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1 ère journée d’étude africaine en comptabilité et contrôle 1 Une histoire complète des difficultés de normalisation comptable OHADA : plaidoyer pour un normalisateur adapté A complete history of the OHADA accounting standard difficulties: A plea for a suitable adapted standard Boniface BAMPOKY Résumé Abstract Une histoire exhaustive de la normalisation comptable africaine, comorienne, malgache et mauricienne n’est jusque-là pas établie pour permettre de faire la synthèse de toutes les difficultés passées et actuelles qui en découlent et de proposer les conditions d’un normalisateur comptable adapté et accompagnant le développement des États membres de l’OHADA. Suivant une chronologie synthétisant les faits historiques majeurs à la base de l’absence d’une doctrine comptable qui émane des réalités du terrain de l’OHADA, les autorités compétentes sont largement interpellées sur la question. L’histoire, comme une autre méthode de recherche en comptabilité-contrôle, est convoquée. A comprehensive history of African, Malagasy, Mauritian and from the Comoros accounting standards, has not yet been established to allow to make a summary of all the past and current difficulties arising from it and to propose the conditions for a suitable accounting standard normalization which backs up the development of the OHADA members states. Following a chronology which sums up the major historical facts based on the lack of accounting doctrine coming from the OHADA ground realities, the competent authorities are widely invited to give their opinions about the matter. History, as another research method in accounting and control, is concerned. MOTS CLÉS. SYSCOHADA, SYSCOA, norme comptable, plan comptable, doctrine comptable KEYWORDS. SYSCOHADA, SYSCOA, accounting standard, accounting plan, accounting doctrine Correspondance : Pr Boniface Bampoky Agrégé de Sciences de Gestion / Gestion Comptable Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) Ecole Supérieure Polytechnique (ESP) Centre de Recherche Entreprise et Développement (CRED) Directeur du LR-CFC du CRED BP 15839 – Dakar Fann – Sénégal. E-mail : [email protected]

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Une histoire complète des difficultés de normalisation

comptable OHADA : plaidoyer pour un normalisateur

adapté

A complete history of the OHADA accounting standard

difficulties: A plea for a suitable adapted standard

Boniface BAMPOKY

Résumé Abstract

Une histoire exhaustive de la normalisation comptable africaine, comorienne, malgache et mauricienne n’est jusque-là pas établie pour permettre de faire la synthèse de toutes les difficultés passées et actuelles qui en découlent et de proposer les conditions d’un normalisateur comptable adapté et accompagnant le développement des États membres de l’OHADA. Suivant une chronologie synthétisant les faits historiques majeurs à la base de l’absence d’une doctrine comptable qui émane des réalités du terrain de l’OHADA, les autorités compétentes sont largement interpellées sur la question. L’histoire, comme une autre méthode de recherche en comptabilité-contrôle, est convoquée.

A comprehensive history of African, Malagasy, Mauritian and from the Comoros accounting standards, has not yet been established to allow to make a summary of all the past and current difficulties arising from it and to propose the conditions for a suitable accounting standard normalization which backs up the development of the OHADA members states. Following a chronology which sums up the major historical facts based on the lack of accounting doctrine coming from the OHADA ground realities, the competent authorities are widely invited to give their opinions about the matter. History, as another research method in accounting and control, is concerned.

MOTS CLÉS. SYSCOHADA, SYSCOA, norme comptable, plan comptable, doctrine comptable

KEYWORDS. SYSCOHADA, SYSCOA, accounting standard, accounting plan, accounting doctrine

Correspondance : Pr Boniface Bampoky Agrégé de Sciences de Gestion / Gestion Comptable Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) Ecole Supérieure Polytechnique (ESP) Centre de Recherche Entreprise et Développement (CRED) Directeur du LR-CFC du CRED BP 15839 – Dakar Fann – Sénégal. E-mail : [email protected]

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Introduction

Vingt ans après son élaboration, la norme comptable OHADA (Organisation pour

l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires) a réellement besoin d’être réajustée par

rapport à la donne économique et sociale qui prévaut actuellement. Plusieurs éléments sont

à l’origine de ce constat. Non seulement qu’il y a énormément d’instabilités dans les

institutions conçues pour piloter le développement, mais les réalités et les expériences

d’intégration économique ne sont pas uniformes à l’intérieur de l’OHADA où l’on a : l’Union

Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) pour 8 pays ; la Communauté

Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) créée par le Traité de Lagos le 28

mai 1975 et comptant à la fois des pays francophones (pays de l’UEMOA et la Guinée

Conakry), des pays anglophones comme le Nigéria, le Ghana et la Sierra Leone, et des pays

lusophones comme la Guinée Bissau (qui, elle-même, fait partie de l’UEMOA) et le Cap-Vert ;

la Communauté Economique et Monétaire d’Afrique Centrale (CEMAC) instituée par le Traité

du 16 mars 1994 (signé à N’djamena au Tchad) et regroupant 6 pays d’Afrique centrale

(Bakhoum, 2011). Le Traité1 créant l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine a été

signé par les chefs d’État du Bénin, du Burkina Faso, de la Côte-d’Ivoire, du Mali, du Niger, du

Sénégal et du Togo, réunis à Dakar le 10 janvier 1994. L’UEMOA est conçue pour compléter

l’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA) créée le 12 mai 1962 et dont le nouveau Traité

constitutif a été conclu le 14 novembre 1973. L’UMOA regroupait la Côte d’Ivoire, le

Dahomey (actuel Bénin), la Haute-Volta (actuel Burkina Faso), la Mauritanie, le Niger et le

Sénégal. Les adhésions du Togo et Mali ont eu lieu respectivement en 1963 et en 1984, et

pourtant ces deux pays étaient tous de la zone « franc » créée en 1939. Par contre, la

Mauritanie quitte le 9 juillet 1973 la zone « franc » et donc l’UMOA. La Banque Centrale des

États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), devenue banque de l’UEMOA, est créée en 1959 par

les pays fondateurs de l’UMOA, se substituant à l’Institut d’Émission de l’Afrique Occidentale

Française et du Togo. Parallèlement à la BCEAO et à la même année, la Banque Centrale des

Etats de l'Afrique Equatoriale et du Cameroun (BCEAC) fut créée et deviendra Banque des

États de l'Afrique Centrale (BEAC) le 23 novembre 1972. Egalement dans cette zone, des

1 Banque de France - Rapport Zone franc – 2008.

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éléments d’instabilité sont connus avec le retrait de la Guinée (Conakry) de la zone « Franc »

dès 1960 et l’intégration de la Guinée Equatoriale en 1985.

Ces structures d’intégration, y compris l’OHADA dont le Traité est signé le 17 octobre 1993 à

Port-Louis (Île-Maurice), sont donc régies par des Traités différents, et sont parfois, du point

de juridique, d’égale autorité mais d’objectifs différents. Ainsi pour Feudjo (2010), le

système comptable des pays africains a toujours été le reflet de leur histoire politique et

économique. Les difficultés dans la création de structures d’intégration politique,

économique et sociale sans conflits d’intérêts ne militent pas en faveur de la création des

structures de normalisation comptable intégrées et viables.

Sur le plan purement professionnel, l’évolution technologique rapide marquée par la

prolifération des technologies de l’information et de la communication de toutes sortes est

en train de donner un coup dur à la démarche et aux principes de la comptabilité. Par

exemple, l’usage progressif des progiciels de gestion intégrés par les entreprises de l’espace

OHADA fait évoluer, comme partout au monde, le temps en comptabilité (possibilité de

raccourcir le calendrier comptable grâce à la génération automatique de certains états

comptables, modification de l’organisation comptable par le transfert parfois des écritures

comptables aux clients, etc.) et en substance le métier de comptable ainsi que le paradigme

de son enseignement (Bampoky et Wade, 2014).

Sous un autre angle, il est constaté un certain déphasage entre la norme comptable conçue

principalement par les consultants externes et les réalités économiques et sociétales du

terrain. En guise d’illustration, les entreprises ne manifestaient pas sur le terrain un

empressement d’application des comptes de groupe juste après leur création en 1998 dans

le cadre du Système Comptable Ouest Africain (SYSCOA), devant les administrations qui n’en

faisaient aucun suivi (Wade, 2002). Cette situation qui prévalait au début semble demeurer

aujourd’hui. L’usage ou la manipulation de certains comptes se fait encore de façon

ésotérique, ce qui dénote le caractère encore jusque-là étranger de certains dispositifs

d’enregistrements comptables, alors que l’un des objectifs de la norme en place est, en

vertu du principe de pertinence partagée de l’information comptable, de fournir à

l’économie des éléments statistiques nécessaires à la mise en œuvre d’actions économiques

efficaces. Si d’après Feudjo (2010) et Ngantchou (2011), le Système Comptable OHADA

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(SYSCOHADA) relève de l’école continentale réunissant les pays à tradition fiscale dont les

systèmes comptables sont de type « macro-économique » à influence gouvernementale, il

est très étonnant que certains aspects fiscaux, ne trouvant pas des comptes et un principe

de comptabilisation universel ou partagés par tous, fassent l’objet de manipulations

disparates de comptes suivant les comptables (Bampoky, 2013). Il faut noter qu’au sein de

l’UEMOA, il est créé le 18 décembre 1996 la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières

(BRVM) dont le démarrage des activités le 16 septembre 1998 accroît le besoin de la qualité

de l’information comptable et de recours aux comptes consolidés et combinés. Ceci explique

une nécessité d’ouverture ou de convergence vers les normes internationales IFRS

(International Financial Report Standards). La comptabilité, soigneusement normalisée,

devient ce que l’on qualifie de « fluide vital des marchés financiers » pour reprendre les

termes de Véron (2007) qui précise ainsi que quand on ne peut plus se fier aux données

financières, tout l’édifice des marchés est menacé.

