Une campagne photographique dans l’Eure au temps de l’impressionnisme

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Sommaire Page 3 Page 4 Page 6

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Présentation de l’exposition Une campagne photographique dans l’Eure au temps de l’Impressionnisme

Les photographes de l’exposition et leurs travaux Jules Camus et Meurice Daniel Quesney

Retour sur les campagnes photographiques d’un territoire

La commande Les grandes commandes de photographies Aujourd’hui

Petite histoire de la photographie Les découvertes Les principales techniques de la photographie Vocabulaire technique

Le paysage dans la photographie au 19 ème siècle et ses rapports avec la peinture impressionniste

Pistes pédagogiques Liste des œuvres exposées

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Dans le cadre du festival Normandie Impressionniste, le musée d’Evreux – en partenariat avec les Archives Départementales de l’Eure, le musée de Vernon et le Pôle Image Haute-Normandie – présente un ensemble de photographies prises dans l’Eure, au temps de l’Impressionnisme naissant. En écho à cette campagne photographique, le Pôle Image Haute-Normandie soutenu par le Conseil Général de l’Eure a passé une commande au photographe Daniel Quesney. Depuis quelques années, à l'occasion de différents travaux sur l'iconographie de la Normandie dans les fonds photographiques de la Région Haute-Normandie, le Pôle Image Haute-Normandie a mis au jour, aux Archives départementales de l'Eure, mais aussi au musée et à la médiathèque d'Evreux ainsi que dans des collections privées, une série d'environ 250 photographies représentant différents sites du Département de l'Eure, issues d'une commande du Conseil Général de l'Eure, au début des années 1860. Entre 1861 et 1869, une campagne photographique est réalisée dans le département de l’Eure à la demande du préfet de l’Eure, Janvier de la Motte. Il propose de faire photographier tous les monuments présentant un intérêt historique, artistique ou stratégique. Il souhaite composer un album représentant les villes, les bourgs, les villages du département, leurs églises, écoles, presbytères, mairies, hospices, châteaux et autres établissements remarquables. Le préfet indique qu’il veut « tenter une expérience » : il a une vision très moderne de ce projet, y voyant une utilisation concrète et actuelle, tout en ayant conscience de la future dimension patrimoniale qu’il pourra recouvrir. Le recours au médium photographique complète cette volonté de modernité. Un écho contemporain a été donné à cette campagne avec l’intervention de Daniel Quesney par une commande photographique sur les paysages de l'Eure aujourd'hui. « On considère les photographies de paysage de la deuxième moitié du 19ème siècle comme de bonnes et justes représentations de ces paysages. Elles ont la simplicité du document et la beauté du tableau. Elles montrent non seulement les êtres, les choses, les lumières, les éléments ainsi constitués en paysage, mais elles portent aussi les signes d’une temporalité évidente et assumée. Cette apparente simplicité, cette candeur de la photographie des origines, dont l’objectif est de documenter le monde, renvoie les auteurs de ces images à une sorte d’unité, photographe au service d’une même cause. Ils paraissent tous portés par un même enthousiasme, une même curiosité pour le monde, une même « discrétion documentaire ». C’est aussi la photographie du 19ème siècle qui est en harmonie avec son monde, avec son époque, elle va d’ailleurs bouleverser la peinture. C’est cette même proximité avec les territoires et les paysages que je cherche à atteindre à travers mes différents travaux. La pratique contemporaine de la photographie signifie pour moi, se laisser informer par le paysage lui-même, tel qu’il est aujourd’hui, pour en saisir les véritables caractéristiques identitaires et en comprendre les mutations. »

Présentation de l’exposition

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Jules Joseph CAMUS (1824- ?) MEURICE

