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Eine Welt Un solo mondo Un seul monde N o 1 / MARS 2016 LE MAGAZINE DE LA DDC SUR LE DÉVELOPPEMENT ET LA COOPÉRATION www.ddc.admin.ch Genre: les écarts perdurent Pas de développement durable sans égalité des sexes Le Népal face à l’exode de la main-d’œuvre Un important facteur économique, mais des risques pour les travailleurs Agenda 2030 La Suisse évalue les actions nécessaires

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Eine WeltUn solo mondoUn seul monde

No1 / MARS 2016LE MAGAZINE DE LA DDCSUR LE DÉVELOPPEMENT ET LA COOPÉRATIONwww.ddc.admin.ch

Genre: les écartsperdurent

Pas de développement durablesans égalité des sexes

Le Népal face à l’exode de lamain-d’œuvre

Un important facteur économique,mais des risques pour les travailleurs

Agenda 2030La Suisse évalue les actions

nécessaires

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Un seul monde est édité par la Direction du développement et de la coopération (DDC), agence de coopération internationale intégrée au Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). Cette revue n’est cependant pas une publication officielle au sens strict. D’autres opinions y sont également exprimées. C’est pourquoi les articles ne reflètent pas obligatoirement le point de vue de la DDC et des autorités fédérales.

Un seul monde No1 / Mars 2017

Sommaire

D D C

F O R U M

3 Éditorial4 Périscope26 DDC interne33 Service35 Coup de cœur avec Talkhon Hamzavi35 Impressum

H O R I Z O N S

C U L T U R E

D O S S I E R GENRE6 Pas de développement durable sans égalité des sexes

La communauté internationale s’est donné quinze ans pour combler les écarts

11 «Bien trop d’inégalités encore» Entretien avec Phumzile Mlambo-Ngcuka, directrice exécutive d’ONU Femmes

13 Des actes passés sous silence Dans la guerre civile qui sévit au Soudan du Sud, les violences sexuelles sont systématiquement utilisées comme arme de guerre

14 Un pécule qui vaut bien une entorse à la tradition En Afghanistan, un projet suisse crée des activités génératrices de revenus pour les femmes. Celles-ci ont désormais davantage de liberté de mouvement.

16 Vaincre la résistance au changement Au Bénin, la DDC renforce la présence des femmes dans les instances politiques

17 Faits et chiffres

18 Émigrer pour nourrir sa familleAu Népal, l’exode de main-d’œuvre constitue un facteur économique croissant – une migration non sans risque pour les travailleurs

21 Sur le terrain avec... Diepak Elmer, chef de mission adjoint à l’ambassade de Suisse au Népal

22 Je peux témoigner de la violence faite aux femmesL’avocate népalaise Mohna Ansari évoque son combat pour les minorités et les femmes

23 Mieux prendre soin des personnes âgées et handicapéesEn Pologne, la DDC mène quatre projets pilotes intégrant de nouvelles approches dans le domaine de la santé

24 Plus fort que la terreur Un projet psychosocial au Niger aide les victimes du groupe terroriste Boko Haram à surmonter leurs traumatismes et à reprendre une vie normale

27 Les premiers pas vers un monde meilleurL’Agenda 2030 de l’ONU pour le développement durable impose aussi des mesures en Suisse. Des critiques sur le processus s’élèvent déjà.

29 Fragile stabilité au Maroc Carte blanche : le Marocain Driss Ksikes s’inquiète des secousses régulières, plus ou moins fortes, dans son pays

30 Jeunes photographes du Bangladesh Un regard fascinant sur la vie et la culture de ce pays

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Éditorial

Un seul monde No1 / Mars 2017

Sexe ou genre ? Quel terme utiliser pour parler del’égalité entre femmes et hommes? Influencés par l’an-glais, qui définit le mot sex de manière très restrictiveet privilégie donc l’emploi du terme gender, les franco-phones ont, par glissement, commencé à parler de« genre ». Même si la définition française de « sexe » inclut la notion d’appartenance à la classe des femmesou des hommes et désigne aussi leur rôle dans la société, l’expression « égalité des genres » devientusuelle. Quoi qu’il en soit, c’est le contenu qui compte.L’égalité entre femmes et hommes est certes inscritedans la Constitution de nombreux pays, dont la Suisse(art. 8 Cst.). Elle est cependant loin d’être acquise, carnous n’aurions pas eu besoin de lui consacrer le dos-sier de ce numéro d’Un seul monde.

Évaluant la mise en pratique de l’égalité, un récent rap-port du Forum économique mondial (WEF) place laSuisse au 8e rang sur 145 pays. Le Rwanda nous de-vance et cela ne me surprend guère : lorsque je me suisrendu dans ce pays l’année dernière, je n’ai été reçuque par des femmes aux niveaux les plus élevés desministères. Alors que la Suisse s’en tire plutôt biendans les domaines de la formation et de la santé, lesfemmes sont sous-représentées en politique et dans lesecteur économique. Concilier travail et vie de familleconstitue un défi tout particulier pour les mères qui élè-vent seules leurs enfants. Les femmes qui travaillentsont deux fois plus nombreuses que les hommes à êtretouchées par la pauvreté. Elles gagnent en moyenne20% de moins pour un emploi identique, l’écart attei-gnant même 30% dans les postes à responsabilité.Les interruptions de carrière et les emplois à tempspartiel expliquent sans doute une partie de ces diffé-rences ; le reste relève de la discrimination. Un dé-séquilibre règne aussi en politique : le Conseil nationalcompte 32% de députées, le Conseil des États seule-ment 15%. Même à la tête de la DDC, les femmes sonttrop peu nombreuses.

Depuis les années 90, la DDC mise sur l’égalité dessexes dans la lutte contre la pauvreté. En 2003, elles’est d’ailleurs dotée d’une politique pour promouvoirla parité entre hommes et femmes. Cette stratégie nevise pas seulement à établir l’égalité en droit, mais

aussi à tenir compte des différences sexospécifiques.Femmes et hommes ne sont, par exemple, pas égauxface à une crise humanitaire. En cas de catastrophenaturelle, une femme risque davantage de mourirqu’un homme. Les hommes sont, en revanche, plussouvent victimes de conflits armés. Les femmes et lesfilles sont, quant à elles, plus exposées à la violencesexuelle. La stratégie de la DDC a donc pour but derenforcer leur rôle sur les plans économique et poli-tique, mais aussi de les protéger contre la violencedans les régions en conflit. L’essentiel de cet effortpasse par la sensibilisation des hommes et des gar-çons.

Voici quelques exemples qui illustrent la politique de laDDC. En Tunisie, nous avons soutenu en 2014 un pro-jet de formation destiné à 200 femmes candidates auxélections parlementaires. Neuf d’entre elles ont étéélues. Au Laos, nous encourageons la participationdes femmes aux processus de décision qui fixent lespriorités des services publics (dans les villages que j’aivisités, les femmes sont parvenues à se faire entendre).Dans douze pays, dont l’Afghanistan, le Burundi, leRwanda, la Bosnie et le Tadjikistan, nous soutenonsdes programmes contre la violence sexospécifique.Dans la région des Grands Lacs, 20000 victimes deviolences ont bénéficié depuis 2011 d’une prise encharge particulière, notamment grâce à la DDC.

L’égalité des sexes constitue aussi un facteur écono-mique. Si la parité était totale à l’horizon 2025, le pro-duit intérieur brut mondial progresserait de 28000 mil-liards de dollars (soit l’équivalent des PIB desÉtats-Unis et de la Chine réunis), selon une étude ducabinet McKinsey.

Je tiens à souligner ceci : que ce soit au niveau écono-mique ou juridique, il n’y a pas lieu de justifier l’égalitédes sexes. Elle va de soi.

Manuel SagerDirecteur de la DDC

(De l’allemand)

Il n’y a pas lieu de justifier l’égalité

DDC

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The New York Times/Redux/laif

Matilde Gattoni/Redux/laif

Nick Hannes/laif

Périscope

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Gagnants sur tous les tableaux( jlh) Dans des pays pauvres comme le Cambodge, le Congoou le Bangladesh, la pêche en eau douce est souvent plusimportante pour nourrir la population que la pêche en mer et l’élevage piscicole. Nombre de cours d’eau souffrent toutefois de la surpêche. C’est le cas notamment des lacs et des cours d’eau accueillant l’arapaïma gigas, l’un des plusgrands poissons d’eau douce du monde, qui joue un rôle essentiel pour l’alimentation et l’apport en protéines des populations du bassin amazonien. Une étude conjointe desuniversités de Rio Grande do Norte (Brésil) et d’East Anglia(Royaume-Uni) a montré qu’il valait la peine de placer sousprotection les lacs et les cours d’eau de la région, en confiantà la population locale la gestion de la pêche. Les effectifspiscicoles sont ainsi quatre fois plus importants qu’ailleurs et les riverains gagnent sur tous les tableaux : la qualité et la biodiversité de leurs eaux sont préservées et leur base alimentaire reste intacte, sans compter les revenussupplémentaires générés par la pêche. www.uea.ac.uk, «Amazon Fishery»

gime communiste, elle était aumieux une destination confi-dentielle. Pourtant, cet État desBalkans possède un importantpotentiel touristique, avec 362 kmde côtes sur l’Adriatique, un climat agréable ainsi que de pit-toresques paysages de montagnedans le centre du pays. Il sem-blerait qu’elle ait trouvé entre-temps une place sur la carte touristique de l’Europe. Lenombre des touristes étrangers a plus que triplé entre 2007 et

Des millions d’esclaves(bf ) Qu’ils soient manœuvressur les chantiers chinois, femmesyézidies enlevées par l’État isla-mique ou prostituées arpentantles trottoirs des métropoles eu-ropéennes, ils partagent tous uneréalité : celle de ne pas pouvoirpartir. On a pris leur passeport,on les a menacés, eux ou leurfamille, et on les a placés dansune situation de dépendance absolue. Selon l’Indice mondialde l’esclavage 2016, il y a plus d’esclaves que jamais dans lemonde, soit 45,8 millions. Plusde la moitié vivent en Chine, en Inde, au Bangladesh et enOuzbékistan. Pourtant, à part la

Corée du Nord, tous les paysinterdisent l’esclavage. Pouréclairer cette véritable économiede l’ombre, les chercheurs de lafondation australienne WalkFree, qui édite l’indice, ontmené un total de 40000 entre-tiens en cinquante langues différentes. L’étude synthétisantceux-ci montre que, si nombre

de pays traînent les pieds pourpoursuivre les coupables d’abuset de traite d’êtres humains, c’estque la main-d’œuvre bon mar-ché forme la base de leur éco-nomie.www.globalslaveryindex.org

Première université pour réfugiés(lb) Les personnes vivant dansles camps du Haut Commissariatdes Nations Unies pour les réfugiés (HCR) reçoivent desvêtements et de la nourriture,ont accès aux services de santéet peuvent achever leurs étudesde niveau secondaire I. Mais ilsn’ont pas la possibilité de pour-suivre leur cursus. «Pourquoi nepas ouvrir une université dansles camps de réfugiés ? », s’est demandé Yvelyne Wood, uneartiste genevoise qui a fondél’ONG suisse UniRef. «Notreobjectif est de donner un aveniraux jeunes réfugiés afin qu’ilspuissent trouver un emploi dansleur pays d’origine ou d’ac-cueil », explique-t-elle. En 2017,UniRef ouvrira les portes de lapremière université de languefrançaise dans le camp deMusasa, au nord-est du Burundi.En collaboration avec le HCR,l’ONG proposera des cours dedegré universitaire pour formerdes infirmiers et des professeursde français. Dès 2018, il seraégalement possible de suivre uncursus académique en agrono-mie et en économie agroali-mentaire. Un projet similaireverra simultanément le jour dans le camp de réfugiés deNyarugusu, au nord-ouest de la Tanzanie. UniRef permettraainsi à près de 1200 étudiants de continuer leur formation etd’obtenir un diplôme d’État. www.uniref.ch

Essor du tourisme en Albanie(fu) Alors que l’Albanie ouvraitses portes au début des années90 à la suite de la chute du ré-

2014, dépassant aujourd’hui 3,4 millions. Cette situation n’estpas sans lien avec le réjouissantdéveloppement économique.Les investissements dans les in-frastructures, le renforcement del’État de droit ainsi que la pro-motion des financements privésse répercutent positivement surle marché touristique. Il faudra,cependant, encore du tempspour que l’Albanie puisse rivali-ser avec la Grèce et la Croatievoisines. Elle reste pour l’instanten queue du peleton européenavec la Moldavie, selon uneétude du Forum économiquemondial examinant la compéti-tivité touristique.

Des drones livreurs de sang( jls) En raison de la topographietrès accidentée du pays, lestransports par route sont lents etcompliqués au Rwanda. Or, les

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Loraine Wilson/robertharding/laif

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Dessin de Jean Augagneur

centres de santé ont besoin desang en urgence lorsqu’ils doi-vent pratiquer des transfusionssur des patients victimes defortes hémorragies. Le gouver-nement a décidé d’utiliser desdrones pour acheminer rapide-ment des lots de sang vers leszones rurales. En octobre der-nier, il a inauguré une base delancement à Muhanga, à 50 kmde la capitale Kigali. De là,quinze drones desservent 21 cli-niques situées dans l’ouest dupays. «Le sang est un bien trèsprécieux. On ne peut pas sim-plement le stocker en grandequantité dans chaque centre de santé », explique KellerRinaudo, directeur de Zipline,l’entreprise américaine qui aconçu la base et les appareils.Ces derniers, nommés «Zips »,ont la forme de petits avions.

Grâce à leur batterie, ils ont uneautonomie d’environ 150 km.Ils atteignent 70 km/h. Les Zipslarguent les poches de sang, munies d’un petit parachute, à 20 mètres au-dessus du sol. http ://flyzipline.com

Reboiser le Kilimandjaro( jls) Le changement climatiquecompromet la fonction de château d’eau que joue leKilimandjaro pour le Kenya etla Tanzanie. La calotte glaciairedu plus haut sommet d’Afriquea déjà diminué de 80% et vaprobablement disparaître dansles prochaines décennies. Parailleurs, le climat plus chaud etplus sec a entraîné une augmen-tation des feux de forêts. Depuis1976, les incendies ont déjà dé-truit 13000 ha de surface boisée.Il n’y a plus assez d’arbres pour

que les forêts puissent capter lesgouttelettes de brouillard et fil-trer, puis stocker l’eau de pluie.Plusieurs rivières commencent àse tarir. Les habitants vivant aupied de la montagne connaissentdes pénuries d’eau récurrentesdurant la saison sèche. Dans unrécent rapport, le Programme

des Nations Unies pour l’envi-ronnement exhorte la Tanzanieà protéger le bassin versant duKilimandjaro, afin de prévenirune crise hydrique. Il lui recom-mande notamment de lancer desprogrammes de reboisement. www.grida.no/publications/mo/east-africa

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Karia Zabludovsky/NYT/Redux/laif

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David Bathgate/Redux/laif

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Pas de développement durablesans égalité des sexesAucun pays n’est encore parvenu à instaurer l’égalité des sexes.Des progrès ont été accomplis, notamment en matière d’éduca-tion, mais les discriminations envers les femmes perdurent dansde nombreux domaines. En adoptant l’Agenda 2030 de déve-loppement durable, la communauté internationale s’est donné quinze ans pour combler les écarts. De Jane-Lise Schneeberger.

