30 Multimédia Le Matin Dimanche | 26 juin 2016

Contrôle qualité

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Une application veut soigner la presbytieVision A raison de trois entraînements par semaine, Glasses Off permettrait d’améliorer en deux mois les capacités cérébrales liées à la lecture. Une promesse qui ne fait pas l’unanimité.

Frédéric Vormusfrederic.vormus@lematindimanche.ch

Le téléphone portable a rem-placé le lecteur de musique,l’écran de télévision, le GPS etdésormais, il pourrait se substi-tuer… aux lunettes de lecture, se-lon la promesse de l’application Glasses Off. En deux mois, à rai-son de 12 minutes trois fois par semaine, celle-ci prétend élimi-ner «la dépendance aux lunettesde lecture en perfectionnant la capacité cérébrale de traitementd’image», selon son descriptif.

La technologie a été dévelop-pée depuis 2007 dans la banlieuede Tel-Aviv avant d’être testéesur les pilotes de l’armée israé-lienne. Disponible depuis 2014,la version française de l’appli aété lancée l’an passé. Plus d’unmillion de personnes dans le monde l’ont déjà téléchargée. Lapremière semaine est offerte,puis il en coûte 10 francs pour unmois et 25 francs pour trois.

«Toutes les méthodes quenous connaissons pour amélio-rer la vision – lunettes, lentilles, laser – se focalisent sur l’aspect

optique de la vision: l’œil, expli-que Nastassja Kern, d’Innovi-sion Labs, la société qui a lancé Glasses Off. Notre méthode, elle, a pour objectif d’améliorerles capacités cérébrales pour permettre au cerveau de com-penser les déficiences optiques:les mêmes données sont en-voyées au cerveau, mais celui-cia appris à mieux fonctionner etpeut rétablir la netteté de cesdonnées. Les exercices entraî-nent les neurones pour leur per-mettre de s’activer plus rapide-ment, sous des contrastes plus faibles, d’accélérer leur vitesse de connexion et d’améliorer laqualité de celles-ci. La combinai-son de ces améliorations permetau cortex visuel de créer uneimage nette à partir d’informa-tions déficientes envoyées parl’œil, et de permettre ainsi uneamélioration de la vision.»

La doctoresse Hana AbouZeid, chercheuse associée àl’Institut de recherche en ophtal-mologie à Sion, et responsabledu centre AZ Ophtalmologie àGenève, est très dubitative quantaux vertus supposées de l’appli-

cation Glasses Off: «Il seraitpeut-être possible de compen-ser, temporairement, les effetsde la presbytie à ses tout débuts.Une certaine plasticité cérébralepourrait pallier le manque deplasticité oculaire. Mais très vitele vieillissement du cristallin, quis’accompagne souvent de cata-racte, diminue la vision et lescontrastes. Aucun entraînement ne peut alors améliorer la vue.»

Les exercices proposés dansl’application Glasses Off se ba-sent sur les filtres de Gabor, quiagissent comme des stimuli surles neurones du cortex visuel.Très répétitifs, ils permettraient«d’améliorer les performancesdes neurones aux deux niveauxde traitement évoqués précé-

demment: le décodage indivi-duel de chaque pixel et le grou-page des informations décodées pour recréer l’image», précise Nastassja Kern.

Conflit d’intérêtsPour la doctoresse Hana AbouZeid, l’étude sur laquelle se basecette application est sujette à caution: «Le premier auteur decette étude est un optométristeet non un médecin, qui a été lui-même en partie sponsorisé pour cette étude par la société privée (Ucansi Inc) dont il détient des parts, société qui a elle-mêmeété rachetée par Glasses Off Inc.Les conclusions d’une étude oùun tel un conflit d’intérêts est dé-claré sont toujours à prendre

avec beaucoup de précautions.»Une nouvelle étude, avec unéchantillon plus large, a été réali-sée cette année avec des résul-tats qui confirmeraient les pre-miers. Néanmoins la populationchoisie dans les deux cas se trouve majoritairement au débutde la cinquantaine. Un âge où lapresbytie «n’est pas encore trèsdéveloppée et le cerveau capablede bien reconnaître les influx»,selon les termes de la doctoresseAbou Zeid.

Nastassja Kern reconnaît seslimites: «A un certain point dedétérioration de l’œil, le cerveaune parviendra plus à compenser et l’utilisateur devra alors porterdes lunettes. Glasses Off n’éradi-que donc pas les lunettes de lec-ture, mais retarde leur utilisationde plusieurs années.» Les com-mentaires des utilisateurs sontd’ailleurs partagés. Certains ânonnent triomphalement avoirjeté leur paire alors que d’autrescrient à la supercherie.

Innovision Labs a développéune autre application, Game Vi-sion, sous le patronage de ChrisPaul, un basketteur vedette de laNBA, pour faire gagner de la vi-tesse aux sportifs. Une nouvelleversion de Glasses Off permet-tra, elle, de réduire de quelquesminutes le temps consacré auxexercices. U

«Une certaine plasticité cérébrale pourrait pallier le manque de plasticité oculaire mais très vite le vieillissement du cristallin, qui s’accompagne souvent de cataracte, diminue la vision et les contrastes»Hana Abou Zeid, responsable du centre AZ Ophtalmologie

La technologie de cette application, développée en 2007, a été testée sur des pilotes militaires. DR

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