Sur le terrain, la lourdeur dans le montage des états financiers est l’une des raisons

expliquant depuis 2014-2015 les velléités de modification par les seuls instances de l’Union

Economique et Monétaire Ouest Africaine du Système Comptable Ouest Africain (SYSCOA),

alors que celui-ci est reversé depuis 2000 à l’ensemble des pays membres de l’OHADA avec

la publication (le 20 novembre 2000 au Journal Officiel de l’OHADA) de l’Acte Uniforme

portant Organisation et Harmonisation des Comptabilités des Entreprises adopté le 23 mars

2000. Après cette généralisation sans heurts aux pays de l’OHADA (Gouadain et Wade,

2009), le vocable devenu approprié pour ce système de comptabilité désormais commun à

17 pays d’Afrique de l’Ouest, d’Afrique Centrale et de l’Océan Indien est celui de Système

Comptable OHADA (SYSCOHADA).

Le reversement a été effectué sans créer véritablement les organes fédérateurs de contrôle

capables d’insuffler la recherche fondamentale en vue de faire évoluer la norme. L’effort de

normalisation se poursuit par recours aux consultants et dans une absence totale de la

doctrine comptable purement autochtone (reflet de toutes les réalités culturelles et

contextuelles). Après la promulgation de l’Acte Uniforme portant Organisation et

Harmonisation des Comptabilités des Entreprises, le SYSCOA et les textes réglementaires

portant son application au sein de l’UEMOA ne sont pas officiellement abrogés, laissant ainsi

entrevoir la coexistence de deux systèmes de comptabilité appartenant à deux espaces

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économiques régis par des traités différents. Du point de vue spatial, l’UEMOA est un sous-

ensemble de l’espace OHADA et se révèle plus dynamique en termes de réformes que

l’OHADA avec la présence de quelques organes intervenant dans la normalisation comme le

Conseil Comptable Ouest Africain (CCOA) qui est une instance de la commission de l’UEMOA,

le conseil des ministres de l’économie de l’UEMOA et la Banque Centrale des États de

l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Ces organes sont créés un peu tardivement à l’échelle de

l’OHADA. Il faut noter qu’à sa création en 1993, l’un des objectifs de l’OHADA était de

parvenir à une norme comptable unique. L’UEMOA a avancé plus vite que l’OHADA sur cet

objectif. Visiblement, l’Afrique noire au Sud du Sahara regorge d’un catalogue de structures

d’intégration ou de projets sous régionaux ou régionaux élaborés parfois les uns sur les

autres avec l’aide des coopérants ou des consultants étrangers. Ces projets, bien flatteurs au

cours de leur élaboration, peinent pour l’essentiel à se concrétiser ou à se stabiliser

durablement après leur mise en œuvre par les autochtones.

La principale préoccupation de cette recherche est de parvenir à cerner les conditions de

mise en place d’un normalisateur comptable OHADA propice, à la suite d’une enquête sur

les origines et la nature des difficultés de normalisation comptable dans l’espace OHADA.

Dans une perspective historique, il est évident qu’il faut absolument cerner le rôle joué par

les institutions (en tant qu’organes) dans l’effort de normalisation depuis la période

coloniale jusqu’à nos jours, afin d’amener des éléments dont l’interprétation dans une

démarche scientifique partagée permet de faire des préconisations normatives. Un regard

critique des travaux de recherche et des archives historiques consultées auprès des

instances françaises, africaines, malgaches et mauriciennes de normalisation ou de

formation en comptabilité nous a permis de faire la synthèse du processus de normalisation

dans l’espace OHADA ainsi que toutes les difficultés et les impasses qui en ont découlé et qui

donnent l’explication des goulots d’étranglement actuels dans les pratiques comptables en

vigueur dans cet immense espace économique. Pour conforter cela et parvenir à mettre en

évidence tous les risques liés aux difficultés de normalisation et harmonisation comptables,

le travail s’est également intéressé, dans une approche qualitative avec entrevues en vis-à-

vis, aux besoins réels des parties prenantes de l’information comptable.

Cette recherche se synthétise en deux parties. La première a trait au design de la recherche,

et la seconde est relative à la revue critique des efforts de normalisation jusque-là consentis

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dans l’espace OHADA, à l’analyse des difficultés qui en ont découlé et aux perspectives de

construction d’un normalisateur comptable adapté.

1. Design de la recherche

Nous précisons dans un premier temps le cadre conceptuel de cette investigation, afin de la

situer dans le corpus de la recherche scientifique en comptabilité pour ensuite délimiter

notre problématique.

1.1. Cadre conceptuel de la recherche

La question qu’il nous paraît de prime abord opportun de régler ici est celle de savoir :

qu’est-ce qu’un système de normalisation comptable, et comment il se conçoit ? Il convient

ensuite de voir en référence de quelle démarche ou vision théorique nous allons aborder

l’examen du système OHADA, et sur quoi cet examen va réellement porter ?

Un système de normalisation peut être entendu comme un tout comprenant : la norme

technique comptable grosso modo (Plan Comptable) ; la norme sociale d’application de la

norme technique ; les organes de normalisation ou normalisateurs comme l’Autorité des

Normes Comptables (ANC) en France, l’International Accounting Standard Bord (IASB) au

plan international, le Conseil des Ministres de l’Economie (en Afrique de l’ouest

francophone) ; les organes consultatifs comme les Conseils Nationaux de Comptabilité

(CNC), le Conseil Comptable Ouest Africain (CCOA) ; les travaux et avis des chercheurs et

spécialistes académiques, et des professionnels de la comptabilité.

D’après Hoarau (2003), la normalisation comptable a pour objet d’établir des règles

communes dans le double but d’uniformiser et de rationaliser la présentation des

informations comptables susceptibles de satisfaire les besoins présumés de multiples

utilisateurs. Il apparaît que la qualité d’un système de normalisation réside bien dans la

capacité de fédérer les parties prenantes autour de pratiques ou règles uniformisées,

consensuelles répondant effectivement à leurs réels besoins. La normalisation peut, selon

Gouadain et Wade (2002), avoir plusieurs sources dont l’importance relative varie d’un pays

à l’autre. Son origine peut être publique ou privée d’une part, national, régionale ou

internationale de l’autre.

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Le travail qui est envisagé ici se situe ainsi dans le cadre de la doctrine comptable. La

doctrine comptable constitue un ensemble de travaux théoriques qui expriment la pensée

des auteurs sur les problèmes généraux de la discipline comptable, des avis et

recommandations donnés par différents organismes (lexique de gestion et de management

par Alain-Charles Martinet et Ahmed Silem). Ces organismes sont ceux de normalisation ou

spécialisés en comptabilité. En voulant faire la synthèse des travaux et avis des spécialistes

de la comptabilité, nous cherchons, au regard des confusions et des difficultés actuellement

constatées dans le processus de normalisation comptable, à remettre en cause le bien fondé

de la norme comptable OHADA pour apporter une réflexion sur les mécanismes qui

permettent de veiller à sa conformité avec les situations pratiques qu’elle doit gouverner. Si

le développement de la norme se nourrit de contributions doctrinales, une précaution doit

être prise en ce sens que la normalisation comptable semble parfois devenir une créature

autonome dont la seule raison d’être est la prolifération (Pigé, 2013). Selon cet auteur,

l’hyperspécialisation qu’exige la comptabilité pour la gouvernance des organisations ne

pourra nécessairement être suivie par l’ensemble de la profession. Mais dans un autre sens,

l’application à la fois de plusieurs pôles de normes pour pallier les difficultés rencontrées sur

le terrain peut, selon Savall et Zardet (2005), mettre en péril la gestion des organisations

dans la mesure où les acteurs peuvent être pris dans un faisceau de normes contradictoires.

La prolifération des normes peut également pousser les acteurs, devant l’acuité des

difficultés de leur application, à préférer les contourner ou les transgresser (Bessire et Al.,

2010).