La Convention sur l’élimination de toutes les formesde discrimination à l’égard des femmes, adoptée en1979, exige des États signataires qu’ils introduisentl’égalité des sexes dans leur législation et veillent àson application. À ce jour, 143 pays ont déjà ancréce principe dans leur Constitution. Ils sont égale-ment nombreux à avoir aboli des lois discrimina-toires ou promulgué de nouveaux textes qui visentà promouvoir la parité. «Les instruments juridiques sont indispensables, carils permettent aux femmes de faire valoir leursdroits. Toutefois, leur application butte fréquem-

ment sur les normes sociales qui attribuent aux in-dividus des rôles spécifiques selon leur sexe», re-marque Flurina Derungs, chercheuse au Centre interdisciplinaire d’études genre de l’Université deBerne. «Ces stéréotypes de genre, profondémentancrés dans les mentalités, perpétuent les inégalitésdans de très nombreux domaines. » Les disparités constituent un obstacle au dévelop-pement : elles limitent l’accès des femmes à la santé, à la formation, aux ressources, au marché dutravail et aux processus de décision, ce qui les en-ferme dans la pauvreté.

Un quartier défavorisé à Dacca, capitale du Bangladesh : plus de 70% des personnes vivant dans une pauvreté extrêmeà travers le monde sont des femmes.

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Karia Zabludovsky/NYT/Redux/laif

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Sam Phelps/NYT/Redux/laif

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Genre

Un programme visionnaireÀ Pékin en 1995, la quatrième conférence mon-diale sur les femmes a montré la voie à suivre pourcombler les écarts entre les sexes. Son programmed’action définissait des objectifs à atteindre dansdouze domaines critiques, comme la pauvreté,l’éducation, la santé, la violence, les conflits armésou l’économie. «Ce document visionnaire et am-bitieux guide encore aujourd’hui l’action de la co-opération internationale. Nous essayons de dé-

Impact des inégalités surla sécurité alimentaireLes agricultrices des paysen développement tra-vaillent dur. Pourtant, ellesproduisent moins que les hommes, en raison deleur accès limité aux res-sources productives (terresagricoles, crédit, équipe-ments, semences amélio-rées, engrais, services devulgarisation). Dans sonrapport La situation mon-diale de l’alimentation et de l’agriculture 2010-2011, la FAO a calculé que,si les paysannes dispo-saient des mêmes moyensque les hommes, ellespourraient accroître de 20 à 30% le rendement deleurs exploitations. La pro-duction agricole des paysen développement aug-menterait alors de 2,5 à4%. Cela permettrait deréduire de 100 à 150 mil-lions le nombre de per-sonnes sous-alimentéesdans le monde.

Au Mexique (à gauche) et au Sénégal comme dans le reste du monde, le niveau de formation des femmes a augmenté,mais leurs perspectives professionnelles ne se sont toujours pas améliorées.

fendre les acquis et de ne pas régresser », remarqueUrsula Keller, responsable des questions de genre àla DDC. Vingt ans après, l’ONU a évalué la miseen œuvre du programme adopté à Pékin. Elle a re-connu que des progrès avaient été accomplis, maisdéploré leur « lenteur inacceptable». Les femmespauvres sont particulièrement désavantagées à plu-sieurs égards. Cette revue critique a servi de base àla formulation des Objectifs de développement durable (ODD) en matière de genre.L’éducation et la santé sont deux domaines dans les-quels des progrès importants ont été enregistrés.Ainsi, le taux de mortalité maternelle a reculé auniveau mondial. Mais il reste excessivement élevéen Afrique subsaharienne et en Asie du Sud. Les dé-cès sont liés notamment au manque de services sa-nitaires, aux accouchements non médicalisés et auxavortements pratiqués dans de mauvaises conditions.En matière d’enseignement, les pays en dévelop-pement ont presque atteint la parité des sexes dansle cycle primaire et s’en sont rapprochés au niveausecondaire. «Cependant, l’on n’a pas réussi à endi-guer le décrochage scolaire. Beaucoup de fillesabandonnent l’école quand elles atteignent la pu-

berté, pour être mariées ou parce qu’elles doiventse consacrer à plein temps aux travaux ménagers »,s’inquiète Ursula Keller. En outre, les écarts restentimportants dans l’enseignement supérieur.

Emplois précaires et maigres revenusLa hausse du niveau éducatif des femmes n’a guèreamélioré leurs perspectives professionnelles. La tran-sition vers le marché du travail reste problématique.Seules 55% d’entre elles ont un emploi salarié for-

mel, une proportion qui stagne depuis trente ans.Généralement, elles gagnent moins que les hommeset occupent des fonctions subalternes. Dans les paysen développement, les femmes sont par contre sur-représentées dans le secteur informel, où les condi-tions de travail sont précaires. L’agriculture, parexemple, se féminise de plus en plus. Mais desnormes et des lois discriminatoires réduisent la pro-ductivité des paysannes. Dans certains pays, lesfemmes n’ont pas le droit de posséder ou d’hériterdes terres. Ayant un accès limité au crédit, elles nepeuvent pas se procurer les intrants et les équipe-ments nécessaires. Leurs parcelles sont souvent pluspetites et moins fertiles que celles des hommes.Les femmes ont peu d’influence sur les causes struc-turelles de ces injustices, car elles ne participent passur un pied d’égalité aux processus de décision. Leurreprésentation a néanmoins augmenté dans certainsdomaines ces vingt dernières années. Ainsi, la pro-portion de députées dans les Parlements nationauxest passée de 12 à 23%.

Un travail non rémunéré et invisible«Si les femmes ne peuvent pas s’investir davantage

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dans des activités productives ou dans la vie poli-tique, c’est surtout par manque de temps. Elles doivent accomplir un volume disproportionné detravaux non rémunérés au sein de la famille », noteFlurina Derungs. Selon les codes sociaux, il leur incombe de prendre soin des enfants, des proches

âgés et des malades, et d’effectuer les tâches do-mestiques. Outre la cuisine et le ménage, celles-ciincluent les corvées d’eau et de bois, qui représen-tent une perte colossale de temps : à travers le monde, les femmes et les filles passent 200 millionsd’heures chaque jour à collecter de l’eau. Toutes

Enfance perdueLa pratique du mariaged’enfants a légèrement diminué ces dernières décennies, mais elle restetrès répandue dans lespays en développement.Chaque année, près de 15 millions de filles sontmariées avant l’âge de 18ans, soit 37 000 par jour.Ces unions précoces im-pliquent toutes sortes dedangers. La probabilité est grande que les jeunesépouses doivent abandon-ner leur scolarité. Ellessont également plus sus-ceptibles de subir desmauvais traitements et desabus sexuels de la part de leur mari. En outre, unegrossesse précoce pré-sente des risques élevésde complications qui peu-vent entraîner la mort de la mère et du bébé.

À Lahore, au Pakistan, un père conduit au travail sa fille défigurée par une attaque à l’acide. À Buenos Aires, en Argentine,plus de 200000 personnes manifestaient dans la rue en 2015 contre les violences à l’encontre des femmes.

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Evelyn Hockstein/Polaris/laif

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À travers le monde, les femmes et les filles passent chaque jour 200 millions d’heures à collecter de l’eau. Cette activité, indispensable au bon fonctionnement de la société, n’est toutefois pas valorisée socialement.

Femmes, paix et sécuritéDans sa résolution 1325,adoptée en 2000, leConseil de sécurité del’ONU a reconnu que lesconflits ont un impact disproportionné sur lesfemmes. Il a prié les par-ties aux conflits de proté-ger ces dernières contredes actes de violencesexiste et demandéqu’elles soient pleinementassociées aux efforts depromotion de la paix. Éva-luant en 2015 la mise enœuvre de cette résolution,l’ONU a souligné que lacommunauté internationaleavait adopté un cadre nor-matif complet concernantles violences sexuelles enpériode de conflit. Malgrétout, celles-ci n’ont pas di-minué et un nombre infimed’agresseurs sont traduitsen justice. Quant à la pro-portion de femmes asso-ciées aux processus depaix, elle est restée infé-rieure à 10% ces quinzedernières années. wps.unwomen.org,«Prévenir les conflits,transformer la justice, obtenir la paix»

ces activités, essentielles au fonctionnement de lasociété, ne sont pas valorisées socialement.Pour renforcer l’autonomie économique des fem-mes, il convient d’abord d’alléger leur fardeau quo-tidien. Cela nécessite un partage plus équitable destâches au sein de la famille. D’autre part, différentesmesures permettent de réduire le temps absorbé parles activités ménagères et de soins : on peut parexemple construire des puits plus près des habita-tions, électrifier les villages ou créer des structuresd’accueil pour les enfants et les aînés.

Prévenir la violence, un devoir étatiqueLes relations inégales de pouvoir entre les sexes sontaussi à l’origine de la violence envers les femmes etles filles, une véritable pandémie mondiale qui neralentit pas. Une femme sur trois subit des violencesphysiques et/ou sexuelles au cours de sa vie, le plussouvent commises par son partenaire. Pendant long-temps, la communauté internationale ne s’en est paspréoccupée, estimant que de tels actes relevaient dela sphère privée. Aujourd’hui, on reconnaît que lesÉtats ont le devoir de protéger les femmes. Cepen-dant, seuls deux tiers des pays ont adopté des loiscondamnant la violence domestique et ils peinentà les faire appliquer. Ce fléau est ruineux pour lacollectivité, si l’on considère ses coûts directs pourle système de santé et ses coûts indirects, comme lesheures de travail perdues et la productivité réduitedes victimes.

Durant les conflits, toutes les formes de violence en-vers les femmes s’aggravent : viols individuels et col-lectifs, violence domestique, traite des personnes,esclavage sexuel, etc. Les maladies sexuellementtransmissibles, les grossesses non désirées et la mor-talité maternelle augmentent en parallèle. «Les ac-teurs humanitaires n’ont véritablement pris ce pro-blème au sérieux qu’à partir des années 90, quandles viols massifs commis durant le génocide rwan-dais et la guerre en ex-Yougoslavie l’ont rendu trèsvisible», observe Sascha Müller, de l’Aide humani-taire de la DDC. «Les violences sexistes ont degraves conséquences non seulement sur la santéphysique et psychique des victimes, mais égalementsur l’ensemble de la société. » Nombre de femmesviolées sont stigmatisées au sein de leur commu-nauté, rejetées par leur mari ou même contraintesd’épouser leur agresseur.

Élimination des discriminations d’ici 2030Si l’égalité tarde à se concrétiser dans la pratique,elle a gagné du terrain sur le plan politique. «De-puis quelques années, le genre n’est plus abordé defaçon marginale. Il occupe une place centrale dansles processus politiques qui élaborent le cadre nor-matif mondial », se réjouit Ursula Keller. Le nou-vel Agenda 2030 de développement durable en estl’exemple par excellence. Ce programme accordeune importance majeure à l’autonomisation desfemmes et à l’élimination des discriminations. Le

Genre

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Asmaa Waguih/NYT/Redux/laif

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cinquième ODD prévoit des mesures spécifiquesdans les domaines où les inégalités sont les plusgraves, telles que le travail non rémunéré, la vio-lence, l’autonomisation économique et la partici-pation à la vie politique. En outre, le genre est prisen compte dans la plupart des autres ODD. «La force de l’Agenda 2030 est qu’il considère l’égalitédes sexes de manière holistique», souligne ChantalOltramare, de la Coopération globale de la DDC.«Si nous souhaitons éradiquer la pauvreté, éliminer

la faim ou promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques, il est nécessaire de prendre en compteles rôles et les besoins des femmes au sein de chaquesociété et de garantir l’égalité des droits entre lessexes. »

But stratégique de la coopération suisseLa Suisse s’est beaucoup engagée en faveur de l’in-tégration d’un objectif distinct sur le genre dansl’Agenda 2030. «Le défi consiste maintenant à lemettre en œuvre», souligne Chantal Oltramare. «LaDDC y contribue en collaborant étroitement avecONU Femmes et par le biais de ses projets de co-opération sur le terrain. » Dès cette année, l’égalitédes sexes sera d’ailleurs l’un de ses sept objectifs stra-tégiques, comme l’a voulu le Conseil fédéral dansson message relatif à la coopération internationale2017-2020. La DDC concentre ses activités sur trois domaines.Le premier est la lutte contre les violences dans les

Changement climatiqueLes femmes sont particu-lièrement vulnérables auchangement climatique. En cas de sécheresses,d’inondations ou d’autrescatastrophes, leur taux de mortalité est souventplus élevé que celui deshommes. Dans de telscontextes, où les struc-tures protectrices de lacommunauté ne fonction-nent plus, le risque de vio-lences sexistes s’accroîtégalement. D’un autrecôté, les femmes, surtoutdans les zones rurales, ont un rôle clé à jouer dans l’adaptation au changement climatique.Produisant 60 à 80% desdenrées consomméesdans les pays en dévelop-pement, elles ont unegrande expérience de lagestion des ressources na-turelles. Elles connaissentles plantes, les semenceset les sources d’eau. C’est pourquoi il est indis-pensable qu’hommes etfemmes élaborent conjoin-tement les stratégiesd’adaptation.

Un groupe de députées au Parlement égyptien : l’égalité des sexes en politique se confirme au niveau mondial ; dans lapratique, les femmes restent cependant sous-représentées au sein des organes décisonnels.

contextes fragiles : il s’agit notamment de prendreen charge les victimes, de prévenir les violences etd’aider les pays partenaires à mettre en œuvre deslois qui les sanctionnent. Le deuxième est l’écono-mie : les projets ont pour but d’améliorer l’accès desfemmes à la formation, à l’emploi rémunéré et auxressources productives afin qu’elles acquièrent uneautonomie financière. Enfin, la DDC soutient leurautonomisation politique : dans plusieurs pays, elleappuie des candidates aux élections municipales ou

parlementaires et coopère avec des mouvements féministes qui se battent pour accroître la partici-pation des femmes aux instances de décision.

L’égalité est aussi l’affaire des hommesDans toutes ces activités, la DDC inclut égalementles hommes. Elle collabore avec eux et mène desactions de sensibilisation afin de faire évoluer lesmentalités et les comportements. L’instauration del’égalité profitera aux deux sexes, car les stéréotypesde genre n’affectent pas uniquement les femmes.«Certes, les normes sociales attribuent beaucoup deprivilèges aux hommes, mais elles leur imposentaussi des contraintes. La responsabilité de nourrir lafamille, par exemple, peut être lourde à assumer etengendrer un sentiment d’échec chez ceux qui n’yparviennent pas », relève Ursula Keller. « Si nousvoulons que les hommes soient nos alliés dans la lutte pour l’égalité, il est essentiel de prendre encompte leurs besoins et leurs vulnérabilités. » n

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Tuul & Bruno Morandi/laif

Un seul monde No1 / Mars 2017

«Bien trop d’inégalités encore»

Un seul monde : Si le chemin vers une égalitédes sexes au niveau mondial était un «centmètres», où en serions-nous aujourd’hui ? Phumzile Mlambo-Ngcuka : Nous ne sommesplus dans les blocs de départ, mais la ligne d’arri-vée est encore loin. Aujourd’hui, sur le plan in-ternational, le taux de scolarisation des filles estpresque le même que celui des garçons. Dans plu-sieurs pays, les femmes jouent un rôle politique im-portant et les bases juridiques de l’égalité des sexessont meilleures. Mais, dans la plupart des régionsdu globe, les femmes restent défavorisées s’agissantde leur participation à la vie politique, de leur sta-tut économique ou de leurs perspectives de car-rière. Neuf pays sur dix ont des lois discrimina-toires. Au sein des Parlements, les députées occu-pent en moyenne 20% des sièges. Les salaires desemployées sont inférieurs d’un quart, alors que lesfemmes assument deux fois et demie plus de tâchesdomestiques que les hommes. Il y a donc encore

fort à faire. L’objectif est clair : selon l’Agenda 2030de développement durable, les inégalités doiventêtre surmontées d’ici à treize ans.