Jules Camus entre en fonction en 1852 en qualité d’ imprimeur lithographe de la préfecture : il est chargé de la mise en service de l’atelier d’imprimerie. Il lui revient la charge de la campagne photographique mise en place par le préfet Eugène J anvier de la Motte, sans doute en sa qualité de lithographe, tec hnique considérée alors à juste titre proche de celle de la photographie. Jules Camus constitue un atelier photographique et travaille sur des plaques de verre au collodion. On lui adjoindra quelques temps un aide du nom de Meurice, aujourd’hui méconnu.Les deux hommes ont parcouru le département, entre 1861 et 1869, avec leur imposant matériel photographiant les plus beaux sites de l’Eure, du Château-Gaillard à l’Abbaye du Bec-Hellouin, en passant par de plus modestes telles l’église de la Chapelle-Réanville ou la mairie-école de Douains. Les ouvrages architecturaux photographiés couvrent un large champ du paysage eurois. Si les manoirs, châteaux des notables siégeant au conseil général sont bien présents, c’est sans doute dans le but de leur plaire. On compte également des monuments anciens tels que les églises, mais aussi des écoles, des mairies, des presbytères, des hôpitaux et hospices, des tribunaux mais également des chantiers et des constructions contemporaines qui montrent la modernité en marche dans le département. La couverture géographique du département est cependant loin d’être exhaustive. Les cantons d’Amfreville-la-Campagne, Beuzeville, Bourgtheroulde, Broglie, Etrepagny, Fleury-sur-Andelle, Lyons-la-Forêt, Le Neubourg, Nonancourt, Pont-Audemer, Quillebeuf, Routot, Saint-Georges-du-Vièvre, Thiberville n’ont pas été du tout photographiés. Jules Camus a commencé par le canton de Vernon auquel il a consacré 51 photographies, présentés au Musée de Vernon du 07 août au 07 novembre 2010. Meurice a, quant à lui, bien couvert celui de Cormeilles. Les conseillers généraux respectifs de ces deux cantons étaient des personnages importants et influents, le duc d’Albuféra, fils d’un maréchal d’Empire, député au Corps législatif, pour le premier, et Troplong, président du conseil général, président du Sénat, membre du conseil privé de l’empereur, pour le second. Simple coïncidence ? Faute de disposer de sources, il est vain d’échafauder des hypothèses invérifiables. La mission n’est pas reconduite au départ du préfet Janvier de la Motte : la campagne photographique reste inachevée et se révèle être la démonstration d’une volonté politique personnelle. En 1889, le nouveau préfet fait envoyer 17 épreuves tirées de ce fonds photographique aux communes de Louviers, Les Andelys, Bernay, Evreux et Pont-Audemer afin d’enrichir les collections de leur musée respectif. Aujourd’hui, seuls les musées de Bernay, Évreux et Louviers les conservent encore. Aux Andelys, les photographies ont été détruites lors des bombardements de la Seconde Guerre mondiale et au musée de Pont-Audemer, elles ont disparu semble-t-il de longue date. Le fonds ancien de la Bibliothèque Municipale d’Evreux possède quant à lui la série complète des photographies prises lors du concours agricole d’Évreux en 1864 et un album appelé album Jouen du nom de son propriétaire, l’abbé Jouen, composé de soixante huit photographies de Camus. Les Archives départementales de l’Eure conservent aujourd’hui dans ses réserves 208 épreuves de Camus et Meurice qui constituent le fonds de référence de cette campagne photographique unique en France.

Les photographes de l’exposition et leurs travaux

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Daniel QUESNEY

Daniel Quesney est préoccupé par la représentation du paysage et la dimension esthétique que peut en proposer la pho tographie. Il dirigeait l'agence Paysage(s), qui diffuse les trav aux d'une quarantaine de photographes. Il était auparavant di recteur artistique de l'Observatoire photographique du paysage (1993-1 998). Ce service du ministère de l'Environnement mesure, à p artir de photographies, les transformations paysagères. Pour Daniel Quesney, il n’y a pas qu’un seul usage de la photographie : c’est le mélange de la dimension documentaire et le côté intuitif du regard de l’artiste qui rendent la photographie intéressante. La commande faite cette année à Daniel Quesney offre un contrepoint à celle passée à Jules Camus : le commanditaire est une institution culturelle, le Pôle Image Haute-Normandie ; le temps de la campagne s’est étendu sur six mois de novembre 2009 à avril 2010 ; la technique a changé passant du collodion humide à la photographie numérique… Le choix des sujets a lui-même évolué : on y sent moins l’influence politique qui avait en partie déterminée les prises de vue de Camus. Ici, Daniel Quesney s’intéresse davantage aux caractéristiques du paysage, « s’engage dans la tentative d’un inventaire informel de l’identité d’un territoire ». Ainsi davantage de vues urbaines ou de paysages, lieux de l’urbanisation ou s’interrogeant sur la qualité de l’environnement. L’artiste photographe a travaillé selon un plan qu’il s’est imposé lui-même : comment appréhender la totalité d’un département ? Pour répondre à cette question, il a défini seize circuits, découpant ainsi le département en entités territoriales qu’il pouvait parcourir en une journée de travail.

