opportunité de créer le Campus Biotech est survenue en 2012, quand le géant pharmaceutique Merck Serono a fermé ses locaux sur un ancien site industriel genevois. Pour garder l’ex-pertise présente, un consortium soutenu par le canton de Genève et la Confédération a acquis l’essentiel du bâtiment un an plus tard dans le but d’ouvrir un pôle de recherche innovant.

Deux universités sont au cœur du projet: l’Université de Genève et l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), qui transfèrent des groupes de recherche sur le campus. Deux philanthropes ont également contribué au projet: Ernesto Berta-relli, petit-fils du fondateur de Serono, qui soutient déjà des programmes de neurosciences à l’EPFL, et Hansjörg Wyss, fondateur d’une entreprise d’instruments médicaux, qui a financé le Centre Wyss pour la bio- et la neuro-ingénierie.

Ces ressources amènent le nouveau centre à se concentrer sur les neuro-sciences – discipline dans laquelle les

«La convergence des innovations

en informatique, ingénierie et

biotechnologie va révolutionner

la santé»

réinventer la santé: la «health valley» suisse

LA «HEALTH VALLEY» SUISSE

RÉINVENTER LA SANTÉ

Benoît Dubuis

Le directeur du Campus Biotech à Genève crée un nouveau centre de biotechnologie et technologie médicale rassemblant différentes disciplines, afin de trouver des traitements qui sauveront des êtres humains et amélioreront la qualité de vie des patients.

pictet report | hiver 2015santé et technologie 5

deux universités sont réputées. Cette prééminence s’est renforcée lorsque l’UE a décidé en 2013 de soutenir le Human Brain Project de l’EPFL, visant à simuler le fonctionnement du cerveau sur ordinateur, qui a égale-ment déménagé sur le campus.

Par ailleurs, le campus peut réunir deux approches dans le traitement des problèmes neurologiques: le dévelop-pement de médicaments et les tech-nologies médicales telles que que les implants cérébraux qui traitent la maladie de Parkinson. «La prochaine génération de traitements devrait venir de l’interaction entre ces deux approches», estime Benoît Dubuis.

Le but est d’encourager des

plates-formes ouvertes aux

chercheurs, experts en numérique,

ingénieurs, entrepreneurs

et sociétés

Selon lui, le campus saura trouver des solutions commercialisables pour les maladies neurologiques graves, en particulier les troubles mentaux et liés au vieillissement comme Alzhei-mer. «La plupart des grands labora-toires ont abandonné ces secteurs trop risqués à leurs yeux. Notre approche pluridisciplinaire peut s’y attaquer.»

La médecine digitale est le deuxième axe de recherche. Des données concernant la santé sont géné-rées quotidiennement via des appli-cations mobiles, des technologies portables, des registres informatisés et des disciplines analytiques comme la génomique. Le regroupement et le traitement de ces données par des méthodes de recherche et de développe-ment numériques telles que la modéli-sation, la simulation et la visualisation devraient fournir des informations permettant d’améliorer les traitements.

Inauguré en mai 2015, le Campus Biotech compte déjà 600 collabora-teurs, dont le nombre devrait gros-sir. Le but est d’encourager des plates-formes ouvertes à tous – cher-cheurs, experts en numérique, ingé-nieurs, entrepreneurs et sociétés. Des «Use labs» sont disponibles pour les non-employés afin qu’ils puissent collaborer à des projets précis.

Benoît Dubuis est bien placé pour travailler à ces questions de conver-gence. Cet ingénieur en chimie, titu-laire d’un doctorat en biotechnologie, a été doyen de la faculté des sciences de la vie à l’EPFL et a travaillé avec des entre-prises comme Ciba-Geigy et Lonza. Il a également cofondé Eclosion, premier fonds de capital d’amorçage et incu-bateur suisse en sciences de la vie, qui aide les chercheurs à transformer leurs découvertes en produits commerciaux.

Il préside parallèlement BioAlps, l’association faîtière des sciences de la vie de Suisse occidentale, qui a valu à l’arc lémanique le surnom de «Health Valley» avec plus de 750 entreprises biotech et medtech et 500 laboratoires de recherche. On y trouve également une vingtaine d’instituts de recherche, universités et hôpitaux universitaires de réputation mondiale ainsi que de

réinventer la santé: la «health valley» suisse 6 pictet report | hiver 2015

santé et technologie

réinventer la santé: la «health valley» suisse

GENÈVE

CAMPUS BIOTECH Avec le soutien de la famille Bertarelli et de la fondation Wyss, l’EPFL et l’Université de Genève s’apprêtent à transformer l’ancien site de Merck Serono en un nouveau centre d’excellence en neuro- et bio-ingénierie.

BATLab BATLab est le nouveau bâtiment regroupant les laboratoires des HUG et sera opérationnel fin 2014. Après son inauguration, 32 laboratoires et environ 350 employés spécialisés déménageront dans les nouveaux locaux.

LE CENTRE WYSS POUR LA BIO- ET LA NEURO-INGÉNIERIE (WCBN) Rendu possible par une donation du mécène Hansjörg Wyss, le WCBN peut être considéré comme le «moteur translationnel» du Campus Biotech. EXTENSION DU CMUL’extension du CMU répond aux besoins de l’Université de Genève dans le domaine des sciences de la vie, l’un de ses pôles d’excellence.

RENENS

UNIVERCITÉ Implanté à Renens, UniverCité est un espace ouvert qui milite en faveur d’une démocratisation de la recherche dans le but de développer des technologies novatrices à la croisée de différentes disciplines.

LAUSANNE

AGORA Implanté sur le site du CHUV, le futur AGORA Centre du cancer sera le cœur du nouveau Centre suisse du cancer de Lausanne.

NEUCHÂTEL

MICROCITY Microcity est au cœur de ce qui est appelé à devenir l’un des plus grands centres européens d’expertise en micro-ingénierie.

SION

EPFL VALAIS-WALLIS CAMPUS Implanté à Sion sur le site précédemment occupé par Espace Création, il réunira 11 chaires dont deux en neurosciences et deux autres en biotechnologie.

La «Health Valley» Suisse

GENÈVE

SION

LAUSANNERENENS

NEUCHÂTEL

EPFL VALAIS-WALLIS

Ouverture: début 2015Effectifs: inférieurs à 300Projet d’investissement: CHF115 mio

MICROCITY

Ouverture: 2013 Effectifs: inférieurs à 600Projet d’investissement: moins de CHF70 mio

BATLab

Ouverture : fin 2014Effectifs: inférieurs à 350Projet d’investissement: moins de CHF65 mio

CAMPUS BIOTECH

Ouverture prévue en 2014 Effectifs: inférieurs à 1000Projet d’investissement: moins de CHF300 mio

AGORA

Ouverture prévue en 2016 Effectifs: inférieurs à 400Projet d’investissement: moins de CHF70 mio

UNIVERCITÉ

Ouverture: septembre 2014Effectifs: laboratoire communautaire (100)Projet d’investissement: volontaire

(WCBN)

Ouverture: mi-2014Effectifs: 300, la majorité des collaborateurs restant rattachés à leur institution.Projet d’investissement: CHF100 mio sur 6 ans (coût opérationnel)

CMU

Ouverture: 2015–2016Effectifs: inférieurs à 1000Projet d’investissement: moins de CHF149 mio

Total des effectifs Total des investissements

4050CHF869 mio

EffectifsProjet d’investissement

Source: Messaggio Agency

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nombreux organismes (incubateurs de start-up ou fonds de capital-risque) qui soutiennent l’innovation.

«Les scientifiques, chercheurs et entreprises du campus pourront recou-rir à de très nombreuses spécialités dans la région. Microcity à Neuchâtel, centre d’excellence pour la micro-ingénierie, joue par exemple un rôle essentiel dans le domaine des instruments medtech. Cette région célèbre pour son expertise horlogère peut fabriquer des gadgets miniatures remarquablement fiables.»

«La Suisse est un pays attrayant pour ce type de recherche, ajoute-t-il: ayant peu de ressources naturelles, elle s’est tournée vers des industries créatives comme l’ingénierie et la biotech. Elle accueille également les étrangers qui peuvent contribuer à son économie et même gérer certaines de ses grandes entreprises.»

Benoît Dubuis souligne égale-ment la bonne collaboration entre le milieu universitaire et l’industrie qui caractérise la Suisse. «Les rôles de chaque partenaire doivent être bien

définis mais il y a beaucoup à gagner de l’industrie, et pas seulement sur le plan financier. Les entreprises ont des compétences qui manquent à l’univer-sité et possèdent un savoir qu’il faut mettre à profit.»

«Deux principes nous gouvernent. Le premier est l’innovation: nous voulons non seulement innover mais aussi réunir les différentes disciplines pour soutenir l’innovation. Le second est la collaboration: nous ne voulons pas concurrencer nos partenaires – nous sommes simplement différents.

Nous consacrerons plus de temps à la compréhension des maladies. Et nous nous efforcerons de transformer nos résultats en solutions.»

réinventer la santé: la «health valley» suisse

«Nous voulons non seulement

innover mais aussi réunir les

différentes disciplines

pour soutenir l’innovation»

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LE PHILANTHROPE

Seiji Ozawa

Après avoir dirigé les meilleurs orchestres du monde, le maestro japonais a fondé plusieurs

académies internationales qui aident les jeunes instrumentistes à développer leur potentiel

grâce à la musique de chambre.

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Dès son plus jeune âge, Seiji Ozawa est destiné à une carrière classique. Né en 1935 de parents japonais en Chine, il fait des débuts prometteurs lorsque sa famille retourne au Japon en 1944. Son père lui offre alors un piano et son professeur lui fait étudier les œuvres de Bach.