Voilà qui semble bien optimiste. Dans beau-coup de régions du monde, les avancées versl’égalité des sexes sont plus que modestes. C’est un fait, les progrès sont lents et inégalementrépartis. À ce rythme, il faudrait cinquante ans pouratteindre l’égalité en matière de participation po-litique et même 170 pour gommer les disparitéséconomiques entre hommes et femmes. Les in-vestissements destinés à favoriser l’égalité des sexessont insuffisants. Une stratégie impliquant tous lesacteurs, sans distinction, constitue une conditionessentielle à l’autonomisation des femmes. Pourcela, il faudra s’attaquer courageusement, sans tar-der, à des normes et à des stéréotypes qui sont par-fois profondément ancrés. Bien sûr, cela ne se ferapas du jour au lendemain. Mais je suis optimiste :

La transition vers une égalité des sexes au niveau mondial doitêtre accélérée, selon Phumzile Mlambo-Ngcuka, directrice exé-cutive d’ONU Femmes. Malgré les progrès accomplis, il fau-drait à ce rythme encore 170 ans pour que l’égalité économi-que devienne réalité, estime la Sud-Africaine. Entretien réalisépar Fabian Urech.

Une fabrique de textile, au Rajasthan, en Inde : les femmes gagnent en moyenne, au niveau mondial, 20% en moins queles hommes.

Phumzile Mlambo-Ngcuka est directrice exécutive de l’organisationONU Femmes depuis2013. Après avoir ensei-gné au Cap, elle a siégé auParlement sud-africain etoccupé les fonctions deministre des ressourcesminières et de l’énergie,puis de vice-présidente.

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Eric Lafforgue/Invision/laif

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Des adolescentes à Hargeisa, en Somalie : les jeunes jouent un rôle clé dans la marche vers l’égalité des sexes.

Un engagement mondialpour les femmes ONU Femmes est l’agencedes Nations Unies pourl’égalité des sexes et l’au-tonomisation des femmes.Créée en 2010, elle est lerésultat de la fusion dequatre institutions onusien-nes œuvrant pour l’égalitédes sexes. La Suisse a clairement approuvé lacréation de cette nouvelleentité basée à New York.Elle compte aujourd’huiparmi ses principaux contributeurs.

d’ici à 2030, l’égalité des sexes peut devenir réali-té à une large échelle.

C’est précisément l’objectif 5 de l’Agenda2030 : «Parvenir à l’égalité des sexes et au-tonomiser toutes les femmes et les filles ».Cela paraît très ambitieux au vu de la len-teur de l’évolution. Les femmes et les filles représentent 50% de la po-pulation mondiale. Je ne pense pas qu’il soit tropambitieux de garantir leurs droits. L’égalité dessexes constitue, d’ailleurs, une condition préalableà la réalisation de nombreux autres objectifs dunouvel Agenda de développement durable.

Aux raisons structurelles de la discriminationdes femmes vient souvent s’ajouter unecomposante culturelle. Comment modifierdes normes culturelles établies au fil dessiècles ?Changer les mentalités et les positions n’est pas unemince affaire. Un rôle déterminant revient ici à la société civile. Les femmes elles-mêmes doiventprendre conscience de leurs compétences et deleurs droits. Dans ce contexte, il est également cru-cial de collaborer avec un large réseau de parte-naires. Les jeunes jouent ici un rôle clé : ce sonteux qui feront le monde de demain. C’est pour-quoi ONU Femmes a développé une stratégie decoopération avec les jeunes. Dans le cadre de notrecampagne «HeForShe» (« lui pour elle »), nous avonsdéjà mobilisé plus d’un million d’hommes et degarçons prêts à s’engager pour l’égalité des sexes et

à réinventer l’idée de masculinité. Les médias enparticulier jouent un rôle décisif dans la remise enquestion des stéréotypes. Nous voulons que lesfemmes aient une voix dans les médias et qu’ellesn’y soient pas présentées comme victimes, maiscomme leaders, expertes et décideuses.

Récemment, ONU Femmes a lancé une ini-tiative pour affiner les données sensibles augenre. Quel est l’enjeu?Pour régler un problème, il faut comprendre sonétendue, ses effets et les solutions envisageables.Des données précises sont donc nécessaires. Au-jourd’hui, le monde génère une masse phénomé-nale d’informations, mais, quand il s’agit desfemmes et des filles, les lacunes sont frappantes.Nous manquons souvent de références fiables surles salaires féminins ou le nombre de femmes et defilles vivant dans la pauvreté par exemple. Notreinitiative veut y remédier. Dans un premier temps,le projet se concentre sur douze pays pilotes : ils’agit d’identifier les déficiences en matière dedonnées, de collecter des informations, de veillerà ce que celles-ci soient prises en compte dans lesprocessus politiques et, enfin, d’observer les pro-grès effectués.

Pendant plus de dix ans, vous avez été unepersonnalité politique marquante en Afriquedu Sud. Quel a été pour vous l’enseignementle plus important de cette période?En travaillant avec la société civile, le mouvementdes femmes, le gouvernement et les organisationspolitiques, j’ai compris qu’il était essentiel d’abor-der ensemble les problèmes complexes touchantnotre société, dans une perspective globale.Pour vaincre l’apartheid, il était capital de travaillerde concert, indépendamment de la couleur depeau et des origines. Des leaders comme NelsonMandela ont démontré qu’il était essentiel de co-opérer aussi bien avec ses alliés qu’avec ses adver-saires. Dans la lutte pour l’égalité, au sein de la-quelle les femmes sont les principaux acteurs et lasociété civile le premier allié, la coopération avecles hommes, les garçons, les dirigeants religieux etle secteur privé se révèle tout aussi cruciale. n

(De l’anglais)

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NonviolentPeaceforce.org

Un seul monde No1 / Mars 2017

La recherche quotidienne de bois, de charbon et de nourriture en dehors des camps de réfugiés à Bentiu, au Soudan du Sud, représente des risques élevés pour les femmes et les filles : les agressions sexuelles sont monnaie courante.

La violence en ligne de mireLa DDC défend les droitsdes femmes et des fillesdans le cadre de conflits.Elle prévient la violence liéeau genre et accompagnemédicalement, psychologi-quement et juridiquementles victimes. Elle encou-rage l’implication defemmes dans les proces-sus de paix, de transfor-mation et de constructiondes États. L’engagementsuisse se fonde sur la stra-tégie du DFAE en matièrede genre et le message re-latif à la coopération inter-nationale 2017-2020, ainsique sur le Plan nationald’action pour la mise enœuvre de la résolution1325 (2000) du Conseil de sécurité de l’ONU. Cetexte est le premier à abor-der l’impact des conflitsarmés sur les femmes etles filles et à souligner l’im-portance de leur participa-tion aux processus depaix. Inscrite dans le mes-sage 2017-2020, la vio-lence liée au genre consti-tue l’une des nouvellespriorités de l’aide humani-taire suisse.

(fu) En 2011, l’indépendance du Soudan du Sudavait suscité de grands espoirs. Deux ans plus tard,le benjamin des États africains sombrait cependantdans la guerre civile. Riche en pétrole, le nord dupays était particulièrement touché. Face aux vio-lences, des milliers d’habitants ont cherché refugeà proximité d’un camp de l’ONU à Bentiu, capi-tale de l’État d’Unité. Ce campement improviséabrite désormais plus de 100000 déplacés internessur 3 km2.Nombre d’entre eux doivent régulièrement en sor-tir, à la recherche de bois pour se chauffer, de char-bon ou de nourriture. Pour les femmes et les en-fants, cette obligation s’avère particulièrement dan-gereuse, les violences sexuelles étant monnaiecourante. «Le corps des femmes et des enfants estle champ de bataille de ce conflit », commente Zai-nab Hawa Bangura, représentante spéciale del’ONU. Une étude des Nations Unies a confirmérécemment l’ampleur choquante des actes de vio-lence sexuelle : en six mois, 1300 cas de viol ontété recensés dans l’État d’Unité.

La violence ne règle rien«Pour nous, le message était clair : agir », explique Sebastian Eugster de la DDC. Systématiquement utilisées comme arme de guerre, les violences

sexuelles sont largement taboues dans cette socié-té très patriarcale. En 2015, la DDC a soutenu unprojet de l’ONG Nonviolent Peaceforce, dontl’objectif était de protéger les femmes et les enfantsqui sortaient régulièrement du camp, avant tout en les accompagnant. «Cette présence les rendaitmoins vulnérables. Aucun groupe escorté n’a étéagressé », relève Sebastian Eugster. Au sein du camp, l’ONG a mis en place des ate-liers et des séances d’entraînement pour les femmesconcernées, leur permettant d’échanger et d’ap-prendre des méthodes d’autodéfense. Elle a égale-ment travaillé avec les hommes. Au cœur du mes-sage : la violence ne règle aucun conflit.Le projet de Bentiu est désormais terminé. LaDDC soutient néanmoins des actions semblablesdans d’autres parties du pays et la lutte contre lesviolences sexuelles demeure un élément clé de sonengagement sur place. Pour l’heure, une améliora-tion durable de la situation reste un objectif loin-tain. Zeid Ra’ad Al Hussein, Haut-Commissairedes Nations Unies aux droits de l’homme, évoquait récemment l’un des contextes les plus terribles dumonde sur le plan humain. n

(De l’allemand)

Des actes passés sous silenceDans la guerre civile qui sévit au Soudan du Sud, les violencessexuelles sont systématiquement utilisées comme arme deguerre. La DDC lutte contre ces exactions grâce à des pa-trouilles de protection, des ateliers et des séances d’entraîne-ment.

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Terre des hommes

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( jls) Habiba est mère de six enfants. Elle vit dansle district de Rustaq, au nord-est de l’Afghanis-tan. Depuis son mariage à l’âge de 13 ans, elle res-tait confinée entre les quatre murs de sa maison,se consacrant aux tâches domestiques et à l’édu-cation des enfants. Mais, en 2014, elle a appris quedes femmes du village avaient formé un groupe,dans le cadre d’un projet suisse, afin de cultiverdes pommes de terre. Avec l’autorisation de Sho-wali, son mari, Habiba les a rejointes. On lui adonné 300 kilos de plantons et deux sacs d’engraispour démarrer. Durant la première saison, la nou-velle cultivatrice a récolté 1,5 tonne de pommesde terre, ce qui lui a rapporté 17000 afghanis (en-viron 250 francs). Cette somme a permis de rem-bourser un emprunt contracté auparavant par Showali pour ouvrir un petit commerce. N’ayant

Certains groupes de femmes sont spécialisés dans le maraîchage. D’autres, comme ci-dessus, se chargent de mettreen conserve les légumes récoltés.

Un pécule qui vaut bien une entorse à la tradition Dans le district rural de Rustaq, en Afghanistan, un projet suisse crée des activités génératrices de revenus pour lesfemmes. Ainsi, des centaines de villageoises se sont lancéesdans la culture de légumes ou la préparation de conserves. Unepartie de leur production sert à améliorer et à diversifier l’ali-mentation familiale. Le reste est commercialisé.

De petits pas sur le chemin de l’égalitéLes talibans avaient privéles Afghanes de leursdroits et de leurs libertés.Depuis la chute de ce ré-gime en 2001, la conditionféminine s’est améliorée.L’égalité des sexes est désormais inscrite dans laConstitution. Les femmesoccupent 28% des siègesau Parlement et troispostes ministériels. Leurparticipation au marché du travail atteint 29%.Cependant, la violence do-mestique et les pratiquesnéfastes, comme le ma-riage précoce, restent lar-gement répandues. Denombreuses femmes n’onttoujours pas le droit de se déplacer librement. Par contre, les filles ont re-trouvé le droit à l’éducationqui leur était refusé sous lerégime des talibans. Leurtaux de scolarisation estde 45%, contre 64% pourles garçons.

plus d’intérêts à payer et disposant de deux reve-nus, le couple s’en sort beaucoup mieux aujour-d’hui. Il peut même mettre un peu d’argent decôté. «Grâce à ces activités génératrices de reve-nus, les femmes ont apporté de réels changementsau sein de leurs familles », se réjouit Habiba.

Vaincre les résistances culturellesLe district de Rustaq est une région pauvre etmontagneuse. Les habitants pratiquent une agri-culture de subsistance qui ne suffit pas à couvrirleurs besoins alimentaires. Bien des repas ne sontcomposés que de riz et de pain. Un projet de laDDC, mis en œuvre par Terre des hommes, veutaméliorer les conditions de vie de la population,notamment en diversifiant ses sources de revenuset en augmentant la production agricole.

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Terre des hommes

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Grâce aux serres, davantage de légumes peuvent être cultivés tout au long de l’année.

Depuis 2012, un volet de ce projet est axé sur lesfemmes. Il crée à leur intention des activités gé-nératrices de revenus, en veillant à ce que celles-ci soient culturellement acceptables. Dans leszones rurales d’Afghanistan, la vie sociale obéit eneffet à des normes sociales très conservatrices. «Enprincipe, les hommes ne tolèrent pas que leurépouse sorte de la maison et joue un rôle, quelqu’il soit, dans la société », note Mélanie Büsch,au bureau de la coopération suisse à Kaboul. Au début, il a donc fallu sensibiliser les hommes,en leur montrant la plus-value que pouvait re-présenter le travail des femmes pour les ménages.«Nous avons expliqué aux leaders communau-taires et religieux que notre projet n’allait pas àl’encontre de leurs croyances, que notre but étaitsimplement d’accroître la sécurité alimentaire »,indique Sylvain Fournier, délégué de Terre deshommes en Afghanistan.

Activités collectives ou individuellesÀ ce jour, 28 groupes de femmes ont été consti-tués dans les villages du Rustaq. Ils réunissent autotal quelque 700 membres. «Pour certaines acti-vités, comme la production et la conservation delégumes, il est nécessaire que les participantes tra-vaillent ensemble en dehors de leurs foyers », ex-plique Mohammad Emal Saraj, chef adjoint duprojet. Les groupes spécialisés dans le maraîchageont été équipés de serres en plastique qui leur per-mettent de cultiver des légumes toute l’année : ilsrécoltent par exemple des piments, des concom-bres ou des tomates au printemps, puis des hari-cots blancs, du chou-fleur et du chou en été, en-fin de la laitue, de la coriandre et des épinards du-rant la saison morte. D’autres groupes mettent ceslégumes en conserve ou produisent des semences.De leur côté, quelque 2700 femmes mènent desactivités individuelles à leur domicile. Elles stéri-lisent du lait, récoltent de la laine de cachemireou trient des semences. L’une des difficultés a été de trouver une expertepour former les participantes. « La communautén’aurait pas admis que cette personne soit de sexemasculin, car les femmes ne doivent pas côtoyerdes hommes dans l’espace public », relève MélanieBüsch. Il était toutefois impossible de trouver enAfghanistan une agronome qualifiée et prête às’installer dans cette région reculée. C’est finale-ment au Tadjikistan voisin que le projet a déni-ché la perle rare.