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La commande Les grandes commandes de photographies

« Loin de se confondre avec une catégorie artistique, la commande publique doit être avant tout comprise comme un dispositif d’ordre à la fois humain, juridique et budgétaire, mis en place par un Etat mécène à l’usage des artistes et des collectivités qui souhaitent donner le jour à de véritables œuvres d’art. Autrement dit à des réalisations qui ne soient pas des simulacres, dans des espaces et dans des temps que les conditions habituellement offertes aux artistes par les galeries, les musées ou les centres d’art ne permettaient pas. » Guy Tortosa, critique d'art, enseignant à l'Ecole nationale d'arts de Cergy-Pontoise, directeur artistique des Jardins du Château d'Oiron. La commande est pour beaucoup d’artistes un stimulant, un point de départ de leur travail. Elle sollicite l’imagination et le talent des créateurs, limite le doute et le temps de création. Chacun a un rôle à y jouer : commanditaire et prestataire doivent proposer, inventer, expérimenter, se questionner, se répondre. La nature de l’œuvre de commande peut tout à la fois poser des questions qui n’avaient pas été soulevées comme répondre à une demande. Cette ambivalence lui est intrinsèque. En France La première commande publique de photographies - la Mission Héliographique - est due à l’initiative de la commission des Monuments historiques, créée en 1837 au ministère de l’Intérieur et dirigée par Prosper Mérimée. Elle décide de dresser un vaste inventaire de la France, dans la ligne des mouvements intellectuels et esthétiques issus du romantisme, passionnés par la découverte et la sauvegarde des monuments anciens. Elle confie cette tâche à des photographes, en quête de reconnaissance artistique et scientifique. En 1851, Gustave Le Gray et Mestral couvrent ainsi la Touraine et l’Aquitaine, obliquant jusqu’à Carcassonne. Henri Le Secq est en Champagne, en Alsace et en Lorraine. Le tout représente environ cent vingt sites et quarante sept départements. Ces artistes ne conçoivent pas leur mission comme un simple travail de documentation et vont choisir des points de vue, des cadrages aptes à produire des œuvres indépendantes. Parfois, le paysage tend à l’emporter sur l’architecture et on perçoit alors dans leur composition l’influence des peintres de l’école de Barbizon. A leur retour à Paris, la commission ne divulgue pas leur travail, le considérant comme un outil de travail pour les architectes, afin de les aider à déterminer les travaux prioritaires. Les photographes sont déçus, voire indignés, voyant dans leur œuvre commune un manifeste méritant expositions ou publications. Dans la France d’après-guerre, deux grandes institutions commanditaires d’images, le commissariat général au Tourisme et la Documentation française, sollicitent des photographes pour la promotion des particularismes nationaux et la présentation didact ique de la géographie, de l’économie ou des forces vives du pa ys . Des aspects inédits de la société retiennent alors l’attention et l’empathie de photographes tel que Doisneau, qui, contre l’avis de tous, décide de consacrer un ouvrage à la banlieue de Paris et à ses mutations. Kertesz photographie les paysans bretons, Germaine Krull les Halles.

