Une chanson populaire : « Vive HISTOIRE, HISTOIRE … · sous des paroles spirituelles en...

8
Champ disciplinaire (s) Niveau (x) 1 HISTOIRE, HISTOIRE DES ARTS SECONDAIRE Une chanson populaire : « Vive Henri IV ! » La chanson, insérée par Charles Collé dans sa comédie en trois actes, La Partie de chasse d’Henri IV, en 1774, connaît un rapide succès. Elle entretient la légende du « bon roi », illustrée ici par une image d'Épinal. Documents Présentation Image d’Épinal, imprimerie Pellerin (XIXe siècle) : « Vive Henry IV ! » AD Vosges

Transcript of Une chanson populaire : « Vive HISTOIRE, HISTOIRE … · sous des paroles spirituelles en...

Page 1: Une chanson populaire : « Vive HISTOIRE, HISTOIRE … · sous des paroles spirituelles en français dans un Recueil des vieux Noelz (« Vierge Marie, Fais moy donc la faveur ...

Champ disciplinaire (s)

Niveau (x)

1

HISTOIRE, HISTOIRE

DES ARTS

SECONDAIRE

Une chanson populaire : « Vive Henri IV ! »

La chanson, insérée par Charles Collé dans sa comédie en trois actes, La Partie de

chasse d’Henri IV, en 1774, connaît un rapide succès. Elle entretient la légende du «

bon roi », illustrée ici par une image d'Épinal.

Documents

Présentation

Image d’Épinal, imprimerie Pellerin (XIXe siècle) : « Vive Henry IV ! »

AD Vosges

Page 2: Une chanson populaire : « Vive HISTOIRE, HISTOIRE … · sous des paroles spirituelles en français dans un Recueil des vieux Noelz (« Vierge Marie, Fais moy donc la faveur ...

2

Commentaire

L’image montre un roi de légende entouré d’un peuple qui l’acclame, marchant

dignement au bras d’une femme élégante – peut-être Marie de Médicis. Henri IV

porte les attributs que lui a prêtés la tradition : panache accroché à un chapeau et

fraise. Dans les années qui suivent la défaite de 1870, ce type d’image, témoignant

du caractère bon vivant du roi, mais aussi de l’unité des Français, n’est pas exempt

de connotations nationalistes visant à souder à nouveau la nation. Le texte « Vive

Henri IV » est celui d’une chanson insérée par Charles Collé dans La Partie de

chasse d’Henri IV, comédie en trois actes et en prose, dont la version définitive

est représentée pour la première fois sur le théâtre des Tuileries le 16 novembre

1774. Le succès de cette œuvre est énorme : de 1781 à 1790, elle est donnée cent

trois fois, presque autant que Le Mariage de Figaro de Beaumarchais ! Ce parallèle

n’est d’ailleurs pas fortuit, car les deux pièces, également subversives, exaltent

l’idéal d’une monarchie qui puiserait ses valeurs dans le peuple et mettrait de côté

l’aristocratie et de la cour, présentées comme des foyers de vice et d’intrigue.

La chanson Vive Henri IV utilisée par Charles Collé se chante en fait sur un air alors

déjà fort ancien, dont on trouve des traces dès le début des années 1580, dans

plusieurs recueils littéraires de chansons. Par exemple, il est indiqué dans le Joyeux

banquet des chansons nouvelles (1581), pour chanter la « Chanson nouvelle de

Cassandre » (« Belle brunette, Trop aimer ne vous puis… » ou « Hélas Cassandre,

Trop aimer ne vous puis… »). Le timbre est encore cité dans l’Ample recueil des

chansons tant amoureuses, rustiques, musicales que autres…, publié en 1582, avec

un couplet qui devient dès lors emblématique :

« Je suis Cassandre

Qu’est descendue des cieux

Je suis Cassandre

Non pas pour vos beaux yeux !

Pour vous répondre

Entendez la façon,

Petit mignon,

Entendez la façon… »

La même année, on retrouve un des couplets du Joyeux banquet de 1581, déguisé

sous des paroles spirituelles en français dans un Recueil des vieux Noelz (« Vierge

Marie, Fais moy donc la faveur… »)… Ces quelques exemples montrent que la

mélodie était déjà populaire avant même le début du règne d’Henri IV (1589).