Pour Pigé (2011), il est possible de pallier cette situation par la réintroduction du jugement,

c’est-à-dire la capacité humaine à prendre une décision en présence de facteurs contingents

spécifiques. Khouatra (2004) pense que la normalisation doit être suivie d’une

réglementation dans le sens où les normes comptables jugées importantes deviennent

d’application obligatoire en vertu de textes législatifs et/ou réglementaires. Il apparaît à

présent clair qu’il y a principalement deux types de normes. D’abord, les normes techniques

intrinsèques au fonctionnement de la technique comptable : règles, critères, principes ou

conventions suivant lesquels se réfère tout enregistrement, jugement, appréciation ou

présentation de l’information comptable. Ensuite les normes sociales que sont l’ensemble de

règles de conduite qui s’imposent à un groupe social. En comptabilité, les normes sociales

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permettent de régir les rapports ou relations entre les différentes institutions, de délimiter

les pouvoirs des hommes ou des institutions en tant qu’organes à l’intérieur ou à l’extérieur

d’un système de comptabilité, et d’imposer la mise en œuvre des normes techniques. En

général, les normes sociales s’imposent tandis que les normes techniques s’adaptent ou se

développent. Les normes sociales en rapport avec la comptabilité, pour permettre

l’application des normes techniques, doivent ainsi être organisées au-dessus de ces

dernières. Le cadre institutionnel permettant d’imposer l’application des normes techniques

peut être de type supranational, et la norme sociale peut prendre la forme d’un accord ou

d’un traité ou encore d’une convention internationale avec des organes chargés de trancher

les conflits comme les cours internationales. Ce cadre peut être de type national se

concrétisant ainsi par des textes réglementaires ou parlementaires. C’est fort de cette

considération des faits qu’un système de comptabilité se construirait.

Les difficultés de normalisation comptables peuvent émaner d’un problème de conflits de

textes législatifs ou de traités dans le temps, de carences que contiennent les normes

techniques élaborées puisqu’en déphasage avec les réalités du terrain, ou du caractère peu

fédérateur des organes de normalisation en place. Par exemple, Feudjo (2010), en parlant du

droit de la concurrence, précise que l’OHADA est un espace économique déjà étoffé de

politiques régionales de la concurrence (UEMOA, CEDEAO, CEMAG) avec des conflits de

compétences qui peuvent résulter de la compétence de deux autorités régionales. La BCEAO

a confié en 1994 la conception du SYSCOA à une équipe d’experts de l’Institut National des

Techniques Économiques et Comptables (INTEC) de France dirigée par le Professeur Claude

Pérochon (Bampoky, 2013). La même équipe s’est vu attribuer par les autorités de l’OHADA

la réalisation du projet de norme comptable unique que s’est fixé cette organisation dès sa

création en 1993. Il leur a été proposé simplement de reconduire le travail initié au sein de

l’UEMOA, et c’est cela qui a abouti à la promulgation par l’OHADA de l’Acte Uniforme

portant Organisation et Harmonisation des Comptabilités des Entreprises en 2000.

Pour avancer vers le véritable débat que suscite cette recherche, il y a lieu à présent de

préciser davantage notre problématique ainsi que l’orientation et l’intérêt de cette

investigation empirique.

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1.2. Problématique et déroulement temporel de la recherche

Selon les faits majeurs préalablement exposés, les problèmes de conflits de textes

réglementaires ou législatifs, de traités ou de conventions internationales ou encore

d’organes d’intégration créés est manifeste dans l’espace OHADA notamment en ce qui

concerne la normalisation et l’harmonisation comptables. Il s’en suit le problème de

compétence des structures qui prennent l’initiative de réviser la norme comptable en place.

Il y a enfin le problème de conflits d’intérêts dans le choix des équipes qui se voient attribuer

la charge de conception de la norme comptable. Quelles sont alors les origines précises et

les explications réelles des failles qui handicapent le processus de normalisation comptable

dans l’OHADA ?

De telles interrogations nous situent dans une perspective historique conduisant au recueil

des données relatives au montage des différents plans comptables appliqués par les pays de

l’espace OHADA depuis la période coloniale jusqu’aux actuelles tentatives de normalisation

interpellant l’expertise autochtone. Les vertus d’une telle démarche peuvent se synthétiser

en trois choses. D’abord, d’après Martinet et Payaud (2009) : « L’historicisme met donc

l’accent sur la compréhension où la dimension éthique est présente (Schmoller) ou, au

contraire, écartée (Weber) mais trouve son unité dans la prise en compte soigneuse de

l’évolution des contextes, des institutions en privilégiant l’accumulation de monographies

replacées autant que faire se peut dans des périodisations » (p. 33). Ensuite, la méthode en

histoire peut s’agir d’une démarche très générale et dialectique faite d’allers et retours de

l’archive à l’interprétation (Lemarchand et Nikitin, 2013). Enfin, l’histoire est une réalité

objective et déjà donnée, que l’historien n’aurait qu’à découvrir par la recherche minutieuse,

la critique et le classement rigoureux des faits (Marrou, 1954).

Pour saisir l’orientation que doit prendre le plan comptable devant gouverner les affaires

dans l’OHADA et la nature du normalisateur comptable à mettre en place, toutes les

attentes des parties prenantes de la norme comptable OHADA doivent être prises en

compte. Ces parties prenantes sont : les investisseurs, les statistiques économiques, les

banques, les entreprises, le marché financier et toutes les formes d’organisations appliquant

le SYSCOHADA (établissements publics, organisations non gouvernementales, associations).

Ceci nous emmène à nous poser la deuxième question suivante : Comment bâtir un

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normalisateur viable, fiable et garant de la qualité de l’information comptable pour les pays

membres de l’OHADA ?

L’histoire comme méthode principale de recherche est relayée ici par un recueil d’avis des

utilisateurs de la norme comptable OHADA. Une analyse manuelle simple du contenu des

discours est opérée. Nous nous sommes ainsi donné les moyens de faire un terrain qui

couvre l’ensemble de nos besoins en termes d’informations.

1.3. Terrain de la recherche et recueil d’informations

On s’est rapproché des normalisateurs français comme l’Autorité des Normes Comptables

(ANC) pour consulter les archives sur les plans comptables qui ont été mis œuvre quand les

pays africains n’avaient pas encore accédé à leur souveraineté nationale. Les documents

ciblés sont en priorité les mémoires d’expertise comptable retraçant l’histoire de la

normalisation comptable africaine, malgache et mauricienne. On s’est intéressé ensuite à

tous les écrits qui relatent les intérêts et les limites de chaque système comptable jusque-là

créé. Le même travail est effectué auprès du Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts

Comptables de France, et auprès du Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM) qui

abrite l’INTEC où exerçait le Professeur Pérochon. Le temps de présence en France a été de

15 jours vécus intensément en termes de recherche (du 28 mars au 11 avril 2016). Par

rapport aux sources d’informations étrangères, les archives en ligne du Centre de

Documentation des Experts Comptables et Commissaires aux Comptes (CNCC) sont

consultées. Au passage, nous avons pu mettre la main sur les mémoires d’expertise

comptable, les thèses soutenues sur le sujet, les archives d’anciens plans comptables et de

journaux officiels.

Le travail de fouille est poursuivi au siège de la BCEAO au Sénégal, et auprès du Conseil

National de Comptabilité du Sénégal. Pour ce qui concerne les données portant sur l’OHADA,

le site de l’OHADA a fourni toutes les informations complémentaires recherchées. A ces

recueils de données sur le terrain, s’ajoute une synthèse des travaux de recherche

académique sur l’objet de notre étude.

Mais, les déductions faites à partir de l’interprétation des faits historiques et des archives

doivent être confrontées à la réalité pour pouvoir en définitive être considérées comme

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réelles. L’approche qualitative par entretiens en vis-à-vis avec les professionnels de la

comptabilité a permis ainsi de s’assurer que les préconisations retenues correspondent bien

aux attentes des acteurs professionnels. Les impressions des utilisateurs du modèle

comptable OHADA et leurs attentes pour l’amélioration celui-ci ont été alors cernées. Pour

cela, des entrevues ont été effectuées, par proximité objective et par opportunisme

méthodique, auprès du siège de la BCEAO au Sénégal, du Conseil National de Comptabilité

(CNC) du Sénégal, de 3 cabinets d’experts comptables parmi ceux qui sont à la base du

SYSCOA révisé, de 3 filiales de firmes multinationales au Sénégal dont les maisons mères

disposent de filiales dans plusieurs pays de l’OHADA, de 3 entreprises sénégalaises du

secteur public et de 3 autres entreprises sénégalaises du secteur privé. L’une des entreprises

privées a fait déjà l’objet d’étude pour une recherche bouclée (Bampoky, 2013). Les

verbatim déjà recueillis auprès de cette entreprise sont reconduites. Il s’agit ainsi d’un

échantillon de convenance dans la mesure où certaines structures comme la BCEAO et les

CNC, de par le rôle qu’elles ont joué et qu’elles continuent à jouer dans la normalisation

comptable au sein de l’UEMOA, détiennent des informations très importantes. Le choix de 3

entreprises dans chaque secteur (privé, public et étranger) a permis de s’assurer d’une

saturation des réponses, une condition nécessaire pour la généralisation des constats. Le

choix spécifique du terrain sénégalais se justifie par le fait que les pays africains en

développement présentent en général une structure du tissu des entreprises similaire, tant

au plan de la taille et de la structure de la propriété du capital des entreprises qu’au plan de

l’instrumentation de leur gestion (Bampoky et Meyssonnier, 2012).