Changement de mentalité«Ces activités ont permis d’améliorer et de diver-sifier l’alimentation de la population », constateMohammad Emal Saraj. «En effet, les cultivatrices

utilisent leurs légumes en priorité au sein de la fa-mille. Elles vendent le reste au marché et en ti-rent un petit revenu. » Ce pécule oscille entre 150et 250 dollars par an. Dans les villages concernés, les femmes ont au-jourd’hui davantage de liberté de mouvementqu’ailleurs et sont plus impliquées dans leur com-munauté, se félicite Sylvain Fournier : « Les men-talités ont évolué en quatre ans. L’argument duporte-monnaie a certainement joué un rôle. Dansla mesure où les femmes apportent de l’argent àla maison, les maris veulent bien passer sur cer-taines normes sociales et culturelles pour le biende leur famille. » Cette tolérance a toutefois en-core des limites. Seules 15% des femmes sont au-torisées à se rendre elles-mêmes au marché deRustaq pour écouler leurs légumes. Les autres ontdeux solutions : soit elles demandent à un membremasculin de la famille de s’en charger, soit ellesvendent leur production à un commerçant quipasse de village en village. Les bénéficiaires du projet ont voulu apprendre àlire, écrire et calculer afin de pouvoir comptabi-liser leurs gains et consigner par écrit leur activi-té commerciale. Avec le soutien du ministère del’éducation, elles ont créé des classes d’alphabéti-sation réservées aux femmes dans trois villages. n

Pauvreté ruraleBien que 12% seulementdu territoire national soitcultivable, l’économie af-ghane est fortement dé-pendante de l’agriculture :ce secteur fait vivre 61%de la population. La moitiédes ménages ruraux necommercialisent pas leurproduction, mais prati-quent une agriculture desubsistance. Ce sont lesplus durement affectés parles variations saisonnières.Les hivers sont souventlongs et rigoureux. Poursurvivre jusqu’au prin-temps, une grande partiede ces petits paysans doi-vent vendre des têtes debétail, trouver un emploi en dehors de l’agricultureou emprunter de l’argent.La pauvreté frappe parti-culièrement les régionsmontagneuses, où le mauvais état des routes etl’accès difficile aux mar-chés s’ajoutent aux aléas climatiques et aux catas-trophes naturelles.

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Paul Hahn/laif

Un seul monde No1 / Mars 2017

( jls) Bien que le principe de l’égalité des sexes soitancré dans la Constitution et que plusieurs lois oustratégies visent à le mettre en œuvre, les discrimi-nations à l’égard des femmes perdurent au Bénin.Ainsi, la vie politique reste largement dominée parles hommes. Cette situation s’explique par une forte résistance au changement, explique BlandineAgossou, au bureau de la coopération suisse à Co-tonou: «Les politiciens, les leaders communautaireset religieux, tout comme les maris n’acceptent tou-jours pas que les femmes aient aussi leur mot à diredans les décisions qui concernent la communauté.»Un travail de sensibilisation des hommes est néces-saire pour abattre cette barrière. Dans le cadre d’un projet qui vise à réduire les inégalités de genre au niveau national, la DDC sou-tient depuis 2008 le renforcement de la participa-tion féminine aux instances de décision. À cette fin,elle collabore avec des consortiums d’ONG fémi-nistes. «Généralement, les partis vont chercher à ladernière minute des dames d’un certain âge et lesajoutent au bas de leurs listes, si bien qu’elles n’ontaucune chance d’être élues », déplore BlandineAgossou. C’est pourquoi la phase actuelle du pro-jet met l’accent sur les jeunes filles. Le but est de

Pour réduire les discriminations à l’égard des femmes au Bénin, les hommes sont également sensibilisés au problèmede l’inégalité des sexes.

former dès maintenant la nouvelle génération de po-liticiennes. «Ainsi préparées, elles pourront militerau sein des partis bien avant les prochaines électionscommunales, prévues pour 2020. Elles seront déjàpolitiquement engagées au moment de se portercandidates.» Environ 240 jeunes filles et femmes de-vraient suivre cette formation.

Les élues font du lobbyingPar ailleurs, la DDC soutient l’association que lesconseillères communales de trois départements(Borgou, Alibori et Collines) ont constituée au len-demain de leur élection en 2008. Les élues ont ain-si pu réaliser des microprojets, par exemple pourpromouvoir la scolarisation des filles. «Par le biaisde ces petites actions, les nouvelles conseillères sesont fait connaître dans la communauté et ont in-cité d’autres villageoises à les rejoindre», note Blan-dine Agossou. L’association a également plaidé au-près des partis pour qu’ils placent des femmes dansles premiers rangs de leurs listes. Ce lobbying s’estavéré payant lors des élections communales de 2015:sur un total de 65 femmes élues à travers le pays, 22l’ont été dans ces trois départements. n

Vaincre la résistance au changementDepuis le début de la décentralisation au Bénin en 2003, le tauxde femmes élues dans les conseils communaux n’a jamais dépassé 4,5%. La DDC soutient les efforts visant à renforcerleur présence dans les instances politiques. Elle finance notamment l’association des élues locales dans les trois départements où se concentrent ses activités.

Présence féminine clairsemée Les femmes sont sous-représentées dans les organes politiques duBénin et cela à tous les niveaux. Elles ne sont quetrois à siéger au gouverne-ment sur un total de 21ministres (soit 14%) et sept sur les 83 députés auParlement (8,4%) – c’estmême une de moins quedurant la précédente légis-lature. Par ailleurs, seulscinq partis politiques sur124 sont dirigés par desfemmes. Ces dernièressont encore moins visiblesdans les collectivités loca-les : sur les 1435 membresdes conseils communauxélus en 2015, on ne compteque 65 conseillères (4,5%).La domination masculinesur les mairies est quasi totale : deux femmesseulement figurent parmiles 77 maires du pays.

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David Bathgate/Redux/laif

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Faits et chiffres

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Les discriminations entre hommes et femmes dans le monde en 2014, selon le Sigi L’indicateur « Institutions sociales et égalité femme-homme» (Sigi) de l’OCDE mesure les « institutions sociales discriminantes». Ceterme regroupe les normes sociales, les pratiques et les lois formelles ou informelles qui restreignent les droits des femmes et desfilles. Le Sigi, soutenu par la DDC, couvre cinq dimensions : les discriminations au sein du code de la famille, les atteintes à l’intégritéphysique, la préférence pour les garçons, l’accès restreint aux ressources et les atteintes aux libertés civiles. L’édition 2014 classe108 pays. Le niveau de discrimination est très bas dans seize d’entre eux – dont neuf se trouvent en Europe et six en Amérique latine.Il est très élevé dans 17 autres pays, dont quatorze africains. www.genderindex.org

Chiffres clés • Plus de 70% des personnes vivant actuellement dans une

pauvreté extrême sont des femmes.• Dans les pays en développement, les femmes consacrent en

moyenne 4 heures 30 minutes par jour au travail domestiquenon rémunéré, contre 1 heure 20 minutes pour les hommes.

• En Afrique subsaharienne, les pertes économiques dues aux disparités entre les genres atteignent en moyenne 95 milliards de dollars par an.

• Environ 133 millions de filles et de femmes vivant actuelle-ment ont subi des mutilations génitales.

• Les femmes gagnent en moyenne 24% de moins que les hommes pour un travail de valeur égale. Si les progrès ne s’accélèrent pas, il faudra attendre l’année 2186, soit 169 ans, pour combler l’écart salarial entre les sexes.

Documents de référenceONU Femmes : Le progrès des femmes dans le monde 2015-2016 – Transformer les économies, réaliser les droits

OIT : Les femmes au travail – Tendances 2016

UNFPA: À l’abri dans la tourmente – Un programme porteur dechangement pour les femmes et les filles d’un monde en crise,État de la population mondiale 2015

PNUD: Rapport sur le développement humain en Afrique 2016 – Accélérer les progrès en faveur de l’égalité des genres et de l’autonomisation des femmes

Groupe de réflexion de haut niveau sur l’autonomisation écono-mique des femmes : Leave no one behind, septembre 2016

très bas

bas

moyen

élevé

très élevé

pays non classés

Citation«La parité hommes-femmes est un atout pour l’économie : elle accroît la productivité et améliored’autres résultats du développement, notammentles perspectives d’avenir de la génération suivanteainsi que la qualité des politiques et des institutionsde la société. »Robert B. Zoellick, président du Groupe de laBanque mondiale

Source : Centre de développement de l’OCDE

Niveau de discrimination :

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Volker Pabst

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Comme chaque jour, une foule se presse devantl’entrée A1 de l’aéroport de Katmandou. Beaucoupportent le tika, marque colorée que les hindous ar-borent sur le front lors d’occasions spéciales. Pas detrace, en revanche, de touristes parés pour la ran-donnée. Ces voyageurs ne sont pas là pour le plai-sir. Quelque 2000 personnes en moyenne s’envo-lent de Katmandou chaque jour pour aller gagnerleur vie à l’étranger. Ce nombre conséquent a jus-tifié la construction d’un terminal spécial.

Enfin un peu de temps avec son fils Samridh Shrestha est de bonne humeur. Il vient depasser des vacances prolongées dans son village na-tal au sud du Népal et a donc enfin pu consacrer dutemps à son fils âgé de quinze mois. Il est triste dedevoir repartir, bien sûr, mais aime son travail chezun marbrier à Dubaï. En tant que chef comptable,il jouit de certains privilèges, comme un voyage deretour payé tous les douze mois. Et puis, au besoin,il gagne suffisamment pour revenir entre-temps aupays à ses propres frais.Ce n’est pas l’épanouissement professionnel que re-cherche, pour sa part, Surinder Mahato à l’étranger.En cela, il est plus représentatif du phénomène demigration massive que connaît le Népal. Il était pay-san auparavant, mais ne gagnait pas suffisamment :« J’ai à ma charge mes deux fils, ma femme et mesparents. De plus, ma sœur est en âge de se marieret, sans dot, elle n’a aucune chance de trouver unbon parti ! » À part lui, personne n’a un revenu ré-gulier. C’est pourquoi il rejoint pour la deuxièmefois déjà la Malaisie, où il travaillera durant trois ansdans une fabrique de meubles. Aucun retour au paysn’est prévu pendant cette période.

Sans les envois de fonds, rien n’irait plusPeu de pays sont aussi dépendants que le Népal desenvois de fonds effectués par les migrants. Selon lesdonnées publiées par la Banque mondiale, ces fondsreprésentaient plus de 32% du produit intérieurbrut népalais en 2015. Seuls le Tadjikistan et le Li-béria présentent des taux comparables. Dans nombrede régions du pays, une famille sur sept compte unmembre vivant à l’étranger.

L’aéroport de Katmandou a construit un terminal spécialpour absorber le trafic des travailleurs migrants.

Les migrants sont issus de l’ensemble du pays, maisla plupart viennent du Terraï, région de plaines àforte densité démographique, située au sud. La pres-sion exercée sur les ressources y est à son comble etle système de castes particulièrement rigide. Sansdoute du fait de la discrimination généralisée, l’ac-cès au marché du travail, déjà semé d’embûches pourla population en général, est encore plus difficilepour les habitants des plaines.Quelle que soit leur origine ethnique, il est plus fa-cile pour la plupart des Népalais de province de décrocher un emploi dans les pays du Golfe ou enMalaisie qu’à Katmandou. Sans relations avec lesélites urbaines, membres des castes supérieures quidominent la vie économique et politique du pays,il est quasi impossible de s’établir dans la capitale.

Émigrer pour nourrir sa famillePeu de pays sont aussi dépendants que le Népal des envois defonds effectués par les migrants. Or, si l’exode de main-d’œuvreest devenu un facteur économique non négligeable que le gou-vernement s’évertue à réguler au mieux, il n’est pas sans risquepour les émigrés eux-mêmes. De Volker Pabst, à Katmandou.

Controverse autour de la ConstitutionSi les protestations sesont calmées entre-temps,le problème reste entier.Dans les plaines du sud, lanouvelle Constitution fédé-rale entrée en vigueur enseptembre 2015 a donnélieu à de graves affronte-ments qui ont fait des di-zaines de morts. La fron-tière avec l’Inde est restéebloquée durant plusieursmois. Aux yeux des habi-tants, le texte consacrait lasuprématie des régions demontagne. Le point le pluscontroversé, toutefois, aété le redécoupage desfrontières entre les nou-velles provinces fédérales.Le premier ministre com-muniste, K.P. Sharma Oli,avait tenté politiquementde mettre fin aux protesta-tions, creusant encore lefossé qui sépare les ré-gions montagneuses decelles du Terraï (et del’Inde). Son successeurmaoïste, Pushpa KamalDahal, qui a accédé aupouvoir en août derniergrâce au soutien des par-tis du Terraï, a pour sapart promis une révisionrapide. Rien ne semble,néanmoins, bouger pourl’instant.

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Volker Pabst (2)

Un seul monde No1 / Mars 2017

Népal

Le Népal en bref

Nom completRépublique démocratiquefédérale du Népal

CapitaleKatmandou (1,7 milliond’habitants)

Superficie147181 km2

PopulationEnviron 30 millions d’habi-tants, dont plus de la moi-tié ont moins de 25 ans

EthniesEnviron cent groupes ethniques d’ascendanceindo-aryenne et tibéto-birmane

LanguesNépali, plus une cinquan-taine de langues minori-taires et de dialectes

Religion80% d’hindous9% de bouddhistes4% de musulmans3,1% de kirats1,4% de chrétiens2,5% d’autres

De plus, l’anonymat qu’offre un travail à l’étrangerpermet aux Népalais d’accepter des postes qu’ils dé-clineraient dans leur pays pour des questions de sta-tut social. Il est ainsi fréquent que des membres descastes supérieures accomplissent un travail manuelà l’étranger. Au Népal, la situation est paradoxale : malgré unchômage généralisé et des salaires relativement at-trayants, on manque de main-d’œuvre dans le sec-teur du bâtiment. À l’étranger également, la plupart

des travailleurs migrants rêvent d’un emploi presti-gieux au sein de l’administration ou au moins dansl’artisanat.

Promesses non tenuesÀ son arrivée en Malaisie, la première déception vé-cue par Barat Sarki a été de découvrir que son tra-vail ne consisterait pas à fabriquer des meubles,comme le lui avait assuré l’agence de placement,mais à transporter de lourdes billes de bois. Ladeuxième a été de gagner à peine la moitié des 1200ringgits malais (275 francs environ) promis. Pour ré-cupérer son passeport, il aurait dû verser 6000 ring-gits à son employeur, à titre de dédommagementpour les dépenses encourues. Or, il n’avait pas d’argent, seulement des dettes.L’agence de placement avait déjà encaissé l’équiva-lent de 1800 francs, somme qu’un prêteur sur gageavait avancée contre le dépôt par sa belle-sœur detout l’or reçu à son mariage. Piégé, Barat a décidéde partir sans ses documents. Peu après, il a été ren-versé par une moto et a dû être hospitalisé. Il a puêtre rapatrié avec l’aide d’une ONG locale et de

Deux histoires différentes : Barat Sarki (à gauche) a atterri dans un foyer destiné aux anciens migrants sans ressources ;Smaridh Shrestha travaille depuis plusieurs années chez un marbrier à Dubaï.

lais meurent chaque année à l’étranger, générale-ment faute de mesures de sécurité adéquates. Quantaux femmes, qui forment 5% de la diaspora népa-laise selon les chiffres officiels et travaillent le plussouvent comme employées de maison, elles sont ex-posées aux abus sexuels. La demande de postes àl’étranger ne s’en trouve toutefois guère affectée,tant l’importance économique de la migration esténorme. Une réduction des flux migratoires ne saurait de cefait constituer une mesure adéquate visant à dimi-nuer les risques. Dans leurs projets, les organismescomme l’Organisation internationale du travail(OIT) et la DDC misent sur une plus grande trans-parence des processus de recrutement. Le gouver-nement népalais œuvre, lui aussi, dans cette direc-tion. Il a ainsi adopté en 2015 une loi prévoyant quel’employeur prenne en charge les coûts de visa etde vol et fixant un plafond de 10000 roupies népa-laises (100 francs suisses) pour les taxes prélevées parles agences de placement. Pour protester contre cette loi sur l’emploi à l’é-tranger, les agences de placement avaient fait grève

l’ambassade du Népal. Barat Sarki habite actuelle-ment à Katmandou, dans un foyer destiné aux an-ciens migrants sans ressources. Lorsque sa jambe seraguérie, il pourra entreprendre le voyage de retourde trois jours dans son village natal à l’ouest du pays.