Mais la première notation musicale identifiée de la mélodie apparaît sous le

titre Branle coupé nommé Cassandre dans l’Orchésographie de Thoinot Arbeau

(pseudonyme de Jean Tabourot), précieux traité en forme de dialogue consacré à

la danse de société, publié en 1589 et réédité en 1596. La mélodie y est notée à

Page 3: Une chanson populaire : « Vive HISTOIRE, HISTOIRE … · sous des paroles spirituelles en français dans un Recueil des vieux Noelz (« Vierge Marie, Fais moy donc la faveur ...

3

une voix, sans texte poétique mais avec la référence récurrente à « Cassandre »

qui permettait une identification immédiate du timbre. Quant au branle, il s’agit

d’une ronde extrêmement pratiquée à la Renaissance, dans les milieux populaires

comme à la cour, que l’on danse généralement en chaîne fermée ou ouverte par

pas latéraux. Réalisés à partir des deux branles de base (branle double et branle

simple), les branles coupés sont des « bransles composez, & entremeslez de

doubles, de simples, de piedz en l’air, de piedz oincts & saults quelques fois variez

par intercalation de mesures diverses, pesantes ou legieres, selon que bon a semblé

aux compositeurs & inventeurs » (Orchésographie, 1589). Selon Arbeau, le branle

« Cassandre » est « le premier… de la suitte des branles de Champaigne couppés,

qui se dancent par mesure binaire, legierement et sans sault… ou bien les dancerez

comme les branles de hault Barrois, avec petits saultz » (Orchésographie, 1589).

Entrée dans la mémoire collective, la mélodie apparut ainsi sous diverses formes et

servit de support à de nombreux couplets d’inspiration souvent légère, insérés dans

les nombreux recueils de chansons et Noëls, qui témoignent d’un vaste répertoire

populaire de tradition orale auquel chacun pouvait puiser. Ainsi, dans une entrée

de son Ballet de Cassandre, mascarade dansée par le jeune Louis XIV en 1651,

Isaac de Benserade utilisa le couplet « Je suis Cassandre » pour décrire en vers les

évolutions grotesques de son héroïne.

Au début du XVIIIe siècle, on retrouve la mélodie notée et adaptée au goût du jour

dans La Clé des chansonniers, recueil publié à Paris en 1717 (voir la tablature sur

l’air « Je suis Cassandre, &c. ») ; elle y sert de base musicale à une chanson à boire,

à travers laquelle la référence à la danse reste présente (le tricotet était une danse

populaire en vogue depuis le milieu du XVIIe siècle).

Après son insertion, en 1774, dans la comédie de Charles Collé, La Partie de chasse

d’Henri IV, sur les paroles (« Vive Henri IV, Vive ce roi vaillant… ») qui lui donnèrent

son nom, la chanson populaire prit une dimension politique et se vit chantée tant

par les défenseurs du roi que par les révolutionnaires (« Aristocrate, Te voilà donc

tondu… ») puis les anti-Bonapartistes (« Meurs, Bonaparte, Meurs, infâme tyran…»),

etc., chacun y adaptant son propre texte. À partir de la Restauration (règne de Louis

XVIII), elle fut surtout connue comme chant de ralliement des royalistes, qui se

référaient à l’œuvre pacificatrice et unificatrice du « bon roi Henri » (« Fils d’Henri

IV, Ô Louis ! ô mon roi !... »)…

On arrêtera ce rapide survol au XIXe siècle, au moment où le thème musical intégra

le grand répertoire romantique. Vers 1830, vraisemblablement, le pianiste hongrois

Franz Liszt composa sur cet « hymne » une courte pièce pour piano, sous forme

de variations. Enfin, le compositeur russe Piotr Ilitch Tchaikovsky en développa

le thème dans une version orchestrale qui forme l’apothéose de La Belle au bois

dormant, ballet en un prologue, trois actes et cinq tableaux dansé pour la première

fois au théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg le 15 octobre 1890.

Page 4: Une chanson populaire : « Vive HISTOIRE, HISTOIRE … · sous des paroles spirituelles en français dans un Recueil des vieux Noelz (« Vierge Marie, Fais moy donc la faveur ...

4

Suggestion d’utilisation avec les élèves

On traite du rapport entre texte et image dans l’exaltation d’une idée : l’image d’un

roi bon vivant proche du peuple.

Le niveau de langue nécessite des explications, que permet un lexique :

- diable à quatre : coquin.

- vert galant : séducteur.

- j’aimons : forme populaire de « j’aime ».

- soudrille : soldat.

- ligueux : ligueur, catholique intransigeant s’opposant à Henri IV.