Mais quand il sort du lycée en 1950, il développe une autre passion pour le rugby, un sport où le risque de blessure est élevé. Lors d’un match avec l’équipe de son école, il se heurte violemment à un adversaire dans une mêlée et se fait piétiner. Il perd conscience et s’en sort avec le nez et deux doigts cassés.

«J’avais promis de ne plus jouer au rugby un an avant et je jouais en cachette. Après m’être nettoyé, je suis rentré chez moi en train!»

N’ayant plus l’espoir de devenir pianiste professionnel, il est encou-ragé par son professeur à se réorienter vers la direction d’orchestre. Mais le jeune Seiji n’a jamais vu un orchestre – à l’époque, les Japonais n’avaient pas encore la télévision. Quand son profes-seur l’emmène voir jouer la 5e sympho-nie de Beethoven, c’est la révélation et il décide de devenir chef d’orchestre.

C’est le début d’une immense carrière qui lui fera faire le tour du monde. Durant 29 ans, il sera égale-ment directeur musical de l’Orchestre symphonique de Boston. Âgé de 80 ans aujourd’hui, il a arrêté les tour-nées même s’il apparaît régulièrement en tant que chef invité. En revanche, il continue à jouer un rôle clé pour la nouvelle génération de musiciens puisqu’il dirige avec passion les acadé-mies qu’il a fondées, dont la Seiji Ozawa International Academy Swit-zerland créée en 2004.

«Enseigner est comme une drogue, dit-il. Quand vous commencez, vous ne pouvez plus vous arrêter! Travailler avec de jeunes musiciens de très haut niveau me remplit de joie. Il est fasci-nant d’observer combien les jeunes artistes progressent vite.»

Chaque été, la Swiss Academy réunit 24 jeunes violonistes, altistes et violoncellistes ainsi qu’un contrebas-siste pendant deux semaines à Rolle,

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près de Genève. Seiji Ozawa supervise le travail des élèves avec les profes-seurs, qui sont à la fois des artistes renommés et d’excellents pédagogues. Il les dirige également lors de répéti-tions publiques ouvertes aux habitants de Rolle et aux invités de l’académie.

Les instrumentistes sont sélection-nés tout au long de l’année dans les meilleurs conservatoires et les concours internationaux européens. Ils sont invi-tés gratuitement – comme dans toutes les académies de Seiji Ozawa.

«J’ai été soutenu par des profes-seurs dans ma jeunesse, il est donc important de rendre la pareille à de jeunes talents issus de familles modestes. Je me suis efforcé de lever des fonds pour que l’académie soit ouverte à tous – nous avions 17 natio-nalités différentes en 2014.»

Le programme débute par des master classes et des répétitions au château de Rolle et s’achève par des concerts dans la cour du château, au Victoria Hall à Genève et au village de la Fondation Aigues-Vertes, qui accueille des personnes handicapées. En 2015, il a été couronné par trois jours en résidence à la fondation Louis Vuitton à Paris.

L’académie a pour particula-rité d’être axée sur la musique de chambre et le quatuor à cordes. Seiji Ozawa suit ainsi les préceptes de son premier professeur, Hideo Saito. Le quatuor était pour lui le fondement de la musique de chambre et des compo-siteurs comme Haydn, Mozart ou Beethoven lui ont donné leurs plus belles pages.

«Etudier le quatuor à cordes vous conduit à l’essence même de la musique. C’est pourquoi nous encoura-geons les jeunes musiciens à s’y consa-crer. Se familiariser le plus tôt possible avec un répertoire immense les prépa-rera à devenir de bons interprètes.

La plupart des jeunes instrumen-talistes pensent comme des solistes. Or, ce n’est que lorsqu’ils auront saisi le miracle de la musique de chambre qu’ils pourront comprendre les grands compositeurs comme Mozart, Beetho-ven ou Bruckner.

«Enseigner est comme une drogue,

dit-il. Quand vous commencez,

vous ne pouvez plus vous arrêter!»

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Dans un quatuor, les musiciens n’ont nulle part où se cacher. Il n’y a rien de décoratif ni de superflu. Ils doivent s’écouter entre eux pour donner le meilleur d’eux-mêmes ensemble. Tout doit être parfait.»

Seiji Ozawa estime devoir beau-coup à son premier professeur, qui était la rigueur même et intégrait le déchif-frage et la dictée musicale à ses cours. Ces aptitudes permettront à son élève de se faire remarquer en 1959 quand il obtient le premier prix du Concours international de direction d’orchestre de Besançon à l’âge de 24 ans.

Charles Munch, alors directeur musical de l’Orchestre symphonique de Boston, l’invite à diriger l’orchestre au festival de Tanglewood aux USA. Il étudie ensuite à Berlin avec Herbert von Karajan, puis Leonard Bernstein, qui lui fait partager la tournée de l’Orchestre philarmonique de New York au Japon. Par la suite, Seiji Osawa assure la direction des orchestres symphoniques de Toronto et San Fran-cisco avant d’être nommé directeur musical de l’Orchestre symphonique de Boston en 1973.

Tout au long de sa carrière, il travaille avec plusieurs orchestres comme Chicago, Berlin, Munich et Londres en plus de ses mandats de directeur à Toronto, San Francisco, Boston et Vienne. Il devient connu pour son style de direction expressif qu’il attri-bue à sa mauvaise maîtrise des langues étrangères: «mon anglais n’était pas bon, alors je bougeais beaucoup et transmettais mes instructions aux musiciens par le regard.»

Quand il quitte l’Orchestre sympho-nique de Boston en 2001, il est nommé directeur musical de l’Opéra de Vienne et fonde en même temps la Swiss Academy. Il n’en oublie pas pour autant ses racines japonaises: en hommage à son premier professeur, il crée en 1984 l’orchestre Saito Kinen, qui réunit chaque été des musiciens japonais venus des plus prestigieux orchestres occiden-taux pour un festival à Matsumoto.

Deux fois par an, le maître dirige également le Mito Chamber Orchestra créé en 1990 et composé d’une tren-taine de musiciens de premier plan. Il est enfin à l’origine de plusieurs acadé-mies au Japon dont la Seiji Ozawa

le philanthrope 11

Ongaku-Juku, qui offre une formation principalement axée sur l’opéra aux étudiants japonais et chinois, ainsi que l’Ozawa International Chamber Music Academy à Okushiga.

Seiji Ozawa s’investit plus que jamais dans ses académies, inspirant les musiciens qui y ont participé, et il est reconnaissant aux mécènes qui leur ont permis de voir le jour. Pour lui, les jeunes musiciens méritent le meilleur – être au contact d’enseignants hors pair qui leur offrent la possibilité d’ex-plorer leurs capacités.

«Ces jeunes sont extraordinaires. Ils ont de fortes personnalités que le partage d’expériences peut contribuer à développer et à contrôler en même temps. Je suis heureux de les emmener dans une telle aventure.»

Pour de plus amples informations: www.ozawa-academy.ch

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réinventer la santé: fullerton healthcare 13

Des soins accessibles à tous

Leader dans la fourniture de soins intégrés aux entreprises et aux assureurs maladie d’Asie-Pacifique, le groupe Fullerton Healthcare, basé à Singapour, offre des services cliniques de pointe et promeut des modes de vie plus sains.

Offrir des soins à tous constitue une problé-matique majeure pour les gouvernements asiatiques, le vieillissement rapide des popu-lations pesant toujours plus sur des budgets de santé déjà insuffisants.

Cette évolution démographique amène avec elle toutes les affections chro-niques dont souffrent les personnes âgées des pays développés, l’amélio-ration du niveau de vie dans les pays émergents exerçant une pression addi-tionnelle avec la modification des habi-tudes de consommation, qui entraîne l’apparition de maladies associées aux pays riches. Ainsi près d’un Indonésien sur 5 souffre-t-il de diabète chronique, source de charge supplémentaire tant pour les prestataires de soins publics et privés que pour les proches.

Selon David Sin, CEO de Fullerton, les gouvernements ont aujourd’hui besoin d’aide pour gérer cette demande croissante et comme les sociétés intégrées de soins (HMO) aux Etats-Unis, Fullerton gère les dépenses de santé de gouvernements, de compagnies d’assurance et d’entre-prises, sa taille lui permettant d’offrir des services de qualité et de promou-voir des modes de vie plus sains afin de réduire le coût des soins.

«Les dépenses de santé des pays d’Asie-Pacifique représentent près de 4% du PIB, et 8% à terme. Si elles atteignent 10% – et les Etats-Unis dépensent bien plus que ça –, la situa-tion sera ingérable. Nous contribuons au développement de systèmes de santé novateurs, permettant d’offrir des soins accessibles à tous.»

Fullerton a été créé en 2011 par deux médecins, via la fusion de deux groupes de santé privés, propriétaires de six cliniques à Singapour. Expéri-mentés dans la médecine d’entreprise et les soins garantis par les assurances, les fondateurs se sont focalisés sur ces segments pour pouvoir offrir des soins au plus grand nombre. D. Sin, égale-ment CEO du groupe d’investissement privé Sin Capital Group, détient une part majoritaire du capital de Fullerton.

En moins de 5 ans, le groupe s’est étendu à l’Indonésie, à la Malaisie, à Hong Kong, à la Chine et à l’Australie. Il possède et gère désormais 185 cliniques et travaille avec plus de 8000 autres établissements. Fullerton veille ainsi à la santé de 10 millions de personnes, contre 1 million à ses débuts.