Retour sur les campagnes photographiques d’un terr itoire

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Aujourd’hui

Aux Etats-Unis Après le krach boursier de 1929, la Farm Security Administration recrute une douzaine de photographes pour faire un bilan en images de la situation des paysans américains . De 1935 à 1942, plus de 270 000 photographies faites notamment par Walker Evans, Arthur Rothstein, Dorothea Lange. En 1983, la mission photographique de la DATAR a été lancée par Bernard Latarjet et François Hers afin de recueillir des « points de vues » sur le paysage français. Il n’était pas question d’inventaire mais plutôt d’une histoire de regards autant que de paysages . Chaque photographe invité choisissait son approche et participait de la diversité et de la richesse de l’une des plus belles missions photographiques.

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Les découvertes

La chronologie de l’histoire de la photographie est antérieure à son invention. En effet, c'est grâce aux avancées significatives de l'optique et de la photochimie, dans les siècles précédents et en particulier aux 17ème et 18ème siècles, que l'élaboration d'un dispositif fiable d'enregistrement de la lumière est rendue possible au début du 19ème siècle. Analysée sous l'angle de l'évolution technique, l'histoire de la photographie s'inscrit de manière cohérente dans le mouvement plus global des révolutions industrielles, qui se traduisent par une accélération du progrès technique affectant les modes de production et de consommation. Le mot « photographie » s’emploie aux quatre coins de l’Europe mais ce n’est qu’à la fin des années 1850 qu’il supplantera définitivement tous les autres et deviendra le terme générique finalement adopté. Auparavant on pouvait parler d’héliographie avec N. Niépce, de daguerréotype avec J.L.M. Daguerre, ou bien encore de dessin photogénique de W.H.F. Talbot… D'une manière générale, la photographie peut être définie comme un procédé physico-chimique de production d’une image de la réalité mettant en œuvre un dispositif optique associé à un matériau sensible à la lumière. Elle a été régulièrement perfectionnée afin de produire un grand nombre d’images à partir d’une seule prise. En commercialisant la pellicule souple en celluloïd que nous connaissons, Kodak a démocratisé l’art de la photographie. Le numérique a révolutionné la photographie : aucun procédé chimique n’intervient dans cette technique entièrement informatique. Pour en savoir plus… www.museedelaphoto.fr BAJAC Quentin, L’image révélée, l’invention de la photographie , Découvertes Gallimard, 2001. BAJAC Quentin, La photographie, L’époque moderne 1880 – 1960 , Découvertes Gallimard, 2005. La première étape fondamentale dans l’histoire de la photographie est l’invention de la chambre noire au 16ème siècle, utilisée par les artistes dès le 18ème siècle. Tout aussi importantes, les études chimiques sur les réactions à la lumière du soleil de certains composés, comme les sels d’argent. Entre la fin du 18ème siècle et les premières décennies du siècle suivant interviennent des découvertes décisives, qui conduiront à la naissance des premières images photographiques ; les recherches techniques progressent rapidement et en quelques décennies la photographie parvient à concurrencer l’œuvre des peintres. La chambre noire ou camera obscura en latin est un instrument d’optique objectif qui permet d’obtenir une projection de la lumière sur une surface plane, c’est-à-dire une vue en deux dimensions très proche de la vision humaine. C’est au 4ème siècle avant Jésus-Christ que le grec Aristote avait remarqué que la lumière qui pénétrait dans une pièce sombre par un petit orifice projetait à l’envers, sur le mur opposé, l’image des objets placés au-dehors. Puis c’est à la Renaissance que les artistes en quête de représentation la plus fidèle possible fabriquent les premières chambres noires portatives, équipées de miroirs qui redressaient l’image et de lentilles afin d’obtenir une meilleure netteté. Grâce à un système ingénieux, ils pouvaient dessiner sur un papier calque l’image projetée. Ils leur manquaient le procédé chimique qui pouvait leur permettre de fixer l’image sans passer par le dessin.

Petite histoire de la photographie

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Les principales techniques photographiques Vocabulaire technique

« La découverte que j’ai faite, et que je désigne sous le nom d’héliographie, consiste à reproduire spontanément, par l’action de la lumière, avec les dégradations de teintes du noir au blanc, les images reçues dans la chambre obscure ».