Les entreprises sont choisies parmi les plus représentatives des secteurs clés de l’économie

et qui appliquent en général le système normal de comptabilité afin de pouvoir comparer les

résultats. Là également, le choix est guidé par le souci d’être exhaustif dans l’étude, dans la

mesure où avec le système normal, tous les documents comptables sont employés sans

résumer l’information comptable comme c’est le cas dans les systèmes allégé et minimal de

trésorerie. Les entretiens en vis-à-vis sont d’une durée de 30 minutes à 1 heure de temps et

sont réalisés du 20 juin au 03 août 2016. Les réponses des interviewés sont transcrites sur un

cahier de prise de note. Les personnes interrogées demandent en général à ne pas être

citées ouvertement dans les documents qui vont être produits. Nous avons ici tenté de

garder au mieux leur anonymat.

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Le tableau ci-après récapitule les différentes structures auprès desquelles les entrevues sont

réalisées, la nature de leur activité, la propriété de leur capital ou leur affiliation et les

personnes rencontrées.

Nom de la structure Nature de l’activité Propriété du capital ou affiliation

Personnes rencontrées

BCEAO Banque Centrale de l’UEMOA

8 pays de l’UEMOA Agents de la Direction des Statistiques gérant la Centrale des Bilans

Conseil National de Comptabilité du Sénégal

Organe local de normalisation comptable

État du Sénégal

3 membres permanents

Groupe SONATEL Téléphonie Sénégal, France et privés locaux et étrangers

Chef Comptable

SN-HLM Aménagement immobilier

Sénégal Chef Comptable

SENELEC Production d’électricité

Sénégal Chef Comptable

TOTAL Sénégal Hydrocarbures Français Chef Comptable

Sénégalaise Des Eaux (SDE)

Fourniture d’eau potable

Concessionnaire appartenant à Saur International (France)

Chef Comptable

Senegal Protection & Indemnity (P & I)

Assurance maritime Groupe anglais Chef Comptable

Cabinet GARECGO Expertise comptable Privé sénégalais Chef de cabinet

Cabinet EXCO Expertise comptable Privé sénégalais Chef de cabinet

Cabinet CECA Expertise comptable Privé sénégalais Chef de cabinet

PATISEN Production de biens alimentaires

Privé sénégalais Chef Comptable

Les Ciments Du Sahel Cimenterie Privé sénégalais Chef Comptable

Hôtel Kadiandoumagne

Hôtellerie et restauration

Privé sénégalais Responsable administratif et financier

Les questions basiques semi-ouvertes autour desquelles les entrevues se sont déroulées

sont les suivantes :

- Vous arrive-t-il d’avoir des soucis avec le plan comptable OHADA ? De quelle nature ?

A quel niveau ?

- Le plan SYSCOHADA est-il véritablement exhaustif en termes de comptes prévus pour

l’enregistrement des opérations comptables ?

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1 ère journée d’étude africaine en comptabilité et contrôle

13

- Le SYSCOHADA vous pose-t-il un problème de reporting comptable, de consolidation

ou de combinaison des comptes ?

- Quelle solution pensez-vous utile pour remédier aux difficultés que vous rencontrez

avec l’usage du SYSCOHADA ?

- Si vous collectez et archivez les états financiers des entreprises non financières,

notez-vous des difficultés dans leur collecte et dans leur contenu ? Lesquelles ? Et

quelles en sont vos attentes ?

La lecture et le classement, suivant une chronologie, des données historiques (archives et

bibliographie), ainsi que les résultats de l’analyse du contenu des verbatim d’entretiens ont

permis de faire une revue critique des efforts de normalisation jusque-là consentis et de

faire des préconisations normatives en vue d’améliorer le processus de normalisation

comptable enclenché au sein de l’OHADA.

2. Revue critique des efforts de normalisation jusque-là

consentis dans l’espace OHADA et perspectives

Les problèmes actuels de normalisation peuvent être interprétés suivant trois grandes

périodes. La première correspond à l’immersion des pays de l’OHADA dans les empires

coloniaux français, belge, anglais, portugais et allemand. La deuxième période est relative à

l’accession de ces États à la souveraineté nationale et les tentatives de prise en main de leur

destin par la voie de la coopération verticale avec les anciennes métropoles, et la

coopération horizontale qui n’est rien d’autre qu’une autre tentative de regroupement des

États issus du joug colonial et qui se voient individuellement légers pour aller de façon

dispersée à la quête du développement économique et social. La troisième période est celle

de la convergence vers l’émergence économique dont certains États sont encore au début

du processus.

2.1. Les expériences de normalisation dans l’époque coloniale

En regardant la composition de l’OHADA, on y trouve toujours, de par les organes

d’intégration créés et les grands ensembles étatiques pilotés par ces organes, le découpage

géographique laissé par les anciennes métropoles : l’Afrique Occidentale Française (AOF)

que représente aujourd’hui l’UEMOA hormis la Guinée Bissau (ancienne colonie portugaise)

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1 ère journée d’étude africaine en comptabilité et contrôle

14

qui rejoint l’union en 1997 ; l’Afrique Equatoriale Française et le Cameroun ; l’Île Maurice et

les Comores (les pays de l’Océan Indien). Dans cet espace, on notait la présence allemande

et britannique, et leur installation est faite entre 1860 et 1870. Le drapeau allemand flottait

sur Douala à partir du 14 juillet 1884 après signature de plusieurs Traités germano-douala.

De 1884 à 1922, le protectorat allemand s’étend du Lac Tchad aux rives de la Sangha. Les

britanniques s’intéressaient au développement du commerce. Ces présences étrangères

donnent l’explication des anciens référentiels comptables qui circulaient dans cette espace.

D’après Douvier Pedrosa (2010), « la proclamation de l’indépendance des pays d’Afrique a

laissé aux africains une doctrine d’inspiration française » (p. 11/138). Avant les

indépendances africaines et pour ce qui concerne l’actuel espace francophone OHADA, les

plans comptables utilisés ainsi que les principes théoriques attachés aux techniques de

comptabilisation sont de source française. Il s’agit des plans comptables de 1947 et de 1957.

Avant ces référentiels, la présence allemande a marqué son empreinte, car d’après Feudjo

(2010), « Le tout premier plan comptable applicable en France et dans les pays africains

(colonies françaises) était le plan allemand conçu en 1937 par Eugen Schmalenbach et mis en

application dès 1938 » (p. 150). La remarque fondamentale que l’on peut tirer du récit de cet

auteur est que le passage aux plans purement français fut précédé de la création d’une

Commission de Normalisation des Comptabilités (CNC) par le décret 46-19 du 4 avril 1946.

L’organe de normalisation précède alors la norme technique. Cet organe approuva le plan

comptable de 1947.

Le plan comptable de 1947 marque l’émergence d’une normalisation comptable nationale

française. Celui-ci a fait l’objet de plusieurs révisions, mais le contenu de base est toujours

existant, d’après Obert (2000). La première révision de ce plan en 1957 est suivie de la

création du Conseil National de Comptabilité qui va jouer un rôle important dans

l’élaboration du droit comptable français. L’application du plan révisé de 1957 est effectuée

au milieu des 1960 grâce à un texte fiscal (décret du 28 octobre 1965). Ceci marqua

l’apparition de l’expression « droit comptable ». La France conforte davantage ses organes

de normalisation et la norme sociale (droit comptable) d’application de la norme technique.

Ceci est suivi d’une importante réforme du droit des sociétés par la loi du 24 juillet 1966 et le

décret du 12 août 1969 qui réglemente le commissariat aux comptes. Le Conseil National de

Comptabilité (CNC) et le Comité de la Réglementation Comptable (CRC) créé en 1998 ont été

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1 ère journée d’étude africaine en comptabilité et contrôle

15

fusionnés par l’Ordonnance n° 2009-79 du 22 janvier 2009 pour créer ainsi l’Autorité des

Normes Comptables (ANC). Cette Ordonnance est publiée au Journal Officiel n° 0019 du 23

janvier 2009. L’ANC comprend : un collège de 16 membres, des commissions spécialisées

notamment celle chargée des normes comptables privées et celle chargée des normes

comptables internationales, un comité consultatif composé de 25 représentants du monde

économique et social, et le Président du collège de l’Autorité qui préside le comité

consultatif. Les règlements adoptés par l’ANC sont publiés au Journal Officiel de la

République française. A côté de cet organe phare de normalisation, on a les organismes

professionnels qui ne produisent pas les normes comptables, mais peuvent seulement

cependant avoir une influence sur leur production : l’Ordre des Experts-Comptables (OEC) et

la Compagnie Nationale de Commissaires aux Comptes (CNCC).