«La taille constitue un facteur déterminant. Nous sommes le seul prestataire d’une telle envergure dans

L’amélioration du niveau de vie

dans les pays émergents modifie

les habitudes de consommation et

entraîne l’apparition des maladies associées aux

pays riches

FULLERTON HEALTHCARE

RÉINVENTER LA SANTÉ

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réinventer la santé: fullerton healthcare 14

la région, ce qui nous aide à gérer les coûts des gouvernements et des entre-prises, ajoute-t-il. Et ça nous permet d’étendre nos services aux personnes à risque ou trop pauvres pour se payer des cliniques privées ou se procurer les médicaments dont elles ont besoin.»

En janvier, Fullerton a lancé une première initiative en collaboration avec le gouvernement de Singapour pour offrir des soins dans un quar-tier pauvre. Chaque trimestre, des cliniques mobiles répondent aux besoins des patients – pour beaucoup âgés, handicapés ou souffrant de mala-dies chroniques – qui ne peuvent pas payer leurs frais de santé.

«Nos médecins et infirmières iden-tifient les patients les plus à risque et nous les aidons à payer leurs médica-ments pour le restant de leur vie. Ce projet grève 1% de notre chiffre d’af-faires, mais il a un impact majeur sur la communauté.»

Pour Fullerton, maintenir les patients hors des hôpitaux via des soins préventifs fait partie de sa mission. «De nombreux prestataires voient les patients comme des vaches à lait, alors que nous les plaçons au cœur de notre modèle. Nous voulons leur donner les moyens de mener une vie plus saine grâce à une alimentation plus équili-brée, à de l’activité physique et au suivi de santé. Si nous y parvenons, le coût des soins en sera réduit.»

«Notre objectif à long terme est d’améliorer le niveau de santé dans la région Asie-Pacifique, avec une approche visant à offrir des services abordables et accessibles, et à changer la donne dans toutes les communautés au sein desquelles nous agissons.»

Pour Fullerton, maintenir les patients hors

des hôpitaux via des soins préventifs

fait partie de sa mission

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Réduire le risque d’Alzheimer

Pour le Pr Richard Isaacson, l’apparition de la maladie d’Alzheimer peut être retardée en changeant d’alimentation et de mode de vie et en maintenant le cerveau actif – mais le traitement doit commencer bien avant l’apparition des symptômes.

une médecine personnalisée: le professeur en neurologie

LE PROFESSEUR EN NEUROLOGIE

UNE MÉDECINE PERSONNALISÉE

15 pictet report | hiver 2015santé et technologie

**********************une médecine personnalisée: le professeur en neurologie

Avec le vieillissement démographique, l’un des grands défis de la médecine est le déclin cogni-tif associé à Alzheimer, cible d’investissements considérables dans la recherche, qui n’a pas encore trouvé de traitement pour les patients atteints de cette terrible maladie. Mais une clinique pionnière au New York-Presbyterian/Weill Cornell Medical Center propose des stra-tégies de prévention novatrices qui peuvent retarder son apparition.

La clinique a été fondée en 2013 par le neurologue Richard Isaacson après le diagnostic d’un Alzheimer pour quatre membres de la même famille. A l’époque, rien ne pouvait alléger leurs souffrances. Selon lui, on peut

aujourd’hui parler d’interventions contre Alzheimer et sa clinique traite des centaines de personnes de 27 à 91 ans.

«Nous voyons des patients ayant eu des cas d’Alzheimer dans leur famille mais qui ne présentent aucun symptôme de la maladie. Elle commence dans le cerveau 20 à 30 ans avant l’apparition des pertes de mémoire et met des décennies à se développer. Nous essayons d’interve-nir en modifiant l’alimentation et le mode de vie afin de retarder l’appari-tion des symptômes.»

Il n’existe pas d’approche «univer-selle», précise-t-il, mais le risque de démence peut être réduit. S’il est

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santé et technologie

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impossible d’agir sur l’âge ou la géné-tique, ce n’est pas le cas pour d’autres facteurs de risque.

«Il s’agit de traiter des risques modifiables qui peuvent nous aider à gagner la guerre contre les gènes – la génétique n’est pas une fatalité. S’il y a un gène qui accroît le risque d’Alzhei-mer, on peut le réduire en pratiquant une activité physique régulière et en suivant un régime sain pour le cerveau.

Nous analysons le cholestérol et les marqueurs métaboliques du patient. Puis nous choisissons un régime adéquat pour le cerveau, qui contient généralement moins d’hydrates de carbone, plus de protéines maigres, des légumes verts et des antioxydants.»

Le traitement englobe aussi un jeûne intermittent, des vitamines spécifiques ainsi que des techniques comme le yoga pour diminuer l’an-xiété. «Quatre ans de stress au travail font vieillir le cerveau d’une année supplémentaire.»

Pour le professeur Isaacson, l’exer-cice peut contribuer à la santé du cerveau. «Quand vous vieillissez, plus votre ventre est gros, plus le centre de la mémoire rapetisse dans le cerveau. Et il est important de faire travailler son cerveau – par exemple en appre-nant une langue étrangère.

Bien dormir joue aussi un rôle essentiel: le cerveau contient une mauvaise protéine appelée amyloïde que l’exercice permet de désagréger, mais le sommeil est nécessaire pour s’en débarrasser. Et nous encourageons les patients à participer à des tests cliniques pour des produits qui pour-raient prévenir Alzheimer.»

«Cette approche personnalisée exige beaucoup de temps», ajoute-t-il. Avec une liste d’attente de dix mois, il encourage les patients potentiels à suivre un cours de prévention en ligne. Les consultations débutent par des tests biométriques et cognitifs dont les résultats sont présentés au patient huit semaines plus tard. Ensuite, des séances d’une heure tous les six mois vérifient la stabilisation des fonc-tions cognitives et la diminution des facteurs de risque.

«La maladie commence

dans le cerveau 20 à 30 ans

avant l’apparition des pertes

de mémoire»

«Il faut plus de six heures pour prépa-rer un programme personnalisé. Mais nous disposons maintenant d’une base de données de 380 patients qui nous permet d’évaluer l’efficacité de notre approche: nos patients se sentent capables d’agir, sont moins anxieux et leurs facteurs de risque diminuent.»

«Dans l’ensemble, les fonctions cognitives globales semblent s’amélio-rer, bien que la perte de mémoire soit le problème le plus difficile à traiter. Il faudra dix ans pour savoir si notre trai-tement retarde Alzheimer, mais cela ne signifie pas que nous devions attendre aussi longtemps pour l’appliquer. Si nous pouvons retarder son apparition, l’impact sera énorme sur les patients et la société.»

une médecine personnalisée: le professeur en neurologie 17 pictet report | hiver 2015santé et technologie

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Le «mur» média digital, animé et programmable de manière personnalisée, centre de recherche Belfer, New York

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20 des outils pour les patients: atonomics pictet report | hiver 2015santé et technologie

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Le diagnostic et le suivi de maladies graves et chroniques a longtemps été réservé aux labo-ratoires hospitaliers et centres spécialisés qui analysent les prélèvements sanguins effec-tués par les médecins et les pharmaciens. Aujourd’hui, des entrepreneurs innovants explorent de nouvelles techniques pour que les patients aient accès à des tests de diagnostic avec des résultats beaucoup plus rapides.

Atonomics lance un petit appareil pouvant être utilisé à domicile pour des tests complexes afin que les patients puissent surveiller leur état de santé et gérer leur maladie. Si des problèmes sont détectés, les patients peuvent consulter un médecin avant qu’ils ne s’aggravent, ce qui améliore leur qualité de vie et peut être source d’économies.

Trace® est un appareil facile à utili-ser à domicile – il est suffisamment petit pour être posé sur une table de chevet. L’utilisateur prélève une goutte de sang au bout du doigt et peut mesu-rer en quelques minutes le niveau des biomarqueurs de son système sanguin, qui indiquent le risque de diabète et de maladies cardiovasculaires.

«Il ne s’agit pas d’un gadget, affirme Thomas Warthoe, fondateur et directeur d’Atonomics. Il produit

des données cliniques sur votre santé à l’aide de tests qui ont la même qualité que ceux faits en hôpital. Les utilisa-teurs peuvent donc contrôler leur état de santé dès qu’ils en ont besoin.»

Atonomics a été fondée à Copen-hague en 2000, à une époque où les grandes entreprises pensaient que l’analyse diagnostique devait être faite par les laboratoires. Avec une société américaine, elle développe d’abord un dispositif pour diagnostiquer les maladies cardiovasculaires dans les cliniques, les pharmacies et les cabi-nets médicaux.

Mais Thomas Warthoe veut aller plus loin en mettant les outils de diagnostic à la portée de tous. Premier produit du genre, Trace® est développé avec une société japonaise. Les données sont gérées par une appli qui permet à ses utilisateurs de contrôler leur état de santé, d’envoyer les résultats à leur médecin et de les ajouter en ligne à leur dossier médical.

«Nous avons inventé des moyens d’analyser les prélèvements sanguins qui peuvent séparer le plasma sans centrifugeuse. Nous avons résolu des problèmes techniques, miniaturisé l’équipement et simplifié les processus.

«Les utilisateurs peuvent contrôler

leur état de santé dès qu’ils en ont besoin»

des outils pour les patients: atonomics

Le diagnostic à domicile

Une société biotech danoise s’appuie sur les progrès scientifiques et techniques pour créer de petits appareils bon marché permettant d’effectuer à domicile des tests de diagnostic aussi fiables qu’en laboratoire.