Nicéphore Niépce L’héliographie découverte par Nicéphore Niépce et mise au point définitivement en 1829 reste un procédé d’impression lent et complexe : il utilise le bitume de Judée, un produit photosensible. En prenant comme support de l'argent poli et en faisant agir des vapeurs d'iode sur l'image au bitume il obtient de véritables photographies en noir et blanc sur le métal. La précision des images est étonnante pour l'époque. Le temps de pose est toujours de plusieurs jours en plein soleil.

Le daguerréotype est le procédé photographique mis au point en 1839 par J. L. M. Daguerre, suffisamment élaboré et fiable pour être commercialisé, inspiré fortement par l’invention de Niépce. Convaincu de l'intérêt de cette invention pour la nation tout entière, le député François Arago présente en 1839 le daguerréotype devant la Chambre des représentants et parvient, dans un discours resté célèbre, à convaincre ses pairs de la nécessité de faire acheter par la France le daguerréotype à son inventeur, afin d'en « doter libéralement le monde entier ».Le daguerréotype tombe ainsi dans le domaine public. Le succès est immédiat. Le calotype (du grec kalos, beau) est le nom forgé par W. H. F. Talbot pour désigner le procédé de photographie sur papier qu'il achève de mettre au point en 1840. Talbot en découvre le principe fondamental — le système négatif-positif toujours actuel — en 1835, bien avant que Daguerre ne fasse connaître, quatre ans plus tard, le procédé de photographie sur cuivre qui porte son nom, le daguerréotype. C'est l'annonce officielle de cette invention qui encourage Talbot à reprendre ses recherches, à les mener à bien et à prendre un brevet à Londres en 1841. À la suite des progrès qui sont apportés au procédé, en France principalement, le terme désigne plus généralement une technique de photographie caractérisée par l'élaboration d'un négatif sur papier. Le collodion humide est un procédé photographique inventé par l'anglais Frederik Scott Archer en 1851. Ce procédé a connu une grande popularité jusqu'aux années 1870 - 1880 environ car il permettait d'obtenir des clichés d'une grande finesse et de rendre une gamme de gris particulièrement étendue. Il présentait toutefois un inconvénient majeur : le négatif devait être préparé, exposé, puis développé en un temps très court, car une fois sec il devenait insensible et, si la prise de vue avait déjà été faite, impossible à développer. Selon les conditions de température et d'humidité ambiantes, l'opération ne devait pas dépasser de 15 à 30 minutes au total. C'est ce procédé qu'a utilisé le photographe Edward Muybridge pour produire des instantanés du galop des chevaux. C’est également cette technique que Jules Camus et Meurice ont utilisée, et que l’on peut découvrir dans l’exposition. Le collodion est un nitrate de cellulose dissous dans un mélange d'alcool et d'éther que l'on étend sur une plaque de verre. Ce procédé a été utilisé en photogravure jusqu'aux années 50 et plus. Le négatif papier est un support photosensible : la feuille est utilisée sèche ou humide dans la chambre noire. La durée d’exposition varie de quelques secondes à quelques minutes, suivant l’éclairage et la couleur du sujet photographié. Après l’exposition, l’image est développée dans du gallo-nitrate d’argent, fixée avec une solution de soude, puis lavée à l’eau, séchée et cirée.

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Le négatif papier ainsi obtenu est de couleur grisâtre ou brun foncé. Le tirage du positif se fait sur une feuille de papier d'abord mouillée dans une solution de sel de cuisine puis, après un court séchage, enduite d'une solution de nitrate d’argent. Le négatif papier est appliqué sur le support positif. Les deux feuilles sont maintenues en contact par pression dans un châssis, puis exposées à la lumière, négatif dessus, jusqu'à ce que l'image positive se forme sur la seconde feuille. Celle-ci est ensuite fixée avec de l'hyposulfite de soude, comme pour le négatif. La pellicule photographique (ou film ) est un support souple recouvert d'une émulsion contenant des composés sensibles à la lumière. On a l’usage de l’appeler négatif. Lorsque l'émulsion est soumise à une exposition à la lumière dans un appareil photographique, il se forme une image latente, invisible. Il faut pour obtenir une image visible procéder au développement, un procédé chimique en plusieurs phases. Le cliché est le négatif d’une image photographique. L’épreuve est l’image positive obtenue d’après un négatif.