Davantage de transparence dans le recrutementIl existe de nombreuses histoires de ce type, certainesbien pires encore. Quelque 3000 travailleurs népa-

Népal

Katmandou

Océan Indien

Chine

Bouthan

IndeBangladesh

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L. Moscia/Archivolatino/laif

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À Katmandou, centre politique et économique du Népal, les provinciaux peinent à trouver un emploi.La reconstructionmarque le pasLe passage de l’aide d’urgence à la phase dereconstruction représentetoujours une étape déli-cate. Au Népal, après leséisme du printemps2015, le processus a tou-tefois été particulièrementdifficile. Ainsi, les partispolitiques ont mis desmois à s’accorder sur lacomposition de l’organechargé de coordonner lareconstruction. En l’ab-sence de critères clairsconcernant l’octroi defonds à cette catégorie devictimes, les versementsaux ménages privés ontété plusieurs fois retardés.La plupart des victimesont ainsi financé elles-mêmes les travaux. Placésous une pression consi-dérable, le premier mi-nistre Pushpa KamalDahal a récemment ob-tenu le paiement d’unepremière tranche à un cer-tain nombre de ménagesdésignés, sans toutefoisse coordonner avec lesorganisations d’entraide.Après le deuxième hiverfaisant suite au tremble-ment de terre, la frustra-tion demeure parmi lesdonateurs et les victimes.

durant plusieurs mois. De l’avis du président de l’as-sociation faîtière concernée, ces nouvelles condi-tions ne leur permettent pas de rentabiliser leur ac-tivité. Force est de constater que, dans le cas de phé-nomènes transfrontaliers comme la migration demain-d’œuvre, il est rare que des mesures unilaté-rales portent leurs fruits. Tant que les autorités malaisiennes continueront de prélever des taxes de25000 roupies pour l’établissement d’un permis detravail et que les employeurs du pays ne seront pasdisposés à prendre en charge ces coûts, les agencesdevront répercuter ceux-ci sur les migrants. C’estpourquoi les organismes défendant les droits des tra-vailleurs sont actifs aussi dans les pays hôtes.

Recul du phénomène migratoireLes agences de placement affirment que les nouvellesexigences légales imposées au Népal réduisent lespossibilités de travail pour les Népalais, car les re-cruteurs optent alors pour des pays moins regardants,comme le Bangladesh. Cet argument ne convaincguère au sein de l’OIT et de la DDC. Dans les paysdu Golfe en particulier, les employeurs sont toujoursplus disposés, par souci de leur réputation, à fairedes concessions sur le traitement des travailleurs migrants. Le récent scandale des conditions de tra-vail sur les chantiers de la Coupe du monde de foot-ball, prévue au Qatar en 2022, a réveillé nombre deconsciences. Du point de vue économique aussi, ilvaut mieux que les Népalais travaillent uniquement

chez des employeurs respectant les standards mini-maux. Les risques de fraude s’en trouvent réduits et,même si le nombre de migrants diminue, le totaldes sommes envoyées au pays augmente.Pour la première fois depuis bien longtemps, onconstate à partir de la mi-2015 un recul du nombrede migrants. Il faut en chercher les causes non pastant dans les modifications de la loi népalaise quedans l’évolution de la conjoncture en Malaisie etdans le Golfe : la chute des cours des matières pre-mières s’est lourdement répercutée sur la propen-sion des gouvernements à investir et donc sur les besoins de main-d’œuvre étrangère. Les effets du séisme de début 2015 n’ont, en re-vanche, été que passagers. Si de nombreux tra-vailleurs sont rentrés à court terme pour prendre soinde leur famille et aider à la reconstruction, ils l’ontfait le plus souvent à leurs frais, à la suite de retardsrépétés dans le versement des fonds d’aide. Et beau-coup de familles sont désormais plus dépendantesque jamais des sommes envoyées par leurs prochesde l’étranger. n

(De l’allemand)

*Volker Pabst est correspondant de la «Neue Zürcher Zeitung» pour l’Asie du Sud. Il vit à New Delhi.

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Sur le terrain avec...Diepak Elmer, chef de mission adjoint à l’ambassade de Suisse au Népal

Népal

DDC

Le Népal a accompli des progrès spectaculaires cesdix dernières années, en atteignant par exemple laplupart des Objectifs du Millénaire pour le déve-loppement. Durant la même période, cependant,son gouvernement changeait en moyenne une foispar an – une instabilité qui demeure un obstacleà la bonne marche du pays. Cette situation en-gendre de fréquentes manifestations politiques, lesbandhs, mot népali signifiant « fermé ». Durant unbandh, toute vie semble s’arrêter dans la capitale, ycompris le trafic. Je profite de ces journées parti-culières pour me rendre à l’ambassade à vélo. Letrajet dure alors à peine 20 minutes depuis notremaison située en périphérie de la ville, juste avantque ne se profilent les champs de riz.

Outre mon rôle de chef de mission adjoint, je suisresponsable du programme de coopération de laDDC au Népal, le plus ancien et le plus impor-tant de ce type mené par la Suisse dans le monde.Ce pays est aussi coloré que complexe. Le recen-sement de 2011 a permis d’enregistrer pas moinsde 125 groupes ethniques et castes, avec presque

Élargi, adapté, diversifiéCela va faire soixante ansque la Suisse soutient leNépal. Si elle a au départmis l’accent sur l’assis-tance technique et le dé-veloppement rural, elle aélargi son programmeentre-temps. Car le Népalreste un pays politique-ment et socialement fra-gile, marqué par les inéga-lités entre les sexes ainsiqu’entre les groupes so-ciaux et ethniques. C’estpourquoi les droits del’homme, la bonne gou-vernance, la promotion dela paix et l’égalité consti-tuent aujourd’hui les axesprioritaires de la DDC. Uneattention particulière va aurenforcement des struc-tures politiques et écono-miques locales.www.ddc.admin.ch,«Pays», «Népal»

autant de langues différentes. Même pour nous,habitants de la Suisse pluriculturelle, c’est là uneréalité proprement insaisissable.

Quand je me rends à la campagne pour rendre vi-site à une équipe de projet, ce qui me frappe tou-jours est la cordialité et l’hospitalité infinies qui ca-ractérisent les Népalais. Mes connaissances de lalangue me permettent d’approcher plus facile-ment les gens. Bien plus qu’un lieu de travail, leNépal est ma seconde patrie. Une partie de ma famille a ses racines ici. De proches parents viventdans la vallée de Katmandou. Quant à mon pré-nom, Diepak, il est relativement courant au Né-pal et signifie « lumière ».

Une source d’espoir particulière pour moi est lajeune génération. En effet, il est impossible de nepas voir les énormes progrès accomplis en matiè-re d’éducation et de santé. D’importants proces-sus de développement sont à l’œuvre, qui perdu-

«Bien plus qu’un lieu de travail,le Népal est

ma seconde patrie. »

reront néanmoins sur plusieurs générations. Pas unjour ne passe sans que je sois témoin du dénue-ment absolu. Un quart environ de la populationvit encore sous le seuil de pauvreté. Bien qu’il n’aitplus d’existence officielle, le système des castes res-te prépondérant. Cependant, il perd un peu de sarigidité dans les régions urbaines et chez les jeunesgénérations. Les premières victimes de la discri-mination sont les intouchables ou Dalits, avec les-quels la population évite tout contact physique.Ils accèdent plus difficilement au système éduca-tif ainsi qu’au marché du travail, et sont donc plusconcernés par la précarité. Pour contrer ce phé-nomène, l’ambassade de Suisse s’efforce de reflé-ter au sein de son personnel local la diversité descastes et des ethnies présentes dans le pays.

En 2015, le Népal s’est doté d’une nouvelleConstitution, fondée sur le fédéralisme. Nousavons il y a peu complété notre programme de co-opération de façon à soutenir la transition démo-cratique en cours, en mettant l’accent sur les droitsde l’homme, la décentralisation et la promotionde la paix. Il est capital, pour le développementéconomique et politique du pays, que la transi-tion vers une république fédérale s’effectue paci-fiquement. Je suis heureux de pouvoir contribuerchaque jour, à mon échelle, à la réussite de cettetransition. n

(Propos recueillis par Jens Lundsgaard-Hansen ; de l’allemand)

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Francis Leroy/hemis.fr/laif

Népal

Il y a six ans, un coup de fil du ministère desfemmes, des enfants et des affaires sociales m’a ap-pris que j’étais nommée au sein de la Commissionnationale des femmes. Ce fut une surprise. Le Né-pal se lançait dans une politique résolument inclu-sive. Je suis née dans une famille madheshi musul-mane et pauvre, dans une petite ville proche deNepalganj, très loin de Katmandou. Les Madhe-shis constituent un groupe ethnique peuplant lesplaines du sud, le long de la frontière indienne, etayant toujours été exclu des structuresétatiques. Ils comprennent une com-munauté encore plus marginalisée : lesMadheshis musulmans, qui représen-tent 4,5% de la population népalaise.Mon père avait un petit atelier de me-nuiserie. Lorsque j’étais enfant, les fillesmusulmanes étaient rarement scolari-sées. Mes parents m’ont toutefois en-voyée à l’école publique. Malgré lesdifficultés économiques, j’ai terminé lelycée, tout en tenant la comptabilité demon père. Au début des années 90, j’aiparticipé à de nombreuses activités lo-cales : expositions d’art féminin, projetsculturels ou actions politiques de lajeunesse. J’ai adhéré à Amnesty Inter-national et travaillé en tant que repor-ter lorsque les médias népalais se sontmis à parler davantage des problèmesdes femmes et des enfants.J’ai obtenu mon diplôme de droit àl’université régionale et suis devenue lapremière avocate musulmane du Né-pal. J’ai alors commencé à collaboreravec le conseil du barreau pour assisterjuridiquement les femmes pauvres vic-times de violence. De 2002 à 2010, j’aitravaillé avec des organisations natio-nales et internationales pour préserveret promouvoir les droits des femmesainsi que l’égalité de sexes. J’ai visité des

Je peux témoigner de la violence faite aux femmes régions reculées, où je me suis souvent entretenueavec des paysannes. J’ai donné des cours sur lesquestions de genre et participé à des ateliers ainsiqu’à des séminaires sur les problèmes des femmes.Ma nomination au sein de la Commission desfemmes m’offrait une occasion unique de faireavancer la cause féminine au niveau national.Lorsque j’ai accepté ce poste, j’ignorais tout des défis qui m’attendaient, en particulier celui d’êtreconfrontée à la bureaucratie gouvernementale, do-

minée par les hommes de la caste su-périeure.Plusieurs tentatives ont été menéespour saper mon travail et me décou-rager. J’ai enquêté sur des cas de vio-lence envers les femmes et défendu lesvictimes, même lorsqu’il s’agissaitd’épouses d’officiers de police ou demembres haut placés de l’administra-tion. En travaillant dur, je suis toujoursparvenue à surmonter les difficultés.J’ai aussi utilisé les médias pour parlerde mon travail et sensibiliser l’opinionpublique aux problèmes des femmes.J’ai ainsi mis sur pied un réseau de sou-tien avec les groupes de femmes lesplus défavorisées et les plus vulné-rables. J’ai également fait davantageconnaître la Commission des femmeset souligné son rôle actif au service decelles-ci, tant sur le plan politiquequ’en matière de promotion et de pla-nification. Au terme de ce mandat en2014, le gouvernement m’a nomméepour six ans au sein de l’organe consti-tutif de la Commission nationale desdroits de l’homme, dont je suis à pré-sent membre.En considérant ces quinze années detravail en faveur des femmes, je suisfière d’avoir relevé nombre de défis etd’avoir amélioré la vie de ces dernières

en défendant leur cause et en réalisant des pro-grammes ainsi que des réformes politiques et lé-gales. Lorsque j’étais à la Commission nationale desfemmes, j’ai enquêté sur plusieurs cas de violence,aidé les victimes à obtenir justice et contribué àmettre fin à la culture de l’impunité. L’ampleur dela violence sexiste me renforce dans ma volontéd’œuvrer pour la justice et l’égalité des sexes. Il ya encore fort à faire au Népal pour améliorer la situation des femmes et des filles. n

(De l’anglais)

Mohna Ansari vit et tra-

vaille à Katmandou. Elle est

avocate et membre de la

Commission nationale

népalaise des droits de

l’homme. Elle aime passer

du temps avec des

Népalaises engagées et

des jeunes qui aident les

femmes, notamment les

victimes d’attaques à

l’acide. Pendant son temps

libre, Mohna Ansari parti-

cipe au lancement de livres

et s’engage pour la préser-

vation d’instruments de

musique traditionnels.

Elle jardine, lit, rédige des

articles et joue avec ses

enfants.

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Ministry of Health of Poland/Marcin Zieba

DD

C

Un seul monde No1 / Mars 2017

DDC (2)

Mieux prendre soin des personnes âgées et handicapées

En Pologne, les personnes âgées ou en situation de handicapvivent en général dans des foyers. Pour améliorer leur prise encharge, la DDC applique à travers quatre projets pilotes de nou-velles approches qui associent soins, santé et qualité de vie.Les résultats infléchissent déjà le système de santé publique.

L’argent est destiné auxrégions fragilesLe financement des quatreprojets en Pologne provientde la contribution suisse àl’élargissement de l’UE.Cofinancée à raison de15% par l’État polonais,leur mise en œuvre in-combe aux services régio-naux des affaires sociales.Les 58 projets de la DDC et du Seco en Pologne forment le plus grand pro-gramme bilatéral de coopé-ration que la Suisse ait jamais soutenu. Sur unbudget total de 489 millionsde francs, environ 40% sontalloués aux quatre régionsstructurellement faibles dusud-est du pays.

( jlh) La DDC améliore la santé et la qualité de vieen Pologne des personnes âgées ou en situation dehandicap, ainsi que des jeunes éprouvant des diffi-cultés particulières. Elle travaille au sein de 43foyers, situés dans quatre régions économiquementfaibles. Actuellement, seul un tiers des pension-naires bénéficient de thérapies d’occupation et de réadaptation. On observe une certaine tendance à« parquer » les gens dans des institutions, note Sophie Delessert, chargée de projet auprès de laDDC.Si les gens demeurent au contraire actifs et parti-cipent à une vie sociale à l’intérieur du home etau-delà, ils restent plus longtemps en bonne san-té, se sentent appréciés et respectés. « Il s’agit d’amé-liorer la relation entre patient et personnel soi-gnant », relève Erika Placella, spécialiste de la DDCen santé publique. «Les soins passent par le dialogueet le respect. » Trois points figurent au premierplan : développer l’infrastructure selon les normesde l’Union européenne (installer des ascenseurs etacheter des fauteuils roulants par exemple), assu-rer la formation initiale et continue du personnelafin d’accroître la qualité des soins et développerles activités d’animation dans les institutions.