Mais tout ceci s’est déroulé dans un cadre purement français, car les États de l’OHADA ont

pris pour l’essentiel leur indépendance en 1960 et autour de cette année. Cela veut dire que

ces États sont allés aux indépendances en important et utilisant les mêmes outils comptables

qu’en France sans toutefois créer des organes de normalisation solides et un droit

comptable adapté à leur contexte. Parallèlement, la France n’a pas interrompu son

processus de normalisation dans la mesure où le plan de 1957 a été révisé en 1982,

corrigeant les lacunes des plans antérieurs. Puis une autre révision de ce plan est intervenue

en 1999 sous l’influence des normes internationales IFRS. Le plan comptable général de 1999

a été approuvé par l’Arrêté du 22 juin 1999 portant homologation du règlement 99-03 du

Comité de la Réglementation Comptable. La principale innovation de ce plan est l’apparition

du droit comptable évolutif. Ainsi Causse (2002) indique-t-elle que la composition des

organes de normalisation française a beaucoup évolué au cours des deux dernières

décennies. Cet auteur précise : « le dispositif institutionnel a été réformé en profondeur

puisque la hiérarchie des acteurs semble bousculée » (p. 1). Les tenants et les aboutissants

du droit évolutif doivent être synthétisés par les africains pour mieux prendre en charge le

caractère évolutif de la norme comptable.

Cependant, le droit comptable né en 1965 était un droit au service de l’État (facilitation des

déclarations fiscales, la détermination d’agrégats économiques, droit des sociétés ou droit

de la faillite), donc un droit faible car les concepts introduits dans le droit actuel comme la

permanence des méthodes, la continuité de l’exploitation, la séparation des exercices ne

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1 ère journée d’étude africaine en comptabilité et contrôle

16

figurent pas dans les textes de droit positif de l’époque. Ce sont toutes ces expériences de

droits qu’a bénéficié le plan comptable français de 1982 dont l’innovation majeure apportée

est, selon Djambou (1984), la comptabilité analytique avec les objectifs suivants : la

connaissance des conditions d’exploitation, l’évaluation de certains éléments du patrimoine,

l’explication des résultats. La suite logique des événements dans le processus de

normalisation n’a pas pu profiter aux africains. Nous démontrons cela dans le paragraphe ci-

après.

2.2. La doctrine comptable en contexte OHADA

La première réforme doctrinale d’origine africaine est le plan OCAM (Organisation de la

Communauté Africaine et Malgache, puis Mauricienne avec l’adhésion de l’Île Maurice en

1970 et le retrait de Madagascar en 1973). D’après Douvier Pedrosa (2010), l’OCAM est née

en 1965, et constitue le prolongement de l’UAM (Union Africaine et Malgache) créée en

septembre 1961 et de l’UAMCE (Union Africaine et Malgache de Coopération Economique).

Le plan OCAM, adopté en 1970, introduit dans les États en 1972 et révisé en 1979, prolonge

directement sans passer par la création préalable d’organes de normalisation permanents,

les acquis du plan comptable général de 1957. Son objectif est de favoriser l’harmonisation

des pratiques comptables, l’intégration et l’indépendance économique des États membres.

Ce référentiel a été créé sous l’initiative des chefs d’États africains prise en 1968 avec la

constitution d’une commission d’experts africains et français réunis à Niamey. On voit là

clairement un essai de normalisation par recours aux consultants, témoignant ainsi d’une

insuffisance de l’expertise locale. Cette insuffisance dénote la nécessaire urgence préalable

d’investir massivement dans la formation des ressources humaines et la création d’organes

comptables développeurs.

Le plan Comptable OCAM et le plan comptable français de 1982 présentent de nombreuses

caractéristiques communes à cause de leur origine (plan de 1957) et de la méthodologie de

leur rédaction (Djambou, 1984), ce qui ressemble plus à une adoption ou une adaptation

qu’à une création tenant compte de facteurs contingents spécifiques. Par exemple, les deux

plans ont adopté une même philosophie d’ensemble pour déterminer le résultat net

comptable.

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1 ère journée d’étude africaine en comptabilité et contrôle

17

Les insuffisances notables (selon Djambou, 1984 ; Obert, 2000 ; Feudjo, 2010 ; Douvier

Pedrosa, 2010) du plan OCAM procèdent du fait par exemple que ce dernier n’a pas prévu le

tableau de financement, ce qui poussa certains pays comme le Sénégal et le Zaïre à le

prescrire parmi les documents obligatoires, et ce sont des différences de traitement

comptables de cette nature qui posent à terme des difficultés d’harmonisation de

l’information comptable et expliquent l’absence d’un normalisateur supranational qui

fédèrent les pays autours des mêmes principes. Egalement, le plan comptable OCAM ne

s’intéresse pas au calcul de l’Excédent Brut d’Exploitation (EBE) qui constitue un indicateur

permettant de mieux apprécier la gestion des unités décentralisées. Certains pays qui

appliquaient le plan comptable OCAM comme le Sénégal préconisaient l’inventaire

permanent avec toute la bureaucratie que cela nécessitait, tandis que le plan français de

1982 préconisait l’inventaire intermittent. Dans le contexte français, la révision du plan de

1957 n’est achevée qu’en 1982, et cet aboutissement est caractérisé par une série de

dispositions réglementaires et législatives à savoir : l’Arrêté du 27 avril 1982 portant sur son

application obligatoire pour les exercices ouverts après le 31 décembre 1982, la loi du 30

avril 1983 modifiant et complétant les obligations comptables des commerçants et de

certaines sociétés et le décret d’application du 29 novembre 1983.

Dans la plupart des pays concernés, le plan OCAM a été adapté différemment, et c’est ainsi

qu’on a eu : le plan OCAM sénégalais, le plan OCAM ivoirien, le plan OCAM béninois, le plan

OCAM Camerounais, etc. Ainsi Bigou-Laré (2001) précise-t-il que dans certains pays comme

le Togo, certaines entreprises avaient même continué à utiliser le plan comptable de 1957,

alors que d’autres étaient passées au plan OCAM. Evidemment, il y a absence de

normalisateur permanent et de droit comptable commun dans l’ensemble de l’espace

africain d’application du plan OCAM. La pluralité des référentiels comptables ne facilitait pas

la comparaison des entreprises, ni l’agrégation de l’information comptable pour la politique

macro-économique et monétaire dans les espaces géographiques où les pays ont des projets

d’intégration économique.

Le besoin d’information économique réelle et agrégée dans les pays de la zone devenait

crucial pour la France vers les années 1990 en raison du fait que la république française a

conclu de 1960 à 1963 des accords de coopération monétaire avec les États africains. Les

bases actuelles de ceux-ci sont passées en novembre 1973 avec les pays de la BCEAO, en

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1 ère journée d’étude africaine en comptabilité et contrôle

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novembre 1972 avec les pays de la BEAC et en 1979 avec les Comores (Guillaumont et

Guillaumont Jeanneney, 2013). Par ces accords, la France apporte un soutien automatique

aux balances des paiements des pays africains par l’intermédiaire des comptes d’opérations

ouverts par le Trésor français aux banques centrales des pays. Le besoin d’informations

économiques pour la politique monétaire de l’UEMOA poussa la BCEAO à plaider en faveur

d’un droit comptable commun aux pays de l’union, ainsi qu’un référentiel comptable unique.

Le SYSCOA naquit en 1998. Encore là, la mise en place du SYSCOA a été commanditée par la

BCEAO pour ces objectifs cités et non par un organe de normalisation préalablement créé à

l’échelle de l’UEMOA. Les études d’un système comptable commun aux pays de l’UEMOA

ont débuté en 1994, et ce n’est qu’en 1997 (date ou l’équipe de consultants principalement

français avec l’aide de quelques africains a rendu ses travaux) que sont créés le Conseil

Comptable Ouest Africain par le Règlement n° 03/97 du Conseil des Ministres (CM) de

l’UEMOA, et le Conseil Permanent de la Profession Comptable par le Règlement n°

04/97/CM, d’après Nguéma et Klutsch (2010). Selon ces auteurs, c’est en décembre 2008

seulement que le règlement instituant une Commission de Normalisation Comptable (CNC-

OHADA) auprès du Secrétariat Permanent a été adopté par le Conseil des Ministres de

l’OHADA. Avant l’adoption du CNC/OHADA, le SYSCOA est reversé sans opposition ni appel à

l’OHADA, et le Conseil des Ministres a adopté 8 ans avant la création du CNC/OHADA l’Acte

Uniforme portant Organisation et Harmonisation des Comptabilités des Entreprises.