On pourra s’initier à la danse, à partir du branle coupé « Cassandre » (1589) : la

structure en est simple, puisqu’elle n’introduit qu’une unique variante, par un pas

de branle simple, à une structure générale de branle double ; on consultera la «

tablature » des mouvements donnée par Arbeau (cf. tablature du « Branle couppé,

nommé Cassandre »). On pourra également s’amuser à y greffer les paroles

populaires du « Vive Henri IV ! ».

Les élèves repèrent les passages du texte de Collé qui font référence au rôle

pacificateur d’Henri IV et à la proximité avec le peuple que la postérité lui a prêtée.

Parmi les différentes utilisations que cette chanson a connues, les vers de l’époque

de la Restauration sont ceux qui font le plus écho au « Vive Henri IV ! ». On y

repère les similitudes et les changements de signification imposés par le nouveau

régime.

Textes de chansons

Couplets donnés dans La Partie de chasse d’Henri IV de Charles Collé, associés à

l’image d’Épinal :

« Vive Henri quatre,

Vive ce roi vaillant !

Ce diable à quatre

A le triple talent

De boire, de battre,

Et d’être un verd galant.

Chantons l’antienne

Qu’on chant’ra dans mille ans ;

Que Dieu maintienne

En paix ses descendants,

Jusqu’à c’ qu’on prenne

La lune avec les dents.

Page 5: Une chanson populaire : « Vive HISTOIRE, HISTOIRE … · sous des paroles spirituelles en français dans un Recueil des vieux Noelz (« Vierge Marie, Fais moy donc la faveur ...

5

J’aimons les filles,

Et j’aimons le bon vin ;

De nos bons drilles

Voila le gai refrain.

J’aimons les filles,

Et j’aimons le bon vin.

Moins de soudrilles

Eussent troublé le sein

De nos familles

Si l’Ligueux plus humain

Eût aimé les filles,

Eût aimé le bon vin.

Au diable guerres,

Rancunes et partis !

Comme nos pères

Chantons en vrais amis

Au choque des verres

Les roses et les lys.

Vive la France,

Vive le roi Henri !

Qu’à Reims on danse,

Disant comme à Paris :

Vive la France,

Vive le roi Henri ! »

Extrait d’une version révolutionnaire :

« Aristocrates,

Il vous faut un repos !

Le sein du diable

Sera votre tombeau

Aristocrates,

Il vous faut un repos !

Buvons mes frères,

À la Fédération !

Le pont en vient

Avec notre union

Buvons mes frères,

À toute la Nation ! »

Page 6: Une chanson populaire : « Vive HISTOIRE, HISTOIRE … · sous des paroles spirituelles en français dans un Recueil des vieux Noelz (« Vierge Marie, Fais moy donc la faveur ...

6

Couplets datant de la Restauration (règne de Louis XVIII) :

« Fils d’Henri quatre,

O Louis ! ô mon Roi !

S’il faut se battre,

Nous nous battrons pour toi ;

En vrai diable à quatre,

Je t’en donne ma foi.

Vive Alexandre !

C’est l’ami des Bourbons ;

C’est pour nous rendre

Un roi que nous aimons,

Qu’il vient nous défendre,

Avec ses escadrons.

Bon Roi de France,

Si longtemps attendu,

La Providence

Enfin nous a rendu

La paix, l’espérance,

Cela nous est bien dû.

Toi, d’Angoulême,

Fille de tant de Rois ;

La vertu même.

Mille échos, mille voix

Disent que l’on t’aime

Comme on aime d’Artois.

Chant d’allégresse,

Chant du cœur, chant d’amour,

Redis sans cesse,

Et redis nuit et jour

Que dans notre ivresse

Nous chantons leur retour. »

Page 7: Une chanson populaire : « Vive HISTOIRE, HISTOIRE … · sous des paroles spirituelles en français dans un Recueil des vieux Noelz (« Vierge Marie, Fais moy donc la faveur ...

7

Pièces sonores

« Branle couppé, nommé Cassandre »

(Orchésographie)

Franz Liszt : « Vive Henri IV »

Tablature du « Branle couppé, nommé Cassandre »,

Thoinot Arbeau, Orchésographie…, Langres, Jehan

Des Prez, 1589, f. 74v-75

Document complémentaires

Page 8: Une chanson populaire : « Vive HISTOIRE, HISTOIRE … · sous des paroles spirituelles en français dans un Recueil des vieux Noelz (« Vierge Marie, Fais moy donc la faveur ...

8

« Sur l’air, Je suis Cassandre, &c. », dans La Clé des

chansonniers, ou recueil des vaudevilles depuis cent

ans & plus…, Paris, Christophe Ballard, 1717, t. I,

p. 236-237