ATONOMICS

DES OUTILS POUR LES PATIENTS

pictet report | hiver 2015santé et technologie

Nous sommes également moins chers que nos concurrents: l’une des machines les plus utilisées coûte 3000 dollars, contre une centaine pour notre produit. Rien qu’au Danemark, la suppression des quatre tests de routine en laboratoire pour le diabète pourrait permettre d’économiser plus de 500 millions d’euros par an et des milliards en coûts de traitement si la maladie pouvait être mieux contrôlée.»

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«Il ne devrait plus s’agir de savoir à quel point nous sommes malades mais

plutôt à quel point nous sommes en bonne santé»

Les appareils seront fabriqués en Israël mais les petites cartouches qui recueillent les prélèvements sanguins seront produites à l’interne. Un lance-ment est prévu en Europe pour 2016 puis en 2017 au Japon, où le gouverne-ment a demandé aux entreprises d’ef-fectuer au moins 900 000 tests par an en pharmacie d’ici 2020.

Atonomics peut produire 5000 appareils et 100 000 cartouches par an manuellement, mais l’automatisation permettra de passer à 100 000 appareils et à 5 millions de cartouches en trois ans. D’ici 2020, la société vise plus de 100 millions de tests par an dans le monde.

Thomas Warthoe s’attend à ce que les premiers utilisateurs soient des personnes relativement en forme qui ont déjà des gadgets pour mesurer le pouls, la pression sanguine, etc. Mais il espère également attirer les prestataires de santé qui encourageront les malades chroniques à l’utiliser pour détecter et traiter rapidement leur pathologie.

«Nous voyons émerger un nouveau paradigme. Selon moi, il ne devrait plus s’agir de savoir à quel point nous sommes malades mais plutôt à quel point nous sommes en bonne santé. Ça a déjà commencé avec certains gadgets, mais Trace® peut désormais nous permettre d’accéder à des données sur notre santé avant que de sérieux problèmes ne surviennent.»

des outils pour les patients: atonomics pictet report | hiver 2015santé et technologie

le «swiss made»: medartis 23

Basé à Bâle, ce fabricant d’implants et d’instruments chirurgicaux pour la réparation de fractures et de

déformations du crâne, de la mâchoire et du visage étend sa gamme à la chirurgie de la main, du bras et du pied.

Des implants de haute précision

MEDARTIS

LE «SWISS MADE»

pictet report | hiver 2015santé et technologie

le «swiss made»: medartis 24

Les progrès en chirurgie se concentrent souvent sur les pathologies graves. Mais de nombreuses améliorations en termes de qualité de vie reposent sur des produits inno-vants de haute technologie, développés par des sociétés spécialisées. Medartis, fabricant suisse d’implants en titane et d’instruments chirurgicaux utilisés dans une vaste gamme d’opérations, compte parmi ces sociétés.

A sa création en 1997, Medar-tis fabrique des implants en métal pour l’ostéosynthèse des fractures crânio-maxillofaciales. En 2004, elle étend ses activités aux implants pour la main, puis pour le poignet, le coude et le pied. Si la plupart servent à traiter

les traumatismes consécutifs à un acci-dent, ses produits sont aussi utilisés dans les opérations de reconstruction classique en cas de déformation ou de maladie osseuse comme l’arthrose.

Aujourd’hui, la société propose un large éventail de vis et de plaques en titane et des instruments de chirur-gie spécialisée. De 6 employés à ses débuts, elle est passée à 350 et possède des filiales dans 5 pays européens, aux Etats-Unis, en Australie et en Nouvelle-Zélande.

Pour son CEO Willi Miesch, cet essor reflète en grande partie l’admi-ration suscitée par la qualité suisse. «Hormis nos filiales de distribution,

«Cet essor reflète en grande partie

l’admiration suscitée par la qualité suisse»

pictet report | hiver 2015santé et technologie

le «swiss made»: medartis 25

toutes les activités sont réunies sous le même toit: recherche et développe-ment, production, ventes et direction. En cas de problème, nous pouvons donc trouver une solution rapidement.»

«L’innovation est une priorité pour nous», ajoute-t-il. Très simples à l’origine, les produits développés par Medartis sont de plus en plus complexes. Certains implants pour la main sont presque aussi petits que les pièces d’une montre, mais ils peuvent changer la vie de personnes âgées souf-frant d’arthrose depuis des années.

«Activité de niche au départ, le coude est un segment en plein essor, lui aussi très complexe. Nous mesu-rons 1000 coudes, puis nous adaptons nos implants aux différentes formes. Les implants sur mesure sont aussi possibles, mais ils sont coûteux et diffi-ciles à réaliser. Les imprimantes 3D pourraient faciliter le processus à l’ave-nir, mais cette solution ne devrait être envisagée que pour les cas difficiles dans un premier temps.»

Autre défi: le remplacement à terme des produits implantés chez les jeunes patients. «Jusqu’à 60 ans, nos os sont solides, mais leur composition et leur forme changent par la suite. En bateau, si vous devez jeter l’ancre, vous vous y prendrez différemment selon que vous serez sur du sable, de la boue ou du gravier – c’est la même chose pour les implants chez les personnes âgées.»

Comme pour tant d’entreprises suisses, la vigueur du franc, qui augmente les prix à l’exportation, est problématique et les taux de crois-sance de Medartis sont passés de deux à 1 chiffre, l’entreprise devant se battre pour chaque commande, chaque client. «Pour le commun des mortels, le prix semble secondaire pour les produits de santé, mais les groupes hospita-liers représentent un grand pouvoir d’achat. Nos employés comprennent les pressions auxquelles nous sommes confrontés et font leur maximum.»

L’évolution du cadre réglemen-taire, devenu plus contraignant après des scandales tels que celui des prothèses mammaires en France, constitue un autre défi. Chaque pays a

«Hormis nos filiales de distribution,

toutes les activités sont réunies sous

le même toit»

sa propre réglementation et s’y confor-mer nécessite des effectifs supplémen-taires. «Nous entrons par exemple sur le marché chinois, et là encore, les attentes sont différentes.»

W. Miesch pense que Medartis pourra rester indépendante, malgré la consolidation du secteur. «On nous demande souvent si nous voulons vendre. Il est vrai que nous pourrions croître plus rapidement si nous avions plus d’argent. Mais Medartis est une entreprise de qualité, qui offre des produits magnifiques. Nous aimons tous travailler ici, nous avons une vision claire et entretenons d’excellentes rela-tions avec notre conseil d’administra-tion. Et ça, c’est très précieux.»

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Les laboratoires de Medartis, à Bâle

pictet report | hiver 2015santé et technologie 27

réinventer la santé: seven seas technologies

Soigner les plus pauvres est un défi pour les gouvernements africains qui n’ont pas les moyens d’investir dans des hôpitaux et du matériel médical. Mais Michael Macharia est convaincu que les pays en voie de déve-loppement peuvent dépasser les modèles de santé américain et européen pour offrir une couverture universelle. Le fondateur de Seven Seas Technology Group met à profit les TIC pour développer un service de santé destiné à toute la population kenyane.

Ses projets reposent sur trois piliers. Premièrement, exploiter le potentiel des plates-formes en technologie de l’in-formation et de la télécommunication (TIC) telles que la télémédecine et les systèmes de gestion des informations de santé afin d’élargir l’accès aux services. Deuxièmement, collecter des données afin d’aider les responsables politiques – bien conscients de l’importance de la santé des électeurs – à prendre des décisions. Troisièmement, recourir à des financements innovants pour construire les infrastructures néces-saires à un service de santé national.

«J’ai démarré mon entreprise à 25 ans en utilisant la technologie pour résoudre les problèmes des clients, explique-t-il. Ils avaient besoin de recruter, de lever des fonds, de dévelop-per leurs activités et d’augmenter leur part de marché. Mais j’ai décidé de me concentrer sur l’emploi de la technolo-gie au service des 80% de Kenyans qui forment la base de la pyramide et vivent avec moins de 2 dollars 50 par jour.

J’ai identifié trois secteurs priori-taires: la santé, les services sociaux et la sécurité. Si nous parvenons à les réfor-mer, ce sera un bon point de départ pour changer la vie des gens.»

Michael Macharia commence par améliorer l’accès aux services publics. En 2013, Seven Seas convertit l’espace inutilisé dans les bureaux de poste en centres Huduma, des guichets déli-vrant des documents officiels tels que les cartes d’identité. En 2015, il lance la plate-forme d’emploi en ligne Xaba en partenariat avec le premier opérateur mobile du Kenya.

Quand l’entreprise s’attaque à la santé, elle adopte un nouveau modèle

Des cliniques en container au Kenya

Au Kenya, de petits hôpitaux autonomes et modulables dans des containers en acier soigneront les plus pauvres dans le cadre d’une série de réformes des services publics menées par l’entrepreneur Michael Macharia de Seven Seas Technologies.

SEVEN SEAS TECHNOLOGIES

RÉINVENTER LA SANTÉ

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réinventer la santé: seven seas technologies

financier pour étendre la couverture à tout le pays. «Les hôpitaux n’ont pas besoin de posséder des laboratoires, des salles d’opération et des unités de soins intensifs. Nous avons donc invité des multinationales comme GE, Siemens et Abbott Laboratories à construire l’infrastructure et à la gérer en partenariat avec nous.

C’était un tournant. Les multi-nationales investissent et partagent les risques avec le gouvernement, qui ne fournit aucune garantie. Et les banques ont trouvé de nouveaux modèles pour financer ces investisse-ments sur la base de la note de crédit du pays. Les hôpitaux du Kenya offrent ainsi la même qualité qu’en Europe.»