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Définition Un genre pictural L’apparition de la photographie de paysage

Le mot paysage est dérivé de pays avec le suffixe -age (1549). Par métonymie, le mot désigne dès le 16ème siècle l’ensemble du pays, le pays (1556). Avant la fin du siècle, il désigne couramment l’étendue de pays que l’œil peut embrasser dans son ensemble (1573) et c’est cette valeur visuelle qui l’a emporté. Le mot a pris la valeur figurée de « situation générale » (le paysage politique, audiovisuel, après 1950). C’est un terme de peinture désignant la représentation d’un site généralement champêtre, puis le tableau lui-même : Richelet (1680) signale que les peintres prononcent pésage, la prononciation moderne étant alors réservée aux profanes. Dans l’histoire de la peinture européenne, le traitement du paysage comme thème pictural principal est une création de la Renaissance (fin 15ème – début 16ème siècle : Mantegna, Dürer, De Vinci, Bruegel) et doit beaucoup aux études cartographiques et à l’amplification de motifs liés aux attributs de la Vierge (plaine bien cultivée, champ non labouré, puits, pont, château, village, nuage). A la fin du 15ème siècle, les paysagistes hollandais s’appuyant sur un rendu presque topographique, font preuve d’une extrême précision, incluant des notions de perspective linéaire grâce à l’usage de la camera obscura. A ces recherches de réalisme, s’ajoute au 18ème siècle le goût pour le pittoresque et le romantisme dans le paysage. L’invention de la photographie change la façon dont les artistes regardent la réalité et même la conception de la peinture, qui s’oriente vers de nouvelles formes d’expression. L’usage du médium photographique intervient aux premiers temps de l’Impressionnisme et de l’invention de la peinture moderne. Les photographes comme les impressionnistes vont s’atteler à rendre compte et à « inventer » le paysage . Dès ses débuts, la photographie entretient des liens complexes avec la peinture. Ses inventeurs sont des hommes de science (Niepce, Talbot…), mais ses premiers grands utilisateurs viennent de l’art (Nadar, Le Gray…). Si la photographie est d’abord un outil technique qui permet de reproduire massivement une image, elle devient une pratique artistique quand elle porte un regard particulier sur le monde. La photographie de paysage n’est pas une transcription objective de la réalité : le photographe décide d’adopter un point de vue et un cadrage particulier. Dans la représentation du paysage, la photographie commencera en prenant le relais de toute la tradition de l’illustration romantique : redécouverte du patrimoine architectural et du paysage national. Tantôt les caractéristiques de l’architecture domineront dans la composition, tantôt celle-ci s’intègre plus harmonieusement au paysage. Certains photographes-artistes définiront un inventaire se rapprochant des éléments, dans une vision plus panthéiste ou poétique de la nature.

Le paysage dans la photographie au 19 ème siècle et ses rapports avec la peinture impressionniste

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Le lien avec la peinture impressionniste

Dès son apparition, les peintres comprennent les multiples possibilités de cette technique : au début, ils l’utilisent comme un instrument pour la peinture, comme base pour les portraits ou les paysages, ou pour mieux étudier le mouvement des personnes et des animaux. Mais dans le même temps, ils comprennent que la photographie peut être considérée comme une forme d’expression autonome, qui peut aspirer à une dignité artistique. Cette conviction stimule les recherches esthétiques et permet aux photographes de prendre conscience des potentialités artistique de leur outil ; cependant, elle pose de sérieuses questions sur le rôle de la peinture et conditionne de façon décisive les développements de l’art pendant les décennies suivantes. (in L’Art au XIXe siècle, Hazan) Il se peut que les photographies reproduites sous forme de vignettes dans les journaux aient encouragé les peintres impressionnistes à traiter ces mêmes sujets, déjà suggéré par les critiques d’avant-garde. Le paysage perd de sa ruralité et cet univers en mutation est représenté par les photographes. Les peintres n’hésitent pas à faire apparaître les hautes cheminées et les ponts métalliques des bords de Seine, signes extérieurs du dynamisme industriel. (in L’impressionnisme au fil de la Seine, musée des Impressionnistes, Giverny)