Décentraliser les soinsLes projets prendront fin en même temps que lacontribution de la Suisse à l’élargissement de l’UE,c’est-à-dire cette année. «Les approches innovan-tes, comme celle qui associe services sociaux et mé-dicaux, ont reçu un écho très positif auprès des patients, de leurs proches et du personnel », sou-ligne Sophie Delessert. Nombre d’entre elles se-ront donc intégrées officiellement dans le systèmenational de soins pour les foyers.En parallèle, il importe de promouvoir les servicesde soins décentralisés, pour que les personnes âgéesencore alertes ou celles souffrant de handicaps lé-gers puissent vivre chez elles. «Leur maintien à domicile s’impose notamment pour des raisons financières», souligne Erika Placella. «Compte tenudu vieillissement de la population, il ne sera guèrepossible de financer une prise en charge des personnes âgées si elle est axée uniquement sur leshomes. » Les quatre projets de la DDC ont dès lorsesquissé des solutions qui pourraient conduire àune diversification et à une décentralisation dessoins. n

(De l’allemand)

Dans les foyers, la DDC développe l’infrastructure et améliore la prise en charge des patients.

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Coopi

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#BringBackOurGirlsEn 2014, le hashtag#BringBackOurGirls fait letour du monde. C’est l’ap-pel désespéré lancé surTwitter par des activistesnigérians pour attirer l’at-tention de la communautéinternationale sur l’enlève-ment de 276 lycéenneschrétiennes d’une école deChibok, au nord-est duNigeria. Dans la nuit du 14au 15 avril 2014, un com-mando de Boko Haram a fait irruption dans lecollège, arraché les filles àleur sommeil, les a char-gées sur des camionnetteset a disparu en direction dela forêt de Sambisa, bas-tion des djihadistes. Les fil-les se sont évaporées dansla nature. En octobre der-nier, près de 200 lycéen-nes étaient toujours sé-questrées. Le groupeterroriste diffuse régulière-ment des vidéos de sesotages.

( lb) « Je me suis souvent demandé où ils trouvaientla force d’aller de l’avant », raconte Marzia Viglia-roni. La cheffe de mission de l’ONG italienne Coopération internationale (Coopi) au Niger faitréférence aux centaines de milliers de déplacés in-ternes et de réfugiés qui ont fui la terreur imposéepar l’organisation djihadiste Boko Haram. « Ils onttout perdu: leurs maisons ont été brûlées, leurs pro-ches égorgés et leurs animaux massacrés. Pourtant,ils continuent d’avancer. » Coopi œuvre dans lescamps de réfugiés et les campements informels quiont vu le jour près de Diffa, au sud-est du Niger. Au-delà de l’intervention humanitaire classique,l’ONG apporte une aide psychosociale à la com-munauté locale. Les personnes déplacées ont unénorme besoin d’exorciser les atrocités qu’elles ontvécues. «Les premiers dessins réalisés par les enfantsm’ont fortement marquée», se souvient Marzia Vigliaroni. «Ces jeunes déplacés n’employaient quele rouge et le noir, les couleurs de la mort et dusang qu’ils avaient vues partout. Ils dessinaient lestêtes coupées d’un côté, les corps de l’autre, ainsique les couteaux incurvés utilisés pour la décapita-tion. »

Fuir Boko HaramLes premières attaques de Boko Haram remontent

à 2009. Elles se concentraient surtout sur l’État deBorno, au nord-est du Nigeria. Depuis 2013, leconflit s’est étendu à toute la région qui entoure lelac Tchad. Le Haut Commissariat des NationsUnies pour les réfugiés (HCR) y enregistrait, finmai 2016, plus de 2,7 millions de personnes dé-placées. La plupart ont trouvé refuge au sein des commu-nautés locales, dans des abris de fortune faits de paille, de tôle, de textile ou de plastique. «Dans larégion de Diffa, les campements informels se si-tuent le long de la route nationale 1 qui longe lafrontière avec le Nigeria », explique Rudolf Krebs,responsable du programme humanitaire régional dela DDC au Sahel. «Les déplacés ne veulent pas serendre dans les camps du HCR, car ceux-ci sonttrop éloignés de la frontière. De jour, ils sont nom-breux à retourner au Nigeria pour leur travail. »Selon le Bureau de coordination des affaires hu-manitaires de l’ONU, quelque 280000 personnesétaient en fuite dans la seule région de Diffa, finjuin 2016. Il s’agit de déplacés internes, de citoyensdu Niger qui sont rentrés après avoir vécu au Ni-geria ainsi que de réfugiés en provenance d’autresÉtats voisins. Près de 80% d’entre eux vivent chezdes membres de la famille et des amis ou sont ac-cueillis par les communautés locales. Celles-ci sont

Le mouvement fondamentaliste nigérian Boko Haram a mis àfeu et à sang toute la zone qui entoure le lac Tchad. Plus de 280000 personnes ont fui les violences rien que dans la régionde Diffa, au Niger. Une ONG italienne, soutenue par la DDC, aideles victimes du conflit à surmonter leurs traumatismes et à redonner du sens à leur vie.

Fuyant Boko Haram, des personnes déplacées ont mis en place spontanément des camps de réfugiés.

Plus fort que la terreur

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Coopi

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déjà durement touchées par les sécheresses et lesinondations récurrentes, le changement climatiqueet la désertification. Pour rappel, le Niger est le paysle plus pauvre du monde. Dans la zone de Diffa,plus d’un demi-million de personnes dépendent desacteurs humanitaires, qui interviennent dans un environnement extrêmement isolé, semi-déserti-que et dangereux.

Reconstruire le quotidienL’assistance humanitaire classique ne suffit pas. Par-

Des activités de loisirs, comme le sport, aident à surmonter les traumatismes.

mi ceux qui ont échappé à la barbarie de l’organi-sation djihadiste, beaucoup présentent des troublesmentaux. «Nous observons en particulier les pa-thologies suivantes : dépression, anxiété, stress post-traumatique, phobies, apathie et angoisse », indiqueMarzia Vigliaroni. Coopi fournit une assistancepsychosociale. Elle aide les victimes à surmonterleurs traumatismes, à retrouver un équilibre et à re-construire leur vie quotidienne. Les enfants, les ado-lescents et les femmes figurent au centre du projet.Les premiers profitent, une fois par semaine, d’ac-tivités récréatives : jeux, chant, danse, sport ou dessin. Les plus traumatisés bénéficient égalementd’une aide psychologique. Tous jouent, plaisantent,courent après un ballon et fréquentent l’une descinquante écoles d’urgence qui ont été créées parCoopi dans la région. Les adolescents suivent, eux, des cours d’alphabéti-sation. Quarante étudiants nigérians ont, par ail-leurs, passé l’examen d’État grâce à un programmeà distance. «Nous construisons l’avenir des nou-

Crise dans la région du lac Tchad«Des millions de person-nes sont confrontées à lafaim, à la guerre et à d’hor-ribles violations des droitsde l’homme dans le bassindu lac Tchad. C’est l’unedes pires crises humanitai-res du monde», a rappeléen septembre dernier JanEliasson, vice-secrétairegénéral des Nations Unies.Selon le HCR, plus de 9 millions de personnesont un besoin urgent d’aidehumanitaire et 6,3 millionssouffrent de la faim. Dansun rapport intitulé Childrenon the move, children leftbehind, l’Unicef évalue àplus de 1,4 million le nom-bre d’enfants déplacés età un million au moins ceuxqui sont piégés dans les zones contrôlées par BokoHaram. Depuis 2014, legroupe terroriste a commis86 attentats-suicides enutilisant des mineurs.

velles générations », relève Mme Vigliaroni. «S’ilstrouvent un travail et parviennent à donner un sensà leur vie, il y a de bonnes chances pour que lesgarçons ne soient pas recrutés par Boko Haram etque les filles ne finissent pas dans le milieu de la prostitution. »

Briser la spirale de la violenceAu Niger, une grande partie de la population as-socie les troubles mentaux à un quelconque sorti-lège ou à un mauvais œil qui disparaît avec l’aide

d’un guérisseur ou d’un sorcier. Les médecins eux-mêmes ne sont pas correctement formés pour iden-tifier ces maladies. C’est pourquoi Coopi formeégalement les infirmiers et les enseignants afin qu’ilspuissent en reconnaître les symptômes. «Six psy-chologues sensibilisent la communauté aux causeset aux manifestations des troubles mentaux. À la finde la rencontre, ils se mettent à disposition pour desconsultations individuelles », explique la cheffe demission au Niger. Les gens veulent aller de l’avantet luttent pour un avenir meilleur. «Nous devonsbriser la spirale de la violence», souligne RudolfKrebs. Et de conclure : «Le soutien psychosocial estessentiel pour que les hommes, les femmes et lesenfants ne cultivent pas en eux le désir de ven-geance, mais celui de reconstruire leur vie. » n

(De l’italien)

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Kainaz Amaria/NYT/Redux/laif

Jason Florio/MOAS

Pep Bonet/Noor/laif

DDC interne

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tion à un mode de vie plussain. À cette fin, elle collaboreavec les communautés et lesautorités locales.Durée du projet : 2016-2020Volume: 4,53 millions CHF

Formation des conseils municipaux en Macédoine(scwau) Poursuivant son pro-cessus de décentralisation, laMacédoine a transféré, depuis2001, de nombreuses compé-tences aux communes. Lesconseillers municipaux man-quent, cependant, de connais-sances et d’informations. Enoutre, ils ne sont pas suffisam-ment indépendants du gouver-nement. Pour renforcer le rôlede surveillance et de représen-tation de ces élus, la DDC leurpropose des formations spéci-fiques et des programmesd’apprentissage par des pairs.Les exécutifs locaux se révè-lent dès lors plus efficaces etmieux armés pour que leursactions ainsi que leurs bud-gets répondent aux besoinsdes citoyens.Durée du projet : 2016-2020Volume: 4 millions CHF

Partage d’expertise dans la santé (dey) L’initiative de coopéra-tion «Ensemble pour une soli-darité thérapeutique hospita-lière en réseau» (Esther) vise àrenforcer les systèmes desanté des États à revenu faibleet intermédiaire. Elle coupleles hôpitaux et les instituts derecherche suisses avec desétablissements de même type

Renforcement du Croissant-Rouge tunisien (bm) Assister les populationsde montagne affectées par lefroid de l’hiver ou les milliersde réfugiés et de migrants venant de Libye sont deuxexemples d’interventions duCroissant-Rouge tunisien(CRT). Cette organisation cari-tative est devenue la plus im-portante de la société civile tunisienne. Pour qu’elle puissefonctionner comme un acteurmoderne, professionnel et effi-cace, la DDC l’aide à renforcerses capacités. Elle développeles compétences techniqueset interpersonnelles des colla-borateurs, promeut unemeilleure représentation desfemmes ainsi que des jeunesau niveau décisionnel et faitreconnaître le rôle du CRT parles autorités nationales.Durée du projet : 2016-2018Volume: 1,1 million CHF

Améliorer la santé enMoldavie(dce) En Moldavie, 26% de lapopulation meurt avant l’âgede 70 ans de maladies nontransmissibles, telles que lediabète, le cancer et les affec-tions cardiovasculaires ou res-piratoires aiguës. Ce taux serévèle trois fois plus élevéqu’en Suisse. En cause : laqualité de vie très faible desmalades et un système desanté peu efficace, car celui-ciest orienté davantage vers les traitements que vers la pré-vention. Pour remédier à cesmaux, la DDC coordonne lessoins avec les services so-ciaux et sensibilise la popula-

dans les pays en développe-ment. L’idée est que ces insti-tutions puissent échangerleurs expériences et leur ex-pertise, afin d’en tirer un béné-fice mutuel. Le projet seconcentre en particulier sur lasanté sexuelle et reproductive,y compris le sida. Durée du projet : 2016-2019Volume: 1,45 million CHF

Contribution à ONU-Eau(dey) «Garantir l’accès de tousà l’eau et à l’assainissement etassurer une gestion durabledes ressources en eau» d’ici à 2030 : tel est le sixièmeObjectif de développementdurable (ODD) porté parl’ONU. Pour atteindre ce but

ambitieux, ONU-Eau a pourmission d’unifier les actions etles initiatives relatives à l’eauainsi que l’assainissement desdifférentes agences onu-siennes. La DDC aide cet or-gane à renforcer son efficacitéinstitutionnelle et opération-nelle, afin qu’il puisse jouer unrôle moteur de coordinationdans la mise en œuvre et lesuivi du sixième ODD.Durée du projet : 2016-2020Volume: 2,5 millions CHF

Sauvetage des naufragés en Méditerranée (mpe) L’organisation non gouvernementale MigrantOffshore Aid Station (MOAS)sauve de la noyade un maxi-mum de personnes qui tententde rejoindre l’Occident depuisles côtes libyennes. Son navire de sauvetage, baptisé

Phoenix, est équipé des ins-truments les plus performants,tels des drones hélicoptèresdotés de caméras capables derepérer la moindre embarca-tion à la dérive. En un an etdemi, ce sont quelque 26500personnes qui ont été sauvéesd’une mort quasi certaine. LaDDC a été la première organi-sation étatique à soutenir letravail de MOAS.Durée du projet : 2016Volume: 250000 CHF

Aide à Haïti après l’ouraganMatthew(ung) Le 4 octobre dernier, des vents mesurés à plus de250 km/h se sont abattus surle sud-ouest d’Haïti, causantd’importants dégâts et faisantdes centaines de victimes. LaDDC a envoyé plusieurs déta-chements du Corps suissed’aide humanitaire. Durant unmois, les experts suisses ontfourni de l’eau potable et dumatériel pour des abris d’ur-gence dans la région de Port-Salut, où les besoins sont lesplus importants. La DDC aidedésormais Haïti, pays qui figure parmi ses priorités, à se remettre progressivementdu passage de l’ouraganMatthew. Ses équipes dé-blaient les routes et les par-celles agricoles pour relancerl’économie dans les zones détruites. Elles reconstruisentégalement les écoles. Durée du projet : octobre2016-février 2017Volume: 4 millions CHF

DDC

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Georgios Kefalas/Keystone

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Les premiers pas vers un monde meilleurAprès avoir adopté en septembre 2015 l’Agenda 2030 de l’ONUpour le développement durable, les pays signataires doivent dé-finir les mesures à prendre pour mettre en œuvre ce texte. EnSuisse, un rapport sera présenté au Conseil fédéral d’ici à2018. Certaines ONG souhaitent accélérer le rythme et impli-quer l’ensemble des acteurs dans le processus. Par Luca Beti.

Les objectifs sont connus, mais il faut définir unefeuille de route. C’est, en résumé, ce sur quoiplanche la Suisse en ce moment. «Nous voulonsrassembler tous les morceaux du puzzle et identi-fier dans quels domaines il y a des pièces man-quantes », explique Andrea Ries, chargée à la DDCde coordonner la mise en œuvre de l’Agenda 2030de développement durable. Le document, adopté en septembre 2015 par 193chefs d’État et de gouvernement, rassemble lesObjectifs du Millénaire pour le développement etl’Agenda de Rio. Avec 17 Objectifs de dévelop-pement durable (ODD) et 169 sous-objectifs, ilveut léguer un monde meilleur aux générationsfutures d’ici à 2030. Il s’agit, par exemple, d’éli-miner toutes les formes de pauvreté, de mettre finà la famine, de réduire les inégalités, de sauvegar-

der les écosystèmes, d’exploiter les ressourcesd’une manière durable et de promouvoir la paix.Autant les pays du Sud que ceux du Nord doi-vent s’y atteler.