La prochaine étape sera d’intégrer la technologie à l’infrastructure pour collecter des données nationales sur les services de santé. Le ministère de la Santé pourra ainsi identifier les capaci-tés insuffisantes et contribuer à l’affec-tation des ressources.

Seven Seas gère aujourd’hui les soins primaires avec les «cliniques containers», qui organisent aussi les

transferts à l’hôpital. Le groupe est partenaire de l’organisation Hospitals of Hope qui a développé ces «Clinics In A Can» – déjà utilisées au Sud-Soudan et à Haïti. Un partenariat avec GE four-nit l’équipement médical et la techno-logie modernes.

Des infirmiers dispensent des soins et organisent des campagnes de vacci-nation jusque dans les régions les plus reculées. Les cliniques sont connectées au réseau téléphonique, ce qui permet de joindre les médecins et de téléchar-ger des données. «Il faut 4 à 5 ans pour mettre un hôpital sur pied mais nous visons 500 cliniques containers d’ici 2017 pour 100 000 dollars chacune.»

Michael Macharia espère que l’approche de Seven Seas convaincra d’autres pays comme l’Ethiopie et le Nigeria. «La santé est un thème crucial pour chaque président. S’il réussit dans ce domaine, ses chances de réélection augmentent. Notre modèle d’activité reproductible fait appel aux meilleurs fournisseurs et utilise les TIC pour les intégrer à un système abordable.»

«La santé, les services sociaux et la sécurité. Si nous parvenons à les réformer, ce sera

un bon point de départ pour changer

la vie des gens»

pictet report | hiver 2015santé et technologie 29

pictet report | hiver 2015santé et technologie 30 des outils pour les patients: sentrian

Les services de santé sont confrontés à l’ex-plosion des coûts d’hospitalisation, notam-ment des personnes âgées souffrant de maladies chroniques complexes. Pour Jack Kreindler, médecin et entrepreneur en tech-nologie, les économies occidentales risquent d’étouffer sous le poids de systèmes de santé qui deviendront inabordables en raison du vieillissement. Selon lui, les innova-tions technologiques pourraient détecter les besoins de traitement bien plus tôt et réduire les séjours hospitaliers.

Ses recherches portent sur des biocap-teurs fixés sur le poignet des patients, des montres enregistrant les mouve-ments, des oxymètres de pouls miniatures pour contrôler le niveau d’oxygénation du sang et des balances qui pèsent et contrôlent l’équilibre des fluides corporels. Des applications peuvent rendre compte de symptômes, d’effets secondaires, de niveaux d’exer-cice, de l’état du patient et de la suffi-sance des soins.

Et remplaçant l’interprétation humaine des résultats, l’intelligence artificielle peut analyser les données

Gérer son traitement à domicile

Jack Kreindler estime que les malades chroniques peuvent éviter l’hospitalisation grâce à de petits dispositifs

médicaux, qui détectent le besoin de traitement avant l’apparition des symptômes, à porter ou à installer chez soi.

et détecter les signes de crise beau-coup plus tôt. Elle peut également apprendre ce qui fonctionne ou pas pour les malades chroniques.

«Les patients qui atterrissent à l’hô-pital coûtent en moyenne 20 à 30 000 dollars par cas, on peut donc réaliser d’énormes économies en évitant l’hos-pitalisation, déclare-t-il. Ce problème est estimé à 100 milliards de dollars par an aux Etats-Unis et à 20 milliards de livres au Royaume-Uni. Et malgré la réticence à financer la médecine préventive, il y a des organisations et des gouvernements prêts à payer pour maintenir les gens en bonne santé chez eux.»

Sa carrière démarre par du conseil en informatique pour financer ses études de médecine, à Londres. Il travaille ensuite pour Douglas Adams, auteur du Guide du voyageur galactique, série de science fiction amusante sur la BBC. Puis il travaille au projet H2G2 d’Adams, encyclopédie collaborative en ligne créée deux ans avant Wikipédia.

«J’ai compris que nous ne connais-sions qu’une infime partie de ce qui se passait dans notre corps. Avec ma 1re

SENTRIAN

DES OUTILS POUR LES PATIENTS

pictet report | hiver 2015santé et technologie 31 des outils pour les patients: sentrian

entreprise, j’ai donc évalué les risques actuels et futurs pour les employés, intégrant des facteurs tels que la charge de travail, les habitudes de sommeil, le poids ou la tension artérielle.»

Cette approche permet aux employeurs de perdre beaucoup moins d’argent à cause du manque de productivité, des maladies et des absences, et son entreprise est reven-due à Cigna, assureur qui développe des programmes pour conserver les employés en bonne santé. Avec cet argent, il crée le Centre for Health and Human Performance à Londres, qui travaille avec des athlètes et des célé-

brités relevant des défis extrêmes, et étudie également des cas complexes.

«Nous avons utilisé la nutri-tion, l’exercice, le sommeil et la récu-pération, la science cognitive et la psychologie pour traiter des athlètes olympiques jusqu’aux personnes très malades. Notre approche était guidée par les données: un contrôle continu en boucle fermée mesurait de nombreux paramètres sur le patient, enregistrait les résultats des interven-tions et les modifiait si nécessaire.»

«En 2012, j’ai intégré le programme médical de l’organisation californienne Singularity University, réunissant

«J’ai compris que nous ne connaissions qu’une infime partie

de ce qui se passait dans notre corps»

pictet report | hiver 2015santé et technologie 32 des outils pour les patients: sentrian

l’élite de la science et de la technologie. J’ai compris que le matériel de CHHP était trop massif et trop cher pour une utilisation extérieure, et je me suis donc intéressé aux nouveaux dispo-sitifs portables capables de surveiller l’état de santé d’une personne.»

«Il était évident qu’en quelques années, nous pourrions faire à domi-cile presque tout ce que CHHP faisait en glissant quelque chose sous la peau des patients, autour de leur cou ou même dans une prise. Et la matière grise nécessaire pour interpréter les données pourrait être imitée et amélio-rée par l’intelligence artificielle.»

C’est ainsi qu’il fonde Jointly Health pour relier les patients à domi-cile au corps médical. Rebaptisée Sentrian, l’entreprise recrute d’émi-nents spécialistes en sciences analy-tiques de la santé et en développement de technologies portables.

Il espère ainsi attirer des organisa-tions menacées par la hausse des taux d’hospitalisation, telles que le Natio-nal Health Service au Royaume-Uni et les organismes de santé. Aux Etats-Unis, les services Medicare et Medicaid (CMS) dépensent 1 billion de dollars par an pour des patients non assurés, souvent atteints de maladies chro-niques. Les assureurs (Anthem, United et Blue Cross) ont également besoin de réduire les hospitalisations.

«Les programmes de gestion à distance n’ont jamais fonctionné car le matériel est trop cher et le taux élevé de fausses alertes entraîne des inter-ventions inutiles. Des systèmes d’ap-pels de sensibilisation programmés bénéficient aux personnes impliquées, mais ne fonctionnent pas pour les personnes isolées ou qui n’y sont pas associées assez tôt, ce qui coûte beau-coup plus cher. Notre approche permet d’identifier des interventions néces-saires deux semaines avant l’appari-tion des symptômes.»

Plusieurs pilotes sont en cours et en août 2015, la FDA américaine a exempté Sentrian des essais habituels requis pour les dispositifs médicaux, mettant ses produits au même niveau que les applications. De nouveaux

dispositifs sont constamment dévelop-pés, comme celui qui mesure plusieurs indices d’activité à partir d’une prise murale à un prix très abordable.

«Nous allons publier des résultats remarquables sur la différence entre le déclenchement normal des alertes et notre approche basée sur l’intelligence artificielle. Et nous continuons à recher-cher les meilleurs dispositifs pouvant générer les bonnes combinaisons de données pour prédire les besoins de traitement des personnes atteintes de maladies polychroniques.»

«Notre approche permet d’identifier des interventions

nécessaires deux semaines

avant l’apparition des symptômes»

pictet report | hiver 2015santé et technologie 33 des outils pour les patients: sentrian

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santé et technologie

Eprouvettes de cultures cellulaires, centre contre le cancer et de médecine moléculaire appliquée USC Westside

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santé et technologie 36 une médecine personnalisée: le professeur de médecine pictet report | hiver 2015santé et technologie

********************** 37 pictet report | hiver 2015santé et technologie 37 une médecine personnalisée: le professeur de médecine

Selon lui, la médecine a pris un mauvais tournant dans les années 20. Dans le cadre d’une expérience, une dizaine de personnes présentant des coupures aux jambes ont été soignées pour moitié avec un bandage de pain mouillé et pour l’autre avec la jambe laissée à l’air libre. Le premier groupe a guéri deux fois plus vite, et c’est ainsi qu’est née la `théorie des germes´.

«D’après cette théorie, on peut traiter une maladie dès qu’elle est diagnos-tiquée. La moisissure sur le pain a produit de la pénicilline qui a attaqué les bactéries. Mais si le microscope est très utile pour les maladies infectieuses, il n’en est pas de même pour les mala-dies de l’organisme, comme les mala-dies cardiaques, Alzheimer ou le cancer. Plutôt que de nous intéresser aux cellules malades, nous ferions mieux d’examiner l’ensemble du système.»

Et c’est ce que fait le Pr Agus à l’université de Californie du Sud, à Los Angeles, où il dirige le Norris Westside Cancer Center et le Center for Applied Molecular Medicine. Deux «profanes» l’aident dans ses recherches: Danny Hillis, pionnier des superordinateurs,

et Murray Gell-Mann, prix Nobel de physique. En travaillant avec ces deux spécialistes, il en est venu à considérer les maladies de l’organisme comme le produit d’un système complexe.