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Pistes pédagogiques

Église de la Chapelle-Réanville

Rue d’Ivry-la-Bataille

Église de La Chapelle-Bayvel

Château de Goupillères

Pont à Pont-de-l’Arche

Du cycle 1 au cycle 2

- Nommer, décrire, comparer, classer et ranger des photographies de paysages présentes dans l’exposition ou autre (en fonction de ce que l’on voit sur l’image, de l’usage d’un bâtiment, des couleurs, des formes, du cadrage…).

- Se repérer et se déplacer dans l’espace (proximité ou non des endroits photographiés, se repérer sur une carte, sur un plan…)

- Observer et décrire des œuvres du patrimoine - Construire un récit à partir d’une photographie exposée au

musée - Construire des collections : répertorier dans sa commune les

lieux importants... - Découvrir l’évolution des modes de vie, distinguer le passé et le

présent à partir des photographies exposées au musée.

Du cycle 1 au cycle 3

- Comprendre la technique de la photographie et son

fonctionnement (expériences de la chambre noire, du sténopé, réalisation de photogrammes et de prises de vue numérique…)

Du cycle 3 au lycée Géographie : En classe

- Se repérer sur une carte. - Etudier différents paysages (urbain/rural, typologie géographique

- vallée, plaine, plateau… …), ouvrir sur l’aménagement du territoire.

- Identifier et connaître les principales caractéristiques de la géographie du département.

- Décrire le paysage local et réaliser un croquis simple.

Dans l’exposition

- Savoir repérer et placer sur une carte les différents lieux photographiés.

- Observer les différences entre les paysages du 19ème siècle et ceux du 20ème siècle.

Histoire : En classe

- Faire une recherche documentaire sur les lieux présents dans l’exposition et/ou le patrimoine local (les bâtiments institutionnels : mairies, écoles, hôpitaux ; religieux : églises, presbytères ; les édifices commémoratifs : monuments aux morts, statues… ; stratégiques : châteaux, ponts, gares…).

- Resituer la pratique de la photographie dans le contexte du 19ème siècle (organisation du pouvoir, de la société et des nouvelles techniques, la révolution industrielle et l’apparition du progrès).

- Aborder la notion de patrimoine (son apparition, le rôle de la photo, la classification des monuments et édifices publics…)

- Créer un inventaire photographique des lieux importants dans sa commune

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Ivry-la-Bataille

Damville

Saint-Sylvestre-de-Cormeilles

Bosguérard-de-Marcouville

Beaumont-le-Roger

Saint-Vincent-des-Bois

Dans l’exposition - Repérer le classement effectué pour la présentation des

photographies - Situer les deux photographes dans le temps, observer les

différences de techniques Arts plastiques : En classe

- Répondre à une commande photographique et voir les différences dans les productions de chaque élève.

- Travailler le paysage en noir et blanc et en couleurs : qu’apporte chacune de ces techniques à la perception du paysage ?

- Capter son paysage familier. - Appréhender la notion de paysage (histoire du paysage en

peinture et en photographie) et sa représentation (exemple : le paysage familier, le passage du temps sur le paysage, captation de la lumière, des phénomènes changeants par le médium photographique…).

- Pratiquer la série, l’inventaire sur le paysage et/ou l’architecture (répétition d’un même motif, rendre compte du temps qui passe sur un paysage : travail de la lumière et des couleurs…).

- Travailler les notions de cadrage et de point de vue. Dans l’exposition

- Réaliser des croquis d’observation. - Relever les cadrages choisis par les photographes.

Histoire des arts : En classe Cycle 3

- Arts de l’espace (architecture) et arts du visuel (photographies) Collège

- Arts, Etats et pouvoirs : l’œuvre d’art et le pouvoir. - Arts, techniques, expressions : l’œuvre d’art et l’influence des

techniques. Lycée

- Arts, société, cultures : l’art et les identités culturelles - Arts et idéologies : l’art et les formes d’expression du pouvoir - Arts, sciences et techniques : l’art et les innovations scientifiques

et techniques.