On n’a jusque-là pas une doctrine comptable d’origine africaine, mais une doctrine

comptable africaine d’inspiration française. Dans le plan français, on a trois systèmes de

comptabilité en fonction de la taille des entreprises : le système de base, le système abrégé

et le système développé. Le SYSCOHADA reprend : système minimal de trésorerie, système

allégé et système normal. Le plan comptable OHADA intègre la comptabilité de gestion ou

analytique, mais en introduisant biens des simplifications comme dans l’évaluation des bien

où la méthode « Dernière entrée-Première sortie » est abandonnée. En termes de

corrections d’erreurs, le SYSCOHADA préconise la correction en négatif laissant tomber la

contrepassation et le complément à zéro. Le SYSCOHADA ne parle que de principes

comptables (au nombre de 9), tandis que le plan français distingue les postulats (qui

définissent le champ du modèle comptable) et les conventions que sont les règles générales

pour guider l’élaboration des documents de synthèse. A côté de ces exemples de

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1 ère journée d’étude africaine en comptabilité et contrôle

19

spécificités, le SYSCOHADA, d’après Pintaux (2002), mérite l’attention car intégrant les

dernières évolutions de la doctrine comptable notamment l’IASB5. Ceci est dû à l’origine de

ses concepteurs. Ainsi, on peut dire que ce système présente à la fois des intérêts et des

limites. Pour l’Expert-comptable A. G., « l’intérêt de ce système de comptabilité est d’avoir

réuni trois éléments : un cadre conceptuel, un droit comptable et un plan comptable ».

Toutefois, le fait de trop s’inspirer de la doctrine comptable française pour écrire les

comptes n’est pas allé sans désagréments sur le terrain, notamment pour ce qui concerne

des comptes ainsi que de leurs intitulés qui prêtent parfois à confusion ou qui ne trouvent

pas de correspondance réelle par rapport aux faits économiques qu’on se propose de

décrire. Certains praticiens, comme c’est le cas au sein de l’entreprise « Senegal P & I »,

avancent les arguments suivants : « On ne voit pas trop l’utilité des comptes « 486 – Créances

sur cessions de titres de placements » créé pour enregistrer la ventes de titres de placement

qui procèdent, chez l’acquéreur, des opérations de gestion de la trésorerie positive ou des

opérations au comptant » (propos d’A. D. G.). Les situations permettant l’usage réel de ce

compte ne sont pas connues du terrain local. Par contre, en reprenant les propos des

experts (M. F., par exemple), « dans le SYSCOHADA, l’amortissement ne se fait pas par

composants, alors qu’on trouve dans des entreprises de pétrochimie des turbines ou des sites

qu’on ne peut amortir de façon regroupée : on doit bouger. On risque de regretter d’avoir

retarder l’UEMOA sur la réforme envisagée du SYSCOA ». « Le SYSCOHADA, par ailleurs, pose

de gros problèmes de reporting et la solution est de tendre vers les IFRS », nous affirme un

autre comptable (Monsieur C. S. pour Les Ciments du Sahel).

Par ailleurs, depuis la mise en place du SYSCOHADA, l’espace s’est enrichi de plusieurs

implantations d’entreprises étrangères et de création d’entreprises autochtones nouvelles.

Avec le développement de la BRVM de l’UEMOA, les entreprises cotées se trouvent face à

d’autres obligations financières qui exigent l’évolution du droit et de la technique

comptables en place.

2.3. Les nouvelles exigences de l’émergence économique

On sait avec Douvier Pedrosa (2010) qu’ « aujourd’hui, l’Afrique est en marche et ouvre des

perspectives économiques de croissance…Le Brésil, l’Inde, la Chine n’hésitent plus à investir et

promouvoir leurs ententes avec la majorité des États africains en scellant leurs relations par

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1 ère journée d’étude africaine en comptabilité et contrôle

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des contrats ou ententes de partenariat économiques qui implicitement développent le

marché sous régional » (p. 34–45). Ceci pose en comptabilité, la problématique d’usage des

comptes consolidés et combinés, ou dans un autre sens l’effectivité simple du reporting

comptable. La consolidation s’impose par exemple dans le cas des fusions-acquisitions,

lorsqu’une entité est soumise à un autre système comptable. Le comptable de PATISEN (M.

T.) affirme : « le problème de reporting ne se pose pas chez-nous dans la mesure où nous

sommes une entreprise locale ». Les mêmes propos sont tenus par les comptables (P. B. N. et

O. D.) de la SN-HLM et de la SENELEC, des entreprises locales sénégalaises du secteur public.

Il est clair que ce sont les entreprises étrangères de type filiales qui sont confrontées à ce

problème, et ce sont elles qui constituent le fer de lance des économies africaines. La

complexité du reporting a amené les entreprises comme le Groupe SONATEL à mettre en

place un « Service Reporting » dont le travail consiste, d’après le comptable (M. D.), « à

prendre les balances SYSCOHADA et à observer les variations mensuelles, puis, via

l’application « Magnitude », à assurer le déversement à la comptabilité de la maison mère en

France ». Pour le compte de TOTAL Sénégal, le Chef Comptable (E. M.) nous instruit : « Nous

avons un service Contrôle de Gestion et Reporting. La pratique du reporting se fait

mensuellement vers la maison mère sur la base d’une plateforme dédiée, puisque nous

utilisons le Progiciel de Gestion Intégré SAP ». Dans tous les cas, nous signale-t-on, les

données comptables sont retraitées et adaptées aux comptes de la maison mère avant

d’être ventilées. Nous apprenons, en analysant les discours recueillis, que pour les filiales en

Afrique des entreprises comme TOTAL, « P & I », …, les problèmes de reporting existent mais

n’apparaissent pas ingérables, car les comptes sociaux sont consolidés selon les règles du

pays de la société mère avec une autre codification de regroupement et les normes

internationales applicables. Cependant, c’est le contraire, lorsque la maison mère d’une

entreprise internationale se situe dans l’OHADA, qui laisse apparaître des problèmes de

reporting parfois embarrassants.

Ce qui peut rendre la consolidation plus difficile encore dans ce sens est l’évaluation des

éléments immatériels appelés goodwill ou badwill. L’ouverture aux IFRS se révèle ainsi

nécessaire pour une harmonisation de l’information comptable. La prévision des évolutions

économiques dans le montage du SYSCOA amena, dans la recherche de la pertinence

partagée de l’information comptable, à laisser place à un principe d’origine anglo-saxonne à

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1 ère journée d’étude africaine en comptabilité et contrôle

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savoir la prééminence de la réalité sur l’apparence. Les propos de Ollier (1999) permettent

largement d’étayer l’origine de ce principe lorsqu’elle dit : « les pays d’Afrique anciennement

colonies britanniques ont une comptabilité qui présente davantage un reflet de

l’évolution économique » (p. 67). Ceci n’a pas été le cas dans les pays d’Afrique francophone.

La normalisation comptable en vigueur doit être adaptée suivant le processus d’émergence

économique. Ceci peut être étayé par les propos de Bakhoum (2011) : « l’émergence et le

développement fulgurant de législations de la concurrence dans les pays en développement

témoignent des vertus supposées ou réelles de telles politiques dans le processus de

développement économique » (p. 4). Le droit comptable n’est pas un droit de la concurrence,

mais s’il permet la production d’une information financière fiable pour les investisseurs et de

sécuriser les investissements, il se situerait à la base de la compétitivité de l’espace OHADA

par rapport aux pays qui se situent à l’extérieur de cette zone. Dans cet ordre d’idées,

Causse (2002) montre que la comptabilité est bien une arme dans la compétition

économique mondiale.

Ce qui ressort de ces divers propos est qu’avec la mondialisation des activités de production,

la normalisation comptable doit être érigée pour favoriser trois types d’investissements dont

l’évolution des flux ainsi que leurs fruits nécessitent une comptabilité: les investissements

directs, les investissements en portefeuille et les investissements socialement responsables.

Pour ce qui concerne la dernière trame d’investissements, les activités des entreprises

doivent intégrer les enjeux sociaux et environnementaux dont les coûts et les avantages

peuvent également faire l’objet de mesure par des mécanismes de comptabilisation

appropriés. A tout cela s’ajoute les progrès enregistrés dans le domaine de la techno-science

par le développement des Progiciels de Gestion Intégrés, qui ont fini par faire reléguer au

bas de l’échelle le métier comptable classique de « teneur de livres ». Les clients participent

à distance aux enregistrements comptables. D’après l’Expert-comptable A. G. (Cabinet

GARECGO), « il est important que le cabinet puisse avoir à ce niveau des spécialistes en PGI.