«Ça a radicalement changé notre approche de la santé, du bien-être et de la maladie. La chimiothérapie, la radiothérapie et les médicaments permettent de vivre plus longtemps, mais on peut prévenir et traiter les maladies autrement. Je peux séquen-cer l’ADN de malades du cancer, savoir à quel niveau agir et identifier le bon traitement, par exemple en coupant les freins du système immunitaire pour attaquer le cancer.»

Il a soigné de célèbres patients tels que Steve Jobs, dont il a prolongé la vie après l’échec de ses traitements précédents. Dans son laboratoire, il développe de nouveaux traitements et techniques de diagnostic que ses socié-tés commercialisent. Enfin, il publie ses découvertes dans divers ouvrages et journaux, et il est régulièrement invité à l’émission CBS This Morning.

Dans La fin de la maladie, son premier ouvrage et best-seller inter-

«L’activité physique a des effets sensibles

sur les maladies et l’espérance de vie»

Des soins personnalisés

Oncologue réputé, pionnier de la recherche biomédicale et auteur à succès, David Agus considère le corps comme un ensemble complexe et développe de nouvelles approches pour traiter les maladies et vivre en meilleure santé.

LE PROFESSEUR DE MÉDECINE

UNE MÉDECINE PERSONNALISÉE

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santé et technologie 38

national, il décrit ce que signifie être en bonne santé et comment le rester. Ses conseils? Eviter les vitamines, les compléments, les jus de fruits et cures «détox», manger plus de poisson et d’aliments frais. Il donne des astuces à ses lecteurs pour mieux contrôler leur vie.

«Il existe un médicament qui réduit le taux de mortalité du cancer de 30%, des maladies cardiaques de 22% et des attaques de 17%. Vieux de 2400 ans, il coûte 3 dollars par an: c’est l’aspirine pour nourrissons. Pourtant, la plupart des personnes de plus de 40 ans n’ont jamais pensé à utiliser ce médica-ment préventif.

«L’activité physique a des effets sensibles sur les maladies et l’espé-rance de vie. Une étude portant sur 26 000 contrôleurs et chauffeurs de bus londoniens dans les années 50 a montré que pour un poids et un envi-ronnement similaires, les premiers, qui se déplaçaient dans les bus à étage pour vendre les billets, développaient moins de maladies cardiaques que les seconds, assis la plupart du temps.

«Actifs par nature, les êtres humains sont devenus des chauffeurs de bus. Plus vous êtes important profes-sionnellement, plus votre voiture est proche de votre bureau. Plus vous êtes riche, plus vous avez de salles de bain et plus la distance pour vous y rendre est courte. Les bureaux et les écoles devraient maximiser la marche.»

«Notre espérance de vie s’allonge, notamment en fumant moins et en mangeant sainement. Mais ce n’est pas

«Nous devons revoir notre vie

professionnelle pour maintenir notre cerveau

actif: apprendre une langue étrangère,

s’adonner à un passe-temps, se lancer de

nouveaux défis»

pictet report | hiver 2015santé et technologieune médecine personnalisée: le professeur de médecine

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tant ce que nous mangeons qui compte, mais quand: ceux qui grignotent toute la journée ont 81% de diabète en plus sur une base corrigée du poids. L’être humain est fait pour manger une fois le matin et une fois le soir.

«Selon une étude européenne étonnante, chaque jour de retraite en moins réduit l’incidence d’Alzhei-mer de presque 3%. Toute capacité non utilisée est perdue! Nous devons revoir notre vie professionnelle pour mainte-nir notre cerveau actif: apprendre une langue étrangère, s’adonner à un passe-temps, se lancer de nouveaux défis.»

Il recherche des approches inno-vantes de soins personnalisés pour améliorer la santé. Avec les machines à domicile capables de mesurer la tension et de détecter des anomalies du rythme cardiaque, l’implication personnelle joue un rôle essentiel. Certains smart-phones peuvent effectuer un électrocar-

«Les bureaux et les écoles devraient

maximiser la marche»

diogramme et consulter des milliers d’électrocardiogrammes via internet pour voir s’il est normal.

«Aujourd’hui, les médecins effec-tuent des examens et attendent les résultats avant de proposer un traite-ment. Prendre la tension à domicile peut fournir de biens meilleures indi-cations sur son évolution dans la jour-née et identifier des causes probables telles que le stress ou la relaxation. Les patients peuvent en tirer leurs propres enseignements, contrôler les données avec leur médecin et prendre les mesures nécessaires.»

«La médecine personnalisée a besoin de données: le profil ADN du patient, son protéome (qui révèle les biomarqueurs de maladies dans les fluides corporels), ses antécédents familiaux, etc. Il est temps de mettre au rebut la même médecine applicable à tous.»

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40 pictet report | hiver 2015

santé et technologieune médecine personnalisée: sophia genetics

Le premier séquençage du génome humain en 2003 a duré 13 ans, coûté 3 milliards de dollars et produit des informations pouvant garnir une étagère de 50 m de long. Aujourd’hui, il faut 1 jour et 1000 dollars pour réaliser cette opération, identifier les causes génétiques des maladies et cibler les thérapies appropriées. Pour Jurgi Camblong, le monde entre dans l’ère de la médecine axée sur les données pouvant permettre d’élaborer des traitements personnalisés.

Jurgi Camblong est le patron de Sophia Genetics, société qu’il a cofon-dée en 2011 pour gérer et analyser les données issues du séquençage ADN afin d’aider les médecins à identifier les maladies et à prescrire les bons traitements. Le Software as a Service (SaaS/logiciel en tant que service ) de la société comporte des modules qui permettent de fournir des résultats plus précis et plus rapides.

«Devenues très abordables, les machines servant à produire les données ont séduit les hôpitaux. Le problème n’est plus de séquencer l’in-formation génétique mais de la gérer et de l’interpréter. Nous collaborons avec des laboratoires qui utilisent

Une médecine personnalisée

Jurgi Camblong est le cofondateur d'une société en plein essor qui analyse les données issues du séquençage

ADN pour identifier les causes génétiques des maladies et proposer des traitements personnalisés.

différents protocoles et leurs données nous permettent de construire des algorithmes plus intelligents grâce à l’apprentissage automatique qui traite l’information.»

Il prévoit que la technologie de la société pourrait même servir à déceler in utero les défauts chromosomiques à l’origine de maladies comme le syndrome de Down. Après la naissance, elle permettrait de voir s’il y a tolérance ou non à des médicaments ou à des produits tels que le gluten ou le lactose. Elle pourrait aussi expliquer le déve-loppement d’un cancer, recommander un traitement et, en cas de décès, indi-quer les raisons de cet échec. «Plusieurs fois dans notre vie, nous utiliserons ces technologies, un peu comme les tests sanguins aujourd’hui.»

Jurgi Camblong a étudié la biochimie et la biologie moléculaire avant d’obtenir un doctorat en sciences de la vie à l’Université de Genève puis un Executive MBA de HEC Lausanne. Après avoir dirigé une entreprise dans le domaine de la médecine personna-lisée en 2010, il crée Sophia Genetics avec un généticien et un chercheur en génomique.

SOPHIA GENETICS

UNE MÉDECINE PERSONNALISÉE

41 pictet report | hiver 2015santé et technologie une médecine personnalisée: sophia genetics

Bureau Sophia Genetics, St-Sulpice, Suisse

42 pictet report | hiver 2015

santé et technologieune médecine personnalisée: sophia genetics

La société a plusieurs concurrents aux Etats-Unis et en Europe mais, pour Jurgi Camblong, s’imposera celui qui aura pu bâtir la plus grande commu-nauté de génomique au monde. Il faut donc accéder à un maximum de données pour pouvoir créer le logiciel le plus puissant. «Tout l’art consiste à occuper l’espace», dit-il.

Sophia Genetics offre confidentia-lité et sécurité à ses clients. Si en Europe les données restent la propriété du patient, aux Etats-Unis, les sociétés qui vendent les tests génétiques directe-

«Le problème n’est plus de séquencer

l’information génétique mais de la gérer et de l’interpréter»

ment aux consommateurs imposent de les céder aux groupes pharmaceutiques.«L’entreprise qui dominera ce secteur sera celle qui aura su gagner la confiance des professionnels, des hôpi-taux et des patients. En ce qui nous concerne, nous n’utilisons les données que pour améliorer le service. Personne d’autre ne peut y accéder.»

Vers la mi-2015, Sophia Genetics a signé des accords avec 83 hôpitaux, traitant ainsi les données de plus de 2000 patients par mois. D’ici la fin de l’année, la société espère recenser plus de 90 hôpitaux et analyser chaque mois plus de génomes que ses concur-rents cotés en bourse.

«En 2015, nous devrions avoir diagnostiqué 20 000 patients, contre 4000 en 2014. Dans 5 ans, je pense que nous pourrons contribuer à environ 1 million de diagnostics et, compte tenu de la quantité d’information génétique que nous aurons rassemblée, nous espé-rons les avoir affinés. D’ici là, Sophia Genetics sera sans doute cotée, car son rythme de croissance est tel qu’elle va nécessiter de grands investissements. Et comme les sociétés cotées sont tenues d’être transparentes, nous devrions bénéficier d’une confiance accrue!»