Deux ans pour déterminer la routeLa Suisse entend apporter sa contribution. Aprèsavoir joué un rôle clé dans la formulation del’Agenda 2030, elle souhaite désormais promou-voir sa mise en œuvre au niveau national et, dansle même temps, définir sa participation sur le planinternational. Dans le cadre d’un processus inter-départemental dirigé par la DDC et l’Office fédé-ral du développement territorial, un groupe de tra-vail déterminera quelles mesures doivent êtreadoptées pour atteindre les ODD. «Prenons parexemple le sous-objectif 12.3 qui vise à réduire

Préparation de légumes au printemps 2016, à Bâle, pour sensibiliser le public au gaspillage alimentaire : le volume desdéchets en Suisse doit être réduit de moitié par habitant d’ici à 2030.

Suivi des ODDDepuis 2003, le dévelop-pement durable en Suisseest évalué par l’intermé-diaire d’un système d’indi-cateurs dénommé Monet(de l’allemand «Monitoringder Nachhaltigen Entwick-lung»). Aujourd’hui, 73 in-dicateurs mesurent la qua-lité de vie, la répartition desressources ou l’exploita-tion de l’environnement àl’intérieur des frontières na-tionales. À l’avenir, il seranécessaire de les adapterà l’Agenda 2030. Caritasdemande au Conseil fédé-ral de nommer une com-mission extraparlementairepermanente avec le man-dat de promouvoir leséchanges, de formuler desrecommandations et devérifier l’application del’Agenda 2030. AllianceSud promeut avec d’au-tres ONG la création d’uneplate-forme pour la sociétécivile. Il s’agirait d’unesorte de chien de gardeayant pour mission de sur-veiller la mise en œuvredes ODD par la Suisse surson territoire et à l’étranger. www.bfs.admin.ch, «Monet»www.agenda2030.admin.ch

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Moncorge/LookatSciences/laif

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de moitié le gaspillage alimentaire par habitant età diminuer les pertes de nourriture tout au longde la chaîne de production et d’approvisionne-ment. Nous devons nous demander si la Suissedoit adopter un objectif similaire. Chez nous aus-si, un tiers des aliments finissent à la poubelle»,souligne Andrea Ries. D’ici au début de 2018, le groupe de travail de-vra présenter au Conseil fédéral un rapport danslequel seront formulées des recommandations etdes mesures concrètes pour mettre en œuvrel’Agenda 2030. Aux yeux d’Alliance Sud, le dé-lai de deux ans nécessaire à cette mise en route esttrop long. Il est en outre nécessaire d’impliquertous les protagonistes dans ce processus. « Si nousvoulons vraiment trouver les points faibles, lesproblèmes réels et les domaines dans lesquels uneaction est nécessaire, tous les acteurs de la sociétécivile doivent être impliqués. Celle-ci dispose eneffet d’un énorme bagage d’expériences et decompétences », affirme Eva Schmassmann, d’Al-liance Sud. «La Confédération a pour cela créé laplate-forme Dialogue 2030 qui vise à renforcer lacollaboration de tous et à chaque niveau institu-tionnel », explique Andrea Ries. Cet outil en-courage le débat sur la mise en œuvre du déve-loppement durable par la Suisse, que ce soit à tra-vers sa politique nationale ou étrangère.

Pivot de l’Agenda 2030La communauté internationale a assigné un rôlefondamental au domaine privé. «C’est unique-

ment grâce à ce secteur qu’il sera possible de mo-biliser les énormes sommes d’argent nécessaires àla mise en œuvre de l’Agenda 2030 », rappelle Sa-bine Döbeli, directrice de Swiss Sustainable Fi-nance. «Le secteur financier peut être le pivot desObjectifs de développement durable », estime-t-elle. «D’une part, il est capable de mobiliser descapitaux privés au moyen des instruments appro-priés. D’autre part, dans le cadre de ses services, ilpeut sensibiliser les entreprises sur les conditionsde travail et la pollution de l’environnement. »Présente au premier Forum politique de haut ni-veau sur le développement durable de l’ONU, quis’est tenu en septembre dernier, Sabine Döbeli ya perçu un climat général d’euphorie parmi lespays participants. «Malgré les énormes défis, toussemblent motivés à les affronter », relève-t-elle.Selon Eva Schmassmann, il manque toutefois en-core en Suisse une réelle volonté politique. «Legouvernement n’a pas mis à disposition les moyensfinanciers et les outils réglementaires nécessaires àla promotion de l’Agenda 2030 », indique la res-ponsable de la politique de développement d’Al-liance Sud.

Ne pas penser de manière cloisonnéeLa Suisse, petit pays pauvre en matières premières,dépend, dans un monde globalisé, de l’étranger.«Malgré cette interdépendance, nous ne prenonspas en compte les conséquences de nos décisionspolitiques au-delà des frontières nationales », sou-ligne Marianne Hochuli, de Caritas Suisse. «Afind’améliorer la cohérence politique, nous deman-dons au Conseil fédéral de mettre sur pied unecommission d’experts chargée d’évaluer de pos-sibles incompatibilités et conflits d’intérêts avec lesObjectifs du développement durable. Nous de-vons cesser de penser de manière cloisonnée. »Pour l’heure, la Confédération a intégré les ODDdans la stratégie de développement durable 2016-2019 ainsi que dans le message sur la coopérationinternationale 2017-2020. Par ailleurs, depuis2003, le développement durable à l’interne estévalué grâce à un système d’indicateurs nationaux.La Suisse ne part donc pas de zéro, mais n’est pasnon plus proche de la ligne d’arrivée. n

(De l’italien)

Les instituts de recherche de renommée mondiale, telsque le Cern à Genève, constituent un atout pour la Suissedans la mise en œuvre des ODD.

La Suisse, en tête depuis huit ansSelon le rapport du Foruméconomique mondial sur lacompétitivité globale 2016-2017, la Suisse occupe lapremière place du classe-ment mondial en ce quiconcerne l’innovation, lastabilité macroéconomi-que, le système éducatif etles instituts de recherche.Ces atouts peuvent êtreexploités dans le cadre de la mise en œuvre desODD. «Grâce aux compé-tences dont elle disposedans divers domaines, laSuisse a toutes les cartesen main pour devenir unprotagoniste dans la miseen œuvre de l’Agenda2030», estime SabineDöbeli, directrice de SwissSustainable Finance. « Lemonde économique helvé-tique ne doit pas considé-rer les ODD comme unobstacle, mais au contrairecomme une occasion defavoriser l’innovation, la recherche et l’efficacité.Certaines grandes entre-prises ont déjà indiquéquelle pourrait être leurcontribution à la réalisationdes ODD. » www.weforum.org,«Global CompetitivenessReport »

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Tiana Markova-Gold/Redux/laif

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«Le Maroc est la seule marmitetiède de la région. Toutes lesautres sont sur le feu. » C’estainsi qu’un député européen, en visite au Maroc, commentaiten 2013 la situation du pays encomparaison avec celle de sesvoisins, proches et lointains.Dire que la marmite marocaineest « tiède » pouvait signifierqu’elle a été bouillante un mo-ment et qu’elle a refroidi entre-temps ou qu’elle se trouvait dèsle départ à température modé-rée. Lorsque nous faisons le bi-lan cinq ans après les soulève-ments de 2011, la premièrehypothèse paraît plus plausible.Le Maroc subit, en effet, detemps à autre des secousses deplus ou moins forte intensité etfinit, après coup, par retrouverson accalmie habituelle.

Mises à part les manifestationsusuelles et autres émeuteséparses, le Maroc a eu chaud àdeux reprises dernièrement. Le20 février 2011, des manifesta-tions ont eu lieu dans des di-zaines de villes pour exiger plusde liberté et de démocratie no-tamment. La deuxième journéequi s’est révélée agitée fut le 30octobre 2016. Dans la ville d’AlHoceima, au nord du pays, le

vendeur de poisson MouhcineFikri a été broyé par une benneà ordures dans laquelle il a re-joint sa marchandise abusive-ment rejetée par les autorités. Le jeune homme du Rif, peufortuné, a été touché dans sa dignité par un pouvoir abusif,arrogant et corrompu. Unevague d’indignation a immédia-tement déferlé sur les réseaux sociaux et un soulèvementspontané a ébranlé vingt villesdu Maroc.

Comme l’immolation deMohamed Bouazizi en 2011 enTunisie, le décès de MouhcineFikri a suscité la colère dupeuple. Ce dernier est descenduune nouvelle fois dans la ruepour dire non à la hogra, termedésignant l’humiliation et l’abusde pouvoir en arabe dialectalmarocain. L’événement rappelleà quel point l’indignation de-meure terrée et prête à s’expri-mer tant que les injustices poli-tiques et économiques sont demise.

Mais d’où vient ce malaise ré-current ? Qu’est-ce qui permetde maintenir la tiédeur de lamarmite après coup? Commen-çons par ausculter les raisons du

mal-être. Celles-ci se résument,depuis cinq ans, en quelquesdysfonctionnements structurelssouvent énumérés par les cher-cheurs et de temps en tempspointés du doigt par les éditoria-listes. La première raison est lacorruption, ainsi que le main-tien de privilèges indus etd’autres passe-droits qui rendentle simple citoyen désespéré, sansrecours pour accéder à un trai-tement équitable. La deuxièmelui est fortement liée : il s’agit de la propension du système politico-sécuritaire à traiter lessimples gens, démunis ou justesans appui, avec arrogance etparfois avec une violence illégi-time. La troisième est la ten-dance encore répandue à la sou-mission et à la servitudevolontaire. Du coup, lorsque leras-le-bol est à son comble, laréaction n’est plus maîtrisable.La quatrième est la force desgroupements et des discoursidentitaires (islamistes, sahraouisou amazighes) susceptibles, faceà la faiblesse des solutions éco-nomiques, d’alimenter les ten-sions.

Le soufflé finit, pourtant, par retomber pour plusieurs raisonségalement. D’abord, il y a le

sentiment de ne pas être dans unsystème complètement autori-taire et étouffant : c’est davan-tage l’urgence de la réforme quiest recherchée plutôt que l’im-minence de la révolte. Ensuite,le quadrillage et l’encadrementadministratifs facilitent la sur-veillance, non seulement verti-cale, mais sociale. Enfin, la di-versité des leviers de pouvoirpermet de multiplier les voies de sortie possibles pour ceux quigouvernent. Mais est-ce tenablesur la durée ? En tout cas, cetteconfiguration permet au pou-voir de s’adapter rapidementainsi qu’à des franges organiséeset sensibles de la société demaintenir la pression par à-coups.C’est peut être de cette manièreque le Maroc avancera : par à-coups. n

Fragile stabilité au Maroc

Driss Ksikes, né en 1968 àCasablanca, est écrivain etjournaliste. Ancien rédacteur enchef du magazine TelQuel(2001-2006), il est actuellementprofesseur à l'Institut deshautes études de management,à Rabat. Il dirige le centre derecherche de cet établissementet sa revue Economia. DrissKsikes réalise des projets dansle domaine des médias et de laculture, en partenariat avec plu-sieurs laboratoires du Maghrebet de la Méditerranée. Il anime,en outre, des ateliers d’écritureet collabore avec plusieurs publications culturelles.Dramaturge, il est égalementauteur de quelques récits et essais.

Carte blanche

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Jeunes photographes du BangladeshLes jeux de couleurs et de lumières sont le trait commun des images envoyéespar les jeunes photographes bangladais qui ont participé au concours Focuson Culture. Celui-ci a été organisé récemment à Dacca par la DDC et l’am-bassade de Suisse. Les douze photos lauréates offrent des regards fascinantssur la vie et la culture du pays.

«Rôle de la culture et contrastessociaux, entre tradition et mo-dernité » : tel était était le cadrethématique imposé aux jeunesparticipants au concours. Un total de 353 photos a été envoyépar 92 jeunes photographes.Aysha Siddiqua, âgée de 25 ans, figure parmi les lauréats. «La photo est ma passion. Leconcours a constitué une occa-sion unique de faire partager aumonde ma vision créative », explique la photographe ama-teure et étudiante en littératureanglaise. En guise de prix, lesgagnants ont pu exposer leursphotos publiquement et partici-per à un atelier chez le photo-graphe professionnel bangladaisGMB Akash. «Les échanges in-

tensifs avec les autres photo-graphes durant l’atelier m’ontappris davantage, en trois jours,que tout ce que j’avais faitjusque-là », s’enthousiasmeAysha Siddiqua. Pour en savoir plus sur le concours :www.focusonculture.net

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1. Jeux lors du festival Holi ; FH Priok

2. Festival Sakrain (fête de l’hiver) ;

Md. Itmam Akif

3. Vie et culture au Bangladesh ;

Aysha Siddiqua

4. Fillette au festival Holi ; Sazid UL Haque

5. Rakher Upobash (festival religieux

impliquant le jeûne) ; Ziaul Haque Oisharjh

6. Un voile pour cacher mon visage ;

Al Zihad

7. Couleur de la joie au festival Holi ;

Minhajul Abedin

8. Portrait au festival Holi (fête du printemps

hindoue) ; Daud Khan

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9. Train au Bangladesh ; Mohammad Osman Goni

10. Prière ; Shaun Khan

11. Rash Purnima (festival religieux hindou et jaïn) ;

Mohammed Anamul Haque

12. Célébration du festival Ful Bizu (la plus grande fête socioreligieuse

de l’ethnie chakma) ; Malthas Chakma

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Service

La femme du bout du monde(er) Une voix profonde etchaude, mais un peu éraillée,chante ou, mieux, « scatte »,éructe et crie les paroles de ce disque. Cette voix estcelle de la Brésilienne ElzaSoares que la BBC a sacrée « chanteuse du millénaire » en2000. Les morceaux de son 34e album studio sont tout saufgentillets. À 80 ans, l’icône dela samba habille sa musique d’avant-gardisme venu de SãoPaulo pour créer un son fra-cassé, expérimental et « sale ».Les riffs de guitare, souvent

dénaturés mais parfois harmo-nieux, le grondement descuivres, les claquements despercussions et les aspérités duscratch soulignent les textesqu’Elza Soares chante tantôt àgorge déployée, tantôt avec unedouceur onctueuse. Parlant de

répression, d’injustice, des dé-munis, des femmes et des Noirs,les chansons plongent leurs racines dans les favelas où ElzaSoares a grandi. Elles évoquentaussi ses catastrophes relation-nelles, ses problèmes avec l’alcool et sa carrière musicaleen dents de scie. Contée de la sorte, sa vie mouvementée reflète l’histoire de son pays en un chef-d’œuvre unique.Elza Soares : «The Woman AtThe End Of The World » (MaisUm Discos/Indigo)