Tout un travail d’évaluation des processus, de test par l’auditeur pour s’assurer que la chaîne

ne connaît pas de ruptures est à faire. La normalisation doit intégrer ce volet ». « On est

toujours confronté à un problème d’adaptation du plan SYSCOHADA à nos opérations de

prestations de services responsables, et cela suscite parfois de longs débats entre comptables

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1 ère journée d’étude africaine en comptabilité et contrôle

22

pour le choix des schémas de comptabilisation qui semblent les mieux appropriés », annonce

la Directrice R. T. (Hôtel Kandiandoumagne).

Ainsi le cadre conceptuel du SYSCOHADA doit évoluer pour tenir compte de la nouvelle

donne dictée par l’émergence économique. Mais à partir de 2013, apparaissent des

difficultés d’harmonisation du SYSCOHADA à l’ensemble des pays de l’OHADA, et ces

problèmes sont nés dans l’UEMOA. En effet d’après SAMBE et DIALLO (2014)2, les difficultés

ont jailli avec le Règlement n° 05/2013/CM/UEMOA du 28 juin 2013 modifiant le règlement

n° 04/96/CM/UEMOA du 20 décembre 1996 portant adoption du SYSCOA, et le règlement

d'exécution n° 005/2014/CM/UEMOA du 31 mai 2014 disposant que les nouvelles règles et

méthodes comptables du SYSCOA sont adoptées et s'appliquent aux comptes des exercices

ouverts à compter du 1er janvier 2014.

Les praticiens de la comptabilité font alors face à deux référentiels, et la question de savoir

lequel des deux appliquer se pose réellement. Cela a fini par susciter la réaction de la

Conférence des Chefs d’États et de Gouvernements de l’OHADA (17 octobre 2013) et du

Conseil des Ministres de l’OHADA (30 et 31 janvier 2014) qui trouvent que le système

comptable OHADA devait constituer l'unique référentiel comptable en vigueur dans l'espace

OHADA.

Sur le fonds, les experts de l’UEMOA, initiateurs du projet de réforme du SYSCOA, ont

largement raison au regard des exigences de l’émergence économiques précitées. En outre,

on a une impression partagée par tous les comptables des entreprises interviewés sur le fait

qu’il y a beaucoup de flou dans le plan comptable OHADA. C’est le cas notamment en ce qui

concerne le système qui permet de bien évaluer les quotes-parts des charges à comptabiliser

pour chaque exercice, dans l’exploitation des carrières. Il en est de même pour le système

qui permet de gérer la remise en état des sites (ces exemples nous viennent des entreprises

qui gèrent des carrières comme « Les ciments du Sahel »).

Il ressort des grandes entreprises publiques du Sénégal consultées qu’il n’est pas prévu des

comptes pour enregistrer les TVA (Taxes sur la Valeur Ajoutée) précomptées, laissant ainsi

les comptables dans l’embarras ou dans des manipulations non consensuelles de comptes. 2 Le SYSCOA révisé ou Système Comptable OHADA (SYSCOHADA) : quel référentiel appliquer ?, texte tiré du site de l’OHADA et signé le 05/07/2014 par Oumar SAMBE et Mamadou Ibra DIALLO, Experts Comptables, Commissaires au Comptes, Auteurs du Praticien Comptable SYSCOHADA.

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1 ère journée d’étude africaine en comptabilité et contrôle

23

En effet, ces entreprises paient sur leurs achats les montants hors taxe pour ensuite

régulariser avec l’Etat la TVA due. D’après la SDE, la facture est d’abord enregistrée toutes

taxes comprises (un compte d’achat et le compte « 645 - Impôts et taxes indirects » sont

débités par le crédit du compte « fournisseurs » concerné). Ensuite, l’entreprise paie le

montant le montant hors taxes au fournisseur (le compte « fournisseur » est débité par le

crédit du compte de trésorerie concerné). Au moment du reversement de la TVA au Trésor

Public, le compte « fournisseur » est soldé. Le compte « 645 » était conçu pour enregistrer

une TVA supportée par l’entreprise (donc non déductible) et non pour les précomptes de

TVA. Dans ces situations, le principe d’importance significative ou de pertinence partagée,

l’un des neuf principes directeurs du SYSCOHADA, peut alors difficilement être respecté.

Apparemment, il existe des situations au sein des États membres de l’OHADA qui n’étaient

pas connues des consultants étrangers au moment où ils concevaient le SYSCOHADA. Les

adaptations de ce système de comptabilité deviennent alors nécessaires. L’un des

comptables de la SDE (M. G.) pense qu’il faut « associer les responsables de la comptabilité

et de la fiscalité des sociétés privées dans la mise en place d’un plan comptable ».

Deux comptables (celui de « P & I » et celui de PATISEN) trouvent que le plan comptable

OHADA est trop long avec des sous-comptes de charges de la classe 8 (classe des charges et

produits hors activités ordinaires) qui pourraient même être ramenés à la classe 6 (classe

des charges d’activités ordinaires). En guise d’illustration, les propos du comptable de

PATISEN sont les suivants : « Je trouve que le SYSCOHADA est très détaillé ; il ya des comptes

que l’on peut regrouper. C’est pourquoi je préfère le plan français qui à mon avis est plus

regroupé. Je connais le plan français, car on l’utilisait quand j’étais à CHOCOSEN. Là, il est

difficile de faire du reporting entre le plan comptable sénégalais de l’époque et le plan

français du fait de l’incompatibilité entre certains comptes ici et là ».

Ceci tombe sur l’une des difficultés que les autorités de l’UEMOA ont voulu transcender en

supprimant la classe 8 dans le projet du SYSCOA révisé. Les éléments appartenant à cette

classe sont ventilés dans les classes 6 et 7. En procédant au même regroupement au niveau

du bilan, celui-ci devrait pouvoir se contenir sur une seule page (d’après la réforme

envisagée du SYSCOA), simplifiant ainsi le montage et la présentation des états financiers.

Les membres interviewés du Conseil National de Comptabilité soulignent le caractère

rébarbatif de la présentation des états financiers qui sont un peu trop longs en termes de

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1 ère journée d’étude africaine en comptabilité et contrôle

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rubriques à renseigner, et ceci est sources d’erreurs, d’imprécisions ou parfois de

redondances. Tout cela doit faire l’objet d’explications dans les états annexés, la lecture des

états financiers se révélant ainsi fastidieuse pour bien des destinataires.

Ainsi pour la BCEAO, à chaque fois que le FMI (Fonds Monétaire International) effectue une

mission de contrôle de l’utilisation des ressources qu’il a mises à sa disposition, la

présentation des comptes suivant un modèle universel de type IFRS est exigée. Aussi, une

difficulté est constatée chez les entreprises notamment par rapport à la façon de renseigner

de manière exhaustive les états financiers dont certains se révèlent trop compliqués pour

bien des PME qui ne les déposent pas à temps ou qui ne les déposent jamais au Guichet

Unique consacré par la BCEAO à cet effet. On sait que ces informations sont recherchées

pour l’élaboration de la balance des paiements. Ce document économique constitue un

élément d’information de base aidant dans la politique monétaire vis-à-vis de la France qui

soutien la convertibilité illimitée du franc CFA en d’autres monnaies étrangères

internationales. Au niveau de la BCEAO, trois soucis majeurs demeurent : un souci de

pertinence partagée de l’information comptable qui nécessite une convergence prudente

vers les IFRS, un souci d’exhaustivité de l’information comptable collectée sur l’ensemble de

l’UEMOA, et un souci de convivialité des états financiers dans lesquels on doit agréger

l’information comptable opposable aux tiers.

Sur la forme, le débat reste mitigé. En effet, par rapport à l’Autorité des Normes Comptables

de France, un cadre institutionnel permanent existe et veille sur l’évolution de la norme.

Celui-ci est régi par des textes clairs acceptés par tous et qu’aucun autre texte ne peut

remettre en cause. Pour ce qui concerne les décisions de l’OHADA, il est bon de repréciser

que par le fait que les Traités de l’UEMOA assoient vis-à-vis de la France la convention de

compte d’opérations par laquelle la convertibilité illimitée de la monnaie est garantie par la

France, il y a obligation de reversement par la BCEAO de 50 % de ses réserves en devises au

Trésor français. Par le compte d’opérations ouvert à la BCEAO par le Trésor français,

l’obligation est de clarifier toutes les transactions financières et commerciales de l’union

avec la France et le reste du monde. C’est d’ailleurs les raisons essentielles pour lesquelles la

BCEAO a vite éprouvé un besoin d’informations économiques justes sur l’union par la mise

en place d’une centrale des bilans. Ceci conduisit à la mise en place d’un système comptable

unique pour l’union.

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1 ère journée d’étude africaine en comptabilité et contrôle

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Très récemment, certains États comme la Côte d’Ivoire décident de faire marche arrière par

rapport à l’application du SYSCOA révisé puisque la loi de finance du 18 décembre 2015

portant budget de l’État pour la gestion 2016 demande aux entreprises ivoiriennes de

déposer à l’administration fiscale leurs états financiers annuels conformément au droit

comptable de l’OHADA, au droit comptable bancaire ou au Code de la Conférence

Interafricaine des Marchés d’Assurance (CIMA). En effet, la révision du SYSCOA n’est pas

suivie de la mise en place de guides d’application consensuels et officiels. On note là une

absence de presse et d’une rédaction propres aux organes de normalisation. Ceci ressemble

à des phénomènes décrits plus haut à savoir le retrait des États des organes d’intégration ou

des risques d’implosion de ces organes par l’apparition manifeste de conflits.