43 pictet report | hiver 2015santé et technologie une médecine personnalisée: sophia genetics

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santé et technologie

44 des outils pour les patients: withings pictet report | hiver 2015santé et technologie

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Les programmes conçus pour nous aider à vivre plus sainement s’essoufflent souvent avant d’avoir atteint les résultats souhaités. La hausse des inscriptions dans les clubs de sport et des régimes en début d’année entraîne un rebond d’activité temporaire, qui ne survit pas à la pression de la vie quotidienne.

Basée à Paris, Withings produit des appareils capables de relever et d’ana-lyser des indicateurs de santé clés afin de faire changer les comportements à long terme. On peut ainsi surveiller son poids, sa tension, sa masse grais-seuse, son rythme cardiaque, son acti-vité physique et sa qualité de sommeil, synchroniser les données avec son smartphone, utiliser une appli d’analyse et se fixer des objectifs.

«Tous nos appareils sont connec-tés, ce qui est important pour les utili-sateurs, déclare Cédric Hutchings, cofondateur et directeur de la société. Les données peuvent être parta-gées avec la famille et les amis, qui se lancent des défis, une motivation de plus pour changer de comportement.»

«Les informations peuvent égale-ment être partagées avec le corps

médical: les patients souffrant d’hy-pertension peuvent prendre leur tension à la maison sans le stress de l’hô-pital. Et les données anonymes peuvent être agrégées à une échelle inédite dans des études épidémiologiques et utilisées dans la recherche médicale.»

Après des études d’ingénieur en France, il décroche un master au labo-ratoire médical du MIT, qui utilise les technologies de l’aérospatiale et d’autres disciplines pour améliorer la santé des populations vieillissantes.

Il rejoint ensuite l’entreprise fondée en France par Eric Carreel, spécialisée dans la connexion des ordi-nateurs, télévisions et téléphones pour fournir des services multimédias à la maison. Avec l’arrivée de l’iPhone, les deux hommes comprennent que chaque appareil peut être réinventé, que les données peuvent être analy-sées via des applications utilisant la puissance de traitement du smartphone. En 2008, ils fondent Withings, initia-lement pour fabriquer des produits destinés à l’internet des objets.

Leur premier appareil est une balance intelligente connectée, qui

«Les données peuvent être

partagées avec la famille et les

amis, qui se lancent des défis, une motivation

de plus pour changer de

comportement»

45 des outils pour les patients: withings

Des produits et applis intelligents

Avec ses appareils connectés, ce producteur français allie innovation, technologie et visuel innovant pour aider les gens à surveiller leur santé et à vivre plus sainement.

pictet report | hiver 2015santé et technologie

WITHINGS

DES OUTILS POUR LES PATIENTS

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santé et technologie 46

aide ses utilisateurs à perdre du poids s’ils le souhaitent. «Elle a changé leur vie: les données et graphiques de l’ap-pli leur ont permis de perdre du poids sans régime strict.»

«Nous avons vite compris que nous avions créé un appareil pouvant chan-ger les comportements, ce qui nous a incités à changer d’objectif. Nous avons amélioré la balance, qui peut maintenant mesurer la masse grais-seuse, le rythme cardiaque, la qualité de l’air et le poids.»

Ensuite est arrivée la montre Acti-vité Pop, qui assure le suivi d’activités (marche, course, natation, sommeil). Fabriquée en Suisse, cette montre design synchronise automatiquement les données avec un smartphone. Grâce à une autonomie de 8 mois, elle peut enregistrer les habitudes de sommeil au lieu d’être rechargée la nuit.

«L’aspect d’un objet est très impor-tant dans le changement de comporte-ment, car nos dispositifs doivent faire partie du quotidien et ne pas dormir dans un placard. Le marché est limité

pour les capteurs portables, mais immense pour des montres attrayantes dotées de capteurs. Le visuel donne envie d’utiliser nos appareils.»

Les Etats-Unis, où la montre est commercialisée dans les 1000 maga-sins Best Buy, constituent le principal marché de la société. Mais Withings a ajouté d’autres cordes à son arc, comme un tensiomètre connecté et un système de surveillance connecté, qui relève également la qualité de l’air. Son logi-ciel permet de charger les données sur les plates-formes de 150 partenaires, dont les sociétés de programmes diété-tiques Apple Health et Google Fit.

«Si nous proposons aux gens des appareils sympas et modernes pour surveiller leur santé, la prévention et la gestion des maladies seront plus efficaces. Nous n’en sommes qu’à nos débuts, mais nous avons main-tenant un portefeuille d’appareils et de partenariats susceptibles d’accélé-rer la fusion entre l’autosurveillance et les programmes d’amélioration de la santé.»

des outils pour les patients: withings pictet report | hiver 2015santé et technologie

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Le patron de Genia Technologies travaille avec l’inventeur d’une nouvelle méthode de séquençage ADN qui pourrait accélérer la lecture des génomes

et la mettre à la portée de tous.

Stefan Roever

LE SÉQUENÇAGE ADN

UNE MÉDECINE PERSONNALISÉE

47 pictet report | hiver 2015santé et technologie 47 une médecine personnalisée: le séquençage adn

Le prochain bond en avant de la recherche médicale est attendu du côté de l’expansion du séquençage de l’ADN. Bien qu’ayant fortement diminué depuis le décryptage du premier génome humain, ses coûts demeurent trop élevés et le processus trop lent pour exploiter son potentiel. Des entre-prises explorent de nouvelles pistes pour accé-lérer le séquençage et le rendre abordable.

L’une d’entre elles est Genia Technolo-gies, entreprise créée en 2009 dans la Silicon Valley et acquise en juin 2014 par Roche, le géant pharmaceutique suisse. Genia travaille activement au séquen-çage de 4e génération appelé séquençage par nanopore et son rachat par Roche a

permis à l’entreprise de recruter et d’ac-célérer son développement.

Stefan Roever, patron de Genia, estime que le séquençage plus rapide et moins cher révolutionnera le diagnostic et le traitement des patho-logies héréditaires, cancers et mala-dies infectieuses de type VIH et Ebola. «Le séquençage de l’ADN prénatal est déjà utilisé pour les grossesses à risque comme test non invasif de troubles génétiques tels que le syndrome de Down», déclare-t-il.

«Moins le séquençage coûtera cher, plus les tests se généraliseront jusqu’à faire partie intégrante des bilans de santé annuels. Les médecins s’en servi-ront pour détecter les signatures ADN des virus et des cancers et suivre les trai-tements. Il permettra aussi de détecter les cancers plus tôt: asymptomatiques, les cancers des ovaires et du pancréas ne sont identifiés qu’à un stade avancé et sont plus difficiles à traiter.»

Né en Allemagne, Stefan Roever est un entrepreneur accompli qui s’est intéressé tardivement aux sciences de la vie. Dès le collège, il sait qu’il créera un jour sa propre entreprise techno-logique. Il développe des logiciels en indépendant tout en suivant des études de droit et d’économie à l’uni-versité de Tübingen.

Son activité décolle: ses logiciels de décryptage pour la banque en ligne finissent par être utilisés par 3500 établissements financiers. L’entre-prise entre en bourse en Allemagne en 1998 puis au Nasdaq en 2000, attei-gnant une capitalisation boursière de plusieurs milliards. Il fait alors la navette entre la côte Ouest et son pays. Mais quand l’entreprise fait faillite en 2001 lorsque la bulle Internet éclate, il décide de s’installer dans la Silicon Valley et d’investir dans des jeunes pousses technologiques.

C’est en 2009 qu’il tombe par hasard sur le séquençage ADN par une nuit d’insomnie en lisant un article du Scientific American sur les origines de la vie. Il rencontre le lendemain Roger Chen, ingénieur en électronique titu-laire d’un master en biochimie qui lit un ouvrage appelé The Origins of Life.

«Moins le séquençage coûtera

cher, plus les tests se généraliseront

jusqu’à faire partie intégrante des bilans

de santé annuels»

pictet report | hiver 2015santé et technologie 48 une médecine personnalisée: le séquençage adn

«Au cours de notre conversation, il m’a révélé qu’il travaillait chez lui au déve-loppement d’une nouvelle technolo-gie de séquençage. Nous avons alors créé une société ensemble, je l’ai aidé à lever des fonds et à mettre une équipe en place.»

«J’ai pris la direction intéri-maire pendant que nous recherchions quelqu’un d’expérimenté dans les sciences de la vie. Mais comme nous n’avons pu trouver personne, je suis devenu CEO permanent – et ça dure toujours.»

Genia prévoyait de lever plus de capitaux en 2014 pour accélérer le déve-loppement de sa technologie lorsque l’acquisition de Roche a apporté les fonds tant attendus. Mais le groupe

suisse a également fourni à Genia une pièce manquante de son puzzle: l’ex-pertise nécessaire pour utiliser les informations ADN permettant de diagnostiquer et de traiter les maladies.

«Nous pouvons effectuer le déchif-frage et l’analyse primaire du génome. Mais Roche se concentre sur l’onco-logie et le diagnostic et développe le logiciel qui permettra d’interpré-ter les données ADN. Nous pourrons ainsi véritablement personnaliser la médecine en utilisant des informa-tions provenant du séquençage afin de choisir précisément le bon traitement, pour un large éventail de maladies.»

«Roche se concentre sur l’oncologie et le

diagnostic et développe un logiciel

qui permettra d’interpréter les données ADN»

pictet report | hiver 2015santé et technologie 49 une médecine personnalisée: le séquençage adn

50 pictet report | hiver 2015

santé et technologie 50 le point de vue de pictet

Surperformant le marché depuis 1995, les entreprises du secteur de la santé récom-pensent les investissements à long terme. Les bénéfices par action ont progressé de 10 à 14% par an ces 5 dernières années, avec un rendement total moyen de 19% par an. Très rentables, les valeurs de la santé génèrent d’importantes liquidités et versent des dividendes élevés grâce à des tendances de fond.