Fabuleux panachage (er) Aucun risque de s’ennuyeren écoutant cette superbe compilation bien documentée.Elle présente des groupes et des artistes de la scène musicalealternative d’Ukraine, tous pratiquement inconnus dans nos contrées. L’idée du disqueremonte pour l’essentiel aux bouleversements politiques lan-cés il y a trois ans sur la placeMaïdan, à Kiev. Le CDcontient une incroyable variétéstylistique, allant du chaos eth-nique à l’ukrobilly en passantpar le klezmer, le Maïdan reg-gae, le punk, le rock et l’élec-tro. Le timbre des voix pro-fondes des hommes et des voixcristallines des femmes peut être aussi bien coloré, vibrant,puissant et âpre que doux etchaud. Parmi les instruments demusique, mentionnons descordes, des vents, un accor-déon, une cornemuse, unecontrebasse et des percussions.Le disque déroule seize mor-ceaux aux paroles fortes et por-teuses d’espoir, mais aussi deschansons plus douces et nostal-giques qui poussent parfois àchantonner ou à siffloter,d’autre fois à fermer les yeux et à se laisser porter par la mu-sique. Le panachage est si fabu-leux qu’on ne se lasse pas de leréécouter.Divers artistes : «Borsh Division –

Future Sound Of Ukraine »(Trikont/Musikvertrieb)

Chants entre quatre murs(er) Dépourvus de vernis globa-lisant, les quatorze morceaux decet album n’ont pas vu le jourdans un studio sophistiqué. Ilsont été enregistrés en Afriqueaustrale par le Zomba PrisonProject, mené dans une prisonde haute sécurité au Malawi,l’un des pays les plus pauvres du monde. Construit au débutdu 20e siècle pour 340 détenus,l’établissement accueille aujourd’hui 2000 personnes.Quelques-unes d’entre elles –femmes ou hommes de moinsde 20 ans à plus de 60, condam-nés pour meurtre ou pour vol –ont affronté le micro ou empoi-gné une guitare. Chantées surun accompagnement sommaireou a capella, les paroles évo-quent les actes commis et lequotidien carcéral, le plus sou-vent en chichewa, la languematernelle des détenus. À l’étatbrut, avec parfois une impres-sion d’inachevé, ces « chants del’inouï » sont aussi harmonieuxque mélodieux, même s’ils lais-sent parfois transparaître l’hési-tation et la maladresse des ar-tistes. La voix de fausset d’un

L’humanité – objet d’un projet scolaire (bf ) Besoins humanitaires croissants, crises régionaleset internationales, violence, conflits, catastrophes naturelles et situations régionales complexes, tels les déplacements forcés et les migrations : voilà plusieurstypes de défis humanitaires qui appellent des solutionsdurables. Les principes d’humanité, de neutralité etd’indépendance sont à la base de toutes les actionshumanitaires dans le monde. Le projet scolaire et outilpédagogique «Humanity », destiné aux élèves de 13 à 18 ans, invite ceux-ci à se pencher de plus près surces principes fondamentaux. Il vise non seulement à sensibiliser les jeunes, mais aussi à leur fournir les moyens de se forger leur propre opinion. Structuré en modules, cet outil pédagogique peut être appliquédans son ensemble ou pièce par pièce. Les ensei-gnants intéressés ont la possibilité d’obtenir un appuipédagogique gratuit. Le projet comprend aussi deséchanges en direct avec des spécialistes de l’aide humanitaire.Informations complémentaires : http://project-humanity.info/fr

Outil pédagogique

Musique

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Livres

Films

homme et les trilles des femmesportent de manière poignanteleur message commun – « Jen’arrêterai pas de chanter » –par-delà les murs de la prison.Divers artistes : « I Will Not StopSinging – Zomba Prison Project »(Six Degrees/Hoanzl)

Perspective globale(dg) Le programme de la 20e

édition des Filmtage21 présenteune fois de plus de nouveauxfilms qui, accompagnés d’undossier pédagogique, favorisentl’enseignement du développe-ment durable. Cette année, l’accent est mis sur l’environne-ment, la société et l’économie :énergies renouvelables au Dane-mark, au Mali et en Espagne,justice climatique mondiale ainsi

que récit d’une communautéautochtone de Colombie quidoit faire place à une gigan-tesque mine de charbon. Prenonsl’exemple de l’huile de palme,présente dans presque toutes les denrées alimentaires, l’un des films met en évidence desconnexions à l’échelle mondiale.D’autres racontent le quotidiend’Aicha et de ses amis sénégalaisou l’histoire d’Anatole qui a peuà peu apprivoisé son handicappour en tirer avantage. Un der-nier groupe de films est consa-cré aux chances et aux défis dutourisme.Filmtage21, dès le 8 mars à Saint-Gall, Coire, Zurich, Lucerne,Fribourg, Brigue, Bâle et Berne ;programme :www.education21.ch/de/filmtage

Une constellation familialeparticulière(wr) Depuis que leurs parentssont séparés, Sara et sa jeunesœur, Catalina, vivent avec leurmère. Comme pour beaucoupd’adolescentes, leur quotidienest rythmé par l’école, les pe-tites querelles, les premiersémois amoureux, des taquine-ries et les repas en famille. Pourson 13e anniversaire, Sara pré-voit d’organiser une fête chezelle. À l’école, elle entend ce-pendant des questions qui la dé-stabilisent. Car sa mère a quittéson père pour une femme, avecqui elles vivent désormais. Pourson film Rara, la réalisatrice chilienne Pepa San Martin aécrit un scénario d’une légèretéconfondante sur le quotidiend’une jeune fille de 12 ans se trouvant dans une situationqui la confronte sans cesse à desquestions de genre. La mise enscène met l’accent sur le rôle dece qui est invisible : les petitsgestes anodins, les phrases in-achevées et les regards qui mar-quent la vie de tous les jours etpeuvent avoir une grande in-fluence sur celle d’un enfant.Pepa San Martin : «Rara », longmétrage, Chili, 2016 ; DVD ouen ligne ; www.trigon-film.org

Quel est le goût de la patrie?(bf ) Le gens obligés de fuir leurpays doivent le plus souventabandonner sur place toutesleurs possessions matérielles.Leurs bagages culturels sont tou-tefois pleins à craquer, de tradi-tions culinaires par exemple.Issu d’un projet de l’associationzurichoise Solinetz, un livre derecettes inhabituel, La cuisine desréfugiés, invite le lecteur à parta-

ger le repas et le récit de cespersonnes en provenance de différentes régions dumonde : Afghanistan, Érythrée,Guinée, Honduras, Irak,Kurdistan, Liban, Mongolie,Ossétie du Sud, Pérou, Sénégal,Sri Lanka, Syrie, Tibet, Ukraineet Yémen. À travers la prépara-tion des différents plats – dupoisson aux amuse-bouches, dela potée au dessert à base de rizsucré –, les recettes et narrationsoffrent une approche unique deces multiples destins individuels.Elles mettent aussi en lumièretoute la valeur sociale du repasen commun.Séverine Vitali et Ursula Markus:«La cuisine des réfugiés », Helvetiq,Lausanne, 2016

Fuir la guerre(bf ) Pour son travail de diplômeen design axé sur l’illustration àla Haute école spécialisée deLucerne, Francesca Sanna achoisi un sujet complexe et ardupour un livre de jeunesse. Néeen Sardaigne, mais vivant àZurich, la jeune femme de 27ans a voulu adopter le point devue d’un enfant pour raconterl’histoire d’une famille qui fuitla guerre. Cette idée lui est ve-nue lorsqu’elle a rencontré deuxjeunes filles dans un centre pourréfugiés en Italie. Elle s’est en-suite entretenue avec de nom-breux migrants. Le résultat deson travail est un succès total :l’ouvrage de l’illustratrice estnon seulement dense et capti-vant, beau et fouillé, mais sur-prend aussi par sa légèreté et sapertinence. Il lui a valu de rem-porter en 2016 la médaille d’orde la Société des illustrateurs de

New York dans la catégorie«Livre », soit l’équivalent del’Oscar de l’illustration. Francesca Sanna : «Partir – Au-delà des frontières », GallimardJeunesse, Paris, 2016

Trafiquants d’êtres humains(bf ) La détresse des réfugiés quis’échouent par milliers sur lescôtes européennes est une au-baine pour les passeurs, les kid-nappeurs, les contrebandiers etles djihadistes. Les enlèvementssont aussi une source lucrativepour financer le terrorisme, lesvictimes étant le plus souventdes journalistes occidentaux etle personnel des organisationsd’entraide. Journaliste spéciali-sée dans le terrorisme et son fi-nancement, l’Italienne LorettaNapoleoni explore dans sonlivre Marchands d’humains les coulisses de ce juteux trafic.L’ouvrage se fonde sur une séried’entretiens exclusifs avec d’an-ciens otages, des négociateursainsi que des collaborateurs del’ONU et du CICR. Les pro-pos recueillis font apparaître le réseau très professionnel de la traite d’êtres humains, quis’étend d’Afrique occidentale à la Libye et relie la Syrie àl’Europe. Des organisationscomme al-Qaïda et l’État isla-mique mettent ce réseau à pro-fit pour financer leurs activitésterroristes : ceux qui sont àl’origine de la crise des réfugiéssont aussi ceux qui en profitentle plus.Loretta Napoleoni : «Marchandsd’humains – Kidnapping, racketset terrorisme », Calmann-Lévy,Paris, 2016

Les mirages de l’Occidentvus de Yaoundé( jls) Son blues envoûtant et savoix légèrement voilée ont faitconnaître Blick Bassy dans lemonde entier. Mais on décou-vre aujourd’hui que le musiciencamerounais a aussi des talents

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ImpressumUn seul monde paraît quatre fois par année,en français, en allemand et en italien.

Éditeur :Direction du développement et de la coopération (DDC) du Département fédéraldes affaires étrangères (DFAE)

Comité de rédaction :Manuel Sager (responsable)George Farago (coordination globale)Sylvie Dervey, Beat Felber, Barbara Hell,Marie-Noëlle Paccolat, Christina Stucky, Özgür Ünal

Rédaction :Beat Felber (bf – production)Luca Beti (lb), Jens Lundsgaard-Hansen (jlh),

Zélie Schaller (zs), Jane-Lise Schneeberger ( jls),Fabian Urech (fu), Ernst Rieben (er)

Graphisme : Laurent Cocchi, Lausanne

Photolitho et impression :Stämpfli SA, Berne

Reproduction :Les articles peuvent être reproduits, avecmention de la source, à condition que la rédaction ait donné son accord. L’envoi d’un exemplaire à l’éditeur est souhaité.

Abonnements et changements d’adresse :Le magazine peut être obtenu gratuitement(en Suisse seulement) auprès de : Information DFAE, Palais fédéral Ouest, 3003 Berne.

Courriel : [email protected]él. 058 462 44 12Fax 058 464 90 47www.ddc.admin.ch

860215346

Imprimé sur papier blanchi sans chlore pourprotéger l’environnement

Tirage total : 47400

Couverture : Des femmes et des hommesemployés dans une mine de charbon enAfrique du Sud ; Roger Cremers/laif

ISSN 1661-1675

Coup de cœur

Plonger dans l’inconnu

Le court métrage «Parvaneh» de laréalisatrice irano-suisse TalkhonHamzavi a été sélectionné pourl’Oscar du court métrage en 2015.

La poupée que ma tante m’avaitofferte à notre départ de Téhéranest restée dans l’avion. Je l’avaisoubliée. La procédure à la douanea duré une éternité. Souvenirsd’enfant et perception douloureusedu départ, qui est un saut dansl’inconnu. Depuis, j’ai acquis descertitudes : je préfère l’art et le ci-néma, les récits et les images auxchiffres et aux formules. La maisonde ma grand-mère n’existe plus.La Suisse est devenue ma patrie,car nous y sommes si bien. Il estdifficile de trouver des mots pourdécrire ce qui se passe ailleursdans le monde. Est-ce beaucoupplus grave qu’avant ou bien en sa-vons-nous et en voyons-nousbeaucoup plus que naguère ? Lachance et les occasions sont ré-parties de manière inégale entreles gens et les cultures. Si je ne re-cherche pas vraiment ces vibra-tions pour mes films, elles se re-trouvent dans le nouveau longmétrage que je tourne actuelle-ment. Il parlera d’amour, de cou-rage et d’absence de perspec-tives, de la Suisse, de la Syrie etde la Turquie. Une même devises’applique au tournage et aucontenu de ce film : «L’espoir estla dernière chose qui meurt ».

(Propos recueillis par JensLundsgaard-Hansen)

Alexandre Zveiger

Divers

d’écrivain. Un an après la sortiede son troisième album, Akö, ilvient de publier un roman inti-tulé Le Moabi Cinéma. Cette comédie humaine raconte lestribulations de cinq jeunesCamerounais qui rêvent de par-tir vers l’Europe ou les États-Unis. En attendant un hypothé-tique visa, ils tuent le temps àYaoundé en buvant des bières,en draguant et en jouant aufootball. Leur désir d’Occidentse nourrit des témoignages enjo-livés de quelques émigrés quireviennent au pays. Un jour, un membre de la bande, BoumBiboum, s’égare dans la forêt enallant rechercher un ballon. Il ydécouvre un mystérieux moabi,arbre tropical géant, dans lequelest incrusté un écran géant. Lesimages diffusées lui montrent laréalité de la vie en Occident : on y travaille dur, les problèmessont multiples et beaucoup delaissés-pour-compte sont desimmigrés africains. Ce premierroman de Blick Bassy fait unelarge place au « camfranglais »,

un mélange de français et d’an-glais, truffé de mots tirés des 260 langues indigènes parlées au Cameroun.Blick Bassy : «Le Moabi Cinéma»,Gallimard, Paris, 2016

Une voix pour l’humanité(lb) Au cours de son existence,Cornelio Sommaruga a officiel-lement prononcé 1169 discours.En réalité, sans doute un peuplus. Celui qui fut président duComité international de laCroix-Rouge (CICR) de 1987à 1999 a pris la parole pour dé-fendre les plus faibles, la liberté,la justice, le respect et la respon-sabilité, mais également pour dé-noncer les violations répétées du

droit international humanitairedans un monde de plus en plusbelliqueux à la suite de l’effon-drement du Mur de Berlin.Brillant orateur et communica-teur, le polyglotte Sommaruga a fait de la parole l’arme la plusefficace du CICR. La publica-tion Im weltweiten Einsatz fürHumanität présente 18 discoursdans leur langue originale – ita-lien, allemand, français, anglais –et dans leur version intégrale.

Les textes sont introduits par unecontextualisation historico-poli-tique et accompagnés d’un cha-pitre qui résume les thèmes prin-cipaux. En annexe, l’ouvragepropose la liste systématique desquelque 1100 discours queCornelio Sommaruga a pronon-cés en tant que diplomate, prési-dent du CICR et personnalitéprivée. Joseph Jung (éd.) : « Im weltweitenEinsatz für Humanität – CornelioSommaruga», Libro, Zurich, 2016

Des spécialistes du DFAEviennent à vousSouhaitez-vous obtenir des in-formations de première main surla politique étrangère ? Des spé-cialistes du Département fédéraldes affaires étrangères (DFAE)sont à la disposition des écoles,des associations et des institu-tions pour présenter des exposéset animer des débats sur diverssujets de la politique étrangère.Le service de conférences estgratuit. Il n’est toutefois dispo-nible qu’en Suisse et trente personnes au moins doiventprendre part à la manifestation. Informations : Service de conférencesdu DFAE, Information DFAEPalais fédéral Ouest, 3003 Berne ;tél. 058 462 31 53 ; courriel : [email protected]

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«Les femmes et les filles représentent50% de la population mondiale. Je nepense pas qu’il soit trop ambitieux degarantir leurs droits. »Phumzile Mlambo-Ngcuka, page 12

«Plusieurs tentatives ont été menées poursaper mon travail et me décourager. »Mohna Ansari, page 22

« La poupée que ma tante m’avait offerte à notre départ de Téhéran estrestée dans l’avion. Je l’avais oubliée. » Talkhon Hamzavi, page 35

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