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Photographies de J. Camus et Meurice Collection du Musée d’Art, Histoire et Archéologie d’Évreux Château Gaillard et vue de la Seine prise du haut du château Ruines de l’abbaye Beaumont le Roger Maison du Bailli à Breteuil Asile d’aliénés, vue avec l’usine à papier (Évreux) Collection des Archives Départementales de l’Eure Le Pont d'Andé Gendarmerie aux Andelys Eglise d'Asnières Grange dimière aux Baux de Breteuil Le Bec-Hellouin, quartier militaire Rue de la paroisse à Breteuil Pont de Chambray-sur-Eure Mairie de Chambray/Eure Église de la Chapelle-Réanville Mairie de Chapelle-Réanville École de Conches Hôtel de ville de Conches Château de Condé-sur-Iton Entrée du château de Condé/Iton Atelier charron à Cormeilles Église de Cormeilles Grande rue à Cormeilles Cormeilles Cormeilles neige Damville Dangu Mairie école à Douains Château d'Ecos Église d'Ecos Mairie d'Ecos Épaignes Église d'Épaignes Vue générale d'Évreux Caisse d'épargne d'Évreux Asile d'aliénés en construction Asile d'aliénés, bâtiment principal presque fini Train à Évreux Gare d'Évreux Cours d'assises à Évreux Château de Fontaine la Soret Donjon de Fours Mairie de Fours Goupillières Pyramide d'Ivry Rue d'Ivry la Bataille Église de La Chapelle-Bayvel Montfort-sur-Risle Pont à Pont de l'Arche Usine à Rugles Tour de Thevray Château du Val-Séry (Monsieur Troplong) Route (près Cormeilles ?)

Collection du Musée de Louviers Statue de Nicolas Poussin sur la place du Grand-Andelys Ruines du choeur de l'abbaye de Breuil-Benoit Saint-André de l'Eure, vue de l'église et de la fontaine Collection du Musée de Honfleur Église Notre dame de Grâce de Bailleul Gare de Bueil Cèdre du Liban à Fontaine-la-Soret (photo non collée) Château de Neuilly (vue de loin avec plan d'eau groupe et barque) Rue au Petit-Andelys Église de Pont de l'Arche Un album avec couverture Collection du Fonds Ancien de la Médiathèque d’Evreux 8 tirages du concours agricole de 1864 (Évreux) Album Jouen Photographies de Daniel Quesney Acquigny Beaumont-le-Roger Bernay Berville-sur-mer Blandey Bois-Normand –près-Lyre Bosguérard-de-Marcouville Bourg-Achard Broglie Chanteloup Charleval Cormeilles Croix Saint-Leufroy (La) Damville Ecos Epaignes Etrépagny Gadencourt Gaillon Gisors Guiseniers Houtteville Ivry-la-Bataille Louviers Louye Neaufles-Saint-Martin Neuve-Grange (La) Neuve-Lyre (La) Pont-Audemer Quillebeuf-sur-Seine Reuilly Richeville Roquette (La) Rosay-sur-Lieure Rugles Saint-Didier-des-Bois Saint-Georges-du-Vièvre Saint-Quentin-des-Isles Saint-Sylvestre-de-Cormeilles Saint-Vincent-des-Bois Sainte-Marguerite-de-l’Autel Vernon

Liste des œuvres exposées Sous réserve de modifications.

Page 16: Une campagne photographique dans l’Eure au temps de l’impressionnisme

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Ce dossier a été réalisé par le service éducatif du Musée d’Art, Histoire et Archéologie d’Evreux, en collaboration avec le service des publics du musée. Juin 2010.

Crédits photographiques : ©Musée d’Evreux, ©Musée de Louviers, ©Pôle Image Haute-Normandie et ©Archives Départementales de l’Eure. Pour les photos de D. Quesney / © Daniel Quesney.