En premier lieu, la démographie, avec 9 milliards de personnes d’ici 2050 (contre 6 milliards en 2005). Tout aussi impor-tant, le vieillissement: l’espérance de vie mondiale a augmenté en moyenne de 20% depuis 1980. En 2050, près d’un quart de la population aura plus de 60 ans, une classe d’âge qui consomme trois fois plus de soins de santé que les trente-naires. Les plus de 60 ans représentent déjà près de deux tiers des dépenses de santé aux Etats-Unis et sont concernés par plus de la moitié des médicaments en développement.

Autre tendance de fond, la sensibi-lisation aux questions de santé, qui stimule la recherche de traitements pour répondre aux besoins médicaux non satisfaits: Alzheimer, Parkin-son, cancers et maladies orphelines affectant des dizaines de milliers de personnes dans les pays en déve-loppement. Même quand des traite-ments existent, de nouveaux produits peuvent être plus efficaces ou sans effets secondaires désagréables.

Troisième tendance, la croissance économique, qui permet de dépenser plus pour sa santé. Dans les économies avancées, la santé représente jusqu’à 15% du PIB mais, même dans les pays pauvres, le chiffre d’affaires des entre-prises du secteur explose en raison du nombre de patients.

Par ailleurs, la classe moyenne en plein essor dans les pays en dévelop-pement et émergents commence à présenter les maladies des pays riches. L’obésité est devenue l’un des trois

«Trois éléments sont pris en compte lors

de la sélection, les fondamentaux,

la qualité de la gestion et la valorisation»

Des rendements sains dans un monde vieillissantLes dépenses de santé augmentent partout, sous l’effet de la pression démographique et de la croissance économique qui, cumulées, stimulent l’innovation et les bénéfices des entreprises du secteur.

NATHALIE FLURY GÉRANTE D’INVESTISSEMENT SENIOR PICTET ASSET MANAGEMENT TAZIO STORNI GÉRANT D’INVESTISSEMENT SENIOR PICTET ASSET MANAGEMENT

INVESTIR DANS LA SANTÉ

LE POINT DE VUE DE PICTET

51 pictet report | hiver 2015santé et technologie 51 le point de vue de pictet

principaux fardeaux de la planète et coûte USD 2 billions et huit des dix pays ayant le plus fort taux de diabé-tiques sont des pays émergents.

Enfin, la hausse des budgets de santé incite à la maîtrise des coûts. Le matériel de diagnostic de pointe est souvent très onéreux, bien qu’il puisse être un bon investissement s’il améliore l’efficacité des traitements. Mais des versions moins chères déve-loppées pour les marchés émergents attirent des clients dans les pays riches tels que centres de santé, centres spor-tifs et cabinets médicaux.

Dans l’intervalle, l’informatique améliore le travail administratif, que ce soit la facturation des bénéficiaires ou la mise à disposition des dossiers médicaux. L’utilisation d’applications de transfert de données augmente alors que les coûts des nouvelles techniques diagnostiques (analyse ADN) baissent.

Ces tendances de fond stimulent l’innovation, moteur des bénéfices dans ce secteur. En parallèle, la pres-sion pour commercialiser des trai-tements indispensables accélère les procédures d’autorisation de nouveaux médicaments (20 à 30 auto-risations par an aux Etats-Unis).

Nous nous intéressons aux entre-prises créant de la valeur dans au moins un des quatre domaines ci-dessous:

Innovation: nouveaux traitements et processus pour répondre à des besoins non satisfaits.

Qualité de vie: solutions produisant des résultats meilleurs et plus rapides.

Efficacité: technologies améliorant la qualité et la durée des traitements.

Maîtrise des coûts: réduction des coûts du système de santé alors que ses activités augmentent.

Pour le fonds Pictet, nous sélection-nons uniquement des titres liquides, essentiellement des entreprises améri-caines cotées, car les prestataires euro-péens sont souvent des organismes publics, des assureurs mutualistes ou des sociétés de capital-investissement. Très diversifiées, les entreprises cotées

vendent leurs produits dans le monde entier, à la différence d’autres fabricants souvent axés sur leur marché national.

Trois éléments sont pris en compte lors de la sélection. Premièrement, les fondamentaux: actifs, part de marché et valeur ajoutée pour le patient. Deuxièmement, la qualité de la gestion et troisièmement la valorisation.

Enfin, nous procédons à une analyse bottom-up. Au moins 50% des revenus doivent provenir de la santé (les entreprises agro-alimentaires proposant des produits de santé sont trop diluées). Qu’elles offrent des médicaments, du matériel ou des services, les sociétés doivent innover et créer de la valeur pour les payeurs grâce à une plus grande efficacité.

En raison de nos besoins en liqui-dités, notre fonds n’est pas axé sur les petites capitalisations. Nous voulons également connaître l’efficacité des produits de l’entreprise sur la base des essais sur l’être humain. Nous inter-rogeons médecins et spécialistes pour connaître la qualité des produits et savoir s’il existe des effets secondaires susceptibles de diminuer leur intérêt.

Aujourd’hui, nous détenons 50 à 60 titres en portefeuille et en suivons plus d’une centaine. A l’aide du comité consultatif qui réunit d’émi-nents experts, scientifiques et person-nalités d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Asie, nous suivons les nouvelles tendances.

Nathalie Flury est gérante senior en actions thématiques mondiales chez Pictet Asset Management, cogérante du fonds Pictet-Health. Avant de re-joindre Pictet en 2014, elle a travaillé comme analyste et gérante de porte-feuille pour le Credit Suisse, Clariden Leu et Global Asset Management. Titulaire d’un master en biochimie et en biologie moléculaire, elle a égale-ment obtenu un doctorat en oncolo-gie à l’Université de Bâle.

Tazio Storni est gérant senior en ac-tions thématiques mondiales chez Pictet Asset Management, cogé-rant du fonds Pictet-Health. Il a re-joint Pictet en 2014 après avoir tra-vaillé comme analyste et gérant de portefeuille pour UBS Global Asset Management et Bellevue Asset Ma-nagement. Il a obtenu un master en biotechnologie ainsi qu’un doctorat en immunologie à l’Ecole polytech-nique fédérale de Zurich, et il est ana-lyste financier agréé (CFA).

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santé et technologiele point de vue de pictet

53 pictet report | hiver 2015santé et technologie le point de vue de pictet

REMERCIEMENTS

remerciements 54 pictet report | hiver 2015

santé et technologie

Nous tenons ici à remercier les entrepreneurs, médecins et professionnels qui nous ont offert un éclairage sur leur entreprise, leur conception de la pratique médicale et leurs efforts pour faire progresser le domaine de la santé et des soins: David Agus, Jurgi Camblong, Benoît Dubuis, Cédric Hutchings, Richard Isaacson, Jack Kreindler, Michael Macharia, Willi Miesch, Stefan Roever, David Sin et Thomas Warthoe.

Nous adressons également tous nos remerciements à Seiji Ozawa pour avoir accepté d’évoquer pour nous son immense carrière de chef d’orchestre et ses académies internationales, qui ont pour vocation de former la prochaine génération de musiciens.

Pour en savoir plus sur les modalités d'abonnement,veuillez vous adresser à: [email protected]

PICTET REPORT

Le Pictet Report est une publication pério-dique de Pictet. Il retrace le contenu d’entretiens avec des interlocuteurs choisis et de discussions sur des thèmes d’investissement spécifiques et des sujets précis touchant au domaine des affaires, sélectionnés en raison de leur intérêt et de leur actualité.

Avertissement

Ce document n’est pas destiné à des personnes physiques ou morales qui seraient citoyennes d’un Etat, ou qui au-raient leur domicile ou leur résidence dans un Etat ou une juridiction où sa publication, sa diffusion ou son utilisa-tion seraient contraires aux lois ou aux règlements en vigueur. Les informations y figurant sont fournies à titre purement indicatif. Elles ne constituent en aucune façon une offre commerciale ou une incitation à acheter, vendre ou souscrire des titres ou tout autre instrument financier. Le présent document et son contenu peuvent être cités avec indication de la source. La reproduction ou la dif-fusion de tout ou partie de ce document est en revanche interdite. Tous droits réservés. Copyright 2015.

*Le groupe Pictet comprend les entités mentionnées dans le rapport publié sous le lien suivant: www.pictet.com/rapports.

PICTET

Fondé à Genève, en 1805, le groupe Pictet compte aujourd’hui parmi les principaux acteurs indépendants de la gestion de fortune et de la ges-tion d’actifs en Europe, avec des fonds sous gestion ou en dépôt supérieurs à CHF 416 milliards au 30 septembre 2015. Il est dirigé par sept associés, qui en sont à la fois les propriétaires et les gé-rants, perpétuant ainsi un mode de dé-tention et de succession resté inchangé depuis plus de deux cents ans.

Ce principe de fonctionnement est le fondement d’une gestion collégiale, guidée par l’esprit d’entreprise, la vision à long terme et l’engagement au quoti-dien des associés.

Le groupe Pictet, qui a son siège à Genève et emploie plus de 3700 col-laborateurs, est également présent à Amsterdam, Bâle, Barcelone, Bruxelles, Dubaï, Francfort, Hong-Kong, Lau-sanne, Londres, Luxembourg, Madrid, Milan, Motréal, Munich, Nassau, Osaka, Paris, Rome, Singapour, Taipei, Tel-Aviv, Tokyo, Turin, Vérone et Zurich.

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