2.4. Perspectives de structuration d’un système de normalisation adapté

Les problèmes majeurs qui gangrènent le processus de normalisation et d’harmonisation

comptables dans l’espace OHADA sont apparemment :

- Les conflits d’intérêts dans les structures d’intégration en place, la distinction des

compétences entre les organes de normalisation (mal équipé et de faible autorité) et

les organes professionnels (d’où viennent exclusivement des initiatives de

normalisation, alors que la maîtrise de la méthodologie de la recherche

fondamentale pour faire évoluer la norme n’est pas garantie, dans la mesure où ces

derniers ne relèvent pas du monde académique). On se retrouve avec une doctrine

comptable toujours d’origine et d’inspiration française, alors que les phénomènes

culturels nationaux contingents particularisent à bien des égards les entreprises

locales purement autochtones (D’Iribarne, 1989 et 2007 ; Hofstede, 1980 ; Joannides,

2011 ; etc.).

- Le problème de structuration d’un droit évolutif pour le développement et le

renforcement des capacités institutionnelles des normalisateurs. A ce problème

s’ajoute la question de manques d’instances dynamiques (dont les membres seraient

nommés parmi les meilleurs académiques chercheurs et professionnels du moment)

de réflexion et d’études permanentes et exhaustives des embûches liées à

l’application sur le terrain de la norme technique en vigueur. Ces instances, si elles

existent, devraient pouvoir en même temps recueillir des propositions doctrinales qui

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1 ère journée d’étude africaine en comptabilité et contrôle

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doivent faire l’objet d’un feed-back et de recherche d’un large consensus pour leur

validation finale. Elles devraient, dans cette perspective, pouvoir organiser

régulièrement des assises d’échange avec les mondes académique et professionnel.

Cela pourrait prendre la forme de Journées Annuelles d’Etudes et de Réflexion sur les

Possibles Évolutions de la Norme Comptable (une institution qui pourrait intégrer le

CNC/OHADA) ou d’Académie des Sciences et Techniques Comptables de l’OHADA

(ASTC/OHADA). In fine, des propositions issues de ces instances peuvent être

envoyées à l’Autorité de Normalisation qui doit disposer également d’une démarche

concertée (assises de validation) pour leur adoption finale.

- L’absence d’une presse comptable permanente de l’OHADA pour la rédaction rapide

et le renouvellement des guides d’application par rapport aux nécessités constatées

et admises d’évolution de la norme.

- Enfin, la structuration d’une Autorité Supranationale de Normalisation Comptable

(assortie d’un système garde-fou limitant l’opportunisme de l’ensemble des parties

prenantes à la normalisation) forte qui fédère de façon participative les académiques

(juristes et comptables), tous les organes professionnels et consultatifs des différents

pays membres de l’OHADA. Celle-ci doit venir compléter la cour de l’OHADA. On

devrait pouvoir asseoir en son sein un système de veille sur l’assurance-qualité pour

une amélioration continue du fonctionnement des organes de normalisation créés en

définissant des critères d’évaluation périodique qui vont également nécessiter des

assises ouvertes pour réfléchir sur les changements à apporter dans le

fonctionnement de ces différentes instances de l’OHADA. L’Autorité Supranationale

de Normalisation doit demeurer un cadre d’initiative de l’amélioration de la norme

technique, un cadre de production de la norme sociale pour l’application de la norme

technique. Elle peut recevoir des propositions doctrinales d’amélioration de la norme

technique et les mettre en études. Tout comme l’ANC en France, l’Autorité

Supranationale de Normalisation doit pouvoir ainsi procéder à un appel à projets de

recherche en comptabilité sur des thèmes ciblés.

Un travail d’Hercule est encore à abattre sur le terrain. Ces constats laissent donc entrevoir

les différentes vertus d’un normalisateur comptable puissant pour l’espace OHADA où les

difficultés majeures de normalisation comptable proviennent des conflits d’intérêts

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1 ère journée d’étude africaine en comptabilité et contrôle

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institutionnels et de l’autorité des organes supranationaux. Au regard des gangrènes

précitées sur le processus de normalisation, le normalisateur comptable adapté doit être un

normalisateur composite. Il s’agit alors d’un système de normalisation. Ainsi la vérité

implacable et qui peut fâcher se résume en ces termes :

- Pour maintenir le système comptable OHADA, tant qu’il y aura encore au sein des

sous-espaces de l’OHADA des plans comptables ainsi que des organes de

normalisation non abrogés de façon expresse et qui sont couverts par des Traités, on

se retrouvera dans de malheureuses barrières à l’édification d’un système de

normalisation supranational compétent.

- Le reversement des organes de normalisation propres au sous-espace UEMOA au

système OHADA de normalisation. Ces organes, phares et précurseurs de la

normalisation comptable en vigueur actuellement dans l’OHADA devraient servir en

partie de référence et constituer un tremplin pour bâtir un normalisateur comptable

cohérent et harmonieux. Toutefois, si l’UEMOA se sent constamment retardée dans

le processus d’amélioration de la norme comptable et n’entend pas abroger

expressément le SYSCOA ainsi que les organes de normalisation connexes, on devrait

alors prendre le courage entre les mains en demandant l’autonomie par rapport à

l’OHADA. Il est évident que sans adhésion totale des États membres à la logique du

processus de normalisation à l’échelle de l’OHADA, on se retrouverait avec de grands

ensembles économiques assimilables à un colosse aux pieds d’argile.

Conclusion

Les grandes ambitions des pays de l’OHADA se concrétisent par la création de plusieurs

organes d’intégration qui regorgent d’objectifs parfois contradictoires ou redondants. Il est

courant de rencontrer des projets dont la réalisation relève de la compétence de deux

institutions sans que les rôles de l’une et l’autre ne soient clairement délimités, et c’est cela

qui est, pour la plupart des cas, à la base des conflits d’intérêts qui finissent par décourager

certains États et plonger les institutions dans une léthargie avec comme solde final un

énorme gaspillage de ressources. Certains États comme le Sénégal disposaient de Bureau

d’Organisation et de Méthode (BOM) pour pallier la confusion dans la marche d’ensemble

des institutions de l’État développeur. Il s’agissait au Sénégal d’un modèle copié de la France

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1 ère journée d’étude africaine en comptabilité et contrôle

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dans la mesure où le premier Président de ce pays, Léopold Sédar Senghor3, fut secrétaire

d'État à la présidence du Conseil dans le gouvernement Edgar Faure du 1er mars 1955

au 1er février 1956 et Ministre conseiller du gouvernement Michel Debré, quand son pays

n’avait pas encore accédé à sa souveraineté nationale. Les différents organes conçus pour

aller vers la réalisation des objectifs fixés devraient être rangées dans une chaine de

compétence de façon à la fois horizontale (en termes de complémentarité) et verticale

respectant une hiérarchie qui part du sommet au plus bas niveau d’exécution des tâches. Ce

modèle rappelle la chaine de valeur de Porter (1982) dans le domaine des sciences de

gestion, où nous distinguons les activités principales des activités de soutien.

Ensuite, dans l’espace OHADA, certains sous-espaces comme l’UEMOA disposent de

systèmes de normalisation compétents non supprimés lors du passage à la normalisation

comptable OHADA. Cela montre une autre difficulté de regrouper les grands ensembles

(UEMOA, CDEAO, CEMAC, etc.) qui au départ ne sont pas fondés sur des affinités culturelles

en même temps linguistiques (notion de cercles concentrés). Il y a, à l’intérieur de l’OHADA,

une certaine compétition intercommunautaire.

On note enfin une absence de doctrine comptable d’origine locale. On a plutôt une doctrine

africaine d’inspiration française qui est l’œuvre de consultants étrangers et qui ne garantit

pas la prise en compte de toutes les spécificités contextuelles. Ces spécificités procèdent,

pour l’essentiel, de la nouvelle donne en matière de pratique comptable notamment l’usage

progressif des Progiciels de Gestion Intégrés, la démultiplication des implantations des

grands groupes internationaux nécessitant une certaine ouverture aux IFRS, etc. La

confusion des compétences entre les organes intervenant dans la normalisation comptable

bloque l’adaptation de la norme technique par les autochtones, et pose le problème

d’efficacité de la norme sociale destinée à faire appliquer la norme technique. La recherche

fondamentale locale n’est non seulement pas active en son sein, mais n’est pas convoquée

dans le processus de normalisation même si les enseignants sont parfois associés.

3 Voir l’encyclopédie libre Wikipédia.

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